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RD 1369-A
Rapport de la commission de contrôle de gestion chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'activité, la gestion et la situation financière de la Fondation Eclosion pour l'année 2019
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 9 et 10 décembre 2021.
Rapport de M. Bertrand Buchs (PDC)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous poursuivons le traitement de notre ordre du jour avec l'objet suivant, soit le RD 1369-A. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Bertrand Buchs, remplacé par Mme Patricia Bidaux, à qui je laisse la parole.

Mme Patricia Bidaux (PDC), rapporteuse ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le présent rapport de la commission de contrôle de gestion concerne l'activité de la Fondation Eclosion pour l'année 2019. Avant toute chose, il est nécessaire de spécifier qu'il porte sur une situation complexe, à savoir la cessation d'activités de celle-ci.

Les trois missions principales d'Eclosion sont un accompagnement et un hébergement de start-ups effectués par des coachs spécialisés dans les sciences de la vie ainsi que des prestations de financement sous forme de prêts en fonction d'analyses lorsqu'elles ne peuvent pas assumer leurs frais.

Ces activités sont évaluées selon quatre étapes. La première consiste en l'étude des projets par une commission scientifique et le conseil de fondation, puis il y a une validation par ce dernier. Ensuite, une étude approfondie est menée, une phase qui dure de trois à douze mois, avant que le projet soit réorienté. Le stade de construction et de validation expérimentale constitue la dernière étape lors de laquelle la start-up est accompagnée.

En 2019, plus de seize start-ups ont bénéficié du soutien de la fondation. Ce fut également une année de transition, puisque deux directeurs ont quitté la structure. Il est à noter que les finances étaient saines.

La Fondation Eclosion a fait l'objet d'un contrôle du SAI et des recommandations ont été mises en oeuvre. Cela a abouti en 2019 au transfert des activités dans le domaine des sciences de la vie vers la FONGIT. Deux éléments phares ont mené à ce changement: d'une part la convergence des technologies, d'autre part le fait de se concentrer sur l'entrepreneuriat. Ce sont 24 sociétés qui bénéficient de l'aide de la fondation, soit onze contrats de prestations de services d'hébergement, cinq contrats d'incubation d'hébergement et huit contrats d'incubation et de financement.

En ce qui concerne les résultats financiers, une subvention annuelle de 1 470 000 francs était attribuée à la fondation de même que des produits de refacturation à hauteur de 200 000 francs. Les frais étaient liés à l'infrastructure et au loyer.

La commission de contrôle de gestion a eu connaissance d'une situation compliquée du point de vue de la gestion, à savoir l'imbrication d'un certain nombre de liens personnels entre des personnes qui étaient dans la distribution à la fois de subventions et de services, ce qui a conduit à la mise en liquidation d'Eclosion. Un travail de fond a été mis en place et toutes les recommandations du SAI ont été suivies.

Cela étant, la CCG a tout de même déposé une plainte pénale. Le manque de transparence ne permettait pas de mener les processus ad hoc quant au choix des entreprises soutenues. Face à l'absence et à la destruction de documentation probante et par souci d'efficience, la nouvelle direction a également opté pour un dépôt de plainte pénale le 5 juin 2020 contre les différents membres de la direction d'Eclosion SA et de la Fondation Eclosion.

Le 28 juin 2021, le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière sur la base de deux constats: d'abord que le projet Eclosion a fait l'objet d'un contrôle de l'Etat par l'entremise de la commission de suivi, laquelle a validé tous les rapports d'activité, ensuite que les manquements reprochés ne sauraient être qualifiés d'infractions pénales.

Faisons un rapide historique. Nommée en décembre 2018, la nouvelle direction d'Eclosion s'est rapidement attelée à l'établissement d'un règlement du personnel et d'un cahier des charges de l'entier des fonctions du conseil de direction; d'autres réalisations ont suivi, comme des tableaux de bord. Au premier trimestre, le conseil de fondation a été renouvelé, ce qui a permis de définir et de finaliser une nouvelle stratégie. En juin, la fondation a reçu le rapport final de l'audit du SAI et a commencé à travailler sur les recommandations. Au mois de juillet, le directeur a démissionné avec effet en septembre, mais depuis cette date-là, il n'a plus oeuvré en présentiel. En octobre, il a été annoncé que la subvention versée par l'Etat serait supprimée fin 2020, celui-ci ayant jugé plus efficient de réunir toutes les sciences de la vie sous le toit d'une seule institution subventionnée, à savoir la FONGIT, suite à la décision d'adopter une stratégie différente en matière de soutien aux sciences de la vie. Afin de se préparer à la liquidation, la fondation a engagé un nouveau directeur pour une période de douze mois. En 2019, le conseil de direction a été mandaté pour mettre en oeuvre les éléments que j'ai cités précédemment, ce qui a stabilisé la situation financière. 100% des objectifs de suivi selon le contrat de prestations ont été atteints et 100% des objectifs de la feuille de route ont été appliqués.

Au moment de traiter le rapport d'activité 2019, et c'est bien ce qui nous occupe aujourd'hui, la majorité de la commission de contrôle de gestion a souhaité en prendre acte, ce qui n'est pas une manière de couvrir les difficultés rencontrées, mais de constater que la nouvelle direction a traité la problématique et que les recommandations du SAI ont été respectées. Pour toutes les raisons qui précèdent, la majorité de la commission vous recommande de faire de même, c'est-à-dire de prendre acte de ce rapport. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, beaucoup de choses ont été dites par la rapporteure. La société Eclosion a été créée en 2004 pour soutenir des projets dans les sciences de la vie afin de transformer le fort potentiel d'innovation régional dans ce domaine en valeur économique et en emplois. Le fonctionnement de la fondation occupe la commission de contrôle de gestion depuis un certain temps suite à un rapport sévère du service d'audit interne, le SAI. Nous nous retrouvons dans la situation particulière de voter le rapport d'activité 2019 alors que nous avons déjà accepté celui de 2020 au mois de mars dernier.

En 2019, et l'actuelle cheffe du département n'y est pour rien, la situation présentée a laissé planer de gros doutes dans les rangs de la commission de contrôle de gestion. En 2020, les choses se sont éclaircies suite à un changement de direction. La fondation a porté plainte le 5 juin 2020, cela a été mentionné, contre les anciens membres de la direction. L'Etat a ensuite décidé de transférer les activités d'Eclosion vers la Fondation genevoise pour l'innovation technologique, la FONGIT, ce qui a également amené la commission des finances à jeter un oeil critique sur le fonctionnement d'Eclosion. Une loi est en cours de préparation et réglera tous les détails du transfert, mais nous aurons encore l'occasion de nous prononcer sur le rapport d'activité pour l'année 2021 - le dernier, espérons-nous.

Je précise encore, même si cela ne fait pas partie du rapport 2019, que la commission s'est attachée à la remise des activités d'Eclosion à la FONGIT. Le département a clairement fait savoir qu'il s'assurerait du recouvrement de l'ensemble des créances au moment de la cession qui sera opérée dans le cadre du transfert. La commission salue cet engagement et suivra le processus à intervalles réguliers. Comme le rapport 2020 a déjà été adopté, tout cela n'a plus tellement d'importance pour 2019; en conséquence, nous nous abstiendrons au sujet de ce rapport.

Mme Véronique Kämpfen (PLR). En effet, ce rapport porte sur l'activité, la gestion et la situation financière de la Fondation Eclosion pour l'année 2019. D'un point de vue formel et quelle que soit l'opinion que l'on peut avoir sur cet organisme, on ne peut que l'accepter. Sur le fond, le bilan de l'année 2019 a été positif pour la Fondation Eclosion, 100% des objectifs de suivi selon le contrat de prestations ayant été atteints et 100% des objectifs de la feuille de route ayant été mis en oeuvre.

En revanche, plusieurs critiques sur la gouvernance ont été formulées par la nouvelle présidente lors de sa prise de fonction, critiques d'ailleurs corroborées dans l'audit du SAI dont il a déjà été question. Rapidement, la nouvelle présidente s'est attelée à mettre en place les recommandations contenues dans ce fameux rapport qui lui avait été transmis en juin 2019; une nouvelle stratégie a été définie et diverses mesures ont été prises, comme l'a rappelé tout à l'heure la rapporteure.

En octobre 2019, le Conseil d'Etat a fait savoir à la fondation que la subvention versée par l'Etat serait supprimée fin 2020, suite à la décision d'adopter une stratégie différente en matière de soutien aux sciences de la vie. L'entité s'est ainsi vue contrainte de se préparer à sa liquidation. Les objectifs formels contenus dans le contrat de prestations portant sur l'année 2019 ayant été atteints et la liquidation ayant suivi correctement son cours, malgré les vicissitudes connues par la Fondation Eclosion, le groupe PLR vous propose de prendre acte de ce rapport. Merci, Monsieur le président.

M. Jean Burgermeister (EAG). Je ne reviendrai pas sur les problèmes sérieux constatés au sein d'Eclosion, voire les suspicions plus graves encore - qui ne proviennent pas de la commission de contrôle de gestion qui a traité cette question -, mais j'aimerais insister sur le fait que la majorité de ce Grand Conseil, à l'exception d'Ensemble à Gauche, semble considérer qu'il n'y a plus aucun risque maintenant que la Fondation Eclosion a été dissoute, a en réalité été intégrée à la FONGIT.

Or, à Ensemble à Gauche, nous pensons que le problème provient structurellement de ces incubateurs à start-ups qui sont caractérisés par une certaine opacité, et je ne pense pas qu'au sein de la FONGIT, qui a repris les activités d'Eclosion, on se soit donné les garanties nécessaires afin qu'il n'y ait aucune collusion ni aucun conflit d'intérêts. D'ailleurs, ce n'est pas seulement Ensemble à Gauche qui le souligne: à la commission des finances, lorsque nous traitions le projet de loi de subvention de la FONGIT dans le cadre de l'intégration d'Eclosion, un député PLR s'est inquiété du manque de cautèles suffisantes pour éviter les conflits d'intérêts constatés au sein de la structure.

Il s'agit fondamentalement, je l'ai dit, d'un système opaque, d'un dispositif de mutualisation des coûts et de privatisation des bénéfices, puisque l'essentiel des dépenses pour les progrès technologiques et scientifiques sont publiques: ce sont d'abord les dépenses scolaires pour former les enfants, puis les dépenses publiques pour l'université, laquelle permet les progrès scientifiques, du moins dans les sciences fondamentales. Mais ensuite, ces start-ups cherchent à privatiser la petite pointe rentable en marge des progrès scientifiques, avec en plus la possibilité pour l'Etat de continuer à les subventionner, non seulement à travers ces incubateurs de start-ups, mais plus largement d'un point de vue fiscal. En effet, si on lit les rapports de gestion du Conseil d'Etat de ces dernières années, on constate que ce sont souvent les start-ups actives dans la biotechnologie ou la technologie médicale, c'est-à-dire précisément les domaines d'action d'Eclosion, qui bénéficient d'allégements fiscaux accordés par le Conseil d'Etat. En revanche, lorsque l'entreprise, dans une minorité de cas par ailleurs, devient rentable, eh bien les gains sont entièrement privatisés.

Je pense qu'il s'agit d'un cache-misère de la politique du Conseil d'Etat en termes de création d'emplois. Celui-ci aurait davantage intérêt, plutôt qu'à miser sur des start-ups opaques et donc sans aucun objectif, à investir dans la création d'emplois publics qui répondent à des besoins sociaux, à l'urgence environnementale et aux attentes de la population. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, contrairement à ce que vient de signaler le préopinant, ces incubateurs sont utiles. Bien sûr qu'ils sont utiles, parce qu'il s'agit des entreprises de demain, des emplois du futur. Ce n'est pas en engageant quelques fonctionnaires de plus qu'on va doper l'activité économique et les emplois dans ce canton - ni nulle part ailleurs. Il l'a bien compris, puisqu'il s'en va, ça ne l'intéresse pas.

Il y a tout de même un problème: la Fondation Eclosion finançait une partie des activités d'Eclosion 2 SA, une entité privée, et on a vu qu'il y avait un certain nombre de collusions et de conflits d'intérêts. On nous dit que toutes les créances seront recouvrées, mais on n'en est pas sûr, on verra bien suite à l'éventuel rapport du Conseil d'Etat sur ce sujet.

Le doute demeure, puisque des plaintes ont été déposées, et la commission de contrôle de gestion elle-même a signalé tout cela au procureur général, qui s'est empressé de classer le dossier, malheureusement. Je pense qu'un certain nombre de problématiques restent ouvertes avec ce qui s'est passé entre la Fondation Eclosion et Eclosion 2 SA, qui est privée. En ce qui nous concerne, eu égard à ce doute qui persiste, nous refuserons de prendre acte du rapport. Merci.

M. Thomas Bläsi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, concernant la Fondation Eclosion, on peut dire que ce n'est pas tous les jours que la commission de contrôle de gestion se lance dans une dénonciation pénale, c'est la première chose à souligner. L'ensemble des membres de la commission ont été choqués par ce qui avait été entendu, par les propos des auditionnés et par l'image qui apparaissait au fur et à mesure des auditions quant au système que constituait Eclosion. Il faut bien se rendre compte que les choses ont duré de 2004 à 2019; ça fait quinze ans d'opacité, quinze ans de non-transparence, quinze ans de subventions mal contrôlées dont on ne sait pas véritablement où elles ont fini.

Il faut aussi signaler que ces problématiques étaient prévisibles. A la création d'Eclosion, il y a eu quelques belles réussites comme Epithelix, par exemple, une société active dans la culture d'épithélium pour des études en laboratoire qui a bien réussi, c'était très prometteur. Il y a eu des choses positives. Mais il y a également eu une proximité tout à fait inacceptable entre le conseiller d'Etat responsable à l'époque et son bras droit, qui a pris la direction de la fondation, avec un financement du salaire de ce bras droit de l'ancien conseiller d'Etat que je ne citerai pas par courtoisie, décence et pitié, des procédés parfaitement intolérables et iniques.

Aujourd'hui, nous décidons qu'il vaut mieux arrêter de creuser, parce qu'on risquerait d'exposer ce qui s'est passé. Le groupe UDC, tout comme le MCG, refusera ce rapport. Cela devrait attirer notre regard sur la nécessité non pas de ce que disait M. Burgermeister tout à l'heure, mais de contrôler les subventions qu'on met en place. Voilà ce qui est important, c'est de savoir ce qui en est fait, ce qu'elles vont devenir et ce que ça rapporte à nos concitoyens. Nous fermons le dossier honteux qu'a été Eclosion pour la République et canton de Genève et surtout pour les politiciens qui s'y sont impliqués à l'époque, et nous refuserons ce rapport, car nous sommes très fâchés de ce qui s'est passé dans cette entité. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. François Lefort pour cinquante et une secondes.

M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. En conclusion de ce que nous avons entendu et sans mélanger les objectifs de la fondation et son historique, j'aimerais rendre hommage à l'ancien directeur Yann Dean, qui a démissionné après avoir alerté quant aux dysfonctionnements, conflits d'intérêts et pressions subies. Oui, ce directeur a été un véritable lanceur d'alerte qui a conduit ce parlement à s'intéresser à la gestion de cette fondation. Je ne peux que regretter également la décision du Ministère public de ne pas donner suite à la dénonciation pénale de la commission de contrôle de gestion, il y aurait certainement eu matière à poursuites. Je vous remercie.

Mme Fabienne Fischer, conseillère d'Etat. Quelques mots pour confirmer qu'au stade où en sont les choses maintenant, Mesdames et Messieurs, la Fondation Eclosion est en phase de liquidation et la dernière personne qui y travaillait a fini son activité, les locaux ont été restitués. Ainsi, le prochain rapport consistera uniquement à vous informer de la manière dont cette liquidation a été opérée.

Dans le contexte des doutes que vous évoquez, des questions que vous soulevez, j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer devant la commission de contrôle de gestion et je souhaite ici encore souligner d'une part que les recommandations formulées en 2019 par le SAI ont été considérées comme réalisées, d'autre part qu'au moment où j'ai repris la responsabilité du département qui supervise cette fondation, j'ai annoncé à la commission de contrôle de gestion - et je le refais devant vous aujourd'hui - que j'accorderais une attention très soutenue à ce que toutes les créances soient recouvrées et à ce qu'aucun conflit d'intérêts passé ne puisse ressurgir à l'avenir. Il s'agit donc d'un dossier auquel je vais continuer à prêter l'attention nécessaire.

Cela étant et parce que, comme l'a souligné le député Eckert, vous avez dans l'intervalle déjà validé le rapport d'activité 2020, il me semble que celui de 2019 peut à son tour être adopté, et j'espère que vous serez satisfaits du rapport 2021 quand il arrivera dans votre ordre du jour.

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi au Conseil d'Etat que je soumets aux votes de l'assemblée; en cas de refus, il sera pris acte de son rapport.

Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport RD 1369 est rejeté par 32 non contre 8 oui et 17 abstentions (vote nominal).

Le Grand Conseil prend donc acte du rapport du Conseil d'Etat RD 1369.

Vote nominal