République et canton de Genève

Grand Conseil

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Discours de M. Diego Esteban, président sortant

Le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés,

Monsieur le président du Conseil d'Etat,

Madame et Monsieur les membres du Conseil d'Etat,

Il y a un an, je vous adressais la parole le visage masqué, exprimant le voeu que cette situation prenne fin au plus vite. Grâce à la vigilance de nos autorités sanitaires, le travail du personnel soignant et la solidarité de la population, la pandémie qui a rythmé nos travaux et nos vies ces dernières années s'est atténuée, et les cas diminuent avec la plus grande constance observée depuis début 2020. Par rapport à la situation prévalant il y a un an, nous sommes donc à nouveau en mesure de nous exprimer sans masque, debout, et au sein de la salle du Grand Conseil, ici à l'Hôtel de Ville, ce qui ne peut que me réjouir. Nous vivons surtout un retour aux sources bienvenu, tant les habitudes de notre assemblée ont été chamboulées depuis 2018. Et à part quelques commissions qui - par une prudence probablement excessive - continuent de siéger par vidéoconférence, nous retrouvons peu à peu les usages qui avaient été temporairement suspendus. Mais cette législature a déjà rudement mis à l'épreuve nos habitudes, raison pour laquelle je souhaitais attirer votre attention sur plusieurs points qui suscitent chez moi des interrogations quant à l'avenir de la politique cantonale.

La crise économique liée à la pandémie représentait un risque majeur pour Genève, risque auquel les autorités fédérales et cantonales ont répondu, en décidant d'investir des sommes considérables afin que la sortie de la crise soit la plus rapide pour tout le monde. A fin 2020, notre parlement a avalisé le budget 2021 alors qu'il était l'un des plus déficitaires de notre histoire, pleinement conscient des incertitudes majeures qui planaient sur l'avenir de nos finances. Le danger était évident; l'Etat a assumé son rôle de garant. Et le résultat de cette décision courageuse est que les risques ont pu être tempérés. L'Etat a un rôle fondamental dans la cohésion de notre société, et nul besoin d'une crise pour se rendre compte de la nécessité de disposer de services publics compétents et aptes à réagir aux difficultés et à les anticiper. En revanche, en décembre 2021, si la crise était toujours bel et bien présente, le Grand Conseil a refusé d'assumer sa principale responsabilité en matière de finances publiques, faute de majorité. Au-delà des raisons ayant conduit à ce refus, il est dommageable que le parlement ne soit pas capable d'exprimer un projet pour l'avenir de notre canton, déléguant cette compétence à l'exécutif au gré de demandes de crédits supplémentaires examinées par la commission des finances qui, heureusement, rend publiques ses décisions en la matière. Il n'en demeure pas moins que la compétence fondamentale du parlement de se prononcer sur le budget est déléguée, voire diluée.

Cette absence de coalition pour trouver des majorités ne se limite pas au refus du budget, mais frappe d'autres dossiers encore, et influence même les stratégies politiques des groupes. En effet, on le sait, il est plus facile de s'opposer à une réforme que de la soutenir, et bien plus encore que de la construire. Sans mener de réflexions existentielles sur la peur du changement, je dirai que les meilleures réformes font rarement l'unanimité, la nécessité de favoriser l'intérêt général devant parfois primer sur le bien-être d'une partie de la population. Mais depuis le perchoir, j'ai souvent eu l'impression d'assister au cumul de sept oppositions plutôt qu'à la construction d'une majorité au gré de compromis et d'amendements. On conviendra pourtant sans difficulté que la définition des politiques publiques est une éminente responsabilité du parlement. Cette tendance à privilégier l'opposition comme solution de facilité fait aussi le lit d'un certain dogmatisme qui s'est accru ces dernières années. Inutile de vous rappeler que les majorités dans cette enceinte ne peuvent être construites qu'à partir du soutien de trois groupes parlementaires en étant cimentées par l'adjonction d'un quatrième, voire d'un cinquième groupe. Cela implique une capacité à négocier et à accepter des compromis pour arriver à ces fins.

Face aux difficultés que nous avons connues, le meilleur remède est celui de la convivialité, dont j'appelle le retour de mes voeux, que ce soit dans cette enceinte ou en commission. On ne peut pas faire de politique si l'on voit nos collègues comme de simples adversaires. Je me demande combien de majorités auraient été possibles, ou même élargies, si des ponts supplémentaires avaient été construits autour d'un verre, d'une table ou peut-être même d'un micro de karaoké. (Exclamations.) J'estime que les compromis de commission et le respect de la parole d'autrui - que je me suis souvent épuisé à obtenir par ailleurs - sont les meilleurs indicateurs d'un fonctionnement parlementaire sain. A ce propos, je rappelle qu'un apéritif nous attend à la pause; ce sera une belle occasion d'exercer aujourd'hui même cet esprit convivial. (Exclamations.)

Passé ces constats généraux, je dois vous offrir quelques éléments de témoignage. J'ai la particularité d'avoir présidé notre Grand Conseil un peu plus de cinq ans après ma naturalisation; une statistique assez folle que je dois tant aux opportunités d'intégration qui ont été offertes à ma famille qu'à la confiance que mon parti, mon groupe et le Grand Conseil ont consenti à m'accorder. Je mesure l'importance d'une telle marque et j'en éprouve la plus profonde reconnaissance. J'ai en outre la particularité d'avoir été le plus jeune président, une opportunité en or d'intéresser davantage de jeunes à la nécessité d'investir également le terrain de la politique institutionnelle. J'ai toujours eu le souci de montrer que l'âge n'explique pas tout et qu'une présidence peut aussi être gage de stabilité et de préservation des traditions lorsqu'elle est exercée par l'un des plus jeunes de l'assemblée.

Les allocutions de fin de présidence comportent régulièrement des observations sur la vitesse de traitement de notre ordre du jour, mais il n'est pas indispensable d'insister sur des constats qui viennent naturellement au simple comptage du nombre d'objets en attente de traitement. Ce qui est en revanche indispensable, c'est de relever le fonctionnement harmonieux et collégial du Bureau, et de remercier ses membres pour la collaboration constructive tout au long de l'année. Tout aussi indispensables sont les remerciements à M. le sautier, son adjointe et l'ensemble du secrétariat général du Grand Conseil, que nous avons la chance d'avoir à nos côtés, tant notre personnel parlementaire allie avec aisance des compétences inestimables et une bienveillance bienvenue. Je leur suis infiniment reconnaissant de nous gratifier de leur contribution essentielle à l'efficacité et à l'indépendance de nos travaux. J'aimerais enfin saluer ma famille et mes proches, qui ont été le socle sur lequel j'ai pu me reposer durant cette année chargée.

Nous arrivons désormais au terme de cette avant-dernière année de la législature. Je me réjouis en particulier de découvrir la nouvelle salle du Grand Conseil depuis mon siège de député, que je n'ai encore jamais eu l'occasion d'occuper.

Vive le Grand Conseil, vive la République et canton de Genève, vive la Suisse ! (Longs applaudissements. L'assemblée se lève. M. Jean-Luc Forni remet un bouquet de fleurs à M. Diego Esteban.)

La parole est demandée par Mme la députée Caroline Marti.

Mme Caroline Marti (S). «T'aurais voulu être un chanteur, mais tu es devenu président !» (L'oratrice chante ces mots sur l'air du «Blues du businessman».) Je vais m'arrêter là, pour éviter de faire saigner vos oreilles ! (Rires. Applaudissements.) Je suis désolée, mais pour Diego il fallait que je le fasse, puisque au cours de son année de présidence il a quand même réussi l'exploit, lors de la sortie annuelle du Grand Conseil, de faire chanter plusieurs d'entre nous - y compris M. le sautier, d'ailleurs. (Exclamations.) Il n'est pas toujours parvenu à mettre tout le monde au diapason, mais il a su se saisir de sa baguette de chef d'orchestre pour mener avec panache nos débats.

Cher Diego, tu as aussi réussi à faire mentir quelques mauvaises langues qui, avant ton élection, persiflaient en disant que tu étais trop jeune, trop inexpérimenté: tu as eu l'occasion de montrer qu'on peut en réalité être jeune et compétent, et qu'on peut compenser une relative inexpérience par du travail, de la rigueur, de la motivation ainsi qu'une pointe d'humour.

Tu as offert cette année à Genève un visage jeune, pour un canton tourné vers l'avenir. Le groupe socialiste te remercie très chaleureusement et te félicite pour cette excellente année de présidence. Merci Diego ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Nous allons maintenant passer à l'élection 2828... (Le président est interpellé.) Pardon, je suis allé trop vite en besogne ! (Mme Caroline Marti remet un bouquet de fleurs à M. Diego Esteban.)