République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. François Lefort, président.

Assistent à la séance: MM. Mauro Poggia, Pierre Maudet, Serge Dal Busco et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta et Nathalie Fontanet, conseillères d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Edouard Cuendet, Alessandra Oriolo, Rémy Pagani, Salika Wenger et Raymond Wicky, députés.

Députés suppléants présents: Mme et MM. Pierre Bayenet, Didier Bonny, Joëlle Fiss et Patrick Malek-Asghar.

E 2718
Prestation de serment de la remplaçante de M. Yvan ROCHAT, député démissionnaire

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de Mme Ruth Bänziger. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Mme Ruth Bänziger entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)

Madame Ruth Bänziger, vous êtes appelée à prêter serment de vos fonctions de députée au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attachée aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;

- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;

- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»

A prêté serment: Mme Ruth Bänziger.

Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez siéger. (Applaudissements.)

E 2719
Prestation de serment de la 2e députée suppléante (Ve)

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de Mme Esther Schaufelberger. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Mme Esther Schaufelberger entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)

Madame Esther Schaufelberger, vous êtes appelée à prêter serment de vos fonctions de députée suppléante au Grand Conseil. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.

«Je jure ou je promets solennellement:

- de prendre pour seuls guides dans l'exercice de mes fonctions les intérêts de la République selon les lumières de ma conscience, de rester strictement attachée aux prescriptions de la constitution et de ne jamais perdre de vue que mes attributions ne sont qu'une délégation de la suprême autorité du peuple;

- d'observer tous les devoirs qu'impose notre union à la Confédération suisse et de maintenir l'honneur, l'indépendance et la prospérité de la patrie;

- de garder le secret sur toutes les informations que la loi ne me permet pas de divulguer.»

A prêté serment: Mme Esther Schaufelberger.

Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment. La cérémonie est terminée. Dès maintenant, vous pouvez vous retirer ou siéger, selon les besoins de votre groupe. (Applaudissements.)

Mesdames et Messieurs les députés, je vous informe que la prestation de serment E 2712 est reportée à la session des 27 et 28 août prochains.

Communications de la présidence

Le président. J'ai le regret de vous annoncer le décès du père de notre collègue Mme Claude Bocquet. Nous présentons nos sincères condoléances à notre collègue et à sa famille.

Nous avons également appris avec tristesse le décès de la mère de notre collègue M. Sylvain Thévoz. Nous lui exprimons, ainsi qu'à toute sa famille, notre plus vive sympathie.

Annonces et dépôts

Néant.

RD 1355
Rapport de la commission législative concernant l'application de l'article 113 de la constitution de la République et canton de Genève à l'épidémie du virus Covid-19 et l'examen des arrêtés du Conseil d'Etat liés à l'état de nécessité (arrêtés adoptés le 28 mai et le 3 juin 2020)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 25 et 26 juin 2020.
Rapport de majorité de Mme Céline Zuber-Roy (PLR)
Rapport de minorité de M. André Pfeffer (UDC)
R 928
Proposition de résolution de Mmes et MM. Céline Zuber-Roy, Jean-Marc Guinchard, Dilara Bayrak, Danièle Magnin, Edouard Cuendet, Diego Esteban, Cyril Mizrahi, Pierre Vanek approuvant les arrêtés du Conseil d'Etat adoptés dans le cadre des circonstances liées au Covid-19 (arrêtés adoptés le 28 mai et le 3 juin 2020) et constatant la fin de l'état de nécessité en raison de l'épidémie du virus Covid-19
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 25 et 26 juin 2020.
M 2659
Proposition de motion de Mmes et MM. Céline Zuber-Roy, Jean-Marc Guinchard, Dilara Bayrak, Danièle Magnin, Edouard Cuendet, Diego Esteban, Cyril Mizrahi, André Pfeffer, Pierre Vanek pour une loi d'application de l'article 113 de la constitution genevoise (Etat de nécessité)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 25 et 26 juin 2020.

Débat

Le président. Nous abordons les urgences. La première est en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole à la rapporteure de majorité. Madame la députée Céline Zuber-Roy, vous avez la parole.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce rapport marque la fin des travaux de la commission législative suite au mandat du Bureau du Grand Conseil du 30 mars. En tout, elle aura examiné 49 arrêtés du Conseil d'Etat en lien avec la situation d'urgence créée par la pandémie du covid-19 et ce rapport concerne plus particulièrement les deux derniers arrêtés.

D'abord, l'arrêté du 28 mai prolongeant et modifiant l'arrêté du 23 avril relatif au fonctionnement des autorités communales pendant la durée des mesures destinées à lutter contre le coronavirus. Cet arrêté a eu un effet très relatif, puisque la prolongation ne porte que sur six jours - du 31 mai au 6 juin - et les modifications qu'il a apportées se limitent à autoriser la présence du public lors des séances plénières des Conseils municipaux en «présentiel», moyennant le respect des normes sanitaires de l'Office fédéral de la santé publique, ainsi que la tenue de séances mixtes, c'est-à-dire en «présentiel», mais avec la participation de personnes par vidéoconférence. Malgré ce champ très restreint, une minorité a exprimé sa désapprobation contre la formulation de l'article 1, alinéa 1, qui donne la compétence aux Conseils administratifs de choisir la forme des séances des Conseils municipaux. Pour rappel, l'arrêté initial se limitait en effet à permettre aux exécutifs d'imposer la vidéoconférence, mais ne leur donnait pas formellement la compétence de décider.

Le second arrêté concerné par ce rapport est l'arrêté du 3 juin modifiant l'arrêté n° 2 d'application de l'ordonnance fédérale 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19). Cet arrêté se limite à prolonger l'arrêté d'application de l'ordonnance fédérale au 30 juin sans effectuer de modification. Ainsi, la commission n'a pas fait de commentaire particulier.

Après avoir étudié ces deux arrêtés du Conseil d'Etat, la commission législative vous recommande de les valider tout en sachant qu'ils seront les derniers à être basés sur l'article 113 de la constitution genevoise, dans le cadre de cette crise du covid-19.

Le Conseil d'Etat n'ayant plus l'intention de faire appel à l'article 113 de la constitution et, surtout, suite à l'évolution positive de l'épidémie, la commission vous propose encore de constater la fin de l'état de nécessité lié au covid-19.

Deux précisions s'imposent pour accompagner cette constatation. Tout d'abord, elle n'implique pas l'échéance de l'ensemble des arrêtés du Conseil d'Etat encore en vigueur. Tous les arrêtés du Conseil d'Etat actuellement en vigueur ont une date d'échéance et ont été approuvés par le Grand Conseil. Ainsi, ils déploieront leurs effets jusqu'à cette échéance. C'est par exemple le cas des mesures fiscales qui vont s'appliquer sur la totalité de l'année 2020, ainsi que pour les aides à la culture qui déploieront leurs effets jusqu'en 2025.

Ensuite, deuxième remarque, cette constatation de fin d'état de nécessité porte évidemment sur la première vague du covid-19 que nous avons connue. Si, malgré toutes les mesures de protection mises en place, nous devions subir une deuxième vague, le Conseil d'Etat pourrait évidemment à nouveau faire usage de l'article 113 de la constitution genevoise. Toutefois, en application de l'alinéa 2 de cet article, le Grand Conseil devrait constater ce nouvel état de nécessité dès qu'il pourrait se réunir.

Enfin, avec l'expérience acquise lors de l'examen de ces arrêtés du Conseil d'Etat par la commission législative, nous vous proposons que le Grand Conseil mandate celle-ci pour rédiger une législation d'application de l'article 113 de notre constitution.

Le président. Je vous passe sur le temps de votre groupe, Madame la rapporteure. (Brouhaha.)

Mme Céline Zuber-Roy. Faites seulement ! Excusez-moi, Messieurs de mon groupe, si je pouvais avoir un peu de silence ! Je suis navrée.

Le président. Messieurs du PLR, si vous pouviez faire un peu silence pour votre rapporteure de majorité ! (Applaudissements.) Voyons ! Madame la rapporteure, procédez !

Mme Céline Zuber-Roy. En répondant ainsi à certaines questions qui se sont posées, notre parlement gagnera en légitimité et en efficacité lors d'une éventuelle application de cet article constitutionnel, ce qui pourrait malheureusement arriver prochainement avec la survenance d'une deuxième vague ou dans de nombreuses années - alors que le parlement aura été totalement renouvelé et qu'on ne pourra plus bénéficier de l'expérience acquise. Les questions que nous souhaitons régler dans la LRGC concernent notamment la compétence de la commission législative pour l'examen des arrêtés du Conseil d'Etat, la procédure de validation de ces arrêtés ainsi que la définition des outils à disposition des députés en cas d'opposition aux mesures d'urgence prises par l'exécutif.

Pour ces raisons, la commission législative vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à prendre acte de son rapport et à accepter sa proposition de résolution ainsi que sa proposition de motion.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la commission législative propose enfin de constater la fin de l'état de nécessité; après la Confédération et après d'autres cantons, il est temps que Genève suive, d'autant que les arrêtés n'ont plus de caractère d'urgence. Maintenant, avec la fin de l'état de nécessité et l'établissement d'une loi pour l'application de cet article constitutionnel, il faut faire une analyse. La mission et la responsabilité du Grand Conseil étaient de déclarer la fin de l'état de nécessité lorsque celui-ci n'était plus utile. S'il est capital de prendre des mesures extraordinaires pour protéger et sauvegarder notre population en cas de catastrophe, il est tout aussi nécessaire de clore l'état d'urgence lorsqu'il n'est plus utile.

Dans ce domaine, le Grand Conseil n'a pas joué son rôle et n'a pas assumé sa responsabilité. Depuis des semaines, les arrêtés sont des reprises de mesures fédérales et n'ont plus vraiment un caractère d'urgence. Au lieu d'appliquer ce que demande l'article 113, alinéa 2, de notre constitution, notre Grand Conseil et la commission législative ont suivi aveuglément le Conseil d'Etat durant au moins deux mois. Celui-ci nous disait, je le cite: «Du point de vue juridique, l'état de situation ne se décrète pas à Genève. Il s'agit d'une question de fait. Il n'y a pas besoin à Genève de prononcer la fin de la situation extraordinaire [...]» Ce manque de sens des responsabilités du législatif et de l'exécutif est l'une des raisons de la médiocrité de notre gestion de la crise. Notre Conseil d'Etat a accepté des réunions de groupes de personnes dépassant ce que les ordonnances fédérales et même ses propres arrêtés interdisaient. Beaucoup d'arrêtés soit étaient inutiles, reprenant des mesures fédérales, soit n'avaient aucun caractère d'urgence. L'absence de sens des responsabilités du Conseil d'Etat, mais aussi de notre Grand Conseil, est partiellement la cause des difficultés dans notre gestion de crise. Genève a réalisé l'exploit de fonctionner avec trois systèmes en parallèle, soit, premièrement, une gestion d'urgence avec des arrêtés; ensuite, une gouvernance usuelle; enfin, de manière plus surprenante, par une interférence réglementaire, notamment celle utilisée pour peindre les pistes cyclables durant la nuit.

Les Genevoises et les Genevois ont été durement touchés par cette crise. Le taux de mortalité avait progressé de 40% à 50% durant ces deux-trois mois. Les restrictions imposées aux Genevois étaient et sont importantes. Pour ces raisons, nos habitants méritent mieux et ils ont le droit que nos autorités gèrent cette crise avec plus de sérieux, plus d'efficience et plus de clarté. Aujourd'hui, nous constatons la fin de l'état de nécessité et nous devons établir une loi pour l'application de cet article constitutionnel. Je vous recommande d'accepter ces trois textes, mais je vous recommande aussi de corriger le tir à l'avenir pour que l'Etat de Genève ne présente plus cette image déplorable dans le cas d'une nouvelle crise !

M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, le rapporteur de minorité a maintenu son tir de barrage contre l'ensemble du dispositif mis en oeuvre et il a mis en cause des gens parce qu'ils auraient suivi aveuglément le Conseil d'Etat. Il est donc raisonnable de souligner que, pour Ensemble à Gauche, ça n'a pas été le cas: nous n'avons pas suivi aveuglément le Conseil d'Etat. Nous avons contesté certaines de ses décisions, les estimant inadéquates ou inappropriées. On peut parler du maintien du deuxième tour de l'élection des exécutifs communaux, on peut parler de la suspension et des restrictions faites à la démocratie municipale pendant un temps: nous sommes intervenus de manière assez forte avec une proposition d'amendement pour rouvrir la démocratie municipale. On peut parler aussi de l'acte d'accusation que nous avons dressé - en prenant pour exemple la question du gel hydroalcoolique, mais aussi des masques - contre la gestion néolibérale qui nous a conduits dans une situation d'impréparation assez spectaculaire face à cette crise qui nous est tombée dessus. Nous ne sommes donc pas de ceux qui suivent aveuglément le Conseil d'Etat.

Quant aux arrêtés qu'il s'agit de traiter ce soir, ils ne méritent presque pas d'être mentionnés; il n'y a pas de problème, on peut les approuver, d'autant que leur validité, notamment pour celui sur les Conseils municipaux, est extrêmement limitée. Par contre, il y a eu un débat significatif sur le fait de décider ou non la situation extraordinaire. Qu'on nous comprenne bien, nous soutenons évidemment cette décision qui figure dans la R 928: le constat par le Grand Conseil de la fin de la situation extraordinaire au sens de l'article 113 de la constitution. Ce n'est pas que nous sommes en train de délivrer au nom de votre commission législative un certificat médical de santé sanitaire et sociale à Genève en disant qu'il n'y a plus de problème. Nous ne sommes pas en mesure de faire ce constat. C'est une déclaration légale qui est importante parce qu'en effet - la rapporteuse de majorité l'a indiqué - le Conseil d'Etat nous a dit grosso modo que la situation extraordinaire relevait d'un état de fait et qu'il n'y avait pas besoin de «déconstater» cet état, en quelque sorte, ou constater sa fin. Légalement, ça pose un réel problème puisque le seul cadre légal pour toute cette opération d'état de nécessité et d'arrêtés extraordinaires, c'est l'article 113 de la constitution. Or, cet article dit que «s'il peut se réunir, le Grand Conseil constate la situation extraordinaire» après la prise de mesures nécessaires par le Conseil d'Etat. Il donne ainsi un minimum d'aval au Conseil d'Etat pour son exercice du pouvoir d'urgence. Or, si nous ne levions pas cette situation extraordinaire, elle serait réputée perdurer; nous aurions constaté qu'elle a été initiée, mais, l'urgence n'ayant pas été levée, le Conseil d'Etat pourrait peut-être à nouveau exercer ce pouvoir. Touchons du bois, j'espère que ce ne sera pas le cas, mais le Conseil d'Etat sera peut-être appelé à le faire dans le cas d'une deuxième vague du covid-19. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Dans ce cas, nous ne serions plus légitimés à nous réunir pour constater cet état d'urgence et prendre des mesures pour exercer un contrôle parlementaire minimal de l'activité du Conseil d'Etat. Il faut donc voter cette résolution constatant la fin de la situation extraordinaire...

Le président. Merci, Monsieur le député. Il vous faut terminer... C'est même terminé ! La parole est maintenant à M. le député Jean-Marc Guinchard.

M. Pierre Vanek. Pardon ? Je n'ai pas vu passer le temps du groupe ! (Un instant s'écoule.)

Le président. Monsieur le député Jean-Marc Guinchard, vous avez la parole.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). J'attendais la fin du feu rouge, Monsieur le président !

Le président. Vous avez le feu vert !

M. Jean-Marc Guinchard. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je pensais que la crise que nous avons traversée et qui arrive Dieu merci à son terme nous aurait rendus un petit peu plus modestes et humbles. Je vois que pour le rapporteur de minorité, il n'en est rien ! Je déplore le côté un peu caricatural de ce rapport de minorité qui, de surcroît, ne correspond pas aux débats assez constructifs qui ont eu lieu au sein de la commission législative. Le Grand Conseil et le Conseil d'Etat, je le pense - contrairement au rapporteur de minorité - ont assumé leurs responsabilités et il est faux de dire que la commission législative n'a formulé aucune critique sur les arrêtés pris par le Conseil d'Etat. Certaines critiques ont été adressées au Conseil d'Etat, ainsi que des questions, nombreuses, ou des demandes de précision. Et nous avons obtenu des précisions, des corrections ou en tout cas des réponses sur tous les points soulevés !

Le texte qui vous est soumis appelle deux précisions complémentaires. D'abord, il sied de préciser que le constat n'a aucune conséquence sur les échéances de chacun des arrêtés du Conseil d'Etat, dont certains ont déjà été abrogés. D'autres se sont vus prolongés et le reste a eu une durée déterminée dès leur promulgation respective. Ensuite, il est nécessaire de rappeler que le Conseil d'Etat pourra à nouveau avoir recours à l'article 113, dans le cas où nous devrions donner raison aux experts qui prédisent une prochaine deuxième vague ou dans le cas d'une future situation identique - qu'elle soit due à une catastrophe naturelle ou à une épidémie. Il est bien entendu que notre Conseil serait alors à nouveau appelé à valider cette situation. Enfin, la commission législative a acquis une expérience très bénéfique lors du traitement de ces différents arrêtés du Conseil d'Etat. C'est dans ce sens-là qu'elle vous propose d'être mandatée par notre Conseil afin de rédiger, comme cela a été dit, une disposition législative qui permettrait à cette commission de disposer d'un cadre précis portant sur les procédures d'examen, les procédures d'évaluation, voire les procédures d'opposition ou de contestation des arrêtés du Conseil d'Etat.

Je souhaite aussi appeler le Conseil d'Etat - qui a bien agi - à ne pas baisser la garde: le nombre de contaminations a plus que doublé ces trois derniers jours et je pense nécessaire de prendre parfois des mesures plus drastiques en les expliquant à la population, notamment dans les transports en commun et pour la fréquentation des discothèques. Je vous remercie dès lors, Mesdames les députées, Messieurs les députés, de prendre acte du rapport et d'accepter la résolution et la motion avec les mêmes majorités que celles que nous avons enregistrées à l'issue des travaux de notre commission. (Applaudissements.)

M. Cyril Mizrahi (S). Monsieur le président, je n'ai pas grand-chose à ajouter pour le groupe socialiste, si ce n'est que nous soutenons le rapport de majorité très bien défendu par Mme Zuber-Roy à l'instant. Malgré l'intervention de notre sympathique collègue André Pfeffer, je n'ai pas très bien compris le sens du rapport de minorité: ce dernier nous explique que nous avons fait tout faux, que le Grand Conseil a fait tout faux, que le Conseil d'Etat a fait tout faux, mais, à la fin, qu'il faut quand même approuver les propositions de la commission. Comprenne qui pourra !

Mon collègue Pierre Vanek disait à l'instant qu'Ensemble à Gauche n'avait pas suivi aveuglément les décisions du Conseil d'Etat. En fait, personne ne les a suivies aveuglément et je pense que nous avons fait preuve du sens critique nécessaire dans le cadre de notre mission de contrôle. Nous avons fait de nombreuses remarques, qu'il s'agisse de la question des masques ou de celle sur les communes qui aurait pu donner lieu à un projet de loi rectificatif si le Conseil d'Etat ne s'était pas ravisé et n'avait pas rétabli à bref délai la démocratie communale.

Mesdames et Messieurs, c'est le lieu de rappeler un élément d'importance pour le groupe socialiste. Une possibilité a été clairement reconnue par une majorité durant nos travaux: si le Grand Conseil n'est pas d'accord avec des mesures prises par le Conseil d'Etat en situation extraordinaire, eh bien, il est possible de casser ces mesures en adoptant un projet de loi - le cas échéant et si nécessaire. Ainsi, le rôle de chacun des pouvoirs est préservé, en particulier la prééminence de notre Grand Conseil pour l'activité législative, ce qui est quand même la moindre des choses si on veut préserver notre régime démocratique en situation extraordinaire !

Quand on parle de la fin de la situation extraordinaire, l'enjeu symbolique est le retour au droit ordinaire, la fin du droit d'urgence, avec les réserves émises pour les règles qui continuent à produire leurs effets mais qui ont quand même été approuvées par notre Grand Conseil. Il est donc important de dire maintenant que l'usage du droit d'urgence ne peut plus avoir lieu; nous en revenons à l'Etat de droit ordinaire et au fonctionnement normal de nos institutions démocratiques, et je crois que c'est un enjeu absolument essentiel.

En conclusion, le groupe socialiste soutient les propositions de la commission: il est très important que nous nous saisissions des modifications nécessaires à apporter à la LRGC pour que nous les abordions dans les meilleures conditions s'il y a une deuxième vague ou d'autres circonstances extraordinaires. Le parlement doit pouvoir jouer au maximum son rôle dans un cadre législatif clair. Je vous remercie de votre attention.

Mme Dilara Bayrak (Ve). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe des Vertes et des Verts acceptera cette résolution, à l'instar des deux résolutions adoptées lors des précédentes sessions du Grand Conseil, et il vous encourage à faire de même. Nous restons sur notre position, qui consiste globalement à féliciter dans son ensemble le Conseil d'Etat pour la gestion de cette crise du coronavirus.

Il est évident que nous avons eu des points de discorde sur la gestion de sujets bien précis qui, la dernière fois, concernaient les masques et, cette fois-ci, le choix du mode d'organisation des Conseils municipaux. En effet, ce choix a été délégué aux Conseils administratifs des communes par le biais de l'arrêté du 28 mai prolongeant et modifiant l'arrêté du 23 avril 2020 relatif au fonctionnement des autorités communales pendant la durée des mesures destinées à lutter contre le coronavirus. Ce choix est critiquable, mais, encore une fois, force est de constater que cette restriction au libre choix de l'organisation des Conseils municipaux par eux-mêmes est compréhensible et justifiée au vu du contexte.

En considérant la mission déléguée à la commission législative qui est de faire un examen de la légalité et non un examen de l'opportunité, nous voterons cette résolution. Cette résolution est également bienvenue car elle constate la fin de l'état de nécessité. Le groupe des Vertes et des Verts se réjouit que cette parenthèse à la démocratie, bien que nécessaire, arrive à son terme.

Maintenant que nous constatons la fin de cette crise, il nous faut revenir en arrière et regarder ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné et comment anticiper ce genre de situation dans le futur. Le fait est que nous n'étions pas prêts; Genève n'était pas prête ! Cette crise a été gérée, certes, mais il est nécessaire de revenir en arrière et d'analyser ce qui s'est passé avec précision. A plusieurs reprises et encore aujourd'hui, notre groupe a annoncé son désaccord avec certaines décisions du Conseil d'Etat. A aucun moment, nous n'avons pu officiellement reprocher au Conseil d'Etat ces points car, encore une fois, ce n'était pas la tâche de la commission législative que d'examiner l'opportunité de ces décisions.

Pour qu'à l'avenir notre canton puisse mieux gérer de telles crises - qui, au passage, risquent de s'accentuer avec les effets du réchauffement climatique qui planent sur nous - il faut que notre Grand Conseil puisse se pencher sur l'opportunité des décisions prises lors de cette crise. Cela peut être fait par la commission de contrôle de gestion qui est tout à fait adéquate pour examiner ces questions.

Un bref mot sur la motion pour une loi d'application de l'article 113 de la constitution genevoise. Les arguments ont été largement étayés par mes préopinants; il est tout à fait nécessaire de faire cette loi d'application, considérant les incertitudes auxquelles la commission législative a été confrontée. Et laissez-moi vous dire qu'au coeur d'une crise, il est dommage de perdre des heures et des heures à débattre de notions juridiques indéterminées. C'est pour cette raison que le groupe des Verts acceptera également cette motion.

En conclusion, les Verts vous proposent de prendre acte du rapport et d'accepter la résolution ainsi que la motion. (Applaudissements.)

Mme Danièle Magnin (MCG). Monsieur le président, je ne vais pas parler aussi longuement. D'une part, parce que l'essentiel a déjà été dit; d'autre part, parce que je n'ai pas envie de lasser tout le monde en répétant des choses dites. A mon sens, nous avons rencontré des difficultés lors de l'application de l'article 113 de la constitution et il apparaît absolument nécessaire de faire soit une loi d'application soit une modification de la LRGC afin que nous puissions travailler de façon plus efficace. De manière générale, nous n'approuvons pas absolument toutes les décisions prises par le Conseil d'Etat et nous souhaiterions qu'à l'avenir des décisions plus logiques soient prises. Par exemple, s'agissant de l'aéroport: à un moment, beaucoup souhaitaient que l'on contrôle les personnes arrivant à l'aéroport pour vérifier leur état de santé et voir si elles avaient la fièvre, et que l'on protège les personnes affectées aux procédures au départ et à l'arrivée. Et si notre ministre chargé de la santé était d'avis de le faire le plus rapidement possible, à ce qu'on nous a rapporté, notre autre ministre chargé des transports refusait de protéger les gens pour ne pas - entre guillemets - «effrayer» la population.

Nous estimons qu'à cet égard, on perd de vue que la vie passe avant l'avoir et qu'il est absolument nécessaire d'avoir un peu plus de logique dans certaines de ces décisions ! Toutefois, j'ai approuvé en commission les conclusions qui vous sont soumises et le groupe MCG vous propose de les approuver.

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le député Emmanuel Deonna, vous avez la parole pour quarante-deux secondes.

M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Genève a connu une prévalence des cas de covid très élevée comparée à la moyenne suisse. Malgré l'application des consignes de l'OFSP, plusieurs signaux indiquent que le niveau de préparation du canton n'était pas suffisant. L'ensemble du parlement devrait pouvoir garder son rôle de contrôle de l'action de l'exécutif. Nous sommes persuadés que l'état de nécessité ne doit pas perdurer car il ne donne pas une garantie de contrôle parlementaire suffisante. Une fois la phase aiguë de la crise covid passée, la prévention et la gestion des risques majeurs devraient aussi figurer clairement dans les priorités transversales de l'administration. Celle-ci devrait rendre compte à ce sujet de façon transparente et à intervalle régulier.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur de minorité André Pfeffer, vous avez la parole pour quatre minutes, sur le temps de votre groupe.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Merci. Je répète cela depuis deux mois: la responsabilité de constater la fin de l'état de nécessité n'est pas anodine. Il est question du rétablissement de l'Etat de droit et du bon fonctionnement de nos institutions. Le constat pour déclarer la fin de l'état de nécessité est exclusivement de la compétence du Grand Conseil. Sur ce point crucial, il y a eu une divergence entre ce que dit l'article 113 de notre constitution et la position du Conseil d'Etat. Comme cela figure dans le rapport - je répète ce que j'ai déjà dit auparavant - le Conseil d'Etat a estimé que «du point de vue juridique, l'état de situation ne se décrète pas à Genève. Il s'agit d'une question de fait. Il n'y a pas besoin à Genève de prononcer la fin de la situation extraordinaire [...]» Cette position figure dans le rapport.

Encore une fois et surtout en cas de crise, la gouvernance doit être claire et compréhensible. Il en va de l'adhésion de la population, mais aussi de la qualité même de la gestion de crise. Pour cette raison, la gestion de cette crise est très discutable et doit absolument être améliorée. Je répète la position du groupe UDC et du rapporteur de minorité: malgré nos critiques que nous répétons et répétons depuis plus de deux mois, nous allons accepter les trois textes, mais nous allons nous engager pour que la situation s'améliore dans le cas où une deuxième vague surviendrait malheureusement.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole n'étant plus demandée, nous allons procéder aux votes.

Une voix. Et le Conseil d'Etat ?

Le président. Est-ce que le Conseil d'Etat a demandé la parole ? (Remarque.) Monsieur Mauro Poggia, vous avez la parole !

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref pour le compte du Conseil d'Etat. Je voudrais d'abord remercier le rapporteur de minorité pour ses propos nuancés, mesurés et respectueux des institutions. Il est toujours agréable, après quatre mois de travail dans une situation particulièrement difficile, de voir son travail qualifié d'irresponsable... (Commentaires.) Apparemment, certaines personnes sont sorties de confinement tout dernièrement et n'ont pas constaté le travail qui a réellement été fait !

Cela dit, je préciserai certaines considérations juridiques, puisqu'on vous soumet un texte qui vous demande de constater la fin de la situation extraordinaire. Vous pouvez bien sûr constater la fin de la situation extraordinaire: le Conseil d'Etat n'y voit évidemment pas d'objection. Il faut cependant savoir que cela n'est pas conforme à notre constitution. Nous avons un article 113 qui précise à son premier alinéa qu'en cas de catastrophe ou autre situation extraordinaire, c'est le Conseil d'Etat qui prend les mesures nécessaires pour protéger la population. C'est l'effet du bon sens, bien sûr: lorsque le Grand Conseil ne peut pas se réunir, lorsqu'il y a une situation d'urgence, une nécessité, le Conseil d'Etat - le gouvernement - doit pouvoir prendre les décisions nécessaires pour protéger la population !

L'alinéa 2 précise quant à lui que, lorsque le Grand Conseil peut enfin se réunir, il doit alors constater si la situation était bien extraordinaire lorsque le Conseil d'Etat a pris ses décisions. C'est donc un examen rétrospectif et ponctuel, qui doit permettre d'examiner si le Conseil d'Etat pouvait à ce moment-là prendre les décisions qui devraient normalement et souvent être de la compétence du Grand Conseil. A contrario, s'il constate qu'au moment où les décisions du Conseil d'Etat ont été prises, la situation extraordinaire n'était pas réalisée, le Grand Conseil peut alors annuler ou constater l'inefficacité des décisions prises par le Conseil d'Etat. Il ne s'agit pas de mettre fin à une situation extraordinaire qui, par hypothèse, peut survenir à tout instant. Elle ne serait pas extraordinaire aujourd'hui, elle le sera peut-être demain, elle disparaîtra après-demain. C'est donc bien un examen ponctuel au moment où les décisions sont prises. L'alinéa 3 précise que les décisions, les mesures prises par le Conseil d'Etat, restent valables aussi longtemps que le Grand Conseil n'y aura pas mis fin.

Donc, voilà la situation. On n'annule pas une situation extraordinaire, le terme pourrait d'ailleurs porter à confusion au regard de la loi sur les épidémies, qui parle aussi de situation extraordinaire dans un autre contexte. Vous le savez, la loi sur les épidémies prévoit à son article 7 qu'en cas de situation extraordinaire, c'est le Conseil fédéral qui prend les décisions, seul, pour le pays ou pour les régions concernées. Situation extraordinaire à laquelle le Conseil fédéral a finalement mis fin puisque nous sommes à nouveau maintenant en situation dite particulière. Nous ne sommes pas en situation ordinaire, la situation particulière étant une situation intermédiaire entre l'ordinaire et l'extraordinaire dans laquelle la Confédération fixe des bases. Elle l'a fait en fixant un socle minimum qui est souvent un plus petit dénominateur commun compte tenu des différences de situation entre les régions en Suisse par rapport au covid-19, les cantons pouvant de leur côté prendre des décisions. C'est précisément l'article 40 de ladite loi sur les épidémies qui permet et permettra encore, dans cette situation particulière, d'intervenir par des mesures ponctuelles lorsqu'il s'agira de protéger la population.

Que les choses soient claires: même si vous acceptez le rapport qui met fin à la situation extraordinaire au sens de l'article 113 de la constitution, la situation particulière au sens de la loi sur les épidémies permet encore et toujours aux autorités compétentes - c'est-à-dire le service du médecin cantonal et, par droit d'évocation, le Conseil d'Etat - de prendre des décisions ponctuelles pour répondre aux problématiques.

J'ai entendu des propos sur l'éventualité d'une deuxième vague: je crois que certains n'ont pas compris que le but aujourd'hui n'est pas d'attendre la deuxième vague mais d'éviter qu'elle se produise. C'est pour ça que nous avons mis en place des mesures de précaution, de dépistage et de traçage, que nous surveillons très attentivement la situation épidémiologique du canton et observons le comportement de la population dans certaines situations.

Voilà ce que je voulais préciser pour le Conseil d'Etat. Pour le reste, je remercie la grande majorité des députés qui ont reconnu le travail fait par le Conseil d'Etat. Bien sûr, avec un «rétroscope», on agit toujours mieux que ceux qui ont travaillé dans l'urgence, sur le moment. Mais on peut voir comment la Suisse s'en est sortie - Genève en particulier - en comparaison internationale, et vous voyez les courbes d'augmentation en Suisse: Genève et Bâle sont les deux cantons dans lesquels la pente est la plus basse. Nous avons donc réussi à atteindre le but poursuivi qui était de faire en sorte que nos hôpitaux ne soient pas submergés, le but n'étant pas seulement de protéger les personnes contaminées par le virus mais de faire en sorte que tous les autres patients qui, malheureusement, continuent à être affectés par les maladies ordinaires puissent malgré tout être pris en charge simultanément et sauvés.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons d'abord prendre acte du RD 1355; ensuite, nous passerons au vote sur la R 928; enfin, nous nous prononcerons sur la M 2659.

Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 1355.

Mise aux voix, la résolution 928 est adoptée par 86 oui contre 1 non.

Résolution 928

Mise aux voix, la motion 2659 est adoptée et renvoyée à la commission législative par 85 oui contre 2 non et 2 abstentions.

Motion 2659

PL 12723-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'indemnisation pour perte de revenus liée aux mesures de lutte contre le coronavirus
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 25 et 26 juin 2020.
Rapport de majorité de Mme Helena Verissimo de Freitas (S)
Rapport de minorité de M. Florian Gander (MCG)

Premier débat

Le président. Nous passons à notre urgence suivante, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. La parole est à la rapporteure de majorité, Mme Helena Verissimo de Freitas.

Mme Helena Verissimo de Freitas (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Chères et chers collègues, la commission des affaires sociales s'est réunie à deux reprises afin d'étudier en urgence le PL 12723 portant sur l'indemnisation pour perte de revenus liée aux mesures de lutte contre le coronavirus. Lors de la séance du 9 juin 2020, le dispositif de mise en oeuvre de la loi a été présenté à la commission par le département de la cohésion sociale, l'Union des associations patronales genevoises, la Communauté genevoise d'action syndicale, le Centre social protestant et Caritas. Ces partenaires sociaux ont travaillé en amont avec d'autres départements à la réalisation de ce projet de loi. La séance du 16 juin a été entièrement consacrée aux amendements déposés - il y en a eu un certain nombre, ils sont tous présentés dans le rapport de majorité, je ne vais pas m'y attarder maintenant.

La majorité de la commission a voté ce projet de loi qui vise à soutenir les personnes qui ne sont pas protégées et qui passent à travers les mailles du filet social, comme des personnes qui ont cotisé moins d'un an à l'assurance-chômage, qui ont un taux d'activité inférieur à 20% ou encore qui ont cotisé valablement à l'assurance-chômage sans pouvoir bénéficier de ses prestations car elles n'ont pas de titre de séjour valable, sont de faux indépendants, des travailleuses et travailleurs du sexe ou encore des étudiantes et étudiants pratiquant ponctuellement de petits jobs. (Brouhaha.) Ça discute pas mal derrière moi, je vous remercie de faire un peu de silence ! Monsieur le président, vous pouvez demander le silence derrière moi, s'il vous plaît ?

Le président. Un instant, Madame la députée. (Rire. Commentaires.) Monsieur Bavarel, je vous remercie. Monsieur Bavarel demande le silence dans cette salle !

Mme Helena Verissimo de Freitas. La commission est tombée d'accord sur un projet de loi qui fixe une indemnisation unique par bénéficiaire à 80% de la perte du revenu pour la période allant du 17 mars au 16 mai 2020, plafonnée à 4000 francs. Ce n'est donc pas une aide pérenne, c'est bel et bien une aide urgente et unique.

Une partie de la commission ne soutient pas ce projet de loi, sous le prétexte qu'elle ne veut pas cautionner le travail au noir. Pourtant, l'adoption de cet objet ne cautionnera en rien le travail au noir, mais apportera une aide essentielle et nécessaire ainsi qu'une reconnaissance des travailleuses et travailleurs de l'ombre. De plus, ce projet de loi s'adresse à 70% à des personnes résidant légalement à Genève. C'est pourquoi la majorité de la commission souhaite mener la lutte contre le travail au noir en parallèle à ce projet de loi. Nous attendons toutes les forces vives pour combattre le travail au noir - on est prêts ! L'Etat a déjà commencé une campagne d'information et de sensibilisation pour lutter contre cela. Tout non-respect des usages professionnels sera communiqué à l'UAPG et à la CGAS, comme il est inscrit dans le projet de loi. En réalité, chères et chers collègues, nous ne ferons qu'appliquer notre constitution. Elle est d'ailleurs citée en préambule: les articles 14, alinéa 1 - «La dignité humaine est inviolable» - l'article 39, alinéa 1 - «Toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle» - ainsi que l'article 113 sur l'état de nécessité.

Sortons la lutte contre le travail au noir de ce projet de loi et engageons-nous ensemble contre ce fléau avec d'autres outils. Ce projet de loi, je le répète, est une aide urgente, essentielle et unique pour tout un pan de la population qui vivait, jusqu'à l'apparition du virus, dans des conditions déjà très précaires. Si aujourd'hui nous ne le votons pas, l'aide sociale explosera d'ici quelques semaines. C'est pourquoi la majorité de la commission vous invite à le soutenir tel qu'il est sorti de ses travaux.

Ironie du sort, la rapporteure de majorité est fille d'une femme de ménage qui a travaillé au noir en Suisse dans les années 80 pour certaines familles représentées dans cette salle. Je vous remercie. (Longs applaudissements.)

Le président. Merci. La parole est à M. Patrick Dimier, qui remplace le rapporteur de minorité Florian Gander.

M. Patrick Dimier (MCG), rapporteur de minorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Le PL 12723 prévoit de rémunérer des travailleurs illégaux à hauteur de 80% de leurs gains prétendus au prétexte qu'ils ont perdu leur emploi, bien qu'illégal, durant la pandémie, entre le 17 mars et le 16 mai 2020. Ce qui est aujourd'hui la minorité imaginait, certainement avec naïveté, que les élus de la république ne pouvaient procéder qu'à un examen qui tienne compte du facteur de l'illégalité, importantissime lorsqu'il s'agit de déverser des millions, des dizaines de millions, à la place d'employeurs pour le moins indélicats.

A ce stade, il convient donc de revenir sur la définition de ce qu'est le travail au noir. C'est un travail rémunéré, exercé en tant qu'employé ou indépendant en dehors des dispositions légales. Cela veut dire, en termes clairs, des emplois non déclarés aux assurances sociales obligatoires, non déclarés au fisc, non déclarés à la TVA, etc. Cela veut surtout dire le contournement de la loi sur le séjour des étrangers. Or, que dit la loi, Mesdames et Messieurs de la majorité ? La loi sur le travail au noir, LTN, du 17 juin 2005, et l'ordonnance afférente, OTN, prévoient différentes mesures visant à contribuer à ce que les obligations en matière d'annonce et d'autorisation liées au travail et relevant du droit des assurances sociales, du droit des étrangers et du droit fiscal, notamment du droit de l'impôt à la source, soient dûment remplies. Le constat que nous devons faire ici, c'est que tout cela n'a pas été respecté. Les employeurs qui n'ont pas respecté cette législation font l'objet de poursuites judiciaires; une fois condamnés, la condamnation entrée en vigueur, ils sont exclus des marchés publics, ce qui est marginal pour le cas qui nous occupe. Ce qui est important, c'est que cette sanction intervient en dessus des sanctions prévues par le droit des assurances sociales et le droit des étrangers. En toute logique, il y a lieu de considérer qu'elle s'applique, mutatis mutandis, à tout employeur privé ayant pratiqué de l'embauche illicite.

J'aimerais surtout dire ici qu'il ne faut pas partir de l'idée que la minorité n'est pas consciente des cas sociaux qui se sont déclarés par cette crise. Au contraire, nous en sommes très préoccupés. Simplement, si on ne met pas maintenant...

Le président. Vous parlez sur le temps de votre groupe, Monsieur Dimier.

M. Patrick Dimier. Oui, merci. Si on n'aborde pas maintenant cette question, on ne l'abordera jamais. Demain est toujours plus joli, le jardin d'à côté est toujours plus vert que celui dans lequel on est. Nous dire qu'on va s'occuper du travail au noir demain, c'est vraiment nous prendre pour des naïfs. Merci. (Applaudissements.)

M. Jean-Marie Voumard (MCG). Je rigole en lisant le rapport à la page 25. Le conseiller d'Etat nous répond: «Par rapport à ce PL, il peut identifier les employeurs malhonnêtes»... (L'orateur marque une pause.) ...«si les personnes les dénoncent; [...]» C'est magnifique ! Qu'on apprenne ça dans ce rapport tel quel, je pense que c'est un peu déplacé.

Il dit aussi que «la lutte contre le travail au noir est une préoccupation, raison pour laquelle il existe des lois fédérales sur la question». Est-ce que vous avez lu ces lois fédérales ? Je m'y suis attardé, notamment à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration, du 16 décembre 2005. Au chapitre 16, «Dispositions pénales et sanctions administratives», j'invite les députés à lire les articles 115, 116, 117, 118, etc., où l'on trouve les comportements frauduleux, le séjour illégal, l'incitation à l'entrée, à la sortie ou au séjour illégaux. Dans le chapitre 18, «Dispositions finales», article 124, «Surveillance et exécution», alinéa 1, on lit: «Le Conseil fédéral surveille l'exécution de la présente loi.» Alinéa 2: «Les cantons édictent les dispositions d'exécution.» Je suis désolé, mais face à un tel rapport sur un projet de loi concernant le travail au noir, personnellement, je suis choqué en tant que Genevois qui paie mes impôts, qui travaille de manière déclarée. Je pense que le travail au noir est une chose, mais il y a le séjour, il y a beaucoup d'autres éléments. Vous allez vers une Genferei totale en acceptant ce projet de loi, vous devez vous en rendre compte. Je vous remercie de ne pas le voter.

M. André Pfeffer (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi propose une allocation pour perte de gain pour clandestins et travailleurs au noir. Cette prestation compenserait des travaux et salaires illégaux à hauteur de 80%. Les demandes pour ces travailleurs au noir seraient instruites par les associations et en l'absence de justificatifs, l'Etat validerait la requête sur la simple base d'une déclaration écrite du bénéficiaire. Ce texte, sous cette forme, n'est rien d'autre que la légalisation du travail au noir. En plus de nous proposer un projet de loi qui ne respecte ni la loi sur l'immigration ni celle sur le travail au noir, notre Conseil d'Etat mélange aussi l'aide d'urgence, l'assistance sociale et le chômage.

Les queues pour recevoir un colis alimentaire aux Vernets ont choqué tous les Genevois. Mais il n'a pas été distribué que des cornets avec de la nourriture: les personnes présentes pouvaient aussi s'inscrire pour un chèque alimentaire de 50 ou 150 francs, chèque payable par semaine. Pour une personne avec un enfant, cette aide exceptionnelle est de 600 francs par mois. Au 31 mars, il y avait 2726 bénéficiaires; au début du mois de juin, il y en avait déjà 14 030. Cette progression gigantesque appelle une réflexion. Si le nombre des personnes qui venaient aux Vernets restait relativement stable et constant et que le taux des personnes sans papiers variait semaine après semaine de 60% à 25% et inversement, il est clair que l'objectif était surtout de s'inscrire aux chèques alimentaires.

Pour combattre le travail au noir, Genève ne fait strictement rien. Après l'opération Papyrus, le Conseil d'Etat avait promis de s'attaquer à ce problème. Non seulement il ne respecte pas ses engagements, mais Genève ne contrôle pas les titres de séjour, ni pour la remise d'un numéro AVS ni lors de contrôles sur les chantiers. Aucun autre canton suisse n'est aussi laxiste. Il est tout aussi choquant que les contribuables genevois doivent assumer les défaillances d'employeurs irrespectueux et qui n'appliquent pas la loi ainsi que de locataires sous-louant - souvent avec un bénéfice - un logement à ces personnes sans papiers.

Notre groupe acceptera l'amendement du PLR, et après seulement, nous arrêterons notre position. Merci pour votre attention.

M. Pierre Eckert (Ve). Je vois que personne n'a écouté ce qui a été dit à la commission des affaires sociales. Je vous rappelle que nous avons eu cette discussion lors de la précédente plénière, que le projet de loi a été renvoyé dans cette commission où passablement d'explications ont été données.

Non, Mesdames les députées, Messieurs les députés, tous les employés concernés par ce projet de loi ne travaillent pas au noir; tous les employeurs et employeuses concernés par ce projet de loi ne sont pas des crapules. Il en existe, certes, mais ce n'est pas la majorité. Ici comme ailleurs, il est nécessaire de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. En tout état de cause, il serait injuste de faire payer aux personnes bénéficiaires de ce texte les pratiques indélicates de certains employeurs et employeuses. Lors de la précédente plénière, le débat s'est déjà cristallisé sur les personnes en statut illégal travaillant au noir, et c'est dommage. Alors, dans un objectif pédagogique, il faut rappeler quelles sont les personnes concernées.

Tout le monde n'a pas un emploi avec un contrat de travail fixe et des horaires réguliers. Celles et ceux qui sont concernés sont celles et ceux qui ont perdu un emploi déjà précaire, qui ne donne pas droit à une prestation de chômage et encore moins à une allocation pour perte de gain. On peut mentionner les personnes qui ont cotisé moins d'un an à l'assurance-chômage, et il y en a beaucoup; celles et ceux qui ont un taux d'activité faible et travaillent pour plusieurs employeurs, des femmes et hommes de ménage, par exemple; celles et ceux qui ont des activités intermittentes et flexibles. Souvent, cela concerne aussi le travail au gris de personnes sans permis d'établissement, dont les employeurs utilisent les chèques-emploi, dont le nombre a fortement augmenté ces dernières années. On peut encore mentionner des étudiants pratiquant de petits jobs ponctuels. Bref, il s'agit d'un ensemble d'emplois atypiques: on ne parle pas du tout ici de travail au noir. Les sans-papiers et les travailleurs au noir ne constituent d'ailleurs, d'après l'évaluation, que 20% à 30% des bénéficiaires de ce projet de loi.

L'Union des associations patronales genevoises et la Communauté genevoise d'action syndicale se sont mises d'accord sur un certain nombre de principes sur lesquels le présent projet de loi est basé. Cette union sacrée est suffisamment rare pour être relevée ici.

A la commission des affaires sociales, nous avons pu éclaircir les points sur lesquels la précédente plénière s'était achoppée. Les procédures de demande et de remboursement ont été précisées. Une clause sur le remboursement des salaires versés a posteriori a été introduite... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et le plafond de la prestation a été fixé à 4000 francs par mois. Ce qui semble causer un problème est la dénonciation des employeurs directement. Cette demande a été refusée en commission et le PLR souhaite la réintroduire: nous allons refuser l'amendement du PLR, car la chose ne nous convient pas. Nous ne soutenons pas du tout le travail au noir...

Le président. Merci, Monsieur le député, c'est terminé.

M. Pierre Eckert. ...mais nous estimons que ce n'est pas à travers ce projet de loi...

Le président. C'est terminé !

M. Pierre Eckert. ...que nous devons résoudre cette question. (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, si la majorité de la commission des affaires sociales a été sensible à la détresse de ces personnes et à la grave détérioration de leur situation économique, les débats se sont polarisés sur l'opportunité de se référer à une aide forfaitaire plutôt qu'au revenu objectivement perdu par ces travailleurs, et enfin, pour certains, surtout sur le fait que parmi ces gens sévèrement touchés par les incidences des mesures sanitaires se trouvait un certain pourcentage de personnes sans statut légal. La commission s'est donc trouvée confrontée à la réalité de l'économie grise et du travail au noir, qui fait partie intégrante de l'économie genevoise, n'en déplaise à certains; car l'économie grise, beaucoup s'en accommodent en cas de beau temps, mais ne sont pas prêts à en assumer les conséquences en cas de crise. Rappelons, pour faire bonne mesure, que bon nombre de travailleurs au noir paient bel et bien des charges sociales.

D'aucuns soumettaient leur soutien à ce projet de loi à la condition de mesures de lutte contre le travail au noir: or, si un consensus sur la nécessité de combattre l'exploitation des travailleurs et le travail au noir a rencontré une forte adhésion au sein de la commission, une majorité de celle-ci s'opposait à ce que ce combat se fasse aveuglément, au détriment des travailleurs sans statut légal ou au noir, et ne conduise finalement qu'à les pénaliser et à leur faire perdre leur emploi.

Au sortir des travaux de la commission, le plafond des montants indemnisés a été abaissé à 4000 francs, soit, pour certains, une somme largement inférieure à la perte subie; à plus forte raison si l'on considère que l'indemnisation ne porte que sur deux mois, alors que la suspension de l'activité s'est le plus souvent étalée sur une période plus longue.

A propos de ce projet de loi, il faut encore relever non seulement le travail d'élaboration commune qui a permis d'obtenir le consensus évoqué par M. Eckert, mais aussi l'engagement sans faille des partenaires syndicaux et associatifs qui se sont mis à disposition pour aider les potentiels requérants à entreprendre leur démarche et à construire leur dossier. Ce projet de loi est indispensable aux gens qui, s'ils ont objectivement survécu à la perte de leur revenu, ont dû néanmoins souvent contracter des dettes pour ce faire ou pour payer leurs charges, loyer, assurance-maladie, etc. Il s'agit donc de leur donner la possibilité de se maintenir à flot, autant que faire se peut, et d'éviter qu'ils ne sombrent dans la spirale de l'endettement. Rappelons encore que 80% de pas grand-chose, ça fait encore moins que pas grand-chose.

Divers dispositifs d'aide ont été mis en place pour pallier les conséquences de la crise du covid-19. Celui-ci s'adresse précisément à ceux qui ne peuvent y avoir accès. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il est donc indispensable. Si le groupe EAG déplore que le projet ait été revu à la baisse durant les travaux de la commission, il est conscient qu'il y a un impératif à ce qu'il soit voté et, plus urgent encore, à ce qu'il soit mis en application. C'est pourquoi il l'acceptera et vous invite à en faire autant. Il est important, en outre, que la clause d'urgence soit adoptée. A défaut, notre groupe vous invitera à voter l'amendement proposé par Mme Strasser. Enfin, concernant l'amendement PLR, qui exige que le requérant à cette indemnité soit tenu, entre autres, d'indiquer le nom de son employeur, à défaut de quoi il ne pourra pas prétendre à la prestation, il est inacceptable et nous vous invitons à le rejeter.

Le président. Merci, Madame la députée.

Mme Jocelyne Haller. J'aimerais juste dire encore...

Le président. Non, c'est terminé. La parole est à Mme la députée Léna Strasser.

Mme Jocelyne Haller. ...que quand on veut sincèrement lutter contre le travail au noir, on commence par pourvoir en suffisance les organes... (Le micro de l'oratrice est coupé.)

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Madame la députée, vous êtes déjà à moins dix-sept secondes. Madame la députée Léna Strasser, vous avez la parole.

Mme Léna Strasser (S). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi est loin d'être anodin, on l'entend parmi nos rangs. Pour certains et pour certaines, il permettra de reprendre pied après plusieurs mois à gérer le quotidien avec des bouts de chandelles, de respirer à nouveau un peu plus sereinement. Mesdames et Messieurs les députés, le texte que nous nous apprêtons à voter est le fruit d'un travail intense entre le Conseil d'Etat, le département impliqué, les syndicats, les représentants patronaux et les nombreuses associations présentes sur le terrain, puis de discussions approfondies en commission avec plusieurs amendements. Il est temps que cette loi entre en vigueur comme d'autres aides essentielles déjà votées et en vigueur suite à la crise.

Je le rappelle encore une fois, ce texte touche une population variée. Unique point commun de tous ces gens: ils et elles travaillent tout au long de l'année dans des conditions qui sont loin d'être des conditions de rêve, mais pas forcément au noir ou sans permis de séjour. Vous transmettrez à nos collègues de l'autre bord, Monsieur le président: dans notre canton, nombreux sont les contrats avec lesquels il est difficile de survivre, même hors de situations catastrophiques telles que celle du coronavirus que nous avons vécue.

Nous regrettons les amendements proposés ce soir par le PLR. Ils font porter aux travailleurs et aux travailleuses le poids du travail au noir, alors qu'ils et elles ont juste besoin actuellement d'être soutenus et que ces amendements ferment la porte à nombre d'entre eux. Est-ce qu'on peut, s'il vous plaît, repositionner le curseur ? Lutter contre le travail au noir, certes, tout comme lutter contre les marchands de sommeil; mais pas ce soir: ce soir, il est temps de prendre en compte le fait que les travailleuses et travailleurs de l'ombre - qu'on oublie lorsqu'ils et elles sont invisibles, qui ont par ailleurs aussi des enfants qui vont à l'école - et les personnes au bénéfice de contrats précaires font partie comme vous et moi de notre économie et ont le droit eux aussi, elles aussi, à être indemnisés pour les revenus qu'ils n'ont pas touchés. Nous vous invitons donc toutes et tous à voter ce projet de loi avec la clause d'urgence ou du moins l'amendement qui permet de rallonger quelque peu les délais de dépôt des dossiers. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le député François Baertschi, vous avez la parole pour cinquante-six secondes.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Le travail au noir est indigne: il favorise le dumping salarial et la misère à long terme. C'est pourquoi le MCG a déposé une résolution proposant une alternative humaine, efficace, qui permet de ne pas subventionner et indemniser le travail au noir. Nous refuserons donc avec détermination ce dispositif qui est contraire à toute notre tradition démocratique, à toute notre tradition d'Etat de droit, à tout ce qui fait Genève. Nous vous demandons instamment de refuser ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Marc Falquet, l'UDC n'a plus de temps de parole. Monsieur le député Cyril Aellen, vous avez la parole.

M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi vise à offrir une aide ponctuelle à ceux qui en ont réellement besoin. Il concerne à 70% des gens qui séjournent ici légalement et à 30% des gens qui séjournent ici illégalement. Tous sont légitimes et admissibles aux prestations prévues par ce texte. La dignité doit être accordée à tous indépendamment du statut.

Cela étant, cette application uniforme cause aussi un problème. Deux cas. Isabelle, employée de maison avec un permis B, est engagée aux conditions du contrat type. Elle paie, comme son employeur, des cotisations sociales et elle paie, certes modestement, des impôts, comme son employeur. Pendant la période de mesures contre le covid-19, elle a perçu son salaire, son employeur ayant rempli ses obligations contractuelles. Elle n'aura droit à rien, mais cela est normal.

Jacqueline, employée de maison sans papiers, n'est pas soumise aux conditions du contrat type, a un salaire inférieur au minimum vital, ne paie pas de cotisations sociales, ne paie pas d'impôts, et, durant la même période, n'a rien touché, parce que son employeur n'a pas rempli ses obligations contractuelles. Elle aura droit à des prestations découlant de cette loi, grâce aux impôts d'Isabelle et de son employeur - mais pour le PLR, c'est toujours normal.

Cela étant, pour éviter cette situation un peu choquante malgré tout, un amendement est proposé, inspiré d'un amendement proposé par la CGAS, lui-même inspiré de la loi sur l'assurance-chômage. On demande au bénéficiaire de donner le nom de son employeur et à l'Etat de faire payer, par l'employeur, les cotisations sociales et les salaires non réellement payés.

J'entends bien qu'on ne veut pas faire cela; et pourquoi ? Pour que les employés concernés puissent retourner chez leur employeur. Non, le PLR ne souhaite pas que Jacqueline puisse retourner chez son employeur pour continuer d'être exploitée sans contrat type, avec un salaire inférieur à la norme, sans payer ses cotisations sociales, sans payer d'impôts, et avoir à nouveau un employeur qui ne respecte pas ses obligations contractuelles. C'est pourquoi nous souhaitons que ce projet de loi soit voté avec l'amendement proposé. (Applaudissements.)

M. Bertrand Buchs (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais qu'on revienne au sens de ce projet de loi. Le sens de ce projet de loi, c'est d'aider ceux qui passent à travers les mailles du filet social. On voit très bien que des gens n'ont aucune réserve financière, et quand ils perdent leur emploi, ils n'ont rien dans leur compte bancaire. Ces gens vont emprunter de l'argent à des taux probablement usuraires, demander à gauche et à droite qu'on les aide, car ils ont besoin d'argent tout de suite. On peut faire toutes les déclarations possibles et imaginables, avoir bonne ou mauvaise conscience, déclarer des positions philosophiques sur le travail au noir: ici, on parle de quelque chose de réel, de solide. Ces gens ont besoin d'argent maintenant, pendant deux mois. Ils ne peuvent pas attendre la fin du mois de septembre pour obtenir leur argent.

Nous avons voté des tas de lois pour aider tout le monde: je suis fier de ce pays qui a permis immédiatement de donner de l'argent aux gens qui en avaient besoin. Mais ceux qui en ont le plus besoin, on va leur dire non ce soir, parce qu'on veut afficher des postures sur le travail au noir ? C'est purement scandaleux ! Nous devons aider ces gens-là ! (Applaudissements.) Si vous voulez faire des lois sur le travail au noir, bossez, présentez-les, ces lois ! Et battez-vous pour qu'elles passent ! Ce n'est pas ce soir ni demain, ce n'est pas à travers ce projet de loi que vous allez changer quelque chose au travail au noir. On vous rappelle que 80% des gens visés ne travaillent pas au noir, paient des charges sociales, mais n'ont droit à rien du tout ! Ces gens-là ont besoin d'argent, nous devons voter ce projet de loi, et surtout pas l'amendement du PLR qui est un appel à la délation ! Je n'ai jamais vu un projet de loi, dans n'importe quelle démocratie, qui appelle à la délation ! C'est dans les pays totalitaires qu'on appelle à la délation. Je vous remercie. (Vifs applaudissements et nombreuses approbations.)

Le président. Merci. Monsieur Baertschi, vous n'avez plus de temps de parole. Monsieur Aellen, vous avez la parole pour cinquante-huit secondes.

M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. Vous transmettrez à M. Buchs que quand un citoyen demande des prestations auxquelles il a droit, il fournit un certain nombre de documents qui lui sont demandés. Ce n'est pas dans une dictature ou un pays totalitaire; ça s'appelle un Etat de droit. (Applaudissements.)

Le président. Merci. Monsieur Cerutti, le MCG n'a plus de temps de parole, comme je l'ai dit précédemment à M. Baertschi. La parole est maintenant à M. le conseiller d'Etat Thierry Apothéloz.

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, qu'on le veuille ou non, notre société est basée sur le travail. Que se passe-t-il lorsqu'on perd ses revenus issus du travail ? Dans une situation ordinaire, nous avons droit à l'aide sociale, nous avons droit à des assurances sociales fédérales telles que le chômage, ou alors on peut vivre quelque temps encore sur ses économies. Les gens dont nous parlons aujourd'hui, celles et ceux qui n'ont pas pu cotiser suffisamment pour obtenir le droit au chômage, celles et ceux qui n'ont pas été déclarés par leurs employeurs ont perdu des revenus du jour au lendemain, par SMS, par un silence coupable. Pour faire face au loyer, aux frais des enfants et du ménage, à l'achat de nourriture, le Conseil d'Etat a proposé une loi qui vise à réparer quelque chose d'une injustice crasse.

Le texte proposé par le Conseil d'Etat ne vise pas à réparer les trous de l'aide sociale; il s'en occupera avec un projet de nouvelle LIASI, la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle. Le présent objet vise à indemniser une perte de revenu sur deux mois d'une manière unique, à hauteur de 80% du revenu déterminé. Vous l'avez dit, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est le fruit d'un compromis, d'un équilibre fragile. Ce compromis, c'est ce que nous connaissons bien en Suisse, ce noyau dur de la concordance. Ce projet de compromis est remarquable à tous points de vue: il souligne l'engagement des syndicats, des associations patronales, des associations et du Conseil d'Etat. Il a été réalisé dans l'urgence, parce que celles et ceux qui ont perdu leur revenu sont dans l'urgence de leur quotidien.

J'aimerais également souligner le travail intelligent et collaboratif fort mené en commission lors de la dernière séance: nous avons pu reprendre l'ensemble des amendements, les travailler, discuter, argumenter à leur propos, et in fine, prendre des décisions.

Dire que ce projet de loi doit également lutter contre le travail au noir, c'est ne pas le comprendre. Il s'agit d'une indemnité unique versée à celles et à ceux qui n'ont plus eu de revenu durant la période mentionnée. Le Conseil d'Etat a mené une première campagne visant à rappeler les devoirs des employeurs et des employeuses. Par ailleurs, il soutiendra la M 2651 signée par un large panel de partis, qui vise à accompagner le processus de lutte contre le travail au noir. D'ailleurs, Genève n'a pas attendu cette proposition de motion: depuis de nombreuses années, notre canton a été précurseur dans la lutte contre le travail au noir. Preuve en est notamment la masse salariale sous gestion de l'office cantonal des assurances sociales ou de Chèque service.

On peut jouer à l'autruche et dire qu'au fond, ce projet de loi vise malheureusement à ne pas répondre à l'objectif que certaines et certains députés souhaitent, c'est-à-dire lutter contre le travail au noir. En acceptant ce texte, Mesdames et Messieurs, vous allez, je le sais, faire preuve d'un courage politique important. Un courage qui implique en effet qu'on reconnaisse que des personnes ont tout perdu, des personnes que nous croisons quotidiennement dans nos rues, ici et là, et qui travaillent pour la prospérité de notre canton. Ce sont des personnes qui contribuent à notre richesse et sont exclues à tous les niveaux des fruits qu'elles nous offrent.

Mesdames les députées, Messieurs les députés, la dignité n'a pas de papiers, la dignité n'a pas de passeport. L'article 12 de notre Constitution fédérale nous enjoint, à vous et à nous, de faire en sorte que chacune et chacun, sur notre territoire, puisse mener une vie digne. Aujourd'hui, nous devons le constater et le partager, cette dignité est bafouée. Il est de notre devoir, à nous, autorités, de corriger cette anomalie, qui est une honte pour Genève. Cette honte, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez le pouvoir de l'effacer dans un moment en votant ce projet de loi tel qu'il est sorti de commission. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous procédons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12723 est adopté en premier débat par 78 oui contre 18 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 10.

Le président. A l'article 11, nous sommes saisis d'un amendement présenté par M. Cyril Aellen:

«Art. 11, al. 2 et 3 (nouveaux)

2 Le bénéficiaire doit impérativement donner le nom et les coordonnées des employeurs dont le salaire donne droit à l'indemnité financière prévue par la présente loi; à défaut, il ne peut prétendre à aucune indemnité.

3 Le bénéficiaire doit impérativement communiquer les éléments essentiels du contrat de travail donnant droit à l'indemnité financière prévue par la présente loi, soit notamment la date de son entrée en fonction, son taux d'activité et le montant du salaire convenu.»

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 49 non contre 48 oui. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Mis aux voix, l'art. 11 est adopté.

Le président. A l'article 12, nous sommes saisis d'un amendement de Mmes Léna Strasser et Jocelyne Haller:

«Art. 12 Délai (nouvelle teneur)

La demande d'indemnité financière unique par bénéficiaire doit être déposée auprès du département au plus tard 90 jours après l'entrée en vigueur de la présente loi. Le Conseil d'Etat règle les exceptions.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 51 oui contre 46 non.

Mis aux voix, l'art. 12 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 13 est adopté, de même que les art. 14 à 18.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Cyril Aellen visant à la création d'un article 18A:

«Art. 18A Subrogation (nouveau)

1 Si le département a des indices sérieux que le bénéficiaire a droit, pour la durée de l'indemnisation, au versement par son employeur d'un salaire, ou que ces prétentions soient satisfaites, il verse l'indemnité financière prévue par la présente loi.

2 En opérant le versement, le département se subroge au bénéficiaire, dans tous ses droits jusqu'à concurrence du montant correspondant versé par le département. Le département doit faire valoir les droits dont il a obtenu la subrogation, sous réserve des cas d'extrême rigueur.»

Monsieur Cyril Aellen, maintenez-vous cet amendement ?

M. Cyril Aellen. Oui.

Le président. Très bien, nous procédons au vote.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 50 non contre 48 oui.

Mis aux voix, l'art. 19 est adopté, de même que l'art. 20.

Le président. L'article 21 concerne la clause d'urgence. Pour que celle-ci soit acceptée, le résultat du vote doit être la majorité des deux tiers moins les abstentions, mais au moins de 51 oui.

Mis aux voix, l'art. 21 est rejeté par 51 oui contre 47 non (majorité des deux tiers non atteinte).

Le président. La clause d'urgence est refusée, l'article 21 est donc biffé.

Troisième débat

Le président. Nous sommes saisis de deux amendements présentés par M. Cyril Aellen. Il s'agit des mêmes que ceux sur lesquels nous avons voté au deuxième débat. Nous nous prononçons d'abord sur celui portant sur l'article 11, alinéas 2 et 3 nouveaux.

Mis aux voix, cet amendement recueille 49 oui et 49 non.

Le président. Je tranche en défaveur de l'amendement.

Cet amendement est donc rejeté par 50 non contre 49 oui.

Le président. Nous passons à l'amendement sur l'article 18A nouveau.

Mis aux voix, cet amendement recueille 49 oui et 49 non.

Le président. Je tranche en défaveur de l'amendement.

Cet amendement est donc rejeté par 50 non contre 49 oui.

Mise aux voix, la loi 12723 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 51 oui contre 47 non. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 12723

PL 12728-A
Rapport de la commission de l'économie chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur le soutien au secteur du tourisme dans le cadre de la crise sanitaire du coronavirus (COVID-19)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 25 et 26 juin 2020.
Rapport de majorité de M. Thomas Wenger (S)
Rapport de minorité de M. Serge Hiltpold (PLR)

Premier débat

Le président. Nous passons à l'urgence suivante: le PL 12728-A, classé en catégorie II, quarante minutes. (Un instant s'écoule.) La parole n'est pas demandée ? (Un instant s'écoule.) La parole va au rapporteur de majorité, M. Thomas Wenger.

M. Thomas Wenger (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce projet de loi vise à soutenir les secteurs du tourisme, de l'hôtellerie et de la restauration. Ce sont des secteurs qui souffrent énormément aujourd'hui, qui ont énormément souffert durant le covid - on va dire la crise aiguë, parce que la période n'est pas terminée. Pour vous donner quelques chiffres communiqués à la commission de l'économie, le secteur hôtelier représente 15 000 emplois, soit un emploi sur vingt à Genève. Sur ces 15 000 emplois, 13 000 personnes se retrouvent actuellement en RHT. Le secteur génère 967 millions; c'est donc une branche économique extrêmement importante pour Genève.

Quelques chiffres encore: sur les 126 établissements hôteliers du canton, 60 sont toujours fermés à l'heure actuelle. Sans aide, entre 35% et 38% de faillites pourraient se produire ces prochaines semaines ou ces prochains mois. Pendant la crise, le taux d'occupation des chambres était de 10% ! Imaginez-vous ce que ça veut dire, un taux d'occupation des chambres de 10% ! Des centaines et des centaines de conférences ont bien entendu été annulées, et une baisse moyenne du chiffre d'affaires est évaluée à 97% en avril et à 93% en mai pour l'ensemble du secteur hôtelier.

Je ne vais pas vous dépeindre l'état du secteur de la restauration, des cafés et des bars - je n'en ai pas le temps - mais la situation est aussi extrêmement difficile. Certes, ils ont pu rouvrir il y a quelques semaines - je pense que vous êtes un peu retournés au restaurant dernièrement - mais avec des mesures sanitaires, en respectant des distances d'abord de 2 mètres et ensuite 1,5 mètre entre les tables. Et puis une partie de la population craint de retourner dans les endroits publics, notamment dans les restaurants mais également dans les cafés et les bars. C'est pourquoi il est extrêmement important d'agir rapidement, Mesdames et Messieurs.

Il faut agir maintenant: cet objet propose des mesures - j'y reviendrai après - dès cet été, c'est-à-dire dès le mois de juillet. Le 1er juillet, c'est la semaine prochaine et c'est pourquoi ce rapport est un rapport urgent, en partie oral: il est extrêmement important de voter le projet de loi ce soir, tout comme la clause d'urgence - je vous rappelle qu'il faut pour ça deux tiers des voix de ce parlement. Le texte vient à l'origine du Conseil d'Etat, avec un concept, vous vous en souvenez, qui prévoyait qu'une nuit d'hôtel serait payée un tiers par le client, un tiers par l'hôtel et un tiers par l'Etat, sur la base de 100 francs par étoile. Ainsi, vous l'avez compris, une nuit dans un cinq étoiles était fixée à 500 francs et la facture divisée par trois entre le client, l'hôtel et l'Etat.

La commission n'a pas voulu adhérer à cette proposition pour plusieurs raisons. La principale était que les hôtels cinq étoiles et une partie des quatre étoiles sont en mains de grands groupes internationaux qui ont les reins extrêmement solides financièrement. La période est certes difficile à cause du covid, mais au niveau mondial, au vu du chiffre d'affaires de ces grands groupes - en mains étrangères, notamment moyen-orientales, etc. - ce n'est pas l'aide de l'Etat de Genève qui aurait changé grand-chose. Je pense qu'ils ont les reins assez solides financièrement pour assumer ça.

Je n'ai pas non plus le temps d'y revenir, mais c'est vrai qu'il y a eu des discussions, au sein de la commission de l'économie, sur le fait que c'est le conseiller d'Etat Pierre Maudet qui gère ce projet de loi - il s'en expliquera peut-être après. Eh bien voilà, on sait qu'il a publiquement été affirmé que Manotel notamment a financé ses campagnes: la question se posait du coup de savoir si c'était un retour d'ascenseur ou pas. La problématique a en tout cas été évoquée en commission. La commission de l'économie a bien évidemment décidé de continuer à soutenir ces secteurs, mais d'une manière totalement différente.

Le président. Vous passez sur le temps de votre groupe, Monsieur le rapporteur.

M. Thomas Wenger. Merci, Monsieur le président, je vais aller plus vite. Pour ce faire, un amendement général a été déposé, qui a ensuite été suivi par de nombreux amendements socialistes. L'idée est de mettre en oeuvre quatre mesures pour soutenir ces secteurs: la création d'activités thématiques pour 900 000 francs; la remise de 25 000 chèques tourisme de 100 francs - vous réservez deux nuits d'hôtel et vous recevez un chèque de 100 francs que vous pouvez ensuite dépenser dans les hôtels ou dans les restaurants; 40 000 chèques de 25 francs, pour 1 million de francs, destinés à la population qui réside à Genève afin de l'inciter à retourner dans les restaurants; et puis un label sanitaire relatif au covid-19.

Un amendement a été déposé par le PLR - j'y reviendrai après - qui a refusé cet objet en commission, qui a refusé de soutenir ces secteurs. Lui veut que les chèques de 25 francs ne puissent être dépensés que si la facture atteint 50 francs. Le parti socialiste et moi, en tant que rapporteur de majorité, vous encourageons à accepter cet amendement si ça permet à ce parlement de trouver un consensus. Je reprendrai la parole plus tard pour laisser du temps à mon collègue du groupe, mais je vous encourage bien entendu à voter ce projet de loi. Merci.

M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de minorité. Sur les constats et les chiffres, je me réfère au rapporteur de majorité: il a les mêmes que moi. Nous partageons les mêmes constats, à un bémol près, donc un demi-ton plus bas en termes musicaux: nous sommes dans un premier temps opposés aux chèques tels que proposés dans le projet de loi, qui n'ont à notre sens aucun effet multiplicateur. Vous «recevez», entre guillemets, 25 francs sans avoir rien fait, sans condition préalable; la population est simplement arrosée sans avoir à faire un seul effort.

Les amendements proposés dans le rapport de minorité et qui sont arrivés, un peu modifiés, dans vos boîtes e-mail il y a quelques minutes se déploient en deux temps. Le premier amendement vise à supprimer ces chèques service et à réallouer le montant à la promotion, aux activités thématiques pour les hôtels: celles liées au terroir, à l'art de vivre, à l'horlogerie et à la Genève internationale.

Si cet amendement ne passe pas, nous vous proposerons, dans un esprit constructif, un deuxième amendement - ou plutôt un second amendement, car ce sera le dernier - qui rallie, me semble-t-il, une majorité; c'était du moins le cas au sein de la commission avant le vote de ce texte. Il vise à faire bénéficier de l'effet multiplicateur, principe auquel nous sommes attachés. C'est le principe de «L'assiette genevoise»: si vous avez un chèque de 25 francs, il vous faut dépenser 50 francs - c'est-à-dire que si vous allez à deux au restaurant, vous ne payez que 25 francs. S'agissant de ces chèques, ça semble être le minimum pour avoir un effet multiplicateur.

Si cet amendement ne passe pas, je trouverais vraiment déplorable d'arroser la population de telle manière, ce d'autant qu'il n'y a pas de condition et que les chèques pourront très bien bénéficier à des fast-foods ou à d'autres établissements comme des kebabs et compagnie. Pour seulement 25 francs, l'objectif n'est absolument pas atteint. Je vous propose donc ces deux amendements, puis, suivant les votes, nous réserverons notre position finale. Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le rapporteur de minorité. Pour être au clair: vous ne présentez plus les amendements qui figurent dans le rapport de minorité et vous présentez à leur place ces nouveaux amendements ? (Un instant s'écoule.) Monsieur le rapporteur de minorité, vous avez la parole.

M. Serge Hiltpold. J'attends juste le micro. Voilà. En fait, les amendements du rapport de minorité et ceux qui vous ont été envoyés sont très semblables. Il y a un premier amendement qui supprime le chèque service. Le chèque cafés-restaurants et bars, pardon - j'étais dans le débat précédent ! (L'orateur rit.) C'est donc l'objet d'un premier vote. Le second amendement concerne l'article 6, alinéa 1, qui vise justement cet effet multiplicateur, supprime la voie du projet de loi et remet ce chèque dans la voie réglementaire comme pour le projet de loi de l'amendement général présenté en commission. Est-ce que c'est clair pour vous ?

Le président. Très bien. Soyons clairs: les amendements qui sont dans le rapport de minorité, vous ne les présentez plus. Vous présentez ces amendements-là ?

M. Serge Hiltpold. Exact ! Certes !

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole est maintenant à M. le député Pierre Eckert.

M. Pierre Eckert (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous avons examiné le projet de loi, nous l'avons amendé. Je ne vais pas revenir sur la situation difficile de la restauration, même si tout le monde ici est déjà retourné au restaurant dans des conditions relativement proches de ce qui se faisait avant. Mais la situation de l'hôtellerie est vouée à être beaucoup plus difficile du fait de l'annulation déjà effective de nombreux congrès et conférences dans le courant de l'automne. Nous pouvons soutenir, en tant que Verts, une relance de ce secteur, mais nous ne voulons pas, et nous l'avons dit, que les actions de relance soutenues par l'Etat soient effectuées la tête dans un sac. Le monde d'après doit progressivement pouvoir se distinguer de celui d'avant.

Le constat est que Genève a construit une grosse bulle sur les congrès et les conférences. Mais qu'on s'entende bien: tout ne se réglera pas, dans le futur, par des vidéoconférences. La diminution des voyages de ce type constituera néanmoins une tendance lourde pour ces prochaines années, ce n'est d'ailleurs pas une bonne nouvelle pour les tenantes de la croissance démesurée de l'aéroport. Genève Tourisme affirme que son objectif est de favoriser davantage de tourisme de proximité, moins basé sur les congrès; en tant que Verts, nous ne pouvons que souscrire à cet objectif de relocalisation économique. Nous soutenons aussi largement l'idée de développer des offres combinées permettant de mettre en avant les musées, les monuments, le vignoble et les artisans du terroir genevois, tout en regrettant que ça n'ait pas été fait plus tôt.

Nous soutenons donc volontiers une offre d'appel permettant d'attirer davantage de Confédérés à Genève selon le modèle mis en place par nos voisins vaudois: un bon de 100 francs pour deux nuits d'hôtel. Et nous partageons avec le PLR le souci de ne pas soutenir, avec ces bons, les grandes chaînes de restauration, rapide ou pas, et restons sceptiques par rapport aux chèques distribués aux résidents genevois. Nous soutiendrons donc volontiers les deux amendements du PLR. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, développer le tourisme indigène, inciter les Genevois à retrouver le chemin des bars, cafés et restaurants et, partant, préserver surtout l'emploi dans le secteur de l'hôtellerie-restauration: tels sont les objectifs de ce projet de loi. En l'état, sachant qu'une grande partie des établissements de ce secteur - entre 25% et 30% selon les estimations du département - ne rouvriront pas, il y a péril en la demeure. Il n'y a donc pas lieu d'épiloguer: il faut prendre des mesures de soutien.

Ces mesures ne peuvent toutefois pas se résumer à une aide sans condition. Cela implique de veiller à ce que la réglementation sur le travail soit appliquée et les emplois réellement préservés. Le but n'est pas de produire des effets d'aubaine pour certaines entreprises mais de favoriser le développement d'un tourisme local et la mise en valeur des ressources culturelles, agricoles et touristiques du canton de Genève. Il ne s'agit pas d'un cadeau: les bons cafés-restaurants ou les chèques tourisme sont destinés à encourager les Genevois à aller dans les cafés et les restaurants et les Confédérés à venir visiter notre canton. Ces bons, ces chèques, sont destinés à avoir un effet démultiplicateur et évidemment à inciter les gens à dépenser plus pour relancer les activités dans le secteur.

Le groupe Ensemble à Gauche ne soutiendra pas le premier amendement du PLR, car il sabre les chèques cafés-restaurants et bars, ce qui ne nous paraît pas opportun. Quant au second, nous serions portés à ne pas le soutenir: il a été plus ou moins convenu, durant les travaux de commission, que ces questions de détail d'application relèveraient plutôt du règlement d'application que du texte de loi. C'est pourquoi nous vous encourageons à accepter ce projet de loi tel que sorti de commission et à refuser les amendements du PLR, qui en changent considérablement la nature, notamment le premier amendement. Je vous remercie de votre attention.

M. André Pfeffer (UDC). Ce projet de loi propose une mini assistance à deux secteurs économiques sinistrés; il est question d'allouer une somme de 4,5 millions à la Fondation Genève Tourisme et Congrès pour quatre actions précises. Je les rappelle: premièrement, la création d'actions thématiques pour 900 000 francs; deuxièmement, l'octroi de 25 000 chèques tourisme de 100 francs pour des réservations d'au moins deux nuitées; troisièmement, l'émission de 40 000 chèques cafés-restaurants et bars pour 25 000 francs; quatrièmement, la création d'un label sanitaire pour 100 000 francs.

Pour l'hôtellerie, la situation est particulièrement dramatique. Certains établissements n'ont plus une seule réservation depuis trois mois ! Sur les 126 hôtels que compte Genève, 60 sont actuellement fermés; un hôtel sur trois est menacé de faillite. Il y a 15 000 emplois dans l'hôtellerie genevoise, dont 13 000 salariés sont actuellement en RHT. L'année dernière, Genève avait un peu plus de 3,2 millions de nuitées: ce petit geste d'incitation pour quelques milliers de nuitées ne changera évidemment pas tout. Le président des hôteliers estime les retombées économiques de cette petite aide à 100 millions de francs environ pour notre économie. Je répète: cette petite aide, pour ces 25 000 nuitées, devrait rapporter environ 100 millions de francs à notre économie.

Pour la restauration, la situation est certes un peu meilleure; la timide reprise semble même un peu meilleure que ce que nous craignions. La branche était déjà fragile avant cette crise; le retour à une activité normale prendra des mois et des mois. Il y a également la crainte de nombreux licenciements et de nombreuses faillites. Les chèques cafés-restaurants et bars ne sont certes pas parfaits, je dirais, mais nous sommes dans une situation d'urgence et cette aide est nécessaire maintenant. L'UDC laissera la liberté de vote dans son groupe. Merci de votre attention.

M. Jacques Blondin (PDC). Le parti démocrate-chrétien salue ce projet de loi du Conseil d'Etat en faveur du tourisme, principalement l'hôtellerie et la restauration genevoises. On l'a dit, ça ne suffira pas pour sauver ces secteurs, qui souffrent fortement; les chiffres ont été donnés et je ne vais pas les répéter, sachez simplement qu'il y a environ 3,2 millions de nuitées dans les hôtels genevois. Il est évident que les 25 000 chèques fois deux ne vont pas sauver la situation. Par contre, des signes et des soutiens ont parfois une valeur symbolique et sont importants dans une société.

Les travaux en commission ont conduit à la proposition qui vous est faite ce soir sur deux axes principaux, et d'abord ce chèque pour les hôtels - je dis qu'il est pour les hôtels parce que la proposition conduit clairement les utilisateurs à faire valoir ces chèques dans ces établissements puisqu'ils y passeront deux nuits. On ne s'attend pas forcément à ce qu'ils soient utilisés dans les restaurants de Genève - ce n'est pas exclu mais peu probable - raison pour laquelle nous avons plaidé en faveur du chèque restaurants afin d'associer la restauration à l'effort qui est fait. Les chiffres nous ont été donnés et la situation est difficile, même pour les restaurants; l'été va être difficile et l'automne aussi. Il est donc important que les choses se fassent et qu'elles se fassent bien en faveur de tout le monde.

Pour ce qui est du deuxième amendement du PLR qui consiste à introduire une proportionnalité, notre groupe va le soutenir, ce d'autant que nous en avions parlé en commission: bien que nous ne l'ayons finalement pas retenu, il est évident qu'il faut une proportionnalité dans la contribution. Il n'y a pas de raison de faire un chèque à fonds perdu, qui n'engage pas plus que ça. Le parti démocrate-chrétien vous incite à soutenir l'amendement PLR à l'article 6, alinéa 1, et ce projet de loi, dont l'économie genevoise a fortement besoin. Merci.

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe MCG soutiendra ce projet de loi; la commission de l'économie s'est attelée à travailler très rapidement dessus pour qu'on puisse le voter ce soir. Il ne faut cependant pas oublier une chose: ce n'est pas parce qu'on va donner d'une main qu'il faut reprendre de l'autre. Je rappelle juste que nos cafés-restaurants, nos bars et autres établissements publics liés à la restauration et à l'hôtellerie ont aussi des activités extérieures. Alors qu'ils viennent d'ouvrir et créent des activités, ils sont amendés parce qu'ils font trop de bruit, parce qu'ils ne respectent pas ceci ou cela. Soyons donc vigilants: si on a une tolérance à l'égard du financement, gardons également un esprit ouvert par rapport à leur activité et aux contraintes qu'ils vivent au quotidien.

Pour ce qui est des amendements du PLR, nous refuserons catégoriquement la première proposition parce que nous tenons à cet esprit de chèque, à cet esprit de liberté et de responsabilité individuelles pour laisser la population genevoise redécouvrir, ou découvrir, nos établissements publics - ils en ont bien besoin. Par contre, nous sommes tout à fait d'accord et en phase avec le raisonnement selon lequel on ne va pas donner un chèque pour donner un chèque: il faut aussi que notre population participe de manière solidaire et active en sortant et en mettant de facto la main à la poche pour payer 50% de l'addition. D'où la proposition du PLR: oui à un chèque à 25 francs à condition que l'on consomme pour 50 francs; de fait, la facture sera ainsi divisée par deux. Pour nous, cet acte démontre que le parlement est vraiment conscient qu'il faut aider le secteur de l'hôtellerie-restauration et plus largement notre secteur touristique, et je pense qu'on y arrivera grâce à cet amendement.

Le MCG aimerait aussi rappeler quelque chose à notre très cher collègue Eckert qui parlait de soutien du terroir et des vins genevois, etc. Je lui rappellerai simplement que le Mouvement Citoyens Genevois a déposé plusieurs textes qui vont dans ce sens afin de promouvoir justement les vins et le terroir genevois auprès de notre hôtellerie et de notre restauration: ils ont systématiquement été refusés par ce parlement, à commencer par vous autres les Verts. Je tiens quand même à le lui signifier, parce que je crois qu'il l'avait oublié dans ses propos.

Mais je voudrais ajouter quelque chose, Mesdames et Messieurs, alors qu'on parle d'économie, de solidarité, d'aide: j'aimerais que les secteurs de l'hôtellerie, de la restauration, des bars et des cafés participent aussi activement à cette solidarité. Et cette solidarité, c'est celle de l'emploi, Mesdames et Messieurs les députés ! 70% des employés de ces secteurs sont des résidents frontaliers alors que Genève a également des résidents et de la main-d'oeuvre de qualité qui sont aujourd'hui au chômage ou dans le besoin. Vous avez évoqué tout à l'heure les 15 millions qu'on va offrir aux gens en situation difficile, voire irrégulière, ou plus largement aux personnes qui sont dans la précarité: ce sont des métiers qu'on peut leur ouvrir, leur proposer. La restauration et l'hôtellerie doivent s'engager auprès de l'OCE à faire des contrats et des partenariats avec l'Etat pour engager en priorité des résidents genevois, parce que les résidents genevois ont aussi besoin de travailler, ont aussi besoin de manger, ont aussi besoin d'activités ! Merci.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole passe à M. le député Romain de Sainte Marie pour deux minutes quarante.

M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste votera en faveur de ce projet de loi tel qu'amendé. En effet, le groupe socialiste est pour une politique économique anticyclique, c'est-à-dire que nous ne sommes pas pour la loi de la jungle, la loi du plus fort, où finalement seuls les plus forts résistent et les plus faibles meurent - meurent suite à cette crise. Non ! Le secteur de l'hôtellerie-restauration est très fortement touché par cette crise. Il connaissait déjà des conditions très difficiles, un dumping salarial, des salaires extrêmement bas; ses salariés sont donc encore plus touchés par cette crise. L'emploi dans le canton de Genève pourrait être très durement touché et il est par conséquent indispensable que l'Etat soit là, qu'il soit présent pour prêter main forte en matière d'emploi afin que le secteur puisse survivre.

Ce texte intervient précisément dans ce sens. Son aide est certes minime - elle est minime et peut-être même de portée psychologique - pour inciter les Confédérés, les Suissesses et les Suisses, à venir à Genève, et les Genevoises et Genevois à consommer dans ses bars, ses cafés et ses restaurants. C'est pourquoi d'ailleurs le groupe socialiste s'opposera au premier amendement PLR, qui vise à supprimer les chèques cafés-restaurants et bars, car il est indispensable de permettre cet appel d'air, d'encourager les gens, de montrer qu'il est possible de sortir, qu'il est possible de relancer cette économie qui a de plus un impact positif sur les produits du terroir - nous débattrons d'autres projets de lois sur la question des vins genevois notamment. En revanche, nous sommes en faveur du deuxième amendement du groupe PLR, qui vise à favoriser davantage cet appel d'air. Les chèques cafés-restaurants et bars de 25 francs - 40 000 chèques de 25 francs - ne seraient valables que pour une consommation de l'ordre de 50 francs.

Mesdames et Messieurs, nous devons, en tant que parlement et Conseil d'Etat, nous montrer solidaires dans cette phase de crise. Nous avons connu la crise sanitaire; nous espérons qu'elle se termine au plus vite. Nous rencontrons maintenant la crise économique et sociale, et le rôle de l'Etat est plus que jamais primordial pour y faire face: c'est par ces aides-là que nous arriverons réellement à relancer l'économie, que nous pourrons sauver des emplois et maintenir le tissu social. C'est pourquoi nous vous invitons à voter ce projet de loi ce soir.

M. Vincent Subilia (PLR). Chers députés, cela a été dit, je le répète ici: le tourisme est aujourd'hui un secteur sinistré à Genève. Les chiffres ont été cités, il n'est pas nécessaire de les rappeler, mais je mentionnerai trois d'entre eux: la moitié des hôtels, soit une soixantaine, fermés; un tiers de ceux-ci menacé d'une faillite imminente; et 15 000 emplois en jeu. Le PLR y est naturellement sensible et à ce titre salue les efforts déployés par le Conseil d'Etat, de même qu'il salue l'effort déployé en commission pour aboutir, de façon très largement majoritaire, à un texte qui fait montre de réactivité mais aussi de pragmatisme, avec tout l'esprit de consensus qui doit marquer notre activité législative.

Il est probablement de notre responsabilité, Mesdames et Messieurs, quelque orthodoxe que soit la lecture que l'on a des finances publiques, de soutenir ce domaine absolument clé pour Genève. Pas plus tard que cet après-midi, en cette journée glorieuse, je me faisais la réflexion, au guidon de mon vélo - n'en déplaise à certains - à quel point les hôtels de la rade et au-delà sont très largement vides. Ce constat est confirmé par les chiffres et, vous l'aurez compris, il faut agir: c'est la responsabilité qui nous incombe ce soir. Elle nous incombe parce que, encore une fois, il en va de l'avenir: il faut combler un trou d'air et répondre à la situation. Mais pas à n'importe quel prix !

C'est pourquoi le PLR a apporté un petit nombre d'amendements au texte qui vous est soumis, notamment celui relatif au chèque cafés-restaurants et bars. Nous considérons, dans la logique libérale qui est la nôtre, qu'il faut une symétrie des efforts et qu'il est très sain, à ce titre, que les 25 francs mis à disposition des Genevois s'accompagnent d'une addition qui serait un peu plus salée, au propre comme au figuré, de façon à susciter un levier et à générer un effet d'entraînement.

Dans l'étymologie du terme «crise», et Dieu sait si celle que nous traversons est sans précédent, Mesdames et Messieurs, il y a également la notion d'opportunité; un anglicisme qui traduit assez la situation paradoxale dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Nous avons la conviction - et nous le constatons dans l'agilité et la résilience dont font preuve les acteurs économiques de la place - que cette situation sans précédent permettra aussi à Genève de mieux s'ouvrir, de s'ouvrir sur la Suisse et donc de favoriser un tourisme responsable, de proximité, de nature endogène. Cela permettra peut-être de sortir un tout petit peu de cette vision réductrice qui veut que, dans une large mesure, l'on observe des plaques suisses alémaniques uniquement lors du Salon de l'auto, qui a d'ailleurs été le premier marqueur d'entrée dans la crise. C'est en effet l'occasion de faire découvrir ou redécouvrir Genève à nos Confédérés, Mesdames et Messieurs. D'autres régions de Suisse offrent ce type de soutien anticyclique, pour reprendre les propos de mon préopinant, à commencer par nos voisins vaudois et bien au-delà: vous le savez, une certaine concurrence prévaut en la matière. C'est donc aussi l'occasion pour les Genevois de s'expatrier en dehors de leurs frontières et d'apporter la démonstration d'un canton raisonnable et responsable, contrairement à l'image qui peut parfois en être donnée outre-Sarine.

Mesdames et Messieurs, pour toutes ces raisons, vous l'aurez compris, le PLR soutiendra ce projet de loi qui nous paraît répondre à un besoin immédiat et imminent, et qui devrait contribuer, dans un effort de solidarité auquel nous sommes ici particulièrement sensibles, à répondre à une situation parfaitement inédite. Nous tenons par ailleurs à saluer aussi les efforts que devra déployer la Fondation Genève Tourisme et Congrès, puisque c'est à elle que sera confiée la mise en oeuvre, en des temps records, de ce programme de relance de notre activité touristique, que l'on espère dynamique. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est enfin à M. le rapporteur de minorité, Serge Hiltpold, pour cinquante secondes.

M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste clarifier une chose: les nouveaux amendements vous ont été envoyés par e-mail. Je rappelle en synthèse, pour que ce soit bien clair pour tous les députés, que le premier amendement, celui à l'article 3, alinéa 2, propose de supprimer les chèques restaurants et de réaffecter les montants aux activités thématiques dans les domaines du terroir, des arts de vivre, de l'horlogerie et de la Genève internationale. Le second amendement concerne quant à lui l'effet multiplicateur des chèques à 25 francs. Je conclurai par une boutade: en tant que Carougeois, on a l'habitude de boire; on n'a pas besoin de 25 francs pour avoir soif ! (Rires.) Merci.

M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je m'associe à celles et à ceux qui ont salué le travail de la commission de l'économie, un travail diligent et néanmoins approfondi puisqu'elle a pris soin d'auditionner les acteurs de la branche, et en un temps record. Cela a permis à la commission - et ce soir, je l'espère, à ce parlement - d'épouser la volonté du Conseil d'Etat de se montrer particulièrement proactif dans le domaine du tourisme. Je crois que vous avez bien compris la notion d'urgence, mais j'aimerais insister sur deux éléments caractéristiques du secteur du tourisme qui n'ont pas été évoqués jusqu'ici.

Le premier de ces éléments, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que nous parlons d'un secteur d'activité économique d'une quinzaine de milliers d'hommes et de femmes, on l'a dit, dont 13 000 sont en RHT - en réduction de l'horaire de travail - mais qui se caractérise par des salaires relativement bas. Nous sommes dans une configuration où celles et ceux qui font tourner la boutique, pour le dire trivialement, se retrouvent depuis maintenant plusieurs semaines, et sans doute pour plusieurs mois encore, avec 20% de revenu en moins quand ils sont déjà à la ligne de flottaison, souvent à la limite du revenu minimum admis dans les conventions collectives de travail - c'est l'occasion ici de confirmer que le Conseil d'Etat veillera bien évidemment à ce que le domaine considéré respecte les prescriptions en matière de travail, Madame Haller. Le secteur se compose donc de petits salaires, d'hommes et de femmes qui accomplissent au quotidien un travail important pour faire tourner cette boutique, mais qui sont précarisés depuis maintenant plusieurs semaines.

La deuxième caractéristique, Mesdames et Messieurs, c'est que l'industrie du tourisme, le secteur économique que représente notamment l'hôtellerie, n'est pas délocalisable. Par nature, il s'ancre dans un territoire; il se situe dans une région, et l'effort auquel vous allez consentir ce soir, je l'espère, va permettre de déployer des effets de façon assez large. En soutenant le tourisme, on soutient par exemple aussi le secteur viticole et, c'était à l'ordre du jour plus tôt, en début de soirée, le domaine des transports tant privés - on pense entre autres aux taxis - que publics: il n'y a pas de tourisme sans transports. On soutient également, c'est le lieu de le dire, la construction, puisque les 126 établissements, qui sont la fierté de notre secteur hôtelier, investissent régulièrement pour se maintenir à un très bon niveau, internationalement reconnu. Investir dans le tourisme, c'est donc investir dans le local, dans une économie qui n'est pas délocalisable, il est important de le souligner.

L'esprit de ce projet de loi est tout à fait respecté. Nous voulions soutenir trois éléments, dont le premier est fondamental en matière de tourisme: le développement de l'attractivité de la ville et du canton. Nous devons faire en sorte, on l'a aussi dit tout à l'heure avec pertinence, d'accélérer la mue d'un tourisme que nous souhaitons plus durable et orienté vers l'indigène. Nous l'avions constaté de façon générale, il y a deux ans de cela, avec les états généraux du tourisme et, comme l'a souligné un préopinant, nous pouvons peut-être, à la faveur de la crise, accélérer cette mue et, cette année en particulier, faire en sorte d'accueillir dans notre canton plutôt des Suissesses et des Suisses.

Attractivité d'abord, approche hôtelière aussi, et je tiens ici à tordre le cou à une idée répandue, semble-t-il: notre secteur hôtelier est principalement constitué d'établissements trois étoiles - ce sont les trois étoiles qui sont les plus nombreux et supportent le gros de la structure hôtelière. Il s'agit donc de soutenir ces pavillons-là, ces hôteliers qui, parfois dans une configuration familiale, parfois dans une configuration de chaîne - mais l'une vaut l'autre - rendent possible un nombre extrêmement conséquent de nuitées: plus de 3,2 millions en 2018 et 2019.

Troisièmement, c'est important et je salue le fait que les députés l'aient compris, lorsque l'on parle du tourisme, on ne parle pas seulement des visiteuses et des visiteurs, mais aussi de la population locale. La qualité de l'accueil est fondamentale; il est primordial d'impliquer celles et ceux qui vont au final accueillir les visiteuses et les visiteurs. Il était essentiel d'avoir également une mesure pour eux; c'est ce que voulait le Conseil d'Etat et ça se concrétise aussi dans ce texte.

Deux mots sur les amendements, Monsieur le président, avant de conclure. Sur le premier amendement, quant à la question des chèques - on a parlé chèques tourisme, chèques-emploi, chèques restaurants - je n'en dirai pas davantage: on suspecterait un conflit d'intérêts. J'ajouterai simplement que le gouvernement, en la matière, soutient ce qui peut faire effet de levier. Ce qui m'amène au deuxième amendement.

Le deuxième amendement est tout à fait pertinent et l'exécutif ne peut que le soutenir. Vous l'avez compris, les derniers projets de lois que nous avons proposés - ce sera également le cas tout à l'heure ou peut-être demain dans le domaine vitivinicole - visent à ce que les francs investis déclenchent davantage de francs, parfois fédéraux, parfois privés, et injectent ainsi du capital en circulation. L'enjeu pour le gouvernement - c'est fondamental - est de protéger les revenus des travailleuses et travailleurs mais aussi de stimuler la demande. De ce point de vue là, l'amendement déposé par le député Hiltpold est tout à fait pertinent puisqu'il permet de déclencher cet effet multiplicateur ou cet effet de levier. Je ne peux, au nom du Conseil d'Etat, que vous inciter à l'adopter.

En conclusion, Mesdames et Messieurs, nous vous invitons à voter ce projet de loi parce qu'il va au-delà du strict soutien à un secteur économique: il consacre l'idée d'une communauté très ancrée localement qui mutuellement peut générer des bénéfices pour l'ensemble de notre population. Ce secteur va passer un moment difficile, il faut bien le dire et de façon tout à fait claire: il a devant lui des semaines et des mois particulièrement difficiles, mais nous nous battons pour que des entreprises ne tombent pas en faillite, Mesdames et Messieurs, et pour que les gens ne perdent pas leur emploi. Je vous invite à soutenir ce projet de loi avec le deuxième amendement tel que proposé tout à l'heure. Merci de votre attention.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons procéder au vote sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12728 est adopté en premier débat par 91 oui et 2 abstentions.

Deuxième débat

Le président. Monsieur le député Thomas Wenger, il n'y a plus de temps de parole pour le parti socialiste ni pour le rapporteur de majorité. (Remarque.) Non, vous n'avez plus de temps de parole; nous sommes désormais en procédure de vote.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 et 2.

Le président. A l'article 3, nous sommes saisis d'un amendement présenté par le rapporteur de minorité, M. Serge Hiltpold. Je vous rappelle que les amendements... (Remarque.) Non, Monsieur Wenger, il n'y a pas vingt secondes. De façon qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, je vous rappelle que les amendements présentés par le rapporteur de minorité dans son rapport sont annulés; de nouveaux amendements vous ont été envoyés. Je vous lis le premier d'entre eux, qui concerne l'article 3, alinéa 2:

«Art. 3, al. 2, lettre a (nouvelle teneur) et lettre c (biffée)

2 L'indemnité versée vise un soutien au secteur du tourisme sur les axes suivants:

a) création d'ensembles d'activités thématiques pour 1 900 000 francs;»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 46 oui contre 45 non et 1 abstention. (Exclamations à l'annonce du résultat.)

Mis aux voix, l'art. 3 ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 4 est adopté, de même que l'art. 5.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement du rapporteur de minorité à l'article 6; Monsieur Hiltpold, est-ce que vous le maintenez ?

M. Serge Hiltpold. Je retire cet amendement.

Le président. Très bien, nous poursuivons.

Mis aux voix, l'art. 6 est adopté, de même que les art. 7 et 8.

Le président. Avant de vous faire voter sur la clause d'urgence, je vois que la parole est demandée par M. Cerutti à qui il reste trente-cinq secondes. Vous avez la parole, Monsieur.

M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. Je redépose, au nom du MCG, l'amendement à... (Remarque. Rires.) Ah, d'accord, je retire ma demande, Monsieur le président.

Le président. Merci. Nous passons à l'article 9 relatif à la clause d'urgence. Pour que celle-ci soit acceptée, le résultat du vote doit être d'une majorité des deux tiers moins les abstentions, mais au moins de 51 oui.

Mis aux voix, l'art. 9 est adopté par 90 oui contre 2 non (majorité des deux tiers atteinte).

Troisième débat

Le président. Le troisième débat étant demandé, nous poursuivons. (Le président s'entretient durant quelques instants avec les rapporteurs et le sautier.) Il semblerait que les rapporteurs de majorité et de minorité soient d'accord. Messieurs les rapporteurs, je vais vous donner la parole. (Un instant s'écoule.) Nous reprenons les débats et je cède le micro au rapporteur de majorité, M. Thomas Wenger, pour trente secondes.

M. Thomas Wenger (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je voudrais juste clarifier les choses. Nous sommes donc au troisième débat; nous voulons revenir sur ce qui a été voté précédemment, c'est-à-dire la suppression des chèques cafés-restaurants et bars à destination des résidentes et résidents genevois. Il s'agit de 40 000 chèques de 25 francs, à hauteur de 1 million. Nous voulons maintenir ces chèques: voter contre, c'est voter contre nos restaurateurs, nos producteurs du terroir et nos vignerons, et leur planter un couteau dans le dos. Merci. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci. La parole est maintenant à M. le rapporteur de minorité, Serge Hiltpold, pour trente secondes.

M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Les amendements proposés par le groupe socialiste visent à revenir au projet de loi tel que sorti de commission. Lors du deuxième débat, à une voix près, nous avons voté la suppression de ces chèques. Nous proposons de maintenir le même amendement; s'il est refusé, nous déposerons le second, qui semble rassembler une majorité plus large. Je crois que c'est clair, je me suis exprimé de manière assez concise lors du deuxième débat. Il n'y a pas eu de quiproquo pour moi, et nous sommes dans un imbroglio lamentable. Merci.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. Pour résumer: le rapporteur de majorité propose de revenir au texte tel que sorti de commission et le rapporteur de minorité vous demande de ne pas le faire. Ce que je vous fais donc voter maintenant, c'est la restauration de la lettre a dans sa teneur initiale et de la lettre c, biffée par l'amendement précédent.

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 64 oui contre 30 non. (Commentaires pendant la procédure de vote. Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Des voix. Bravo !

Le président. Nous passons maintenant à l'amendement du rapporteur de minorité à l'article 6, alinéa 1:

«Art. 6, al. 1 (nouvelle teneur)

1 La Fondation Genève Tourisme et Congrès émet des chèques cafés-restaurants et bars d'une valeur nominale de 25 francs afin de permettre la relance économique du secteur touristique, à concurrence d'un nombre maximum de 40 000 chèques. Ces chèques sont à faire valoir sur une facture d'un montant minimum de 50 francs et ne peuvent être utilisés de manière cumulative.»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 89 oui contre 7 non. (Commentaires pendant la procédure de vote.)

Mise aux voix, la loi 12728 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 90 oui contre 2 non.  (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 12728

Le président. Il est trop tard, nous n'allons pas pouvoir traiter la prochaine urgence. Je lève la séance et vous donne rendez-vous demain à 14h. En vous souhaitant une bonne nuit !

Une voix. Bonne nuit !

La séance est levée à 22h45.