République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 3 juin 2022 à 18h15
2e législature - 5e année - 1re session - 10e séance
PL 10626-B
Premier débat
Le président. Nous avons à nouveau terminé un département; nous abordons celui des infrastructures avec le PL 10626-B, classé en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Ça n'arrive jamais ! (Commentaires.) Merci, Monsieur le président. Bon, pour une fois que je suis rapporteur de majorité, je vous remercie de ne pas vous être trompé !
Le président. C'est bien exact, Monsieur le rapporteur !
M. Romain de Sainte Marie. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi date d'il y a un certain nombre d'années. On s'en souvient, il avait été déposé par le groupe MCG et par son virulent député Eric Stauffer.
Une voix. Brillant député !
M. Romain de Sainte Marie. Il a subi un renvoi en commission et a été amendé pour qu'on aboutisse enfin au projet de loi dont nous avons aujourd'hui à débattre en séance plénière. Cet objet est issu du terreau de la zone aéroportuaire, terreau malheureusement propice aux conflits sociaux. Depuis plusieurs années, voire décennies, des conflits sociaux agitent en effet les entreprises au bénéfice de concessions à l'aéroport. Qu'ils concernent le personnel au sol ou le personnel d'entretien, ils sont souvent liés à des conditions de travail insatisfaisantes, qui sont en particulier insuffisamment cadrées. Bien souvent, ces entreprises ne sont pas signataires de conventions collectives ou le sont au niveau national, mais pas au niveau local.
Ce projet de loi vise donc à faire en sorte que les entreprises au bénéfice de concessions dans la zone aéroportuaire et d'au moins 20 employés en équivalent temps plein soient soumises à une convention collective de travail. Ce secteur, comme je le disais, est particulièrement touché par de médiocres conditions de travail. On le voit, c'est un véritable fléau: les entreprises qui se trouvent, d'une certaine manière, au bout de la chaîne économique subissent une pression, notamment du fait des prix de vols toujours plus bas que proposent les compagnies aériennes. Ce sont ces mêmes compagnies aériennes qui exercent une pression sur les entreprises au sol - de maintenance, de catering, de domaines liés à la logistique aéroportuaire. La pression se répercute sur le bout de la chaîne, soit ces entreprises au sol et leur personnel. Elle a donc un impact sur les conditions de travail.
C'est la raison pour laquelle il faut véritablement fixer des règles, de sorte que l'Aéroport international de Genève, une régie publique, puisse, dans le choix des concessions qu'il octroie à ces entreprises-là, émettre certaines règles. Le projet de loi stipule donc que les entreprises de plus de 20 employés équivalent temps plein doivent être au bénéfice d'une convention collective de travail. La majorité de la commission de l'économie vous invite à accepter ce projet de loi tel qu'amendé et sorti de commission.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de minorité. M. Romain de Sainte Marie a bien fait de préciser qu'il était rapporteur de majorité, parce que, dans la version du PL 10626-A, j'étais rapporteur de majorité; les aléas du parlement font que je suis devenu minoritaire, mais c'est la démocratie ! (Remarque.) C'est bien de le préciser, parce que, comme l'a rappelé M. de Sainte Marie, ce projet date de 2010 et a été déposé dans le cadre d'un conflit social très tendu par le très vibrionnant député Stauffer qui, on l'a vu lors des débats, pensait qu'on se trouvait à un piquet de grève devant Swissport ou Gate Gourmet, armés de mégaphones; mais je pense qu'ici, au parlement, nous devons ranger les banderoles et les calicots et faire du droit. Alors c'est peut-être moins drôle, on ne parle pas dans un mégaphone mais dans un simple micro et il faut se baser sur les règles juridiques en vigueur.
Deux situations différentes étaient à l'origine de ce projet: celle de Swissport, qui était au bénéfice d'une concession, et celle de Gate Gourmet, qui a signé un contrat de bail avec l'aéroport. Ce sont deux situations juridiques très différentes. Pourquoi ? Parce que, comme nous l'a très clairement expliqué Mme Stoll, de l'OCIRT, il n'est pas possible d'introduire des conditions salariales dans un contrat de bail. Il n'est pas non plus possible de travestir un bail en concession. C'est un point important, parce que cela concerne spécifiquement Gate Gourmet. (Brouhaha.) Si Mme la conseillère d'Etat pouvait arrêter de parler juste sous mon oreille, je lui en serais très reconnaissant, c'est un sujet qui la concerne ! Merci ! (Remarque.) Oui, mais... Enfin bon. Je propose qu'on interrompe le débat... (Protestations. Commentaires.)
Le président. Monsieur le député !
M. Edouard Cuendet. Ce temps me sera décompté ! Merci ! (Commentaires.)
Le président. Je vous laisse poursuivre, Monsieur le député.
Une voix. Faudra sortir le mégaphone !
M. Edouard Cuendet. Voilà, justement, mais M. Cruchon a l'habitude ! Sortez votre banderole, vous serez plus crédible ! (Rires. Commentaires.)
Le président. Poursuivez, Monsieur le député.
M. Edouard Cuendet. Je continue. Je disais donc qu'il n'est pas possible d'introduire des normes liées aux conditions de travail dans un contrat de bail. Il est possible de le faire pour des concessions, mais avec certaines conditions: notamment, pour l'extension des CCT, on ne peut imposer dans une concession une CCT avec un salaire minimum que s'il y a une situation de dumping salarial prouvée. (Remarque.) Or l'OCIRT a indiqué à de nombreuses reprises qu'il n'y avait eu de dumping salarial ni dans le cas de Gate Gourmet ni dans celui de Swissport.
Un autre point important a été souligné par la directrice de l'OCIRT: on ne peut pas imposer une CCT à un concessionnaire, parce que celui-ci peut signer soit une CCT, soit les usages ! Et ça, c'est tout à fait clair, ça ressort d'un avis de droit. L'OCIRT n'a pas sorti ça de son chapeau, ça sort d'un avis de droit d'un professeur situé hors du canton de Genève, ce qui prouve son indépendance - d'ailleurs, même s'il était de Genève, il serait aussi indépendant. Il s'agit du professeur Thomas Geiser, de l'Université de Saint-Gall, qui a clairement dit qu'on peut prévoir soit une CCT, soit les usages. Et malheureusement, ce PL 10626-B n'est pas conforme au droit supérieur, parce qu'il prévoit l'obligation d'une CCT. De plus, il contient un élément totalement arbitraire, avec un effet de seuil à 20 ETP: l'obligation d'avoir une CCT pour une entreprise concessionnaire vaudrait pour les entreprises à partir de 20 employés en équivalent temps plein. Là, on se trouve exactement dans une situation d'arbitraire: pourquoi 20, pourquoi pas 10, pourquoi pas 100 ? Cela ne résistera pas à un examen juridique sérieux. C'est pour cela que le groupe PLR a refusé ce projet de loi et vous invite à faire de même.
Enfin, nous n'allons évidemment pas rentrer dans le débat - d'ailleurs M. de Sainte Marie n'a pas pris la peine de le faire - qui portait sur un des éléments du projet de loi initial, à savoir de prévoir que l'Aéroport international de Genève devait prioritairement octroyer les emplois à pourvoir aux résidents genevois au chômage, ce qui n'est conforme à aucune règle légale. Je pense qu'il n'y a pas besoin de s'attarder là-dessus dans notre présent débat. Celui-ci ne porte que sur la question de l'obligation de CCT, qui n'est pas conforme au droit supérieur, ce qui nous avait déjà été expliqué clairement par M. François Longchamp, conseiller d'Etat d'alors, lors des premières auditions sur ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
M. Boris Calame (Ve). Monsieur le président, chères et chers collègues, ce projet de loi, vieux de plus de douze ans, résulte d'un des plus grands conflits sociaux, vécu en janvier 2010 à l'Aéroport international de Genève où l'entier de l'activité aéroportuaire s'est vue très fortement limitée. Il faut rappeler qu'il s'agit d'un établissement de droit public, placé sous la surveillance du Conseil d'Etat, et qu'il a une mission générale d'intérêt public. De par ses obligations internationales, l'AIG délègue la réalisation de différentes prestations à des entreprises de services qui deviennent concessionnaires. Pour ce faire, un appel d'offres est établi, dans lequel des conditions-cadres sont posées, et celles-ci doivent être respectées tout au long de la durée de la concession.
Ce projet de loi tel qu'amendé demande de garantir la paix du travail au travers de l'existence et de la signature d'une convention collective de travail par toute entreprise souhaitant soumettre sa candidature à une concession. Du moment que cette règle conditionne la signature de la convention, aucune discrimination ne peut être pratiquée, chaque candidat devant obligatoirement respecter l'ensemble des conditions convenues entre les partenaires sociaux. C'est pourquoi une CCT obligatoire doit s'appliquer à l'entier des activités de l'établissement public qui, de fait, et par contrainte légale, délègue à des entreprises tierces des prestations indispensables à son fonctionnement. Il n'est en effet pas acceptable qu'un conflit social au sein d'une entreprise concessionnaire puisse impacter l'entier de l'activité d'un établissement public autonome. Par analogie, imaginons un seul instant que l'activité de restauration au sein des HUG s'arrête et que ceux-ci soient empêchés de travailler correctement: cela n'est pas concevable, vous en conviendrez. Il en va de même pour l'AIG. Pour assurer au mieux la paix du travail sur le site aéroportuaire, le groupe des Verts vous encourage très fortement, chères et chers collègues, à voter ce projet de loi tel qu'amendé à la commission de l'économie il y a déjà deux ans. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a été rédigé suite au licenciement à l'aéroport de tous les employés de Swissport et à leur réengagement sous une nouvelle convention collective de travail pratiquant des salaires plus bas. A ce titre, il est utile de relever les propos du conseiller d'Etat alors chargé du département de l'économie. Il disait: «Certes, cette façon de faire est conforme à la loi, mais les résidents genevois qui gagnent en dessous de 4000 francs par mois n'arrivent pas à subvenir à leurs besoins et doivent demander de l'aide à l'Etat. Il faut se poser les bonnes questions.» Il aura fallu des années pour que la sous-enchère salariale dans toutes les sociétés d'assistance au sol à l'aéroport soit enfin reconnue comme abusive et répétée et que, ce 1er juin, un contrat type de travail soit enfin imposé. Cela illustre clairement comment le défaut de respect des droits des travailleurs fait qu'on peine à donner raison à ces derniers et le temps qu'il a fallu pour parvenir à ce résultat.
Lors des travaux de commission, le PLR a systématiquement invoqué la non-conformité du projet de loi au droit fédéral. Or selon le rapport d'expertise du professeur Thomas Geiser sollicité à ce propos, il apparaît qu'il est légal d'imposer au travers des concessions l'obligation de respecter une CCT ou les usages et qu'il est également légal d'obliger tout le monde à signer les usages. A cet égard, il rappelle que ceux qui signent les usages sont soumis aux contrôles obligatoires organisés par l'OCIRT, ce qui permet de suppléer à l'absence d'un dispositif de contrôle, qui ne serait pas prévu par une CCT d'entreprise.
Ce projet de loi, expurgé de l'alinéa 2 de l'article 40 relatif à la préférence cantonale, est pour nous acceptable. Ce qui devient finalement le seul alinéa de cet article 40 nous agrée, dans le sens où il faut prévoir que le personnel travaillant sur le site de l'aéroport soit au bénéfice d'une convention collective de travail. Cependant, il nous semble insatisfaisant dans la mesure où il se réfère uniquement à la nécessité d'appliquer des CCT. Or nous avons vu avec l'exemple de Gate Gourmet qu'il est facile pour un employeur de dénoncer une convention collective dûment négociée avec les partenaires sociaux locaux et de se référer à une autre convention dont les conditions seraient malheureusement bien moins bonnes; c'est ce qui s'est passé avec la convention nationale de l'hôtellerie-restauration.
Nous avons tous suivi les péripéties de l'affaire Gate Gourmet en 2013 et nous avons vu en quoi la mise en opposition des conventions collectives nationales et d'une cantonale pouvait être préjudiciable aux salariés. C'est pourquoi notre groupe vous propose un amendement pour pallier ce manque. Il ne vise pas à exclure les conventions collectives, grand Dieu, non ! Il s'agit en fait d'ajouter une priorité aux conventions collectives qui ont été négociées localement, avec les partenaires sociaux. Je vous propose donc un amendement qui stipule à l'article 40 - je vous prie de m'excuser, j'ai écrit «alinéa 1», mais il n'y a plus d'alinéa 1, puisqu'il n'y a qu'un alinéa dans cet article 40: «Le personnel travaillant pour l'Aéroport international de Genève doit être au bénéfice d'une convention collective de travail. Il est référé prioritairement aux CCT locales lorsqu'elles existent.» Je vous remercie d'accepter cet amendement et de soutenir ce projet de loi ainsi amendé. Merci de votre attention.
Une voix. Bravo !
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Il est vrai que la première version de ce projet de loi, le rapporteur de minorité l'a rappelé, date de 2010 - à l'époque où il était rapporteur de majorité; il se retrouve maintenant rapporteur de minorité, c'est une fonction très formatrice et je suis content qu'il puisse l'accepter aujourd'hui. (Remarque. Rire.)
Il y a un certain nombre d'éléments qui n'ont malgré tout pas été éclaircis depuis. Le premier problème, c'est ce plancher à 20 équivalents temps plein, qui n'est pas compréhensible et dont je vois difficilement l'applicabilité sur un plan juridique. Il y a également un certain nombre d'inconnues liées à la distinction entre la concession et un contrat de bail et aux conséquences qu'elle implique, notamment par rapport à la signature d'une convention collective, cela a été relevé à juste titre par le rapporteur de minorité.
Le texte présente également un certain nombre de problèmes par rapport à la conformité au droit supérieur. Entre-temps, depuis 2010 - on le verra peut-être si on aborde ce soir les rapports d'activité de l'aéroport -, nous avons eu des problèmes liés au covid, ce dès le 16 mars 2020, des pertes extrêmement importantes subies par l'aéroport et une certaine évolution de la situation, qui semble être meilleure à l'heure actuelle. Nous recevons aujourd'hui un amendement d'Ensemble à Gauche: j'aimerais que l'on ait la possibilité de l'étudier de manière un petit peu plus approfondie et de reposer sur la table l'ensemble des dispositions auxquelles nous avons affaire. C'est pour cela que je vous demande un renvoi de ce projet de loi à la commission de l'économie, qui nous permettra de mettre les choses à plat et puis peut-être de réévaluer la situation de l'aéroport après la crise très grave qu'il vient de subir, en fonction des dispositions des conventions collectives de travail possibles et en fonction également de l'analyse de l'amendement de Mme Haller, dont je n'ai pas encore pu évaluer les conséquences. Je vous remercie de réserver un bon accueil à cette proposition que je juge sage et conforme aux habitudes de ce Grand Conseil. Merci. (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Sur cette demande, je donne la parole d'abord au rapporteur de minorité, M. Edouard Cuendet.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je salue la voix de la sagesse en la personne de M. Guinchard. En tant que rapporteur de minorité, je soutiens évidemment ce renvoi en commission. Je précise qu'il est très justifié, puisque - vous transmettrez, Monsieur le président - Mme Haller a ressorti sa banderole de syndicaliste et que l'OCIRT a précisé - je cite mon rapport - qu'«il est légal de privilégier une CCT nationale avec des salaires plus bas, plutôt qu'une CCT régionale. [...] Il n'est pas non plus possible d'obliger les partenaires sociaux à signer un avenant cantonal». J'ai donc de sérieux doutes sur la revendication syndicaliste de Mme Haller - vous transmettrez, Monsieur le président. Elle mérite une étude juridique, c'est pour cela que je soutiens le renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Monsieur le rapporteur de majorité, sur le renvoi en commission.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous constaterez que la gauche n'a pas le monopole de la demande de renvoi en commission...
Une voix. Pour une fois !
M. Romain de Sainte Marie. ...mais que cela tient plutôt au rapport de force entre la minorité et la majorité. Ce projet de loi date d'il y a déjà douze ans. Je pense qu'en matière d'ancienneté de projet de loi, ce n'est pas mal ! Il a déjà été étudié à deux reprises à la commission de l'économie; là aussi, en matière d'étude, c'est quand même relativement bien ! On parle souvent de l'efficience de nos travaux au Grand Conseil. Par conséquent, j'inviterai le parlement à ne pas accepter ce renvoi en commission.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Monsieur le conseiller d'Etat Serge Dal Busco, sur le renvoi en commission ?
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Très volontiers, merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai entendu que partiellement les excellents arguments dont a fait part M. Guinchard. Je peux vous dire que le Conseil d'Etat soutient ce renvoi en commission, précisément, Monsieur le rapporteur de majorité, parce qu'au cours de ces nombreuses années depuis la date du dépôt de ce projet de loi, les choses ont quand même passablement changé. Il y a lieu de reprendre un certain nombre de points. La question de la légalité interpelle, et l'évolution a quand même été notable ces derniers temps du côté de l'aéroport. C'est donc le bon sens qui commande, selon l'avis du Conseil d'Etat, de soutenir un renvoi; ce n'est pas non plus dans l'habitude du Conseil d'Etat de soutenir les renvois en commission, mais dans ce cas-là, cela se justifie pleinement.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10626 à la commission de l'économie est rejeté par 52 non contre 27 oui et 1 abstention.
Le président. Nous poursuivons notre débat, je passe la parole à M. André Pfeffer.
M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi, qui date effectivement de 2010, voudrait imposer à l'aéroport de Genève des contraintes qui ne sont pas conformes à la loi. Exemple: à l'article 31, alinéa 3, il est question de subordonner l'octroi d'une concession à la condition que l'entité de plus de 20 collaborateurs soit au bénéfice d'une CCT. L'audition de l'OCIRT a clairement indiqué que cette demande est irréalisable. Le choix entre la signature d'une CCT ou des usages auprès de l'OCIRT est conforme et est la règle. La deuxième contrainte qui n'est pas conforme à la loi, c'est l'article 40. Celui-ci voudrait imposer au personnel de l'Aéroport international de Genève d'être au bénéfice d'une convention collective de travail. Là aussi, une convention collective de travail de site, vu la diversité de toutes les activités exercées à l'aéroport, n'est tout simplement pas possible, et cela a aussi été confirmé par l'OCIRT.
Sur le plan juridique, ce projet de loi n'est pas défendable. Par contre, les initiants, il faut le reconnaître, ont en réalité un autre objectif: une chasse au dumping et aux conflits sociaux. Là aussi, il faut relever ce qu'a indiqué l'OCIRT lors d'une audition. Je répète, l'OCIRT, responsable de cette problématique, a très clairement déclaré qu'il n'a constaté aucun cas de dumping à l'aéroport de Genève. (Commentaires.) Pour rappel, l'Aéroport international de Genève est un établissement de droit public, et la minorité souhaiterait qu'il puisse maintenir une certaine autonomie - dans le cadre de la loi, évidemment. Les conditions de travail relèvent prioritairement de la compétence des partenaires sociaux. Une ingérence et une tutelle excessive de l'Etat et surtout du législateur via des lois ne constituent pas la bonne voie. Il y a environ 1000 collaborateurs à l'aéroport ainsi que quelque 9000 travailleurs engagés par des entités qui bénéficient de concessions ou de contrats de location et il faut tout faire pour éviter que l'Etat s'ingère trop dans cet aéroport. Merci de votre attention.
M. François Baertschi (MCG). Il y a douze ans, quand le MCG a déposé ce projet de loi, les problèmes étaient malheureusement les mêmes qu'aujourd'hui. Quels étaient-ils, quels sont-ils ? Les résidents genevois ne peuvent plus travailler dans certaines entreprises concessionnaires de l'aéroport parce que les salaires sont trop bas, et on est obligé d'engager des frontaliers. Cela signifie que soit tous les travailleurs qui habitent dans le canton de Genève sont condamnés à la pauvreté, à la misère... (Remarque.) ...soit on est condamné à engager du personnel frontalier.
C'est pour lutter contre cela que nos prédécesseurs, qui étaient visionnaires, reconnaissons-le... Et c'est le combat que le MCG continue de porter et de défendre. C'est pour cette raison que nous devons trouver des solutions. Celles qui ont été proposées à l'époque étaient les suivantes: premièrement, une convention collective pour les entreprises concessionnaires - c'est quand même la moindre des choses - et, deuxièmement, que ces entreprises qui bénéficient d'une concession de l'Etat - ce n'est pas le privé, on est dans l'Etat, on est dans une situation monopolistique, il faut quand même reconnaître les choses telles qu'elles sont - appliquent une priorité pour les habitants du canton de Genève ! C'est la logique, c'est le bon sens ! Je ne comprends pas comment on peut s'opposer à cela ni comment on peut se dire démocrate, se dire défenseur de la libre concurrence, si on s'attaque à cela ! C'est complètement incompréhensible ! Surtout quand on tient un discours pseudojuridique pour défendre cela. Alors, malheureusement, une des deux parties du projet de loi a dû être abandonnée parce que nous n'avions pas de majorité, néanmoins le MCG vous engage à voter avec détermination ce texte qui, sorti de commission, est très modéré et va dans la bonne direction. Merci de votre soutien.
Une voix. T'as tout dit, François !
M. Serge Hiltpold (PLR). Je vous avoue être particulièrement surpris par cet objet, notamment par les discours des syndicats. Dois-je leur rappeler que l'article 40 est le coeur de ce projet de loi ? Or je vous cite l'article 40: «Le personnel travaillant pour l'Aéroport international de Genève doit être au bénéfice d'une convention collective de travail.» Je le répète, l'Etat ne peut pas imposer la conclusion d'une convention collective. C'est un accord entre les partenaires sociaux. C'est une erreur crasse d'imaginer ne serait-ce qu'un instant que l'Etat peut conclure une convention collective ! Il peut l'étendre, la rendre de force obligatoire, sous certaines conditions. C'est exactement le même problème qu'on a eu avec les heures d'ouverture de magasins, avec des extensions de conventions collectives de travail. Alors, franchement, soyez corrects ! Soyez corrects ! Cet article 40 n'est pas possible ! Il n'est pas applicable !
Ensuite, M. Baertschi nous dit qu'il n'y a pas de concurrence. Evidemment qu'il y a une concurrence ! Il y a plusieurs opérateurs. Donc ce que vous dites, Monsieur Baertschi, est particulièrement faux, puisque les conflits étaient survenus justement entre certaines entreprises. Ce qu'on peut noter, c'est que, depuis le départ d'un certain syndicaliste qui était dans le secteur de l'aéroport et dont on a hérité dans la construction - à l'aéroport, c'était vraiment conflictuel, après, c'était la construction -, ces deux secteurs vont beaucoup mieux. (Commentaires.) Ça va beaucoup mieux ! Alors ce que je vous demande, c'est juste un tout petit peu d'analyse et de circonspection et de renvoyer ce projet à la commission de l'économie, afin que la directrice de l'OCIRT, Mme Stoll, ancienne syndicaliste, qui a véritablement la tête sur les épaules, nous explique une troisième fois ce qu'il est possible de faire. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur le député. Nous sommes saisis d'une nouvelle demande de renvoi à la commission de l'économie. Sur le renvoi, je donne la parole au rapporteur de minorité, M. Edouard Cuendet.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je répéterai qu'il y a énormément de questions juridiques qui se posent: celle de la CCT de site, qui est impossible et illégale; celle de la CCT locale versus CCT nationale, qui pose des problèmes juridiques; celle des 20 équivalents temps plein, qui pose un problème d'arbitraire évident, ainsi que celle des usages alternatifs par rapport à une CCT, qui n'est pas non plus traitée. Nous partons donc dans le mur si ce projet de loi est adopté, avec un camouflet juridique - ce n'est pas le premier de la journée - que nous allons recevoir sur l'aéroport. Je vous propose donc de voter ce renvoi en commission. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Monsieur le rapporteur de majorité, sur le renvoi en commission ?
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Je rejoins complètement les propos du conseiller d'Etat Serge Dal Busco juste avant: les choses ont changé à l'aéroport, c'est vrai. On pense tous au conflit Swissport, le dernier en date, au sujet duquel notre Grand Conseil a été saisi. Une task force a été créée, avec à sa tête David Hiler, ancien conseiller d'Etat; le CSME - Conseil de surveillance du marché de l'emploi - a d'ailleurs admis, ce qui est une première, qu'il y avait sous-enchère salariale à l'aéroport. Il a été admis de façon objective qu'il y a maintenant des cas de sous-enchère salariale à l'aéroport. Les choses ont donc bien changé puisque ce fait est reconnu, raison de plus pour ne pas renvoyer en commission ce projet de loi, mais pour le voter ce soir et fixer des conditions de travail décentes.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. J'invite l'hémicycle à se prononcer sur cette nouvelle demande de renvoi.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 10626 à la commission de l'économie est rejeté par 53 non contre 29 oui.
Le président. Nous continuons notre débat, je donne la parole à M. Patrick Dimier pour une minute cinquante-trois.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. Je n'aurai pas besoin d'autant, surtout que je ne veux pas faire la fine bouche, même s'il s'agit de Gate Gourmet ! La seule chose que je constate, c'est qu'on s'enfonce dans des arguties juridiques qui empêchent ce débat de décoller, ce qui par la même occasion fait que la minorité a de la peine à poser ses arguments ! Merci.
M. André Pfeffer (UDC). J'aimerais juste compléter ce qui a été dit. On sait qu'à l'origine de ce projet de loi, il y a un «visionnaire» - hein ! (Rires.) Mais je crois qu'il faut aussi rappeler que ce visionnaire avait été administrateur de l'aéroport de Genève; étant donné qu'il n'a, je pense, pas réussi à imposer ses vues de l'intérieur de l'aéroport, ni même via les partenaires sociaux, il nous demande actuellement de régler sa vision - vu que c'est un visionnaire - via une loi. Cette loi n'est effectivement pas conforme au droit supérieur. Je pense que non seulement le procédé, mais aussi le projet de loi lui-même sont inacceptables. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. François Baertschi pour une minute trente.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. C'est juste pour répondre à mon préopinant - vous transmettrez, Monsieur le président - qu'il n'est pas acceptable d'attaquer quelqu'un qui n'est pas là. (Commentaires.) Et mettre en cause le fait... En sa qualité de député, il pouvait tout à fait déposer le projet de loi - d'ailleurs, s'il ne l'avait pas fait, on lui aurait reproché de ne faire que lancer des idées en l'air. Je crois que c'est un combat vain que de l'attaquer. Quant à parler de... On a plein de spécialistes en droit, à tous les niveaux, on n'a que des prix Nobel de droit suisse - à supposer que ça existe -, mais à mon sens, c'est la plus grande fantaisie ! Je pense que les juristes de ce parlement devraient aller faire leur numéro au cirque Knie ! (Commentaires.)
Le président. Merci, Monsieur le député. Je transmettrai ! Je donne la parole à M. Guinchard pour une minute vingt-neuf.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci de votre générosité, Monsieur le président. Comme je n'ai pas encore donné l'avis du Centre par rapport à ce projet de loi, je vais le faire, tout en regrettant évidemment que les deux demandes de renvoi en commission aient été refusées. Je rappelle que suite à l'acceptation par le peuple de l'initiative 163, nous avons réussi à élaborer un projet de loi ainsi qu'une loi d'application de cette initiative, par des négociations - qui n'ont pas été faciles - entre le Conseil d'Etat, l'aéroport et notamment le groupement qui se nomme CARPE. J'aurais pensé que si le renvoi avait été accepté, nous aurions pu arriver à ce même résultat de concertation et de discussion au sein de la commission. Je regrette un peu que ce Grand Conseil se mure dans cette obstination; il risque bien évidemment de se faire laver la figure à l'occasion d'un éventuel recours d'une entreprise qui se verrait imposer une convention collective. Le groupe du Centre vous invite à refuser ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le rapporteur de minorité pour une minute trente-quatre.
M. Edouard Cuendet (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Ça me suffira largement. Vous transmettrez, Monsieur le président, aux membres du MCG qui parlent d'arguties juridiques et d'arguments pseudojuridiques que je suis un peu perplexe. Comme je l'ai dit - je reviens à mes propos de départ -, nous ne sommes pas là avec des banderoles et calicots à un piquet de grève, nous sommes là pour rédiger le droit; en tant que parlement, c'est notre compétence. Evidemment que nous devons, si possible, et même obligatoirement, rédiger des projets de lois conformes au droit. Par conséquent, tous les arguments égrenés durant les débats qui montrent le caractère totalement illégal de ce projet de loi restent pleinement valables. Le dernier en date - c'est pour répondre à M. de Sainte Marie qui se réfère au CSME en lien avec le constat d'une prétendue sous-enchère salariale: le CSME peut constater tout ce qu'il veut, l'organe compétent, celui qui a le pouvoir, en vertu de la loi, de surveiller la bonne application de la loi sur le travail et des règles de droit, c'est l'OCIRT, ce n'est pas le CSME. C'est donc aussi un argument qui tombe à plat, vous m'excuserez, Monsieur le rapporteur de majorité.
Pour tous ces motifs, je vous invite à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi et à rejeter tous les amendements - notamment ceux d'Ensemble à Gauche, qui sont parfaitement illégaux ! Merci.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de majorité. J'entends bien les arguments des partis de la minorité, qui sont de nature juridique. (Commentaires.) Cela me surprend quand même, parce que depuis déjà douze ans, des conflits sociaux à l'aéroport, on en a connu à peu près chaque année. Or je n'ai jamais entendu de la part de ces partis un positionnement politique pour poser un certain cadre en matière de conditions de travail ! (Commentaires.) Je veux bien entendre des arguments juridiques, néanmoins, sur le fond, jamais ces mêmes partis n'ont émis le souhait ou n'ont voté en faveur d'une possibilité de faire en sorte que les conditions de travail soient respectées dans la zone aéroportuaire.
C'est là la réalité du débat qu'il faudrait resituer aujourd'hui: le fait que dans cette zone, des entreprises effectuent de la sous-enchère salariale et que leurs conditions de travail sont catastrophiques, pour des hommes et des femmes qui oeuvrent tôt, tard, avec des horaires irréguliers et des salaires particulièrement bas, que nous devons par conséquent protéger aujourd'hui afin d'avoir une zone aéroportuaire digne de ce nom, où les hommes et les femmes puissent travailler dignement. C'est ça, le fond du débat ! Le fond n'est pas juridique ! Nous laisserons la place aux tribunaux pour arbitrer l'aspect juridique s'il le faut... (Commentaires.) ...mais aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, ayez au moins la décence de débattre du fond politique et de la nécessité de conditions de travail minimales dans la zone de l'aéroport ! Je vous invite par conséquent à accepter ce projet de loi.
Une voix. Illégal !
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'intervention du rapporteur de majorité me laisse perplexe à plus d'un titre, puisqu'il appelle à faire voter par le législateur n'importe quel texte de loi quelle que soit finalement sa conformité au droit supérieur. C'est assez inquiétant d'entendre ce genre d'arguments. Le problème ici, le Conseil d'Etat en est parfaitement conscient... Vous avez d'ailleurs eu l'occasion d'entendre en commission à moult reprises notre administration, l'OCIRT, vous dire les éléments problématiques de cet objet. Rien n'y fait, on se demande en fin de compte à quoi ce genre d'auditions peuvent servir, puisqu'on est dans la pure idéologie. Je répète ici ce qui a été dit par plusieurs d'entre vous appartenant visiblement à la minorité de ce parlement: ce projet de loi n'est pas conforme au droit supérieur, on va au-devant de grosses difficultés. J'entends le rapporteur de majorité appeler les tribunaux à trancher par la suite, mais fondamentalement, c'est une manière de procéder qui est assez étrange. Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de ne pas entrer en matière sur ce projet de loi pour les raisons que je viens de vous expliquer.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote, en premier lieu sur l'entrée en matière.
Des voix. Non !
D'autres voix. Oui !
Une voix. Mais y aura pas de troisième débat ! Renvoyez-le en commission !
Mis aux voix, le projet de loi 10626 est adopté en premier débat par 50 oui contre 36 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 31 (nouvelle teneur).
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 40, proposé par Mme Jocelyne Haller:
«Art. 40 (nouvelle teneur)
Le personnel travaillant pour l'Aéroport international de Genève doit être au bénéfice d'une convention collective de travail. Il est référé prioritairement aux CCT locales lorsqu'elles existent.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 62 non contre 25 oui.
Mis aux voix, l'art. 40 (nouveau) est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Le président. Le troisième débat est-il demandé ? (Remarque.) Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour les raisons que j'ai eu l'occasion de vous expliquer à plusieurs reprises dans le cadre de ce débat, le Conseil d'Etat ne demandera pas le troisième débat. Ce texte n'est pas conforme au droit supérieur. Nous profiterons du temps qui nous est laissé pour vous apporter des éléments supplémentaires qui le démontreront. Merci.
Des voix. Bravo ! (Commentaires. Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur le député François Baertschi, normalement il n'y a pas de prise de parole après le Conseil d'Etat. Nous concluons donc le débat. (Vifs commentaires. Brouhaha.) Nous concluons le débat. Le Conseil d'Etat ne souhaitant pas le troisième débat, il est mis fin à cette discussion. (Commentaires.) Nous reviendrons sur ce projet de loi dans les délais impartis selon la décision du Conseil d'Etat. (Commentaires.)
Le troisième débat est reporté à une session ultérieure.