République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2681-A
Rapport de la commission de contrôle de gestion chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Bertrand Buchs, Delphine Bachmann, Jean-Luc Forni, Jean-Marc Guinchard, Souheil Sayegh, Christina Meissner, Jean-Charles Lathion, Patricia Bidaux, Sébastien Desfayes, Olivier Cerutti, Jacques Blondin, Claude Bocquet pour une vraie politique de la gestion des risques encourus par la République et canton de Genève
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 1er et 2 juillet 2021.
Rapport de Mme Alessandra Oriolo (Ve)

Débat

Le président. Nous poursuivons nos travaux avec la M 2681-A, dont le débat est en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Alessandra Oriolo, à qui je cède la parole.

Mme Alessandra Oriolo (Ve), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la commission de contrôle de gestion s'est penchée sur la gestion des risques dans notre canton suite aux auditions du responsable de la gestion globale des risques de l'Etat, auditions que la commission mène à un rythme annuel. Des députés PDC et Verts, surpris par l'absence de prise en compte de certains paramètres, ont souhaité apporter une réponse à cette situation par voie de motion. Mon rapport synthétise les travaux menés à partir du traitement de la proposition de motion en question.

Comme je viens de l'indiquer, après la dernière audition du responsable de la gestion globale des risques de l'Etat, les commissaires ont noté qu'un certain nombre de risques n'étaient manifestement pas pris en considération - les risques épidémiques et écologiques, par exemple. Le covid-19 a démontré l'absence d'anticipation de menaces majeures au sein de la République et canton de Genève. La politique actuelle se résume principalement aux risques systémiques liés au fonctionnement de l'Etat.

Cette proposition de motion demande une identification plus complète des risques. L'exposé des motifs liste sept menaces qui doivent être intégrées à la gestion, à savoir le risque épidémique, le risque nucléaire, le risque lié au terrorisme, le risque relatif à la pollution aiguë et massive de l'air, le risque de pénurie de médicaments, le risque d'inégalités sociales et le risque en lien avec les changements climatiques. Alors que le contexte environnemental et sanitaire constitue un péril prédominant aujourd'hui et pour les années à venir, il nous paraît étonnant, pour ne pas dire aberrant, voire dangereux, que le canton n'ait pas tenu compte de tels facteurs dans son traitement des risques.

Pour toutes ces raisons et au nom de la grande majorité de la commission de contrôle de gestion, je vous prie d'adopter cet objet qui permettra de mieux protéger l'Etat face aux dangers sanitaires, climatiques, terroristes et bien d'autres encore, et donc de préserver sa population. Je vous remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC). Chers collègues, cette proposition de motion est née - Mme Oriolo l'a souligné - d'une réflexion de la commission de contrôle de gestion après que nous avons reçu le préposé aux risques fin 2019. Comme chaque année, il était venu nous parler du contrôle interne de l'Etat. M. Rossiaud avait posé une question sur le risque lié aux centrales nucléaires et je l'avais moi-même interrogé quant à celui d'une pandémie; ses réponses avaient démontré que de tels enjeux ne sont pas anticipés par le canton.

Ensuite, début 2020, l'épidémie de la covid s'est déclarée, et honnêtement, même si on nous avait dit que tout était prévu, rien n'était prévu, l'Etat de Genève n'était pas préparé à affronter une telle crise. Il n'était pas préparé non plus à gérer la question des inégalités sociales, on l'a bien vu lorsqu'il a fallu offrir une aide alimentaire à une partie de la population, il n'était pas armé pour intervenir.

Après discussion, les commissaires ont souhaité élargir le champ des menaces à d'autres paramètres importants comme les risques liés aux maladies, au dérèglement du climat, aux centrales nucléaires, aux problèmes sanitaires et sociétaux, aux inégalités sociales et au terrorisme. La prochaine fois que le responsable de la gestion globale des risques viendra devant la commission de contrôle de gestion, on voudrait qu'il nous expose les dispositifs prévus par l'Etat et comment celui-ci compte intervenir si l'un de ces dangers se présente, et pas seulement les risques systémiques et financiers au niveau des départements.

Il était très intéressant d'aborder ce sujet. Malheureusement, la réalité nous a rattrapés - on aurait préféré ne pas avoir d'exemple concret. Bon, on a évoqué la pandémie, mais je rappelle qu'il existe toujours un autre risque important, à savoir les trains remplis de chlore qui passent chaque jour dans le canton de Genève via Cornavin; on sait que si un quelconque problème survient, des milliers de morts seront à déplorer. Voilà pourquoi nous aimerions que l'administration prenne en compte ces risques et propose des solutions pour agir immédiatement. Je vous invite à accepter cette proposition de motion. Merci.

M. Jean Batou (EAG). Je voudrais signaler deux choses, Mesdames et Messieurs. D'une part, un aspect de la gestion des risques a bien été pris en charge par l'Etat - il a d'ailleurs fait l'objet de plusieurs questions de députés -, c'est le conseil consultatif de sécurité introduit par la loi sur la police, lequel s'occupe essentiellement de terrorisme et de cybercriminalité. A l'époque, j'avais déposé une question écrite urgente où je mettais en avant d'autres menaces qui nécessiteraient que cet organe soit composé autrement, c'est-à-dire pas exclusivement de hauts gradés de l'armée, mais également d'experts des risques énumérés par la commission de contrôle de gestion; le Conseil d'Etat ne m'avait pas vraiment répondu.

Par ailleurs, je me suis abstenu sur cette proposition de motion, parce que quelque part, on se paie de mots, notamment en ce qui concerne le risque lié aux inégalités sociales. Je tire la sonnette d'alarme: vous savez tous que la précarité augmente à Genève, c'est l'un des dangers auxquels la population est exposée. Le Conseil d'Etat avait produit un rapport sur la pauvreté qui date un peu, mais qui fournit tout de même des données intéressantes. Il suffit d'observer les statistiques fiscales pour se rendre compte que ces sept dernières années, les fortunes de plus de 3 millions ont triplé dans notre canton. Nous nous trouvons dans une situation à haut risque d'inégalités sociales, puisqu'une partie des citoyens s'appauvrit tandis que les multimillionnaires s'enrichissent.

Comme le gouvernement ne fait rien, la gauche - partis et syndicats - a décidé de lancer une initiative pour taxer un peu plus les contribuables pesant plus de 3 millions; s'ils ont réussi à tripler en sept ans, ils doivent sans doute disposer de petites réserves pour aider à lutter contre le risque de précarité dans le canton de Genève !

Renvoyer ce texte au Conseil d'Etat ne fera pas de mal, ça fera même plutôt du bien, car les autorités devront ouvrir les yeux sur des risques auxquels elles n'avaient jamais pensé; celui des inégalités sociales est patent, évident, et il est temps d'agir. Merci. (Applaudissements.)

Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S). Mesdames et Messieurs les députés, mes collègues de la commission de contrôle de gestion qui se sont exprimés jusqu'ici ont parfaitement mis en avant la problématique qui a mobilisé nos efforts. Cela montre d'ailleurs l'utilité de travailler de manière thématique et approfondie, puisque nous nous sommes accordés sur le fait que les risques environnementaux et sanitaires n'étaient pas suffisamment pris en considération.

Comme cela a été relevé, nous pouvions penser que nous étions à l'abri de tout. Alors Dieu merci, nous n'avons pas encore vécu de drame écologique lié à une centrale nucléaire, mais le danger sanitaire n'est en tout cas plus à démontrer aujourd'hui, puisqu'on est passé d'un risque à une réalité qui affecte l'ensemble de la population ainsi que notre quotidien.

J'aimerais également souligner l'importance, dans cette proposition de motion - le député Jean Batou l'a rappelée -, de la question de la précarité. En effet, les inégalités sociales constituent aussi une composante de risque, même si on a davantage évoqué les dangers environnementaux et technologiques. La crise que nous traversons avec le covid a encore aggravé les disparités, et nous devons y prêter une attention toute particulière. On le voit d'ailleurs dans nombre de pays voisins, qui ont pourtant des économies d'Etats occidentaux: de plus en plus de personnes vivent aux marges de la société, connaissent une réalité qui doit toutes et tous nous convaincre de l'améliorer.

Nous vous recommandons de renvoyer cet objet au Conseil d'Etat et surtout nous attendons de ce même Conseil d'Etat qu'il prenne des mesures pour que les risques que nous avons recensés trouvent des solutions sur le long terme. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, on peut s'interroger quant à la pertinence d'ajouter toute une série de risques à la matrice. Je suis d'accord avec ce que disait M. Batou tout à l'heure: on se paie de mots ! Au final, qu'est-ce que ça va apporter sur le terrain, concrètement ? Une fois de plus, en ce qui concerne le covid-19, on entend les gens s'exclamer: «C'est un véritable scandale, le Conseil d'Etat a failli à sa tâche, il n'a pas su gérer la situation !» C'est ce qu'on essaie de nous transmettre, dans le fond. Eh bien j'estime que ce n'est pas le cas: le gouvernement a réussi à affronter la crise avec les moyens à sa disposition. Comme par hasard, c'est toujours le même magistrat qui est mis en cause !

On peut incorporer tous les risques possibles et imaginables à la matrice, ça ne va rien changer. La transition écologique a notamment été évoquée; ah, c'est terrible, il est sûr que le Bugey va exploser demain, et on n'aura pas intégré ce paramètre ! Non, ça ne sert à rien, on mène vraiment un débat pour pas grand-chose. Je ne dis pas que ces problèmes ne doivent pas être pris au sérieux, mais ce n'est pas parce qu'on les ajoute à la gestion que ça changera quoi que ce soit sur le terrain. Voilà pourquoi le MCG n'a pas souhaité voter cette proposition de motion, pas parce qu'il pense qu'il ne faut pas prendre tout cela en considération.

Maintenant, au cours du débat, j'ai essentiellement entendu parler du risque social à Genève dont on ne tient apparemment pas compte. Ecoutez, à ce rythme-là, on peut en citer d'autres, il y a pléthore de dangers dans la vie: tous les matins, quand vous vous levez, vous courez toutes sortes de risques ! Alors intégrons-les à la matrice ! Non, Mesdames et Messieurs, c'est du bouillon pour les morts, ça ne changera rien, on se paie tout simplement de mots pour se faire plaisir. Le MCG ne se prêtera pas à ce jeu et refusera ce texte.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je redonne la parole à M. Bertrand Buchs pour trente-sept secondes.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. Sormanni qu'il ne s'agit pas de se payer de mots. Lorsqu'on a demandé au préposé, avant la covid, si l'Etat avait prévu un dispositif en vue d'une pandémie, sa réponse était non. Alors voilà ! Tout ça coûte de l'argent, donc la gestion des risques, c'est anticiper des dépenses inattendues, tout bêtement. Quant à l'explosion de la précarité, on ne l'avait pas vue venir non plus...

Le président. Merci...

M. Bertrand Buchs. ...même si le Conseil d'Etat avait publié un rapport sur la pauvreté. Que s'est-il passé, messieurs-dames ?

Le président. Il vous faut conclure.

M. Bertrand Buchs. Eh bien ce sont les organisations actives sur le terrain qui se sont mobilisées, c'est une fondation dont on taira le nom qui a fourni l'argent ! L'Etat a été incapable d'intervenir immédiatement...

Le président. Merci, Monsieur le député...

M. Bertrand Buchs. ...sur ce problème. Alors voilà ! Si on n'appelle pas ça une absence de gestion des risques...

Le président. C'est terminé !

M. Bertrand Buchs. ...je ne sais pas ce que c'est !

M. Serge Dal Busco, président du Conseil d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'ai écouté le débat avec beaucoup d'attention. Il est vrai que si la situation que nous connaissons depuis bientôt deux ans - enfin, une large année et demie - n'était pas survenue, nous ne discuterions probablement pas de ce sujet maintenant, même si le député Buchs, avec l'esprit visionnaire qu'on lui connaît, avait anticipé tout cela.

Vous recevez régulièrement les personnes qui s'occupent de la gestion des risques à l'Etat de Genève, vous connaissez la méthode, les outils, les approches que nous privilégions. La matrice met en exergue les risques majeurs, lesquels sont examinés avec grand soin, je vous prie de le croire, par le comité d'audit, qui est une délégation du Conseil d'Etat dirigée par le président ou la présidente. Nous étudions vraiment tous les facteurs de risques, en particulier systémiques, dans les processus de l'Etat.

Ce que vous proposez ici, c'est d'étendre le champ des menaces. Face à la pandémie, force est de constater que le degré de préparation - pas seulement à Genève, mais plus globalement à l'échelle du pays, même de la planète - n'était pas à la hauteur de ce que l'on aurait pu attendre, mais encore fallait-il pouvoir envisager ce genre de risques ! Le Conseil d'Etat va très certainement tirer des enseignements - il en a d'ailleurs déjà tiré - de ce contexte inédit sur le plan sanitaire et répondra comme il se doit à cette proposition de motion en vous faisant part des problématiques spécifiques liées à la gestion des risques au sein de l'Etat.

Cela étant, je m'inquiète tout de même en entendant les propos tenus ici par certaines et certains d'entre vous s'agissant de domaines qui relèvent de la politique, pas de la gestion des risques. Si l'action dans ce canton devait être menée uniquement à l'aune des risques encourus relevés dans une matrice, ce serait aux yeux du Conseil d'Etat une dérive pour le moins discutable.

Voilà ce que le Conseil d'Etat pouvait formuler comme commentaire à propos de cet objet que vous vous apprêtez à lui renvoyer. Nous prenons acte de la volonté du parlement et de la commission de contrôle de gestion, et nous apporterons la réponse que nous jugerons opportune et adéquate. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Nous passons au vote.

Mise aux voix, la motion 2681 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 47 oui contre 10 non et 28 abstentions.

Motion 2681