République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 2108-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition en faveur du maintien des arbres lors de la construction d'un immeuble rue René-Jollien 9-11, à Confignon
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 25 et 26 mars 2021.
Rapport de M. Jean Romain (PLR)

Débat

Le président. Nous passons à la P 2108-A. Le rapport est de M. Jean Romain, à qui je cède la parole.

M. Jean Romain (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. D'aucuns estimeront que nous avons traité cette pétition un peu rapidement, et je ne peux pas leur donner tort, nous aurions pu évidemment auditionner bien du monde. Le problème, c'est que nous sommes soumis à un délai très serré qui court jusqu'au 16 avril, et l'ordre du jour des deux lundis d'affilée où nous nous réunissons est déjà complet, donc nous ne pouvons pas entendre ne serait-ce que le conseiller d'Etat.

Chers collègues, l'heure est venue de cesser le massacre arboricole à Genève, et il y a un PLQ à respecter. On nous dit que ce PLQ prévoyait de conserver les arbres, de construire un bâtiment modeste d'une façade de 22 mètres, et non de 45 mètres comme dans le projet final; en outre, le promoteur compte réaliser un étage supplémentaire. Ce que l'on retient, c'est qu'il semble - il semble ! - que le PLQ n'ait pas été respecté.

Les Verts vont sans doute vous demander de renvoyer ce rapport en commission de façon à effectuer un travail un tout petit peu plus élaboré; ils n'ont peut-être pas tort, mais enfin, lorsque le Conseil administratif de Confignon s'est trouvé devant deux expertises contradictoires, eh bien il a renvoyé assez sagement le problème au Conseil d'Etat. Que les Verts ne veuillent pas aller vite, je trouve ça tout à fait étonnant sachant qu'on risque tout de même d'abattre un certain nombre d'arbres de haute futaie et en bonne santé.

Ce que je propose, chers collègues, c'est tout simplement ce que la grande majorité de la commission propose, à savoir de renvoyer ce texte au Conseil d'Etat; M. Hodgers aura tout loisir de nous répondre que nous aurions dû l'auditionner - au fond, c'est un peu le rôle de ces réponses. Dès lors, je vous demande de suivre la majorité de la commission et de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur. Quand je vois le nombre de personnes qui sollicitent la parole, je me demande pourquoi nous avons inscrit cet objet aux extraits ! Madame la députée Katia Leonelli, c'est à vous.

Mme Katia Leonelli (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette pétition a pour but de sauver un cordon boisé composé de 26 arbres menacés d'abattage dans le quartier de Cressy, à Confignon. L'autorisation de construire un projet immobilier qui ne respecte pas le PLQ initial a été délivrée en 2019. Précisément, le projet tel qu'il a été accepté prévoit de couper les arbres afin de construire un parking souterrain.

Sur le fond, vous reconnaîtrez que le symbole est pour le moins amer alors qu'il y a moins de deux ans, je vous le rappelle, nous avons voté l'urgence climatique au sein de cet hémicycle. Il est d'autant plus amer quand on connaît le bouquet de mesures annoncées par le Conseil d'Etat en janvier 2020 en matière de revalorisation des arbres et dont la stratégie énonce explicitement - je cite - «le renforcement de la pratique pour conserver plus d'arbres lors des projets».

Construire un parking avec un nombre de places supérieur au nombre de logements prévus dans l'immeuble nous paraît tout à fait aberrant sachant qu'il s'agit d'un lieu bien desservi - le tram 14 passe à cinq minutes à pied de la zone en question. En quelques mots, nous pouvons dire qu'il s'agit d'un projet du siècle dernier... et vous pouvez prendre l'expression au sens littéral, car le PLQ date de 1994.

Pour ce qui est de la forme, en revanche, je trouve que nous avons traité cette pétition avec un peu trop de légèreté institutionnelle. Sous prétexte de délais serrés, nous avons précipité le scrutin sans auditionner le conseiller d'Etat chargé du département du territoire. Par notre vote, nous avons laissé croire que la justice genevoise n'effectuait pas son travail correctement, et cela sans même avoir eu accès aux décisions du Tribunal administratif de première instance et de la Chambre administrative.

En ce qui me concerne, j'ai consulté l'arrêté de la Chambre administrative datant de février dernier et je n'ai pu que constater que le tribunal applique correctement les lois que nous rédigeons et que nous adoptons, des lois qui permettent une trop grande flexibilité non seulement quant à la conformité des projets aux PLQ, mais également quant à l'abattage des arbres. Mesdames et Messieurs les députés, je suis navrée de dire les choses aussi crûment, mais si ces arbres sont coupés, ce n'est pas la faute de la justice, ce n'est pas la faute des promoteurs, c'est la faute d'une législation qui protège les intérêts de ces promoteurs avant le patrimoine arboré.

Une voix. Bravo !

Mme Katia Leonelli. Monsieur le président, pour les raisons qui ont été évoquées, nous sollicitons formellement le renvoi de ce rapport en commission; nous n'avons pas à nous substituer à la justice et nous regrettons que le Conseil d'Etat n'ait pas été entendu. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Nous sommes donc appelés à nous prononcer sur la demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la pétition 2108 à la commission des pétitions est rejeté par 38 non contre 34 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Le président. Nous reprenons le débat, et je passe la parole à Mme Christina Meissner.

Mme Christina Meissner (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, dès lors que le recours des pétitionnaires doit se faire au plus tard à mi-avril, l'adoption par le Grand Conseil de cette pétition et son renvoi au Conseil d'Etat en urgence représentent un message fort qui les aidera certainement.

Cela étant, j'étais aussi favorable à l'audition des services; elle a été refusée, dont acte, mais je suis allée sur place pour tenter de comprendre la différence entre l'expertise réalisée par les mandataires de l'OCAN, très sommaire, d'où il ressort que tous les arbres sont malades, et celle de 38 pages commanditée par les habitants, fort documentée, qui conclut que sur 26 arbres, seuls trois sont en mauvaise santé, ce qui est vrai. Dans un tel cas, il est incompréhensible qu'une troisième expertise telle que demandée par les habitants ait été refusée.

Il est par ailleurs étrange que l'OCAN ait d'abord souhaité préserver les arbres, dont le grand tilleul - préavis du 16 janvier 2019 - pour se prononcer à nouveau une semaine plus tard, le 28 janvier, en acceptant que tous les arbres soient coupés. Mais le plus incompréhensible, c'est le non-respect du PLQ: 21 modifications ont été acceptées, notamment un parking dépassant l'assiette du bâtiment, ce qui condamne la pleine terre et les grands arbres et empêche toute replantation.

Alors que le Conseil d'Etat vient de publier sa stratégie d'arborisation de l'aire urbaine qui vise à intégrer les arbres dans la planification du sol et du sous-sol, à conserver les grands arbres et à en planter de nouveaux, alors que l'office de l'urbanisme est en pleine révision de tous les PLQ afin de mieux protéger et de renouveler le patrimoine arboricole existant, alors que les directives cantonales prévoient de préserver la pleine terre, alors qu'il est tout à fait possible de réduire la surface du parking à l'assiette de l'immeuble dans la mesure où il y a 31 places bleues inoccupées juste à côté, comment se fait-il que l'Etat ne saisisse pas l'opportunité de mieux faire quand une occasion se présente, comme à Cressy ?

Les pétitionnaires ne comprennent pas, et nous non plus. Renvoyer la pétition au Conseil d'Etat, c'est demander à ce dernier de s'expliquer, et c'est ce que le PDC vous recommande de faire aujourd'hui par égard pour les habitants de ce quartier qui se sont mobilisés ainsi que pour les grands arbres de notre canton qui nous rendent tant de services. Je vous remercie.

Mme Françoise Nyffeler (EAG), députée suppléante. On se trouve face à une sorte de caricature: d'un côté, nous avons une petite forêt dans une zone assez minérale qui a précisément besoin d'un poumon de verdure, des arbres centenaires, extrêmement hauts, qui procurent une certaine fraîcheur. Nous savons qu'il y a urgence climatique et que nous devons absolument préserver des îlots de fraîcheur.

De l'autre côté, il y a un promoteur qui veut construire un parking, qui exige qu'une dalle de 1300 mètres carrés soit posée en dehors des limites prévues par le PLQ, lequel protégeait ce cordon boisé. Un promoteur qui a réussi à imposer un parking dans un périmètre où ce n'est pas nécessaire, puisque le tram est proche, et qui veut créer plus de places que le nombre d'habitations. Il compte ainsi détruire une forêt qui devrait être sauvegardée selon les normes actuelles, si on tient compte des besoins par rapport à la crise climatique.

C'est une caricature, et il faut absolument changer le cours des choses. Le 16 avril, cette forêt sera rasée, des arbres centenaires seront abattus, et pourquoi ? Pour un promoteur qui ajoute des places de parking dans un PLQ qui ne les avait pas prévues. Alors, Mesdames et Messieurs, je vous propose de voter le renvoi au Conseil d'Etat en espérant que celui-ci suivra les pétitionnaires sur cette question. Merci.

M. Patrick Dimier (MCG). Ce débat nous montre qu'en matière de protection des arbres, il y a encore bien du «bouleau» ! (Rires.)

Le président.  Ça faisait longtemps !

M. Patrick Dimier. Si on ne protège pas ces arbres en pleine terre, comme l'a souligné notre collègue Meissner, que va-t-on faire ? Est-ce qu'on va être marron comme sur la plaine de Plainpalais, où on a installé les arbres dans de petits silos, ce qui fait que ce n'est pas demain la veille que nous aurons des glands ? Nous devons nous coaliser pour le bon sens, à défaut de quoi nous perdrons nos racines et il ne servira à rien de bayer aux corneilles sous une canopée qui n'aura plus rien à dire et dans laquelle nos canapés n'auront plus leur place.

Nous proposons dès lors le renvoi au Conseil d'Etat, c'est à lui de prendre ses responsabilités, d'agir, le délai est court. Nous avons confiance dans ce Conseil d'Etat... (Remarque.) C'est rare, Monsieur Hodgers, vous avez raison de le noter, mais nous avons confiance en vous et nous espérons bien que vous protégerez nos arbres pour le mieux-être de notre population.

Enfin, je pense que ce n'est pas un débat autour des promoteurs, Madame Nyffeler, c'est un débat de fond. Ce n'est pas seulement ce point-ci qui est en jeu, c'est la manière générale de gérer notre patrimoine arboricole, d'y veiller et de le sauvegarder. Merci.

Le président. Je vous remercie. Le premier vice-président me demande de vous transmettre que si les gens n'avaient pas ri... Monsieur Dimier ? Monsieur Dimier ! Le premier vice-président me demande de vous transmettre que si les gens n'avaient pas ri, vous vous seriez senti bien «saule» ! (Rires.) La parole revient maintenant à M. Sylvain Thévoz.

M. Sylvain Thévoz (S). Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste est heureux de voir l'unanimité qui se dégage ce matin pour préserver les arbres et s'opposer à un parking envahissant. Toutefois, nous sommes un peu mal à l'aise avec la manière dont se sont déroulés les travaux en commission. Une seule audition a été effectuée, cela a été dit, celle des pétitionnaires, lesquels ont un point de vue engagé que l'on peut considérer comme unilatéral. Nous ne comprenons pas le refus de la commission d'auditionner M. Hodgers, de mener un travail de fond afin d'obtenir les deux points de vue et de trancher en toute conscience.

En effet, à sept voix contre sept avec l'abstention d'un PDC, les commissaires ont décidé de ne pas l'entendre, ce qui fait que nous devons nous baser sur la seule parole des pétitionnaires; elle est forte, mais elle soulève aussi des points d'interrogation. Par exemple, deux recours ont été déposés par l'association devant les tribunaux, recours qui ont été rejetés par deux fois. C'est pourquoi ses représentants veulent maintenant s'adresser au Tribunal fédéral, mais on ne sait pas vraiment quels éléments nouveaux ils vont apporter. Ainsi, des points d'ombre demeurent en suspens.

Il y a également ce délai, ce couperet d'un possible recours au Tribunal fédéral des pétitionnaires qui nous a obligés à travailler dans l'urgence. Or la prochaine date de dépôt est le 13 avril, nous avions tout à fait le temps d'auditionner M. Hodgers, nous avions amplement le temps de nous forger un avis éclairé. Nous regrettons cette manière de procéder et c'est pourquoi nous proposons à nouveau le renvoi à la commission des pétitions. Nous pourrions retravailler sur ce dossier lundi prochain ou le suivant, recevoir M. Hodgers, déterminer les irrégularités commises ou non et ainsi respecter le droit, suivre le rythme des travaux parlementaires et éviter un vote «tête dans le sac» après une simple audition des pétitionnaires. Je vous remercie de procéder à ce vote, et s'il ne devait pas être positif, le parti socialiste s'abstiendra sur cet objet. Merci.

Le président. Je vous remercie. Nous procédons à un nouveau vote sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la pétition 2108 à la commission des pétitions est rejeté par 40 non contre 34 oui.

Le président. La parole échoit désormais à M. Antonio Hodgers.

M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, rien de tel que de parler des arbres pour bien commencer une longue journée parlementaire ! Cette pétition soulève toute une série d'interrogations, et je pense qu'il faut différencier le fond, c'est-à-dire la question de l'urbanisme, de ce qu'on construit ou pas, de la forme, c'est-à-dire de la procédure.

Sur le fond, pour faire simple, bien sûr que nous devons privilégier les arbres aux parkings. Il n'est pas étonnant que la gauche ou même le PDC adhère à ce principe; ce qui est surprenant, en revanche, mais qui me réjouit, c'est d'entendre les chantres de l'automobile et de tout le béton qui va de pair s'exclamer aujourd'hui: «Non aux parkings, oui aux arbres !» Mesdames et Messieurs les députés de droite, êtes-vous prêts à voter des projets de lois visant à supprimer des places de parking sans compensation afin de planter des arbres ? (Exclamations. Commentaires.) Etes-vous prêts à revoir les lois sur la mobilité pour réduire l'emprise de la voiture au profit de la nature ?

Des voix. Non ! (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

M. Antonio Hodgers. Non, voilà ! (Commentaires.)

Le président. S'il vous plaît ! Monsieur Romain, laissez le conseiller d'Etat s'exprimer !

M. Antonio Hodgers. Première clarification: vous exigez dans des cas concrets que nous contredisions les lois que vous adoptez dans des cas abstraits. Et ça, c'est impossible pour le Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat, dans toutes les situations, doit appliquer les lois, et celles-ci prévoient beaucoup trop de places de stationnement - notamment dans le cas présent, cela a été dit, car il s'agit d'un PLQ ancien -, places de stationnement qui se font au détriment des arbres. Cette réalité est issue des lois largement défendues par la droite qui veut plus de parkings, plus de voitures et moins d'arbres. Vous me dites le contraire dans le cadre de cette pétition; eh bien, Mesdames et Messieurs de la droite, modifiez les lois que vous avez créées en matière de mobilité ! Voilà pour le fond. Pour ma part, je n'aurais aucun problème à aller dans le sens des pétitionnaires si cela ne soulevait pas des questions institutionnelles et de droit.

La commission des pétitions semble partir du postulat que les autorisations de construire octroyées pour ce petit périmètre du côté de Confignon sont contraires au plan localisé de quartier. Mais, Mesdames et Messieurs les députés, est-ce le rôle du parlement que d'examiner la conformité légale d'une autorisation de construire par rapport au plan d'affectation ? (Commentaires.) N'est-ce pas plutôt le rôle de la justice qui, saisie en première instance, a pourtant répondu que les autorisations étaient conformes au PLQ ? Qui, saisie en deuxième instance, à la Cour de justice, a confirmé que ces autorisations étaient conformes au PLQ ? Maintenant, les recourants s'apprêtent à saisir le Tribunal fédéral à Lausanne; bien, nous verrons ce que dit la plus haute instance de la juridiction suisse, mais très sincèrement, permettez-moi de croire encore en la justice genevoise et de prétendre que des juges, dont c'est le métier, dont c'est la fonction, dont c'est la mission constitutionnelle, sont sans doute plus à même de statuer sur la légalité des autorisations délivrées par l'Etat de Genève qu'une commission parlementaire.

Ensuite, on s'est empressé de ne pas auditionner le Conseil d'Etat. Pourquoi ? Peut-être par crainte d'entendre que ce que soutiennent les pétitionnaires n'est pas tout à fait fidèle à la vérité ? Il est plus facile de se boucher les oreilles que d'admettre une opinion contraire à son préjugé; on préfère foncer tête baissée pour satisfaire des envies de plaire, de complaire; on a toujours envie de dire oui quand les gens nous sollicitent, c'est naturel, c'est humain, mais en politique, Mesdames et Messieurs, cela s'appelle de la démagogie. Surtout quand la pétition, comme je l'expliquais tout à l'heure, contrevient aux volontés politiques générales.

Quand j'étais au collège Rousseau, j'avais un excellent professeur de philosophie qui m'a enseigné Montesquieu... (Exclamations.) Montesquieu... (Remarque.) Ah, on l'appelait M. Putallaz à l'époque ! Montesquieu, séparation des pouvoirs: le parlement légifère, rédige des lois générales et abstraites, le gouvernement les applique dans les cas particuliers, et les administrés, s'ils estiment qu'elles ont été mal appliquées, peuvent recourir à la justice. Et c'est à la justice, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il revient d'avoir le dernier mot sur ce type de dossier.

J'ai entendu des députés - M. Romain, Mme Meissner - déclarer: «Il faut aller vite, parce que le délai de dépôt des recours au Tribunal fédéral échoit au 16 avril, et on veut soutenir les pétitionnaires.» Or que sous-entendez-vous par là ? Vous sous-entendez que le premier pouvoir, à savoir le parlement, va influencer le troisième pouvoir; vous sous-entendez une intrusion du politique dans les affaires judiciaires. Alors j'ai confiance dans les juges de Mon-Repos, j'imagine qu'ils riront bien à ces déclarations de députés genevois, mais sur le principe, ce que vous faites n'est pas anodin: vous attentez à la séparation des pouvoirs en cherchant à influencer une décision de justice. On peut en rigoler, ce n'est pas très grave dans le cas d'espèce, mais quant au respect des institutions, cette posture engendre un certain nombre de problèmes que j'aimerais souligner ici.

Le rôle du Grand Conseil est bien sûr de légiférer, il est aussi d'écouter les pétitionnaires; mais en tant qu'élus, en tant que représentants d'une institution, Mesdames et Messieurs, vous avez surtout le devoir d'honnêteté à l'égard de ces personnes. Si vous voulez que le Conseil d'Etat applique cette pétition, que doit-il faire ? Il doit violer la garantie de la propriété privée et la sécurité du droit ! Des droits à bâtir ont été octroyés, une autorisation de construire a été signée; si vous exigez du gouvernement qu'il revienne en arrière, qu'il dise non au promoteur, qu'il lui intime de laisser les arbres et de renoncer au parking, cela s'appelle une expropriation matérielle ! Est-ce bien cela que veut le PLR ? Que le Conseil d'Etat remette en cause la sécurité du droit en matière d'autorisations de construire et indemnise au prix fort chaque reconsidération ?

Que voulez-vous que nous répondions à ce genre de texte ? Pour vous, c'est facile: vous le renvoyez au Conseil d'Etat. Mais c'est faire preuve d'une certaine lâcheté politique, parce que vous savez très bien que le Conseil d'Etat n'a aucun moyen légal de revenir en arrière sur une autorisation de construire délivrée. La seule chose que nous pouvons faire, c'est dire au promoteur: «Laissez tomber votre projet, nous vous le rachetons à prix d'or, nous y injecterons plusieurs dizaines de millions, je déposerai un projet de loi d'investissement pour reprendre l'ensemble de l'opération et nous renoncerons à l'abattage des arbres.» Nous n'avons pas d'autres moyens légaux pour intervenir dans le cadre d'une procédure d'autorisation de construire. Or ce discours-là, Mesdames et Messieurs les députés, vous en êtes vous aussi les dépositaires; vous représentez une autorité à l'égard des citoyens et vous avez un devoir de vérité à leur égard - même si, en l'occurrence, cette vérité est regrettable. En effet, à nouveau, je pense tout comme les pétitionnaires que nous devons faire de l'urbanisme autrement.

Alors votez cette pétition, renvoyez-la au Conseil d'Etat, mais vous savez parfaitement qu'il ne pourra pas changer le projet, que seule la justice peut décider. Vous savez très bien également qu'il n'appartient pas à une assemblée législative d'interférer dans les décisions de justice, que cela constitue une violation de la séparation des pouvoirs. Pour le surplus, Mesdames et Messieurs les députés, je prends bonne note que de manière unanime, vous souhaitez des PLQ avec moins de parkings et plus d'arbres, et ça, c'est la bonne nouvelle de la matinée ! Merci de votre écoute. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'ouvre le vote sur les conclusions de la commission des pétitions, à savoir le renvoi au Conseil d'Etat.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (renvoi de la pétition 2108 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 49 oui contre 11 non et 17 abstentions.