République et canton de Genève

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PL 12064-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Roger Deneys, Boris Calame, Jean-Charles Rielle, Marko Bandler, Christian Frey, Nicole Valiquer Grecuccio, Marion Sobanek, Lydia Schneider Hausser, Romain de Sainte Marie, Salima Moyard, Jean-Louis Fazio, Irène Buche, Caroline Marti, Olivier Baud, Alberto Velasco, Isabelle Brunier, Cyril Mizrahi, Maria Casares pour le maintien de l'emploi, de la qualité et de la proximité dans le secteur du commerce de détail (Instauration d'une taxe sur les caisses automatiques)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 27 et 28 février 2020.
Rapport de majorité de M. Serge Hiltpold (PLR)
Rapport de minorité de M. Roger Deneys (S)

Suite du premier débat

Le président. Nous reprenons le traitement du PL 12064-A entamé tout à l'heure. Je rappelle que cet objet est classé en catégorie II, quarante minutes. Monsieur Jean-Marc Guinchard, vous avez la parole.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Je ne m'emploierai pas, comme l'a fait M. Romain de Sainte Marie, à tenter de déterminer si les files d'attente sont plus longues aux caisses automatiques ou aux caisses traditionnelles. Pour ma part, quand je me rends au supermarché, je trouve très pratique d'avoir recours à ces machines, mais enfin, chacun ses choix - c'est la preuve qu'en tant que clients, nous avons bien le choix. (Remarque.) Je suis moderne, en effet, Monsieur Romain de Sainte Marie, ne soyez pas impertinent !

Ce projet de loi déposé par notre ancien collègue Roger Deneys soulève tout de même une question intéressante en ce qui concerne l'évolution grandissante des systèmes automatiques et de l'intelligence artificielle. Il faut savoir - j'ai souvent suivi des conférences du professeur Oberson sur ce sujet - qu'il sera facile, ces dix prochaines années, grâce à des dispositifs utilisant des algorithmes adéquats, de remplacer par exemple des comptables ou des juristes; il sera toutefois impossible - je tiens à rassurer M. Zweifel que je sens inquiet - de remplacer les experts-comptables, car leurs connaissances sont liées à des dispositions légales obligatoires; il sera plus compliqué également de remplacer des marchands de cycles et motos ou des plombiers.

Cela étant dit, j'aimerais qu'on élève un peu le débat sur ce point et qu'on se place à une certaine hauteur, une vision à plus long terme étant nécessaire. Mesdames et Messieurs, le développement de l'automatisation et de l'intelligence artificielle doit nous questionner, parce que sur le plan fiscal ainsi que du financement des assurances sociales, il s'agira d'un enjeu vraiment important ces prochaines années, pas seulement au niveau cantonal, mais surtout sur le plan fédéral et très certainement à l'échelle internationale.

Ce sont des défis majeurs auxquels nous serons confrontés, et je pense que nous devons travailler à la façon de compenser les pertes que nous allons enregistrer en assurances sociales ou en fiscalité plutôt que de simplement prévoir une taxe sur les caisses automatiques, taxe qui est par ailleurs absolument prohibitive et ne respecte pas le principe de base de la proportionnalité. Dans ce cadre, je vous propose de suivre la majorité de la commission et de refuser le PL 12064. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais simplement souligner, un peu dans le sens de ce qui a été indiqué tout à l'heure par M. Guinchard et auparavant par M. de Sainte Marie, que le temps des consommateurs appartient aux consommateurs, et pas aux commerçants. Aujourd'hui, il y a bel et bien un problème, puisque les clients sont obligés de faire la queue s'ils ne veulent pas utiliser les caisses automatiques.

Le groupe Ensemble à Gauche était favorable à l'entrée en matière sur ce projet de loi, car celui-ci soulève des questions que nous ne pouvons pas esquiver: l'introduction de nouvelles technologies dans le monde professionnel, l'automatisation des tâches qui en découle et son impact sur les postes, notamment dans les secteurs des services et de l'industrie. Cette transformation en profondeur de l'organisation du travail doit absolument faire l'objet de débats et de réflexions sur l'augmentation du chômage structurel, sur la fiscalité et le financement des services publics de même que sur celui des assurances sociales et de la sécurité sociale.

Si nous partageons les préoccupations de l'auteur du texte, nous ne pouvons en revanche pas souscrire à la solution qu'il propose. Instituer une taxe sur les caisses automatiques ainsi qu'une fondation, laquelle financerait à 70% des entreprises n'utilisant pas ces appareils et à 30% la formation dans le but de reclasser les exclus de l'automatisation, n'est de notre point de vue pas la bonne réponse. Cette mesure ne protège pas l'emploi, n'agit pas sur les conditions de travail du personnel dans le commerce de détail, qui ont été fortement dégradées par l'introduction de machines. De plus, l'essentiel de la taxe envisagée serait affecté aux sociétés, et non aux travailleurs lésés par ces changements.

Les points centraux à prendre en considération sont la redistribution des gains de productivité et la problématique du chômage structurel. Depuis les années 60, la productivité ne cesse d'augmenter, mais les salaires ne suivent pas, les employés n'en bénéficient pas. Une taxe sur les caisses automatiques serait plus opportune pour financer la réduction du temps de travail qui s'impose, non seulement dans le but d'améliorer la qualité de vie des travailleurs et travailleuses, mais tout autant de créer de nouveaux postes; elle permettrait, comme le préconisent les représentants des syndicats, de mettre en place des formations gérées paritairement, de favoriser les retraites anticipées ou une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle, de compléter les mesures du chômage pour les personnes licenciées suite à l'automatisation de leur métier ou d'améliorer les prestations pour les chômeurs âgés. La liste n'est pas exhaustive, la réflexion est ouverte et doit se poursuivre.

En l'état, notre groupe ne soutiendra pas ce texte de loi, mais vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à continuer la discussion qu'il a ouverte et à vous montrer réceptifs quant à une proposition qui irait véritablement dans le sens de préserver et de développer l'emploi en garantissant le financement des services publics et des assurances sociales. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. André Pfeffer (UDC). Ce projet de loi vise à introduire une taxe surréaliste de 10 000 francs pour chaque caisse électronique. Il s'agit d'une proposition dogmatique et impensable ! L'auteur ne prend absolument pas en compte les difficultés auxquelles fait face le commerce de détail genevois ni la forte concurrence qui règne sur le marché. Avec le franc fort et le tourisme d'achat, le nombre d'emplois au sein de cette branche économique stagne, voire recule dans notre canton. Par contre, en France voisine, de nouveaux supermarchés se construisent et, ces dix dernières années, les surfaces de vente ont été multipliées par dix.

Ce texte mettrait en grand danger nos commerçants ainsi que les 10 000 collaborateurs actifs dans la grande distribution. De plus, il créerait une inégalité par rapport à tous les autres secteurs économiques qui profitent aussi de l'automatisation, de la robotisation et de la numérisation. Il s'agit d'une mesure dangereuse qui handicaperait toute la branche du commerce de détail, laquelle, je le répète, compte environ 10 000 employés. Ainsi, elle créerait l'exact contraire de ce que souhaitent les initiants. Pour ces raisons, le groupe UDC refusera ce projet de loi. Merci de votre attention.

Une voix. Bravo !

Une autre voix. Les initiants, c'est Deneys !

Le président. Je vous remercie. La parole revient maintenant à M. Patrick Eckert.

Des voix. Pierre ! Pierre !

M. Pierre Eckert (Ve). Vous allez y arriver, Monsieur le président !

Le président. Pierre, pardon ! Excusez-moi... Vous avez un jumeau !

M. Pierre Eckert. Ah, c'est ça ! Merci, Monsieur le président. Je ne sais pas si j'ai déjà eu l'occasion de vous le dire... (Rires. Applaudissements.)

Le président. Il n'est jamais trop tard pour bien faire !

M. Pierre Eckert. Alors voilà, au cas où j'aurais oublié, je vous félicite pour votre brillante élection !

Le président. Merci, Monsieur le député !

M. Pierre Eckert. Il n'y a pas de quoi ! Mesdames et Messieurs, nous sommes ici face à la question de l'automation et de la numérisation qui remplacent des emplois humains, c'est bien entendu un sujet lancinant dans notre société. On dira que c'est le progrès. Nous avons déjà subi de nombreuses évolutions dans ce domaine, ne serait-ce qu'à travers la généralisation des bancomats; peut-être vous souvenez-vous qu'à une époque, des personnes se trouvaient aux guichets des diverses banques, mais cela n'existe plus.

La problématique des emplois perdus doit tout de même nous alerter. Il est vrai que de nouveaux postes peuvent être créés, ce qui soulève la vraie question de la reconversion professionnelle. Cependant, toute réorientation de carrière n'est pas possible, et c'est bien pour cela que nous, les Vertes et les Verts, promouvons depuis un certain temps le principe d'un revenu de base inconditionnel.

Mais nous n'en sommes pas encore là, alors parlons du problème spécifique des caisses automatiques de supermarchés, puisque c'est de ça qu'il est question - il ne s'agit pas des épiceries de quartier, je n'ai pas encore vu celles-ci introduire des machines, donc le débat touche essentiellement les grands commerces.

J'aimerais donner quelques détails sur la manière dont les choses se passent, même si je suppose que vous avez toutes et tous déjà été confrontés à ce genre d'engins. On y accomplit un véritable travail - non rémunéré, bien entendu - qui consiste à présenter un à un l'ensemble des achats à l'appareil, si possible sans en oublier, parce que si vous en omettez un, vous pouvez être poursuivi, donc vous devez cliquer sur «J'ai saisi tous les objets»; vous devez préciser à l'unité près le nombre de yogourts choisis quand vous avez jeté votre dévolu sur un multipack, comparer un petit pain que vous avez soigneusement emballé dans un joli papier avec une bibliothèque d'images plus ou moins ressemblantes de façon à pouvoir déterminer le prix dudit petit pain et finalement entrer votre âge lorsque vous avez eu le malheur de placer dans votre panier un cidre bouché breton comportant 4% d'alcool. Et j'en passe. Bref, c'est un vrai boulot qui mérite largement d'être récompensé.

L'option d'accorder une rétribution ou un rabais aux clientes et clients faisant usage des caisses automatiques étant perverse, il reste la possibilité de taxer le robot lui-même en tant que force de travail dont les recettes permettraient de soutenir les reconversions professionnelles. Nous, les Vertes et les Verts, soutenons cette démarche sur le principe. Toutefois, nous émettons des doutes quant à la formulation précise du projet de loi, la somme de 10 000 francs nous paraît excessive, même si les commerces alimentaires que j'évoquais tout à l'heure ont largement tiré les marrons du feu durant le covid et auraient certainement les moyens d'alimenter cette cagnotte.

Cinq ans après le dépôt du texte et suite à la crise sanitaire, il nous semble que sa teneur doit être revue sous l'angle plus général des pertes d'emploi dues à la numérisation et des reconversions professionnelles. Or nous sommes précisément en train d'examiner une série d'objets à ce sujet à la commission de l'économie, si bien qu'il nous paraît indiqué d'y renvoyer ce projet de loi de façon à en discuter avec le reste des textes que nous avons à considérer. Aussi, je présente formellement une demande de renvoi à la commission de l'économie. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis d'une proposition de renvoi en commission, donc je laisse la parole aux rapporteurs et au Conseil d'Etat s'ils la souhaitent. Monsieur Romain de Sainte Marie ?

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Ecoutez, Mesdames et Messieurs les députés, le renvoi en commission paraît sensé eu égard au fait que nous y étudions l'initiative «1000 emplois» avec la possibilité d'un contreprojet, ainsi que l'a proposé le Conseil d'Etat. Nous y traitons plus largement la question de l'employabilité et de la reconversion professionnelle, car plusieurs propositions de motions et projets de lois concernent ce sujet. Au coeur du présent texte figure précisément la volonté de financer la formation dans l'optique de réorientations de carrière. C'est la raison pour laquelle je vous invite à soutenir le renvoi en commission.

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Quant à moi, je ne comprends pas cet acharnement à toujours vouloir renvoyer en commission des projets de lois qui y ont été largement traités. C'est... c'est... Enfin, c'est une vue de l'esprit ! Oui, le RBI, d'accord, M. Eckert en a parlé. Eh bien c'est génial, le RBI ! Mais le jour où on introduit le RBI, il n'y aura plus personne aux caisses ! Il faut juste relativiser un peu les choses. Si vous voulez aller aussi loin, Monsieur Eckert, comme votre parti en ce qui concerne la viande - c'est tout de même assez jusqu'au-boutiste... (Exclamations. Commentaires. Vives protestations.) Non, non, je parle à M. Eckert ! (Chahut.)

Le président. S'il vous plaît ! S'il vous plaît, on se calme !

M. Jacques Béné. Si vous voulez aller aussi loin, Monsieur Eckert, je vous propose, plutôt que de renvoyer le texte en commission, de cesser de parler dans votre micro, parce qu'il s'agit aussi d'un système informatique, et puis on met fin au vote électronique et on demande au sautier de recommencer à faire des votes par assis et debout !

Arrêtez, Mesdames et Messieurs ! S'il vous plaît, arrêtez de continuellement imposer des contraintes aux gens qui travaillent et qui créent de l'emploi à Genève, aux vrais entrepreneurs qui permettent, grâce à la richesse et à la plus-value qu'ils apportent dans ce canton, de fournir les prestations à la population, à laquelle vous êtes autant attachés que nous. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur. Madame la conseillère d'Etat, une observation à formuler ? (Remarque.) Non, alors nous procédons au vote sur la demande de renvoi à la commission de l'économie présentée par M. Pierre Eckert.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12064 à la commission de l'économie est rejeté par 41 non contre 32 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Le président. Nous poursuivons les travaux, et je donne la parole à M. Cyril Aellen.

M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. En lisant ce projet de loi, je n'ai pas très bien compris s'il s'agissait de refuser en bloc le progrès technologique, d'une mesure propre à sauvegarder l'emploi - j'y reviendrai - ou d'une réforme de la fiscalité. Alors je vais essayer d'examiner les trois sujets.

Ce que l'auteur met en évidence, c'est qu'il est contre le progrès technologique et souhaite finalement limiter les gains de productivité et le confort des travailleurs. Or c'est revenir sur les grandes avancées de ces dernières centaines d'années: l'imprimerie, par exemple, dès le XVe siècle - va-t-on voir le retour des moines copistes ? -, ou la mécanisation de l'agriculture - même si je doute que les bêtes de somme produisent moins d'émissions de CO2 que les tracteurs, c'est encore à discuter. Il faudrait aussi instaurer une taxe sur les distributeurs de billets TPG pour éviter d'être subventionné par la collectivité.

Mesdames et Messieurs, si on est vraiment sérieux, les gains technologiques, ce sont des gains de productivité, et les gains de productivité, à certains égards, ce sont également des gains sur les conditions de travail. Partant, ceux qui portent de l'intérêt aux conditions de travail du personnel qui officie dans la grande distribution ou le commerce de détail devraient être défavorables à ce projet de loi.

Je regarde maintenant le deuxième aspect: s'agit-il d'une mesure pour l'emploi ? Nous avons 400 000 emplois à Genève, à peu près 336 000 à plein temps pour 250 000 actifs. En fait, nous n'avons pas besoin de créer des postes. La question est de savoir si, dans ce domaine, on observe une recrudescence de la demande et peu d'offre; eh bien ce n'est pas le cas. Aujourd'hui, une grande partie des employés dans le commerce de détail sont soit venus pour exercer ce travail dans notre canton, soit pour l'essentiel des frontaliers. Il s'agit donc de déterminer si nous voulons continuer à faire venir de nouvelles personnes pour ces tâches ou à augmenter le nombre de travailleurs frontaliers; pour ma part, je ne suis pas certain que cela soit une amélioration en faveur de l'emploi.

Vient enfin la question d'une éventuelle réforme de la fiscalité. Vous avez raison, Mesdames et Messieurs, la problématique de l'automatisation soulève celle de l'imposition, et notamment la trop lourde imposition sur le produit du travail. J'ai cherché dans cet objet si un transfert s'opérait sur ce plan, mais je n'ai rien trouvé. En réalité, il s'agit ici d'une taxe supplémentaire si élevée et tellement bizarre qu'elle revient essentiellement à décourager la mise en place de caisses automatiques.

Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs - je conclus là-dessus, Monsieur le président -, ce projet de loi est un combat contre le progrès technologique et les conditions de travail des collaborateurs du commerce de détail, une mesure qui n'est en rien favorable à l'emploi, qui concerne les postes du passé et non ceux de l'avenir, et l'objectif fiscal n'est de loin pas réalisé, raison pour laquelle il doit être refusé sans autre forme de procès. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). J'aimerais m'inscrire en faux contre les déclarations des personnes qui, dans ce débat, en accusent d'autres de vouloir revenir en arrière, à l'âge de pierre, et traitent leurs positions avec dérision, comme si on ne pouvait pas évoquer l'automatisation du travail et l'introduction des nouvelles technologies sans se poser la question des mesures à prendre ni peser les intérêts entre les avantages qu'elles peuvent amener et, malheureusement aussi, les inconvénients.

Tout à l'heure, M. Béné disait de M. Deneys qu'il n'avait sans doute jamais mis les pieds dans un magasin. Excusez-moi, mais nous sommes un certain nombre ici à nous rendre régulièrement dans les commerces et à discuter avec les caissières, constatant ainsi à quel point les changements technologiques affectent leurs conditions de travail... (Applaudissements.) ...et transforment leur métier, et elles nécessitent une meilleure protection. Je vous remercie de votre attention.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller. Il m'a énervée !

M. Alberto Velasco (S). Ecoutez, Mesdames et Messieurs, on peut effectivement formuler un certain nombre de critiques à l'encontre de ce projet de loi, je l'admets, mais enfin, pensez au coup porté au coeur des personnes qui, à cause des avancées technologiques, perdent leur poste !

Il y a par ailleurs une question beaucoup plus importante. Aujourd'hui, le financement des assurances sociales est basé sur les emplois. Si on perd des postes et qu'on n'en crée pas de nouveaux, il y aura un problème. Tout à l'heure, le député du PDC - enfin, du Centre - a relevé ce point en indiquant qu'il faudra, dans le futur, se poser la question du financement des assurances sociales.

Or il y a un problème, Mesdames et Messieurs. Je comprends qu'aux yeux du PLR, ce projet de loi ne soit pas en accord avec le monde dans lequel nous vivons, mais chaque fois que la gauche propose un changement de la fiscalité pour réajuster ces effets sur les revenus, vous vous y opposez. Si on veut compenser les pertes fiscales et la diminution des recettes des assurances sociales, il faudra que vous acceptiez un jour d'entrer en matière sur l'imposition du chiffre d'affaires des sociétés. Tôt ou tard, on devra taxer le chiffre d'affaires. Mais vous ne cédez pas, non, pas d'un pouce. Dans ce débat, vous n'avez apporté aucune solution - aucune solution ! - pour compenser le manque à gagner en ce qui concerne le financement des assurances sociales.

Alors voilà, ce texte ne correspond peut-être pas tout à fait à ce qu'il devrait, mais enfin, il a le mérite d'avoir soulevé la question et j'espère qu'on déposera bientôt un projet de loi pour pouvoir financer les assurances sociales de ce pays à travers les gains importants que réalisent les multinationales. Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député.

M. Alberto Velasco. Ah, Monsieur le président ?

Le président. La parole va à M. Daniel Sormanni.

M. Daniel Sormanni. A moi ?

Une voix. Il n'a pas fini ! Monsieur le président, il n'a pas fini !

Le président. Excusez-moi, Monsieur le député, j'ai cru que vous aviez terminé.

M. Alberto Velasco. Afin de travailler dans le sens... (Les paroles de l'orateur sont inaudibles.)

Des voix. On n'entend rien !

Une voix. Il faut peut-être indiquer le nom de M. Velasco pour le Mémorial.

Le président. C'est à M. Velasco.

M. Alberto Velasco. Monsieur le président, afin de travailler dans le sens que j'ai développé ici, je demande le renvoi en commission. (Exclamations. Applaudissements.)

Le président. Bien, sur cette nouvelle requête, je redonne la parole aux rapporteurs de même qu'au Conseil d'Etat. Monsieur Romain de Sainte Marie, allez-y.

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Peut-être ce projet de loi n'est-il pas parfait et, en effet, le système de la fondation peut être revu, mais il met véritablement le doigt sur une problématique essentielle, à savoir le coût de la main-d'oeuvre humaine, tant pour les employés en ce qui concerne le financement des assurances sociales et des retraites que pour l'employeur. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, la concurrence avec les caisses électroniques et l'automatisation rend le personnel extrêmement cher. C'est la raison pour laquelle, afin de revoir le dispositif proposé dans le texte, je vous invite à accepter le renvoi en commission.

Une voix. Très bien.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Monsieur le rapporteur de majorité ?

M. Jacques Béné (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Ce sera très court: non, non et non. (Rire.)

Une voix. Bravo !

Le président. Bien, je vous remercie. Toujours pas de commentaire, Madame la conseillère d'Etat ? (Remarque.) Dans ce cas, Mesdames et Messieurs, je vous prie de vous prononcer sur cette deuxième proposition de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12064 à la commission de l'économie est rejeté par 48 non contre 35 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Le président. La parole revient à M. Daniel Sormanni.

M. Daniel Sormanni (MCG). Oui, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi ne résout rien. Il est mal rédigé, n'aboutit à aucun résultat, ne propose aucune mesure hormis d'instaurer une taxe - pour quoi faire ? - de même qu'une fondation très compliquée à mettre en place, laquelle mangera sans doute l'argent qui aura éventuellement été collecté. C'est une mauvaise solution, c'est pour cela qu'il faut rejeter le texte.

Cela étant dit, la question de la taxation des robots de façon plus générale se pose. Elle se pose, effectivement ! Un certain nombre de personnes, dont Me Xavier Oberson, sont pour, mais ce n'est pas avec ce - passez-moi l'expression - misérable projet de loi qu'on réglera quoi que ce soit, il faut vraiment le refuser.

Soit dit en passant, comme beaucoup, je me rends aussi dans les magasins, et en réalité, jusqu'à présent, il n'y a pas vraiment eu de pertes d'emploi - peut-être demain -, parce que celles qui étaient aux caisses auparavant sont maintenant aux machines automatiques à vérifier que les clients n'oublient pas un produit et à les aider quand ils se trompent. Voilà la réalité des employés sur place aujourd'hui.

Enfin, Mesdames et Messieurs, est-ce que vous avez déjà travaillé à une caisse ? Eh bien celles qui s'y trouvent préfèrent très certainement être à côté des caisses automatiques, c'est bien moins fatigant pour elles que de rester assises toute la journée...

Une voix. C'est pas vrai !

M. Daniel Sormanni. ...avec une série de clients qui défilent, je peux vous le garantir, parce que je connais le sujet de très près. Vous ne vous en rendez pas compte, vous prônez des choses que vous ne connaissez pas, alors ne venez pas donner des leçons. Il faut s'opposer à cet objet avec la plus grande force. Merci.

Des voix. Bravo, Daniel ! (Applaudissements. Commentaires.)

Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ainsi que plusieurs d'entre vous l'ont souligné, la question de la taxation des robots, de l'imposition de l'intelligence artificielle constitue un véritable enjeu auquel il conviendra d'apporter une réponse. Il se trouve que la solution ne pourra pas être trouvée au niveau local, il s'agit d'une discussion qui doit avoir lieu à une échelle plus large, au-delà même du fédéral: sur le plan international. En effet, il est ici question de moyens informatiques, le problème ne pourra pas être résolu au sein des commerces genevois.

En ce qui concerne ce projet de loi, le Conseil d'Etat entend déterminer si l'objectif énoncé, à savoir protéger l'emploi, peut être atteint par le moyen proposé. Franchement, dans un secteur qui a été extrêmement touché au cours des deux dernières années par les effets du covid, qui se relève péniblement de la crise, qui est confronté aujourd'hui à de nouvelles difficultés en lien avec les chaînes d'approvisionnement et de livraison - je parle du commerce de détail, bien entendu -, je ne suis pas convaincue que la mesure visée permette de remplir son but. Et je dis cela sans nier l'importance de la thématique de la fiscalité des nouvelles technologies.

A l'heure actuelle, les surfaces de vente genevoises, nos commerces de proximité ont besoin de dispositifs qui leur permettent de rebondir, de développer des circuits courts, des filières locales, de travailler à la transformation de produits qui puissent être vendus directement plutôt que de faire face à une nouvelle taxe qui, selon les termes mêmes du projet de loi et d'après ce que j'en comprends, ne conduira pas au maintien des emplois ni à la création de nouveaux postes.

A cela s'ajoute le fait que la problématique ne touche de loin pas que le commerce de détail, mais un certain nombre d'autres branches. On a déjà évoqué dans la discussion les bancomats, les guichets automatiques et même toutes les options que l'administration elle-même offre via les e-démarches, donc je trouve délicat d'isoler la question de l'imposition des instruments informatiques, de la restreindre à la seule distribution.

Enfin, parce qu'il est compliqué d'aborder le sujet du commerce sans prendre en compte le contexte dans lequel celui-ci s'opère, introduire une taxe - qui plus est une taxe de l'importance de celle qui est présentée, laquelle se répercutera forcément sur les prix -, ne pourrait que prétériter nos enseignes locales face à la concurrence des magasins outre-frontière, qu'il s'agisse de frontières cantonales ou nationales. Quelqu'un avant moi indiquait qu'il fallait revenir avec un nouveau texte ou à tout le moins poursuivre la réflexion s'agissant de la fiscalité des caisses automatiques et des autres appareils robotiques et d'intelligence artificielle: je partage ce point de vue. Le Conseil d'Etat n'a pas le sentiment que le projet de loi qui vous est soumis permettrait de répondre de manière satisfaisante à cette question. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, c'est le moment de voter.

Mis aux voix, le projet de loi 12064 est rejeté en premier débat par 51 non contre 28 oui et 10 abstentions.