République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 2 juin 2022 à 17h
2e législature - 5e année - 1re session - 6e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de M. Jean-Luc Forni, président.
Assistent à la séance: M. Serge Dal Busco et Mme Fabienne Fischer, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Le président. C'est avec tristesse que nous avons appris le décès de M. Claude Aubert à l'âge de 79 ans.
Entré au Grand Conseil en 2001, M. Aubert siégea onze ans sur les bancs du parti libéral. Durant son mandat, il présida la commission de l'enseignement, la commission de la santé et celle de l'enseignement supérieur. Médecin de profession, il s'intéressa notamment au fonctionnement du monde médical et s'exprima à de multiples reprises sur des thématiques liées. Son humanisme, sa courtoisie, mais aussi sa sagesse et son bon sens furent largement salués à l'occasion de sa démission en 2012.
A la famille de M. Aubert nous disons toute notre sympathie en ce moment douloureux. Pour honorer sa mémoire, je vous prie d'observer, Mesdames et Messieurs les députés, un instant de silence. (L'assemblée, debout, observe un moment de silence.)
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Mauro Poggia, président du Conseil d'Etat, Antonio Hodgers, Anne Emery-Torracinta, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Ruth Bänziger, Beatriz de Candolle, Jennifer Conti, Pablo Cruchon, Edouard Cuendet, Patrick Dimier, Amanda Gavilanes, Serge Hiltpold, Christo Ivanov, Philippe Morel, Ana Roch, Patrick Saudan et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Glenna Baillon-Lopez, Anne Bonvin Bonfanti, Denis Chiaradonna, Florian Gander, Aude Martenot, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier, Gabriela Sonderegger, Sébastien Thomas et Pascal Uehlinger.
Annonces et dépôts
Néant.
Débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle le traitement du RD 1237-A et de la R 855-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes, et la parole échoit à Mme Céline Zuber-Roy.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Déposés le 20 juin 2018, le RD 1237 et la R 855 ont été traités par la commission d'aménagement du canton au cours de deux séances en février 2019. L'objectif de cette proposition de résolution du Conseil d'Etat est de lever l'opposition de la commune de Versoix contre le PLQ «Les Buissonnets».
La parcelle faisant l'objet du plan localisé de quartier est située entre la route de Suisse, le chemin Isaac-Machard et le chemin du Vieux-Port. Sa surface de 3236 mètres carrés consiste en une bande de 25 mètres de large sur environ 130 mètres de long. Elle est propriété d'une fondation communale et se trouve en zone de développement 4A depuis son déclassement en 2014 par notre parlement. En substance, le PLQ prévoit la construction de deux bâtiments de deux étages avec attique destinés à des activités au rez-de-chaussée et à des logements dans les étages, la création d'un garage souterrain avec un accès perpendiculaire au chemin du Vieux-Port ainsi que le maintien dans son gabarit d'origine du mur se situant le long de la route de Suisse.
La commune de Versoix a fait opposition au projet, car elle souhaite un PLQ élargi à la parcelle voisine, la place Bordier, dont elle est propriétaire et qui faisait partie intégrante du périmètre déclassé en 2014. Pour elle, le PLQ actuel figera une situation alors qu'elle était en phase avec le département pour une réflexion plus large. Versoix a connu une période d'importants travaux sur la route de Suisse, il y a donc une volonté de porter de petits PLQ à une échelle plus importante. Par ailleurs, une étude complémentaire a montré que l'élargissement de la zone à la parcelle Bordier permettrait de construire 35 à 40 logements plutôt que les 21 prévus actuellement. La qualité du projet serait en outre meilleure, car la limitation à un seul terrain donne un demi-attique peu fonctionnel avec un rez-de-chaussée caché par le mur patrimonial.
Les autorités communales ayant fait opposition au PLQ, c'est à nous, Grand Conseil, de nous prononcer: soit nous acceptons la proposition de résolution et le Conseil d'Etat ainsi que la justice pourront aller de l'avant dans le traitement des oppositions, soit nous la refusons et le plan localisé de quartier ne pourra pas être adopté. La commune a demandé à M. Hodgers de surseoir à ce PLQ afin de relancer une opération avec concertation sur le périmètre élargi. Le conseiller d'Etat a trouvé cela logique sur le principe, mais n'a pas interrompu la procédure, envisageant que ce PLQ se fasse au travers d'un concours. C'est la raison pour laquelle Versoix a fait opposition.
Pour la commission d'aménagement, les arguments de la commune font sens. Outre la quinzaine de logements qui pourront être ajoutés, il est préférable de ne pas limiter un PLQ à une seule parcelle, car cela pourrait réduire les possibilités d'aménagement de l'espace public communal par la suite. Le refus de la commission vise à permettre à terme la réalisation d'un meilleur projet et n'a en aucun cas pour but d'éviter le développement du terrain concerné. Ainsi, la majorité encourage la commune et le DT à reprendre langue et à élaborer un nouveau projet incluant les deux parcelles.
A ce propos, il est regrettable que les dernières discussions entre la commune et le canton sur ce sujet datent de 2015 et que rien n'ait avancé depuis. Pour ces raisons, la majorité de la commission d'aménagement vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à rejeter la R 855 tout en prenant acte du RD 1237.
Le président. Je vous remercie. Ne vous inquiétez pas, Mesdames et Messieurs: le chronomètre fonctionne, même s'il y a un problème avec l'affichage. La parole va maintenant à Mme Nicole Valiquer Grecuccio.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, tous les ingrédients sont réunis pour que ce projet fonctionne - sur le long terme, évidemment, comme chaque fois qu'on veut réaliser un plan localisé de quartier en faveur du logement dans ce canton: une parcelle acquise dans les années 60 par l'Etat en vue d'y construire des appartements, le Conseil municipal de la commune de Versoix qui vote en 2008 l'achat de cette parcelle en faveur de sa fondation communale, un projet de modification de zone en développement 4A adopté par ce Grand Conseil en 2014, les louanges de la commission d'urbanisme quant à ce PLQ, c'est-à-dire une procédure normale pour créer de nouveaux logements.
Or que se passe-t-il ? La majorité, contre toute attente, au lieu d'appuyer dix ans de travail de la Fondation communale de Versoix Samuel May, à l'origine de ce projet visant la construction d'une trentaine d'habitations, refuse la proposition de résolution du Conseil d'Etat concernant l'opposition au PLQ formée par la commune de Versoix; commune qui se retourne contre ses propres intérêts, qui dessert les intérêts de sa propre fondation communale, qui renie son propre vote de 2008 en faveur du projet.
Mesdames et Messieurs les députés, si on veut parvenir à offrir du logement dans ce canton et sachant qu'on a ici tous les éléments à disposition - un plan localisé de quartier, une fondation communale -, alors il faut dire oui à cette proposition de résolution du Conseil d'Etat, très clairement s'engager en faveur de la réalisation d'appartements et arrêter de toujours prétendre vouloir réviser les PLQ alors qu'on ne fait que se cacher pour ne pas construire. Face au manque de logements à Genève, il est impératif d'accepter cette proposition de résolution et de soutenir la fondation communale. Merci beaucoup.
M. Stéphane Florey (UDC). Bon, sur le principe, on refusera de toute façon la proposition de résolution, il n'y a aucun problème à ce niveau-là. Quant au RD, la logique aurait voulu qu'on le rejette aussi, mais ça ne changera pas grand-chose d'en prendre acte étant donné que la proposition de résolution sera refusée.
Néanmoins, j'ai une question à poser au Conseil d'Etat, alors j'espère que le conseiller d'Etat ici présent pourra y répondre, puisque M. Hodgers n'est pas là: dans la mesure où ça fait déjà plus de quatre ans, bientôt cinq, que cette histoire dure, est-ce que le gouvernement pourrait nous dire si les choses ont quelque peu évolué ? Est-ce qu'il peut nous résumer en deux mots la situation ?
Parce que pour nous, si l'affaire est toujours bloquée à l'heure actuelle, il vaut mieux aller dans le sens de la commune afin qu'elle apporte la meilleure solution. En effet, elle est la seule à même de proposer quelque chose d'intéressant et de viable de façon à lever les oppositions. Je vous remercie.
M. Jacques Blondin (PDC). Dans ce dossier, il est de bon aloi de suivre les recommandations de la commune. La proposition qui a été discutée et à laquelle le département n'a malheureusement pas donné suite dans les délais, à savoir adjoindre la place Bordier à l'ensemble du PLQ, permet de densifier des parcelles à la demande de la commune dans des délais qui correspondent à sa planification. Il ne s'agit en aucun cas de freiner le projet et de perdre encore du temps; comme cela vient d'être souligné, voilà déjà quatre à cinq ans que cette affaire traîne. Le parti démocrate-chrétien va suivre l'avis de la majorité de la commission, c'est-à-dire que nous allons refuser la R 855 et prendre acte du RD 1237. Merci.
M. François Baertschi (MCG). Il y a un véritable problème de dialogue entre la commune et le canton, et pour le Mouvement Citoyens Genevois, cela n'est pas acceptable. On ne peut pas passer en force sans véritable concertation avec les habitants, on ne peut pas imposer des changements au forcing, il faut que l'affaire soit traitée beaucoup mieux qu'elle ne l'a été. C'est la raison pour laquelle le groupe MCG rejettera la proposition de résolution, et comme nous n'acceptons pas ces procédés, nous refuserons également de prendre acte du RD. Merci.
M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, en quelques mots, le groupe des Verts s'aligne parfaitement sur les propos de la rapportrice de minorité. Le projet a un historique et répond à une demande de la Fondation communale de Versoix, qui l'a développé, qui a investi dans ce dossier.
M. Baertschi a parlé d'une mésentente entre le canton et la commune, mais je pense qu'il s'agit surtout d'un problème entre la commune et sa propre fondation, ce qui est très étonnant. Il y a une rupture assez incompréhensible dans le cadre de ce projet, lequel est pourtant plein de bon sens, permet de construire des logements, vise à redynamiser un endroit qui est actuellement un parking et qui est censé devenir une place. Je pense qu'avant d'évoquer des désaccords entre l'Etat et la commune de Versoix, il faudrait que celle-ci règle ses histoires.
Cela dit, il est très surprenant de constater que cette affaire n'a pas bougé pendant pratiquement quatre ans. Ce qui me semble essentiel, c'est que nous prenions position d'une façon ou d'une autre ce soir afin que les choses aillent de l'avant. Pour leur part, les Verts vous encouragent à voter en faveur de la proposition de résolution. Je vous remercie.
M. Rémy Pagani (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, pour nous, cette situation est étonnante. Voilà quatre ans que ça dure, et on pourrait encore prolonger l'affaire... Une fondation communale veut construire des logements sur son terrain, et tout à coup, certains font du lobbyisme, notamment parmi les conseillers municipaux, pour ne rien développer. Ils mettent en route un autre projet en disant: «Hé, attendez, on veut faire quelque chose !» C'est l'essentiel de ce que nous avons compris lors des discussions de commission, et maintenant une majorité se dégage pour aller dans leur sens.
Ainsi, Mesdames et Messieurs de la majorité, vous n'allez pas créer d'habitations, et c'est bien ce qu'il y a de terrible dans ces communes qui veulent rester dans l'entre-soi, qui n'offrent pas d'appartements à leurs communiers ! On parle de leurs communiers, Mesdames et Messieurs, pas de gens étrangers au territoire ! Malheureusement, il faut le constater et je l'ai déjà signalé dans d'autres contextes, ce sont des dortoirs pour riches, personne ne veut accepter d'autres logements, en particulier des logements locatifs.
En l'occurrence, ce qui nous est proposé ce soir, c'est de repartir quasiment à zéro, et peut-être qu'on aura quelque chose dans six, sept, huit ans, voire neuf ans - et encore ! Encore faut-il que la commune de Versoix, avec tous les ennuis qu'elle connaît par ailleurs, se décide enfin à créer du logement social, parce que c'est de ça qu'il est question ici, Mesdames et Messieurs. Une fois de plus, nous regrettons que la majorité soutienne ce type de pratique, parce que tout le monde, y compris les locataires avec de bas revenus, a le droit de résider dans des communes - notamment à Versoix, notamment près du lac - qui sont aujourd'hui destinées aux plus riches d'entre nous, à la prétendue classe moyenne qui n'est plus du tout moyenne dans notre canton, qui est une classe sociale élevée et qui peut, elle, acheter des villas ou d'anciennes fermes pour les transformer. Je vous remercie de votre attention.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de minorité. Je suis obligée de relever qu'il y a une incompréhension totale de ce projet. Il ne s'agit absolument pas d'une opposition du canton à la commune, bien au contraire, il s'agit du soutien de l'Etat au projet d'une fondation communale, comme l'a rappelé David Martin, sur une parcelle acquise par la commune de Versoix pour sa fondation communale. Alors on peut se perdre en arguties, mais très clairement, dire non à cette proposition de résolution revient à repartir de zéro, à refuser la construction d'appartements par une fondation communale dans l'intérêt de la population, ce n'est pas autre chose.
Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, je vous demande de revenir sur votre position, d'appuyer le travail de la fondation communale et surtout de soutenir la construction de logements dont les citoyens ont cruellement besoin. Le vote sera bien sûr nominal, et je me réjouis de voir qui s'engagera aujourd'hui en faveur de la réalisation de logements dans le cadre d'une opération concrète qui a passé toutes les étapes et qui, par ailleurs, a obtenu un préavis positif de la commission d'urbanisme de ce canton. Je vous remercie.
Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de majorité. Je le souligne encore une fois au nom de la majorité: l'idée n'est absolument pas de s'opposer à la densification, au contraire, nous soutenons un projet qui permettra d'obtenir plus de logements. La majorité a très bien compris l'objectif de cette proposition de résolution, qui vise à lever l'opposition de la commune de Versoix. Les minoritaires estiment apparemment mieux savoir que la commune ce qui est dans son intérêt, mais jusqu'à preuve du contraire, ce sont les autorités communales qui sont censées exprimer la volonté d'une municipalité; en l'occurrence, nous les avons auditionnées et elles nous ont clairement indiqué leur souhait qui est de discuter d'un PLQ plus large.
Ce qui est complètement incompréhensible, Mesdames et Messieurs... J'ai entendu certains d'entre vous parler de quatre ans, mais le Conseil d'Etat n'a pas évoqué ce sujet avec la commune de Versoix depuis 2015 ! 2015 ! Ça fait sept ans. Plutôt que de s'entêter et de porter devant ce Grand Conseil une proposition de résolution pour lever son opposition, il aurait été beaucoup plus simple de revenir vers la commune, de discuter avec elle, et à mon avis, en 2022, un nouveau PLQ aurait pu être adopté. Mais non, rien ne bouge depuis 2015.
J'ai repris contact avec la commune pour être sûre que le Conseil d'Etat n'ait rien entrepris dans l'intervalle. Il y avait de l'espoir, n'est-ce pas, puisque le vote en commission a eu lieu en 2019, nous nous sommes dit que l'exécutif pourrait venir en plénière nous annoncer: «Cet objet est caduc, nous avons trouvé un accord durant les trois ans que vous nous avez gentiment laissés en raison de votre ordre du jour surchargé.» Eh bien non, malheureusement, rien ne s'est passé en trois ans. Nous attendons dès lors que le Grand Conseil confirme notre volonté de ne pas passer en force pour enfin, nous l'espérons, pouvoir reprendre langue avec la commune quant à l'opportunité de construire ces 35 à 40 logements, qui auront une cohérence à cet endroit-là. Alors oui, en effet, beaucoup de regrets face à ce projet, mais nous espérons que dès que nous aurons refusé la levée de l'opposition, le gouvernement retournera négocier avec les autorités de Versoix. Je vous remercie.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'excuse tout d'abord l'absence de notre collègue Antonio Hodgers, qui ne peut pas être parmi nous ce soir pour évoquer le sujet. Le Conseil d'Etat prend acte des positions issues des débats à la commission d'aménagement, il regrette la situation. Pour dire la vérité, je ne suis personnellement pas en mesure - mais Mme la rapporteure de majorité a pris, semble-t-il, des renseignements - d'apporter une réponse à votre question, Monsieur le député, à savoir pour quelle raison il n'y aurait pas eu - j'utilise le conditionnel - de discussions à ce propos.
Toujours est-il que le Conseil d'Etat partage l'avis de la minorité de la commission: ce projet a suivi toutes les procédures habituelles depuis de nombreuses années - plus de dix ans -, il y a même eu un déclassement auparavant, auquel la commune était favorable. Nous nous trouvons vraiment dans une situation particulière où le bénéficiaire de l'acquisition de ce terrain, une fondation communale destinée à construire du logement, est visiblement en opposition avec les autorités de la commune. Il s'agit d'un contexte pour le moins inédit et, pour être tout à fait sincère, cela nous interroge. Le requérant, c'est-à-dire celui qui doit concrétiser l'opération, n'est pas un promoteur privé quelconque, c'est une fondation communale qui est bien décidée à créer ces appartements. Au demeurant, la qualité du projet en tant que tel a été largement relevée par toutes les instances qui ont été amenées à l'examiner.
Ainsi, par ma voix, le Conseil d'Etat constate une situation quelque peu étrange. Je peux comprendre la volonté de la majorité qui consiste à rejeter la proposition de résolution, à refuser de lever l'opposition de la commune afin d'obliger le Conseil d'Etat à discuter avec celle-ci, éventuellement à négocier avec la fondation - laquelle ne sera peut-être pas d'accord avec la commune - ou que sais-je encore. Cependant, Mesdames et Messieurs, le résultat de tout cela, ce sont des années de travail qui n'auront servi à rien, nous devrons relancer un processus. Tout le monde est apparemment d'accord de construire des logements, voire plus de logements, mais ceux-ci ne verront pas le jour à brève échéance, il se passera encore de nombreuses années avant qu'on voie quelque chose sortir de terre dans ce secteur si la majorité de ce parlement suit la majorité de la commission. Voilà ce que je voulais vous dire au nom du Conseil d'Etat. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote.
Mise aux voix, la proposition de résolution 855 est rejetée par 48 non contre 40 oui et 1 abstention (vote nominal).
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat RD 1237.
Débat
Le président. Nous passons au point suivant de l'ordre du jour. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Monsieur le rapporteur, je vous donne la parole.
M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Ce rapport du Conseil d'Etat s'inscrit dans un programme lancé par la Confédération en 2003 qui vise un développement coordonné de l'urbanisation et des transports au sein des territoires qui constituent des agglomérations. Ce programme se traduit par des appels à projets tous les quatre ans; la Confédération et les agglomérations s'engagent à mettre en oeuvre des mesures d'urbanisation, de transport et d'aménagements paysagers en contrepartie d'un financement fédéral pour certaines mesures de transport. La Confédération va débloquer 20,8 milliards de francs sur vingt ans au titre de ce fonds d'infrastructure.
En 2011, pour mettre en oeuvre ces projets d'agglomération, notre Grand Conseil a voté la loi sur les infrastructures de transport issues du projet d'agglomération franco-valdo-genevois, qui impose au Conseil d'Etat de rendre régulièrement au Grand Conseil des rapports afin de présenter l'état d'avancement de ces projets, en particulier les études et les travaux liés aux mesures fixées dans l'accord sur les prestations relatif au projet d'agglomération. C'est ce qu'a fait le Conseil d'Etat dans le RD 1254. Ce texte nous apprend l'état d'avancement de ces différents plans d'agglomération. Il y en a eu plusieurs, on en est au PA3. On voit dans ce rapport tout ce qui est financé par ces plans ainsi que l'état d'avancement des diverses mesures.
La commission des transports a étudié ce projet en 2018 et 2019. Nous avons demandé un préavis de la commission des travaux: ce préavis a été très favorable - 11 voix pour et 3 contre. A la commission des transports, nous avons compris que ces financements sont très importants, car très conséquents pour Genève, et qu'il faut absolument tenir les timings voulus par la Confédération, sans quoi elle va retirer ses financements. C'est un véritable challenge pour l'administration cantonale que de tenir ces délais. Ces projets sont de très grande importance pour le développement de notre agglomération.
Suite au préavis de la commission des travaux, la commission des transports a également voté la prise d'acte du RD 1254, par 12 oui, 1 non et 1 abstention.
M. Florian Gander (MCG), député suppléant. Chers collègues, le MCG n'est pas foncièrement opposé au projet d'agglomération; c'est la méthode, la façon de faire, qui nous pose un problème. En effet, Genève, à nouveau, n'est pas maître de son destin, nous sommes obligés de mettre le métier sur l'ouvrage, parce que Berne nous dit derrière: «On finance, il faut se dépêcher !» (Remarque.) L'ouvrage sur le métier, pardonnez-moi ! (L'orateur rit.) Si le canton de Genève avait pu être plus impliqué, disons, sur le fonctionnement, le MCG aurait éventuellement pu soutenir ce rapport. En l'occurrence, ce n'est pas le cas, nous sommes obligés de suivre comme des moutons. Le MCG refusera donc ce rapport. Merci.
M. Souheil Sayegh (PDC). Chers collègues, je n'ai pas eu l'occasion de prendre la parole lors de la dernière session et d'interrompre mes collègues... (Rires.) ...je saisis donc cette opportunité pour vous féliciter, Monsieur le président, pour votre brillante élection. (Rires.)
Une voix. Bravo !
M. Souheil Sayegh. Pour être complet, j'en profite aussi pour féliciter notre ancien président du Conseil d'Etat, M. Serge Dal Busco... (Rires. L'orateur rit.) ...pour son excellente année présidentielle et formule mes voeux les meilleurs pour notre nouveau président, en lui souhaitant une bonne et heureuse année présidentielle.
Pour en revenir au RD 1254-A, je ne détaillerai pas les chiffres évoqués par le rapporteur de majorité. La complexité de ces projets d'agglomération est celle de l'échelle temporelle, à savoir une réalisation à achever pour une échéance déterminée afin d'obtenir le remboursement promis par la Confédération.
Une autre complexité est celle de la répartition entre le canton et les communes, la Ville de Genève en particulier, quant à la maîtrise de l'ouvrage. Par ailleurs, ce même nombre de maîtres d'ouvrage - il en existe plusieurs dizaines - peut aussi diluer les informations pertinentes et affecter la réalisation des travaux, raison pour laquelle le canton a repris la main sur certains projets.
En résumé, ces projets d'agglomération permettent la planification et l'élaboration d'infrastructures de transport dans la région du Grand Genève; l'horizon temporel imposé reste raisonnable et maintient une pression sur l'avancée des travaux pour obtenir la manne fédérale.
Pour toutes ces raisons, principalement celle de la mobilité franco-valdo-genevoise, Le Centre - futur ex-PDC - prendra acte de ce rapport et se félicite de voir la contribution fédérale utilisée à l'amélioration des infrastructures de cette région qui nous est si chère - dans tous les sens du mot. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne la parole à Mme Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Félicitations pour votre élection ! (Exclamation.) Je n'ai pas encore eu l'occasion de vous le dire.
Les Vertes et les Verts soutiennent évidemment ce rapport - qui date déjà un peu, cela a été dit - concernant les projets d'agglomération 1, 2 et 3. Il se rapporte à la période 2014 à 2017, nous sommes en 2022, cinq ans plus tard; le rapport a été rendu il y a trois années déjà. Depuis, le 3 juin 2021, tous les partenaires ont signé la quatrième génération du projet d'agglomération pour 2024 à 2027.
Lors des débats, il a été question du fonctionnement des projets d'agglomération, de leur mécanisme, de la nécessaire coordination étroite entre la planification du Grand Genève et les planifications genevoise, vaudoise et française d'ici 2030, des stratégies, des nombreuses mesures sur la vision d'avenir pour le Grand Genève en 2030.
J'aimerais relever que certaines mesures de ce projet d'agglomération englobent la passerelle piétonne du pont du Mont-Blanc. Il s'agit d'une mesure communale, la Ville de Genève bénéficiera donc d'une subvention fédérale. Pourquoi ? Parce qu'elle remplit les critères de l'efficacité. Cette passerelle qu'on attend avec impatience aura un impact important sur toute la mobilité du canton, la mobilité douce, bien sûr, et sur le bien-être et la qualité de vie des habitantes et habitants. C'est pour cela que nous soutenons bien évidemment ce rapport. Il faut cependant faire attention aux délais, on l'a dit, qui sont fixés par la Confédération. Pour ce train de mesures, le délai est à fin 2025. Nous demandons qu'on fasse preuve d'une certaine vigilance et que les mesures puissent être menées à terme, puisque s'agissant des transports et de la mobilité, elles sont essentielles.
En conclusion, il faut prendre acte de ce rapport pour la qualité de vie des habitantes et des habitants ainsi que pour le climat, bien sûr. Merci.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. François Baertschi pour deux minutes dix.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Ce que le MCG conteste dans ce projet d'agglomération, c'est le concept du Grand Genève, ce concept foireux, oiseux, qui nous amène droit dans le mur, qui s'attaque à l'identité genevoise. Ce sont ces personnes complètement délirantes, ces Docteurs Mabuse qui créent une sorte de monde imaginaire, de Grand Genève comme il y a le Grand Paris, le Grand Londres. On veut créer ce Grand Genève, mais on énerve tout le monde avec ce concept: on énerve les Vaudois, les personnes de Savoie, qui n'en peuvent plus d'entendre ces Genevois prétentieux qui veulent s'étendre, étendre leur identité... En fait, c'est la grenouille qui veut se faire plus grosse que le boeuf ! C'est la philosophie de ce projet d'agglomération qui ne va pas, il faudrait la réformer. Il faut réformer cette vision technocratique, bureaucratique, qui ne correspond pas à notre ordre démocratique suisse, à notre ordre démocratique genevois, à ce qui a été créé depuis des siècles et des siècles dans cette belle Genève, cette tradition fabuleuse, la tradition de la Suisse aussi, que l'on veut complètement reconstruire. Ce sont des politiques macroniennes - ou macronistes - que certains inventent, ou beaucoup plus médiocres encore que cela. Par conséquent, avec conviction, le MCG s'opposera cette fois-ci et s'opposera toujours au projet d'agglomération.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, on peut s'opposer au «concept foireux» du Grand Genève, comme on vient de l'entendre dans la bouche de M. Baertschi, du MCG - vous transmettrez. Ça me fait un peu penser aux enfants - j'en parlais avec ma collègue Léna - quand on met les mains sur les yeux et les enlève en disant: «Ça n'existe pas ! Ah, ben oui, ça existe ! Ah, ça n'existe pas ! Ah, ça existe !» (Rire.)
Le problème, c'est que ça existe, Monsieur Baertschi, et que nous avons des voisins qui sont des Vaudois, d'autres qui sont des Français, ou des Genevois, d'ailleurs, ou d'autres nationalités, qui habitent en France voisine. Il faut pouvoir régler aujourd'hui les problèmes qu'on a, notamment de mobilité. Nous sommes dans une situation d'urgence climatique et environnementale. Pour cette raison, nous devons construire des infrastructures de transport qui nous permettent d'obtenir une mobilité plus durable. Qui dit mobilité plus durable dit bien entendu développement des transports publics, Léman Express, lignes de tram, extension de ces lignes vers Saint-Julien et Annemasse, et tout ce qu'on appelle la mobilité douce, c'est-à-dire le vélo, le vélo électrique, la trottinette qui commence à faire son apparition et bien sûr les piétons, avec l'aménagement et la construction de pistes cyclables sécurisées et continues, et aussi des aménagements spécifiques, que ce soient des zones piétonnes ou la passerelle du pont du Mont-Blanc, dont on a parlé, ou celle de Sécheron.
Pour cela, nous avons besoin d'argent, Monsieur Baertschi. En refusant ces projets d'agglomération, vous faites en sorte que Genève s'assied sur des millions cofinancés par la Confédération suisse. Là, on parle de mesures à hauteur de 320 millions avec un financement fédéral de 51 millions. Ce serait vraiment bête de la part de Genève de s'asseoir sur ces 51 millions pour des infrastructures qui, de nouveau, permettent une mobilité plus durable, permettent de réduire la pollution, les nuisances sonores et de manière générale amènent une meilleure qualité de vie pour les Genevoises et les Genevois. En tout cas, le groupe socialiste est totalement convaincu par ces projets d'agglomération, par les infrastructures qu'ils permettent de financer, et nous approuverons ce rapport avec enthousiasme. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Murat-Julian Alder.
M. Murat-Julian Alder (PLR). Je vous remercie, Monsieur le président. Je tiens aussi à vous adresser mes sincères félicitations pour votre élection... (Rire.) ...et j'aimerais saisir cette occasion pour féliciter l'ensemble des personnes récemment élues comme présidentes et présidents des commissions de notre parlement. (Exclamations. Applaudissements.)
Mesdames et Messieurs les députés, j'ai été interpellé par les propos de M. Baertschi, naturellement, mais aussi par ceux de son groupe dans le rapport de commission. On nous parle d'«idéologie du Grand Genève»: j'ai de la peine à comprendre ce qu'est l'«idéologie du Grand Genève». A l'image de notre collègue Thomas Wenger, je crois que le Grand Genève, c'est simplement une réalité. Jadis, le MCG avait pour discours que Genève était sous le coup d'une invasion de frontaliers; je m'étonne qu'aujourd'hui, M. Baertschi nous explique en gros que c'est nous, Genevois, qui voudrions nous étendre du côté du district de Nyon et de la France voisine. C'est assez surprenant, d'autant plus qu'il passe sous silence le projet élaboré par le Conseil d'Etat il y a quelques années pour financer la construction de P+R de l'autre côté de la frontière, précisément afin de réduire le trafic transfrontalier, projet combattu avec succès par le MCG, ce qu'on ne peut que déplorer. Il va sans dire que si ce projet avait vu le jour, nous aurions une mobilité beaucoup plus fluide dans notre canton aujourd'hui.
On sait aussi que le MCG est le parti qui a pourfendu, combattu activement le Léman Express, et qui ne cesse d'ailleurs de remettre en question son bien-fondé. Or, le Léman Express est un succès, on le constate au quotidien: à certaines heures, il est bondé; malgré le covid, malgré les difficultés rencontrées au départ, c'est un succès. Il permet de relier Evian-les-Bains à Saint-Maurice - saint Maurice, patron de l'infanterie, Mesdames et Messieurs ! (Rires. Commentaires.) On ne peut que se réjouir que certaines voix qui demandaient la réouverture de la ligne du Tonkin soient entendues aujourd'hui, puisque ce projet revient aussi sur le devant de la scène et permettra une boucle ferroviaire complète autour du lac de Genève, Mesdames et Messieurs - et non pas du Léman.
Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs, le groupe PLR vous invite à prendre acte de ce rapport et vous remercie de votre attention.
M. Stéphane Florey (UDC). L'UDC n'a jamais été fan de ce Grand Genève à un million d'habitants. On se pose toujours la même question: qui sont vraiment les gagnants dans cette affaire ? Nous avons toujours l'impression que Genève fait tout pour les autres et jamais rien pour elle-même. Plus on avance, plus nous sommes confortés dans cette idée.
Nous nous en tiendrons au vote effectué lors du préavis par la commission des travaux: j'avais refusé de prendre acte de ce rapport, contrairement à ce qui s'est passé lors du vote à la commission des transports, où, en plus, il n'y a apparemment eu aucune intervention de mon collègue, qui avait, lui, accepté ce rapport. Finalement, au caucus, suite à de nombreuses discussions sur la région elle-même, les projets d'agglomération et la région à un million d'habitants, le bon sens l'a emporté: nous refuserons donc de prendre acte de ce rapport. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Avant de donner la parole à M. Rémy Pagani, j'aimerais saluer notre ancien collègue, M. Daniel Zaugg, présent à la tribune. (Applaudissements.) Monsieur le député Pagani, vous avez la parole.
M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, juste quelques mots pour dire que c'est assez étonnant d'imaginer qu'on pourrait... Qu'on prenne acte ou pas de ce rapport, ça ne va pas changer grand-chose en ce qui concerne les 51 millions, mais c'est assez étonnant de voir que certains d'entre nous refusent cette somme sous prétexte qu'on est bien chez nous et qu'on est les meilleurs !
J'ai participé durant treize ou quatorze ans au projet d'agglomération comme représentant du coeur de l'agglomération, la ville de Genève, et je peux témoigner ici qu'il y a une sincère participation, une main tendue de l'ensemble des autorités de Nyon et des communes de la région qui nous entoure - qui va très loin d'ailleurs, puisqu'elle a été agrandie - pour faire en sorte d'une part que le million de personnes qui habitent dans notre bassin de vie, qui vivent avec nous, qui viennent travailler ici, voient leur situation s'améliorer, d'autre part que notre région développe des politiques publiques qui nous unissent plutôt qu'elles nous divisent.
Par exemple, Monsieur Baertschi, est-ce que ce matin vous avez bu du lait ou mangé un yoghourt ? Il ne m'écoute même pas. Ça fait des années, et bien des années, que grâce aux Laiteries réunies, nous recevons du lait et que nous collaborons... Les paysans n'ont pas attendu le projet d'agglomération pour collaborer: ils déversent, si j'ose dire, leur production aux Laiteries réunies, qui nous permettent de manger des yoghourts, par exemple Silivri - pour ne pas faire de publicité. Cette collaboration s'est imposée de fait, depuis des années: des paysans de Suisse travaillent en France sur des terrains français qu'ils louent; il y a aussi des paysans français qui nous font bénéficier de leur production. Il existe donc une collaboration, et je trouve assez absurde de dire aujourd'hui que ce Grand Genève, dont le «grand» est déclamatoire... En fait, on a choisi cet adjectif à cause du Grand Lyon, auquel il faut faire concurrence, on va donc se prétendre grand. Toujours est-il que cette collaboration est essentielle, il faut continuer dans ce sens. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe à nouveau la parole à M. François Baertschi, pour trente secondes.
M. François Baertschi (MCG). Ce sera suffisant, Monsieur le président. Je vous prie de transmettre à M. Wenger qu'il faut qu'il enlève un peu ses oeillères et qu'il regarde la réalité de Genève. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède la parole à M. le député David Martin, à qui il reste quelques secondes.
M. David Martin (Ve). Merci, Monsieur le président. En deux secondes, j'aimerais réagir aux propos de M. Baertschi, que je trouve tout à fait effarants. Evidemment, on n'est pas surpris que le MCG active une de ses dernières raisons d'existence en commentant ce projet d'agglomération. En tout cas, la bonne nouvelle est que M. Baertschi - vous transmettrez - nous aura au moins permis de constater qu'il y a dans ce parlement une écrasante majorité, pratiquement une unanimité pour saluer l'avancée du projet d'agglomération.
J'aimerais aussi dire que l'agglomération transfrontalière à Bâle fonctionne très bien. Merci beaucoup.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, plusieurs d'entre vous l'ont dit, M. Wenger en premier, on ne veut pas créer le Grand Genève, il existe, c'est une évidence, et ça fait des lustres qu'il est là. On l'a simplement nommé, identifié, partagé entre tous les partenaires du canton de Vaud, de la France voisine et de Genève il y a quelques années, en 2007, à la faveur du projet d'agglomération de première génération.
En tout, trois générations de projets se sont succédé, et une quatrième adviendra bientôt: d'ici quelques semaines, on aura le verdict de Berne au sujet du projet que nous avons déposé il y a une année avec nos partenaires. Ici, on débat d'un rapport de 2017; force est de constater qu'entre-temps, on a évidemment avancé ! On le voit déjà dans le rapport soumis aujourd'hui à votre prise d'acte: il y a des réalisations concrètes qui profitent à toutes et à tous, des deux côtés de la frontière. C'est une évidence ! Ce n'est même pas au profit des uns ou des autres, ce sont des projets qui, souvent dans le domaine de la mobilité, mais pas toujours, revêtent véritablement un intérêt pour l'ensemble de l'agglomération, indépendamment du fait que celle-ci a cela de particulier qu'une frontière la traverse. Cela a été reconnu dès le début à Berne: les projets d'agglomération 1 et 2 ont reçu la note maximale de la part des autorités fédérales pour leur qualité, pour la qualité de leur contribution à l'agglomération; nous avons obtenu des taux de subventionnement de l'ordre de 40% pour ces deux premiers projets d'agglomération.
Pour la troisième génération, en 2018, nous avons subi une forme de douche froide. Nous nous étions un tout petit peu reposés sur nos lauriers. Ça montre bien - je voudrais vous adresser ce message aussi - que nous devons être très attentifs: cette manne - car c'est bien de cela qu'il s'agit -, ce serait évidemment bien bête d'y renoncer, parce qu'il s'agit d'argent qui nous vient de la Confédération, mais surtout parce qu'il permet de financer des projets utiles. En 2018, avec le projet d'agglomération 3, nous n'avions pas été bien notés, ou en tout cas nous avions été passablement moins bien notés que lors des versions précédentes, et ça a failli nous coûter cher: dans la première évaluation de l'ARE, l'office fédéral qui s'occupe de cela, nous avions été disqualifiés concernant le tram en direction du Grand-Saconnex et du P47 ainsi que pour le BHNS, le bus à haut niveau de service, entre le centre-ville, Vernier et la ZIMEYSA. Fort heureusement, au prix de gros efforts de rattrapage, nous avons pu bénéficier in extremis de la reprise en compte de ces projets. Finalement, on aura obtenu un financement qui dépasse les 100 millions également pour le projet d'agglomération de troisième génération.
Ce que l'on a un peu de peine à faire à Genève - j'ai eu l'occasion de l'expliquer à la commission, comme mon collègue Antonio Hodgers, président du Grand Genève -, c'est faire avancer les projets rapidement. Or il y a effectivement une date de péremption, en quelque sorte, si on ne parvient pas à construire ou à concrétiser des projets avant une certaine date: les financements risquent alors de nous passer sous le nez. On a cité la passerelle piétonne du Mont-Blanc: fort heureusement, tout le projet a été remis d'équerre, et normalement, on devrait tenir les échéances prévues, 2025, je crois. Mais c'est un risque fâcheux, parce que si on n'arrive pas à tenir les délais, on n'obtient pas le financement, mais en plus, on est pénalisé dans l'évaluation des générations suivantes de projets d'agglomération: on nous dit alors qu'on nous pénalise parce que nous sommes incapables de concrétiser les projets. Par ailleurs, si on ne présente pas des projets qui ont un degré de maturité, et donc d'élaboration, suffisamment élevé, on est aussi pénalisé. C'est la raison pour laquelle j'ai eu l'occasion, notamment à la commission des finances, de demander des postes - au demeurant autofinancés, activables en investissement - pour pouvoir justement conduire ces projets et les amener à maturité.
Nous espérons donc vraiment obtenir d'ici quelques semaines une évaluation favorable du projet d'agglomération de quatrième génération; en tout cas, on a fait le maximum pour cela. Nous nous sommes concentrés sur des projets d'envergure, je vous en cite trois. Le premier est le réaménagement de la place Cornavin: c'est un des projets phares du projet d'agglomération 4, il est essentiel. Il y en a toute une série d'autres, mais les deux que je vous citerai sont des extensions de trams transfrontaliers, du côté d'Annemasse d'une part, du côté de Ferney-Voltaire d'autre part, dans l'intérêt bien compris de tout le monde: il s'agit de favoriser le transfert modal de manière que nous soyons préservés, que nous limitions le flot de voitures qu'au demeurant vous fustigez quotidiennement au MCG. C'est le bon sens ! J'ai entendu tout à l'heure quelqu'un dire que le bon sens commandait de ne pas prendre acte de ce rapport: bien évidemment, le bon sens indique de faire exactement le contraire, et c'est ce à quoi je vous invite. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote sur le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport RD 1254 est rejeté par 72 non contre 17 oui et 1 abstention (vote nominal).
Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat RD 1254.
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons un nouveau département, celui de l'économie et de l'emploi - après être restés plus d'une année sur le précédent ! Nous traitons pour commencer le PL 12044-A en catégorie II, quarante minutes. Le rapport est de M. Edouard Cuendet, remplacé par M. Yvan Zweifel, à qui je cède la parole.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur ad interim. Merci, Monsieur le président. En effet, il m'échoit le plaisir de remplacer mon excellent collègue Edouard Cuendet pour la présentation de ce rapport. Que demande le présent projet de loi, Mesdames et Messieurs ? Fondamentalement, d'ajouter une lettre g à l'article 5, alinéa 3, de la loi en faveur du développement de l'économie et de l'emploi. «Pour une promotion économique juste et durable», tel est le titre du texte. Cette lettre g précise qu'il faut «veiller à ce que les entreprises désireuses de s'implanter dans le canton respectent les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme». Le projet de loi avait été déposé par les signataires suite à un scandale en particulier, peut-être à d'autres également, en lien avec les sociétés de négoce... Enfin, en lien avec les problématiques du commerce de matières premières au sein de certaines compagnies implantées à Genève.
Dans le cadre du traitement de cet objet, que l'on peut trouver louable ou non, des auditions ont été menées, notamment celle de M. Rémy Zinder, directeur du service du développement durable, ainsi que de M. Nicholas Niggli, directeur général de la direction générale du développement économique, de la recherche et de l'innovation, qui ont démontré que finalement, ce qui est visé ici existe en réalité déjà dans la stratégie économique cantonale 2030 et dans différents autres documents comme le concept cantonal du développement durable 2030. Je cite ici M. Niggli qui a indiqué - vous trouverez cela dans le rapport: «[...] ce qui est déjà en place est largement suffisant».
Outre le fait que ce qui existe déjà est largement suffisant, un certain nombre d'éléments posent problème. Premièrement, les principes directeurs des Nations Unies s'appliquent à des pays. La question est donc la suivante: comment un canton pourrait-il établir des normes qui sont censées être suivies par un Etat ? Deuxièmement, des entreprises de trading pourraient facilement déplacer leur siège dans un autre pays ou dans un autre canton. Si on veut agir et régler les choses, il faut le faire au minimum au niveau fédéral, voire international. Troisièmement, il y a un vrai problème d'inégalité de traitement, car cette disposition ne toucherait que les nouvelles entreprises venant s'implanter à Genève, pas celles qui s'y trouvent déjà et qui, elles, ne seraient sujettes à aucun contrôle et à aucune sanction, si tant est que de tels dispositifs puissent être instaurés.
Enfin, il faut souligner les difficultés d'application, puisqu'il n'y a aucune indication quant à la mise en oeuvre, laquelle pourrait s'avérer éminemment compliquée. Les deux personnes auditionnées ont précisé que cela impliquait d'instituer des «due diligence» relatives aux activités des sociétés, un procédé qui serait extrêmement lourd, particulièrement dans le contexte d'entreprises dont les chaînes de valeur sont de plus en plus fractionnées et largement internationalisées. M. Niggli a même relevé qu'il ne serait tout simplement pas possible de vérifier le respect par une firme de toutes ces dispositions avec les moyens actuels de la DG DERI.
Par conséquent, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, la majorité de la commission, parce que ce qui existe déjà est largement suffisant, parce que cette proposition pose un réel problème d'inégalité de traitement et surtout d'applicabilité, vous conseille de refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je parle de la majorité, mais en réalité, et vous le constaterez à la dernière page du rapport lorsque vous consulterez le résultat du vote d'entrée en matière, il s'agit d'une unanimité. En effet, au moment du scrutin, aucun représentant des groupes signataires n'était présent pour accepter leur propre texte; on s'interroge du coup quant à l'intérêt que ceux-ci portent à ce même texte, on se dit surtout, en ce qui concerne des partis qui se prétendent en faveur de la durabilité, qu'il s'agirait peut-être de commencer par arriver à l'heure en commission ! Merci, Monsieur le président.
M. François Lefort (Ve). Comme le rapporteur de majorité vient de le faire, Mesdames et Messieurs, je vais moi aussi commencer par la fin. En effet, quand on lit le rapport jusqu'au bout, c'est ce qui est le plus important ici, on réalise que le projet de loi a été voté par sept commissaires. Voilà l'unanimité de M. Zweifel. Sept commissaires sur quinze ! C'est incongru, me direz-vous, c'est exceptionnel, cela ne s'est jamais vu ! Pourquoi sept commissaires sur quinze ? Eh bien il faut se référer au procès-verbal du 14 mai 2018, dernière séance de la commission de l'économie de la précédente législature, pour le comprendre. Je vous livre l'explication en vous lisant le début de ce PV:
«17h02: Le Président ouvre la séance et salue les personnes présentes.
1. Approbation du procès-verbal [...]
2. PL 12044 [...]
17h03: Début du traitement de cet objet.
Le Président rappelle que la DG DERI a été auditionnée sur ce PL. Il demande s'il y a des prises de position.
Pas de prise de position.
Le Président met aux voix l'entrée en matière du PL 12044:
Pour: -
Contre: 6 (1 UDC, 4 PLR, 1 PDC)
Abstentions: 1 (1 MCG)
[...]
17h04: Fin du traitement de cet objet.»
Voilà un président PLR de commission bien pressé ! Mesdames et Messieurs les députés, vous avez entendu ici le récit de quelque chose qui ne fait pas partie de notre coutume républicaine: mettre un texte aux voix dans les premières minutes d'une séance en l'absence d'un représentant des auteurs. Quel groupe dans cette enceinte accepterait un tel traitement ? Aucun, pas même le PLR. Faudrait-il encore changer la LRGC afin de s'assurer qu'un quorum s'applique aux votes en commission ? Non, je ne crois pas, je pense que l'élégance devrait suffire. Oui, l'élégance, Monsieur le président de cette dernière séance de la commission de l'économie: l'élégance de respecter toutes les opinions. Et voyez comme je suis élégant, je ne vous voue pas aux gémonies.
Cela étant dit, ce modeste texte vise à modifier la loi en faveur du développement de l'économie et de l'emploi en complétant les missions du département par une nouvelle lettre g tout humble à l'alinéa 3 de l'article 5 demandant de veiller à ce que les sociétés désireuses de s'implanter dans le canton respectent les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme; principes directeurs des Nations Unies auxquels notre pays souscrit, puisque nous sommes membres de l'ONU.
Pourquoi avons-nous proposé cela ? Précisément pour garantir que les firmes de négoce en particulier, principalement actives depuis Genève, respectent ces normes. Ce texte résonnait à l'époque avec le scandale du «dirty diesel» dénoncé par Public Eye sur la vente de carburant à haute teneur en soufre en Afrique de l'Ouest qui a gravement contaminé des populations et l'environnement. Les compagnies mises en cause à l'époque, à savoir Trafigura, Vitol, Addax & Oryx et Litasco, agissent essentiellement depuis notre territoire. Voilà pourquoi, sur la base de cette affaire, nous avons voulu établir un modeste garde-fou pour que les principes directeurs relatifs aux entreprises figurent dans notre législation.
Que stipulent ces principes directeurs ? Deux choses: d'une part que les Etats doivent respecter, protéger et mettre en oeuvre les droits de l'homme et les libertés fondamentales - c'est ce que nous faisons localement via notre parlement et le Conseil d'Etat -, d'autre part que les sociétés doivent se conformer à toutes les lois applicables ainsi qu'aux droits de l'homme. C'est bien d'y souscrire au niveau international comme vous l'avez rappelé, Monsieur Zweifel, c'est encore mieux de l'inscrire dans notre ordre juridique.
En lien avec mon introduction sur l'historique du traitement de ce projet de loi, Monsieur le président, je sollicite le renvoi à la commission de l'économie afin qu'il en revienne avec un vrai rapport de minorité et surtout les prises de position de tous les groupes qui assisteront aux travaux. Merci.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Nous sommes saisis d'une proposition de renvoi en commission, donc je donne la parole au rapporteur ainsi qu'au Conseil d'Etat. Allez-y, Monsieur Zweifel.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur ad interim. Merci, Monsieur le président. J'ai bien écouté les leçons de M. Lefort. Permettez-moi de lui répondre en lui signalant d'abord que, puisqu'il aime donner des leçons, il me semble que lire un PV qui n'a pas été repris dans un rapport est contraire à la LRGC... (Exclamations.) Oui, je sais: «dura lex, sed lex», le Bureau en fera ce qu'il voudra. En ce qui me concerne, cela ne me dérange pas plus que cela, mais quand on veut faire la morale, c'est bien d'être soi-même exemplaire.
Je rappelle ensuite qu'une séance de commission débute à 17h, Monsieur Lefort, à 17h ! Alors bon, qu'un, deux, trois - voire quatre ! - représentants soient en retard, cela peut arriver, effectivement, la circulation dans ce canton, on le sait, n'est pas aisée, y compris apparemment pour ceux qui marchent ou se déplacent à vélo - comme quoi, cela arrive à tout le monde. Mais que pas un seul membre - pas un seul ! - de la gauche ne soit présent alors que chacun connaît, grâce à la convocation, l'ordre du jour de la séance, cela, Monsieur Lefort, n'est pas possible. Vous pouvez servir autant de leçons que vous voulez, mais par pitié, appliquez d'abord à vous-même les enseignements que vous voulez donner aux autres.
Pour le surplus, Mesdames et Messieurs, toutes les auditions qui devaient être menées sur ce sujet ont été réalisées, le vote a eu lieu correctement après le début de la séance convoquée normalement à 17h, en conséquence de quoi je vous invite à ne pas renvoyer ce texte en commission.
Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, en ce qui concerne le renvoi en commission, il me semble que cela en vaut la peine non seulement pour réparer l'absence des signataires du projet de loi lors du vote en commission, mais également parce qu'un certain nombre d'événements se sont produits depuis que ce projet de loi a été déposé, discuté, puis mis aux voix, parmi lesquels je mentionnerai en particulier la votation sur l'initiative pour des multinationales responsables, qui a été adoptée par les citoyennes et citoyens genevois à hauteur de 64% et des poussières, ce qui témoigne de l'intérêt des Genevois en la matière.
J'ajouterai, pour nourrir votre réflexion au moment du scrutin sur le renvoi en commission, que le canton de Genève, qui est le siège du Conseil des droits de l'homme - Conseil des droits de l'homme qui examine et promeut le respect des droits humains tant par les particuliers que par les entreprises dans tous les pays du monde -, pourrait être bien inspiré de s'interroger quant à la question de l'intégration de ces valeurs, qui sont celles de notre démocratie, dans sa législation cantonale, ce qui ne vient en aucun cas contredire les engagements de la Suisse ni l'application du droit fédéral. Pour toutes ces raisons, le Conseil d'Etat se rallie à la proposition de renvoi en commission. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. A présent, je lance le vote sur la demande de renvoi à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12044 à la commission de l'économie est rejeté par 51 non contre 40 oui.
Le président. Nous poursuivons le débat. La parole est à M. André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Pour revenir sur le sujet, je précise que ce projet de loi propose d'appliquer une mesure qui relève de la compétence de la Confédération et qui est déjà partiellement en vigueur. Comme l'a relevé le directeur du service du développement durable de l'Etat de Genève, il existe déjà un concept cantonal du développement durable 2030 à Genève. De plus, le respect des principes directeurs des Nations Unies concerne les Etats, et la Suisse y souscrit. Cela a d'ailleurs été confirmé par Mme Delphine Klopfenstein Broggini elle-même, auteure du texte, qui a indiqué lors de son audition - je cite le rapport: «Ces principes sont intégrés dans la mise en oeuvre du plan d'action au niveau fédéral.»
Cet objet constitue une attaque directe contre un secteur économique entier avec ses 400 entreprises et plus de 8000 collaborateurs, entreprises qui comptent parmi nos principaux contribuables. Cela a déjà été relevé, mais je répète que lors du vote en commission, six commissaires étaient contre tandis qu'un seul et unique membre s'est abstenu. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, le groupe UDC vous recommande de refuser ce projet de loi. Merci de votre attention.
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne peux m'empêcher de revenir sur les circonstances du vote en commission, qui sont un peu particulières. Cela fait neuf ans que je siège dans ce Grand Conseil et je crois avoir vu des députés de gauche comme de droite arriver en retard en commission; je pense que ce n'est pas le monopole de la gauche, cela arrive à la droite également. En neuf ans, je n'ai pas souvent vu l'entier d'un bord politique absent au début d'une séance de commission, et si quelquefois cela se produit, c'est davantage sur le ton de l'humour, chers collègues de ce parlement, que nous blaguons en disant: «Est-ce que nous passons tout de suite au vote ?» Toutefois, on a généralement la décence de ne pas le faire. Ce qui s'est passé ici est véritablement de la bassesse politique, c'est un hold-up démocratique, il faut le dire.
Le PLR, plus grand parti du Grand Conseil, doit-il espérer, avec quatre représentants en commission, qu'il n'y ait aucun membre de la gauche pour voter et faire avancer son idéologie politique de libéralisme absolu ? Je ne crois pas, non. Le PLR aurait pu avoir la décence d'attendre qu'il y ait des représentants de la gauche, à tout le moins des signataires du projet de loi. Il convient, et c'est la raison pour laquelle je vais redemander le renvoi à la commission de l'économie, de nous prononcer sur ce texte de façon propre et démocratique avec un véritable rapport de minorité.
Maintenant, s'agissant du fond de ce texte, je relève deux aspects. D'une part, on entend dire qu'il ne faudrait agir qu'au plan fédéral et que rien ne peut être entrepris à l'échelle cantonale. Mesdames et Messieurs les députés, à ce moment-là, cessons tout développement économique dans le canton de Genève, car si on ne peut pas le piloter ni émettre le moindre critère, cela ne sert à rien. Il est vrai qu'on peut parfois se demander si nous déployons véritablement une vision dans ce canton afin de déterminer dans quelle direction nous allons en matière de promotion économique.
Prenons par exemple le rapport de gestion en ce qui concerne les allégements fiscaux octroyés aux entreprises qui viennent s'implanter ici ou aux nouvelles sociétés, il est un peu flou: en 2019, quatre compagnies en ont bénéficié dans le domaine de la production, treize dans celui des quartiers généraux, quatorze parmi les start-ups et trois dans la catégorie des autres services. Bref, quelle est notre conception du développement économique via des allégements fiscaux accordés aux entreprises ? C'est un mystère absolu.
Pourquoi, dans le cadre de cet objet qui vise à instaurer un critère éthique avant tout, refuser de défendre une certaine vision de notre croissance économique qui soit d'ordre durable et déontologique ? Cette perspective, Mme Fischer l'a rappelé tout à l'heure, est partagée par une très large majorité des Genevoises et des Genevois; une très faible majorité au niveau suisse, c'est vrai - 50,7% des citoyennes et citoyens ayant le droit de vote ont dit non sur le plan fédéral... (Remarque.) -, mais 64% - 64% ! - des gens à Genève ont accepté l'initiative pour des multinationales responsables, qui va exactement dans la même direction que ce projet de loi avec des conditions environnementales en plus.
Par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, si nous souhaitons aujourd'hui être cohérents avec la volonté du peuple, que nous représentons dans cette enceinte, eh bien il faudrait écouter cette majorité de 64% et accepter le texte ou alors le renvoyer en commission afin de mener un véritable débat, et c'est la proposition que je fais, Monsieur le président: nous devons terminer les travaux sereinement et de façon démocratique à la commission de l'économie.
Une voix. Bien, bravo ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Sur le renvoi en commission, Monsieur Zweifel ?
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur ad interim. Oui, Monsieur le président, j'invite les partis qui n'ont de cesse de demander le renvoi en commission afin de débattre de ce texte à arrêter de manger leur temps de parole pour ce genre de proposition, à cesser de parler de la forme et à se concentrer sur le fond ! Monsieur de Sainte Marie - vous transmettrez, Monsieur le président -, profitez du temps qui vous est accordé maintenant pour donner vos arguments, comme vous l'avez fait, au lieu de rogner sur votre temps pour nous expliquer qu'il faut retourner en commission refaire le débat que vous pouvez mener aujourd'hui - débat qui a été mené en commission, puisque toutes les auditions ont été effectuées.
La seule chose qui n'a pas eu lieu correctement, c'est le vote; c'est la seule chose. D'accord, mais ce n'est pas du fait de la majorité du PLR et de je ne sais quel autre parti, mais de l'absence de tous les représentants de la gauche ! Alors en effet, vous n'avez certainement pas le monopole du retard, mais en revanche, celui de l'absence totale, apparemment oui. Encore une fois, je m'oppose au renvoi en commission. Menons le débat sereinement ici, exposez tous vos arguments et avançons sur les autres points plutôt que de systématiquement renvoyer les objets en commission.
Enfin, j'aimerais souligner que je suis un peu étonné des propos de Mme la conseillère d'Etat Fischer qui, en soutenant le renvoi en commission sur la base des explications qu'elle a livrées, remet tout simplement en cause les indications de ses propres équipes, qui ont mentionné lors des auditions que ce projet de loi était inutile précisément parce que tout était déjà en place, non seulement dans la législation, mais également dans le cadre du travail de ses services. Aujourd'hui, en se prononçant en faveur du renvoi en commission, elle contredit ses propres collaborateurs, ce que je trouve particulièrement dommage. Il ne faut pas renvoyer ce projet de loi en commission, il faut en débattre immédiatement et le voter tranquillement. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Madame la conseillère d'Etat, souhaitez-vous vous exprimer ? (Remarque.) Non, d'accord. Nous nous prononçons dès lors sur cette nouvelle demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12044 à la commission de l'économie est rejeté par 52 non contre 39 oui.
Le président. Monsieur Jean-Marc Guinchard, à vous la parole.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Les félicitations protocolaires ayant déjà été exprimées... (Rires.) ...je m'abstiendrai tout en vous réitérant que je les partage ! Mesdames et Messieurs les députés, le représentant des Verts a invoqué la tradition républicaine qui devrait, selon lui, présider à nos travaux; nous avons aussi à Genève une importante tradition horlogère qui implique de respecter une certaine ponctualité. Je vous remercie.
Le rapporteur de majorité a souligné avec pertinence les inégalités de traitement qui pourraient se produire suite à la potentielle adoption de ce projet de loi entre les entreprises déjà installées et celles qui souhaiteraient le faire, je n'y reviendrai pas. En revanche, je voudrais mentionner que le texte ne concerne par exemple pas les organisations non gouvernementales, parmi lesquelles certaines ont été pincées pour des comportements à l'étranger peu adéquats avec le respect des droits de l'homme ou de la personnalité.
Concernant maintenant la concurrence fiscale, nous subissons jour après jour une rivalité extrêmement forte avec d'autres cantons, et cette mesure risque d'inciter certaines entreprises à renoncer à venir s'installer sur les bords du lac de Genève pour leur préférer ceux du lac Léman. A l'heure actuelle, je le précise, la loi sur le développement économique permet à la DG DERI de piloter, Monsieur Romain de Sainte Marie, la promotion économique de ce canton, et je tiens d'ailleurs ici à remercier les collaborateurs pour leur engagement et leur efficacité. Comme cela a été rappelé par tous les auditionnés, cette loi permet déjà d'aller dans le sens de ce qui est prévu par le présent objet. En fonction de ce qui précède, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de refuser celui-ci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole revient maintenant à M. Vincent Subilia pour quatre minutes.
M. Vincent Subilia (PLR). Merci, Monsieur le président, je la prends volontiers. Mme la conseillère d'Etat, s'agissant du renvoi en commission dont il est désormais définitivement acté qu'il a été rejeté à deux reprises, indiquait que Genève est capitale et même berceau des droits de l'homme. C'est une grande fierté, et nous pouvons toutes et tous ici nous en féliciter. Mais Genève est aussi, sous l'angle économique, et c'est le débat qui nous anime ce soir, un centre de premier plan en ce qui concerne l'industrie du négoce - que l'on peut aimer ou pas, là n'est pas la question - dont il s'agit de rappeler, quelques chiffres ont déjà été énoncés, qu'elle génère plusieurs milliers d'emplois pour quelques centaines d'entreprises à la clé et surtout une contribution au PIB genevois qui est de l'ordre du quart de celui-ci, ce qui n'est pas négligeable. Et voyez-vous, Mesdames et Messieurs, le respect des droits humains et la pratique de l'activité de négoce, qui consiste par exemple à fournir du pain chaque jour en exportant du blé, ne sont pas incompatibles. C'est d'ailleurs très exactement le sens des principes directeurs des Nations Unies.
Tout ce débat est extrêmement ésotérique et traduit la méconnaissance crasse, surtout des bancs de la gauche de l'hémicycle - qui se trouvent géographiquement à ma droite -, du cadre juridique aujourd'hui applicable. Ce texte, Mesdames et Messieurs les députés, est issu du monde d'avant, celui d'avant la pandémie, celui d'avant - seconde crise - le conflit ukrainien. En effet, vous devriez le savoir, après le dépôt de ce projet de loi, mais c'est tout à fait indépendant, la Suisse a adopté une version revisitée de ces principes nationaux en réaffirmant de façon nette son attachement à ces valeurs et en mettant sur pied un processus permettant d'en assurer l'application.
Mesdames et Messieurs, aussi importants que puissent se croire le boeuf ou la grenouille, nous sommes ici dans un cadre qui est d'ordre national, et au même titre que je m'offusque d'entendre qu'il faudrait adopter cet objet sous prétexte que la sensibilité genevoise se serait portée vers un soutien de l'initiative pour des multinationales responsables, dont je signale qu'il s'agit d'un texte de nature fédérale, je m'insurge, mais c'est peut-être un réflexe pavlovien d'avocat de formation, qu'on veuille instituer des principes qui sont du strict ressort de la souveraineté nationale. C'est une confusion totale de la hiérarchie des normes qui n'a pas lieu d'être, surtout venant de celles et ceux qui prétendent ici produire des textes législatifs; nous en sommes toutes et tous responsables. Alors quand, en plus, on omet d'avoir suivi les évolutions législatives en la matière, je crois qu'on a assez peu de leçons à donner à la planète entière.
Si l'on revient sur les auditions qui ont été menées, notamment celle des équipes de Mme la conseillère d'Etat Fabienne Fischer, comme l'a rappelé le rapporteur de majorité, eh bien on a entendu que le cadre existe, qu'il est respecté, et c'est Rémy Zinder, à la tête du développement durable, qui nous a expliqué que les normes appliquées aujourd'hui à Genève, et je peux en témoigner, servent les mêmes buts que ceux que l'on souhaiterait introduire, tels des corps étrangers, hybrides parce que n'ayant rien à faire dans une législation cantonale, dans la loi sur le développement économique.
Mesdames et Messieurs, cela revient à procéder par pure idéologie, ce sont des gesticulations qui n'ont pas de sens, qui auront simplement pour effet de rendre notre canton encore un peu moins attractif aux yeux des sociétés qui souhaiteraient s'y implanter. Parmi les quatre mentionnées dans le rapport, je précise que l'une d'elles a plié bagage, a quitté Genève, il n'en reste que trois qui ont largement fait amende honorable s'agissant du scandale évoqué dans l'exposé des motifs. Je rappelle surtout que ces entreprises font vivre des milliers d'employés qui, pour la plupart, bénéficient de salaires conséquents, financent le train de vie de l'Etat, accessoirement celui de ce parlement, et qu'à ce titre, en ces temps extrêmement troublés où les acteurs du négoce sont sévèrement affectés par la crise qui se déroule aux portes de l'Europe, le message envoyé serait particulièrement désastreux. Encore une fois, il s'agit d'un texte inapplicable, qui n'est pas de rang cantonal, dont les objectifs sont déjà pleinement respectés; ce n'est rien moins qu'une gesticulation, une Genferei de plus dont nous devons absolument faire l'économie ce soir. Merci. (Applaudissements.)
M. Jean Burgermeister (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, plusieurs personnes ont rappelé le score très large de l'initiative dite pour des multinationales responsables: plus de 64% de oui dans le canton de Genève. Mais à l'inverse de ce qui a été indiqué, c'est aussi une majorité de la population suisse qui acceptait ce texte; une courte majorité, c'est vrai - 50,7% de oui -, mais si l'initiative a été rejetée in fine, c'est uniquement parce qu'elle a échoué de peu à obtenir la majorité des cantons. Cela, Mesdames et Messieurs, devrait tout de même nous faire réfléchir un peu.
Pourquoi le PLR s'obstine-t-il à ne pas céder d'un pouce malgré la volonté exprimée par une majorité des citoyennes et citoyens helvétiques ? Pourquoi M. Zweifel, à l'injonction de s'interroger quelque peu, me répond-il non ? Pourquoi les membres de la droite, comme un seul homme, votent-ils contre ce projet de loi avec empressement en commission, avant même qu'un élu de gauche puisse au moins prendre un rapport de minorité et le défendre convenablement ? Tout de même, Mesdames et Messieurs, cela démontre un certain malaise.
Parce que contrairement à ce qui vient d'être soutenu, Mesdames et Messieurs les députés du PLR, et vous le savez, nombre de ces sociétés s'adonnent à des activités qui sont profondément et uniquement parasites, qui desservent les intérêts d'une grande partie de l'humanité, qui nuisent à l'environnement, et ici, on fait comme si on ne savait rien et on ne les juge pas pour des infractions qui sont graves, y compris aux droits humains, car elles sont commises à l'étranger.
On nous dit: «Mais enfin, tout cela est de l'histoire ancienne», en référence aux affaires citées à l'époque comme exemples pour justifier le dépôt de ce projet de loi. Eh bien j'aimerais rappeler, même si ce n'est pas tout à fait une infraction aux directives des Nations Unies, que selon certains rapports récents, ce sont les entreprises de négoce international basées à Genève qui financent la guerre de Poutine en alimentant massivement le commerce du pétrole russe ! Ces sociétés sont implantées dans notre canton et financent aujourd'hui l'invasion russe en Ukraine, Mesdames et Messieurs ! Alors qu'on ne prétende pas que tout cela est terminé et que ces compagnies respectent les principes fondamentaux des droits humains ! Notre Grand Conseil a adopté unanimement une résolution condamnant fermement cette guerre, n'est-ce pas ? Et nous resterions les bras croisés sachant que les personnes qui la financent se trouvent sur notre territoire ?! Voyez le malaise, Mesdames et Messieurs, et c'est pour cela, pour cela uniquement, que la droite refuse en force cet objet.
Les excuses de M. Zweifel sont grotesques. J'étais hier à la commission des finances pour le vote des comptes; au début de la séance, il n'y avait pas grand-monde, probablement même que M. Zweifel n'était pas là. Je ne peux pas l'affirmer, bien sûr, car je suis soumis au secret de commission, mais si ce n'était pas le cas, j'énoncerais que M. Zweifel n'était pas présent à l'heure pour voter les comptes de l'Etat de Genève et qu'il est arrivé avec plus de quatre minutes de retard. Vous conviendrez que c'est un peu maladroit de sa part ! Au fond, Mesdames et Messieurs... (Remarque.) Bien entendu, je ne le dirai pas, Monsieur Zweifel, soyez rassuré, cela restera entre vous et moi ! (Remarque.) Mais surtout...
Une voix. Et il fallait être là à l'heure pour le constater !
M. Jean Burgermeister. Mais surtout, il y a une contradiction manifeste dans les arguments du PLR. M. Zweifel nous signale: «D'abord, c'est déjà appliqué, et ensuite, ce serait extraordinairement difficile à appliquer.» (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Evidemment, il faut choisir: c'est soit l'un, soit l'autre, Monsieur Zweifel. Certes, le projet de loi soulève des questions relatives à l'application des mesures dans un seul canton, mais là derrière, il y a un choix démocratique que nous devons opérer et que nous devons discuter politiquement: quel développement économique souhaitons-nous pour ce canton ? Veut-on se diriger vers davantage de négoce des matières premières, car c'est le chemin...
Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.
M. Jean Burgermeister. ...qu'ont emprunté le Conseil d'Etat et l'Etat de Genève, ou vise-t-on au contraire un développement économique avec une activité plus ancrée...
Le président. C'est terminé...
M. Jean Burgermeister. ...dans le territoire, dans son tissu socio-économique, avec des emplois qui répondent...
Le président. C'est terminé !
M. Jean Burgermeister. ...aux besoins de la population ? J'en ai terminé, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Monsieur Lefort, il vous reste dix secondes.
M. François Lefort (Ve). Ah ! Alors on y va. A propos de la remarque du rapporteur de majorité, je reconnais ma faute, qui ne concerne pourtant que le début et la fin du traitement de l'objet, c'est-à-dire ce qui s'est passé entre 17h03 et 17h04. Tout ce que j'ai indiqué figure intégralement dans le rapport de majorité.
Le président. Merci bien. Je rends la parole à M. Pfeffer pour deux minutes.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. En lieu et place de débattre sur les absences ou les arrivées tardives de certains, il faudrait plutôt revenir sur le sujet. Ce projet de loi, je le dis et le répète, a été traité normalement en commission, toutes les auditions ont été réalisées. Voici les principales raisons pour lesquelles refuser ce texte: premièrement, les mesures proposées relèvent de la compétence de la Confédération, non du canton; deuxièmement et contrairement à ce qui a été soutenu par la gauche, elles sont déjà appliquées; troisièmement, en votant cet objet, Genève se doterait d'une loi dont les critères seraient très difficilement applicables au niveau cantonal, tout en créant, cela a déjà été souligné, une inégalité entre les nouvelles entreprises qui souhaiteraient s'implanter chez nous et celles qui y sont déjà installées. Ce projet de loi est inacceptable et doit donc être rejeté. Merci de votre attention.
M. François Baertschi (MCG). Ce projet de loi est une gesticulation idéologique dangereuse. Comme l'a bien souligné le député Subilia, il affaiblirait Genève si par malheur il était accepté. Pire que ça, cet objet est tout à fait absurde. Pour quelle raison ? Parce qu'il se base sur les principes de l'Organisation des Nations Unies, les principes des droits de l'homme - des droits humains, comme on dit maintenant. Or sur quoi ceux-ci sont-ils fondés ? Sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 - enfin, je ne suis plus sûr de la date...
Une voix. Oui, c'est ça.
M. François Baertschi. ...de 1789, donc, qui elle-même s'inspire des idées de Rousseau, genevois, lequel a trouvé ses sources dans le terreau local, c'est-à-dire qu'on est en train de réimporter des idées éminemment genevoises, on cherche à les reprendre de façon officielle en se disant: «Puisque ça vient des Nations Unies, nous avons l'onction», mais pas une sorte d'onction pontificale, une onction complètement absurde, comme si nous, Grand Conseil genevois, n'étions pas capables de mettre au point des projets de lois.
C'est notre responsabilité de le faire, nous n'avons pas à nous coucher devant des normes internationales qui sont utilisées de manière dangereuse et parfois même fantaisiste. Voilà le grand danger de ce texte; il est sans doute plein de bonnes intentions, mais ne va rien apporter de bon à notre belle cité de Genève. Nous devons refuser ces tentations, ces bricolages idéologiques néfastes, Mesdames et Messieurs, car ils vont contre l'équilibre de notre canton, contre le bien-être de notre ville de Genève. C'est pourquoi je vous demande de refuser ce texte.
Si, du côté gauche de l'hémicycle, on souhaite légiférer sur la question, on peut tout simplement remettre l'ouvrage sur le métier et faire une proposition qui soit véritablement originale et ne se fonde pas sur l'onction des Nations Unies, ce qui est à mon sens parfaitement ridicule.
Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Deonna, vous ne disposez plus que de vingt secondes.
M. Emmanuel Deonna (S). Oui, merci, Monsieur le président. Je pense que nous devons évaluer la situation à la lumière des engagements de la Suisse et de Genève en matière de responsabilité des multinationales, parce qu'on observe en ce moment une tendance très inquiétante, à savoir le dépôt ou la menace de plaintes par des entreprises ou des dirigeants, ce qui a un impact négatif sur le travail des ONG en Suisse, ces ONG courageuses qui osent signaler à juste titre les infractions aux droits humains commises par les multinationales et leurs filiales à l'étranger. C'est un rapport très récent de l'EPER qui le souligne. Je vous remercie.
Le président. Merci. Monsieur le rapporteur de majorité, il ne vous reste plus de temps de parole, ni sur vos interventions ni sur le groupe. A présent, je laisse la parole à Mme la conseillère d'Etat Fabienne Fischer.
Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai évoqué tout à l'heure, au sujet du renvoi en commission, l'acceptation de l'initiative pour des multinationales responsables par le peuple genevois. Parmi les autres événements ayant eu lieu depuis les quatre ans très exactement qui se sont écoulés suite au vote particulier de ce projet de loi en commission, le Conseil d'Etat genevois a également pris position sur le contreprojet à l'initiative pour des multinationales responsables.
Je vous renvoie à une rubrique du point de presse du Conseil d'Etat du 7 juillet 2021 qui porte le titre suivant: «Minerais et métaux provenant de zones de conflit et du travail des enfants: Genève critique». Le Conseil d'Etat a en effet considéré que le projet soumis à consultation par le Conseil fédéral n'était pas suffisamment exigeant eu égard à un certain nombre d'enjeux, notamment à la question des droits de l'homme et des droits démocratiques. En ce sens, il a appelé à ce que ce texte soit plus ambitieux sur plusieurs points, écrivant notamment: «Le Conseil d'Etat rappelle que si le maintien de conditions cadre concurrentielles est nécessaire à la préservation de la compétitivité de la place économique suisse, son intégrité est également un enjeu essentiel.»
C'est bien de cela que nous parlons maintenant, Mesdames et Messieurs les députés, à propos du projet de loi qui vous est présenté et qui ne vise pas grand-chose d'autre qu'à réaffirmer les principes et valeurs qui fondent notre démocratie. Dans les temps troublés que nous vivons après les années covid, aujourd'hui avec la guerre et les sanctions que celle-ci nous amène à prendre, je crois que c'est le bon moment de rappeler ces valeurs, des valeurs qui sont celles, je l'indiquais tout à l'heure, d'une Genève qui est dépositaire d'actions en matière de droits de l'homme et qui, en cette qualité, passe chaque année au crible les comportements des autres pays de la planète en ce qui concerne l'exécution et le respect des droits humains.
Cette Genève-là ne pourrait pas, dans son appareil législatif cantonal, ne pas les mentionner. Il s'agit, je le rappelle, d'une norme potestative, pas d'une norme prescriptive, il est juste question de dire: «Genève veille à ce que les droits de l'homme soient respectés, non seulement par les particuliers, mais également par les entreprises.» Oui, certains secteurs économiques représentent 25% de notre PIB, nous les remercions de contribuer à la prospérité de notre canton et l'objectif aujourd'hui n'est pas de les renvoyer ailleurs, mais simplement de marteler: «Toutes les branches économiques, toutes les entreprises de même que tous les particuliers doivent se conformer aux droits humains dans le cadre de leurs activités.» A mon sens, Genève doit décider de réaffirmer cette valeur qui nous est propre et qui nous est chère.
J'aimerais également citer un passage de la déclaration du Conseil fédéral dans le cadre de son Plan d'action national de la Suisse 2020-2023 au sujet des principes directeurs de l'ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme, c'est-à-dire précisément le sujet qui nous occupe ici. En 2020, soit il y a peu, il indiquait: «Le Conseil fédéral attend des entreprises basées et/ou actives en Suisse qu'elles respectent les droits de l'homme, dans toutes leurs activités, partout où elles opèrent. La pandémie COVID-19 a eu un impact important sur les chaînes d'approvisionnement dans le monde entier et a mis en évidence la forte interconnexion avec l'économie mondiale. Elle a également montré que les entreprises qui exercent leur diligence raisonnable en matière de droits de l'homme et qui intègrent toutes leurs parties prenantes dans leurs activités sont mieux préparées pour faire face aux crises.»
Et le Conseil fédéral de poursuivre: «Le respect des droits de l'homme est devenu un enjeu d'importance stratégique pour beaucoup d'entreprises. Il permet de prévenir les atteintes à leur réputation, d'améliorer leur positionnement sur le marché et de les doter d'avantages concurrentiels.» Mon intervention se conclura sur ces propos du Conseil fédéral qui démontrent que réitérer, dans le cadre de la promotion économique du canton de Genève, notre attachement aux droits de l'homme et à leur respect par tous les acteurs constitue du simple bon sens démocratique. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12044 est rejeté en premier débat par 54 non contre 39 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Premier débat
Le président. Nous poursuivons avec le PL 12064-A dont le débat est classé en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole à M. Jacques Béné.
M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Oui, merci, Monsieur le président. On va revenir à des choses un peu plus terre-à-terre avec ce projet de loi. Je regrette que M. Deneys ne siège plus dans ce parlement...
Une voix. Moi pas !
M. Jacques Béné. ...car j'aurais aimé... (L'orateur rit.) ...lui demander s'il s'est vraiment déjà rendu dans un commerce avec des caisses automatiques. En effet, à l'époque - il y a de ça quelques années -, il avait débuté sa présentation en commission en soutenant que «les consommateurs ne sont pas demandeurs de cette prestation et sont mis devant le fait accompli». Mais enfin, quel fait accompli ? Cette prestation n'est pas obligatoire, les consommateurs peuvent en faire usage s'ils le souhaitent, et on en a bien vu l'utilité dans le cadre de la crise covid, puisque les caisses en libre-service étaient totalement prises d'assaut dans la plupart des surfaces de vente offrant cette possibilité à leurs clients.
Nous avons reçu en commission non pas pléthore, mais disons plusieurs des acteurs concernés, notamment les partenaires sociaux. Par exemple, la CGAS estime qu'il est totalement inconcevable de prévoir une redistribution du produit de la taxe ainsi que ce texte le prévoit et prône le rejet de celui-ci. Idem en ce qui concerne l'UAPG, qui évoque un mécanisme totalement surréaliste. La NODE, qui représente les petites PME, trouve que les entrepreneurs n'ont pas à être subventionnés s'ils ne disposent pas de caisses automatiques et s'oppose fermement à cet objet.
Lors de son audition, le Trade Club, qui est directement touché, nous a parlé de la qualité du service que toutes les entreprises et tous les commerces souhaitent apporter à leur clientèle et a condamné une méconnaissance du fonctionnement du système ainsi que du terrain. Quant à la FRC, attendu qu'un client qui choisit une machine plutôt que de se rendre vers une caissière fournit une prestation - c'est ainsi que c'est interprété -, elle préférerait à la rigueur que celui-ci bénéficie d'un rabais, mais de façon générale, la fédération rejette très clairement le principe d'une taxe dont le coût serait inévitablement répercuté sur le prix d'achat et, partant, sur le consommateur.
La seule personne auditionnée en commission à s'être prononcée en faveur du projet de loi, c'est une représentante de la Fédération européenne des travailleurs des transports qui, eux, n'ont strictement rien à voir avec les caisses automatiques, qui ne sont pas affectés par le sujet. Alors on est heureux de savoir qu'ils sont pour, mais en l'occurrence, je ne vois pas très bien ce que cette opinion a pu apporter au débat.
Mesdames et Messieurs, l'enjeu pour les commerces à l'heure actuelle, c'est de fournir le meilleur service à la clientèle, et ce n'est pas pour rien que même quand ils proposent des caisses automatiques, du personnel est toujours présent pour aider les gens qui les utilisent. M. Deneys - je devrais plutôt dire M. Déni, car il y a déni complet de la réalité - est contre la position exprimée tant par le patronat que par les syndicats. Pour nous, il s'agit d'un pur effet d'annonce; ce dispositif est totalement inutile, ne créerait strictement aucun emploi supplémentaire et ne pourrait que péjorer la qualité du service au sein des magasins genevois.
La majorité de la commission ne veut pas d'une économie planifiée, comme la connaissent certaines contrées pas si lointaines et dont on voit aujourd'hui encore les dégâts sur les populations concernées; on sait bien que c'était l'objectif de M. Deneys au moment de présenter ce texte. La majorité vous recommande dès lors de ne pas voter l'entrée en matière. Je vous remercie.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai l'honneur de remplacer notre ancien collègue et excellent député Roger Deneys, auteur du projet de loi et - hélas - rapporteur de minorité. Rappelons certains éléments: le but du texte est d'instaurer une taxe sur les caisses automatiques dont les recettes seraient reversées à une fondation de droit privé, laquelle poursuivrait quatre objectifs. Je les cite ici: celle-ci viserait «à préserver l'emploi dans le secteur du commerce de détail; à stimuler un commerce de qualité et de proximité, basé sur des relations humaines; à soutenir l'économie par le développement d'un secteur du commerce de détail orienté vers les clients; à promouvoir la formation et la reconversion professionnelle du personnel de vente au détail».
Je commence avec ce dernier point. En effet, 30% du produit de la taxe serait destiné à la Fondation pour la formation professionnelle et continue - la FFPC - afin d'agir sur le plan de la reconversion professionnelle. On le sait, la tendance qui s'observe depuis quelques années - cet objet a déjà cinq ans - consiste à remplacer les caisses dites traditionnelles, alors occupées par des humains, par des caisses automatiques, c'est-à-dire des robots. Ce changement d'organisation du travail implique des pertes d'emplois, et il s'agit aujourd'hui d'aider les personnes à se réorienter professionnellement. Or la reconversion représente non seulement un coût pour la collectivité, mais surtout une responsabilité, celle d'offrir des formations, d'apporter de nouvelles qualifications aux gens pour qu'ils puissent pratiquer d'autres métiers.
L'autre part des recettes issues de la taxe, soit les 70% restants, serait tout simplement redistribuée aux commerces de détail qui ne possèdent pas de caisses automatiques. Il ne s'agit absolument pas d'une inégalité de traitement, bien au contraire, il s'agit précisément de limiter les disparités induites par l'usage des machines vis-à-vis de la main-d'oeuvre humaine, ce personnel qui devient toujours plus coûteux pour les entreprises par rapport à une automatisation de l'outil de travail.
En effet, une caisse automatique n'est pas taxée, elle ne fait que dégager des recettes. L'imposition a lieu à la fin sur le bénéfice, certes, mais aucune ponction n'est effectuée pour financer la retraite, le chômage, l'assurance-maternité - une caisse automatique ne fait pas d'enfants. Tout cela occasionne des frais, naturellement, ce qui signifie que le personnel est aujourd'hui plus cher que les appareils en libre-service. Voilà l'inégalité que vise à réduire ce projet de loi, il s'agit de combattre le fait que la main-d'oeuvre humaine devient toujours plus coûteuse.
Puisqu'elle devient toujours plus chère, les entreprises, en l'occurrence ici les surfaces de vente, font le choix d'adopter des systèmes automatiques plutôt que de garder leurs employés. Si ce calcul peut sembler intéressant et profitable à court terme, en revanche, à moyen et long terme, le coût pour l'ensemble de la société est extrêmement élevé: cela se mesure en pertes d'emploi, en taux de chômage, en recours à l'aide sociale, c'est-à-dire des dépenses directes pour notre canton. Le dispositif qui vous est soumis ici a véritablement pour vocation de lutter contre la diminution des emplois, de maintenir les postes et, plus généralement, de promouvoir un commerce de détail basé sur l'humain.
Ce projet de loi a quelques années, puisqu'il a été déposé il y a cinq ans. A l'époque, M. Deneys indiquait que les consommateurs n'ont pas le choix face au déploiement des caisses automatiques, et force est de constater qu'il avait entièrement raison. Je conteste les propos du rapporteur de majorité, car en cinq ans, nous avons assisté à leur développement massif, et les clients n'ont pas véritablement eu leur mot à dire, on ne les a pas consultés. Vous savez très bien comme moi que, année après année, le nombre de caisses dites traditionnelles ne fait que diminuer - une, voire deux, grand maximum, d'où la file d'attente derrière celles-ci - alors que pléthore de machines sont installées. Ce n'est pas ce que j'appelle un libre choix, non, c'est un choix orienté par les acteurs du commerce de détail, qui dirigent les clients vers les caisses automatiques.
Par conséquent, cette main-d'oeuvre automatique, qui n'est pas imposée, qui coûte bien moins cher que le personnel humain, devrait être taxée afin de garantir davantage d'emplois dans notre canton. C'est la raison pour laquelle la minorité vous invite à adopter ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie.
Le président. Mesdames et Messieurs, je vous souhaite un bon appétit ! Nous reprendrons nos travaux à 20h30.
La séance est levée à 18h50.