République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 1 octobre 2020 à 17h
2e législature - 3e année - 5e session - 23e séance
PL 12312-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Le point suivant réunit le PL 12312-A et la M 2667 que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Léna Strasser, à qui je passe la parole.
Mme Léna Strasser (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi 12312 vise à créer une allocation d'accueil permettant aux parents qui reçoivent des enfants placés pour diverses causes graves de réduire leur temps de travail ou d'arrêter leur activité professionnelle au début de la prise en charge.
Après plusieurs auditions en commission, nous nous sommes aperçus que le texte, même s'il traite une problématique importante, n'est pas conforme au droit supérieur. En effet, l'article 16h de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain ne donne pas la possibilité aux cantons de légiférer sur cette question. Ainsi, pour pouvoir exister à Genève, l'allocation d'accueil devrait d'abord être implémentée au niveau fédéral. A l'échelle cantonale, l'Etat propose aux employés de la fonction publique une allocation lors du placement d'un enfant, sachant que les familles d'accueil manquent sur notre territoire; les entreprises privées sensibles à ce sujet pourraient déjà s'inspirer d'un tel dispositif.
Bien que plein d'intérêt, cet objet a donc été refusé à l'unanimité par la commission des affaires sociales; il n'a pas été retiré par ses auteurs dans le but de laisser une trace des travaux de commission et de faire comprendre les réflexions qui ont finalement mené les commissaires à élaborer une motion de commission sur cette thématique. Ce texte demande d'une part au Conseil d'Etat de promouvoir auprès du personnel de la fonction publique l'accueil d'enfants ainsi que le soutien offert par l'Etat aux familles durant les premiers jours de placement. D'autre part, il répond à un enjeu qui a été soulevé lors des auditions: tous les enfants placés n'ont pas forcément de titre de séjour valable. Certaines familles se retrouvent ainsi dans des situations compliquées, par exemple quand il s'agit de partir en vacances. Soudain, l'enfant accueilli ne fait plus vraiment partie de la famille puisqu'on ne peut pas l'emmener, il faut donc repenser toute l'organisation familiale. La proposition de motion invite le Conseil d'Etat à trouver des solutions pour que les enfants bénéficient d'une autorisation de séjour tout comme de documents de voyage pendant la durée du placement, ce qui permettrait aux familles d'accueil de voyager avec l'ensemble de leurs membres, c'est-à-dire également avec les enfants placés.
M. Cyril Aellen (PLR). La commission des affaires sociales a travaillé en bonne harmonie sur ce projet de loi, et c'est l'occasion pour le groupe PLR de remercier le parti socialiste d'avoir saisi notre parlement de cette problématique et cherché à promouvoir les familles d'accueil avec hébergement permanent. Le but était aussi de trouver des solutions pour les enfants qui ne bénéficient pas de titre de séjour pour la durée du placement.
Mais en effet, d'abord parce que l'allocation pour perte de gain souhaitée n'est pas conforme au droit supérieur et ensuite parce que l'assurance proposée est difficile à mettre en oeuvre et a des contours peu clairs, l'entier de la commission - le groupe PLR s'y est joint avec conviction - a accepté de poursuivre les objectifs initiaux en votant une motion de commission. Il est évident que nous soutiendrons unanimement ce texte aujourd'hui tout comme nous refuserons le projet de loi pour les raisons déjà évoquées, conformément à la décision de la commission des affaires sociales.
M. Stéphane Florey (UDC). A la lecture des travaux de commission... Bon, nous refuserons également le projet de loi. Par contre, en ce qui concerne la proposition de motion, il s'avère que notre groupe n'est pas tout à fait d'accord avec la formulation proposée, notamment celle de la deuxième invite. C'est la raison pour laquelle nous demandons, à travers un amendement, que les enfants soient au bénéfice d'une autorisation de séjour provisoire. L'invite est modifiée comme suit: «à trouver des solutions entre les départements pour que les enfants placés puissent, lorsqu'ils n'ont pas de titre de séjour valable en Suisse, obtenir une autorisation de séjour provisoire pour la durée du placement.» Voilà le premier élément. Il nous semble essentiel de le préciser, car lorsqu'il aura atteint sa majorité, le jeune devra de toute façon se lancer dans une procédure d'admission; en aucun cas il n'est question, quel que soit l'âge de la personne, qu'elle soit tout à coup admise définitivement.
La deuxième chose qu'on veut supprimer, c'est le fait de donner des documents de voyage. Là, on croit rêver ! Je suis désolé, mais quand on est réfugié en Suisse, c'est pour y rester et certainement pas pour aller voyager, quels que soient les motifs pour lesquels les gens veulent partir en vacances ! C'est comme quand on voit des familles entières de réfugiés qui retournent dans leur pays d'origine alors qu'elles y sont prétendument en danger ! Là, c'est exactement la même chose: la personne au bénéfice de documents de voyage tels qu'on veut les lui octroyer dans la proposition de motion pourrait se retrouver dans des pays risqués pour sa sécurité. C'est quand même important de le souligner ! Voilà pourquoi notre groupe, lors de son caucus, a décidé que si l'amendement déposé n'était pas adopté, nous rejetterions la motion pour les raisons évoquées. Je vous remercie.
Mme Patricia Bidaux (PDC). Les enfants et la jeunesse en général font partie des priorités clairement énoncées par le Parlement fédéral qui, pas plus tard que le 25 septembre dernier, a interdit le placement en détention des jeunes migrants. Ce soir, notre assemblée va accepter une proposition de motion qui d'une part incite les employés de l'Etat à soutenir les enfants ayant besoin d'un hébergement en devenant familles d'accueil, d'autre part permet à ceux-ci, même lorsqu'ils n'ont pas de titre de séjour valable, d'obtenir une autorisation de séjour et des documents de voyage au moins pendant la durée du placement. Ce texte, fruit du travail de la commission des affaires sociales, a fait l'unanimité; que ses membres en soient ici vivement remerciés. Si la solidarité devenait manifeste, si elle trouvait le chemin pour s'introduire dans nos foyers, si elle se conjuguait avec le mot «générosité»...!
A travers ses décisions, notre Grand Conseil a exprimé cette générosité en acceptant, au mois de juin, une aide d'urgence pour la distribution de produits de première nécessité. Un peu plus tard, il faisait preuve à une courte majorité d'une autre forme de solidarité, une solidarité sortant des sentiers battus et exigeant du renoncement - il nous faut bien regarder en face certaines situations d'urgence - en accordant une aide financière pour pallier la perte d'un travail précaire. Un soutien à tous ceux qui, sans cela, se retrouveraient à la rue. Cela dit, le projet ne traite ni des abus de logeurs, ni du travail au noir, ni même du statut de ceux, stagiaires ou autres, qui se sont retrouvés sans rien.
L'état de catastrophe lié à une pandémie, c'est comme un état d'urgence: on ne soigne aucune maladie chronique, seulement les symptômes pour pouvoir survivre. D'ailleurs, la présente proposition de motion ne concerne pas ce qui est chronique, mais bel et bien la nécessité urgente d'offrir à des enfants un hébergement au sein de familles d'accueil. Je vous remercie sincèrement pour ce courage, Mesdames et Messieurs, même si c'est le minimum. Le PDC, qu'il soit «Centre» ou chrétien - puisqu'on est actuellement dans ce débat - reste fidèle à ses valeurs et défend la dignité humaine; il vous recommande dès lors d'accepter la proposition de motion et de refuser le projet de loi qui n'a plus de raison d'être.
Le président. Merci bien. La parole revient à M. André Pfeffer... pour dix-neuf secondes ! Ce sera très court.
M. André Pfeffer (UDC). Oui, alors ce projet de loi concerne évidemment un sujet très grave, mais il est question ici d'augmenter le nombre de familles d'accueil uniquement avec des indemnités. Il faut souligner que ces vingt dernières années, le nombre de familles d'accueil a sensiblement progressé...
Le président. C'est terminé...
M. André Pfeffer. ...passant de 84 à 230...
Le président. Je vous avais prévenu: dix-neuf secondes, c'est très court !
M. André Pfeffer. ...et ceci sans indemnités, lesquelles sont tout de même basées sur l'assurance-accidents obligatoire...
Le président. Merci, Monsieur.
M. André Pfeffer. ...à savoir 124 000 francs par année. Merci.
Mme Helena Verissimo de Freitas (S). Je ne vais pas répéter tout ce qui a déjà été dit. Un simple rappel: on parle ici d'enfants placés, pas d'adultes réfugiés qui partiront en vacances. On parle d'enfants qui seront accueillis dans des familles; ils ne seront pas seulement nourris et logés, mais des liens vont se tisser et des vacances vont s'organiser. Sans documents de voyage, ces enfants ne pourront pas sortir de Suisse. En Suisse, il n'y a pas de mer, par exemple; c'est sympa d'aller à la mer en vacances ! Je le répète: c'est des familles d'accueil qu'il est question. Le groupe socialiste refusera évidemment l'amendement déposé et vous invite, Mesdames et Messieurs, à voter cette proposition de motion avec engouement. Merci. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'envisageais de tenir le même propos que celui de Mme de Freitas: effectivement, confiner les enfants placés en Suisse alors que le reste de la famille d'accueil serait appelé à quitter le territoire pour des vacances, pour des moments d'agrément, n'a aucun sens; c'est une manière de les pénaliser encore plus que le vécu qui les a menés à être placés. Cela n'a aucun sens et surtout cela manque singulièrement de générosité et de respect envers les personnes concernées.
Cela étant, j'aimerais intervenir sur un autre élément. Il s'agit ici d'une motion de commission, et je trouve particulièrement gênant que l'UDC vienne nous dire que si son amendement n'est pas accepté, elle remettra en question son adhésion. Si nous nous sommes accordés sur ce texte, c'est grâce à un consensus, c'est-à-dire le plus petit dénominateur commun; vous imaginez bien que s'il avait fallu nous écouter, certains d'entre nous auraient proposé d'autres invites avec des objectifs un peu plus élevés. C'est pourquoi j'invite l'UDC à respecter la forme d'engagement qu'elle a pris en souscrivant à cette motion au moment où celle-ci a été adoptée par la commission des affaires sociales. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Florey, je suis désolé, mais il n'y a plus de temps de parole pour l'UDC. (Remarque de M. Stéphane Florey.) Vous n'avez pas la parole, Monsieur Florey, il n'y a plus de temps de parole pour l'UDC ! Je prie l'assemblée de bien vouloir se prononcer sur le premier objet, soit le PL 12312.
Mis aux voix, le projet de loi 12312 est rejeté en premier débat par 79 non contre 5 oui et 2 abstentions. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Le président. Nous passons maintenant au second objet, la M 2667. Avant de vous faire voter sur sa prise en considération, Mesdames et Messieurs, je vous soumets d'abord l'amendement de M. Florey qui modifie la teneur de la deuxième invite comme suit: «à trouver des solutions entre les départements pour que les enfants placés puissent, lorsqu'ils n'ont pas de titre de séjour valable en Suisse, obtenir une autorisation de séjour provisoire pour la durée du placement.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 71 non contre 17 oui et 1 abstention.
Mise aux voix, la motion 2667 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 84 oui contre 6 non et 1 abstention.