République et canton de Genève

Grand Conseil

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RD 1355
Rapport de la commission législative concernant l'application de l'article 113 de la constitution de la République et canton de Genève à l'épidémie du virus Covid-19 et l'examen des arrêtés du Conseil d'Etat liés à l'état de nécessité (arrêtés adoptés le 28 mai et le 3 juin 2020)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 25 et 26 juin 2020.
Rapport de majorité de Mme Céline Zuber-Roy (PLR)
Rapport de minorité de M. André Pfeffer (UDC)
R 928
Proposition de résolution de Mmes et MM. Céline Zuber-Roy, Jean-Marc Guinchard, Dilara Bayrak, Danièle Magnin, Edouard Cuendet, Diego Esteban, Cyril Mizrahi, Pierre Vanek approuvant les arrêtés du Conseil d'Etat adoptés dans le cadre des circonstances liées au Covid-19 (arrêtés adoptés le 28 mai et le 3 juin 2020) et constatant la fin de l'état de nécessité en raison de l'épidémie du virus Covid-19
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 25 et 26 juin 2020.
M 2659
Proposition de motion de Mmes et MM. Céline Zuber-Roy, Jean-Marc Guinchard, Dilara Bayrak, Danièle Magnin, Edouard Cuendet, Diego Esteban, Cyril Mizrahi, André Pfeffer, Pierre Vanek pour une loi d'application de l'article 113 de la constitution genevoise (Etat de nécessité)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session III des 25 et 26 juin 2020.

Débat

Le président. Nous abordons les urgences. La première est en catégorie II, quarante minutes. Je passe la parole à la rapporteure de majorité. Madame la députée Céline Zuber-Roy, vous avez la parole.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce rapport marque la fin des travaux de la commission législative suite au mandat du Bureau du Grand Conseil du 30 mars. En tout, elle aura examiné 49 arrêtés du Conseil d'Etat en lien avec la situation d'urgence créée par la pandémie du covid-19 et ce rapport concerne plus particulièrement les deux derniers arrêtés.

D'abord, l'arrêté du 28 mai prolongeant et modifiant l'arrêté du 23 avril relatif au fonctionnement des autorités communales pendant la durée des mesures destinées à lutter contre le coronavirus. Cet arrêté a eu un effet très relatif, puisque la prolongation ne porte que sur six jours - du 31 mai au 6 juin - et les modifications qu'il a apportées se limitent à autoriser la présence du public lors des séances plénières des Conseils municipaux en «présentiel», moyennant le respect des normes sanitaires de l'Office fédéral de la santé publique, ainsi que la tenue de séances mixtes, c'est-à-dire en «présentiel», mais avec la participation de personnes par vidéoconférence. Malgré ce champ très restreint, une minorité a exprimé sa désapprobation contre la formulation de l'article 1, alinéa 1, qui donne la compétence aux Conseils administratifs de choisir la forme des séances des Conseils municipaux. Pour rappel, l'arrêté initial se limitait en effet à permettre aux exécutifs d'imposer la vidéoconférence, mais ne leur donnait pas formellement la compétence de décider.

Le second arrêté concerné par ce rapport est l'arrêté du 3 juin modifiant l'arrêté n° 2 d'application de l'ordonnance fédérale 2 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus (COVID-19). Cet arrêté se limite à prolonger l'arrêté d'application de l'ordonnance fédérale au 30 juin sans effectuer de modification. Ainsi, la commission n'a pas fait de commentaire particulier.

Après avoir étudié ces deux arrêtés du Conseil d'Etat, la commission législative vous recommande de les valider tout en sachant qu'ils seront les derniers à être basés sur l'article 113 de la constitution genevoise, dans le cadre de cette crise du covid-19.

Le Conseil d'Etat n'ayant plus l'intention de faire appel à l'article 113 de la constitution et, surtout, suite à l'évolution positive de l'épidémie, la commission vous propose encore de constater la fin de l'état de nécessité lié au covid-19.

Deux précisions s'imposent pour accompagner cette constatation. Tout d'abord, elle n'implique pas l'échéance de l'ensemble des arrêtés du Conseil d'Etat encore en vigueur. Tous les arrêtés du Conseil d'Etat actuellement en vigueur ont une date d'échéance et ont été approuvés par le Grand Conseil. Ainsi, ils déploieront leurs effets jusqu'à cette échéance. C'est par exemple le cas des mesures fiscales qui vont s'appliquer sur la totalité de l'année 2020, ainsi que pour les aides à la culture qui déploieront leurs effets jusqu'en 2025.

Ensuite, deuxième remarque, cette constatation de fin d'état de nécessité porte évidemment sur la première vague du covid-19 que nous avons connue. Si, malgré toutes les mesures de protection mises en place, nous devions subir une deuxième vague, le Conseil d'Etat pourrait évidemment à nouveau faire usage de l'article 113 de la constitution genevoise. Toutefois, en application de l'alinéa 2 de cet article, le Grand Conseil devrait constater ce nouvel état de nécessité dès qu'il pourrait se réunir.

Enfin, avec l'expérience acquise lors de l'examen de ces arrêtés du Conseil d'Etat par la commission législative, nous vous proposons que le Grand Conseil mandate celle-ci pour rédiger une législation d'application de l'article 113 de notre constitution.

Le président. Je vous passe sur le temps de votre groupe, Madame la rapporteure. (Brouhaha.)

Mme Céline Zuber-Roy. Faites seulement ! Excusez-moi, Messieurs de mon groupe, si je pouvais avoir un peu de silence ! Je suis navrée.

Le président. Messieurs du PLR, si vous pouviez faire un peu silence pour votre rapporteure de majorité ! (Applaudissements.) Voyons ! Madame la rapporteure, procédez !

Mme Céline Zuber-Roy. En répondant ainsi à certaines questions qui se sont posées, notre parlement gagnera en légitimité et en efficacité lors d'une éventuelle application de cet article constitutionnel, ce qui pourrait malheureusement arriver prochainement avec la survenance d'une deuxième vague ou dans de nombreuses années - alors que le parlement aura été totalement renouvelé et qu'on ne pourra plus bénéficier de l'expérience acquise. Les questions que nous souhaitons régler dans la LRGC concernent notamment la compétence de la commission législative pour l'examen des arrêtés du Conseil d'Etat, la procédure de validation de ces arrêtés ainsi que la définition des outils à disposition des députés en cas d'opposition aux mesures d'urgence prises par l'exécutif.

Pour ces raisons, la commission législative vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à prendre acte de son rapport et à accepter sa proposition de résolution ainsi que sa proposition de motion.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la commission législative propose enfin de constater la fin de l'état de nécessité; après la Confédération et après d'autres cantons, il est temps que Genève suive, d'autant que les arrêtés n'ont plus de caractère d'urgence. Maintenant, avec la fin de l'état de nécessité et l'établissement d'une loi pour l'application de cet article constitutionnel, il faut faire une analyse. La mission et la responsabilité du Grand Conseil étaient de déclarer la fin de l'état de nécessité lorsque celui-ci n'était plus utile. S'il est capital de prendre des mesures extraordinaires pour protéger et sauvegarder notre population en cas de catastrophe, il est tout aussi nécessaire de clore l'état d'urgence lorsqu'il n'est plus utile.

Dans ce domaine, le Grand Conseil n'a pas joué son rôle et n'a pas assumé sa responsabilité. Depuis des semaines, les arrêtés sont des reprises de mesures fédérales et n'ont plus vraiment un caractère d'urgence. Au lieu d'appliquer ce que demande l'article 113, alinéa 2, de notre constitution, notre Grand Conseil et la commission législative ont suivi aveuglément le Conseil d'Etat durant au moins deux mois. Celui-ci nous disait, je le cite: «Du point de vue juridique, l'état de situation ne se décrète pas à Genève. Il s'agit d'une question de fait. Il n'y a pas besoin à Genève de prononcer la fin de la situation extraordinaire [...]» Ce manque de sens des responsabilités du législatif et de l'exécutif est l'une des raisons de la médiocrité de notre gestion de la crise. Notre Conseil d'Etat a accepté des réunions de groupes de personnes dépassant ce que les ordonnances fédérales et même ses propres arrêtés interdisaient. Beaucoup d'arrêtés soit étaient inutiles, reprenant des mesures fédérales, soit n'avaient aucun caractère d'urgence. L'absence de sens des responsabilités du Conseil d'Etat, mais aussi de notre Grand Conseil, est partiellement la cause des difficultés dans notre gestion de crise. Genève a réalisé l'exploit de fonctionner avec trois systèmes en parallèle, soit, premièrement, une gestion d'urgence avec des arrêtés; ensuite, une gouvernance usuelle; enfin, de manière plus surprenante, par une interférence réglementaire, notamment celle utilisée pour peindre les pistes cyclables durant la nuit.

Les Genevoises et les Genevois ont été durement touchés par cette crise. Le taux de mortalité avait progressé de 40% à 50% durant ces deux-trois mois. Les restrictions imposées aux Genevois étaient et sont importantes. Pour ces raisons, nos habitants méritent mieux et ils ont le droit que nos autorités gèrent cette crise avec plus de sérieux, plus d'efficience et plus de clarté. Aujourd'hui, nous constatons la fin de l'état de nécessité et nous devons établir une loi pour l'application de cet article constitutionnel. Je vous recommande d'accepter ces trois textes, mais je vous recommande aussi de corriger le tir à l'avenir pour que l'Etat de Genève ne présente plus cette image déplorable dans le cas d'une nouvelle crise !

M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, le rapporteur de minorité a maintenu son tir de barrage contre l'ensemble du dispositif mis en oeuvre et il a mis en cause des gens parce qu'ils auraient suivi aveuglément le Conseil d'Etat. Il est donc raisonnable de souligner que, pour Ensemble à Gauche, ça n'a pas été le cas: nous n'avons pas suivi aveuglément le Conseil d'Etat. Nous avons contesté certaines de ses décisions, les estimant inadéquates ou inappropriées. On peut parler du maintien du deuxième tour de l'élection des exécutifs communaux, on peut parler de la suspension et des restrictions faites à la démocratie municipale pendant un temps: nous sommes intervenus de manière assez forte avec une proposition d'amendement pour rouvrir la démocratie municipale. On peut parler aussi de l'acte d'accusation que nous avons dressé - en prenant pour exemple la question du gel hydroalcoolique, mais aussi des masques - contre la gestion néolibérale qui nous a conduits dans une situation d'impréparation assez spectaculaire face à cette crise qui nous est tombée dessus. Nous ne sommes donc pas de ceux qui suivent aveuglément le Conseil d'Etat.

Quant aux arrêtés qu'il s'agit de traiter ce soir, ils ne méritent presque pas d'être mentionnés; il n'y a pas de problème, on peut les approuver, d'autant que leur validité, notamment pour celui sur les Conseils municipaux, est extrêmement limitée. Par contre, il y a eu un débat significatif sur le fait de décider ou non la situation extraordinaire. Qu'on nous comprenne bien, nous soutenons évidemment cette décision qui figure dans la R 928: le constat par le Grand Conseil de la fin de la situation extraordinaire au sens de l'article 113 de la constitution. Ce n'est pas que nous sommes en train de délivrer au nom de votre commission législative un certificat médical de santé sanitaire et sociale à Genève en disant qu'il n'y a plus de problème. Nous ne sommes pas en mesure de faire ce constat. C'est une déclaration légale qui est importante parce qu'en effet - la rapporteuse de majorité l'a indiqué - le Conseil d'Etat nous a dit grosso modo que la situation extraordinaire relevait d'un état de fait et qu'il n'y avait pas besoin de «déconstater» cet état, en quelque sorte, ou constater sa fin. Légalement, ça pose un réel problème puisque le seul cadre légal pour toute cette opération d'état de nécessité et d'arrêtés extraordinaires, c'est l'article 113 de la constitution. Or, cet article dit que «s'il peut se réunir, le Grand Conseil constate la situation extraordinaire» après la prise de mesures nécessaires par le Conseil d'Etat. Il donne ainsi un minimum d'aval au Conseil d'Etat pour son exercice du pouvoir d'urgence. Or, si nous ne levions pas cette situation extraordinaire, elle serait réputée perdurer; nous aurions constaté qu'elle a été initiée, mais, l'urgence n'ayant pas été levée, le Conseil d'Etat pourrait peut-être à nouveau exercer ce pouvoir. Touchons du bois, j'espère que ce ne sera pas le cas, mais le Conseil d'Etat sera peut-être appelé à le faire dans le cas d'une deuxième vague du covid-19. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Dans ce cas, nous ne serions plus légitimés à nous réunir pour constater cet état d'urgence et prendre des mesures pour exercer un contrôle parlementaire minimal de l'activité du Conseil d'Etat. Il faut donc voter cette résolution constatant la fin de la situation extraordinaire...

Le président. Merci, Monsieur le député. Il vous faut terminer... C'est même terminé ! La parole est maintenant à M. le député Jean-Marc Guinchard.

M. Pierre Vanek. Pardon ? Je n'ai pas vu passer le temps du groupe ! (Un instant s'écoule.)

Le président. Monsieur le député Jean-Marc Guinchard, vous avez la parole.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). J'attendais la fin du feu rouge, Monsieur le président !

Le président. Vous avez le feu vert !

M. Jean-Marc Guinchard. Mesdames les députées, Messieurs les députés, je pensais que la crise que nous avons traversée et qui arrive Dieu merci à son terme nous aurait rendus un petit peu plus modestes et humbles. Je vois que pour le rapporteur de minorité, il n'en est rien ! Je déplore le côté un peu caricatural de ce rapport de minorité qui, de surcroît, ne correspond pas aux débats assez constructifs qui ont eu lieu au sein de la commission législative. Le Grand Conseil et le Conseil d'Etat, je le pense - contrairement au rapporteur de minorité - ont assumé leurs responsabilités et il est faux de dire que la commission législative n'a formulé aucune critique sur les arrêtés pris par le Conseil d'Etat. Certaines critiques ont été adressées au Conseil d'Etat, ainsi que des questions, nombreuses, ou des demandes de précision. Et nous avons obtenu des précisions, des corrections ou en tout cas des réponses sur tous les points soulevés !

Le texte qui vous est soumis appelle deux précisions complémentaires. D'abord, il sied de préciser que le constat n'a aucune conséquence sur les échéances de chacun des arrêtés du Conseil d'Etat, dont certains ont déjà été abrogés. D'autres se sont vus prolongés et le reste a eu une durée déterminée dès leur promulgation respective. Ensuite, il est nécessaire de rappeler que le Conseil d'Etat pourra à nouveau avoir recours à l'article 113, dans le cas où nous devrions donner raison aux experts qui prédisent une prochaine deuxième vague ou dans le cas d'une future situation identique - qu'elle soit due à une catastrophe naturelle ou à une épidémie. Il est bien entendu que notre Conseil serait alors à nouveau appelé à valider cette situation. Enfin, la commission législative a acquis une expérience très bénéfique lors du traitement de ces différents arrêtés du Conseil d'Etat. C'est dans ce sens-là qu'elle vous propose d'être mandatée par notre Conseil afin de rédiger, comme cela a été dit, une disposition législative qui permettrait à cette commission de disposer d'un cadre précis portant sur les procédures d'examen, les procédures d'évaluation, voire les procédures d'opposition ou de contestation des arrêtés du Conseil d'Etat.

Je souhaite aussi appeler le Conseil d'Etat - qui a bien agi - à ne pas baisser la garde: le nombre de contaminations a plus que doublé ces trois derniers jours et je pense nécessaire de prendre parfois des mesures plus drastiques en les expliquant à la population, notamment dans les transports en commun et pour la fréquentation des discothèques. Je vous remercie dès lors, Mesdames les députées, Messieurs les députés, de prendre acte du rapport et d'accepter la résolution et la motion avec les mêmes majorités que celles que nous avons enregistrées à l'issue des travaux de notre commission. (Applaudissements.)

M. Cyril Mizrahi (S). Monsieur le président, je n'ai pas grand-chose à ajouter pour le groupe socialiste, si ce n'est que nous soutenons le rapport de majorité très bien défendu par Mme Zuber-Roy à l'instant. Malgré l'intervention de notre sympathique collègue André Pfeffer, je n'ai pas très bien compris le sens du rapport de minorité: ce dernier nous explique que nous avons fait tout faux, que le Grand Conseil a fait tout faux, que le Conseil d'Etat a fait tout faux, mais, à la fin, qu'il faut quand même approuver les propositions de la commission. Comprenne qui pourra !

Mon collègue Pierre Vanek disait à l'instant qu'Ensemble à Gauche n'avait pas suivi aveuglément les décisions du Conseil d'Etat. En fait, personne ne les a suivies aveuglément et je pense que nous avons fait preuve du sens critique nécessaire dans le cadre de notre mission de contrôle. Nous avons fait de nombreuses remarques, qu'il s'agisse de la question des masques ou de celle sur les communes qui aurait pu donner lieu à un projet de loi rectificatif si le Conseil d'Etat ne s'était pas ravisé et n'avait pas rétabli à bref délai la démocratie communale.

Mesdames et Messieurs, c'est le lieu de rappeler un élément d'importance pour le groupe socialiste. Une possibilité a été clairement reconnue par une majorité durant nos travaux: si le Grand Conseil n'est pas d'accord avec des mesures prises par le Conseil d'Etat en situation extraordinaire, eh bien, il est possible de casser ces mesures en adoptant un projet de loi - le cas échéant et si nécessaire. Ainsi, le rôle de chacun des pouvoirs est préservé, en particulier la prééminence de notre Grand Conseil pour l'activité législative, ce qui est quand même la moindre des choses si on veut préserver notre régime démocratique en situation extraordinaire !

Quand on parle de la fin de la situation extraordinaire, l'enjeu symbolique est le retour au droit ordinaire, la fin du droit d'urgence, avec les réserves émises pour les règles qui continuent à produire leurs effets mais qui ont quand même été approuvées par notre Grand Conseil. Il est donc important de dire maintenant que l'usage du droit d'urgence ne peut plus avoir lieu; nous en revenons à l'Etat de droit ordinaire et au fonctionnement normal de nos institutions démocratiques, et je crois que c'est un enjeu absolument essentiel.

En conclusion, le groupe socialiste soutient les propositions de la commission: il est très important que nous nous saisissions des modifications nécessaires à apporter à la LRGC pour que nous les abordions dans les meilleures conditions s'il y a une deuxième vague ou d'autres circonstances extraordinaires. Le parlement doit pouvoir jouer au maximum son rôle dans un cadre législatif clair. Je vous remercie de votre attention.

Mme Dilara Bayrak (Ve). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe des Vertes et des Verts acceptera cette résolution, à l'instar des deux résolutions adoptées lors des précédentes sessions du Grand Conseil, et il vous encourage à faire de même. Nous restons sur notre position, qui consiste globalement à féliciter dans son ensemble le Conseil d'Etat pour la gestion de cette crise du coronavirus.

Il est évident que nous avons eu des points de discorde sur la gestion de sujets bien précis qui, la dernière fois, concernaient les masques et, cette fois-ci, le choix du mode d'organisation des Conseils municipaux. En effet, ce choix a été délégué aux Conseils administratifs des communes par le biais de l'arrêté du 28 mai prolongeant et modifiant l'arrêté du 23 avril 2020 relatif au fonctionnement des autorités communales pendant la durée des mesures destinées à lutter contre le coronavirus. Ce choix est critiquable, mais, encore une fois, force est de constater que cette restriction au libre choix de l'organisation des Conseils municipaux par eux-mêmes est compréhensible et justifiée au vu du contexte.

En considérant la mission déléguée à la commission législative qui est de faire un examen de la légalité et non un examen de l'opportunité, nous voterons cette résolution. Cette résolution est également bienvenue car elle constate la fin de l'état de nécessité. Le groupe des Vertes et des Verts se réjouit que cette parenthèse à la démocratie, bien que nécessaire, arrive à son terme.

Maintenant que nous constatons la fin de cette crise, il nous faut revenir en arrière et regarder ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné et comment anticiper ce genre de situation dans le futur. Le fait est que nous n'étions pas prêts; Genève n'était pas prête ! Cette crise a été gérée, certes, mais il est nécessaire de revenir en arrière et d'analyser ce qui s'est passé avec précision. A plusieurs reprises et encore aujourd'hui, notre groupe a annoncé son désaccord avec certaines décisions du Conseil d'Etat. A aucun moment, nous n'avons pu officiellement reprocher au Conseil d'Etat ces points car, encore une fois, ce n'était pas la tâche de la commission législative que d'examiner l'opportunité de ces décisions.

Pour qu'à l'avenir notre canton puisse mieux gérer de telles crises - qui, au passage, risquent de s'accentuer avec les effets du réchauffement climatique qui planent sur nous - il faut que notre Grand Conseil puisse se pencher sur l'opportunité des décisions prises lors de cette crise. Cela peut être fait par la commission de contrôle de gestion qui est tout à fait adéquate pour examiner ces questions.

Un bref mot sur la motion pour une loi d'application de l'article 113 de la constitution genevoise. Les arguments ont été largement étayés par mes préopinants; il est tout à fait nécessaire de faire cette loi d'application, considérant les incertitudes auxquelles la commission législative a été confrontée. Et laissez-moi vous dire qu'au coeur d'une crise, il est dommage de perdre des heures et des heures à débattre de notions juridiques indéterminées. C'est pour cette raison que le groupe des Verts acceptera également cette motion.

En conclusion, les Verts vous proposent de prendre acte du rapport et d'accepter la résolution ainsi que la motion. (Applaudissements.)

Mme Danièle Magnin (MCG). Monsieur le président, je ne vais pas parler aussi longuement. D'une part, parce que l'essentiel a déjà été dit; d'autre part, parce que je n'ai pas envie de lasser tout le monde en répétant des choses dites. A mon sens, nous avons rencontré des difficultés lors de l'application de l'article 113 de la constitution et il apparaît absolument nécessaire de faire soit une loi d'application soit une modification de la LRGC afin que nous puissions travailler de façon plus efficace. De manière générale, nous n'approuvons pas absolument toutes les décisions prises par le Conseil d'Etat et nous souhaiterions qu'à l'avenir des décisions plus logiques soient prises. Par exemple, s'agissant de l'aéroport: à un moment, beaucoup souhaitaient que l'on contrôle les personnes arrivant à l'aéroport pour vérifier leur état de santé et voir si elles avaient la fièvre, et que l'on protège les personnes affectées aux procédures au départ et à l'arrivée. Et si notre ministre chargé de la santé était d'avis de le faire le plus rapidement possible, à ce qu'on nous a rapporté, notre autre ministre chargé des transports refusait de protéger les gens pour ne pas - entre guillemets - «effrayer» la population.

Nous estimons qu'à cet égard, on perd de vue que la vie passe avant l'avoir et qu'il est absolument nécessaire d'avoir un peu plus de logique dans certaines de ces décisions ! Toutefois, j'ai approuvé en commission les conclusions qui vous sont soumises et le groupe MCG vous propose de les approuver.

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur le député Emmanuel Deonna, vous avez la parole pour quarante-deux secondes.

M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Genève a connu une prévalence des cas de covid très élevée comparée à la moyenne suisse. Malgré l'application des consignes de l'OFSP, plusieurs signaux indiquent que le niveau de préparation du canton n'était pas suffisant. L'ensemble du parlement devrait pouvoir garder son rôle de contrôle de l'action de l'exécutif. Nous sommes persuadés que l'état de nécessité ne doit pas perdurer car il ne donne pas une garantie de contrôle parlementaire suffisante. Une fois la phase aiguë de la crise covid passée, la prévention et la gestion des risques majeurs devraient aussi figurer clairement dans les priorités transversales de l'administration. Celle-ci devrait rendre compte à ce sujet de façon transparente et à intervalle régulier.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le rapporteur de minorité André Pfeffer, vous avez la parole pour quatre minutes, sur le temps de votre groupe.

M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de minorité. Merci. Je répète cela depuis deux mois: la responsabilité de constater la fin de l'état de nécessité n'est pas anodine. Il est question du rétablissement de l'Etat de droit et du bon fonctionnement de nos institutions. Le constat pour déclarer la fin de l'état de nécessité est exclusivement de la compétence du Grand Conseil. Sur ce point crucial, il y a eu une divergence entre ce que dit l'article 113 de notre constitution et la position du Conseil d'Etat. Comme cela figure dans le rapport - je répète ce que j'ai déjà dit auparavant - le Conseil d'Etat a estimé que «du point de vue juridique, l'état de situation ne se décrète pas à Genève. Il s'agit d'une question de fait. Il n'y a pas besoin à Genève de prononcer la fin de la situation extraordinaire [...]» Cette position figure dans le rapport.

Encore une fois et surtout en cas de crise, la gouvernance doit être claire et compréhensible. Il en va de l'adhésion de la population, mais aussi de la qualité même de la gestion de crise. Pour cette raison, la gestion de cette crise est très discutable et doit absolument être améliorée. Je répète la position du groupe UDC et du rapporteur de minorité: malgré nos critiques que nous répétons et répétons depuis plus de deux mois, nous allons accepter les trois textes, mais nous allons nous engager pour que la situation s'améliore dans le cas où une deuxième vague surviendrait malheureusement.

Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole n'étant plus demandée, nous allons procéder aux votes.

Une voix. Et le Conseil d'Etat ?

Le président. Est-ce que le Conseil d'Etat a demandé la parole ? (Remarque.) Monsieur Mauro Poggia, vous avez la parole !

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je serai bref pour le compte du Conseil d'Etat. Je voudrais d'abord remercier le rapporteur de minorité pour ses propos nuancés, mesurés et respectueux des institutions. Il est toujours agréable, après quatre mois de travail dans une situation particulièrement difficile, de voir son travail qualifié d'irresponsable... (Commentaires.) Apparemment, certaines personnes sont sorties de confinement tout dernièrement et n'ont pas constaté le travail qui a réellement été fait !

Cela dit, je préciserai certaines considérations juridiques, puisqu'on vous soumet un texte qui vous demande de constater la fin de la situation extraordinaire. Vous pouvez bien sûr constater la fin de la situation extraordinaire: le Conseil d'Etat n'y voit évidemment pas d'objection. Il faut cependant savoir que cela n'est pas conforme à notre constitution. Nous avons un article 113 qui précise à son premier alinéa qu'en cas de catastrophe ou autre situation extraordinaire, c'est le Conseil d'Etat qui prend les mesures nécessaires pour protéger la population. C'est l'effet du bon sens, bien sûr: lorsque le Grand Conseil ne peut pas se réunir, lorsqu'il y a une situation d'urgence, une nécessité, le Conseil d'Etat - le gouvernement - doit pouvoir prendre les décisions nécessaires pour protéger la population !

L'alinéa 2 précise quant à lui que, lorsque le Grand Conseil peut enfin se réunir, il doit alors constater si la situation était bien extraordinaire lorsque le Conseil d'Etat a pris ses décisions. C'est donc un examen rétrospectif et ponctuel, qui doit permettre d'examiner si le Conseil d'Etat pouvait à ce moment-là prendre les décisions qui devraient normalement et souvent être de la compétence du Grand Conseil. A contrario, s'il constate qu'au moment où les décisions du Conseil d'Etat ont été prises, la situation extraordinaire n'était pas réalisée, le Grand Conseil peut alors annuler ou constater l'inefficacité des décisions prises par le Conseil d'Etat. Il ne s'agit pas de mettre fin à une situation extraordinaire qui, par hypothèse, peut survenir à tout instant. Elle ne serait pas extraordinaire aujourd'hui, elle le sera peut-être demain, elle disparaîtra après-demain. C'est donc bien un examen ponctuel au moment où les décisions sont prises. L'alinéa 3 précise que les décisions, les mesures prises par le Conseil d'Etat, restent valables aussi longtemps que le Grand Conseil n'y aura pas mis fin.

Donc, voilà la situation. On n'annule pas une situation extraordinaire, le terme pourrait d'ailleurs porter à confusion au regard de la loi sur les épidémies, qui parle aussi de situation extraordinaire dans un autre contexte. Vous le savez, la loi sur les épidémies prévoit à son article 7 qu'en cas de situation extraordinaire, c'est le Conseil fédéral qui prend les décisions, seul, pour le pays ou pour les régions concernées. Situation extraordinaire à laquelle le Conseil fédéral a finalement mis fin puisque nous sommes à nouveau maintenant en situation dite particulière. Nous ne sommes pas en situation ordinaire, la situation particulière étant une situation intermédiaire entre l'ordinaire et l'extraordinaire dans laquelle la Confédération fixe des bases. Elle l'a fait en fixant un socle minimum qui est souvent un plus petit dénominateur commun compte tenu des différences de situation entre les régions en Suisse par rapport au covid-19, les cantons pouvant de leur côté prendre des décisions. C'est précisément l'article 40 de ladite loi sur les épidémies qui permet et permettra encore, dans cette situation particulière, d'intervenir par des mesures ponctuelles lorsqu'il s'agira de protéger la population.

Que les choses soient claires: même si vous acceptez le rapport qui met fin à la situation extraordinaire au sens de l'article 113 de la constitution, la situation particulière au sens de la loi sur les épidémies permet encore et toujours aux autorités compétentes - c'est-à-dire le service du médecin cantonal et, par droit d'évocation, le Conseil d'Etat - de prendre des décisions ponctuelles pour répondre aux problématiques.

J'ai entendu des propos sur l'éventualité d'une deuxième vague: je crois que certains n'ont pas compris que le but aujourd'hui n'est pas d'attendre la deuxième vague mais d'éviter qu'elle se produise. C'est pour ça que nous avons mis en place des mesures de précaution, de dépistage et de traçage, que nous surveillons très attentivement la situation épidémiologique du canton et observons le comportement de la population dans certaines situations.

Voilà ce que je voulais préciser pour le Conseil d'Etat. Pour le reste, je remercie la grande majorité des députés qui ont reconnu le travail fait par le Conseil d'Etat. Bien sûr, avec un «rétroscope», on agit toujours mieux que ceux qui ont travaillé dans l'urgence, sur le moment. Mais on peut voir comment la Suisse s'en est sortie - Genève en particulier - en comparaison internationale, et vous voyez les courbes d'augmentation en Suisse: Genève et Bâle sont les deux cantons dans lesquels la pente est la plus basse. Nous avons donc réussi à atteindre le but poursuivi qui était de faire en sorte que nos hôpitaux ne soient pas submergés, le but n'étant pas seulement de protéger les personnes contaminées par le virus mais de faire en sorte que tous les autres patients qui, malheureusement, continuent à être affectés par les maladies ordinaires puissent malgré tout être pris en charge simultanément et sauvés.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons d'abord prendre acte du RD 1355; ensuite, nous passerons au vote sur la R 928; enfin, nous nous prononcerons sur la M 2659.

Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 1355.

Mise aux voix, la résolution 928 est adoptée par 86 oui contre 1 non.

Résolution 928

Mise aux voix, la motion 2659 est adoptée et renvoyée à la commission législative par 85 oui contre 2 non et 2 abstentions.

Motion 2659