République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12542-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Jean Burgermeister, Jocelyne Haller, Christian Zaugg, Olivier Baud, Pierre Vanek, Stéphanie Valentino, Rémy Pagani, Jean Batou, Nicole Valiquer Grecuccio sur l'action publique face à l'urgence climatique (LAPUC) (Des actions concrètes face à l'urgence climatique !)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VII des 27 et 28 janvier 2022.
Rapport de majorité de Mme Danièle Magnin (MCG)
Rapport de première minorité de Mme Françoise Nyffeler (EAG)
Rapport de deuxième minorité de Mme Marjorie de Chastonay (Ve)

Premier débat

Le président. Le point suivant de l'ordre du jour est le PL 12542-A, classé en catégorie II, quarante minutes. Merci d'avance aux rapporteurs de ne pas oublier leur carte. Je laisse à Mme Magnin le temps de gagner la table. (Un instant s'écoule.) Voilà, Madame, vous avez la parole.

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. La commission de l'environnement et de l'agriculture a étudié ce projet de loi - qui a été refusé, je le dis d'emblée - présenté par M. Jean Burgermeister. Le rapport a été déposé... Non, c'est le texte qui avait été déposé le 26 août 2019. Nous l'avons donc examiné et avons considéré qu'il allait globalement beaucoup trop loin, que son application était impossible et dispendieuse, et pour cette raison, nous l'avons rejeté lors d'une seule et unique séance. Je reprendrai la parole tout à l'heure si nécessaire, Monsieur le président.

Une voix. Ah bon, c'est tout ?

Mme Danièle Magnin. Bah, je ne vais pas discourir une heure sur un rapport de treize pages ! (L'oratrice rit. Un instant s'écoule.)

Une voix. Elle a terminé, en fait.

Le président. Vous avez quatre minutes à votre disposition, vous pouvez les utiliser.

Mme Danièle Magnin. Oui, oui, je reviendrai plus tard.

Une voix. Elle a aussi le droit de ne pas les utiliser !

Le président. Monsieur Burgermeister, ce sera votre tour ensuite.

Mme Danièle Magnin. Je reviendrai, Monsieur le président.

Le président. Ah, vous avez terminé ! Pardonnez-moi. (Le président rit. Rires.) J'étais encore en train de feuilleter le rapport. Toutes mes excuses ! Monsieur Jean Burgermeister, je vous cède la parole.

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de première minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Vous voyez, vous devriez m'écouter davantage, il m'arrive régulièrement d'avoir raison ! Mais pas de souci, un moment d'inattention peut arriver à tout le monde, c'est normal, nous ne vous en tiendrons pas rigueur.

Mesdames et Messieurs les députés, la rapporteure de majorité a raison: ce projet de loi va loin, très loin, et sa mise en application coûtera probablement cher. C'est vrai. Indéniablement, c'est vrai. Mais enfin, Mesdames et Messieurs, avant de discuter de la question environnementale, il faut évoquer le constat. Or si des actions conséquentes - et les actions conséquentes sont généralement extrêmes et assez onéreuses - ne sont pas entreprises d'urgence, le réchauffement climatique va lui aussi aller loin, très loin, il sera bien plus violent que ce qui est proposé ici et coûtera extraordinairement cher - même si ce ne sera pas le pire de ses effets.

Cet objet repose sur le principe qu'il est nécessaire d'agir vite et en profondeur pour transformer la société. Alors il est vrai que depuis le dépôt de celui-ci, le Conseil d'Etat, inspiré sans doute par Ensemble à Gauche, a revu à la hausse ses intentions et modifié de manière un peu plus ambitieuse son plan climat cantonal. Oui, mais d'abord le plan climat est moins poussé et moins audacieux que le présent texte - pas suffisamment audacieux, plutôt -, et surtout celles et ceux qui l'ont lu et pris au sérieux - il y en a certainement dans la salle - ne peuvent pas croire une seconde que les objectifs en matière de réduction des gaz à effet de serre qui y sont inscrits seront atteints d'ici 2030.

Ce sont des chimères, Mesdames et Messieurs, des chimères avec des indicateurs supposés donner bonne conscience au gouvernement et sans doute à ce parlement, lequel rejettera ce projet de loi en se disant que tout figure déjà dans le plan climat cantonal et qu'il suffit d'attendre. Et en 2030, quand on effectuera l'évaluation des buts prévus dans ce plan et que l'on constatera qu'ils n'ont pas été remplis, le Conseil d'Etat nous sortira un plan 2040... puis un plan 2050, et là, il sera trop tard. Personne ne peut vraiment s'attendre, sur le plan de la diminution des émissions de CO2 et de la baisse de la mobilité, à ce qu'on atteigne ces objectifs.

Comment, Mesdames et Messieurs les députés, imaginer une neutralité carbone dans les prochaines décennies lorsque pas plus tard que le mois dernier, vous votiez ici une loi destinée à faire repartir à la hausse le trafic aérien à Cointrin, estimant qu'il fallait absolument retrouver les chiffres qui étaient ceux de 2019 ? Une ambition naturellement transitoire pour le gouvernement et la majorité de ce Grand Conseil qui souhaitent accroître encore le secteur de l'aviation à Genève ces prochaines années, ce qui est fondamentalement incompatible avec la nécessité absolue de réduire massivement nos émissions de gaz à effet de serre pour atteindre, comme le vise cet objet, la neutralité carbone en 2040.

Pourquoi en 2040 ? Parce que la Suisse, en sa qualité de pollueuse historique, ne peut pas se permettre d'attendre 2050 pour y parvenir. Dans ce pays, nous avons en outre les moyens à disposition pour mettre en oeuvre des réformes plus facilement ! La Suisse se doit donc de jouer les pionnières de par sa responsabilité et le fait qu'elle a les ressources pour le faire, il lui faut atteindre la neutralité carbone bien avant 2050.

Par ailleurs, ce projet de loi a un grand avantage. Comme l'a souligné la rapporteure de majorité, son application coûtera cher, mais il a un grand avantage, à savoir qu'il suggère des pistes de financement exceptionnelles. Un fonds d'urgence pour le climat doit être créé au sein de l'Etat de Genève qui pourrait être alimenté par un impôt sur les grandes entreprises, en particulier celles qui polluent le plus, selon le principe que vous connaissez bien maintenant, mais pas seulement: le texte invoque également l'impôt sur la fortune et sur les personnes physiques. Finalement, il a au moins le mérite de ne pas se cacher. Les réponses nécessaires et urgentes à la crise climatique sont chères, ce qui signifie qu'il faut trouver des ressources au sein de l'Etat. Nous avons une proposition ici, elle est concrète.

Certes, il est difficile pour ce parlement de se prononcer sur toutes les mesures présentées, mais au moins avons-nous essayé de lancer un réel débat sur des actions pratiques, non pas dans un plan climat qui sera renouvelé chaque décennie, mais dans une loi contraignante pour l'Etat, pour l'activité au quotidien de ses autorités, au moins nous sommes-nous montrés clairs sur le fait que oui, tout cela exige de l'argent, au moins avons-nous soulevé la question, au moins avons-nous mis en avant des pistes de financement pour ces mesures impératives en faveur du climat. A ce stade, Mesdames et Messieurs, nous sommes les seuls à l'avoir fait. Celles et ceux qui refuseront ce projet de loi n'ont simplement aucune idée sérieuse pour financer une politique environnementale aussi ambitieuse que nécessaire. C'est pourquoi Ensemble à Gauche vous invite à soutenir ce texte. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, même si certains objectifs de ce projet de loi devraient être quelque peu retravaillés ou précisés en commission, même si une partie des commissaires ont jugé le texte obsolète ou encore trop touffu, les Vertes et les Verts considèrent que s'il était maintenu, il s'agirait de l'étudier, et ceci à la lumière du plan climat cantonal renforcé.

La commission de l'environnement s'est comportée de façon très étrange avec cet objet. Tout d'abord, un gel a été décidé en septembre 2019 dans l'attente du retour du département sur la fameuse motion Verte 2520 intitulée «Une réponse politique à l'appel des jeunes pour sauver le climat !». Puis, le 24 juin 2021, soit deux années plus tard, le dégel est enfin accepté, dans un contexte tout de même particulier, puisque à ce moment-là - c'était le 13 juin dernier, à peu près dix jours avant -, la loi CO2 a été refusée et le Conseil d'Etat in corpore venait de présenter le nouveau plan climat cantonal deuxième génération.

En dépit de ces événements, une majorité des commissaires a décidé à la hâte de voter le texte, sans même auditionner le département, sans même attendre la présentation en commission du nouveau plan climat. On n'a donc pas entendu le département sur ce nouveau document, ce qui nous aurait au moins permis d'effectuer une analyse et une comparaison entre le présent projet de loi et les propositions du gouvernement. La majorité, vous l'avez bien compris, a refusé d'entrer en matière, donc la commission de l'environnement et de l'agriculture n'aura mené aucuns travaux sur cet objet. La manière de procéder et le manque de sérieux sont vraiment à mettre en lumière ici tant ils brillent par leur indifférence aux sirènes d'alarme de l'urgence climatique, tant la peur de la transversalité est importante - parce qu'il s'agit effectivement d'un projet extrêmement transversal.

Pendant ce temps, la planète se dérègle. Cet été encore, nous avons connu des incendies dévastateurs, des dômes de chaleur directement liés au réchauffement climatique, des inondations sans précédent et j'en passe. Pour toutes ces raisons, il aurait été constructif - et complémentaire à un examen du plan climat - d'étudier ce texte, de l'analyser en détail et en profondeur, de prendre le temps d'améliorer notre législation pour qu'enfin les paroles des scientifiques qui nous alertent depuis 1995 au moins - depuis le protocole de Kyoto, sans parler du dernier rapport du GIEC - trouvent une assise légale dans notre canton et qu'on passe des constats alarmants, des discours urgentistes - que vous appréciez tant dans cet hémicycle - aux actes responsables. C'est ici que la notion de transversalité prend tout son sens.

Mesdames et Messieurs les députés, la minorité déplore le refus d'entrer en matière sur cet objet et vous invite à le renvoyer à la commission de l'environnement pour réaliser un travail minimal d'étude et de comparaison avec les objectifs du Conseil d'Etat. Monsieur le président, je propose formellement le renvoi en commission, et si celui-ci se voit refusé, nous, les Vertes et les Verts, soutiendrons ce projet de loi.

Le président. Merci. Des commentaires à la table des rapporteurs sur cette requête ? A vous, Madame Danièle Magnin.

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Je m'exprimerai sur le fond juste après. Nous sommes bien entendu opposés au renvoi en commission. Je vous prie de m'excuser pour tout à l'heure, je n'avais pas le bon document: on m'avait remis le projet de loi et non le rapport. Cela dit, je vais continuer sur ce point.

Le texte vise, dans des objectifs entre guillemets «généraux», à diminuer les émissions de gaz à effet de serre du canton de 65% par rapport à 1990. On cible notamment une baisse du trafic - individuel motorisé, bien sûr, pas des autres moyens de transport - de 50%. Les auteurs veulent par ailleurs obliger les gens à ne plus manger de viande ni de poisson, ils proposent toute une série de mesures qui constituent des limitations drastiques à la liberté de chacun, ce qui m'avait fait dire, lors de la séance dont a parlé Mme Marjorie de Chastonay, que la population endurait déjà suffisamment de restrictions - on ne pouvait pas sortir, manger au restaurant, pratiquer des activités culturelles... C'était vraiment une période extrêmement difficile, et on nous demandait par-dessus le marché de ne plus consommer de viande - ils appellent cela des produits carnés - ni de poisson ! Je cite l'article 9, lettre d: «limitation à 10%, en termes de quantités, des achats de produits carnés et de poissons par rapport à l'ensemble des denrées alimentaires dans les entités publiques et parapubliques». Mais enfin, il faut arrêter de gérer à ce point la vie des personnes contre leur gré ! Que ceux qui veulent croquer des carottes et brouter du persil... (Rire.) ...le fassent et que les autres qui préfèrent déguster un bon poulet rôti ou un bifteck soient libres de le faire aussi ! Il faut cesser de s'immiscer ainsi dans l'existence des gens.

La majorité n'était pas d'accord avec ce texte, d'une part parce qu'il exige des moyens financiers complètement fous, d'autre part parce que c'est une manière absolument inacceptable de restreindre la vie de nos concitoyens. Voilà, donc nous avons dit non et nous avons également dit non à des auditions supplémentaires, parce que l'objet était de retour... (Brouhaha.)

Le président. Un instant, s'il vous plaît ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Allez-y.

Mme Danièle Magnin. Merci. L'objet, qui datait de 2019, était de retour après deux ans. Il n'était pas utile, considérant le plan climat cantonal qui allait nous être présenté, de faire travailler la commission sur un sujet qui allait de toute façon nous occuper peu après. Ce projet de loi communiste... (Exclamations. Rire.) ...ce projet de loi inacceptable, eh bien nous le refusons en majorité ! J'ai dit pour le moment, merci.

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de première minorité ad interim. Le renvoi en commission, Monsieur le président, se justifie naturellement aussi par les arguments de la rapporteuse de majorité à propos de ce projet de loi communiste !

Une voix. Cryptocommuniste !

M. Jean Burgermeister. Je commenterai un point fondamental qui a été soulevé quand celle-ci s'est exclamée: «Mais il faut laisser les gens vivre comme ils l'entendent, ce n'est pas à nous de dicter leurs choix !» Bon. Ce texte ne comporte aucun flicage, et lorsqu'on parle d'une limitation de la quantité de viande dans les repas, cela ne signifie pas qu'on va se rendre chez Mme Sapin le vendredi soir pour s'assurer que son assiette ne contient pas plus de 10% de produits carnés, ce serait absurde...

Une voix. C'est Mme Magnin.

M. Jean Burgermeister. Mme Magnin, pardon. Mais c'est aussi valable pour Mme Sapin, après tout ! (Rires.) Chez l'une comme chez l'autre. (Rires.)

Une voix. C'est valable pour toi aussi !

M. Jean Burgermeister. Oui, c'est valable pour moi aussi.

Une voix. Surtout pour toi !

M. Jean Burgermeister. Restez calmes, Messieurs, restez calmes, je n'ai pas terminé.

Le président. S'il vous plaît, un peu de tranquillité ! Ne vous sentez pas personnellement atteints si M. Burgermeister ne nomme pas les cent personnes présentes dans cette salle. (Rires.) Poursuivez, je vous prie.

M. Jean Burgermeister. Je vous remercie, Monsieur le président. Il est ici question des achats dans les entités publiques et parapubliques. C'est l'un des exemples contenus dans ce projet, vraiment pas le plus central, mais je vais m'y attarder tout de même. Oui, il faut réduire la masse des produits carnés, la quantité de viande que nous consommons, et il ne s'agit pas là juste de choix individuels. Il y a précisément, à travers la problématique environnementale, une question sociale de fond, à savoir la réorganisation de nos sociétés, non pas uniquement d'ailleurs sur le plan de la consommation - c'est l'un des points de ce texte. En effet, l'écologie politique dominante se borne à cibler exclusivement la consommation, et nous avons voulu ici nous attaquer également à la production. Le tout constitue un ensemble, la société, et la population doit pouvoir en discuter démocratiquement, avoir prise dessus pour répondre à une urgence fondamentale, celle de la crise climatique. Voilà pourquoi je vous encourage, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter la demande de renvoi en commission formulée par Mme de Chastonay.

Le président. Je vous remercie. Visiblement, le Conseil d'Etat ne souhaite pas se prononcer sur le renvoi en commission, donc je lance le vote sur la proposition.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12542 à la commission de l'environnement et de l'agriculture est rejeté par 46 non contre 38 oui.

Le président. Nous poursuivons le débat. La parole revient à M. Eric Leyvraz.

M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Selon ce projet de loi, le canton de Genève doit atteindre la neutralité carbone en 2040 et diminuer ses émissions de CO2 de 65% - en comparaison avec 1990 - d'ici 2030. Les auteurs visent une baisse de 50% du trafic individuel motorisé et, en corollaire, une réduction de 50% de l'espace disponible à cet effet. L'aéroport, lui aussi, se voit lourdement impacté.

Il s'agit d'un véritable programme dictatorial avec une vue biaisée de la situation, car on punit littéralement les habitants de notre canton par rapport au reste de la Suisse. Ces restrictions ne serviront à rien du tout: il faut un effort collectif national et coordonné pour espérer déjà bien peu.

Rappelons que la population mondiale augmente chaque année de neuf fois celle de notre pays. Genève doit suivre les règles confédérales et arrêter de se prendre pour le centre de l'univers qui va changer la donne climatique. Cessons de rêver ! Oui à des mesures, mais dans le respect du citoyen et de la démocratie. Il est clair que l'UDC n'entrera pas en matière sur cet objet culpabilisant en diable.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Claude Bocquet (PDC). En ce qui me concerne, je vais faire preuve de bon sens terrien sans me lancer dans des envolées lyriques comme M. Burgermeister pour dire que ce projet de loi transformerait Genève en Etat totalitaire. Voilà, il n'y a pas d'autre mot. La liberté des citoyens serait considérablement restreinte et, par ailleurs, cela bouleverserait complètement la fiscalité, donc déjà le texte n'avait rien à faire à la commission de l'environnement; à mon sens, la question climatique est ici un prétexte pour remanier le système d'imposition du canton.

Il est inutile de renvoyer le texte en commission, parce qu'il est tellement extrémiste qu'à tous les coups il sera refusé, c'est sûr. Pour économiser les deniers des Genevois, nous n'avons pas voulu mener des auditions qui n'auraient servi à rien. Encore une fois, cet objet est si excessif qu'on ne peut pas l'accepter. Je vous propose dès lors de le refuser, Mesdames et Messieurs, c'est ce qu'il y a de mieux à faire. L'Etat a déjà pris des dispositions pour s'assurer de lutter contre le réchauffement climatique... (Brouhaha.)

Le président. Un instant, s'il vous plaît ! (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Vous pouvez continuer.

Mme Claude Bocquet. Merci. Le plan climat cantonal va notablement modifier la vie des citoyens, qui subiront des contraintes, alors n'ajoutons pas encore une forte hausse d'impôts par-dessus ! Je vous engage à rejeter ce projet de loi.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Ce qui m'amuse toujours avec les membres d'Ensemble à Gauche, c'est qu'ils sont capables des plus grandes ironies, comme maintenant M. Burgermeister qui nous parle de respect de la démocratie... Vu ce qui se passe ces temps-ci au sein de son propre groupe, j'aime beaucoup !

Présenté par son auteur comme une volonté noble de mettre en place une vraie transition environnementale pour l'avenir, ce projet de loi constitue en réalité une nouvelle occasion pour Ensemble à Gauche de critiquer le système financier du canton et de taper sur les contribuables qui soutiennent notre économie. Chassez le naturel, il revient au galop: quand ce groupe rédige un texte pro-écologie, il ne peut pas faire semblant de s'y intéresser très longtemps !

Après des propositions diverses pour transformer notre Etat en usine à gaz en imposant des mesures plus extrêmes et contraignantes les unes que les autres, c'est au moment d'évoquer le financement que M. Burgermeister révèle sa nature profonde. D'ailleurs, il l'a lui-même indiqué: il souhaiterait plus de taxes et d'impôts, encore et toujours, presque à l'aveugle. A croire qu'il a tapé «impôts existant à Genève» sur Google et pieusement recensé les résultats dans la disposition sur les moyens financiers.

Inutile de résumer les demandes qui ressortent des différents articles, on se rend vite compte qu'en appliquant le programme échafaudé dans cet objet, on se retrouverait dans un système liberticide - encore pire que durant la crise du covid en avril 2020, pour ne pas faire de comparaison qui pourrait choquer. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, le PLR refusera ce projet de loi et vous invite très clairement à faire de même. Merci. (Applaudissements.)

Mme Badia Luthi (S). Mesdames et Messieurs les députés, il est reconnu que le changement climatique a des impacts inquiétants sur l'environnement comme sur l'activité socio-économique. Les études scientifiques dressent toutes un bilan clair des conséquences de ce dérèglement, basé sur des données climatologiques très récentes, tirent la sonnette d'alarme quant à l'urgence environnementale et démontrent l'importance de prendre des mesures sans attendre, avant qu'il ne soit trop tard.

Nous vous rappelons que notre pays a ratifié l'accord de Paris en 2017. Ainsi, la Suisse s'est engagée à réduire graduellement les émissions de gaz à effet de serre pour parvenir en 2030 à la moitié de ce que l'on produit réellement. Cela a poussé la Confédération à mettre en place une stratégie d'adaptation pour remplir les objectifs fixés, et des ressources cantonales ont été mobilisées à cet effet.

Le groupe socialiste est persuadé que toutes les députées et tous les députés ici présents sont conscients de l'importance de cette thématique. La protection du climat est une responsabilité politique universelle qu'il faut assumer avec courage. C'est la raison pour laquelle nous soutenons ce projet de loi qui vise à atteindre la neutralité carbone en 2040, même si les représentants de la droite estiment que son application coûte très cher; nous leur répondons que la vie humaine n'a pas de prix. Oui, Mesdames et Messieurs les députés, notre existence même est menacée si nous n'entreprenons rien, nous devons agir.

Le Conseil d'Etat dispose de toutes les ressources nécessaires pour définir des buts ciblés dans différents domaines, ainsi que le mentionne le plan climat. Le coeur de la réussite de ce plan, c'est de garantir une cohérence entre les objectifs et les moyens pour y arriver. En effet, l'ambition n'a pas de valeur en soi si on n'examine pas la façon dont il faut s'y prendre pour la concrétiser. Notre gouvernement peut s'appuyer sur des outils déterminés afin d'oeuvrer dans le bon sens. Voilà pourquoi nous trouvons les propositions d'Ensemble à Gauche particulièrement pertinentes: agir dans un ensemble de domaines tels que l'agriculture, le transport, le trafic routier, l'aviation - je pourrais en citer d'autres - permettra de réduire considérablement les émissions de CO2.

Mesdames et Messieurs les députés, nous devons repenser les orientations de notre société et faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger la planète, préserver notre santé et maintenir notre qualité de vie; c'est le devoir de tous les êtres humains, chacun à son niveau. Le parti socialiste soutiendra ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)

M. Philippe Poget (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'essentiel a déjà été dit, mais j'insisterai sur quelques points. Après un gel du texte de presque deux ans, la commission de l'environnement s'est finalement opposée à toute audition, n'a même pas voulu entendre le département lui présenter la nouvelle mouture du plan climat avant de prendre une décision.

Il reste hélas encore des climatosceptiques auxquels je ne peux que conseiller de lire la brochure sur les scénarios climatiques pour la Suisse qui détaille les évolutions pour chaque canton, qui expose les changements auxquels nous devrons faire face s'agissant des précipitations, de l'augmentation des températures, d'événements extrêmes, de la fonte des glaciers et du pergélisol ainsi que leurs conséquences sur notre existence et notre bien-être.

La majorité du parlement préfère, semble-t-il, fermer les yeux et se boucher les oreilles. Mais pourquoi, alors que notre Conseil d'Etat nous a présenté un plan climat deuxième génération, plus ambitieux que le précédent, refusons-nous de travailler sur cette base, refusons-nous de débattre des propositions du présent projet de loi, même si, il faut le reconnaître, elles sont touffues et grandement perfectibles ? Cela nous permettrait pourtant d'aboutir ensemble à des solutions et à des actions concrètes.

Il y aura déjà des impacts sur notre mode de vie lorsque nous appliquerons concrètement les mesures du plan climat, mais ceux-ci seront toujours moins graves que ce qui nous tombera inéluctablement sur la tête si nous persistons dans notre déni face au dérèglement du climat et à la nécessité de prendre des dispositions radicales. Puisque la demande de renvoi en commission a déjà été faite, je ne vais pas la répéter. Le groupe des Verts vous invite à accepter ce projet de loi.

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi va extrêmement loin, et même s'il était accepté, il serait tout simplement inacceptable. Vous n'avez... (Remarques.) Inapplicable ! Les auteurs de ce texte - et de l'ensemble des propositions de l'Alternative qui vont dans ce sens - n'ont qu'un mot à la bouche: interdire. Il s'agit de réduire les libertés, de prélever des taxes, de punir les gens. Mais enfin, Mesdames et Messieurs, montrez-vous plus ouverts ! Vous ne faites que pousser la population à pleurer avec vos projets, essayez une autre approche !

Certes, un certain nombre de mesures doivent être prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais il y a déjà le plan climat du Conseil d'Etat, il y a les restrictions de circulation que nous orchestre le président du gouvernement - auxquelles nous nous opposons pour notre part - et vous, vous en voulez encore plus ! Vous en voulez toujours plus !

Au final, vous empêchez l'économie de fonctionner. Diminuer le trafic de 50% en restreignant d'autant l'espace dévolu à cet effet, c'est-à-dire les routes dans des localités où il y a les entreprises ? Mais cela va étouffer les recettes, et puis par-dessus le marché, vous cherchez à taxer davantage encore les sociétés et les citoyens. Non, vous faites fausse route, vous ne nous faites pas rêver, vous nous faites pleurer. Refusons ce projet de loi !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. Patrick Saudan pour deux minutes.

M. Patrick Saudan (HP). Merci, Monsieur le président, j'aurai besoin de beaucoup moins de temps. Il est vrai qu'à première lecture, ce projet de loi paraît excessif, il revêtirait même des connotations totalitaires. Mais je dois dire que j'ai été frappé, au vu de l'importance de cette problématique, que la commission de l'environnement n'ait même pas voulu faire d'auditions. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai voté tout à l'heure en faveur du renvoi, je trouve que nous aurions pu travailler un petit peu plus sur le sujet. Certes, le texte est difficilement acceptable dans sa mouture actuelle, mais il y a tout de même quelques bonnes idées à retenir. Je déplore donc l'attitude de la commission et je m'abstiendrai sur cet objet. Merci.

Le président. Je vous remercie. La parole va à Mme Patricia Bidaux pour deux minutes et quarante-deux secondes.

Mme Patricia Bidaux (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette prise de parole pour m'inscrire en faux contre certains propos tenus ce soir. Le simple fait qu'on laisse sous-entendre que la droite ne saurait pas lire les rapports du GIEC, qu'il s'agirait d'indifférence, de peur... Non, Mesdames et Messieurs, si les représentants de la droite s'opposent à un tel projet de loi, ce n'est ni par peur, ni par indifférence, ni par inconséquence quant aux rapports du GIEC, c'est parce que nous souhaiterions quelque chose qui corresponde à nos valeurs et qui soit ancré dans cette terre cantonale que nous aimons tant et dont nous prenons tous soin. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci bien. Le micro retourne maintenant aux rapporteurs. Madame Marjorie de Chastonay, souhaitez-vous encore dire quelques mots ? (Remarque.) Non, très bien. Alors c'est le tour de M. Jean Burgermeister pour deux minutes quarante-cinq.

M. Jean Burgermeister (EAG), rapporteur de première minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. J'aimerais revenir sur deux éléments soulevés durant le débat, qui prouvent l'incompréhension manifeste d'une grande partie de ce parlement, entre autres de Mme Barbier-Mueller, sans doute en raison du traitement succinct en commission qui nous a empêchés d'étudier en détail ce projet de loi, assez touffu et relativement complexe il est vrai.

D'une part, il est faux de soutenir que nous souhaitons taxer aveuglément. Au contraire, je pense qu'il faut cibler des ressources qui sont inégalement réparties au sein de la société, et c'est pourquoi nous proposons d'imposer non seulement les grandes entreprises pollueuses qui doivent contribuer massivement à l'effort, mais également les grosses fortunes de ce canton, notamment celles et ceux qui consomment des produits extrêmement polluants comme les véhicules de luxe ou les piscines. Oui, ce genre de biens peuvent être lourdement taxés, voire interdits. M. Sormanni s'exclame: «Vous ne nous faites pas rêver, laissez-nous vivre !» La plupart des gens, je vous assure, n'ont pas les moyens de s'offrir une piscine ou une énorme voiture de luxe, c'est de fait impossible pour la majorité des citoyens.

Il nous dit également: «Arrêtez d'interdire, nous voulons la liberté.» Mais la liberté de qui, la liberté de quoi ? La liberté pour les sociétés de polluer sans payer et de ne pas endosser la responsabilité de leurs actes ? Monsieur le député, nous avons proscrit le DDT; bien sûr que cela a entravé la liberté d'entreprise ! Il s'agit d'une substance toxique dont le coût pour l'ensemble des espèces vivantes sur la planète était beaucoup trop élevé par rapport à ce qu'elle pouvait rapporter, et oui, il a fallu limiter la liberté entrepreneuriale dans ce domaine. Sans doute cela ne vous a-t-il pas fait rêver; de même, j'imagine que cela ne vous a pas fait rêver quand on a dû interdire l'amiante, Monsieur le député ! Parfois, voyez-vous, il y a des choses nocives qu'il faut restreindre parce qu'elles menacent la vie des êtres sur cette terre, parce qu'elles nuisent à l'humanité et n'enrichissent qu'une petite minorité de celle-ci. Moi, cela ne me fait pas rêver que certains fassent leur beurre sur une catastrophe qui va plonger dans une misère terrible la population du monde et qui va rayer de la carte la plupart des espèces qui y évoluent. (Applaudissements.)

Mme Danièle Magnin (MCG), rapporteuse de majorité. Je ne sais pas s'il faut rire ou pleurer de ce qu'on vient d'entendre, c'est tout bonnement inconséquent. Lorsque j'ai demandé à M. Burgermeister, en commission, quelles industries genevoises créent des gaz à effet de serre, il a été incapable de me répondre. Je rappelle qu'il y a quelque temps - trois ou quatre ans, je ne me souviens plus exactement -, nous avions été saisis d'un autre projet d'Ensemble à Gauche pour taxer les piscines. Mais qu'ont donc ces gens contre les piscines ? (Rire.) C'est incroyable, ça ! Le texte avait été refusé par ce Grand Conseil, heureusement - même si je ne possède pas de piscine moi-même.

Dans ce texte-ci, ils exigent une part modale de 28% pour les piétons, de 20% pour les vélos et encore un taux assez important pour les transports publics. Les citoyens se déplacent de plus en plus en voiture électrique, mais de cela, ils se moquent ! Pourquoi ? Parce que ce qu'ils veulent, c'est nous empêcher de bouger ! Il faut que la ville soit farcie et coincée pour qu'ils soient heureux ! Eh bien, encore une fois, nous disons non.

Ensuite, s'agissant de la pollution dans notre canton, celle-ci est majoritairement due...

Une voix. A des fantasmes, bien sûr !

Mme Danièle Magnin. ...au fait que les immeubles... Entre autres à des fantasmes, oui, Monsieur le député, mais aussi au fait que les immeubles sont mal isolés et chauffés avec des énergies non renouvelables. Là, il y a un gros effort à déployer et j'en serais ravie...

Une voix. Cela figure dans le projet de loi.

Mme Danièle Magnin. ...mais ce n'est pas mentionné tel quel ici.

Une voix. Si, si, cela figure dans le projet de loi.

Mme Danièle Magnin. Bien que cela figure dans le projet de loi, empêcher les gens de se déplacer et de manger leur bifteck quand ils le souhaitent ne va pas diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Non, c'est le fait d'isoler le patrimoine bâti, les immeubles de l'Etat en premier lieu tout comme ceux de la Ville... (Brouhaha.)

Le président. Un instant, s'il vous plaît ! J'ai l'impression que tant les personnes qui sont d'accord avec vous que celles qui sont contre vous vous empêchent de terminer votre intervention, et ce n'est dans l'intérêt ni des unes ni des autres. Poursuivez.

Mme Danièle Magnin. Merci, Monsieur le président. Je signale ici, car cela me semble important, que la route qui passe devant la gare, la place de Cornavin, sera bientôt fermée ainsi qu'une partie de la rue de Lausanne. Nos autorités prennent un malin plaisir à boucher les grandes artères, ce qui reporte immanquablement le trafic dans les petites rues et embête les gens dans leur quartier, voilà. Ces folies qu'on nous soumet, nous sommes bien obligés de les étudier, mais si nous n'avons pas attendu la présentation du plan climat, c'est parce que chaque heure de commission qui réunit quinze députés plus une personne qui tient le procès-verbal coûte très cher. Réaliser le travail à double nous a semblé inutile. Une fois de plus, Mesdames et Messieurs, je vous engage à refuser cet objet et je vous en remercie d'avance.

M. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'interviens au nom du Conseil d'Etat pour exprimer un avis sur ce projet de loi. Nous n'avons pas eu l'occasion d'être auditionnés en commission, mais vous aurez remarqué que depuis le dépôt du texte, le Conseil d'Etat n'est pas resté inactif: il a présenté un plan climat extrêmement ambitieux, et on peut s'étonner que vous n'y fassiez que très peu référence, Monsieur Burgermeister, si ce n'est pour le fustiger, pour dire qu'il ne va pas assez loin et qu'il est largement insuffisant. Il est vrai qu'en comparaison... (Remarque.) Voilà quelques mois que nous vous l'avons soumis et nous proposons maintenant régulièrement des actions. Vous conviendrez, Madame la rapporteuse de majorité, que les petites mesures que votre serviteur tente d'introduire en matière de circulation ne sont rien par rapport à ce dont rêve M. Burgermeister, nous sommes loin, très loin de ses ambitions.

Tout cela pour vous dire que cet objet, Mesdames et Messieurs, n'est pas sérieux: il est totalement irréaliste, foncièrement impossible à concrétiser et donne l'impression - plus qu'une impression, en tout cas en ce qui me concerne, c'est une certitude - que la volonté des auteurs va bien au-delà de la préoccupation climatique. Il s'agit d'un texte idéologique qui veut transformer fondamentalement la société... (Applaudissements.) ...et ce n'est pas le but que nous poursuivons.

L'enjeu qui doit nous rassembler, c'est la lutte contre le réchauffement climatique. La situation est sérieuse, le Conseil d'Etat a formulé des objectifs clairs et a demandé à ce parlement - et va continuer à le faire - de lui donner des moyens pour les atteindre. Il faut s'unir sur des finalités concrètes et ne pas perdre de temps avec des objets dont les dispositions se révèlent irréalisables tant elles sont excessives. Mesdames et Messieurs les députés, au nom du Conseil d'Etat, je vous enjoins de rejeter l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Je mets aux voix l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12542 est rejeté en premier débat par 54 non contre 38 oui et 1 abstention.