République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2697-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Stéphane Florey, Eliane Michaud Ansermet, Christo Ivanov, Virna Conti, Patrick Lussi, Patrick Hulliger, André Pfeffer, Thomas Bläsi, Jean Romain, Jean-Pierre Pasquier, Raymond Wicky, Murat-Julian Alder, Yvan Zweifel, Véronique Kämpfen, Charles Selleger pour le respect du français académique : non à l'écriture « inclusive » !

Débat

Le président. Nous passons à l'urgence suivante, la M 2697-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Madame la rapporteure Céline Zuber-Roy, vous avez la parole.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. La M 2697, déposée le 30 octobre 2020, a été initialement traitée par la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport durant deux séances. Le 4 mars 2021, elle a été transmise à la commission des Droits de l'Homme, qui l'a à son tour étudiée au cours de trois séances.

Suite à ces travaux, la majorité de la commission des Droits de l'Homme a souhaité amender le texte pour le centrer sur l'usage de l'écriture inclusive, c'est-à-dire le recours à des pratiques rédactionnelles ou typographiques comme des barres obliques, parenthèses, points médians ou tirets dans les mots.

L'objectif de cette modification est d'exclure clairement la thématique plus large de la rédaction inclusive et du langage inclusif. En effet, le soutien à cette motion ne vise pas à nier l'existence d'une demande d'une partie de la population de féminiser le français, ni à proscrire le langage ou la rédaction inclusive. Ce débat se poursuivra dans le cadre du projet de loi 12843 sur l'égalité, qui est actuellement en traitement à la commission des Droits de l'Homme, ce qui laissera du temps aux linguistes pour poursuivre la réflexion sur le sujet.

En revanche, le soutien à cette motion vise à envoyer un message clair au Conseil d'Etat afin qu'il fasse cesser l'usage de l'écriture inclusive au sein de l'administration et des établissements publics. Comme l'a souligné lors de son audition le professeur de Saussure, linguiste à l'Université de Neuchâtel, si des interventions sur le lexique de la langue française comme la féminisation de fonctions ne posent aucun problème, ce n'est pas le cas des interventions sur la grammaire. En effet, la grammaire est une ossature rigide qui ne peut être modifiée sans donner l'impression d'une atteinte existentielle à la langue, associée inconsciemment à l'identité personnelle et culturelle de chacun. Et c'est exactement ce que fait l'écriture inclusive en intervenant sur des graphies, en ajoutant des lettres ainsi qu'en modifiant des accords, l'usage des pronoms et des déterminants.

Outre cette atteinte à l'identité de la langue, l'écriture inclusive induit un important surcoût à la lecture et à la compréhension. Cette difficulté supplémentaire a évidemment un impact direct sur l'accessibilité des textes, en particulier pour les personnes non francophones, souffrant de troubles «dys-» ou d'un handicap visuel.

Enfin, il est utile de rappeler que la langue reflète plus qu'elle ne construit les stéréotypes sociaux. Ainsi, les problèmes d'égalité ne se situent pas tant dans la langue française que dans notre société. Le professeur de Saussure donne les exemples suivants: le mot «mannequin», bien que de genre masculin, produit une représentation typifiée féminine; le mot «crapule», bien que de genre féminin, suscite une représentation masculine. Ces exemples confirment bien cet état de fait.

Pour ces raisons, la majorité de la commission des Droits de l'Homme vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter cette motion amendée.

Présidence de M. Jean-Luc Forni, premier vice-président

Mme Christina Meissner (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose pour commencer de faire un petit exercice pratique. Ecrivez en anglais: «The crazy spouse killed the beautiful neighbour». Maintenant, traduisez cette phrase en français. Vous avez de la peine ? En effet, sans autre information, la traduction exacte sera difficile. S'agit-il d'une épouse jalouse qui a tué la belle voisine supposée maîtresse de son mari ? Ou est-ce l'époux qui a tué la belle voisine par jalousie de la relation que son épouse aurait pu entretenir avec elle ? Et si vous tentez le langage inclusif, hors de toute suspicion mal placée - et je vous rappelle que l'écriture inclusive utilise des barres obliques, des parenthèses, des points médians ou des tirets -, cela donne la traduction suivante: «L'époux.se fou.olle a tué le/la beau.elle voisin.e.» Et non pas: «La folle épouse ou le fol époux a tué le beau voisin ou la belle voisine.»

Dans les deux cas, c'est soit incompréhensible soit illisible. Et si l'on prend le dernier adjectif «voisin.e», force est de constater qu'en français même inclusif, on fera passer le masculin avant le féminin, puisqu'on rajoute en général un «e» pour le féminin, un féminin qui se place forcément derrière le point médian, donc derrière le masculin.

Le langage inclusif ne résout rien, il rend le français encore plus compliqué, sa lecture illisible, et au final encore plus inaccessible non seulement pour les personnes en situation de handicap visuel, mais aussi pour tous les pays de la francophonie, qui entre parenthèses est en plein déclin: il suffit de voir le sommet France-Afrique de 2021. Faut-il un coup de grâce ?

Je répéterai ce qu'a relevé la rapporteure de majorité, que je remercie pour la qualité du travail: le professeur de Saussure nous a donné des exemples magnifiques montrant que l'inégalité, c'était finalement la société qui la produisait plutôt que le langage: le mot «mannequin», bien que de genre masculin, produit une représentation typifiée féminine, et le mot «crapule», bien que de genre féminin, suscite une représentation masculine. C'est bien cela.

Le débat se poursuivra dans le cadre du projet de loi sur l'égalité, mais à ce stade, le PDC, qui a adopté la loi 12440 prescrivant les règles à suivre en la matière pour la législation... Soyons conséquents et votons cette motion telle qu'amendée par la commission, qui s'adresse, elle, à l'administration et aux établissements publics pour que ceux-ci proscrivent l'usage de l'écriture inclusive, c'est-à-dire le recours à des pratiques rédactionnelles ou typographiques comme des barres obliques, parenthèses, points médians ou tirets, qui de toute façon ne règlent rien concernant le fait que le masculin est placé avant le féminin.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la députée, de votre intervention très éclairante. Je passe maintenant la parole à Mme Françoise Nyffeler. (Applaudissements.)

Des voix. Aaah !

Mme Françoise Nyffeler (EAG), députée suppléante. Me voilà ! (L'oratrice rit.)

Des voix. Aaah ! (Commentaires.)

Une voix. Enfin !

Mme Françoise Nyffeler. L'écriture inclusive, c'est une question de visibilité ou d'invisibilité. D'ailleurs, pour l'écriture du français, on a inventé des signes pour indiquer une invisibilisation; par exemple, l'accent circonflexe, qui signale la disparition de certains «s»: il est introduit au XVIIe siècle et devient effectif en 1740, comme dans le mot «tempête» ou «tête». L'inclusivité semble créer des tempêtes dans les têtes ! Mais il ne s'agit pas là d'une lettre comme le «s», mais de genre et de l'invisibilisation de plus de la moitié de la population. Dans cette motion, on refuse de visibiliser cette part importante de la population dans l'écrit, par l'ajout de signes inclusifs notamment. Des hommes ont décidé au XVIIe siècle que la langue devait témoigner que leur genre était le genre noble et dominant le féminin en l'invisibilisant. Depuis plus de trois siècles, l'écriture et la grammaire françaises affichent la domination et même la suprématie du masculin. Les liens entre la société et la langue orale et écrite sont ici bien clairs. Depuis quelques dizaines d'années, les féministes parlent et remettent en question cette domination et cette invisibilité et tentent d'inscrire ces changements dans la langue et l'écriture qui portent les stigmates de leur discrimination. Il est donc très important de laisser ouvert l'espace pour ces changements. En passant, j'en profite pour remercier Mme Fontanet pour son intervention allant dans ce sens lors de son audition en commission.

La langue et son écriture sont vivantes et n'ont cessé de se modifier. L'Académie française, malgré toute sa rigidité, n'a pas pu l'empêcher. D'ailleurs, nous sommes bien placés ici pour le savoir: les innombrables traces de germanismes dans la syntaxe et les autres curiosités locales démontrent la diversité et la faculté d'adaptation du français non seulement à la société, mais aussi aux particularismes régionaux, comme on peut le constater notamment dans ce noble hémicycle. Notre société doit lutter contre les inégalités et les discriminations basées sur la domination masculine et l'invisibilisation des femmes et des minorités de genre. Cela passe évidemment par l'éducation des enfants et la discussion autour de l'écriture inclusive notamment dans les écoles; cela permettra d'avancer sur le chemin de la justice et de l'égalité de genre.

Ensemble à Gauche refuse donc cette motion qui aurait peut-être dû être traitée par la commission des droits humains et non par la commission des Droits de l'Homme. (Exclamations. Applaudissements.)

M. Yves de Matteis (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je serai relativement bref pour cette urgence qui n'en est d'ailleurs pas une aux yeux de notre groupe parlementaire, lequel votera contre cette motion, ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, notre parti est favorable à l'écriture inclusive, comme on peut d'ailleurs le constater au niveau suisse, puisque le nom même de notre parti a été modifié, en français, pour adopter une forme inclusive, ce en mars 2021; cela a été le cas au niveau genevois un peu plus récemment. Notre parti étant en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes - notamment en présentant des listes paritaires - il est également logique pour nous de visibiliser les femmes partout où cela est possible, y compris en ce qui concerne l'expression écrite. Notre parti est également en faveur d'une meilleure prise en compte des personnes non binaires, qui sont souvent ignorées dans le langage écrit, ainsi que des minorités sexuelles.

Deuxièmement, qu'on soit ou non convaincu par les bienfaits de l'écriture inclusive, cette motion est particulièrement inutile. En effet, si nos informations sont correctes, le Conseil d'Etat a d'ores et déjà fait circuler des directives demandant aux fonctionnaires de l'Etat de rédiger leurs textes de manière épicène mais non inclusive. (Commentaires.) Il s'agit donc d'une pratique qui est déjà mise en oeuvre. Cette motion n'avait pas de raison d'être, n'aurait pas dû être déposée. Son traitement urgent aurait également dû être refusé, puisque le Conseil d'Etat prône déjà ce que la motion demande. (Commentaires.)

Enfin, troisièmement, et de manière peut-être plus personnelle, je remarque, en tant que président de la commission des Droits de l'Homme, que cette motion n'a pas fait l'objet d'auditions incluant des spécialistes qui auraient pu parler en faveur de l'écriture inclusive, comme on peut le constater en lisant le rapport sur cet objet. Son traitement n'a donc pas véritablement été équitable.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas en faveur de ce texte. Merci, Monsieur le président.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Philippe Morel (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, le langage et l'écriture ont évolué au cours des siècles, dans la langue française comme dans les autres langues, reflétant souvent l'évolution sociale, le cours des pensées et les valeurs attribuées par la société. La langue reflète en fait plus les stéréotypes sociaux qu'elle ne les construit elle-même; elle répercute des courants d'idées, de pensées et consacre certaines valeurs.

La langue appartient à tout le monde, et littéralement, par définition, les mots n'ont pas de sexe, ils ont un genre ! Je vous épargnerai à ce titre-là la longue liste de mots qui sont féminins alors qu'ils reflètent des éléments masculins et, réciproquement, des mots masculins qui reflètent souvent des activités ou des particularités féminines.

Le latin connaissait le neutre, mais ce temps est révolu - malheureusement, peut-on dire ! Le français l'a remplacé par le masculin. Il est bien sûr heureusement très loin le temps où Scipion Dupleix, homme de lettres, écrivait - c'était en 1651 - que le genre masculin était, je cite, «le plus noble». L'évolution s'est faite dans le sens d'une égalité, au sens très large, de la femme et de l'homme. Cela s'est traduit progressivement par le respect de la femme dans l'ensemble de ses activités personnelles, familiales, artistiques, professionnelles et autres. (L'orateur est interpellé.) Notre société veut tendre à une égalité parfaite, ce qui, dans certains domaines, malheureusement, n'est à l'évidence pas encore le cas.

C'est dans cette mouvance que s'inscrit la proposition d'utiliser l'écriture inclusive, qui démasculinise et déféminise l'écriture, l'inondant de symboles graphiques et de signes qui seront propres à cette écriture et qui ne pourront à l'évidence pas être prononcés. Nous allons donc, en allant dans cette direction, vers une écriture qui devient illisible et un langage parlé qui ne sera toujours pas, au sens où on l'entend actuellement, inclusif.

Actuellement, l'écriture se matérialise essentiellement, pour les jeunes et les moins jeunes, par l'utilisation des messages véhiculés par les téléphones portables ou les réseaux sociaux, dans lesquels on écrit comme on prononce, on ne respecte plus du tout l'orthographe des mots, s'attachant exclusivement à l'aspect phonétique qui pourra être compris par le destinataire. Les abréviations phonétiques sont ainsi innombrables, estropiant sévèrement l'orthographe conventionnelle, mais permettant toujours, par le destinataire, une lecture phonétique du message reçu. Cette évolution semble inéluctable, et je suis convaincu que l'immense majorité des jeunes, et encore une fois des moins jeunes, qui utilisent le langage phonétique, sera totalement imperméable au langage de l'écriture inclusive telle qu'elle est proposée.

Cette écriture inclusive, sous prétexte de tendre à l'égalité des sexes et des genres, crée en fait une nouvelle catégorie d'exclus: les personnes dysphasiques, dyslexiques, dyspraxiques ou dysgraphiques, ainsi que les étrangers qui tentent d'apprendre le français, et un ensemble de pays francophones dans le monde qui n'adhèrent pas à ces modifications liées à l'écriture inclusive. En effet, les systèmes d'écriture connus ont pour vocation d'être oralisés, et cela deviendra, pour ces nouveaux exclus, soit impossible, soit très difficile.

L'écriture inclusive va à rebours de la logique grammaticale, ce qui pose un problème majeur, puisque l'on s'attaque là à la structure même de notre écriture, qui ne peut être modifiée sans que l'on considère qu'il s'agit d'une atteinte fondamentale à notre langue. L'écriture inclusive est littéralement un monstre orthographique lorsque l'on tente de la lire.

Une majorité de linguistes estime que l'écriture inclusive est problématique - malgré les rires que j'entends ! L'Académie française, dans une lettre ouverte du 7 mai 2021, réprouve l'utilisation sous sa forme actuelle de l'écriture inclusive. Elle souligne que la correspondance avec l'oralité est impraticable et qu'ainsi, l'écriture inclusive installerait une langue seconde, complexe, réservée à une élite, sans toutefois répondre au but qu'elle prétend atteindre, à savoir l'égalité des sexes et des genres.

Le langage épicène, dont la différence avec l'écriture inclusive est qu'il n'est pas encore défini, permettrait, lui, par l'utilisation de termes neutres, ou l'association du masculin et du féminin, de répondre à cette volonté. A cet effet, des règles devront être réfléchies, élaborées, discutées, avant d'être éventuellement appliquées. Le PLR vous recommande ainsi de soutenir la M 2697 telle qu'amendée en commission. Je vous remercie.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à M. Francisco Valentin.

M. Francisco Valentin (MCG). Merci, Monsieur le président. Mon prénom n'a pas de «z», mais... (Rire.) ...je déduis que c'est mon tour ! (Commentaires.) Je n'aime pas trop la redondance, je ne vais donc pas répéter ce qui a été dit par mes collègues de droite, que j'apprécie et que j'estime beaucoup. Je vais peut-être partir sur une autre voie.

Déclaration universelle des droits de l'homme, 1789, révolution des sans-culottes et des camarades de gauche pour renverser la monarchie française, article premier: «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.» J'aimerais savoir ce qu'ils ne comprennent pas dans le mot «tous» ! (Rire.) C'est la première question.

La langue française, certainement pour des raisons de simplification, pour une fois, est par défaut masculine, mais non genrée. (Remarque.) Etonnamment, cette nouvelle tendance nihiliste de l'inclusivité sans discernement d'une pseudoélite autoproclamée et de certains groupuscules déconnectés des vraies attentes de la population ou même des femmes elles-mêmes ne fait que sectariser ou diviser notre civilisation, qui est déjà bien mise à mal par l'actualité.

Il existe en rhétorique une règle fondamentale qui a été dégagée par le psychologue Thierry Melchior. C'est ce qu'on appelle le principe de «proférence»: le simple fait de proférer un mot suffit à le faire exister. Même si les auditeurs ne savent pas exactement ce qu'il signifie, ils vont partir du principe qu'il possède une signification.

Une voix. Sus au patriarcat !

M. Francisco Valentin. Sus au patriarcat, absolument ! (Rire.) Notre très belle Berne fédérale, qui est aux Français ce que la musique militaire est à la grande musique... (Rire.) ...a elle-même édicté une directive interdisant la pratique de l'écriture inclusive. Le MCG in corpore vous recommande donc d'aimer les femmes et de les respecter autant qu'elles le méritent, mais de voter cette motion à deux mains. Je vous remercie. (Rire. Applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC). Je voudrais quand même remercier notre collègue Stéphane Florey. Contrairement à ce qu'a dit notre collègue d'Ensemble à Gauche, cette motion est tout à fait nécessaire et utile. C'est vrai qu'à la base, le but est peut-être de favoriser l'égalité hommes-femmes, mais alors là, c'est tombé totalement à côté de la plaque et cela rend difficile l'apprentissage de la langue ainsi que sa lecture et son écriture. Ce n'est donc en tout cas pas une amélioration et je vous propose de voter cette motion. C'est bizarre, parce qu'il n'y a pas eu tellement d'opposition à la commission des Droits de l'Homme; tout le monde était plus ou moins d'accord - je dis bien plus ou moins. Je crois qu'il y a eu une opposition d'Ensemble à Gauche... (Remarque.) ...et peut-être une ou deux abstentions, mais tout le monde s'est accordé à dire que c'était une véritable absurdité, qui ne favorisait en tout cas pas l'égalité entre hommes et femmes, au contraire. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe maintenant la parole à Mme Caroline Marti.

Une voix. Aaah !

Mme Caroline Marti (S). Merci ! Quel accueil ! (L'oratrice rit.) Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, force est de constater en écoutant ce débat que la langue évolue plus vite que les mentalités de certaines et certains. Effectivement, on le sait, la langue française, comme les autres langues d'ailleurs, n'est pas figée. Elle a de tout temps évolué, en suivant l'évolution de la réalité sociétale, et cela ne fait évidemment pas exception aujourd'hui. De plus en plus d'institutions, d'organisations, de structures, adoptent le langage épicène et le langage inclusif. D'ailleurs, le Grand Conseil, qu'on ne peut pas taxer de particulièrement progressiste, a récemment adopté une loi pour rédiger une législation qui soit écrite en langage inclusif. On peut donc très clairement dire ce soir que cette motion nage, certes avec beaucoup de vigueur, mais nage très clairement à contre-courant, en essayant de mettre en place une sorte de police de la typographie pour aller chercher et dénoncer les personnes qui auraient le malheur de laisser traîner un point médian dans leurs phrases.

Alors effectivement, si on se fiche pas mal de savoir avec qui couche la voisine ou le voisin, selon l'exemple donné par notre collègue Mme Meissner tout à l'heure, on se fiche nettement moins de la masculinisation de la langue française, qui est une manière, cela a été rappelé par notre collègue d'Ensemble à Gauche tout à l'heure, d'invisibiliser les femmes. Or on le sait, notre cerveau humain, que ce soit celui des hommes ou des femmes, est paresseux, et lorsqu'on entend une phrase comme «Des écoliers sont allés visiter des maraîchers genevois», notre cerveau imagine des garçons avec leur cartable qui sont allés visiter des maraîchers hommes qui labouraient leurs champs, quand bien même cela pourrait être des écolières filles qui iraient visiter des maraîchères femmes.

Le langage inclusif et épicène n'est pas une formule magique; il ne va pas à lui seul permettre de régler toute la problématique des inégalités entre les hommes et les femmes, mais cela permet néanmoins de s'attaquer au coeur du sujet, et c'est un levier absolument essentiel pour reconnaître que la place des femmes dans notre société est égale à celle des hommes.

Le groupe socialiste regrette que, dans le cadre des travaux sur cette motion, la bien nommée commission des Droits de l'Homme... (L'oratrice insiste sur le mot «homme».) ...et on sent bien toute la testostérone dans ce terme-là... (Remarque.) ...tout comme dans la décision de la majorité de la commission sur cette motion, n'ait pas jugé utile d'auditionner une organisation comme l'association DécadréE, qui est spécialiste de la question de l'égalité dans le langage. Raison pour laquelle nous vous proposons un renvoi en commission de cette motion, et si... (Exclamations de désapprobation.) ...et si - et je suppose que ce sera le cas - le Grand Conseil refuse ce renvoi en commission, nous vous appelons à rejeter cette motion. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je cède la parole à la rapporteuse, Mme Céline Zuber-Roy, sur le renvoi en commission.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Inclusif ou non, visiblement, le langage peine à se faire comprendre ! Il me semblait avoir clairement indiqué que c'était bien sur l'écriture inclusive que portait cette motion, c'est-à-dire l'usage de tirets, points médians, parenthèses et autres signes qui brouillent la lecture des textes. Là, Mme Marti nous parle de langage inclusif, de langage épicène, on peut rajouter la rédaction inclusive, or j'ai clairement précisé que ce n'était pas visé par cette motion, parce que ces sujets-là vont être traités en commission dans le cadre du projet de loi 12843 sur l'égalité, qui contient une disposition traitant de la rédaction inclusive, et le débat sera fait à ce moment-là.

Concernant cette motion, il est donc inutile de la renvoyer en commission. Les auditions ont été faites. Je ne l'ai pas précisé, mais un important travail avait déjà été effectué dans le cadre de la commission législative, quand elle avait adopté les règles concernant la législation, s'agissant de la manière d'intégrer cette rédaction inclusive. Je vous rappelle que la rédaction doit être inclusive. L'idée n'est donc absolument pas d'exclure les femmes ou de les invisibiliser. L'objectif est de maintenir une langue lisible, que pratiquement tout le monde puisse lire, y compris des personnes qui auraient moins de facilité à la lecture. Cette motion a uniquement pour objectif d'exclure ces usages graphiques.

Ensuite, j'ai entendu - parce que je réponds aux questions avant de savoir si on doit renvoyer la motion en commission - qu'elle était inutile, parce qu'une directive existait déjà. Effectivement, il existe la directive EGE-07-05 de l'Etat, qui est dans l'ensemble une bonne directive, personnellement je la soutiendrai; malheureusement, elle n'a pas été diffusée largement au sein de l'Etat. Or elle prévoit la rédaction inclusive et différentes mesures, dont le langage épicène, et elle termine avec l'interdiction d'utiliser cette écriture inclusive, c'est-à-dire ces tirets, points médians et autres. Malheureusement, cette directive n'est pas appliquée ! Je dois vous signaler que dans la décision de quarantaine que j'ai reçue comme beaucoup d'habitants du canton, à la fin, où il est dit qu'on doit rester chez nous, il y a un point médian ! (Remarque.) C'est terrible ! Ça s'insinue même jusque-là ! (Commentaires.) Donc non, cette motion n'est pas inutile ! Je vous invite à la voter aujourd'hui et à ne pas la renvoyer en commission. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la rapporteure. Mesdames et Messieurs, je vous fais voter sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la proposition de motion 2697 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 52 non contre 36 oui.

Le président. Nous poursuivons le débat, la parole va à M. Stéphane Florey pour trois minutes.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. D'abord, ce qui est étonnant dans ce débat, c'est le revirement de certains groupes. Certaines personnes, en tout cas les plus dogmatiques de ce parlement, ont pris le dessus sur le bon sens, parce qu'à la lecture du rapport, on voit qu'il y a eu un refus socialiste - là, on peut comprendre éventuellement... (Commentaires.) ...mais tous les autres groupes qui sont les fervents partisans, soi-disant, de l'écriture inclusive se sont abstenus. Donc si vous aviez des choses à revendiquer, par exemple des auditions qui n'auraient pas eu lieu, vous aviez déjà l'occasion d'exprimer clairement un refus et même d'accompagner notre excellente collègue rapporteuse...

Des voix. Aaah !

M. Stéphane Florey. ...avec des rapports de minorité ! Vous ne l'avez pas fait, parce que, quelque part, vous savez au fond de vous-mêmes que ce débat est purement, oui, dogmatique, et que le vote de ce soir ne sera pas historique, mais va dans le bon sens. Je voulais par ailleurs relever que le canton du Valais, en date du 8 mars, date chère à Mme Nyffeler, a voté exactement le même texte contre l'écriture inclusive, ce que nous serons le deuxième canton à faire. Il y en aura d'autres, puisque le vote de ce soir relève tout simplement du bon sens, qui veut que l'on parle de manière correcte, que l'on écrive en suivant les règles élémentaires du français. Finalement, cette écriture inclusive ne sert strictement à rien, sauf à convaincre ceux qui veulent y croire. Je vous invite par conséquent à suivre le rapport de majorité, qui parle tout simplement de bon sens, et à en rester là, avec l'écriture que l'on connaît tous, à savoir le français.

Une voix. A peu près ! (Rires.)

M. Stéphane Florey. Sauf peut-être moi, effectivement, qui ne suis pas un grand écrivain...

Une voix. Plus ou moins !

M. Stéphane Florey. ...comme le dit mon collègue ! (L'orateur rit.) Mais enfin bon, on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a ! (Rires.) Je vous invite à suivre simplement les conclusions du rapport. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme Danièle Magnin pour une minute et cinquante secondes.

Mme Danièle Magnin (MCG). Merci, Monsieur le président. Ce sera très très rapide. Je voudrais simplement rappeler qu'effectivement, la langue est vivante et que le fait de vouloir imposer toutes ces petites modifications à l'écrit, ça embrouille tout le monde; ça embrouille les enfants, les enseignants. Par ailleurs, les autorités cantonales genevoises ont reçu une communication de la Chancellerie fédérale, qui rejette les pratiques d'écriture alternative visant à marquer la diversité, et ce pour des motifs qui relèvent de la langue, de la politique linguistique et du cadre juridique. En gros, si, quand vous allez en France, une personne - une dame - qui travaille dans une pharmacie a un écriteau «tel ou tel» où, en dessous, il est écrit «pharmacien» et pas «pharmacienne», ça, c'est du sexisme, parce que certains de nos voisins sont d'épouvantables misogynes ! Ce n'est pas le cas chez nous ! (Eclats de rires. Exclamations.) Un pharmacien et une pharmacienne ont la même valeur ! (Rires. Commentaires.) On n'a pas besoin de dire «pharmacien» à une pharmacienne pour qu'elle ait le statut ! Ce que je veux vous dire, c'est que ce n'est pas en modifiant l'écriture, en rajoutant tous ces encombrements que nous ont cités aussi bien la rapporteuse que Mme Meissner avant moi... Je pense que c'est totalement ridicule et inutile, et je vous engage vivement à voter cette motion. Merci.

Des voix. Bravo !

Le président. Merci, Madame la députée. Je donne la parole à M. Francisco Valentin pour trente secondes.

M. Francisco Valentin (MCG). Merci, Monsieur le président de séance. Je serai bref. Je suis effaré ! Effaré de voir les soucis de Genève ! Alors que le monde est au bord du chaos, on s'inquiète de savoir combien de «x» et de points on doit mettre ! Franchement... (L'orateur est vivement interpellé. Protestations.) Merci, les communistes, de vous la coincer, on vous a rien demandé pour l'instant ! Vous n'avez pas la parole ! (Rires. Nombreux commentaires.) Retournez en Russie, ils vous attendent, là-bas ! Les camarades vous attendent ! (Rires. Vifs commentaires. Le président agite la cloche.) Merci, Monsieur le vice-président, de faire régner l'ordre dans cette séance ! (Commentaires. Un instant s'écoule. Des députés entonnent «L'Internationale». Rires. L'orateur rit.)

Le président. S'il vous plaît ! Gardons un peu de sérieux dans ce débat ! (Commentaires.) Monsieur le député, vous pouvez poursuivre.

M. Francisco Valentin. Est-ce que je peux poursuivre sereinement...

Le président. Poursuivez, Monsieur le député.

M. Francisco Valentin. ...ou je vais être interrompu par nos amis staliniens, là-bas ? (Rires. Commentaires.)

Le président. Poursuivez, Monsieur le député, mais peut-être sans remarque non plus qui pourrait servir de provocation ! (Commentaires.)

M. Francisco Valentin. Merci. Je vais être très bref, Monsieur le président de séance. (Commentaires.)

Le président. Allez-y, Monsieur le député.

M. Francisco Valentin. Effectivement, créer des débats pareils pour quelque chose qui n'a aucune raison d'exister, si ce n'est... (L'orateur est interpellé.) Son simple mérite, c'est d'avoir été créée.

Le président. Merci, Monsieur le député.

M. Francisco Valentin. Je pense que là, vraiment, on perd notre temps et il faut voter cette motion tout de suite. Merci.

Des voix. Bravo ! (Commentaires.)

Le président. Je vous remercie de garder votre calme. Je passe maintenant la parole à M. le député Jean-Marc Guinchard pour trente secondes.

Une voix. Dans le calme !

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Je vais garder mon calme, rassurez-vous ! Je voulais juste préciser que j'ai pris acte de la position du groupe socialiste, mais elle me laisse un peu perplexe, puisque ce même groupe a déposé un texte qui parle du FALC - le langage facile à lire et à comprendre -, que ce texte a été travaillé en commission et que les linguistes que nous avons auditionnés ont tous dit que ce FALC n'était pas compatible avec une écriture inclusive. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci, Monsieur le député. Je donne enfin la parole à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet pour qu'elle nous livre l'avis éclairé du Conseil d'Etat. (Exclamations.)

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais rappeler quelques éléments. Le 26 mars 2021, le Grand Conseil a adopté la loi modifiant la loi sur la forme, la publication et la promulgation des actes officiels - il s'agit de la LFPP, B 2 05 - pour une rédaction officielle inclusive, en respectant l'égalité. Il s'agissait de la loi 12440. Le Conseil d'Etat souhaite évidemment privilégier une communication aussi inclusive que possible, qui soit de nature à sensibiliser la population aux enjeux liés à l'égalité, et il va sans dire que cette communication doit être impérativement aussi claire et simple que possible. Dès lors, et par souci d'harmonisation avec la loi, l'administration genevoise a adopté déjà le 20 mai 2021 la directive transversale définissant les règles à suivre concernant la communication inclusive, qu'elle soit orale, écrite ou visuelle. Cette directive est annexée au rapport de la commission des Droits de l'Homme - des droits humains, c'est ainsi que nous l'appelons au sein de l'Etat -, et elle proscrit le recours à des pratiques rédactionnelles de type typographique, au moyen notamment de barres obliques, de parenthèses, de points médians ou de tirets, et ce conformément aux voeux du Grand Conseil et de la commission qui avait voté le projet de loi.

J'ai entendu ce soir que cette directive n'était pas appliquée et que même l'extraordinaire département de M. Poggia, mon cher collègue... (Commentaires.) ...se permettait d'envoyer des courriers avec des points médians ! (Commentaires.) Je ferai évidemment remonter... (Brouhaha.) Je ferai évidemment remonter cet élément au Conseil d'Etat... (Rires.) ...pour que nous puissions prendre les mesures adaptées à une telle faute, Monsieur Poggia ! (Rires. Commentaires.) Nous aurons l'occasion d'échanger à cet égard.

Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat fait en sorte que cette directive soit appliquée par les différents départements. Il a communiqué cette directive. Il le rappelle régulièrement. On a même - mais je ne regarderai personne - l'occasion de se le rappeler entre nous, de temps en temps. C'est donc ce que nous faisons. Cette directive est importante pour le Conseil d'Etat. J'ai soufflé à Mme la rapporteure de majorité - enfin, rapporteure tout court - qu'elle n'hésite pas à me faire savoir si elle devait recevoir de nouvelles communications qui contiendraient de tels signes, que ce soient des barres obliques, des points, des «e» ou des «x», et que le Conseil d'Etat ne manquerait pas d'agir avec célérité. Peut-être pourrait-on d'ailleurs - je m'adresse là plutôt aux groupes de droite - engager un ou deux ETP... (Eclats de rires. L'oratrice est interpellée.) ...pour s'assurer de l'application de cette directive dans l'ensemble de l'Etat ! Je regardais le chef de groupe PLR, mais il n'a pas l'air d'être d'accord ! (Commentaires.)

S'agissant en revanche de son application au sein des entités autonomes, c'est plus compliqué, parce qu'elles sont en effet, précisément, autonomes... (Commentaires.) ...et que le Conseil d'Etat n'est pas en... (L'oratrice hausse la voix pour couvrir le brouhaha.) En tout cas certaines, en tout cas certaines ! ...et que le Conseil d'Etat n'est pas en mesure de leur imposer l'application de cette directive.

Alors soyez rassurés, Mesdames et Messieurs les députés: si vous renvoyez cette motion au Conseil d'Etat, une réponse vous sera donnée. D'ailleurs, cette réponse avait déjà été apportée le 26 janvier 2022 à la QUE 1663...

Une voix. Ouais ouais !

Mme Nathalie Fontanet. ...et avec confirmation de ces différents éléments. Vous pouvez dodeliner de la tête, Monsieur... Non, je n'ai pas le droit de m'adresser à vous ! Vous transmettrez, Monsieur le président, au député qui dodeline de la tête qu'il n'hésite pas à m'envoyer lui aussi des éléments s'il estime que cette directive n'est pas appliquée. Nous ferons de notre mieux ! Voilà, Mesdames et Messieurs, bonne soirée ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la parole n'étant plus demandée, nous passons au vote.

Une voix. Ouix !

Une autre voix. C'est ouix ! (Rire.)

Mise aux voix, la motion 2697 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 55 oui contre 35 non (vote nominal).

Motion 2697 Vote nominal