République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2634-A
Rapport de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Olivier Cerutti, Jean-Marc Guinchard, Patricia Bidaux, Sébastien Desfayes, Delphine Bachmann, Anne Marie von Arx-Vernon, Jacques Blondin, Bertrand Buchs, Jean-Luc Forni, François Lance, Souheil Sayegh, Christina Meissner, Claude Bocquet : Crise COVID-19 et enseignement à distance : bilan du dispositif et mesures de soutien d'urgence
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 25 et 26 juin 2020.
Rapport de majorité de M. Emmanuel Deonna (S)
Rapport de minorité de M. Olivier Baud (EAG)

Débat

Le président. Nous passons à notre urgence suivante, la M 2634-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à M. Emmanuel Deonna.

M. Emmanuel Deonna (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président de séance. Le travail sur la présente proposition de motion a permis d'auditionner la Société pédagogique genevoise, la Fédération des associations des maîtres du cycle d'orientation, le Syndicat des services publics, l'Association des communes genevoises et la Fédération des associations de parents d'élèves de l'enseignement obligatoire...

Le président. Excusez-moi, Monsieur le député, une seconde ! Mesdames et Messieurs, nous n'avons pas encore terminé la séance, nous nous en approchons, mais en attendant, merci de respecter les intervenantes et les intervenants ! Vous pouvez poursuivre, Monsieur le député.

M. Emmanuel Deonna. La crise du coronavirus a forcé tous les intervenants à s'adapter à une situation totalement inédite dans un laps de temps extrêmement court. L'accès au matériel scolaire pour tous n'a pas pu être garanti. Certains élèves ont eu de la peine à trouver un espace dédié au travail dans leur logement. Tous les parents n'ont malheureusement pas les mêmes compétences dans l'accompagnement à offrir aux enfants, les inégalités entre élèves ne datent en réalité pas du confinement. Des aides existent certes pour les élèves ayant des difficultés scolaires ou un handicap, mais la crise a bien mis en évidence qu'il n'existe pas d'aides pour les enfants ayant des difficultés sociales en raison d'un manque de ressources financières ou d'espace à domicile. Le département a heureusement promis d'identifier les élèves dans le besoin par le biais de conseillers sociaux. L'achat d'ordinateurs bon marché devra être effectué avec des crédits covid, parce qu'il est très difficile de faire des études secondaires sans ordinateur, et certains enseignants déplorent de devoir en faire toujours plus avec toujours moins de moyens. C'est vrai, les établissements scolaires doivent pouvoir bénéficier de plus d'éducateurs et d'éducatrices et de plus d'équipes pluridisciplinaires.

Selon le département, les écoles de commerce se sont adaptées plus vite à la situation car elles étaient très connectées; les cycles d'orientation étaient pour leur part moins bien préparés. Globalement, il faut rendre hommage aux enseignants et aux enseignantes: bon nombre d'entre eux ont passé beaucoup de temps à appeler des parents pendant le confinement. Elles et ils ont travaillé pendant les périodes hebdomadaires de cours, parfois en télétravail et en faisant des heures supplémentaires pour des examens additionnels.

L'enseignement à distance fonctionne avec les enfants qui ont des parents à la maison pour les aider, mais il est loin d'être évident avec la généralisation du télétravail. Certains enseignants redoutent aussi, à juste titre, d'utiliser des plateformes qui dépendent de Google: comme ils l'ont souligné, il faut veiller à préserver les données personnelles des élèves. L'impact carbone et le bilan écologique des ordinateurs ne sont eux aussi pas neutres. Les enquêtes récentes du service de la recherche en éducation permettront d'affiner ces constats déjà étudiés en commission et permettront, on l'espère, de prendre les mesures appropriées.

M. Olivier Baud (EAG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, cette proposition de motion a été déposée le 28 avril alors que les écoles ont été fermées à partir du 16 mars. Le PDC a donc réagi assez rapidement, avec un présupposé: que certains élèves avaient décroché durant cette période de fermeture des écoles, qu'ils avaient en quelque sorte perdu le lien avec l'école, avec l'enseignement, et se retrouvaient en difficulté. (Commentaires.) Il y avait donc une motivation à déposer ce texte pour demander des cours d'appui avant la rentrée scolaire, que l'on puisse identifier les élèves qui en auraient besoin et que ces cours soient mis en place avant la rentrée. Celle-ci a eu lieu le 24 août. Le texte initial demandait de «proposer durant les semaines précédant la rentrée scolaire d'août 2020 des cours de soutien pour les élèves qui seraient en situation de difficulté scolaire ou qui en feraient la demande», ainsi qu'une étude sur l'école à distance, etc. L'intention était louable.

Aujourd'hui, on a un rapport du SRED de 98 pages; on a aussi l'enquête de Zoug. Or, la rentrée scolaire est passée; formellement, c'est un peu embêtant. Au fond, même si je dépose un rapport de minorité, je suis assez content qu'il y ait cette proposition de motion, parce que c'est l'occasion de rendre hommage au corps enseignant qui s'est dépensé sans compter pendant ces semaines où les écoles étaient fermées, et je remercie le rapporteur de majorité pour cela. Voilà, il fallait le dire, c'était l'occasion, mais ce n'est pas tout à fait le propos de ce texte, il faut le dire aussi !

Actuellement, telle qu'elle subsiste, il ne reste rien de la proposition de motion, parce que les cours d'appui pour les élèves sont une réalité, c'est ce qui existe aujourd'hui ! Les enquêtes sur l'école à distance ont été menées: elles devront encore être complétées, notamment pour l'enseignement spécialisé, nous dit le SRED. Tant mieux ! Mais formellement, pourquoi voter cet objet ? Je ne vais pas répondre à la place du département, mais est-ce que la réponse n'est pas déjà donnée ?

Voilà, alors profitons de cette occasion pour rendre hommage à tous les enseignants qui se sont dévoués corps et âme pour leurs élèves durant cette période de fermeture des écoles et souhaitons surtout que cela ne se reproduise pas ! Gardons le lien avec les élèves et les familles, tirons-en des enseignements, mais ces rapports existent: lisez-les ! Les 98 pages du SRED sont assez complètes.

Mme Natacha Buffet-Desfayes (PLR). On a rappelé ce qui s'est passé durant les travaux de la commission de l'enseignement. Le groupe Ensemble à Gauche a déposé un rapport de minorité en rejetant les amendements proposés en commission et a fait preuve ainsi, selon nous, d'une forme de mauvaise foi. M. Baud - vous lui transmettrez, Monsieur le président de séance - se plaint du fait que la motion est arrivée au bon moment, mais qu'elle aurait ensuite été vidée de sa substance - je caricature ce qui a été dit - alors qu'une autre proposition de motion PLR qui demandait l'instauration de cours de soutien les semaines précédant la rentrée scolaire avait été rejetée d'une certaine manière par la commission, ce qui avait amené le PLR à la retirer. Je trouve donc un peu dommage qu'on s'arrête uniquement à des considérations presque personnelles et qui relèvent un peu de la susceptibilité puisque cette motion s'est adaptée à son temps et à ce qui a été fait depuis le dépôt du texte. Ce qui est maintenant réellement demandé dans ce texte, ce sont des mesures pour répondre le mieux possible aux exigences de l'enseignement à distance.

L'accusation d'Ensemble à Gauche dans son rapport de minorité envers la commissaire PLR qui a amendé cette motion - à savoir moi - relève très clairement de la légèreté, de l'irréflexion et de l'improvisation, tous les autres groupes et tout le reste de la commission voient là un texte proposant un appui à l'action du DIP. Celui-ci a effectivement déjà fait un premier bilan et a énoncé un certain nombre de chiffres, mais il est en train d'établir un deuxième bilan. Le DIP continue donc d'établir un bilan plus précis, comme M. Baud le souhaitait et comme Ensemble à Gauche semblait le souhaiter. Là où Ensemble à Gauche se limite à montrer sa susceptibilité quant à la manière dont les travaux en commission se sont déroulés, le reste des groupes voit le moyen d'intensifier et de faciliter le prêt aux élèves d'un matériel informatique qui est en effet absolument nécessaire au bon suivi de l'école à distance. Là où Ensemble à Gauche se limite de nouveau à sa susceptibilité, tout le reste des groupes voit des mesures qui ne répondent pas seulement à l'urgence par l'urgence, mais qui sont réfléchies et pérennes, telles celles donnant la possibilité aux écoles de dispenser des cours d'appui supplémentaires et pas seulement ceux qui sont donnés en général.

Le président. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Natacha Buffet-Desfayes. Il s'agit de cours d'appui supplémentaires pour les élèves qui en feraient la demande au bout de quelques semaines et qui pourraient ainsi être accompagnés pendant l'année. Je vous remercie d'accepter cette proposition de motion telle qu'amendée.

Mme Patricia Bidaux (PDC). Monsieur le président, le travail effectué en commission a permis de trouver une large majorité et je remercie ici les deux rapporteurs pour la rapidité avec laquelle ils ont écrit leurs rapports, tout de même. La proposition de motion a été déposée en urgence fin avril 2020, traitée tout aussi rapidement en commission, puis ces rapports ont été déposés dans un délai très court, en juin encore. Les amendements apportés ont permis d'actualiser le texte pour accompagner ce qui est mis en place par une décision claire du parlement: bien que nous soyons en octobre, cela apparaît plus que jamais nécessaire, car on ne sait pas encore ce que nous réservent les mois à venir.

A partir de l'expérience des mois passés, il s'agit donc de s'assurer que l'aide pédagogique soit fournie et que l'accès au matériel informatique de seconde main soit rendu possible très rapidement. (Commentaires.) Les téléphones portables n'offrent pas un support de travail adéquat, ni pour lire les textes, ni pour prendre connaissance de documents en tous genres - et que dire du renvoi des devoirs à l'enseignant ?

Pour toutes les raisons qui précèdent, nous vous invitons à accepter cette proposition de motion comme l'a fait la majorité de la commission.

M. Emmanuel Deonna (S), rapporteur de majorité. Monsieur le président de séance, pour réagir aux propos de ma préopinante ou de la préopinante d'avant, avec cette proposition de motion, il s'agit aussi d'encourager le numérique, et ce n'est pas juste l'achat de quelques ordinateurs !

Le président. Vous parlez sur le temps du groupe.

M. Emmanuel Deonna. Il s'agit d'une formation nécessaire; des crédits importants avaient été demandés pour le numérique à la commission des travaux lors de la discussion sur le précédent budget. Ils ont été refusés, mais on se rend compte à quel point le numérique est important aujourd'hui ! Il s'agit ici de préparer des plans de quarantaine pour assurer une continuité, mais aussi de penser au numérique et à ses usages. On sait que les élèves sont friands de numérique, mais que cela demande des précautions particulières, et il faut s'assurer que cette formation au numérique s'effectue en concertation avec les parents, les enseignants et les élèves. Comme l'ont rappelé les autres commissaires, on dispose d'outils assez perfectionnés, notamment avec le service de la recherche en éducation, pour mettre en oeuvre ce meilleur usage du numérique.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, notre groupe votera en faveur de cette proposition de motion. Permettez-moi tout d'abord de saluer les efforts faits par l'ensemble du corps enseignant et de remercier les enseignants d'avoir fait de leur mieux - voire davantage - afin de maintenir de bonnes conditions d'apprentissage durant cette période compliquée, mais il faut répéter que la force de l'enseignement en présentiel ne peut être remplacée par le numérique, même s'il s'agissait de «permettre le maintien des compétences et non l'acquisition de nouveaux contenus», pour citer le rapport du SRED... (Brouhaha.)

Le président. Un instant, Madame la députée ! Si le caucus du fond de la salle pouvait se déplacer à l'extérieur, cela permettrait d'améliorer la qualité de nos débats ! Madame la députée, vous pouvez poursuivre.

Mme Marjorie de Chastonay. Merci, Monsieur le président de séance. Je disais qu'il était important de saluer le corps enseignant pour le travail accompli pendant cette période difficile. Cependant, les collaborateurs et les collaboratrices ont beau travailler aussi dur que faire se peut, il est difficile d'offrir le meilleur avec un budget toujours plus limité et qui permettait déjà à peine de fonctionner en temps normal. Ainsi, l'arrivée renversante du virus, couplée aux dangereux manques de moyens auxquels l'école doit faire face, a mis en lumière les inégalités sociales et scolaires existant au sein de notre canton. En particulier, lorsqu'il a fallu migrer d'un enseignement en présentiel à un enseignement numérique, du jour au lendemain, les différences se sont brusquement manifestées dans le manque même de matériel nécessaire à la bonne continuation de l'apprentissage chez certains et certaines élèves. Cela sans même parler des élèves à besoins spécifiques, qui ont encore plus souffert de cette situation, n'ayant pas toujours à disposition à la maison le matériel nécessaire à leur apprentissage ou l'accompagnement adéquat et attentif de proches ou de professionnels formés. Cette situation a donc pu être difficile pour eux.

Ainsi, nous soutenons cette proposition de motion car nous ne sommes malheureusement pas à l'abri d'une deuxième vague et d'un éventuel reconfinement, et des besoins différents pourraient survenir en cours d'année. Le présent texte propose des cours de soutien pour les élèves ou les familles qui en feraient la demande et il demande aussi à l'Etat d'intensifier la récupération du matériel informatique de seconde main pour le mettre à disposition des élèves qui en ont le plus besoin. Il s'agit ainsi d'éviter une dangereuse fracture numérique, risque qui pourrait encore s'accroître.

En conclusion, j'aimerais préciser que l'enseignement à distance avec des enfants ou des jeunes ne peut fonctionner qu'avec des parents ou des professionnels disponibles et à leurs côtés. Cela ne représente pas toujours la réalité sociale de notre canton. Le projet école à distance, école à la maison est à nos yeux une solution alternative et temporaire, qui n'est donc pas faite pour durer, mais qui doit être de qualité et équitable pour toutes et tous. (Applaudissements.)

M. Stéphane Florey (UDC). Monsieur le président - vous transmettrez à votre collègue - c'est juste pour rectifier: ce qu'il a dit sur les crédits qui auraient été refusés est totalement faux ! La commission des travaux de ce Grand Conseil n'a même pas pu se prononcer sur ces projets puisque Mme la conseillère d'Etat les a retirés. Ne venez donc pas dire ici que c'est scandaleux, que le Grand Conseil a refusé des crédits: on n'a même pas pu les voter !

M. Olivier Baud (EAG), rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je constate une forme de projection du côté du PLR en matière de susceptibilité. Je comprends que Mme Natacha Buffet-Desfayes veuille défendre ses amendements, mais quant à moi, je n'ai objectivement aucun amendement à défendre !

Le président. Vous parlez sur le temps du groupe.

M. Olivier Baud. Je constate simplement qu'on vide de sens le texte soumis. Quand il est demandé de «proposer des cours de soutien pour les élèves ou les familles qui en feraient la demande», je suis désolé, mais c'est la situation actuelle ! Ça existe, on offre des cours d'appui ou de soutien aux élèves ! Décréter ça dans l'absolu ne veut objectivement rien dire, et ce n'est pas une attaque personnelle. «Intensifier la récupération du matériel informatique de seconde main [...]»: Ok, on peut faire ça, mais l'invite initiale de la proposition demandait de «mettre sur pied rapidement un plan luttant contre la fracture numérique touchant les familles précarisées afin d'être mieux préparé en cas de nouvelle vague [...] et de retour à l'enseignement à distance». Voilà, là, c'est quelque chose de concret; il n'y avait aucune raison de l'évacuer. Je ne voulais pas défendre plus que ça cette proposition de motion du PDC, mais elle était assez séduisante quand même et le PDC s'est objectivement fait manger sa motion avec de nouvelles invites qui n'ont plus aucun sens ! C'est ça que je regrette. Faisons le maximum pour ces élèves !

Le groupe s'abstiendra, même si cette proposition de motion va passer, puisqu'il faut évidemment se donner bonne conscience. Il faut penser aux élèves, penser à cette école à distance et essayer de trouver les meilleurs moyens: malheureusement, ce texte est dévoyé et c'est dommage !

Mme Patricia Bidaux (PDC). Monsieur le président, en tant que députée PDC, je me dois évidemment de répondre au discours simple qui dit que le PDC s'est fait voler sa motion: non, le PDC ne s'est pas fait voler sa motion ! Le PDC a travaillé avec acharnement afin de trouver une majorité et le PDC a gagné puisque la majorité vous encourage ce soir à voter ce texte. (Applaudissements.)

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Monsieur le président de séance, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur Baud, Madame de Chastonay, c'est bien évidemment mon tour de saluer non seulement le travail des enseignants, mais aussi celui des directions d'établissements, des directions générales, qui ont fait leur maximum pendant cette période pour essayer d'assurer la continuité de l'enseignement. Je me réjouis aussi de voir qu'il semble exister - même s'il y a un rapport de minorité - une unanimité sur le fond et une reconnaissance des besoins existants pour les élèves, notamment le besoin d'outils numériques, mais également celui de soutien.

Maintenant, la proposition de motion a effectivement été travaillée avant l'été; elle aurait peut-être dû être traitée par votre Grand Conseil préalablement. Elle est un peu dépassée dans les faits aujourd'hui; je vais néanmoins vous donner quelques chiffres qui pourraient vous intéresser.

Concernant le soutien, le département avait annoncé qu'on allait essayer de repérer très vite, en début d'année, les élèves se trouvant dans une situation extrêmement difficile ou trop éloignés de ce qu'on attend d'eux sur le plan scolaire. Quelques chiffres: à l'école primaire, 1341 élèves sont dans cette situation; au cycle, 198. Pour le secondaire II, on n'a pas de chiffres globaux, c'est variable selon les écoles. Des cours d'appui sur les disciplines mêmes ainsi que, parfois, sur les méthodes de travail - parce que ce qui manque souvent aux élèves, ce sont les méthodes de travail - ont été mis en place dans toutes les situations, écoles primaires, cycles, secondaire II. Nous avons donc identifié les situations les plus problématiques; il reste maintenant à voir ce qui va se passer quand il y aura les premières notes, les premières évaluations et les moyennes: il faudra voir comment ces élèves arrivent à tenir dans le système.

Concernant l'équipement, la brutalité du semi-confinement a cruellement montré que tous les élèves n'étaient pas égaux dans le domaine numérique. Je dirais même que dans les milieux privilégiés, où on a peut-être plusieurs ordinateurs, on n'a pas forcément non plus un ordinateur pour chaque membre de la famille, et quand on fait du télétravail, c'est aussi compliqué de devoir partager ces outils avec ses enfants. Néanmoins, durant le confinement, des informations sur des situations sont remontées. Je vous donne quelques chiffres pour que vous ayez une idée. Ce sont vraiment les situations les plus lourdes, les plus graves, celles pour lesquelles il n'y avait pas d'équipement et où il y a vraiment la nécessité de fournir quelque chose. Au secondaire II, on a identifié 852 élèves. Au cycle, 45 élèves n'avaient aucun équipement, 353 uniquement un smartphone et 282 un seul ordinateur pour toute la famille, avec plusieurs membres de la famille qui l'utilisaient. Dans l'enseignement spécialisé, il y a une vingtaine de situations difficiles, et à l'école primaire, environ 800 élèves concernés.

Comment est-ce qu'on a fait ? Eh bien, on a fait ce que demande la proposition de motion, c'est-à-dire qu'on a essayé de trouver des équipements de deuxième main ! Un projet a été mis en place avec Pro Juventute: environ deux cents PC ont pu être trouvés de cette manière-là, mais vous voyez qu'on est encore loin du compte ! Qu'est-ce qu'on a encore fait ? On a utilisé le matériel qu'il y avait dans les écoles. Nous avions dans le primaire des écoles pilotes, malgré le refus de projets de lois par la majorité des députés à la commission des travaux - Monsieur Florey, ça a été largement refusé, le vote a eu lieu ! Eh bien, ces écoles pilotes ont pu fournir des tablettes ou les outils qu'elles avaient déjà à disposition pour les élèves qui en avaient besoin. Les écoles du secondaire II étaient souvent équipées de matériel et on a pu trouver des solutions pour un certain nombre d'élèves. A l'OMP, ça a aussi été réglé; au cycle, partiellement. Au final, on estime quand même qu'un certain nombre d'élèves n'ont pas eu le matériel nécessaire.

J'aimerais vous inviter à voter cette proposition de motion pour donner un signe au département et au Conseil d'Etat, mais je crois qu'il faut aller plus loin, et on doit se poser la vraie question maintenant. Je ne pense pas qu'on aura forcément une situation aussi radicale qu'un nouveau confinement: on irait plutôt vers un enseignement en demi-groupe, mais supposons qu'on ait quelque chose de ce type-là, que faire pour les élèves qui ne sont pas équipés, notamment à l'école obligatoire ? Parce qu'à l'école obligatoire, on fournit le matériel aux élèves, et la question que le Conseil d'Etat sera certainement amené à vous poser d'ici quelques mois est: est-ce que vous acceptez aussi que des équipements soient fournis aux élèves, notamment au cycle d'orientation ? Quand j'étais élève, on avait la règle à calculer; mes enfants ont eu la machine à calculer; on pourrait imaginer que les élèves d'aujourd'hui aient au cycle d'orientation un ordinateur portable qui leur serait utile pour l'école.

Je crois donc que ce sera véritablement là qu'il faudra apporter une réponse, mais dans l'immédiat et indépendamment du partenariat avec Pro Juventute, sachez que l'Etat a décidé de mettre à disposition tous les PC et tous les ordinateurs qui étaient d'habitude recyclés et donnés à l'entreprise Réalise: tous les ordinateurs qu'on n'utilise plus à l'Etat seront donc remis en état puis mis à disposition des élèves, mais, je le répète, ce ne sera pas suffisant ! Je vous invite donc, si vous le souhaitez, à voter cette proposition de motion, mais, surtout, à soutenir ensuite la politique numérique du département !

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.

Mise aux voix, la motion 2634 (nouvel intitulé) est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 57 oui et 11 abstentions.

Motion 2634