République et canton de Genève

Grand Conseil

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RD 1393-A
Rapport de la commission de contrôle de gestion chargée d'étudier le rapport d'activité du Bureau de médiation administrative pour l'année 2020
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 23 et 24 juin 2022.
Rapport de M. Alexis Barbey (PLR)

Débat

Le président. Nous passons à présent aux urgences, en commençant par le RD 1393-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur, M. Alexis Barbey.

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission de contrôle de gestion a été amenée à statuer sur le rapport d'activité du Bureau de médiation administrative. Le Bureau de médiation administrative est une création relativement récente au sein de notre administration, dont l'objectif est de traiter tous les conflits qui peuvent exister entre des personnes externes à l'administration et l'administration elle-même. C'est un objectif assez ambitieux et assez large. Dans le cadre d'une élection qui a eu lieu au sein de ce Grand Conseil, nous avons élu le médiateur cantonal, à qui a été adjointe une suppléante. Cette dernière est amenée à travailler avec lui, mais surtout sans lui, puisqu'elle n'est appelée que lorsqu'il est en vacances et qu'il n'est pas disponible.

Ce rapport du Bureau de médiation administrative n'a que moyennement conquis ou convaincu, plutôt, la commission de contrôle de gestion. Plusieurs points nous sont effectivement apparus. Premièrement, ce bureau est relativement peu sollicité par rapport aux ambitions qu'il a. Il a en effet été sollicité à 340 reprises environ pendant l'année 2020, soit l'année que nous avons étudiée. Ce qui paraissait beaucoup au médiateur a donc paru relativement faible à la commission, qui s'attendait à davantage de problématiques et de cas dans lesquels ce bureau aurait pu statuer.

Deuxièmement, ce qui nous a semblé étrange, si vous voulez, c'est l'idée que ce Bureau de médiation administrative ne fait pas vraiment de la médiation, mais qu'il aide plutôt les gens en difficulté avec l'administration. Si une personne n'arrive pas à joindre, par exemple, son conseiller fiscal au service de recouvrement, elle peut demander au Bureau de médiation administrative de l'aider à établir le contact, ce que celui-ci fera volontiers. Or il le comptera dans ses interventions, alors que cela nous paraît être une facilitation, mais pas de la médiation en soi. Il y a donc certains doutes quant à la nature même de l'activité du Bureau de médiation administrative.

Un autre élément s'est révélé assez patent lors des auditions: nous avons entendu à la fois le médiateur administratif et sa suppléante, et ils avaient une vision diamétralement opposée de ce que devait faire le Bureau de médiation administrative. Il paraît assez dommageable que, dans un bureau constitué de deux personnes et une assistante, on en arrive à des visions suffisamment opposées pour que l'activité nous semble difficile à maintenir.

C'est pourquoi la commission de contrôle de gestion voudrait marquer son caractère dubitatif à l'égard de ce rapport divers en n'en prenant pas note...

Une voix. En n'en prenant pas acte !

M. Alexis Barbey. ...en n'en prenant pas acte. Merci, Monsieur Florey ! Elle désire en revanche susciter un réexamen de ce que le législatif voudrait vraiment voir un Bureau de médiation administrative accomplir dans ce canton, et peut-être recadrer un peu l'activité de l'actuel bureau. Voici donc l'action que je vous propose: il s'agit de procéder à un réexamen qui, ne pouvant se faire dans le cadre de cette séance, serait effectué soit par la commission de contrôle de gestion, soit par la commission législative. Je vous remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC). Les auditions ont clairement montré qu'il y avait un important conflit entre le médiateur et sa suppléante. Je n'userai pas de termes plus forts, parce qu'il n'y a vraiment pas une ambiance de travail sereine au sein de ce bureau, d'autant que la suppléante ne vient que lorsque le médiateur est en vacances, si bien qu'il n'y a aucun contact, aucun dialogue entre ces deux personnes. Du reste, elles n'ont absolument pas la même notion du travail. Le médiateur, lui, fait plutôt un travail d'ombudsman, c'est-à-dire qu'il aide les gens qui ont des problèmes avec l'administration. La suppléante, quant à elle, a une vision de médiatrice, qui consiste à effectuer véritablement des médiations en cas de conflits. Cela s'apparente au travail de la médiatrice de la police au niveau cantonal, qui pratique des médiations en cas de conflits entre la police et un citoyen.

On a essayé de discuter de ce problème avec la chancellerie - puisque le médiateur dépend théoriquement de celle-ci - afin de chercher une solution, et j'ai trouvé que la chancellerie faisait preuve d'une espèce de passivité, en raison de l'indépendance du médiateur. Il faut aussi dire que, bizarrement, les 80 000 francs prévus dans le budget de ce bureau pour les expertises ont été attribués à l'assistante - soit la secrétaire qui travaille avec le médiateur - afin d'augmenter son temps de travail. Du reste, la chancellerie n'a pas vu de problème à ce que cet argent soit dépensé de cette manière. Nous avons également appris que le médiateur était en classe 31 ou 32 à l'Etat - tant mieux pour lui ! - parce qu'on considérait qu'il était au même niveau que le préposé à la surveillance des données.

Bref, tout est flou, rien n'est clair ! On ne sait pas ce qui se fait dans ce bureau, et le médiateur fait ce qu'il veut. Les statistiques ne sont pas très précises et son mandat n'est pas clair du tout. Je pense qu'on est arrivé à un point où, franchement, il faut tout reprendre à zéro; le Grand Conseil a une responsabilité et il a mal fait son travail ! Je vous remercie.

M. Edouard Cuendet (PLR). Je vous l'avais bien dit ! (Rires.) Le ver est dans la pomme. Je ne parle pas des personnes, mais de la structure. Les députés qui, comme moi, sont nés à peu près avec la commission législative... (Exclamations.) ...savent qu'on a traité ce problème pendant un nombre incalculable de séances. On a débattu d'abord du sexe des anges, parce qu'il était problématique d'utiliser le terme «ombudsman». Ce n'était pas possible pour des questions d'égalité des genres, il a donc fallu trouver une autre appellation. On a déjà passé quinze séances à parler de ce sujet, puis on en a passé cinquante à discuter de la manière dont devait s'exercer l'indépendance, du type de structure à mettre en place et de la question de savoir s'il fallait ou pas faire une usine à gaz. Pour finir, on a créé une petite usine à gaz: elle est petite en nombre de personnes, mais chère en postes, puisque la classe 32 est surréaliste pour une personne qui n'a aucune position hiérarchique.

Je vous l'avais bien dit ! Nous avons auditionné notamment l'ombudsman vaudois, le médiateur vaudois, qui rencontrait les mêmes problèmes. C'est devenu un bureau d'aide sociale. Ce n'est rien d'autre ! Et qu'ont-ils fait ? C'est bien pire que ça ! Les associations oeuvrant dans le domaine de la migration - soit le secteur dans lequel ce médiateur est principalement actif - envoyaient les personnes qui les contactaient vers l'ombudsman pour effectuer des recours. Il n'était donc pas du tout médiateur: il incitait à engager des procédures. En conclusion, le ver est dans la pomme et il faut réformer cette structure de fond en comble. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut peut-être pas réformer toute la structure, mais simplement se rappeler ce qui est écrit dans la loi, à savoir qu'il s'agit de traiter prioritairement de façon extrajudiciaire les différends entre les administrés et l'administration. Pour la commission de contrôle de gestion, cela passe par la médiation et non par une approche psychosociale centrée en priorité sur l'écoute et les conseils. En effet, cette démarche est assumée notamment par les Points info en ville de Genève, ou par d'autres structures issues du canton ou des communes. Il faut donc se recentrer sur le rôle de médiation.

Nous avons été également surpris - il faut le dire - de découvrir que le médiateur actuel ne figure pas dans la liste des médiateurs assermentés par le canton de Genève, ni dans celle de la Fédération suisse des associations de médiation. En outre, il y a une inégalité de traitement crasse avec la médiatrice de la police qui, elle, est en classe 25 et assume un véritable rôle de médiation, au sens tout à fait professionnel du terme, dont on pourrait vraiment s'inspirer. Je ne voudrais évidemment pas dire qu'il existe une inégalité forte entre le salaire d'un homme médiateur et celui d'une femme médiatrice, mais enfin il faut quand même souligner que cela fait six classes de différence.

Je ne reviendrai pas sur l'un des éléments qui a été abondamment relevé, à savoir que l'allocation des ressources a été, au fond, changée. En effet, au lieu de servir à financer des expertises qui accompagnent le bureau, le budget octroyé par le Grand Conseil a fini par être destiné à un poste d'assistante de direction. La personne qui occupe cette fonction répond au téléphone et prodigue des conseils, mais on peut imaginer que sa classe de fonction est évidemment très nettement inférieure.

Le groupe socialiste défend les principes d'égalité, d'indépendance et de confidentialité inhérents à une fonction de médiateur ou médiatrice. Nous demandons donc que le Conseil d'Etat intervienne et revoie ses critères, puisqu'il a voté en 2018 - je le rappelle - ce poste. Je fais partie, comme d'autres, des députés et députées qui font confiance à la commission législative, mais la vérification des diplômes aurait dû être effectuée. Je vous remercie.

M. Pierre Eckert (Ve). Messieurs les députés, Mesdames les députées, les problèmes ont été répertoriés par le rapporteur de la commission de contrôle de gestion et je pense qu'il les a formulés de façon encore relativement diplomatique. Le problème est patent, mais il ne faut pas forcément reporter la faute sur les personnes qui occupent actuellement ces postes. Le défaut réside surtout dans la loi que nous avons rédigée et qui présente un certain nombre de difficultés.

Durant les auditions, nous avons remarqué que les personnes qui s'adressent au Bureau de médiation administrative désirent plutôt être orientées vers les divers services de l'administration cantonale, par exemple vers les services fiscaux pour savoir comment faire une déclaration d'impôts ou autre.

Le député Cuendet est sans doute optimiste lorsqu'il dit que le bureau effectue de la médiation sociale. J'ai l'impression que le travail accompli actuellement dans le cadre de ce poste s'apparente plutôt à celui d'un «helpdesk» - je n'ai pas trouvé le terme français -, c'est-à-dire qu'on essaie d'orienter les personnes vers les bons services de l'administration cantonale.

Manifestement, en tant que parlementaires, nous avons commis une certaine faute en votant cette loi, car elle ne permet pas de réaliser de façon convenable le mandat constitutionnel qui était le nôtre. Ce que nous suggérons, c'est de refuser la prise d'acte du RD 1393, mais de tenir compte des recommandations figurant à la fin du rapport de commission, qui préconisent notamment d'adapter la loi. La commission législative va donc se retrouver avec une proposition du Conseil d'Etat concernant une nouvelle loi sur la médiation administrative. La suggestion que nous avons formulée au sein de la commission de contrôle de gestion est peut-être de faire tout autre chose, comme le souhaiterait probablement le député Cuendet, et de réformer totalement le système de médiation administrative. Je vous remercie.

M. Patrick Dimier (MCG). La médiation est, par nature, le meilleur moyen d'éviter les conflits. Si on sort de ce champ-là, on n'est forcément plus en adéquation avec ce principe. Il faut dès lors bien entendu, comme l'a suggéré M. Barbey en des termes extrêmement diplomatiques, revoir la copie, mais alors de fond en comble ! Et M. Eckert a raison lorsqu'il dit qu'on a failli en acceptant cette loi sur la médiation. Elle découle de l'article 120 de la constitution, donc il ne faut pas se tromper, car nous sommes soumis à une obligation constitutionnelle.

En plus de ça, la médiation est un excellent moyen pour adoucir ou amoindrir les conflits entre les administrés et l'administration, mais c'est un travail très sérieux ! On ne peut pas élire quelqu'un qui n'a pas les qualifications pour le mener à bien. Nous allons donc bien évidemment refuser cette prise d'acte, ce qui est quand même un comble pour la médiation, sachant que, sans l'Acte de médiation, la Suisse n'existerait pas ! Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Barbey, il ne vous reste plus de temps de parole. Je mets à présent aux voix la proposition de la commission, à savoir le refus de la prise d'acte du rapport.

Mise aux voix, cette proposition est adoptée par 58 oui contre 22 non (vote nominal). (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Le rapport divers 1393 est donc rejeté.

Vote nominal