République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 28 août 2020 à 8h
2e législature - 3e année - 4e session - 19e séance
PL 12693-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Le président. Nous passons aux projets de lois concernant l'IMAD. Je donne la parole à M. Jean-Luc Forni, rapporteur pour le PL 12693-A.
M. Jean-Luc Forni (PDC), rapporteur. Merci, Monsieur le président. A nouveau, la commission des finances a accepté à l'unanimité moins une abstention le projet de loi approuvant les états financiers individuels de l'IMAD et elle vous conseille bien entendu d'accepter ce projet de loi sans réserve.
M. Emmanuel Deonna (S). Monsieur le président, aujourd'hui, les Suisses vivent plus longtemps, mais les personnes n'ayant qu'une formation obligatoire vivent toujours plus longtemps en mauvaise santé: ce sont les résultats d'une grande étude récente menée par des sociologues et des démographes de l'Université de Genève. Les inégalités socio-économiques poussent les personnes modestes à retarder le plus possible le recours à leur médecin voire à y renoncer ou encore à éviter de faire des dépistages car ceux-ci sont trop coûteux et non pris en charge par les caisses maladie. Or, moins vite on détecte l'apparition de maladies chroniques, plus rapidement l'état de santé se dégrade. Contrairement aux OASD privées, l'IMAD est soumise à l'obligation d'admettre et cette obligation implique une souplesse organisationnelle permanente: l'Etat impose une prise en charge obligatoire 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. L'IMAD a la responsabilité de cas lourds dont les prestataires de soins privés ne s'occupent souvent pas car la coordination de ces cas est trop lourde à porter pour les privés.
L'obligation d'admettre a des conséquences très difficiles pour le personnel de l'IMAD. Celui-ci se plaint de façon récurrente d'un grand nombre de problèmes: surcharge administrative pour les infirmières, sous-effectifs, dégradation des conditions de travail, management autoritaire, taux d'absence important. Face à la prise en compte insuffisante des demandes du personnel de l'IMAD et de la souffrance au travail, les relations entre la direction et le personnel se sont dégradées ces dernières années. Le dialogue social a été renoué, mais le taux d'absence et la souffrance du personnel restent d'actualité. Il faut entendre les demandes des infirmières de l'IMAD: elles exigent notamment d'améliorer le taux d'occupation des infirmières qui ne peuvent pas travailler à moins de 80%; elles demandent un jour fixe de congé et la cessation des changements intempestifs de plannings, pour mieux concilier vie privée et professionnelle. Malgré cela, le groupe socialiste vous invite à accepter ce rapport.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, je rappelle que l'IMAD est la seule institution de droit public du canton en matière de soins à domicile et qu'elle a une obligation d'admettre 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 - une obligation imposée par l'Etat dans son contrat de prestations, en dépit des ressources budgétaires. L'IMAD est de plus en plus amenée à jouer un rôle prépondérant dans la politique publique de la santé, parce que la population genevoise est vieillissante, sujette à de plus en plus de maladies chroniques accompagnées de comorbidités de plus en plus complexes à prendre en charge. L'IMAD s'occupe des personnes âgées vivant seules, des malades chroniques ainsi que des personnes dépendantes et fragiles: 50% des personnes suivies par l'IMAD ont plus de 80 ans. Il y a également des enjeux de coordination et de collaboration avec l'entier du réseau santé et social, c'est pourquoi l'IMAD est dans une logique complexe d'interprofessionnalité.
L'IMAD a toute son importance, parce que le canton de Genève préconise justement le maintien à domicile comme une priorité afin d'éviter un maximum d'hospitalisations et d'institutionnalisations. Cette institution a toute son importance, parce que le domaine de l'ambulatoire est en plein développement - voire en explosion - et que les personnes nécessitant des soins doivent être suivies par le personnel de l'IMAD; elle a toute son importance parce qu'elle joue aussi un rôle central dans la prévention, notamment lors des périodes de canicule - il y en aura de plus en plus souvent, avec le réchauffement climatique.
Les Vertes et les Verts accepteront le rapport de gestion 2019 de l'IMAD, mais tiennent néanmoins à émettre certaines réserves concernant le personnel. Tout comme le personnel soignant, les employés de l'IMAD devraient être applaudis, honorés et rémunérés à la hauteur de leur tâche, qui est gigantesque. Et pourtant, le personnel du réseau des soins de l'IMAD se retrouve encore dans des conditions de travail difficiles, avec une surcharge de travail importante. Mon préopinant a mentionné les problèmes que sont les cadences accrues, l'augmentation du stress ainsi que la surcharge administrative.
Les Vertes et les Verts accepteront cette politique publique, mais restent critiques quant au contexte difficile vécu par les collaborateurs et aux moyens limités octroyés.
M. François Baertschi (MCG). Monsieur le président, je m'associe à ce que vient de dire ma préopinante Verte: il convient d'applaudir le personnel de l'IMAD pour le travail remarquable qui est fait. Je tiens aussi à aller dans le sens des deux députés - socialiste et Vert - qui ont parlé de la problématique pour l'IMAD de l'obligation d'admettre et du fait aussi qu'elle n'a pas actuellement les moyens financiers de répondre complètement à cette obligation. En effet, nous avons pu constater lors de l'examen des comptes que les finances de l'IMAD sont fragiles. Pour cette raison, nous vous demandons déjà de soutenir l'IMAD en votant oui. D'un autre côté, nous vous rappelons, si c'est nécessaire, qu'une loi importante examinera justement le futur de cette institution importante pour Genève et lui permettra, nous l'espérons, d'avoir les moyens suffisants pour mener sa politique.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Monsieur le président, je souhaitais intervenir sur le rapport d'activité. J'ai l'impression qu'on parle du projet de loi sur les états financiers...
Le président. Nous en sommes toujours aux états financiers, effectivement !
Mme Jocelyne Haller. Compte tenu des interventions des personnes qui m'ont précédée, le doute était légitime. Je reviendrai dans un petit moment sur le rapport d'activité.
M. Thomas Bläsi (UDC). Monsieur le président, le groupe UDC aimerait s'associer aux compliments et aux remerciements adressés à l'IMAD. Toutefois, nous souhaiterions amener certains compléments. Nous avons entendu dans la bouche de nos préopinants de gauche un rappel de l'obligation de prise en charge pour l'IMAD. C'est exact et inscrit tel quel, mais cette obligation n'est toutefois pas remplie avec des patients qui ont des problèmes de type psychiatrique ou pour d'autres cas vraiment très lourds. L'IMAD ne prend pas en charge ces cas, elle s'y refuse et laisse les infirmières indépendantes s'occuper de ces patients. Dans les cas ultimes, c'est souvent la pharmacie qui s'occupe de ces cas puisque les infirmières indépendantes ont aussi le droit de les refuser.
Puisque vous avez placé les infirmières de l'IMAD au centre du dispositif, il est aussi important de savoir que celles-ci préparent les semainiers pour les patients, sous délégation d'ordre du médecin, donc pas sous ligne LAMal. Cela veut dire qu'en fait, elles sont libres de facturer aux patients - et elles le font - la préparation d'un semainier pour une somme de 70 francs. La ligne LAMal correspondante pour la préparation et la livraison des semainiers en pharmacie est à 21,60 francs. Cela veut dire que si l'IMAD est très utile et absolument indispensable aux patients, elle génère des surcoûts extrêmement importants.
De même, le changement de personnel à l'IMAD, dans le système général et dans la prise en charge du patient, génère d'autres difficultés car les changements de personnel à l'IMAD font que vous pouvez très bien avoir une infirmière le lundi matin, qui va vous commander des médicaments pour un patient, une nouvelle infirmière le mardi, qui va vous commander exactement les mêmes médicaments pour le patient, une troisième infirmière le surlendemain, qui fera encore la même chose ! Si vous n'avez pas un système de centralisation des commandes, si vous n'avez pas une interface correspondante dans les quartiers, c'est-à-dire les pharmacies, vous vous retrouvez avec des surcoûts dans la santé absolument phénoménaux !
Voilà, je tenais juste à souligner l'intérêt et l'importance de l'IMAD ainsi que le rôle de mes collègues pharmaciens dans leurs interactions avec l'IMAD. Il faut aussi savoir que, quand l'IMAD vient chercher les médicaments dans les officines, certainement et souvent, en fait, elle ne dispose pas de réserves d'ordonnances pour les patients. Si vous ne voulez pas qu'il y ait une interruption de traitement, il est évident que la pharmacie va devoir faire des avances de traitement pour assurer une continuité des soins, pour ensuite se mettre en contact avec les médecins afin de récupérer les ordonnances et expliquer au médecin pourquoi il n'a pas vu son patient et de quelle manière il peut y avoir un suivi du traitement.
Donc, nous avons parlé du rôle central de l'IMAD, mais je tenais à dire que si rôle central dans la santé il y a, c'est évidemment celui des pharmaciens. L'IMAD a quand même un problème dans la facturation et il serait logique que les mêmes prestations soient facturées au même prix, dans l'intérêt des coûts de la santé ! Le groupe UDC soutiendra le rapport concerné.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, je vous fais voter l'entrée en matière sur le PL 12693.
Mis aux voix, le projet de loi 12693 est adopté en premier débat par 66 oui contre 1 non.
L'article unique du projet de loi 12693 est adopté en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12693 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 70 oui (unanimité des votants).
Le président. Nous passons au second projet de loi. Je donne la parole au rapporteur de majorité, M. Sylvain Thévoz.
M. Sylvain Thévoz (S), rapporteur de majorité. Monsieur le président, ce projet de loi approuvant le rapport d'activité de l'Institution de maintien, d'aide et de soins à domicile - IMAD - pour l'année 2019 a été traité en une séance sous la présidence de M. Pierre Nicollier. Cette séance a été dévolue à l'audition de M. Moreno Sella, président, et de Mme Marie Da Roxa, directrice générale de l'IMAD.
Mme Da Roxa a rappelé les défis auxquels fait face l'IMAD, en tout premier lieu le vieillissement de la population, l'accroissement des maladies chroniques et le virage ambulatoire, avec une augmentation des besoins et une complexification des prises en soins. Ces défis mettent l'institution à l'épreuve. Considérant l'activité durant l'année 2019, 50% des personnes suivies par l'IMAD ont plus de 80 ans et quatre dixièmes des personnes sont suivies 6 jours sur 7 ou 7 jours sur 7. Les enjeux de coordination, de collaboration et de partenariat sont importants. L'IMAD travaille de concert avec le patient, la patiente, les proches aidants, les médecins et tout le réseau. La complexité de ces échanges est continue. La prévention et la coordination demeurent toutefois aujourd'hui les parents pauvres du système de financement LAMal, ce qui est regrettable. Des projets pilotes ont permis de repenser certaines prestations. Les collaborations intercantonales ont également été accrues en 2019, afin de renforcer les échanges et les bonnes pratiques, notamment s'agissant du développement informatique.
Le taux d'absentéisme est toutefois toujours trop haut, même s'il est en baisse. En 2018, il y avait 7,5% d'absences pour maladie. En 2019, ce taux est descendu à 6,8%. Pour donner une image de l'engagement et des difficultés des missions: depuis février 2020, 111 collaboratrices et collaborateurs ont été atteints par le covid-19, 59 personnes ont été identifiées comme étant à risque et 170 personnes mises en quarantaine. Début mai, 5000 jours d'absence liés au covid-19 ont été identifiés. Un enjeu majeur pour l'IMAD sera de gérer la post-crise avec la décompression et la gestion du stress: l'IMAD craint fortement un effet de rebond chez les collaboratrices et collaborateurs.
Pour conclure, l'IMAD poursuit un travail conséquent auprès de la population afin de renforcer et d'accompagner le maintien à domicile. Dans un contexte difficile et avec des moyens limités, les efforts nécessaires sont fournis afin de garantir des soins de qualité aux bénéficiaires et une qualité de travail acceptable pour les collaboratrices et collaborateurs. Toutefois, le décalage entre les besoins de soins sur le terrain et le remboursement de ces derniers selon le catalogue LAMal conduit à une forte mise sous pression de l'IMAD, de ses collaboratrices et collaborateurs. On ne peut qu'inviter les groupes politiques ici présents à sensibiliser leurs élus à Berne pour agir dans ce sens. Pour le reste, nous vous proposons de soutenir ce rapport d'activité. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de minorité. Monsieur le président, à entendre les personnes qui se sont exprimées plus tôt, on peut sincèrement se demander comment on aide le mieux les établissements: en adoptant leur rapport de gestion tout en faisant l'impasse sur les difficultés auxquelles ils sont confrontés et en réduisant l'approbation de ces rapports de gestion à une simple formalité, ou en signifiant clairement que l'on n'est pas d'accord avec la manière dont se passent les choses, non pas pour mettre en question ces institutions, mais pour identifier les motifs qui les amènent à rencontrer un certain nombre de difficultés ? Très clairement, la minorité n'entend en aucune manière diaboliser l'IMAD ni invoquer une mauvaise gestion, que cela soit clair ! Elle estime cependant qu'il faut cesser de banaliser la souffrance du personnel et qu'il faut faire en sorte que les instances dirigeantes disposent de ressources suffisantes pour améliorer les conditions de travail des employés et leur donner les moyens requis pour affronter la complexité de leurs tâches. Nous avons entendu les représentants du personnel insister particulièrement sur la charge de travail qui augmente, le manque d'effectifs pour réaliser le travail dans de bonnes conditions, et aussi dénoncer une charge administrative de plus en plus lourde, ce qui induit à leurs yeux un épuisement sur le terrain, favorisant la démotivation des collaborateurs et un accroissement des absences - cela a déjà été évoqué. Plusieurs éléments du rapport 2019 paraissent idéalisés aux représentants du personnel et c'est un peu ce qu'on nous présente aujourd'hui. Ils font état, notamment, de la difficulté à concilier la vie privée et la vie professionnelle; ils relèvent des disparités relatives à l'organisation des tâches ou à la prise en compte des temps de préparation aux interventions et des temps de déplacement qui interpellent; des variations arbitraires qui génèrent de profonds malaises et vont à l'encontre des objectifs d'efficience et d'efficacité du nouveau planning des tournées. Il apparaît de surcroît que certains actes doivent s'accomplir dans une précipitation qui affecte la qualité de ceux-ci.
D'autre part, il faut savoir que les temps d'intervention sont systématiquement sous-estimés dans les plannings, ce qui fausse la durée des tournées. A noter, nous ont dit les représentants du personnel - et cela semble stupéfiant - que les temps de déplacement sont calculés pour un trajet à vol d'oiseau et ne prennent pas en compte les embouteillages et les chantiers, ce qui est un non-sens ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Les représentants du personnel ont aussi mis en évidence les sorties prématurées de l'hôpital qui génèrent d'épuisants ping-pongs entre les urgences et la maison - épuisants autant pour les patients que pour le personnel !
Année après année, sans que ce soit imputable aux responsables de ces organismes, les mêmes problèmes continuent d'apparaître, sans que leurs causes aient été mises en évidence, sans que les moyens nécessaires à leur correction aient été octroyés. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, cessons de faire comme si nos décisions et nos injonctions politiques ne jouaient aucun rôle dans la gestion des institutions de ce canton: regardons en face la réalité que nous produisons !
Le président. Madame la rapporteure, il vous faut terminer !
Mme Jocelyne Haller. Et donnons l'opportunité à ces institutions de nous livrer un rapport de gestion sans fard. Surtout, donnons-leur les moyens d'affronter les difficultés auxquelles elles sont confrontées ! Nous vous invitons à refuser ce rapport de gestion.
M. Bertrand Buchs (PDC). Monsieur le président, le PDC votera ce rapport de gestion. J'ai juste deux remarques. D'abord, ce que touche l'IMAD pour les soins à domicile est beaucoup trop faible, mais c'est un problème à discuter à Berne, au niveau fédéral, et j'insiste pour que nos députés fédéraux abordent ce sujet pour demander une augmentation des remboursements, surtout pour les temps de déplacement, parce qu'il est complètement surréaliste de demander à des personnes de se déplacer et de ne pas les payer quand elles sont dans des bouchons. Après, c'est le temps de travail sur place qui est diminué d'autant. Il faut donc absolument augmenter cette rémunération, payer les temps de déplacement. Cela doit se faire au niveau fédéral et, si cela aboutit, on aura plus de moyens pour l'IMAD.
L'autre remarque concerne l'inadéquation, pour moi, entre le travail de la direction et le travail sur le terrain: on a l'impression qu'on a là une direction qui invente des concepts, qui invente des tas de théories nécessitant du temps et de l'argent, mais qui ne servent strictement à rien pour la prise en charge à domicile, pour la prise en charge du malade - à savoir pour donner des soins. Le jour où on reviendra au coeur de métier de l'IMAD, je pense que ça ira mieux dans cette institution !
M. Daniel Sormanni (MCG). Evidemment, le MCG votera ce rapport de gestion. Il est effectivement inadmissible que les employés ne soient pas payés pendant qu'ils sont dans les bouchons organisés par notre ami Dal Busco et je crois que ça doit être corrigé ! (Exclamations.) Je ne l'ai pas dit hier, je le dis aujourd'hui !
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote d'entrée en matière sur le PL 12694.
Mis aux voix, le projet de loi 12694 est adopté en premier débat par 57 oui contre 5 non.
L'article unique du projet de loi 12694 est adopté en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12694 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 59 oui contre 6 non.