République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 2120-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Pour indemniser en partie le nécessaire équipement personnel du personnel enseignant !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 9 et 10 décembre 2021.
Rapport de majorité de M. Stéphane Florey (UDC)
Rapport de minorité de Mme Badia Luthi (S)

Débat

Le président. Nous passons à la pétition suivante, classée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Stéphane Florey.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Cette pétition demande une indemnité de 2000 francs, renouvelable tous les cinq ans, pour l'achat de matériel informatique. La commission, suite à ses travaux, vous recommande le dépôt pour plusieurs raisons, mais principalement parce que pour nous, cette demande qui provient de l'Union du corps enseignant secondaire genevois, c'est finalement de la revendication syndicale.

Elle aurait pu faire partie des nombreuses revendications des syndicats lorsqu'ils rencontrent le Conseil d'Etat - il faut quand même le rappeler: les syndicats rencontrent de manière quasi permanente l'employeur, à savoir le Conseil d'Etat, et c'est dans ce cadre-là qu'ils seraient censés exprimer ce type de revendication. Ce qui se passe, à chaque fois, et c'est là le problème de ce genre de pétition, c'est qu'ils ont peut-être fait cette demande à un moment ou à un autre, mais dès qu'ils essuient un refus, ils se tournent directement vers le Grand Conseil pour qu'il prenne ce type de décision. Or, la première chose, c'est que ce n'est pas à nous de nous ingérer dans les négociations employés-employeur. Ce n'est pas à nous de trancher pour ce genre de décision.

La deuxième chose, c'est qu'elle concerne uniquement les enseignants du secondaire; si nous acceptions cette pétition, nous créerions un précédent. On prendrait le risque que tous les employés veuillent aussi cette prime qui pour nous n'est pas justifiée aujourd'hui. Nous préconisons donc le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.

Mme Badia Luthi (S), rapporteuse de minorité. La minorité trouve tout à fait normal que le corps enseignant du secondaire reçoive des indemnités pour l'achat du matériel indispensable à son activité. Je rappelle que le travail des enseignants ne se limite pas à donner des cours à l'intérieur des classes. Tout un travail se fait en amont et en aval de l'enseignement en classe: il faut préparer des cours et les organiser, en élaborant les devoirs qui vont avec. S'ajoutent à cela les évaluations, qui suivent le même principe: il faut les préparer, les faire passer, les corriger, les restituer et les discuter. Pour assurer tout ce processus et mener à bien ses tâches, le corps enseignant a besoin d'un ordinateur personnel.

Mesdames et Messieurs les députés, je tiens à rappeler une chose très importante. Avec l'arrivée du covid, le DIP a dû se réorganiser dans la précipitation afin d'assurer les cours à distance lors du confinement total. Et pour remplir cette obligation, il était nécessaire de posséder un ordinateur afin d'exercer son activité. S'ajoute à cela ce qu'on appelle des «dispositifs de continuité pédagogique», qui relèvent de l'organisation du DIP, mis en place en cette année scolaire même, 2021-2022, pour consolider les connaissances des élèves par de l'enseignement à distance. Cette disposition contraint à posséder un ordinateur afin d'assurer l'accompagnement pédagogique à distance des élèves. Tout cela montre à quel point l'ordinateur personnel est un outil de travail nécessaire aux professeurs.

Ce que j'ai omis de mentionner, c'est que les professeurs achètent avec leurs propres ressources financières des livres, des brochures et des manuels qui leur sont nécessaires pour dispenser leurs cours - et cela pourrait être le cas pour plusieurs matières puisqu'un professeur peut enseigner une ou deux branches différentes. Nous trouvons qu'il est normal que l'Etat participe aux frais liés à l'exercice de l'activité d'enseigner - d'autant plus que le montant demandé, soit 2000 francs tous les cinq ans, ne représente que 33 francs par mois. C'est une somme ridicule au vu de tout le travail que fournissent les professeurs. La minorité ne pense pas que c'est ce montant qui ruinera l'Etat. Cette somme reste symbolique à nos yeux et n'est même pas suffisante pour exprimer toute notre reconnaissance envers le corps enseignant.

Une deuxième chose: la minorité s'étonne que la majorité considère que cette demande est l'affaire des syndicats et pense que les enseignants n'ont qu'à s'adresser à ces derniers pour la formuler.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Madame la députée.

Mme Badia Luthi. Merci, Monsieur le président. Je tiens à rappeler que c'est le DIP qui est l'employeur officiel du corps enseignant: c'est le DIP qui impose les contours de l'engagement, même s'il délègue la tâche de recrutement à la direction générale. Et nous savons toutes et tous que dans une relation de travail, l'employeur est tenu de rembourser à son employé toutes les dépenses qu'il fait dans le cadre de l'exécution de son travail.

Pour toutes ces raisons, nous trouvons que déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, c'est exprimer son indifférence face à une demande légitime; c'est piétiner un droit assuré par la loi dans le cadre du rapport de travail. C'est pour cela que la minorité désire renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Merci.

M. Jean Batou (EAG). Monsieur le président, cette demande est pour nous une évidence. C'est une évidence parce qu'un instrument de travail indispensable - une place de travail équipée - est une nécessité pour n'importe quel travailleur. J'avais d'ailleurs souligné en commission que du premier assistant au dernier professeur, tout le monde a une place de travail équipée à l'université et reçoit un ordinateur. Je ne vois pas en quoi le travail d'enseignement au secondaire II diffère, dans la préparation des cours, de celui en première année à l'université; c'est une pure continuité. Par conséquent, en ce qui me concerne, je regrette seulement que la demande ne soit que de 2000 francs tous les cinq ans, parce que ça ne répond pas aux besoins réels des enseignants du secondaire II - mais ce serait un premier pas. C'est pourquoi notre groupe soutiendra cette demande.

Mme Christina Meissner (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, les enseignants avaient droit à des déductions pour frais professionnels - c'étaient les seuls. Aujourd'hui, tous les employés ont droit à ces déductions fiscales, car les enseignants ne sont pas les seuls à devoir s'équiper pour être en mesure d'accomplir leur travail. Par ailleurs, les enseignants peuvent utiliser l'équipement mis à leur disposition dans les établissements scolaires et ils ont un forfait pour acheter des livres, qui constituent également un outil fondamental dans ce métier. La nécessité est donc prise en compte; le PDC votera le dépôt de cette pétition. Merci.

Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'aimerais souligner en préambule que cette pétition n'est pas liée à la réforme du numérique à l'école ni à la pandémie ou à l'école à distance. Cette pétition demande d'indemniser l'équipement informatique nécessaire du personnel enseignant. Les écoles disposent de stations de travail que les enseignants peuvent utiliser, mais celles-ci restent indéniablement insuffisantes. Par ailleurs, ces espaces ne sont pas accessibles en dehors des horaires scolaires, rendant impossible le travail de préparation des cours et de correction qui constitue une grande partie du métier d'enseignant. Actuellement, les enseignants et enseignantes pallient ce manque d'infrastructures par leurs moyens personnels.

Face à ce constat, les enseignants et enseignantes du secondaire II, par le biais de cette pétition, demandent une indemnité de 2000 francs renouvelable tous les cinq ans. Un arrêt de la Chambre administrative datant de 2013 indique que la prise en charge des frais professionnels des enseignants incombe à l'employeur. L'ordinateur est un moyen de production indispensable à la réalisation de la mission des enseignants et enseignantes; dès lors, son achat devrait être indemnisé par l'Etat employeur.

Notre groupe soutient ce texte, estimant que les requêtes des pétitionnaires sont tout à fait légitimes. Il s'agit cependant d'une pétition: les montants et les délais évoqués restent indicatifs et pourraient servir de point de départ pour entamer une discussion entre le DIP et les collaborateurs. Cela serait également l'occasion, pour le département, d'engager une réflexion sur l'encouragement des collaborateurs à privilégier les achats durables.

Pour finir, la commission a fait le parallèle avec les conditions des collaborateurs de l'université. Permettez-moi de vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que cette comparaison est tout à fait pertinente. La pétition concerne les enseignants et enseignantes du secondaire II, des collaborateurs et collaboratrices disposant au minimum d'un bachelor et de deux masters universitaires, ce qui correspond au minimum à sept ans d'études supérieures. Ces enseignants sont formés à faire des recherches dignes de ce nom pour préparer du matériel scolaire de qualité, ce qui les oblige à recourir à un ordinateur, ne serait-ce que pour accéder à des plateformes de recherche, à des bases de données ainsi qu'à des contenus académiques en ligne - mais aussi pour de la simple bureautique, également au coeur de leur activité, qu'il s'agisse de produire du matériel pédagogique ou encore de s'acquitter des nombreuses tâches administratives qui leur incombent.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe des Verts soutiendra le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat et vous encourage à en faire de même.

M. Olivier Baud (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette pétition est tout à fait légitime. Mme la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta a parfaitement raison de dire que c'est une vieille histoire puisque c'est bien avec son prédécesseur, M. Charles Beer, que des discussions ont eu lieu entre les associations professionnelles et le Conseil d'Etat - le DIP - pour obtenir un remboursement des frais professionnels. Ces discussions n'ont malheureusement jamais abouti - il n'y a pas une discussion en permanence là-dessus, comme l'a affirmé le rapporteur de majorité; on a un peu autre chose à faire quand on enseigne !

Toujours est-il que c'est vraiment une vieille histoire, et le défaut de cette pétition - si elle en a un -, c'est le montant relativement modeste. Il devrait y avoir un véritable remboursement des frais professionnels, qui sont de plus en plus importants, mais il n'a jamais vu le jour. Cette pétition doit bien entendu être renvoyée au Conseil d'Etat pour qu'on puisse espérer que quelque chose bouge enfin; même si vous prêtez parfois beaucoup de pouvoir aux organisations syndicales et professionnelles, force est de constater qu'elles ont malheureusement échoué quant à cette requête qui aujourd'hui est quand même reconnue comme tout à fait légitime.

Mesdames et Messieurs les députés, Ensemble à Gauche vous invite à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat, avec évidemment la recommandation de l'étendre à tout le corps enseignant, parce qu'il est faux d'imaginer que chaque enseignant a un poste informatique à disposition ! Certains ne peuvent même pas consulter leur bulletin de traitement ni les informations quotidiennes qui déferlent et dégoulinent sur le corps enseignant puisque tout passe maintenant par voie informatique. Et c'est juste scandaleux qu'un employé ne puisse même pas...

Le président. Il vous faut conclure, Monsieur le député.

M. Olivier Baud. ...profiter de ce qu'un employeur lui donne ! Merci, par conséquent, de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, oui, notre société s'informatise chaque jour un peu plus. Il est bon de savoir, comme l'a rappelé la députée Meissner, que les gens et les membres du corps enseignant disposent d'un abattement fiscal pour frais professionnels. Les étudiants, notamment ceux de l'université, ont accès à des ordinateurs à prix cassés; il me semble qu'au poly, c'est totalement gratuit. Vu le virage que prend la société, on devrait offrir un ordinateur tous les deux ans à chaque contribuable genevois. Nous sommes pour le dépôt de cette pétition. Merci beaucoup, Monsieur le président.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de majorité. Je voudrais quand même préciser la décision du Tribunal fédéral: quand les 900 francs de déduction ont été supprimés, les enseignants ont bien évidemment fait recours et le Tribunal fédéral l'a rejeté au motif que travailler en dehors de son poste de travail est un privilège et que l'employeur n'a dès lors pas l'obligation de financer le matériel. Et c'est exactement ce que l'Etat a choisi: s'il le voulait, il pourrait finalement payer directement un ordinateur à tous les employés, mais il ne le fait pas. C'est son droit, ce que relève le tribunal. Il n'est pas certain - Mme Torracinta le dit aussi - que les enseignants resteraient à l'école pour travailler si vous mettiez un poste fixe pour tous ! Cette demande relève d'un confort personnel, c'est-à-dire pouvoir travailler à la maison, et nous ne voulons pas qu'ils bénéficient d'un montant pour ça. C'est pourquoi la majorité vous recommande de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole n'étant plus demandée, j'invite l'assemblée à se prononcer sur la proposition de la majorité de la commission.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2120 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 42 oui contre 35 non et 1 abstention.