République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 2081-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Plus de moyens pour nos EMS !
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 27 et 28 août 2020.
Rapport de M. Pierre Nicollier (PLR)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous terminons avec la P 2081-A, classée en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole au rapporteur, M. le député Pierre Nicollier.

M. Pierre Nicollier (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des pétitions a traité la pétition 2081 «Plus de moyens pour nos EMS !» durant trois séances, de février à mai 2020. Cette pétition, déposée par le syndicat Unia, a été signée par 1137 personnes. Je dois également mentionner qu'elle a été déposée auprès du Grand Conseil le 12 novembre 2019, soit avant la crise actuelle qui bouleverse l'organisation des EMS. Cet élément est important, parce que nous avons appris au cours des dernières semaines que de nombreuses places libres existaient dans les EMS: une centaine de lits. Cela signifie, de facto, que si les EMS n'ont pas réduit leur personnel et mis à la porte des employés, en l'état, les EMS ont finalement répondu aux demandes de cette pétition. Pour rappel, celle-ci demande une augmentation des effectifs au sein du personnel soignant dans les EMS genevois pour atteindre les objectifs suivants: 100% - selon l'outil PLAISIR - pour les soins; 0,45 poste par lit dans le secteur socio-hôtelier et 0,06 poste par lit dans le secteur de l'animation.

La commission a mené les auditions suivantes pour juger du traitement de la pétition: bien entendu, les pétitionnaires, c'est-à-dire les secrétaires syndicaux d'Unia Genève, accompagnés d'une aide-soignante; la direction générale de la santé, la direction du service du réseau de soins et EMS; l'Association genevoise des établissements médico-sociaux - l'AGEMS; la Fédération genevoise des établissements médico-sociaux - la FEGEMS -, accompagnée d'un administrateur du foyer Saint-Paul; et, enfin, l'Association d'aide et d'accompagnement des personnes âgées en EMS et de leurs familles.

Les pétitionnaires demandent une augmentation des effectifs dans les EMS, comme je l'ai mentionné. Pour cela, ils s'appuient principalement sur l'initiative 125 acceptée par le peuple le 11 mars 2007, et dont le texte stipule que l'Etat doit, je cite, «assurer la totalité des prestations nécessaires aux pensionnaires». Les discussions ont ainsi majoritairement porté sur les besoins en personnel permettant d'assurer la totalité des prestations nécessaires aux pensionnaires: quels sont ces besoins et comment les évaluer ? L'outil d'évaluation utilisé pour les résidents en EMS se nomme PLAISIR. Toutes les parties auditionnées s'accordent sur le fait qu'il ne reflète pas entièrement les aspects de la prise en charge des résidents. La requête de fond de la pétition est la couverture de 100% des besoins PLAISIR. Le DSES, quant à lui, estime que les prestations sont assurées en offrant un équivalent à 86%. Cet outil PLAISIR permet d'évaluer, pour chaque résident, quelles sont les prestations nécessaires et donc combien de personnel est nécessaire pour fournir ces prestations. A noter qu'aucun canton utilisant PLAISIR n'a pour objectif un taux de 100% - les taux varient entre 85% et 92%. Et, comme je l'ai répété, avec le nombre de lits inoccupés actuellement, Genève se trouve à 100%, donc au-delà de tout ce que les autres cantons proposent. L'outil PLAISIR, comme je l'ai mentionné, n'est plus à même d'évaluer correctement les besoins des résidents en EMS. Les cantons romands travaillent ensemble à adapter un nouvel outil appelé interRAI, qui est utilisé en Suisse alémanique depuis 2005.

Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe.

M. Pierre Nicollier. Merci beaucoup. Les pétitionnaires, qui n'étaient pas au courant de ce projet, n'avaient pas approché le DSES, ni la FEGEMS. Ils se basaient donc sur l'initiative 125, qui, comme je l'ai mentionné, n'est plus d'actualité. Pour information, les requêtes des syndicats n'étaient soutenues ni par la FEGEMS ni par le département. Les EMS étaient d'ailleurs surpris que cette pétition ait été déposée sans qu'ils en aient été informés.

La minorité de la commission souhaitait renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat pour montrer aux syndicats toute l'attention qu'elle porte aux conditions de travail du personnel en EMS. C'est très bien. Néanmoins, la majorité de la commission estime que l'introduction de l'outil interRAI par les cantons romands va permettre de sortir des débats stériles sur l'interprétation des objectifs des outils d'évaluation PLAISIR. Elle devra également permettre de clarifier les besoins réels pour une prise en charge de qualité des résidents en EMS.

Nous respectons le travail de toutes et tous, y compris celui des individus au sein de notre administration qui travaillent sur l'adaptation de l'outil interRAI. Leur demander de répondre à une pétition décalée, caduque, qui n'a plus de substance, n'est pas pour nous une preuve de respect pour leur travail. Nous vous recommandons donc de soutenir le dépôt de la P 2081 sur le bureau du Grand Conseil.

M. Emmanuel Deonna (S). Mesdames et Messieurs les députés, aucune partie de la population n'est autant fragilisée par le coronavirus que les personnes âgées et dépendantes ainsi que les résidentes des maisons de retraite et de soins. La pandémie a aussi mis les limites du personnel soignant en pleine lumière. Le personnel soignant est exténué et meurtri. Il souffrait déjà avant la pandémie: il endurait des conditions de travail précaires, comme l'illustrent les enquêtes menées par le syndicat Unia en 2019.

Mesdames et Messieurs les députés, en tout temps, il faut tout faire pour respecter la dignité des résidentes des maisons de retraite et de soins. En période de covid-19, il s'agit de déployer des efforts supplémentaires pour protéger la catégorie à risque des résidents des maisons de retraite, et il faut pouvoir les soigner dans de bonnes conditions. Pour ce faire, il est absolument nécessaire de disposer d'un personnel en bonne santé, valorisé et soutenu. C'est pourquoi, notamment, une prime exceptionnelle de reconnaissance de 50 francs par jour travaillé a été demandée en juin 2020, pour couvrir la période du pic de la pandémie. Malheureusement, à ce jour, aucune compensation concrète n'a été accordée. Selon le Conseil d'Etat, et je cite, «la question d'une quelconque reconnaissance financière au profit du personnel investi durant la pandémie ne peut être approuvée par le Conseil d'Etat, compte tenu de la difficulté à définir le périmètre des personnes concernées, et par souci d'équité avec le secteur privé, qui a souffert économiquement de la crise». Ou encore: «L'Etat ne peut entrer en matière pour le versement d'une prime exceptionnelle ni se substituer à la gestion du personnel des institutions. Cette décision relève de la compétence de l'employeur.» Mesdames et Messieurs les députés, il faut déplorer que le rapporteur PLR se retranche derrière des arguties relatives à telle ou telle norme en vigueur au sein de l'administration ou des administrations: la norme PLAISIR, la norme interRAI... Tout ce langage qui ne sert finalement qu'à justifier une politique du statu quo, une politique qui consiste à refuser d'accorder plus de moyens à nos EMS qui en ont tellement besoin ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Le parti socialiste déplore également l'attitude de déni du Conseil d'Etat face à une exigence aussi naturelle, logique et ô combien légitime de la part des syndicats ! Cette attitude de déni est d'autant plus choquante que l'on a appris récemment par voie de presse l'augmentation de la rémunération déjà particulièrement avantageuse...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Emmanuel Deonna. ...de la direction des HUG et de l'IMAD. Je vous remercie.

Mme Françoise Nyffeler (EAG), députée suppléante. On peut se demander si le fait que ce soit une grande majorité de femmes qui travaillent dans ce secteur explique son manque de moyens. Il y a peut-être un lien, en cherchant bien. Au cours des auditions, j'ai entendu à de nombreuses reprises que c'était une espèce de travail, où, vous comprenez, les femmes se donnent pour les malades et pour les personnes âgées ! Oui, c'est une sorte de vocation, hein ! C'étaient les bonnes soeurs il fut un temps, ce sont maintenant les femmes, et c'est une vocation pour les femmes de travailler aux soins des personnes. Mais cette vocation a le droit d'avoir une rémunération et des conditions de travail correctes ! Il n'y a pas de raison de discriminer de cette manière le personnel soignant féminin ! (Brouhaha.)

Les travailleuses qui sont venues nous présenter le sujet exprimaient une énorme détresse, et ce avant le covid. On peut imaginer ce qu'il en est après. La grande détresse portait non seulement sur leurs conditions de travail, mais aussi sur l'inquiétude qu'elles avaient pour la qualité des soins qu'elles n'arrivaient plus à assurer pour nos aînés. Ce sont vos parents, ce sont vos grands-parents qui sont là-bas, et il est clair que si le personnel est en situation de grande détresse, eh bien, vos parents et vos grands-parents sont aussi en situation de grande détresse ! (Brouhaha.)

L'augmentation dans ces EMS du nombre de personnes de plus de 80 ans, avec des pathologies cognitives lourdes de type Alzheimer, rend évidemment le travail beaucoup plus pénible et beaucoup plus difficile. La prise en charge demande davantage d'attention. On a été surprises aussi en entendant ces femmes qui sont venues s'exprimer, nous expliquer à quel point le nombre de démissions était important. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Les personnes ne tiennent pas longtemps dans ces services, il y a un fort taux d'absentéisme. Nous pensons que l'avis de la direction et des directions des EMS ne correspond pas du tout à l'avis du personnel. Nous soutenons donc le personnel et soutenons un renvoi au Conseil d'Etat. D'autre part, un projet de loi luttant contre l'externalisation...

Le président. Merci.

Mme Françoise Nyffeler. ...des tâches est en cours. Le MCG, les Verts, le PS et Ensemble à Gauche le soutiennent et nous continuerons à soutenir le personnel des EMS. (Applaudissements.)

Mme Christina Meissner (PDC). La pétition 2081 «Plus de moyens pour nos EMS !» a été déposée en novembre 2019. Son traitement en commission a débuté sous la présidence de Mme Anne Marie von Arx-Vernon, au début 2020. Je ne siégeais donc pas en commission à cette époque et je reprendrai telle quelle la position de mon estimée et regrettée collègue. Elle soulignait à l'époque que la situation en EMS ne correspondait pas aux observations indiquées dans la pétition. Eh bien, la situation a encore changé; elle a encore bien changé, pas forcément pour le mieux, mais pour des raisons bien autres que celles indiquées dans la pétition: la pandémie est passée par là et tout a changé. Mais par rapport à cette pétition, la situation nous demande - et le PDC avec - de la déposer.

Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette pétition demande au Conseil d'Etat d'appliquer l'IN 125 en engageant davantage de personnel pour atteindre un taux de couverture de 100%, contre les 86% actuels. Cette demande vient d'un personnel stressé, surchargé, fatigué et qui n'arrive plus à assurer suffisamment bien les soins auprès des personnes âgées. De plus, au vu de l'augmentation prévue de 40% de personnes âgées de plus de 80 ans sur les vingt prochaines années, il est normal que la situation soit préoccupante. Toutefois, se basant sur l'outil PLAISIR, le Conseil d'Etat estime qu'un taux de couverture de 86% de personnel est suffisant. Or, lors des travaux de commission, nous avons appris que cet outil devrait être remplacé par l'outil interRAI, nettement plus adapté pour les soins en EMS. Seulement, deux petits bémols ont retenu notre attention.

Premièrement, le directeur du service du réseau de soins et des EMS nous a indiqué que cet outil arriverait tardivement, après 2021, et qu'il risquerait de ne pas être inscrit au prochain contrat de prestations. Qu'advient-il des conditions du personnel des EMS durant ce laps de temps de mise en place ? Deuxièmement, le nombre de postes manquants se base sur l'outil PLAISIR. Or, les calculs n'ont pas été refaits depuis. Comment pouvoir dire alors que le taux de couverture actuel est suffisant et que la demande des pétitionnaires n'est pas en adéquation avec la situation actuelle ?

Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts partage les inquiétudes des pétitionnaires et souhaite relayer leur pétition auprès du Conseil d'Etat, afin de s'assurer que ce dernier prendra les dispositions nécessaires pour garantir des conditions de travail décentes pour le personnel des EMS. Notre groupe demandera en conséquence le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Si une majorité ne se dessinait pas pour un renvoi, nous voterions un dépôt sur le bureau du Grand Conseil afin d'éviter que cette pétition ne soit classée. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole au rapporteur pour quarante secondes.

M. Pierre Nicollier (PLR), rapporteur. Je vous remercie infiniment. Je voulais juste clarifier certains des propos qui ont été tenus plus tôt. Premièrement, la pétition a été traitée durant la première vague de la crise du covid - donc pas avant; vous pourrez transmettre, Monsieur le président, à Mme Nyffeler. Deuxièmement, l'outil interRAI est censé être mis en place en 2021... Eh bien, on est en 2021 ! Enfin, on ne peut pas décider d'augmenter les effectifs alors qu'une centaine de lits est disponible: vous pouvez imaginer le manque à gagner qu'il y a dans ces institutions. Je vous demande donc à nouveau de voter le dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je m'exprimerai très brièvement, parce que mes services et moi-même avons déjà donné à maintes reprises depuis maintenant sept ans toutes les explications utiles, chaque fois qu'on venait se référer à l'initiative 125, qui date d'avant la LAMal, je le rappelle: avant 1996 ! (Commentaires.) Et on continue à nous sortir cette initiative pour nous dire: «Vous voyez, on ne couvre pas intégralement les besoins des personnes en EMS !»

Je n'entre pas dans les détails, c'est extrêmement technique. Il faut savoir que c'est le 1er janvier 2011 que la loi fédérale sur le nouveau régime de financement des soins est entrée en vigueur. Elle règle la répartition des coûts des soins entre l'assurance obligatoire - l'AOS -, les assurés et les pouvoirs publics, pour le coût résiduel des soins qui est à charge du canton, évidemment. Ce sont douze niveaux de soins, qui sont répartis et qui donnent une rémunération; et il est vrai que nous arrivons à 86%. Il y a d'ailleurs eu, à un moment donné, une comparaison intercantonale montrant que Genève est dans les meilleurs cantons en arrivant à 86% et que du 86% correspond à du 100%, avec un outil qui n'est plus adapté ! On continue à nous dire: «Si c'est 86%, il manque 14%, donc il faut engager du personnel pour arriver à ce 100%.» Mathématiquement, c'est imparable ! Il se trouve que la mathématique en l'occurrence n'est pas la règle, puisqu'il faut utiliser un outil adapté à ce type de prestations, et l'outil - qui s'appelle PLAISIR - que nous utilisons doit être adapté, c'est la raison pour laquelle les cantons travaillent pour un nouvel outil qui s'appelle effectivement interRAI. En tout cas, nous travaillons sur la formation de l'équipe soignante idéale, et pour pouvoir établir des comparaisons, je vous demande simplement de vous référer à ce qui a déjà largement été indiqué sur le comparatif intercantonal: vous verrez que Genève offre des prestations de parfait niveau pour nos résidents d'EMS.

Je crois qu'il est préjudiciable à l'image de l'ensemble de notre société que les syndicats continuent, année après année, de venir rituellement me remettre une pétition, que je reçois - avec les personnes honorables qui travaillent dans ces institutions et qui ont le souci tout aussi honorable de donner les meilleures prestations possible pour les résidents d'EMS. Je pense qu'aujourd'hui, il faut arrêter et constater la qualité remarquable des soins dispensés, et pas seulement les soins, mais l'encadrement qui va au-delà des soins pour nos aînés dans les EMS. Je vous demande effectivement soit de déposer cette pétition sur le bureau du Grand Conseil soit de la classer. Je vous en remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à vous prononcer sur la recommandation de la commission des pétitions, à savoir le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 2081 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 48 oui contre 37 non.