République et canton de Genève

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R 962
Proposition de résolution de Mmes et MM. Pierre Nicollier, Pierre Conne, Helena Rigotti, Patrick Malek-Asghar, Yvan Zweifel, Jacques Béné, Bertrand Buchs, Jean-Charles Lathion, Christina Meissner, Souheil Sayegh, Jean-Marc Guinchard, Patricia Bidaux, Philippe Morel, Claude Bocquet : Rendons hommage à celles et ceux qui ont oeuvré pour Genève durant la pandémie de COVID-19
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session I des 20, 21 mai, 3 et 4 juin 2021.

Débat

Le président. A présent, nous traitons la R 962 en catégorie II, trente minutes. (Un instant s'écoule.) La parole n'est pas demandée... Ah, si: elle échoit à M. Jean Burgermeister.

M. Jean Burgermeister (EAG). Disons que si personne ne la prend, je vais quand même prononcer quelques mots, Monsieur le président ! J'ai attendu que le PLR se manifeste pour défendre son texte, en vain. Et pour cause, à la lecture de cette proposition de résolution, on croirait un peu à une farce ! Le PLR met en avant les acteurs de notre système de santé qui étaient au front durant la pandémie pour protéger la population, et c'est vrai, c'est vrai, il faut leur rendre hommage. Or ce sont précisément ces gens, Mesdames et Messieurs, dont le PLR nous répète constamment qu'ils sont trop payés, que ce sont des privilégiés, que leurs retraites sont trop importantes et coûtent trop cher ! C'est à ces personnes-là que le PLR a refusé systématiquement toute mesure de reconnaissance du travail accompli !

Dans le privé aussi, Mesdames et Messieurs, des salariés étaient au front, au péril de leur santé: on peut citer les vendeuses et vendeurs, par exemple, obligés de travailler tout au long de la crise en première ligne avec l'interdiction de porter un masque alors qu'au début, il n'y avait aucun aménagement aux caisses. Oui, ces employés des grands magasins étaient exposés à des centaines ou des milliers de clientes et clients chaque jour et avaient l'interdiction de porter un masque pour ne pas les effrayer ! Et que fait-on pour les remercier ? Le PLR propose qu'ils officient davantage le week-end, le samedi soir, le dimanche, voilà la reconnaissance de ce parti.

Il y a également celles et ceux qui ont souffert de la crise; nous avons une pensée pour toutes les personnes qui ont perdu un proche, une connaissance, mais que dire des gens qui se sont retrouvés dans des difficultés terribles suite à la perte totale de leurs revenus ? Eh bien le PLR a refusé de les indemniser ! Sans parler des locataires qui peinent à payer leur loyer: le PLR s'est opposé à ce que l'Etat octroie ne serait-ce qu'un prêt - un prêt ! - aux citoyennes et citoyens qui ne peuvent plus s'acquitter de leur dû.

Cela étant, Mesdames et Messieurs, nous n'avons pas beaucoup évoqué ce sujet jusqu'à maintenant, mais certains ont profité de la pandémie, comme les caisses maladie privées qui ont ponctionné la population en 2020 et fait des économies colossales ! Oui, en période de crise mondiale, les assurances-maladie ont réalisé des économies ! Cela signifie que la population a payé des primes trop élevées en 2020; pourtant, elles ont encore augmenté en 2021 ! Voilà une catégorie minime de la société qui a amassé de l'argent sur le dos des habitantes et habitants, qui s'est enrichie sur la santé des gens pendant la crise. Eh bien ces personnes-là, en revanche, Mesdames et Messieurs, le PLR les défend bec et ongles à l'Assemblée fédérale comme ici à Genève.

Alors pour masquer son incapacité totale à reconnaître le travail, y compris les risques pris par une grande partie de la population, ainsi que les souffrances de celles et ceux qui se sont retrouvés dans la pauvreté ou la misère, le PLR nous propose quoi ? Une fête ! Mais c'est grotesque ! C'est grotesque, on croirait à une mauvaise blague, et le groupe Ensemble à Gauche vous invite à rejeter sèchement cette proposition de résolution. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je souhaite la bienvenue au premier signataire du texte et lui cède volontiers la parole.

M. Pierre Nicollier (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je commence par vous annoncer qu'on va changer de ton. Je crois qu'il y a une grande incompréhension au sujet de cette proposition de résolution. Comme vous le savez, nous vivons depuis une année et demie une période très compliquée. Dans les invites du texte, nous avons listé les catégories de la population qui ont été touchées; au final, c'est l'ensemble des citoyens qui ont été éprouvés. Après ces dix-huit mois, il est un peu délicat de soutenir: «Ceux-ci ont plus souffert que ceux-là, lesquels ont pâti davantage que ces autres.» Je vous renvoie à la situation au CHUV où il y a maintenant des menaces de grève parce que certains travailleurs ont reçu une compensation plus élevée que d'autres, et personne n'est content.

L'objectif de cette proposition de résolution n'est pas de déterminer qui a souffert le plus et qui a besoin d'être aidé davantage; non, le but est de faire le point, de prendre un peu de hauteur. Notre société a vécu des moments très durs, il est important de les reconnaître, il est important de marquer symboliquement cette étape, il est important de célébrer la fin de cet épisode en délivrant un message positif. Nous avons besoin de nous retrouver, que tous les groupes constituant la population se réunissent autour d'un projet afin de recréer le ciment qui nous a permis d'affronter l'adversité.

Nous avons besoin d'un projet positif, et ce projet pourrait avoir lieu à Genève d'ici le printemps prochain: nous pourrions nous rencontrer pendant quelques week-ends lors d'un événement, par exemple sur la plage des Eaux-Vives, avec des artistes locaux, des stands d'associations et d'artisans, des concerts et des activités pour les jeunes, pour les 25-55 ans, pour les aînés. Cela nous permettrait de nous retrouver tous, de marquer la fin des difficultés et surtout de nous préparer à construire un avenir que nous souhaitons tous lumineux et brillant.

Je le répète, Mesdames et Messieurs, il ne s'agit pas d'une compétition pour déterminer qui a souffert le plus, il s'agit de se dire que nous avons, en tant que société, en tant que groupe, vécu des moments difficiles, qu'il est essentiel de les identifier, de les marquer symboliquement et de repartir vers l'avant dans un élan positif. C'est ce que nous demandons dans cette proposition de résolution que je vous invite à soutenir. L'idée est de nous réunir tous ensemble et de redémarrer dans la bonne direction, sur un chemin positif et en partageant un projet commun. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste refusera cette proposition de résolution. Evidemment, l'année a été terrible; évidemment, il faut honorer les personnes qui étaient en première ligne, comme semble vouloir le faire le PLR, mais notre opinion diverge toutefois radicalement quant à l'hommage proposé. Il ne s'agit pas de faire une fête, une espèce de bamboula organisée par l'Etat pour saluer, pêle-mêle, les personnes qui ont travaillé, celles qui ont perdu un proche, celles qui ont souffert de solitude. Il y a quelque chose de presque indécent dans cette façon de mélanger deuil, travail, souffrance, de rassembler tout le monde dans un mouvement un peu orgiaque sur la plage des Eaux-Vives durant trois week-ends pour fêter la fin de la crise et le début d'autre chose.

Ce qui est choquant aussi, c'est de s'imaginer que cette crise avait un début et aura une fin, et surtout qu'on décrétera celle-ci dans l'enceinte du Grand Conseil. Non, Mesdames et Messieurs, les spécialistes du covid nous indiquent que cela va se reproduire de manière cyclique et continue, qu'il y aura probablement d'autres pandémies, donc le timing est mauvais, on ne peut pas annoncer une fin officielle, il y aura des fins et des recommencements. Ainsi, cette volonté est pour le moins déplacée.

Nous rejoignons les propos de M. Burgermeister: la seule manière de rendre hommage aux gens, c'est de voter des budgets, de renforcer l'Etat, d'assurer un service de santé de qualité, de revaloriser les classes salariales les plus basses, de garantir l'emploi, de soutenir les commerçants et les indépendants, de permettre à l'office cantonal de l'emploi de n'exclure personne, mais de jouer son rôle, de remettre les gens au travail quand malheureusement ils ont perdu leur poste, d'engager du personnel dans les crèches.

Vous m'aurez compris, Mesdames et Messieurs, c'est le vote du budget qui constitue le plus bel hommage que nous puissions rendre aux travailleurs et travailleuses, à tous les habitants, à celles et ceux qui ont bénéficié des services publics et devront continuer à pouvoir le faire à l'avenir. Par conséquent, nous vous invitons à refuser cette proposition de résolution qui est incongrue, déplacée et malvenue. Merci beaucoup. (Applaudissements.)

Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, bientôt dix-huit mois se sont écoulés depuis le début de la crise. Pendant quelques semaines, une tonne d'applaudissements ont retenti pour toutes les blouses blanches, vertes et autres qui ont été sur le pont. Une fois de plus, le PDC ne peut que les remercier; si je pouvais faire sonner toutes les cloches de nos vaches ce soir, croyez-moi, il y aurait un sacré concert ! N'oublions pas non plus celles et ceux qui, de loin, ont vu partir un de leurs proches, un départ stérilisé et vide de toute relation alors que d'ordinaire, le dernier bout de chemin parcouru ensemble permet de se dire adieu, de se dire parfois tout ce qu'il n'a pas été possible d'exprimer auparavant. (Brouhaha.)

Le président. Un instant, Madame la députée. (Le président marque un temps d'arrêt en attendant que le silence se rétablisse.) Vous pouvez poursuivre.

Mme Patricia Bidaux. Je vous remercie. Une fête, ce n'est pas forcément la folie des grandeurs, c'est surtout être ensemble, partager des moments sans dénier les difficultés, mais sans s'élancer non plus dans les hauteurs telles que décrites par M. le député Thévoz à l'instant. L'ensemble de la population genevoise a bien respecté les règles; qu'elle en soit aussi remerciée ici. Une victoire, ça ne se remporte pas tout seul, et c'est peu dire après la soirée de lundi. Certes, il est encore nécessaire de serrer les rangs, nous ne devons rien lâcher, mais il est également temps de rendre hommage à nos concitoyens. C'est ce que demande cette proposition de résolution que le PDC soutiendra. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame la députée. Je donne maintenant la parole à M. Pierre Conne pour deux minutes seize.

M. Pierre Conne (PLR). Oui, merci, Monsieur le président. C'est dans les moments les plus durs que nous avons le plus besoin de nous retrouver, de faire une pause, de fêter. Cette célébration ne nie pas du tout ce qui a été dit précédemment, mais a pour vocation de reconnaître concrètement ceux qui ont contribué à nous faire sortir de la crise, c'est tout.

Mesdames et Messieurs, n'en avez-vous pas marre de ces interventions mortifères ? On a commencé par compter les morts, on nous a fait peur parce que les hôpitaux étaient réellement saturés; ensuite, il a fallu soutenir les personnes qui se retrouvaient dans la précarité ainsi que les entreprises menacées.

Cette réalité-là existe, Mesdames et Messieurs, mais s'il vous plaît, à un moment donné, adressons-nous autrement à la population, faisons-lui savoir que nous sommes aussi du côté de la vie, même dans les situations les plus difficiles. C'est là tout le sens de cette proposition de résolution. Alors votez oui, et travaillons avec le Conseil d'Etat pour que nous puissions bientôt fêter ensemble la vie retrouvée. Je vous remercie de votre attention.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG). Je suis encore sous le coup de l'émotion suite à la brillante intervention de notre camarade Burgermeister dont les élans me rappellent ceux des pauvres opposants à son idole, qui étaient remerciés par quelques années de goulag ! Evidemment, il est compliqué de comprendre qu'on puisse faire la fête après des moments très pénibles. Cela dit, est-il besoin d'un texte du parlement pour réveiller le gouvernement ? Car c'est à lui que revient cette initiative. Nos magistrats sont maintenant au complet, ils se sont même verdis, ils sont plus jeunes, donc ils disposent de la force et de l'élan nécessaires pour aller dans la direction souhaitée par cette proposition de résolution. Je vous avoue qu'à titre personnel, Mesdames et Messieurs, je serais assez tenté de dire oui, mais - il y a toujours un «mais» dans ce genre de situation - à quoi sert ce texte ? A quoi sert-il ? Encore une fois, ce geste de reconnaissance ne doit pas venir de nous, il s'impose au Conseil d'Etat; c'est lui le patron de toutes les administrations, donc c'est à lui, pour une fois, de dire merci.

M. Didier Bonny (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je suis membre de la commission de la santé et de celle des affaires sociales. Au cours des derniers mois, je n'ai pu que constater que chaque fois que nous étions saisis d'un objet visant à mettre de l'argent pour venir en aide aux personnes victimes de la crise que nous avons vécue et que nous continuons à vivre, eh bien les auteurs de cette proposition de résolution étaient contre. Ce texte leur permet de se racheter de manière bon marché, je dirais: on fait la fête et on oublie tout. Par contre, celles et ceux qui ont vraiment besoin de soutien actuellement, eh bien on s'en désintéresse.

Nous autres, les Vertes et les Verts, aurions pu imaginer approuver cette proposition de résolution si tous les votes ayant eu lieu en commission avaient trouvé une issue positive. Or ce n'est pas le cas. Là, on rase gratis, on se donne bonne conscience, on fait la fête, mais sans aller plus loin. Pour nous, les Vertes et les Verts, la solidarité ne consiste pas juste à faire la fête, mais à accomplir des actes concrets; quand on aura agi concrètement, alors oui, nous pourrons soutenir ce type de proposition, mais tant que ce ne sera pas le cas, nous dirons non. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole retourne à M. Patrick Dimier pour une minute et onze secondes.

M. Patrick Dimier (MCG). J'ai juste besoin d'une seconde pour ajouter que notre groupe s'abstiendra.

Le président. Bien, merci. La parole va à M. François Baertschi pour une minute et dix secondes.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais revenir sur un élément. On peut être pour ou contre l'idée de faire la fête, mais chercher à tout prix à politiser le covid comme le font certains groupes en disant: «Regardez, nous donnons de l'argent, vous n'en donnez pas», je trouve ça assez misérable eu égard à la crise que notre population a dû traverser, eu égard aux difficultés qu'il a fallu affronter. On nous interpelle: «Donnez de l'argent, vous n'en donnez pas assez», mais c'est misérable ! On voit ce qui arrive avec les propositions démagogiques vaudoises où on octroie une prime aux soignants, puis les non-soignants font grève, parce qu'on ne leur a rien offert ! Excusez-moi, mais c'est minable, c'est misérable, on a vraiment atteint le fond. Indépendamment de cette affaire, notre groupe s'abstiendra, parce que nous estimons qu'il ne convient pas de politiser la crise covid qui a été pénible pour tout le monde.

Des voix. Très bien ! (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur. Je redonne la parole à M. Pierre Conne pour une minute trois.

M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. J'ai bien compris que vous n'aviez pas envie de célébrer le fait que, malgré cette crise très difficile, nous soyons capables de faire ressurgir la vie, mais s'il vous plaît, Mesdames et Messieurs, n'allez pas soutenir que l'Etat n'a rien dépensé pour aider les personnes auxquelles vous faites allusion ! Prétendre ici que les demandes de soutiens financiers ont été refusées, c'est honteux, c'est un mensonge ! Je n'ai pas les montants exacts en tête, mais des millions ont déjà été versés et vont encore être versés, et le PLR a soutenu ces budgets. Alors s'il vous plaît, ne mélangez pas les choses et revenez à vous, dépolitisons toute cette histoire et allons faire la fête ensemble. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. (Remarque.) Il ne reste plus de temps au groupe Ensemble à Gauche. La parole n'étant plus sollicitée, nous passons à la procédure de vote.

Mise aux voix, la résolution 962 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 43 oui contre 37 non et 10 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Résolution 962