République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 26 mars 2021 à 16h20
2e législature - 3e année - 10e session - 64e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 16h20, sous la présidence de M. François Lefort, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco et Mauro Poggia, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Pierre Maudet, Antonio Hodgers, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Delphine Bachmann, Antoine Barde, Patricia Bidaux, Didier Bonny, Marc Falquet, Serge Hiltpold, Philippe Morel, Jean Rossiaud, Adrienne Sordet, Vincent Subilia, Alberto Velasco, Helena Verissimo de Freitas, Salika Wenger et Raymond Wicky, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Nicolas Clémence, Sophie Desbiolles, Joëlle Fiss, Jean-Charles Lathion, Badia Luthi, Xavier Magnin, Patrick Malek-Asghar, Eliane Michaud Ansermet, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier, Helena Rigotti et Esther Schaufelberger.
Annonces et dépôts
Néant.
Questions écrites urgentes
Le président. Vous avez reçu par messagerie les questions écrites urgentes suivantes:
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Le budget 2021 de la Ville de Genève est-il toujours acceptable ? (QUE-1494)
Question écrite urgente de M. Stéphane Florey : Nouveau centre pour requérants d'asile mineurs non accompagnés à Vernier (QUE-1495)
Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Quelles expériences, quels succès et quel avenir pour la justice restaurative à Genève ? (QUE-1496)
Question écrite urgente de M. François Baertschi : Autorisations de construire : quels sont les retards de traitement ? (QUE-1497)
Question écrite urgente de M. Jean-Pierre Pasquier : Quel est le bilan de la collaboration entre la police cantonale et les polices municipales durant la crise du COVID-19 ? (QUE-1498)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Que s'est-il passé au foyer Rigot le 2 mars 2021 ? (QUE-1499)
Question écrite urgente de M. François Baertschi : Licenciements de résidents genevois chez Migros Genève : quelles conséquences pour les finances cantonales ? (QUE-1500)
Question écrite urgente de Mme Christina Meissner : Rhône genevois : la vidange de trop ? (QUE-1501)
Question écrite urgente de Mme Natacha Buffet-Desfayes : Maltraitance des directrices et directeurs de l'enseignement secondaire II. Quelles raisons, quelles solutions ? (QUE-1502)
Question écrite urgente de M. Christo Ivanov : Combien coûte au contribuable le procès d'un conseiller d'Etat ? (QUE-1503)
Question écrite urgente de M. Emmanuel Deonna : Quelle est la politique d'aide au sport du Conseil d'Etat en temps de COVID-19 ? (QUE-1504)
Question écrite urgente de M. Emmanuel Deonna : Quelle est la politique du Conseil d'Etat en matière de tests COVID-19 ? (QUE-1505)
Question écrite urgente de M. Emmanuel Deonna : Quelles actions du Conseil d'Etat pour favoriser la mobilité douce et accélérer la piétonnisation du centre-ville ? (QUE-1506)
Question écrite urgente de Mme Françoise Nyffeler : Qu'en est-il du certificat de bonne vie et moeurs à Genève ? (QUE-1507)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Violences domestiques : une situation en trompe-l'oeil ? (QUE-1508)
Question écrite urgente de M. Sylvain Thévoz : Mobilité : le CE veut-il vraiment simplifier la vie des professionnels ? (QUE-1509)
Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Quelle action de l'Etat pour soutenir les habitants du 8 rue Royaume, et pour réhabiliter l'immeuble ? (QUE-1510)
Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Quelles expériences, quels succès et quel avenir pour la justice restaurative à Genève ? (QUE-1511)
Question écrite urgente de M. Grégoire Carasso : Quel bilan pour les RHT dans le secteur de la culture ? (QUE-1512)
Question écrite urgente de Mme Françoise Nyffeler : Pourquoi le dépôt d'une pétition a-t-il été entravé par la présence d'une dizaine de policiers en tenue de combat ? (QUE-1513)
Question écrite urgente de Mme Marjorie de Chastonay : Ecole numérique : où en est-on sur l'implantation du numérique à l'école et quelle est la réflexion autour du numérique ? (QUE-1514)
Question écrite urgente de Mme Marjorie de Chastonay : Mineurs non accompagnés dits MNA et hébergements d'urgence (QUE-1515)
Question écrite urgente de M. Patrick Dimier : La situation au sein du DIP n'est-elle pas aussi préoccupante que celle décriée au sein du DE ? (QUE-1516)
QUE 1494 QUE 1495 QUE 1496 QUE 1497 QUE 1498 QUE 1499 QUE 1500 QUE 1501 QUE 1502 QUE 1503 QUE 1504 QUE 1505 QUE 1506 QUE 1507 QUE 1508 QUE 1509 QUE 1510 QUE 1511 QUE 1512 QUE 1513 QUE 1514 QUE 1515 QUE 1516
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Questions écrites
Le président. Vous avez également reçu par messagerie les questions écrites suivantes:
Question écrite de Mme Céline Zuber-Roy : Genève assure-t-elle ses objectifs en matière de gestion des déchets ? (Q-3852)
Question écrite de M. François Lefort : Quand le Conseil d'Etat compte-t-il transmettre au Grand Conseil le rapport complet de M. Vautravers sur la LPol ? (Q-3853)
Question écrite de Mme Marjorie de Chastonay : Situation sur la prise en charge des troubles du langage et de la communication à Genève chez les enfants et les jeunes (Q-3854)
Question écrite de M. Souheil Sayegh : Situation sur la prise en charge des troubles du langage et de la communication à Genève (Q-3855)
Le président. Ces questions écrites sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Annonce: Séance du vendredi 29 janvier 2021 à 16h05
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 29 janvier 2021 à 16h05
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 29 janvier 2021 à 16h05
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 29 janvier 2021 à 16h05
Cette question écrite urgente est close.
Annonce: Séance du vendredi 5 mars 2021 à 16h15
Cette question écrite urgente est close.
Le président. Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat nous informe qu'en accord avec les auteurs, les réponses à la Q 3848 et à la QUE 1472 seront déposées pour la session des 29 et 30 avril 2021.
Débat
Le président. Nous poursuivons nos urgences avec la R 953 qui est classée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à son auteure, Mme Jocelyne Haller.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président... (L'oratrice cherche dans son ordinateur.) Excusez-moi, je me suis perdue ! (Un instant s'écoule.) Voilà. Mesdames et Messieurs, alors que la situation en Ethiopie est jugée à risque par de multiples organisations internationales, la Confédération et son Secrétariat d'Etat aux migrations ont malgré tout décidé d'y renvoyer par vol spécial des Ethiopiens ayant requis la protection de la Suisse en raison des tensions politiques et de la guerre civile qui règnent dans leur pays. Le mercredi 27 janvier 2021 au soir, Tahir Tilmo, Solomon Arkisso, Teklu Feyisa ainsi que d'autres ressortissants éthiopiens provenant de cantons différents, qui avaient tous sollicité l'aide de la Suisse, ont été réexpédiés vers l'Ethiopie.
A Genève, malgré une forte mobilisation citoyenne et associative ainsi que le secours d'avocats, le Conseil d'Etat n'a pas utilisé la marge de manoeuvre dont il dispose pour surseoir à ces expulsions. Cette attitude, contraire au devoir d'hospitalité envers quiconque requiert la protection de notre pays en raison de menaces qui mettent en péril son intégrité, n'est pas acceptable et viole les principes fondamentaux du droit d'asile.
Les événements en question ont également mis en lumière les agissements de la société Oseara, censée évaluer l'aptitude au transport des personnes renvoyées et accompagner les vols; un cahier des charges potentiellement pétri de conflits d'intérêts rend sujette à caution l'intervention de cette entreprise. Par ailleurs, l'extension à la Suisse de l'accord de réadmission et de collaboration intervenu entre l'Union européenne et l'Ethiopie apparaît particulièrement discutable et peu transparente; celui-ci n'a pas été publié au recueil officiel du droit fédéral et s'apparente dès lors à un arrangement secret, sans valeur.
Depuis les faits énoncés, la situation en Ethiopie ne fait que se dégrader. Son gouvernement a même admis de graves manquements aux droits humains. Il est donc urgent non seulement que la Suisse s'interdise tout renvoi dans des pays où ces droits sont bafoués, tels que l'Ethiopie en l'occurrence, mais aussi que le SEM s'enquière de l'état des personnes expulsées et s'assure de leur sécurité.
Voilà pourquoi nous vous invitons à soutenir cette initiative cantonale adressée à l'Assemblée fédérale de même qu'à cautionner la partie du texte qui s'adresse au Conseil d'Etat. Il s'agit d'interroger notre gouvernement sur les motifs qui l'ont conduit à ne pas faire usage de sa marge de manoeuvre afin d'éviter le renvoi forcé mentionné plus tôt, de lui demander comment une personne hospitalisée peut être extraite de son lit d'hôpital pour être placée de force dans un vol spécial et d'exiger des explications quant à l'intervention des forces de police et de la société Oseara. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie d'accepter cette proposition de résolution en la renvoyant tant au Conseil d'Etat qu'à l'Assemblée fédérale. Je vous remercie de votre attention.
M. Emmanuel Deonna (S). Mesdames et Messieurs les députés, le renvoi dans leur pays de sept ressortissants éthiopiens, établis en Suisse depuis plusieurs années et tout à fait intégrés, est absolument inacceptable. Cette expulsion a été exécutée en dépit de la situation qui prévaut en Ethiopie, en dépit d'une mobilisation citoyenne exceptionnelle, en dépit de l'appui de nombreux élus et de militants des droits des migrants. Fondement du droit international de l'asile, le principe de non-refoulement n'a pas été appliqué, je dirais même qu'il a été foulé aux pieds: les autorités suisses et genevoises n'ont pas cherché à déterminer si l'Etat d'origine de ces requérants les protégeait.
Pour rappel, ce principe interdit l'extradition, l'expulsion ou le renvoi s'il existe dans le pays de destination des risques sérieux de torture, de traitements inhumains ou de toute autre forme de violation sévère des droits humains pour la personne concernée. Avant d'agir, les autorités doivent donc évaluer - il s'agit d'une mesure à laquelle on ne peut déroger ! - si ces risques sont avérés. Le principe de non-refoulement ne peut en aucun cas être restreint, tout comme ne peut l'être l'interdiction de la torture et de traitements inhumains ou dégradants.
Comme l'a rappelé Jocelyne Haller, l'Ethiopie est secouée par une crise politique majeure; déjà très fragmenté ethniquement, ce pays est aujourd'hui en proie à des affrontements armés de grande ampleur. Pas plus tard que ce matin, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a informé que deux camps de réfugiés érythréens, qui abritaient 20 000 personnes dans la région éthiopienne du Tigré, ont été entièrement détruits.
S'agissant du renvoi que nous dénonçons via cette proposition de résolution adressée à l'Assemblée fédérale, l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés et AsyLex ont mis en évidence la guerre civile qui fait rage en Ethiopie ainsi que des conditions inhumaines lors des renvois par vol spécial; ceux-ci sont effectués en utilisant une violence inadmissible, notamment pour forcer les personnes... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...à entrer dans l'avion. Ces éléments objectifs rendent l'expulsion des requérants éthiopiens parfaitement intolérable.
Selon Amnesty International, le nombre de détenus politiques est beaucoup plus élevé depuis le début de la guerre civile. Les risques sont dès lors réels pour les ressortissants expulsés de force, car violences et arrestations...
Le président. Merci...
M. Emmanuel Deonna. ...touchent l'ensemble du pays.
Le président. Merci, Monsieur le député.
M. Emmanuel Deonna. Pour illustrer l'étendue de la crise qui sévit en Ethiopie, le HCR soulignait encore ce matin...
Le président. Mais enfin, Monsieur, c'est terminé !
M. Emmanuel Deonna. ...qu'aux 20 000 réfugiés érythréens mentionnés tout à l'heure s'ajoutent quelque 95 000 Ethiopiens déplacés qui se trouvent dans le district de Shiraro... (Le micro de l'orateur est coupé. Paroles inaudibles de l'orateur, qui poursuit son intervention.)
Le président. Monsieur Bertrand Buchs, vous avez la parole.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci beaucoup, Monsieur le président. Le parti démocrate-chrétien... (M. Emmanuel Deonna poursuit son intervention.) Je m'excuse, mais il y a un bruit dans mon oreille droite ! (Un instant s'écoule.)
Le président. Reprenez, Monsieur le député.
M. Bertrand Buchs. Je vous remercie, Monsieur le président. Le parti démocrate-chrétien soutiendra cette proposition de résolution pour une raison simple: la situation actuelle en Ethiopie est tout sauf claire, et on peut considérer que ce pays est en proie à une guerre civile. Dans le cadre de la crise du Tigré, non seulement l'armée éthiopienne est intervenue, mais ce qui est aberrant, c'est que les autorités ont demandé du renfort à des régiments étrangers ! Ainsi, l'armée érythréenne est entrée en scène, a pillé des villages, détruit des camps, violé des femmes. Les circonstances qui prévalent aujourd'hui sont absolument terribles autant dans le Tigré que dans d'autres régions d'Ethiopie.
En Suisse, la pratique consiste à ne pas renvoyer les personnes lorsqu'il y a des risques de guerre ou des conflits déclarés dans leur pays ou encore quand le contexte politique est incertain. Il est évident que l'Ethiopie fait face à de gros problèmes en ce moment, et nous devons attendre que ceux-ci soient réglés avant de déterminer s'il est dangereux pour les gens qu'on expulse de rentrer chez eux ou pas. Actuellement, rien ne garantit que des requérants renvoyés ne vont pas disparaître, être emprisonnés ou même tués à leur arrivée en Ethiopie.
Nous devons nous révolter contre la situation qui sévit en Ethiopie, la façon dont les armées érythréenne et éthiopienne traitent la population du Tigré est scandaleuse, on ne peut pas permettre de renvoyer dans un Etat en guerre des personnes qui vivent en Suisse depuis de nombreuses années. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Yves de Matteis (Ve). Si l'urgence a été demandée - et acceptée - sur cette proposition de résolution, c'est parce que la pratique actuelle de notre canton peut avoir des conséquences désastreuses, voire fatales. Rappelons ici le cas de M. Tahir Tilmo dont les médias ont beaucoup parlé: malgré les préavis négatifs du Comité contre la torture de l'ONU, d'Amnesty International et d'autres organisations de lutte en faveur des droits humains, ce requérant a été expulsé de Suisse le 27 janvier dernier.
Que risque M. Tahir Tilmo dans son pays ? Ni plus ni moins ce qu'ont subi ses propres parents, tous deux emprisonnés et torturés avant de décéder quelques jours plus tard de leurs blessures. Emprisonnement arbitraire, torture, mort: est-il besoin d'aller plus loin ? En renvoyant M. Tahir Tilmo, le canton de Genève s'est rendu complice d'un acte qui pourrait avoir pour conséquences les plus graves violations des droits humains et surtout les plus irrévocables. Les sérieux manquements aux droits de l'homme en Ethiopie, documentés par Amnesty International et l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés, justifient à eux seuls cet objet.
Les jours précédant le refoulement de M. Tahir Tilmo, deux autres ressortissants du même Etat ont fait l'objet d'une suspension de renvoi dans le canton de Zurich. On aurait pu s'attendre à ce que la majorité du gouvernement de Genève, qui est également la capitale des droits humains, intercède courageusement en faveur de Tahir et renonce à collaborer à son expulsion, du moins dans l'immédiat; hélas, cela n'a pas été le cas. Le fait très concret que ses parents aient été incarcérés, torturés et soient décédés de leurs blessures éclaire d'un jour particulièrement sinistre ce qui semble être considéré par d'aucuns comme de simples rapports ou des statistiques.
A notre sens, cette proposition de résolution devrait être votée par toutes les personnes qui se perçoivent comme humanistes et qui prennent réellement au sérieux le rôle de Genève en tant que capitale des droits humains et hôte du Conseil des droits de l'homme de l'ONU. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Murat-Julian Alder (PLR). Vous me voyez navré d'interrompre cet exercice d'autoflagellation et l'enthousiasme qu'il suscite, mais j'aimerais rappeler que nous avons dans notre pays une Constitution fédérale de même qu'une constitution cantonale à Genève, que la Suisse est liée par de nombreux accords internationaux, que nous sommes les dépositaires des Conventions de Genève. A lire cette proposition de résolution, on a l'impression que rien de tout cela n'existe et que l'Assemblée fédérale devrait légiférer pour que la Suisse ne renvoie plus de requérants d'asile déboutés vers des zones de conflit. Mesdames et Messieurs, s'il vous plaît !
Mes préopinants, avec tout le respect qu'on leur doit, ne sont pas des experts internationaux en matière d'asile ni de droits de l'homme. L'exposé des motifs contient de nombreuses affirmations qui ne sont pas étayées par des sources officielles ni par des documents dûment établis à cette fin. Je rappelle qu'un parlement est là pour voter des lois, les budgets et les comptes de l'Etat, et non pour faire justice à la place de la justice, respectivement pour appliquer les règles à la place de l'administration.
Nous devons respecter le principe de séparation des pouvoirs s'agissant des invites à l'endroit du Conseil d'Etat. Quant à celles destinées à l'Assemblée fédérale, vous savez à quel point le PLR attache de l'importance au respect de la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons; les auteurs de cet objet ont des relais à Berne pour se plaindre de la situation s'ils estiment que la Suisse bafoue ses engagements internationaux.
Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, je ne comprends pas l'urgence qu'il y aurait à adopter ce texte sur le siège aujourd'hui; j'estime qu'au vu du sujet très important dont il traite, il mérite à tout le moins un examen sérieux et approfondi avec des auditions d'experts qui connaissent véritablement la situation telle qu'elle prévaut en Ethiopie et en Erythrée. Pour cette raison, Mesdames et Messieurs, je vous invite à renvoyer cette proposition de résolution pour traitement à la commission des Droits de l'Homme. Merci de votre attention.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Il ne s'agit point ici d'avis d'experts, mais d'une prise de position politique: il convient de proscrire les renvois forcés vers des pays qui bafouent les droits humains. Le président du gouvernement éthiopien lui-même admet que des violences sont perpétrées à l'encontre d'un certain nombre de ressortissants, des violences qui sont inacceptables. Alors nous dire aujourd'hui qu'avant de parler, il vaudrait mieux connaître la situation me paraît tout à fait déplacé - vous voudrez bien transmettre, Monsieur le président ! (Applaudissements.)
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, mes propos rejoindront ceux de notre collègue Murat Alder: entre ce qu'on lit dans les journaux et ce qui se passe réellement sur le terrain, il y a bien souvent un fossé. Pour m'être rendu à la fois en Erythrée et en Ethiopie, pays que je connais très bien l'un comme l'autre, je peux vous dire que tout ne correspond pas à ce qu'on entend dans les médias. Pour moi, il est plein de bon sens de renvoyer ce texte à la commission des Droits de l'Homme qui peut s'en saisir immédiatement, le traiter rapidement et revenir vers nous d'ici trois semaines, lors de notre prochaine plénière, pour que nous puissions toutes et tous prendre position sur la base d'éléments factuels. Merci.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, ce renvoi a suscité passablement d'émotion. Je prends note de la dernière intervention de Mme la députée Haller qui s'est exclamée: «Il n'est pas question ici d'avis d'experts.» Sous-entendu: les faits ne nous intéressent pas, il s'agit d'une prise de position politique - c'est-à-dire basée sur l'émotion -, il faut faire quelque chose, il faut déposer une résolution de la bonne conscience.
Bien sûr, nous sommes tous touchés lorsqu'il s'agit de renvoyer dans son pays une personne qui a sollicité l'asile chez nous et qui a été déboutée. Mais comme vous le savez, notre loi sur l'asile prévoit clairement sous quelles conditions un requérant peut obtenir l'asile; cette même loi précise également que les personnes déboutées de leur demande ne peuvent pas être expulsées si leur vie ou leur intégrité corporelle sont mises en danger dans le pays de destination.
Ce qu'on demande ici à l'Assemblée fédérale... Bon, je ne parle pas encore des invites destinées au Conseil d'Etat. Je veux bien y répondre une nouvelle fois, même si quatre questions écrites urgentes ont déjà été déposées sur le sujet. Au nom du Conseil d'Etat, j'ai répondu à l'ensemble de ces textes, donc vous devriez normalement avoir obtenu les explications nécessaires, mais si vous considérez devoir nous interpeller une fois de plus avec les mêmes interrogations, eh bien j'y répondrai encore.
Venons-en à la requête adressée à l'Assemblée fédérale: ce qui lui est demandé, c'est de s'impliquer dans un cas particulier. Or la question n'est pas de savoir si l'on peut renvoyer dans son pays une personne dont la vie, l'intégrité corporelle ou la liberté seraient mises en danger, la question est de savoir si dans le cas d'espèce, cela a été le cas et si à l'avenir, des ressortissants éthiopiens pourraient ne pas être renvoyés en fonction de l'interdiction qui figure déjà dans notre loi.
Le Conseil fédéral tout comme le Tribunal administratif fédéral travaillent avec des experts sur le terrain, donc lorsque quelqu'un se voit expulsé de Suisse et fait appel aux tribunaux, ce qui a été le cas ici, ce n'est pas un juge qui examine le dossier... Enfin si, mais le juge saisi de l'affaire examine tous les éléments qui sont régulièrement récoltés sur l'ensemble des pays dont les demandeurs d'asile en Suisse sont issus. Aussi, si le Tribunal administratif fédéral, après le SEM et le Conseil fédéral, estime qu'il n'y avait pas de risque à renvoyer cet individu en Ethiopie dans le cas particulier, il ne revient certainement pas à l'autorité cantonale, laquelle ne joue qu'un rôle d'exécution, de modifier cette appréciation et de lui substituer la sienne. Il va de soi que si nous avions eu connaissance d'éléments qui n'auraient pas été pris en considération au niveau fédéral, nous n'aurions pas pu mettre quelqu'un dans un avion et le renvoyer dans son pays; le cas échéant, nous aurions exigé une reconsidération de la situation. En l'occurrence, il n'y avait rien.
Je reviens maintenant aux questions qui ont été posées. Le ressortissant en question avait entamé une grève de la faim et le médecin avait demandé qu'il soit examiné aux Hôpitaux universitaires de Genève, ceci sans jamais que l'autorité administrative et encore moins politique genevoise n'ait à intervenir. Il a donc été transporté à l'hôpital où on a jugé qu'il ne présentait aucun problème de santé. Nous ne sommes jamais intervenus dans le processus, nous avons pris acte des différentes décisions. Si l'autorité médicale avait mis une anomalie en avant, bien évidemment que nous nous serions pliés à son avis, mais cela n'était absolument pas le cas.
Quant à l'intervention des forces de l'ordre, la personne a été transportée de manière tout à fait ordinaire par quelques policiers jusqu'à l'hôpital. Puis, c'est vrai, comme il y avait une manifestation devant les HUG, d'autres agents sont venus en renfort pour s'assurer que la manifestation ne pénètre pas dans l'établissement médical, rien de plus ! Il ne s'agissait pas de contrainte et il n'y a d'ailleurs eu aucune violence, Dieu merci, les choses se sont très bien passées. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que j'avais à dire sur ce dossier.
Le fait qu'une partie de l'Ethiopie soit en guerre - la région nord-est dont la personne considérée ne provenait pas, elle venait du Sud-Ouest - ne permet pas de retenir qu'il s'agit d'un pays dans lequel elle ne devait pas être renvoyée, appréciation qu'a pu formuler souverainement l'autorité administrative fédérale, confirmée ensuite par l'autorité judiciaire. On vous propose avec bon sens de soumettre cette proposition de résolution à la commission des Droits de l'Homme; si vous voulez aller au-delà de l'émotion et ne pas donner à l'Assemblée fédérale l'image d'une démarche purement émotionnelle, voire médiatique, je pense qu'il faudrait en effet un peu plus de sérieux dans l'établissement des faits. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi à la commission des Droits de l'Homme; je la mets aux voix.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 953 à la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) est rejeté par 48 non contre 41 oui.
Mise aux voix, la résolution 953 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat et à l'Assemblée fédérale par 47 oui contre 41 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Premier débat
Le président. Voici notre dernière urgence: le PL 12831-A. Nous sommes en catégorie II, quarante minutes, et la parole revient au rapporteur de majorité, M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. Ce projet de loi a été déposé le 23 novembre 2020 et étudié à la commission des affaires sociales les 1er et 8 décembre 2020 - si je communique ces dates, c'est pour retracer la chronologie des discussions. Il faut savoir qu'il ressemble énormément au PL 12723 qui avait été adopté par ce parlement, puis attaqué en référendum l'année passée. La votation a eu lieu il y a trois semaines, et la loi a été validée par 70% de la population genevoise.
La majorité de la commission des affaires sociales a décidé de refuser l'entrée en matière sur ce texte pour plusieurs raisons. En premier lieu, au mois de décembre dernier, cette même commission avait déposé et fait voter par notre Grand Conseil le PL 12836 ouvrant un crédit de 12 millions pour les plus précaires. Dans leur majorité, les commissaires pensent qu'il faudrait d'abord réaliser un bilan de ce dispositif afin de déterminer où on en est, quelles personnes ont pu en bénéficier.
Ensuite, la commission s'est dit qu'on ne pouvait pas approuver un projet de loi qui ressemble autant à une loi faisant l'objet d'un référendum, donc il fallait attendre la décision du peuple avant de se prononcer ou même d'en discuter. Voilà la deuxième raison qui nous a conduits à ne pas voter l'entrée en matière. Par ailleurs, il s'agit de clarifier le rôle de l'Hospice général dans la question de l'aide aux plus précarisés. Enfin, on attendait - et on attend toujours - du Conseil d'Etat qu'il présente plutôt lui un projet de loi d'aide aux personnes fragiles; le gouvernement avait plus d'une année pour revenir avec un nouveau texte, il ne l'a pas fait, c'est le parti socialiste qui a déposé ce projet de loi. C'est pour ces motifs que, dans sa majorité, la commission n'est pas entrée en matière sur le PL 12831. Merci beaucoup.
Mme Léna Strasser (S), rapporteuse de première minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, comme l'a dit mon préopinant, le peuple a voté à une large majorité la loi du Conseil d'Etat pour indemniser les travailleuses et travailleurs précaires, comprenant que des droits sont nécessaires pour celles et ceux qui ont perdu une partie, voire la totalité, de leurs revenus durant la première vague du covid-19, notamment s'ils ne sont pas éligibles aux différentes assurances sociales. Ce texte-ci reprend le même principe, cela a été souligné, mais en se focalisant sur la deuxième vague: il s'agit de donner à celles et ceux qui sortent des cases le droit à être indemnisés de manière digne.
La situation économique de nombre de nos concitoyennes et concitoyens est tendue, la crise a frappé fort un large pan de la population d'habitude en équilibre fragile. Déjà hors de la période liée à la pandémie, près de 25% des habitants en Suisse n'ont pas de quoi faire face à une dépense extraordinaire de 2500 francs; ces personnes-là n'arrivent pas à joindre les deux bouts lorsque leur salaire est amputé de 20%, surtout dans notre canton où le prix des loyers pèse grandement sur les revenus des ménages. Des milliers de gens occupent des emplois précaires - sur appel, irréguliers, sans protection. Dès lors, chaque événement imprévu, chaque crise impliquant ne serait-ce qu'une perte partielle de salaire a un impact énorme. Imaginez donc ce qui se passe lors d'une situation de l'ampleur de celle que nous connaissons aujourd'hui et qui dure; celle-ci plonge un nombre important de personnes dans une impasse économique pouvant rapidement se transformer en précarité sociale.
En ces temps difficiles, cette aide ponctuelle, prolongation de la mesure soutenue par le peuple, permettra à celles et ceux qui peuvent en bénéficier de rebondir, de reprendre leur souffle; elle permettra aux personnes ne touchant que 80% de leurs revenus et ayant un salaire plancher, à celles qui vivent de missions temporaires, aux acteurs culturels dont les statuts ne sont pas réglés et qui n'ont pas accès aux indemnités de leur secteur de ne pas sombrer, de tenir le choc après cette terrible année que nous venons de vivre. La population est sensible aux conditions de vie des gens passant entre les mailles du filet social et préconise de leur apporter un soutien digne. Je l'en remercie et j'espère que notre parlement saura écouter la voix populaire. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de deuxième minorité. Le présent projet de loi n'est pas une manière détournée de contourner la loi 12723. Celle-ci, confirmée lors de la votation du 7 mars par un score écrasant de 68,8%, n'instituait qu'une allocation unique pour les travailleurs précaires affectés lors de la première vague de la crise sanitaire. Avec la seconde vague, il devient indispensable d'ouvrir un nouveau volet afin d'aider les personnes en question, de leur offrir une indemnisation leur permettant de faire face à leurs charges; c'est aussi une manière d'ancrer dans la législation un droit pour ces gens à une forme de compensation du déficit de ressources qu'ils subissent dans ces circonstances.
Malheureusement, un autre texte a été présenté en alternative à ce projet de loi, à savoir le PL 12836 qui prétendait poursuivre les mêmes objectifs, mais sans fixer dans la loi le droit à une indemnisation pour les travailleurs précaires. Cependant, a posteriori, nous avons pris connaissance de son règlement d'application qui, lui, fixe des limites importantes au montant des aides possibles, ce qui confère un tout autre sens à cette loi 12836 et lui ôte son statut de substitut au présent projet de loi dont elle se réclamait précédemment.
De fait, le PL 12836 - enfin, la loi 12836, maintenant - masque ses ambitions sous les atours de la charité, une charité qui peut être généreuse, compatissante, mais aussi variable, susceptible d'arbitraire, d'exclusion ou de clientélisme; elle masque le déficit de couverture sociale pour un pan important de la société, elle empêche l'Etat d'assumer ouvertement les effets de la crise et entrave la mise en place formelle de droits pour les travailleuses et travailleurs précaires, pour les exclus de la sécurité sociale.
Que l'on ne nous fasse pas de mauvais procès, Mesdames et Messieurs les députés: nous ne rejetons pas la charité. Cela peut être une belle qualité, un bel instrument au bénéfice d'autrui, c'est un volet d'activité que nous apprécions à sa juste valeur. Ce que nous fustigeons, en revanche, c'est l'instrumentalisation de la charité pour se substituer à l'instauration de droits. En l'occurrence, par prudence ou à dessein, c'est bien ce qui s'est joué avec le tour de passe-passe consistant à substituer la loi 12836 au projet de loi dont nous sommes saisis ici.
Voter le PL 12831 ne fait pas double emploi. Ce projet de loi répond simplement à un autre impératif: il permet de faire face à la crise de longue haleine à laquelle nous sommes confrontés, il donne enfin une réponse du registre des politiques publiques à une problématique économique et sociale, un domaine où le caritatif n'a pas à intervenir en premier chef. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à le soutenir. (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs, ce projet de loi prévoit une indemnisation pour perte de revenus à hauteur de 100%, plafonnée à 4000 francs par mois. Le versement aurait lieu du mois de septembre jusqu'à la fin de la crise du covid. L'article 9, alinéa 3, stipule qu'en l'absence de justificatifs, il est possible de fixer l'indemnité sur la base d'une déclaration du bénéficiaire. L'article 14, alinéa 2, indique que tous les documents liés à l'exécution de la loi seront détruits au plus tard un an après le dépôt de la demande.
L'UDC ne soutient pas ce texte. Genève propose déjà un dispositif d'urgence qui couvre les besoins: il y a des aides pour le logement, pour la nourriture et même pour le paiement du loyer et des frais médicaux, ceci grâce au crédit de 12 millions que notre Grand Conseil a voté en automne dernier. Notre canton dispose de l'assistance sociale la plus généreuse du pays. De plus, les Genevois ont accepté une mesure similaire pour deux mois, de mi-mars à mi-mai. Ce projet de loi est déraisonnable: c'est une subvention accordée sans contrôle, anonymement, pour une durée non délimitée - et qui correspond au double de l'AVS ! Le groupe UDC ne le votera pas. Merci de votre attention.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, neuf mois, neuf longs mois se sont écoulés depuis le vote du Grand Conseil sur le projet de loi visant à indemniser les personnes précaires - je parle du PL 12723 -, le premier objet parlementaire revendiquant une compensation financière pour celles et ceux qui passent au travers des mailles du filet. Puis, il y a eu un référendum - le référendum de la honte ! - que la population genevoise a balayé le 7 mars dernier. Non seulement ils ont plébiscité ce texte et montré leur solidarité vis-à-vis des personnes les plus fragiles, mais avec 69% de oui, les Genevoises et les Genevois ont confirmé qu'il s'agissait d'un droit.
Pendant ces neuf mois, nous, les Vertes et les Verts, avec les autres membres de l'Alternative, avons déposé ce deuxième projet de loi, le PL 12831. Son parcours est également sinueux et ardu: l'urgence que nous avions demandée en novembre dernier n'a pas réuni de majorité, et le texte est parti à la commission des affaires sociales. Il y a été traité rapidement, des propositions alternatives ont été formulées. Un autre projet de loi portant un crédit de 12 millions s'est substitué au nôtre, mais tant qu'à faire, si cela répondait aux besoins des personnes précaires, pourquoi ne pas l'accepter ?
Aujourd'hui, l'heure est grave, des personnes sont encore dans le besoin. Chaque fois que nous reparlons des travailleuses et travailleurs précaires, les conditions sont différentes. La situation sanitaire ne s'améliore pas, voire empire. Nous sommes cernés par une troisième vague européenne qui ne s'arrêtera pas comme par magie à nos frontières. Nous faisons face à de nouveaux variants, et en dépit des campagnes de vaccination ou encore du dépistage massif, la crise économique et sociale s'aggrave. Les personnes déjà fragilisées il y a trois ou neuf mois sont encore plus endettées aujourd'hui. De surcroît, les pertes de revenus liées à la deuxième vague doivent maintenant être couvertes.
C'est la raison pour laquelle nous devons étendre le système d'indemnisation plébiscité par les Genevoises et les Genevois. En effet, face à des convois d'interdictions et de mesures sanitaires, la vie n'a pas repris son cours et ne le reprendra pas de sitôt. Les Vertes et les Verts entreront en matière sur ce projet de loi, puis le voteront avec toute leur conviction, parce qu'il s'agit de droits et non de charité, parce que les dispositifs d'aide déployés présentent encore des lacunes importantes, parce qu'il s'agit d'une indemnité pour perte de revenus, parce qu'il ne faut laisser personne au bord du chemin, parce qu'il y a urgence et parce que cela est juste, équitable et solidaire. Merci. (Applaudissements.)
Mme Véronique Kämpfen (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est quasiment un copier-coller de celui déposé au printemps passé sur l'indemnisation pour perte de revenus, qui a été soumis à référendum et adopté depuis en votation populaire. Dans l'intervalle, un changement majeur est intervenu: l'acceptation par notre Grand Conseil, le 4 décembre 2020, du PL 12836 visant à soutenir les organismes privés à but non lucratif oeuvrant en faveur des personnes en situation de précarité en lien avec la crise sanitaire du covid-19. Ce texte a précisément été pensé par la majorité de la commission des affaires sociales pour apporter une aide d'urgence aux personnes précarisées, quel que soit leur statut. Il avait pour but de remplacer efficacement le PL 12831 dont nous sommes saisis maintenant, ce qui a été le cas avec l'octroi immédiat d'un crédit de 12 millions de francs. C'est l'une des raisons principales pour lesquelles le PLR ne votera pas le présent projet de loi.
Une autre raison est qu'il comporte des points hautement sujets à caution. D'abord, pour obtenir la subvention - je cite l'article 9, alinéa 3 -, «le bénéficiaire doit prouver son revenu mensuel déterminant par des documents ou des faits. A défaut, le département peut exceptionnellement prendre en considération une déclaration signée du bénéficiaire, lorsque celle-ci paraît plausible». N'exiger aucune preuve tangible de perte de revenus avant d'accorder un soutien financier est à tout le moins discutable et ouvre grand la porte à d'éventuels abus.
De plus, et contrairement au texte soumis au vote populaire, il n'y a pas d'enveloppe globale. Pour rappel, 15 millions de francs avaient été budgétisés pour deux mois d'indemnités. Dans le projet de loi que nous traitons aujourd'hui, la durée de l'indemnisation court du 1er septembre 2020 à la fin de l'état de nécessité, avec la possibilité de solliciter l'allocation avant le 1er septembre, l'Etat étant prié de trier toutes les demandes. Au total, cela représente un budget d'au minimum 75 millions de francs, en comptant que la pandémie prenne fin en juin. Cette somme se cumulerait aux 15 millions de la loi adoptée en votation populaire il y a trois semaines et aux 12 millions à destination des associations caritatives, soit 102 millions.
A ce tarif et au vu de la durée du dispositif, le Conseil d'Etat ne devrait-il pas prendre le taureau par les cornes et modifier, même de façon passagère, les conditions d'entrée à l'Hospice général au lieu de se voir confronté à des couches et des couches de mille-feuille social où la vue d'ensemble n'est plus possible ? C'est ce qu'avait demandé la majorité de la commission des affaires sociales en refusant ce projet de loi le 8 décembre et c'est ce qu'a répété le rapporteur de majorité Bertrand Buchs en conclusion de son rapport lorsqu'il a pris la parole tout à l'heure. Le groupe PLR reste ouvert à une solution coordonnée et efficace, ce que ce projet de loi ne constitue pas. Nous le refuserons donc et vous invitons à faire de même. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, le 7 mars dernier, 70% de la population plébiscitait l'indemnisation pour perte de revenus liée aux mesures de lutte contre le coronavirus. Cette loi, combattue par référendum, offre une compensation financière unique correspondant à 80% de la perte de revenus sur la période s'étendant du 17 mars au 16 mai 2020. A peu près neuf mois après qu'elle a été votée par notre Grand Conseil et quelques jours suivant la votation populaire, elle va enfin entrer en vigueur et permettre d'aider les personnes qui ont subi une perte de revenus... au printemps 2020 !
Le projet de loi dont nous discutons en ce moment est le petit frère de ce premier texte que le peuple a massivement soutenu. Il part du constat que de nombreux travailleurs et travailleuses ont perdu des revenus, parfois jusqu'à 100%. Certains n'ont pas eu accès aux aides - RHT avec petit salaire, contrats à durée déterminée; pour d'autres, le montant des allocations pour perte de gains n'a pas permis de payer les charges; certaines personnes encore avaient des contrats de travail tandis que d'autres déclaraient uniquement des revenus via les impôts ou ne disposaient que de contrats oraux.
Ce projet de loi vise à stabiliser la situation des personnes précaires pour éviter qu'elles ne tombent dans la spirale du surendettement et vise, lui, la période du 1er septembre 2020, date d'arrêt des RHT, à la fin de l'état de nécessité. Lors des discussions en commission, le montant de l'indemnité a été calculé sur la base de la perte de revenus avec un plafond arrêté à 4000 francs par mois.
Mesdames et Messieurs, la pandémie a généré des conjonctures spécifiques et nous ne pouvons pas laisser les situations se dégrader. Une voix populaire forte a validé le principe d'indemnisation pour une catégorie de travailleurs et travailleuses précaires entre le 17 mars et le 16 mai 2020. La crise s'étant poursuivie, il est nécessaire de prolonger ce droit sur une plus longue période. D'aucuns invoqueront sans doute les 12 millions votés début décembre permettant à des associations de distribuer des fonds d'urgence. A notre sens, il ne faut pas opposer l'aide ponctuelle proposée par ces organismes à une indemnisation pour perte de revenus. Surtout, le non-recours à l'aide sociale, massif, continue, et la difficulté qu'éprouvent certaines personnes à s'adresser à une organisation pour y chercher de l'aide invite plutôt à multiplier les portes d'entrée et donc à soutenir ce projet de loi. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Madame Marjorie de Chastonay, vous avez la parole pour une minute onze.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Euh... je reprendrai la parole tout à l'heure, merci.
Le président. Tout à l'heure, c'est-à-dire ? Là, je vais la donner au rapporteur de majorité, donc si vous souhaitez vous exprimer, c'est maintenant.
Mme Marjorie de Chastonay. Alors je vais la prendre... (Remarque de M. Bertrand Buchs.)
Le président. Un instant, Monsieur Buchs ! Madame de Chastonay, vous voulez la parole ?
Mme Marjorie de Chastonay. Oui, s'il vous plaît, Monsieur le président.
Le président. Eh bien elle est à vous pour une minute onze.
Mme Marjorie de Chastonay. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, au vu des différentes prises de parole, les Vertes et les Verts constatent que notre parlement n'est pas tout à fait mûr pour voter ce projet de loi, et donc afin de trouver une majorité, mais surtout de dresser le bilan des deux lois précédentes, celle instituant une subvention de 12 millions et celle acceptée lors de la votation populaire du 7 mars, nous proposons le renvoi à la commission des affaires sociales.
Le président. Merci, Madame. Sur la demande de renvoi, je passe la parole aux rapporteurs, en commençant par M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Il y a un élément dont on doit tenir compte, c'est le vote populaire qui a eu lieu il y a trois semaines. Je rappelle les conclusions du rapport de majorité: certes, on peut discuter de ce projet de loi, mais il faut d'abord dresser un bilan quant à l'application d'une part de la loi validée par le peuple, d'autre part de la loi 12836 que nous avons adoptée au mois de décembre dernier. Si le présent texte retourne en commission, nous devrons l'amender, une discussion de fond devra être engagée. A ces conditions, je ne m'oppose pas à la proposition de renvoi.
Mme Léna Strasser (S), rapporteuse de première minorité. Le groupe socialiste soutiendra le renvoi en commission, ne serait-ce que pour évaluer la mise en oeuvre de l'autre loi. C'est un peu dommage, le calendrier n'est pas forcément idéal, mais on suivra cette proposition en espérant que les discussions seront sereines et que nous pourrons aller au fond du problème.
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de deuxième minorité. A un moment donné, il nous a été dit que la loi 12836 devait suppléer au présent projet de loi, nous savons maintenant que ce n'est pas le cas. Dès lors, il nous paraît judicieux de le renvoyer en commission pour mieux considérer l'ensemble des éléments constitutifs et tirer le bilan de la situation.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat s'en remet à votre appréciation en ce qui concerne le renvoi en commission, même s'il considère que ce projet de loi devra in fine être rejeté par votre parlement.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous procédons au vote sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12831 à la commission des affaires sociales est adopté par 50 oui contre 44 non.
Premier débat
Le président. Nous avons terminé les urgences et reprenons notre ordre du jour ordinaire: il appelle le traitement du PL 12310-A, classé en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. le député Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le travail de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil, qui a duré près de trois ans, a été assez conséquent et approfondi. Ce PL 12310, traité parallèlement au PL 12215 sur la transparence, soulève en effet des questions importantes sur le financement des campagnes électorales, le plafonnement des budgets de campagne, la provenance étrangère des fonds et l'information du corps électoral quant à ces différents aspects. Plusieurs entités auditionnées l'ont qualifié de novateur et d'original sur le plan suisse: aucun autre canton, à l'exception de Fribourg, n'a encore légiféré sur un tel objet alors même que l'OCDE a pointé du doigt la Suisse à plusieurs reprises quant à son retard dans ce domaine.
Ces différents aspects positifs ont été reconnus par l'ensemble des commissaires, puisque ceux-ci ont voté à l'unanimité l'entrée en matière, certains rappelant toutefois que ce vote ne préjugeait pas de la décision finale. La commission a par ailleurs souhaité que la sous-commission chargée de l'étude du PL 12215 se saisisse également, et en parallèle, du présent projet de loi. Si le PL 12215 a fait l'objet d'une adoption quasi unanime en commission, il n'en a pas été de même pour le PL 12310. D'aucuns ont regretté cette situation et le fait que la sous-commission ait consacré vingt séances de travail à ces deux textes; les majorités très serrées au sein de la sous-commission auraient certes pu sensibiliser les commissaires à l'équilibre très fragile des positions exprimées.
Le PL 12310 comporte trois défauts majeurs. Premièrement, le système de contrôle institué porte sur le budget de la campagne électorale pour le Grand Conseil et le Conseil d'Etat, en fixant un plafond. Or un budget de campagne est une projection, un schéma attendu qui ne correspond pas forcément aux résultats finaux des comptes, ceux-ci étant d'ailleurs produits quelques mois après les élections. Selon les auteurs du projet de loi, la référence au budget permettrait aux citoyens et citoyennes d'élire leurs représentants en sachant quelles étaient les sources de financement des partis. Deuxièmement, ce système de contrôle préélectoral nécessiterait l'engagement de forces de travail sporadiques, une fois tous les cinq ans, ce qui n'est pas possible, tant pour la chancellerie ou pour le service des votations et élections que pour la commission électorale centrale, faute de ressources humaines disponibles. En revanche, l'on doit à la vérité de signaler que la Cour des comptes aurait pu, selon ses dires, se charger de ce contrôle. Enfin, au-delà de son aspect inconstitutionnel quasi certain, la sanction proposée - enlever un certain nombre de sièges au parti pris en faute - présenterait le désavantage majeur, sur le plan démocratique, de trahir la volonté de l'électeur.
S'ajouterait à cela un travail administratif conséquent et lourd, particulièrement intrusif, dont la valeur ajoutée demeure incertaine. Ce projet de loi - et son auteur l'a clairement signifié à plusieurs reprises - est la conséquence directe des montants spectaculaires annoncés de façon tonitruante par le parti Genève en Marche, avec un résultat très inversement proportionnel dans les urnes, ce qui démontre bien que la population n'est pas dupe et que tout ce qui est excessif est finalement insignifiant.
Enfin, partant du principe qu'il n'est pas souhaitable de légiférer en raison d'un seul événement, qui ne s'est produit qu'une fois en deux siècles, je vous recommande, Mesdames les députées, Messieurs les députés, de refuser ce PL 12310 avec la même majorité que celle enregistrée en commission. Je vous remercie.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de première minorité. Je regrette que le rapporteur de majorité ait évoqué la suppression d'un certain nombre de sièges pour les partis qui ne respecteraient pas les dispositions prévues comme un exemple d'inconvénient résultant de ce projet de loi, puisque cette mesure n'existe plus dans le texte issu des travaux non seulement de la commission des droits politiques - elle a voté à l'unanimité l'entrée en matière - mais également de la sous-commission. Celle-ci lui a consacré des dizaines d'heures de travail qui ont abouti à un projet de loi - on le trouve aux pages 119 et 120 du rapport de minorité - bien éloigné de la proposition initiale de Pierre Vanek, qui était certes fougueuse et enthousiaste. Celle-ci avait quelques défauts, assurément, mais ces défauts ont été corrigés, limés: le projet de loi a été amélioré et il est de ce fait absurde d'invoquer les défauts du texte original, après des dizaines et des dizaines d'heures de séance, pour dire qu'il ne faut pas voter cet objet ! C'est pour ça que le rapporteur de minorité que je suis considère qu'il doit être renvoyé en commission: la fin en queue de poisson des travaux - à travers un refus du projet un peu en queue de poisson - mérite d'être corrigée par un renvoi en commission.
Ensuite, le rapporteur de majorité a dit, ce qui est tout à fait faux, que ce projet de loi serait un objet ad hominem, concernant une seule affaire: les dépenses excessives d'Eric Stauffer au début de cette législature - enfin, aux dernières élections - avec des fonds d'origine douteuse. Bien sûr que non ! L'article 29A de la loi sur l'exercice des droits politiques, qu'un autre projet de loi entend perfectionner, est issu des travaux de ce Grand Conseil au siècle dernier, sur la base d'un texte de l'Alliance de gauche déjà. Et déjà, nous avions alors envisagé l'introduction d'un plafonnement et l'amélioration de la transparence comme deuxième étape. A l'époque, des partisans du plafonnement se trouvaient aussi sur les bancs de l'Entente: Bernard Lescaze, rapporteur de minorité radical, était intervenu sur ce point en disant - je le cite, c'est dans le Mémorial: «A titre personnel, je regrette d'ailleurs que ce projet n'ait pas prévu d'ores et déjà la possibilité d'introduire un plafond [...].» Un député démocrate-chrétien avait également proposé qu'on aille dans le sens d'un plafond.
Ce projet de loi présente évidemment des avantages décisifs du point de vue de la transparence, qu'il veut instaurer au moment de la campagne électorale. Considérons la manière dont les choses se passent à l'heure actuelle, s'agissant de l'élection au Grand Conseil de 2023: les comptes effectivement consultables au moment de l'élection seront les comptes annuels des partis, déposés dans le délai légal de juin 2022 pour l'année 2021 - il y a donc un énorme décalage. Là, les comptes à rendre lors d'une campagne électorale sont plus ciblés: il y a l'obligation de déclarer un budget de campagne et de le respecter - une marge d'erreur peut être admissible - afin que les citoyens, au moment de l'élection, soient informés sur l'origine des fonds et sur les montants dépensés par les uns et par les autres. Il ne s'agit pas d'une proposition surprenante ou...
Le président. Vous parlez maintenant sur le temps de votre groupe.
M. Pierre Vanek. ...d'une élucubration gauchiste. C'est le Conseil de l'Europe, notamment son groupe de travail contre la corruption, le GRECO, qui a évoqué cette hypothèse: c'est l'un des moyens de lutter contre la corruption en politique et l'influence excessive de l'argent dans les campagnes électorales. Dans cette optique, le fait de dire «circulez, y a rien à voir», de vouloir jeter à la poubelle ces dizaines d'heures de travaux et les propositions faites sous le contrôle - du point de vue légistique, bien sûr - du directeur des affaires juridiques de la chancellerie pousse à se demander qui veut cacher quoi et pourquoi cet effort de transparence, cette avancée de la démocratie genevoise devraient être écartés.
Mesdames et Messieurs, mon rapport de minorité conclut sur le fait que le refus de ce projet de loi en commission était un dérapage qui peut être corrigé par un renvoi en commission. Certes, le texte contient sans doute encore des défauts qui peuvent être améliorés - quelqu'un voudrait élever le plafond, et d'autres propositions existent -, je vous propose donc formellement, Mesdames et Messieurs, de renvoyer ce projet de loi à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil pour terminer le travail: il a été bien commencé, mais il doit être mené à terme.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de première minorité. Vous avez été entendu et je vais donc demander l'avis des autres rapporteurs sur le renvoi en commission, en commençant par M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, les travaux ont été conséquents; cela a été rappelé tant par le rapporteur de minorité que lors de ma première intervention ! Plus de vingt heures y ont été consacrées en sous-commission, sans compter les heures passées en commission. Je pense qu'on ne peut pas reprocher à la commission d'avoir mal fait son travail: tous les aspects ont été évoqués. Je m'étonne d'ailleurs que les déclarations actuelles de M. Vanek ne correspondent pas tout à fait à celles qu'il a rédigées dans son rapport de minorité. Je m'oppose donc au renvoi en commission. Je vous remercie.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs, je vais uniquement me prononcer, dans un premier temps, sur le renvoi en commission. Je soutiens tout ce qui a été dit par le rapporteur de première minorité; j'ajouterai juste deux éléments nouveaux, apparus depuis que le rapport a été déposé. Le premier, c'est qu'on a renvoyé le PL 12215 à la commission des droits politiques pour refaire un peu les travaux. Comme vous le savez, les problématiques sont liées: le PL 12215 concerne le financement général des partis et leur transparence alors qu'ici, avec ce projet de loi, on se prononce sur le financement des campagnes politiques. Je pense que les deux éléments sont imbriqués et que c'est mieux de les considérer ensemble.
L'autre aspect nouveau que j'ai relevé, je l'ai trouvé dans «Le Courrier» du jeudi 4 mars, dans un article extrêmement intéressant, dont le chapeau est: «Une majorité, alliant la gauche au PLR et au PVL, veut faire la lumière sur le financement de la politique.» Et qu'est-ce qu'on y lit ? Qu'on veut aussi faire la lumière, à Berne, sur le financement des campagnes politiques: «Les comités menant une campagne de votation ou d'élection en feraient de même, dès que leur budget dépasse 50 000 francs.» Vous voyez donc que...
Le président. Sur le renvoi, s'il vous plaît !
M. Pierre Eckert. ...le financement des campagnes intéresse aussi au niveau fédéral. C'est pourquoi, au vu de ces éléments nouveaux, je recommande le renvoi de ce projet de loi à la commission des droits politiques.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat ne s'exprimant pas sur cette demande de renvoi en commission, nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12310 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est adopté par 50 oui contre 46 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Premier débat
Le président. Nous passons maintenant à deux objets liés, les PL 12406-A et PL 12422-A, que nous traiterons en catégorie II, quarante minutes. Je donne la parole à M. Pierre Eckert, rapporteur de majorité sur le PL 12406-A.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je ne vais pas dire grand-chose sur ce projet de loi puisque celui déposé par le parti socialiste, le PL 12422, est plus intéressant. On voit bien que le PL 12406, qui demande l'incompatibilité entre le mandat de conseiller administratif en Ville de Genève et celui de conseiller national ou de conseiller aux Etats, est uniquement une lex Barazzone. Nous pensons que c'est extrêmement restrictif et extrêmement... comment dire... Nous préférons que l'ensemble de cette problématique d'incompatibilité soit regardée sous un aspect plus général, et je reprendrai la parole au moment où nous traiterons le projet de loi du parti socialiste. En attendant, je vous recommande de refuser le texte dont nous parlons ici, le PL 12406-A.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. Je donne la parole au rapporteur de minorité, M. Christian Flury, toujours sur le PL 12406-A.
M. Christian Flury (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je vais me prononcer sur les deux objets. Ces deux projets de lois visent simplement à rendre incompatibles les fonctions électives de conseiller municipal dans les communes de plus de 10 000 habitants avec celle de député au Grand Conseil, et celle de conseiller administratif avec celle de député au Grand Conseil, des mandats fédéraux ou un emploi dans l'administration de sa commune. Les auditions auxquelles la commission a procédé ont mis en évidence qu'il s'agissait essentiellement de questions d'organisation personnelle et d'agenda, subsidiairement d'écarter de potentiels conflits de compétence ou d'intérêts.
Des députés qui sont également maires dans leur commune nous ont expliqué qu'ils arrivent à harmoniser les contraintes de leurs divers horaires. D'autres députés qui sont aussi engagés dans des Conseils municipaux y parviennent également. Demeurent réservées les contraintes spécifiques de la Ville de Genève, dont les conseillers municipaux ont un emploi du temps quasiment aussi chargé que celui d'un député, avec régulièrement des collisions de séances. En l'absence de conseillers municipaux suppléants, les députés titulaires d'un double mandat privilégient alors leur présence au Conseil municipal de la Ville.
Quant au cumul des fonctions de conseiller administratif en Ville de Genève et de conseiller national à Berne, en mettant bout à bout les impacts-temps, nous obtenons un équivalent temps plein de l'ordre de 190% - pratiquement une occupation correspondant à deux emplois pleins en parallèle. La surcharge de travail et le surmenage qui en résultent ont notamment conduit à des erreurs dans l'utilisation de cartes de crédit. Par décence, nous n'aborderons pas ici l'aspect rémunératoire du cumul de ces deux mandats: 300 000 francs pour le Conseil administratif de la Ville et 180 000 francs au Conseil national. Est-ce l'image que le monde politique veut donner à la population ? (Un instant s'écoule.)
Le président. Merci...
M. Christian Flury. Mentionnons encore, à titre d'exemple, un conseiller administratif d'une commune genevoise qui est à la fois conseiller administratif, député et président de l'Association des communes genevoises.
Enfin, beaucoup de partis peinent à trouver, dans les communes, des personnes disposées à s'engager en politique, ce qui peut effectivement conduire à des cumuls de mandats. Il ne faut pas pénaliser ces partis, mais les titulaires d'un double mandat devraient cependant rester marginaux. Fort de ces explications, le groupe MCG vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir son projet de loi, le PL 12406, et à rejeter le PL 12422. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Je passe maintenant la parole au rapporteur de majorité sur le PL 12422-A, M. Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, le projet de loi dont il est question ici tente de résoudre le problème des incompatibilités, en particulier les situations susceptibles d'être qualifiées comme telles, entre les fonctions d'élus au niveau des communes et celles d'élus sur le plan cantonal. Les commissaires ont eu l'opportunité d'entendre notamment deux anciens constituants - mais également et surtout professeurs de droit - comme d'ailleurs au moins quatre magistrats et magistrates de communes exerçant une fonction au sein de notre Grand Conseil.
A l'issue de débats fouillés et constructifs, la majorité de la commission s'est focalisée sur deux points: la fonction et la personne de l'élu, ainsi que l'aspect général et abstrait que doit revêtir n'importe quelle disposition légale. Quant au premier point, la majorité s'est refusée à ne prendre en compte que la fonction exercée in abstracto, mais a tenu à différencier cet exercice au regard de la personne qui l'exerce. On ne saurait en effet édicter les mêmes règles pour des personnes qui ont plus ou moins de disponibilités. Une règle générale ne peut pas s'appliquer indifféremment et sans nuances à des personnes élues qui seraient mariées - avec ou sans enfants -, retraitées, étudiantes, sans profession ou autres. Leur emploi du temps n'est pas le même, pas plus que leurs disponibilités. Au fil des débats et des auditions, ce sont essentiellement des problèmes de disponibilité en temps et d'agendas surchargés qui sont apparus. Or, selon la majorité, ces aspects doivent être laissés à la libre appréciation et à la responsabilité civique et citoyenne de celui qui aspire à une telle fonction.
S'agissant du deuxième point, les commissaires de la majorité ont relevé à plusieurs reprises que ce projet de loi était sous-tendu par la survenance de cas particuliers et ont dès lors refusé de légiférer dans un tel cadre. La majorité a également estimé injuste la limite de 10 000 habitants imposée par le texte, la jugeant purement arbitraire et inéquitable.
Cela étant, même si juridiquement et constitutionnellement les incompatibilités voulues par le projet de loi sont possibles, la majorité, pour les raisons que je viens d'évoquer, a rejeté cet objet et vous invite, Mesdames les députées, Messieurs les députés, à faire de même. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de majorité. La parole va au rapporteur de minorité sur le PL 12422-A, M. le député Diego Esteban.
M. Diego Esteban (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, si les travaux en commission ont débuté de manière prometteuse, ils se sont achevés de manière décevante. Un accord semblait en effet se dessiner sur le fait que la Constituante avait été trop timide au sujet des incompatibilités, mais une majorité a finalement décidé de ne rien faire de ce projet de loi, malgré une entrée en matière nettement acquise.
Il faut rappeler que le peuple a adopté en 2009, à une écrasante majorité, la lex Cramer qui interdit le cumul de fonctions électives cantonales et fédérales. Un véritable plébiscite en faveur de notre système de milice, car l'on voyait déjà, à l'époque, le cumul des mandats comme favorisant de manière inacceptable la professionnalisation de la politique et, inévitablement, l'éloignement des élus du reste de la population.
Le cumul des mandats électifs communaux avec le Grand Conseil, respectivement l'Assemblée fédérale, reste en revanche toujours permis à Genève. Ce qui est curieux, car tous les arguments qui plaidaient contre le cumul entre canton et Confédération en 2009 restent tout aussi pertinents s'agissant des autres cumuls. En effet, et je rappelle par exemple l'article 17 de la LOIDP, être simultanément membre de l'instance de contrôle et de l'instance contrôlée favorise les conflits d'intérêts. Pourquoi le raisonnement devrait-il être différent lorsque des députés qui siègent dans un Conseil administratif peuvent participer à la révision de la LAC ou de la LRT - en d'autres termes, de l'ensemble des règles qui définissent les compétences des communes -, parfois jusqu'au sein de la commission des affaires communales ?
On accuse ce projet de loi de décourager les vocations, mais les mandats électifs ne sont pas des pièces de collection; il faut savoir organiser ses priorités. Le problème, c'est qu'un système qui admet des cumuls dévalorise les mandats concernés. Bon nombre d'élus dans les Conseils administratifs que la commission a auditionnés ont relevé qu'il serait inimaginable de devoir s'absenter pour trois semaines, plusieurs fois par an, pour siéger à l'Assemblée fédérale. Et l'Assemblée fédérale, parlons-en: selon une étude de l'Université de Genève datant de 2017, le taux d'activité médian des membres du Conseil national est de 71% et même de 87% pour les membres du Conseil des Etats.
Siéger au sein d'un Conseil administratif est aussi une charge lourde, et ce n'est pas celui de Collex-Bossy qui me contredira: l'intégralité de ses membres a démissionné pour cause de surcharge de travail au cours de la dernière législature. Cumuler ce mandat avec celui de député implique de faire des choix et de renoncer à une partie des charges de l'une ou l'autre fonction, voire des deux. Cela veut dire, par exemple, renoncer à représenter sa commune à certaines séances de l'ACG ou être moins présent dans les commissions parlementaires. L'on a vite tendance à oublier que ces absences sont au final compensées par les efforts des autres membres du Conseil administratif, respectivement du groupe parlementaire.
Je pourrais mentionner d'autres éléments encore, comme les trop nombreuses fois où des élus qui cumulent des fonctions profitent de la disponibilité de députées suppléantes et de députés suppléants pour privilégier leur mandat communal plutôt que de laisser leur siège à une personne plus disponible et certainement plus motivée. Il n'en reste pas moins que le cumul des mandats menace la démocratie de milice et la séparation des pouvoirs, favorise les conflits d'intérêts et alourdit la charge de travail d'élus souvent déjà débordés.
Plusieurs élus qui cumulent le Grand Conseil et un mandat communal nous ont fait part de la difficulté d'accéder aux informations concernant leur commune. Si l'on peut déplorer un accès à l'information trop limité, un renforcement des mécanismes de consultation de la LAC est nettement plus pertinent que de pratiquer le cumul des mandats. Si c'est à ces extrémités que l'on pousse les élus dans les communes, c'est que nous avons atteint les limites du système.
La minorité ne saurait se contenter du statu quo, raison pour laquelle je vous enjoins d'accepter l'entrée en matière sur le PL 12422. Si vous l'acceptez, je demanderai le renvoi de ce projet de loi en commission afin que les amendements puissent être discutés avec attention.
M. Patrick Dimier (MCG). L'incompatibilité: on parle, pour une fois, d'incompatibilité institutionnelle, parce que les incompatibilités sont fréquentes dans ce parlement et dans le monde politique en général. Je suis assez d'accord avec mon préopinant et il faut peut-être bien renvoyer ce projet de loi en commission. Merci.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va à M. le député Patrick Lussi. (Un instant s'écoule.)
Une voix. Patrick !
Le président. Monsieur Patrick Lussi, c'est à vous !
M. Patrick Lussi (UDC). Excusez-moi, Monsieur le président, j'étais sur une demande de renvoi en commission: c'est pour ça que je n'ai pas réagi tout à fait immédiatement.
Le président. Je n'ai pas très bien compris: vous demandez le renvoi en commission ? (Un instant s'écoule.) Vous demandez le renvoi en commission ? (Commentaires.)
M. Patrick Lussi. Ah, ce n'est pas à moi de m'exprimer sur le renvoi en commission, mais je pense que je suis d'accord ! Merci.
M. Pierre Vanek (EAG). Rapidement, Monsieur le président: nous ne nous opposerons pas au renvoi en commission du texte du parti socialiste, le PL 12422. Nous nous étions abstenus lors du vote final puisque l'état du projet pose un certain nombre de problèmes, mais on peut en effet continuer à en discuter.
Par contre - j'en viens à l'autre objet - le PL 12406 nous semble frappé au coin du bon sens ! Il est tout simple: il dit que les conseillers administratifs de la Ville de Genève ne peuvent pas, en même temps, aller faire le conseiller national ou le conseiller aux Etats. C'est une impossibilité matérielle, une surcharge évidente qu'il faut proscrire. Ce n'est bien sûr pas une loi ad hominem: le cas de Guillaume Barazzone est réglé, on le sait - il l'a réglé comme il a pu -, mais pour des raisons évidentes, ce n'est pas une bonne idée de cumuler ces deux mandats-là. L'article 103 de la constitution proscrit notamment le fait que les membres du Conseil d'Etat puissent exercer un mandat électif fédéral; raisonnablement, et on peut discuter de cette situation et des raisons qui l'expliquent, la charge des conseillers administratifs en Ville de Genève s'apparente à celle des conseillers d'Etat. Ils sont chargés, du point de vue exécutif, d'une commune qui représente la moitié du canton, mais sont cinq et non sept; logiquement, aller quatre fois par an à Berne faire l'élu fédéral durant trois semaines, ce n'est pas raisonnable ! Il y a donc là une réponse concrète à un problème concret qui est posé, nous avons soutenu ce projet de loi et nous continuerons à le soutenir.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je relève juste que M. le rapporteur de minorité sur le PL 12422-A a annoncé qu'il demanderait le renvoi en commission une fois l'entrée en matière acceptée. A ce moment-là, je demanderai aux rapporteurs de se prononcer sur le renvoi en commission; pour l'instant, le débat continue et je donne la parole à M. le député Daniel Sormanni.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous rappeler que nombre de conseillers d'Etat, il y a quelques années, siégeaient effectivement à Berne, au Conseil national et au Conseil des Etats ! Il est assez curieux de voir que les partis qui maintenant, subitement, demandent des incompatibilités maximum, je dirais, sont ceux qui justement trustaient ces sièges ! Les Verts et le parti socialiste en particulier.
Il est donc vrai que les temps ont changé, mais c'est précisément pour ça que j'ai déposé le PL 12406. Il vise effectivement une fonction importante, qui est un emploi à plein temps: conseiller administratif de la Ville de Genève. Au même titre que les conseillers d'Etat, ces élus n'ont pas non plus à cumuler leur charge et un mandat à Berne, aux Chambres fédérales. C'est pourquoi je pense qu'il est parfaitement logique de voter ce projet de loi, même si aujourd'hui le cas ne se présente plus puisque, en l'occurrence, l'élu, qui n'était pas visé personnellement, a démissionné de tous ses mandats. Il me semble que c'était assez logique: ce n'était pas normal d'exercer ces deux fonctions, qui sont deux fonctions pratiquement à plein temps. Le rapporteur, M. Flury, a démontré tout à l'heure que ça représente pratiquement 190% de temps, soit quasiment deux mandats à plein temps. Il est donc parfaitement logique de voter ce projet de loi !
S'il est logique de créer des incompatibilités entre les exécutifs et le législatif, ça ne l'est pas d'étendre ces incompatibilités: on veut créer des incompatibilités entre les conseillers municipaux et les députés alors que, je le rappelle, ce n'est pas du tout de la même nature ! Ce n'est pas du tout de la même nature ! Un Conseil municipal, ce n'est d'ailleurs même pas un parlement: c'est un délibératif avec des pouvoirs, je pense, extrêmement restreints. Cumuler un «petit» Conseil municipal - je mets ça entre guillemets, je suis concerné alors j'utilise le terme tout à fait dans un bon sens - et un mandat de député, ça n'a rien à voir: ce ne sont pas des fonctions à temps complet. Il s'agit de fonctions de milice qui peuvent absolument être assumées en parallèle pour ceux qui ont le temps de le faire. Je crois qu'avoir deux mandats de milice législatifs, ce n'est pas la même chose qu'avoir deux mandats professionnels de conseiller administratif ou de conseiller d'Etat - ce problème est maintenant réglé - et autre.
C'est pourquoi le MCG vous recommande bien sûr de voter le PL 12406, qui vise à rendre incompatible une fonction de conseiller administratif en Ville de Genève avec un mandat aux Chambres fédérales, parce que le cas peut se représenter demain, et de refuser le PL 12422, car il est excessif. Merci.
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, je m'exprimerai en premier lieu sur le PL 12406-A et ensuite sur le PL 12422-A. Dans les deux cas, le groupe libéral-radical vous recommandera de refuser l'entrée en matière. S'agissant du PL 12406, c'est un texte qui propose une incompatibilité entre la fonction de conseiller administratif en Ville de Genève et celle d'élu aux Chambres fédérales. D'abord sur le fond: sur le fond, Monsieur le président, nous considérons que les villes ont aujourd'hui, de plus en plus, une réalité politique spécifique et doivent pouvoir être clairement représentées au niveau fédéral. Dès lors, quoi de plus utile qu'un conseiller administratif d'une ville comme Genève qui occupe également une fonction élective aux Chambres fédérales ? Sur le fond, cela ne nous apparaît donc pas comme une incompatibilité, mais plutôt comme une nécessité, dans certains cas, pour mieux articuler la réalité des villes et la réalité fédérale.
Maintenant sur la forme: je rigole, parce que j'entends des gens autour de moi me dire que quand ils ont fait leurs huit heures, ils ne peuvent pas faire plus ! Peut-être pas, pour certains, mais je pense que la grande majorité des élus fédéraux sont des indépendants ou des salariés qui s'arrangent avec leur employeur pour pouvoir effectivement cumuler, dans le cadre de la répartition de leur temps, leur mandat électif et leur activité professionnelle. Je vous rappelle que les élus fédéraux sont des miliciens et non des gens qui ont une double fonction avec un double revenu, et cet arrangement-là me paraît tout à fait possible. De même qu'il est parfaitement possible pour un conseiller administratif, fût-il considéré comme étant à plein temps - je me demande ce qu'est un plein temps pour un magistrat, il ne se limite certainement pas à quarante heures par semaine -, de s'organiser, surtout avec les moyens de communication modernes, pour être apparemment dans son bureau mais en réalité dans la salle des pas perdus à Berne. Il n'y a donc là non plus, sur la forme, aucune raison d'accepter une incompatibilité.
Et permettez-moi quand même de le dire: vouloir faire une loi spécifique - une lex Barazzone - parce que ça déplaisait à certains d'avoir un M. Barazzone qui était à la fois à Genève et à Berne, ça a quelque chose d'inacceptable. Voilà donc les arguments pour lesquels nous vous invitons à nous suivre et à refuser l'entrée en matière sur le PL 12406.
S'agissant maintenant du PL 12422, il traite également des incompatibilités. Il vise premièrement à rendre incompatible une fonction de conseiller municipal avec une fonction d'élu au Grand Conseil. Mais je reprends exactement les mêmes arguments: il est aujourd'hui essentiel que notre parlement ne travaille pas en silo, mais que nous puissions au contraire travailler en articulation avec les réalités communales ! On n'a évidemment pas besoin de multiplier le nombre de fonctions et que tous les conseillers municipaux siègent dans notre enceinte, mais il est néanmoins extrêmement important que la réalité municipale, celle qui finalement est la plus proche de la réalité populaire, soit effectivement représentée dans notre enceinte. Alors non: rejetons fermement cette incompatibilité.
Deuxièmement, le PL 12422 vise à rendre incompatible le mandat de membre d'un exécutif communal avec une fonction élective au niveau fédéral ou au niveau cantonal. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Là encore, Monsieur le président, la grande majorité des communes a des exécutifs qui ont toute leur place dans notre enceinte notamment, et ce pour les mêmes raisons que j'évoquais tout à l'heure avec le PL 12406. Finalement, c'est une autre manière de le dire, il est nécessaire d'offrir la possibilité aux exécutifs communaux d'être aussi élus à Berne.
Pour ces raisons-là, nous vous invitons à également rejeter le PL 12422 et évidemment, parce que nous travaillons sur ces objets depuis plusieurs années, à refuser le renvoi en commission. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Thierry Cerutti pour vingt secondes. (Un instant s'écoule.) Vingt secondes, Monsieur Cerutti !
M. Thierry Cerutti (MCG). Vingt secondes - merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ces vingt secondes suffiront pour dire que je suis à 100% d'accord avec les propos de notre collègue Pierre Conne. Il a exprimé exactement ma pensée et le fond de ce que je voulais dire par rapport à ces deux projets de lois. Merci.
Le président. Comme il s'est exprimé sur les deux, je pense que vous faisiez référence au PL 12422-A ?
M. Thierry Cerutti. Exactement.
M. Diego Esteban (S), rapporteur de minorité. Permettez quelques mots au sujet du PL 12406-A. Pour le groupe socialiste, les règles régissant les incompatibilités sont insuffisantes pour garantir le bon fonctionnement de notre système démocratique et de nos institutions. C'est justement pour cette raison que nous avons déposé le PL 12422, que nous abordons en parallèle. Une différence de fond majeure distingue toutefois les deux textes: il s'agirait ici de légiférer uniquement pour la Ville de Genève. Pour cette raison déjà, notre groupe refusera l'entrée en matière, car nous sommes attachés à l'égalité de traitement entre les communes. Combattre le cumul des mandats, oui, mais pas dans une seule des quarante-cinq communes genevoises.
Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe.
M. Diego Esteban. Par ailleurs, les incompatibilités concernant les mandats électifs figurent toutes dans la constitution et ce projet de loi propose d'utiliser la fin d'un alinéa de l'article 142 pour modifier un élément notable de notre système démocratique par le biais de la LAC. Nous sommes d'avis que cet enjeu mérite un ancrage dans la loi fondamentale et mérite à ce titre un vote populaire, comme en 2009. Pour toutes ces raisons, nous refuserons l'entrée en matière sur le PL 12406-A et vous invitons à en faire de même.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de majorité. Tout ce qu'il fallait dire du PL 12406 a été dit. Nous le refuserons, non parce que nous soutenons le fait qu'on puisse à la fois être conseiller administratif et représentant aux Chambres fédérales, mais simplement, comme vient de l'indiquer le rapporteur, M. Esteban, il faut inclure cette incompatibilité dans un principe plus général. C'est pourquoi nous refuserons le PL 12406 et entrerons en matière sur le PL 12422. Nous pensons toutefois que ce projet de loi mérite quelques aménagements et nous soutiendrons par conséquent le renvoi en commission.
Maintenant, j'aimerais exposer une ou deux considérations sur les incompatibilités. Celles-ci peuvent revêtir, à notre sens, trois aspects. Le premier, c'est l'aspect de l'incompatibilité de temps, ou de disponibilité; on l'a déjà évoqué un certain nombre de fois. Je pense que les citoyennes et les citoyens peuvent quand même attendre d'une personne qui a été élue qu'elle se consacre entièrement à sa tâche et ne se disperse pas trop, sur plusieurs champs de bataille.
La deuxième question qui peut se poser est celle du conflit d'intérêts. Les intérêts d'une commune ne sont pas forcément ceux du canton, et on le voit assez souvent dans cet hémicycle. On nous rétorquera que c'est très bien de défendre des intérêts très locaux sans siéger dans un délibératif, mais que cela aide quand même d'en faire partie. On met aussi en avant la fluidité de passage d'une instance à l'autre, c'est-à-dire l'aisance à porter des dossiers d'un niveau à l'autre. Nous pensons qu'il s'agit d'une justification ad hoc et qu'il existe bien d'autres moyens d'assurer cette fluidité. Cet aspect pose donc à notre sens quand même partiellement un problème, ce problème de conflit d'intérêts potentiel.
Enfin, l'aspect qui nous concerne plus spécifiquement, chez les Verts, c'est la distribution aussi large que possible des tâches dans un parti. Nous nous sommes fixé cette règle - nous l'avons adoptée - et c'est pourquoi nous soutenons cette approche: elle évite la concentration du pouvoir, voire de l'information. Quand des élus siègent dans plusieurs instances, l'information est en effet souvent concentrée sur les mêmes personnes. Nous ne soutenons donc pas ce cumul, bien que nous souhaitions qu'on puisse faire preuve d'un peu de souplesse - c'est prévu dans les statuts des Verts et c'est ce qui manque dans le PL 12422. Des exceptions pourraient par exemple être admises pour des députés suppléants ou pour terminer un mandat; nous défendons aussi la possibilité d'aller au bout d'un mandat. C'est pourquoi nous vous proposerons un certain nombre d'amendements si l'entrée en matière sur ce projet de loi est acceptée. Mais comme il s'agit, on l'a dit, d'un changement constitutionnel...
Le président. Vous parlez désormais sur le temps de votre groupe.
M. Pierre Eckert. ...nous préférerions que ces amendements soient discutés en commission. Je vous remercie.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC), rapporteur de majorité. Je suis désolé, Monsieur le président, j'aurais aimé intervenir sur le PL 12406, pour lequel je n'ai pas pu faire part de la position de mon groupe. Je crains d'ailleurs que le fait d'avoir lié ces deux objets n'amène une certaine confusion. Est-ce que vous m'autorisez à intervenir sur le PL 12406 ?
Le président. Mais bien sûr, faites ! Ils sont liés.
M. Jean-Marc Guinchard. Vous êtes bien aimable, je vous remercie. J'aimerais souligner en premier lieu qu'un conseiller administratif de la Ville de Genève dispose d'un état-major bien construit et de collaborateurs qui connaissent extrêmement bien leurs activités. Sur le plan fédéral, un conseiller national peut s'adjoindre l'aide d'un assistant parlementaire. J'ajoute que certaines personnes ont des capacités de travail hors du commun et qu'elles arrivent parfaitement à gérer cette double situation, qui n'est pas unique à Genève, notamment grâce aux moyens de communication modernes. Preuve en est d'ailleurs que dans le double mandat qu'il exerçait à l'époque, M. Barazzone a démontré de manière non contestable que ses activités, tant à Genève qu'à Berne, ont été bien fournies et efficaces.
Enfin, j'énoncerai un dernier argument au nom de mon groupe. Je rappelle que la tâche de conseiller administratif ou de maire d'une grande commune représente un travail très important; je ne vois pas pourquoi on fait une distinction en ne légiférant que pour les gens de la Ville de Genève. Je vous remercie et j'interviendrai à nouveau comme rapporteur du PL 12422-A plus tard.
Le président. C'est-à-dire ? Parce que nous sommes arrivés à la fin des débats: la parole n'est plus demandée. Et vous voulez revenir comme rapporteur sur le PL 12422-A ? Mais vous êtes déjà le rapporteur sur cet objet !
M. Jean-Marc Guinchard. Je ne vous ai pas entendu, Monsieur le président.
Le président. Vous venez de dire que vous interviendriez plus tard ! Il n'y a plus d'inscrits et nous allons passer en procédure de vote !
M. Jean-Marc Guinchard. Très bien.
Le président. Très bien. La parole n'étant plus... (Remarque.) La parole est demandée par M. le député Pierre Eckert.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Juste pour que ce soit clair: nous demandons le vote immédiat du PL 12406-A et le renvoi en commission du PL 12422-A.
Le président. Vous surenchérissez ainsi sur la proposition de M. Diego Esteban, qui a déjà annoncé qu'il demanderait le renvoi après l'entrée en matière. Je vais donc en rester à la demande de M. Esteban et ne pas vous faire voter maintenant sur le renvoi en commission.
M. Pierre Eckert. Très bien.
Le président. Nous commençons par le vote d'entrée en matière sur le PL 12406-A.
Mis aux voix, le projet de loi 12406 est rejeté en premier débat par 73 non contre 20 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12422 est rejeté en premier débat par 52 non contre 39 oui.
Le président. Nous faisons une pause de vingt minutes, je vous donne rendez-vous à 18h10.
La séance est levée à 17h50.