République et canton de Genève

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PL 12567-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Jocelyne Haller, Frédérique Perler, Léna Strasser, Thomas Wenger, Jean-Charles Rielle, Christian Zaugg, Alberto Velasco, Pablo Cruchon, Pierre Vanek, Jean Batou, Isabelle Pasquier, Alessandra Oriolo, Salika Wenger, Stéphanie Valentino, Grégoire Carasso, Pierre Bayenet, Jean Burgermeister, Claude Bocquet, Salima Moyard, Pierre Eckert, Yves de Matteis, Nicole Valiquer Grecuccio, Olivier Baud, Emmanuel Deonna, Delphine Klopfenstein Broggini, Xhevrie Osmani, Marjorie de Chastonay modifiant la loi sur les prestations complémentaires cantonales (LPCC) (J 4 25) (Pour l'introduction d'une rente-pont en faveur des personnes proches de l'âge de la retraite)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 4 et 5 mars 2021.
Rapport de majorité de Mme Ana Roch (MCG)
Rapport de minorité de Mme Jocelyne Haller (EAG)

Premier débat

Le président. Nous passons au PL 12567-A, classé en catégorie II, quarante minutes. Je cède la parole à la rapporteure de majorité, Mme Ana Roch.

Mme Ana Roch (MCG), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. La commission des affaires sociales s'est réunie à huit reprises, entre avril et septembre 2020, pour traiter du projet de loi 12567.

Le président. Madame la rapporteure, je vous prie de baisser un peu le micro. Merci !

Mme Ana Roch. Oui, pardon ! Je n'ai pas la voix qui porte, excusez-moi ! Le projet de loi vise à octroyer des rentes-pont aux personnes proches de la retraite, et ce dès 57 ans révolus. Le MCG rappelle que le Conseil d'Etat, par le biais de Mauro Poggia, avait proposé un projet couvrant dix-huit mois, avec une indemnité de 4000 francs, ou une période plus longue, avec une indemnité lissée sur celle-ci, et que cette prestation était sans condition de ressources, par exemple lorsque le conjoint est au bénéfice d'un revenu.

Ce projet de loi nous paraît bien trop généreux, si je puis dire, et pourrait avoir des conséquences pernicieuses telles que le fait de déresponsabiliser les employeurs. Or le but n'est évidemment pas d'inciter des employeurs à se séparer des seniors la conscience tranquille. Si ce projet part d'un bon sentiment et d'un constat juste, il est primordial de regarder le message qu'il envoie aux employeurs et aux personnes concernées. Nous pensons que ce n'est pas un bon message, surtout alors qu'on parle actuellement d'augmenter l'âge de la retraite. Nous regrettons que le PL 12262 «Allocation cantonale complémentaire - allocation-pont» ait été rejeté, car il se voulait un instrument pilote permettant de voir ce qui pouvait être fait et comment. Nous rappelons qu'il a été rejeté par la gauche et par la droite, car, selon cette dernière, le projet de loi ne répondait pas à un besoin.

En résumé, nous sommes convaincus que la voie d'une prolongation du chômage est plus juste et respectueuse que l'aide sociale, qui est sous condition de ressources. Le projet du Conseil d'Etat était moins généreux que ce texte, mais plus réaliste et plus respectueux des personnes de plus de 60 ans, qui rencontrent clairement de grandes difficultés à retrouver un emploi. Nous rappelons également que le projet du Conseil fédéral devrait être mis en application en juillet 2021 et que le référendum prévu n'a pas abouti. L'argument décisif pour la majorité des commissaires est le fait que la loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés a déjà été votée et acceptée par le Parlement fédéral. Elle sera donc prioritaire sur ce projet de loi.

Pour ces raisons, nous vous prions de vous joindre à la majorité en refusant cet objet. Merci.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Je rappelle que le projet de loi de M. Poggia, qui avait été très largement rejeté, ne proposait qu'une couverture maximum de 4000 francs, et ce uniquement sur dix-huit mois sur l'intervalle des trente-six mois qui séparent les personnes concernées de l'âge de la retraite.

Cela étant dit, le projet de loi 12567 se veut une alternative à l'exclusion professionnelle et à l'appauvrissement des demandeurs et des demandeuses d'emploi âgés. Il est inspiré des travaux qui avaient été à l'origine du projet de loi 11501 en faveur d'un changement de paradigme en matière de gestion du chômage et de création d'emplois. Il s'inscrit aussi dans le contexte des travaux du Conseil national relatifs à la mise en place d'une allocation transitoire pour les travailleurs âgés, la LPtra, ce à un moment où les Chambres s'affrontaient à ce propos et où le projet d'origine se trouvait gravement réduit.

En définitive, le pire a sans doute été évité, mais la loi de compromis finalement votée au niveau fédéral comporte des restrictions majeures qui confortent les signataires du PL 12567 dans la conviction qu'une rente-pont cantonale est indispensable. Il s'agit essentiellement des limitations suivantes: l'âge de 60 ans, qui ne tient pas compte de la prépondérance de la problématique des travailleurs ou des travailleuses seniors dès 55 ans; la condition de vingt ans d'activités préalables soumises à cotisation, dont au moins cinq après l'âge de 50 ans; le fait que la loi fédérale ne s'adresse qu'aux chômeurs et chômeuses en fin de droit et non à tous les demandeurs et demandeuses d'emploi; enfin, le fait qu'elle octroie des prestations à hauteur des prestations complémentaires fédérales - les PCF - et que Genève, en raison de son coût élevé de la vie, a dû introduire, à l'instar des cantons de Zurich et Bâle, un système d'aide complémentaire cantonale, les PCC, ce que ne prend pas en considération la LPtra. Cette loi, adoptée le 19 juin 2020, a été attaquée par un référendum. La récolte de signatures menée sous le titre fallacieux de référendum contre «la rente de licenciement» - il faut oser le dire ! - n'a heureusement pas abouti et la LPtra devrait entrer en vigueur en juillet 2021.

De fait, on se trouve confronté au risque avéré d'une fin de carrière marquée par l'éviction. Diverses sources statistiques concordent sur le constat que, si les travailleurs et travailleuses âgés sont moins souvent touchés par le chômage, lorsque le cas survient, leur réinsertion professionnelle est considérablement plus difficile, voire trop souvent vouée à l'échec. Ainsi, pour ces personnes, cela signifie que la dizaine d'années qui les séparent de la retraite seront imprégnées de la perception d'être exclues du monde du travail. Une situation qui favorise des sentiments de dévalorisation et les place dans une situation de dépendance financière à l'égard de leur entourage ou les contraint à faire appel à l'aide sociale. Des cas de figure qui ne manquent pas d'altérer leur santé et viennent alourdir les coûts de la santé, en plus de ceux des aides sociales.

L'entrée en vigueur de la loi fédérale réduira considérablement le coût de l'introduction du dispositif tel que nous le proposons dans le projet de loi 12567. Il ne resterait de fait à la charge du canton de Genève que la différence découlant des conditions d'accès divergentes entre la loi fédérale et la loi cantonale - si elle était acceptée - ainsi que la compensation indispensable entre prestations complémentaires fédérales et cantonales.

Il faut le dire, la rente-pont que nous proposons n'est pas un renoncement au retour à l'emploi des seniors. Elle permet simplement de faire face au fait que, pour bon nombre de travailleurs ou de travailleuses âgés, ce retour à l'emploi est problématique, voire pour divers motifs trop souvent voué à l'échec. Quant au risque qu'ont évoqué des commissaires de l'incitation pour certains employeurs à licencier des employés âgés, les auteurs du projet, comme certains des auditionnés, constatent que la rente-pont vaudoise, novatrice en la matière depuis 2011, n'a pas provoqué ce type d'appel d'air.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.

Mme Jocelyne Haller. Oui, volontiers, merci. C'est pourquoi, parce qu'il est indispensable de changer le regard de la société sur la situation des travailleurs et des travailleuses âgés, parce qu'il est intolérable et injuste de reléguer ces derniers et ces dernières dans la pauvreté et la dépendance à l'égard de leurs proches ou de l'aide sociale, et enfin parce que la rente-pont fédérale est plus restrictive, la minorité de la commission des affaires sociales vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à accepter le projet de loi 12567 instituant une rente-pont en faveur des personnes proches de l'âge de la retraite.

M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, comme cela a déjà été dit, les Chambres fédérales ont voté une rente-pont qui entrera en vigueur cette année. Cette rente-pont fédérale concerne des chômeurs en fin de droit âgés de 60 ans. Dans la pratique, toutes les personnes âgées de 58 ans perdant leur travail et qui ne retrouvent pas un nouvel emploi seront admissibles à cette prestation fédérale. Les indemnités prévues pour ces rentes-pont fédérales sont 2,25 fois supérieures à la couverture des besoins vitaux. Cette rente-pont fédérale correspond à un réel besoin et réduira le risque social pour les chômeurs âgés. Le texte dont nous débattons actuellement propose de compléter le dispositif fédéral et d'étendre la prestation à des chômeurs en fin de droit âgés de 57 ans. De plus, le projet genevois souhaite inclure les personnes âgées de 57 ans qui n'auraient pas droit aux indemnités de chômage. La prestation fédérale répond à la problématique; le texte genevois arrose trop largement et son coût est difficilement chiffrable. Pour ces raisons, le groupe UDC vous recommande de refuser l'entrée en matière sur ce texte. Merci de votre attention.

M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, Françoise a aujourd'hui 58 ans, elle est secrétaire et travaillait dans une société de biotech, qui a décidé de délocaliser ses activités en Allemagne en 2018, laissant une partie de son personnel sur le carreau. Après deux ans de chômage, Françoise se retrouve à court de ressources; elle se trouve actuellement dans les bras de l'Hospice général.

Ce genre de situation est assez fréquent, non pas que cette classe d'âge soit plus fréquemment soumise à des licenciements, mais parce que les personnes de plus de 55 ans qui perdent leur emploi n'en retrouvent un que très rarement, et ce pour diverses raisons, qui sont ébauchées dans le rapport. On constate également une claire rupture des possibilités de réinsertion à cet âge critique de 55 ans. Les diverses auditions que nous avons menées à la commission des affaires sociales nous l'ont montré. Quelques possibilités sont encore ouvertes avant cet âge. Après, cela devient très nettement plus difficile.

La situation était déjà mauvaise en 2019, mais elle va encore empirer ces prochaines années, du fait des conséquences de la crise sanitaire d'une part, et de façon plus durable à cause d'une technicité accrue des métiers et de la numérisation d'autre part, phénomènes qui accentuent les risques de décrochage. C'est pourquoi il est important de prendre des mesures pérennes, et pas seulement des mesures d'urgence, comme celles qui sont incluses dans la loi covid sur laquelle nous voterons le 13 juin. Le projet de loi dont nous parlons ici donne une réponse durable à un problème durable. En fait, nous partageons largement les considérations tenues dans l'excellent rapport de minorité de Mme Haller. Je relèverai encore un ou deux éléments supplémentaires.

Tout d'abord, le problème va largement au-delà de la question du simple passage de pont: une fin de vie professionnelle compliquée, qui passe par le chômage, par l'aide sociale, puis par rien du tout, et enfin par une AVS avancée ou un deuxième pilier avancé - ou les deux - conduit à une situation précaire, d'un point de vue tant matériel que psychologique, et annonce une vieillesse très difficile.

Dans le cadre du projet fédéral, qui devrait entrer en vigueur cet été, on peut relever que même le rapport explicatif du SECO pointe déjà la problématique des travailleurs de 55 ans et plus. Peu ambitieuses, les Chambres fédérales se sont arrêtées à l'âge de 60 ans. Au vu de la cherté du coût de la vie sur son territoire, le canton de Genève se doit de pouvoir apporter davantage.

La crainte souvent exprimée est qu'une rente-pont conduirait à représenter un oreiller de paresse pour les employeurs - c'est un neutre générique -, qui licencieraient sans arrière-pensée le personnel de plus de 55 ans sous prétexte que les conséquences financières pour l'employé seraient négligeables. Divers précédents, dont le système vaudois, montrent que cela ne se vérifie pas et qu'un personnel expérimenté continue à être apprécié à sa juste valeur. De plus, la rente-pont resterait de toute manière subsidiaire à un emploi, si celui-ci était accessible.

Nous sommes conscients que le présent projet de loi mériterait peut-être quelques amendements qui permettraient d'assurer une meilleure compatibilité avec la loi fédérale. La compatibilité avec le cadre fédéral ne devrait donc en aucun cas être évoquée pour refuser le texte qui nous occupe.

Finalement, constatons ensemble que la rente-pont genevoise coûtera peut-être un peu d'argent, mais n'oublions pas que celles et ceux qui auront la possibilité de toucher cette prestation n'émargeront plus aux services de l'Hospice général - dont nous parlerons tout à l'heure -, ce qui représente indéniablement un gain non seulement financier, mais aussi social. Genève peut bien offrir un espace de dignité aux employés qui ont eu la malchance de perdre leur emploi à 55 ans après trente ou trente-cinq ans de vie professionnelle. C'est donc avec conviction que les Vertes et les Verts soutiendront ce projet de loi.

Mme Helena Verissimo de Freitas (S). La rapporteure de minorité a été très complète, tout comme l'ont été les Verts; je ne m'attarderai donc pas. Je dirai simplement que le parti socialiste vous demande de ne pas accepter ce projet de loi. Merci beaucoup. (Commentaires. Un instant s'écoule.)

Le président. Merci, Madame la députée...

Mme Helena Verissimo de Freitas. Pardon, de l'accepter ! Pardon, pardon ! Pardon, de l'accepter ! Evidemment ! (Rires.)

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Vieux motard que jamais ! Madame la députée Véronique Kämpfen, c'est à vous.

Mme Véronique Kämpfen (PLR). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi propose la mise en place d'une rente-pont pour des personnes qui sont arrivées en fin de droit de l'assurance-chômage ou qui n'y ont pas droit, qui ont 57 ans révolus, qui sont domiciliées à Genève depuis au moins cinq ans et qui ont cotisé au moins dix ans à l'AVS. Il faut noter que, sous la poussée du vieillissement démographique, la population active des plus de 55 ans gagne en importance, notamment depuis le début des années 2010. Parmi les Etats membres de l'OCDE, la Suisse fait partie de ceux dont le taux d'emploi chez les 55-64 ans est élevé. Il était de 81% en 2018, soit le deuxième taux le plus élevé après l'Islande.

Le rapport du SECO sur le chômage des 50 ans et plus indique qu'«en Suisse, les séniors sont fondamentalement bien intégrés au marché de l'emploi et bénéficient de rapports de travail stables plus souvent que les personnes moins âgées». Etant plus rarement au bénéfice de contrats à durée déterminée, ils sont moins exposés aux fluctuations conjoncturelles. En conséquence, le taux de chômage des seniors s'établit toujours à un niveau inférieur à la moyenne. Un dossier de «La Vie économique» daté de février 2020 relève de son côté que les travailleurs seniors sont plus rarement concernés par le chômage que les plus jeunes et que la probabilité de se retrouver au chômage diminue avec l'âge.

En revanche, et c'est là tout le problème, lorsque les seniors sont touchés par le chômage, ils y restent plus longtemps. C'est notamment pour faire face à cette réalité que la loi sur l'assurance-chômage prévoit qu'ils ont droit à des indemnités journalières sur une plus longue période que les autres catégories de chômeurs. Si l'âge est un des facteurs déterminants expliquant le chômage de longue durée, il n'est pas le seul. Lorsque l'âge est le seul obstacle à la réinsertion, il n'est pas déterminant. Il le devient néanmoins lorsque plusieurs facteurs se cumulent. On constate donc qu'un travail sur les autres facteurs d'exclusion est indispensable, notamment sur celui du niveau de formation initiale et continue.

Il faut noter en outre que les personnes de plus de 60 ans représentent une part relativement faible de l'ensemble des chômeurs en fin de droit: depuis 2012, en Suisse, il s'agit d'un peu plus de 5% chez les femmes et d'un peu plus de 8% chez les hommes, un chiffre qui reste stable. A Genève, en chiffres absolus, cela représentait 121 personnes en 2017. Ces chiffres nous avaient été livrés lors de l'étude du projet de loi auquel faisait référence la rapporteure de majorité, le PL 12262 intitulé «Allocation cantonale complémentaire - allocation-pont», présenté à l'époque par le Conseil d'Etat. De plus, le groupe d'âge des personnes de 60 à 64 ans n'est pas le plus représenté dans l'aide sociale. Son taux d'aide sociale, de 2,5% en 2017 en Suisse, est inférieur à celui des groupes plus jeunes et à celui de l'ensemble de la population, qui est de 3,3%.

Depuis le dépôt de ce projet de loi 12567, la situation a évolué au niveau fédéral, puisque le Parlement a adopté la loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés, qui entrera en vigueur le 1er juillet 2021. Elle alloue aux personnes qui sont arrivées en fin de droit dans l'assurance-chômage, après avoir atteint l'âge de 60 ans, des prestations transitoires jusqu'à ce qu'elles perçoivent une rente de vieillesse, à condition qu'elles aient exercé une activité lucrative suffisamment longtemps et qu'elles ne disposent que d'une fortune modeste. En clair, cela signifie qu'à partir de 58 ans, en tenant compte des deux ans de droit au chômage, cette nouvelle prestation permet aux chômeurs âgés d'éviter de tomber à l'aide sociale, à quelques mois ou années de la retraite. Certes, les conditions pour accéder à cette aide sont différentes de celles proposées dans le projet de loi qui nous occupe actuellement, mais cette aide apporte une réponse concrète aux personnes concernées et leur permet en outre, et c'est très important de le souligner, de ne pas diminuer leurs prestations vieillesse à venir.

Le groupe PLR est d'avis de laisser la loi fédérale déployer ses effets avant de s'engager sur une voie cantonale, raison pour laquelle nous vous proposons de refuser ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.

Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le projet de loi 12567 a été déposé en août 2019, avant que la nouvelle loi fédérale sur la rente-pont n'ait été validée, ce qui aujourd'hui est fait. La loi fédérale soutient les personnes perdant leur emploi par une rente-pont dès l'âge de 58 ans. Elles doivent avoir travaillé pendant vingt ans, sachant que les années dévolues à de l'assistance ou des tâches éducatives sont prises en compte. Le cadre que pose la loi fédérale satisfait le PDC.

Il était nécessaire de mener une réflexion sur la problématique; la réponse est actuellement apportée par la loi fédérale. Par ailleurs, une évaluation de ce que va permettre la mise en oeuvre du dispositif prévu par la loi fédérale est indispensable avant d'élaborer un projet de loi cantonal. Ajouter un nouveau paradigme à la réforme fédérale sans avoir pu analyser les conséquences de cette prise en charge est prématuré. Pour le PDC, il ne s'agit pas de suspecter les éventuels bénéficiaires d'abus, mais bel et bien de laisser la solution fédérale se dérouler avant d'y ajouter une strate supplémentaire alors que rien n'a été évalué. C'est la raison pour laquelle, vous l'aurez compris, le PDC vous invite à refuser ce texte.

Le président. Merci, Madame la députée. Je cède pour trois minutes trente-quatre la parole à la rapporteure de minorité, Mme Jocelyne Haller.

Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. J'ai entendu un certain nombre d'intervenants dire: «Finalement, la nouvelle loi fédérale a été votée, pourquoi n'attend-on pas qu'elle entre en vigueur pour mesurer quels pourraient être les compléments nécessaires ?» Je répondrai simplement: parce que nous savons déjà que cette loi exclut un certain nombre de travailleurs et de travailleuses âgés et que, du reste, le montant des prestations qu'elle définit ne correspond pas aux standards du coût de la vie à Genève. Ces simples éléments devraient déjà nous amener à considérer la nécessité d'apporter un complément cantonal à cette loi fédérale.

Par ailleurs, elle repose effectivement sur un certain nombre de fondamentaux qui sont très différents: la loi fédérale s'adresse uniquement aux chômeurs et aux chômeuses en fin de droit, alors que ce que nous proposons au niveau cantonal prend en considération la réalité des demandeurs et des demandeuses d'emploi dans notre canton. Cela nous amène très loin des statistiques qu'évoquait Mme Kämpfen, parce que ces éléments-là ne sont pas répertoriés, alors que nous savons qu'ils sont explosifs sur le plan de la cohésion sociale: précisément, non seulement ces gens se retrouvent particulièrement appauvris par le fait qu'ils sont exclus du marché du travail et qu'ils n'ont pas droit à des prestations d'assurance-chômage, mais, qui plus est, ils appauvrissent par voie de conséquence le groupe familial, puisque c'est la perte d'une ressource et qu'ils se retrouvent en totale dépendance à l'égard de leurs proches, ce qui, du point de vue de la santé mentale, peut être particulièrement difficile à vivre.

Je ne pense donc pas qu'on puisse dire que la loi fédérale suffit. Nous savons qu'aujourd'hui, pour le canton de Genève, elle ne suffit pas, et nous devrions au moins prendre cet argument en considération, ne serait-ce que par cohérence intellectuelle avec le fait que nous avons, il y a déjà un certain nombre d'années, mis en place des prestations complémentaires cantonales, parce qu'elles étaient estimées indispensables pour que les personnes au bénéfice de prestations de l'AVS ou de l'AI puissent faire face au coût de la vie genevoise. Je vous remercie de votre attention.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, c'est moi qui prendrai la parole pour le Conseil d'Etat ce soir, M. Apothéloz étant malheureusement empêché.

Le projet de loi qui nous est présenté vise à apporter une réponse à un problème réel qui est constaté s'agissant de l'intégration professionnelle des plus de 55 ans, mais ce qui est proposé est finalement une réponse partielle, qui vise à la mise en oeuvre d'une nouvelle politique sociale plutôt que d'une nouvelle politique de l'emploi.

Cela a été abondamment répété, la loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés a été adoptée et elle entrera en vigueur au 1er juillet 2021. Les auteurs de ce projet de loi citent une étude intéressante qui conclut que la Suisse, caractérisée par un marché du travail de type libéral, se singularise par une quasi-absence de politique et de pratique favorables à la réintégration des travailleurs de plus de 50 ans, rendant ainsi les chômeurs âgés très vulnérables. Mais, pour le Conseil d'Etat, cet élément milite plutôt pour une approche privilégiant le maintien et le retour en emploi par des mesures de remédiation à cette absence de politique portant sur la réintégration des 50 ans et plus, plutôt que pour une validation de cette approche par le biais de la généralisation d'une forme de préretraite dès 57 ans. En effet, compte tenu des besoins attendus du marché du travail, face à un risque de pénurie de main-d'oeuvre dans les années à venir, à des enjeux de financement des retraites et au vieillissement de la population, il apparaît au Conseil d'Etat risqué de miser sur une facilitation du départ à la retraite. Le projet devrait être à notre sens plutôt remplacé par une politique active de maintien sur le marché de l'emploi.

Alors, me direz-vous, qu'est-ce qui pourrait donc être fait en la matière ? Eh bien, tout d'abord, des actions en direction des employeurs visant à augmenter le recours aux travailleurs de 50 ans et plus. Il s'agit de changer l'image de ces travailleurs dits âgés en entreprise, ainsi que d'essayer de réduire les écarts entre les coûts salariaux liés aux différences de charges LPP relatives à l'âge. Il y a également des actions en direction des employés pour maintenir l'employabilité à travers un recours aux formations continues, pertinentes, en lien avec l'évolution des besoins du marché. La vision traditionnelle qui veut que le salaire augmente durant toute la carrière pourrait également être remise en question; on sait que lorsqu'on approche de l'âge de la retraite, on a moins souvent des enfants à charge, et peut-être que les coûts sont un peu réduits. Il y a également des actions en direction des autorités, notamment fédérales, avec une adaptation du cadre légal, y compris s'agissant de la LPP, pour permettre une sortie progressive du marché du travail, avec une baisse du taux d'activité par exemple, sans de trop fortes conséquences sur les retraites.

Mesdames et Messieurs, vous l'aurez compris, le Conseil d'Etat vous encourage également à refuser ce projet de loi et à attendre les résultats de l'entrée en vigueur des prestations fédérales pour chômeurs âgés et, dans le même temps, à engager une politique en faveur du maintien en emploi de ces travailleurs de 55 ans et plus. Je vous remercie, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. La parole n'est plus demandée; je mets donc aux voix l'entrée en matière sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 12567 est rejeté en premier débat par 52 non contre 37 oui.