République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

R 919
Proposition de résolution de Mmes et MM. Thierry Cerutti, Daniel Sormanni, François Baertschi, Ana Roch, Sandro Pistis, Françoise Sapin, Jean-Marie Voumard : Des assureurs-maladie responsables et solidaires, afin que les assureurs actifs dans l'assurance obligatoire des soins (LAMal) fassent preuve de solidarité envers la population suisse concernant les tests de dépistage du Covid-19 (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 4 et 5 juin 2020.

Débat

Le président. Nous traitons maintenant la R 919, classée en catégorie II, trente minutes. La parole est à son premier auteur, M. Thierry Cerutti.

M. Thierry Cerutti (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cela fait deux jours que nous débattons de différentes mesures que nous désirons prendre pour l'après-covid. Des mesures qui touchent tout le monde - allant, bien naturellement, des entreprises aux plus démunis et à la population genevoise dans son ensemble. Aujourd'hui, ce qui est étonnant, c'est qu'à travers la Suisse, tout le monde est solidaire, que ce soit l'Etat ou les sociétés privées, mais que l'on constate que les assurances brillent par leur absence, qu'elles sont étonnamment silencieuses et qu'elles ne pipent pas mot quant à ce qu'elles désirent faire pour la population, quant à ce que sera leur pierre à l'édifice de la solidarité avec la population suisse. Pour rappel, notre pays est quand même celui qui paie les assurances les plus chères du monde, et Genève se trouve au sommet du podium.

Cette proposition de résolution demande tout simplement que les assurances prennent leurs responsabilités et qu'elles assument leur devoir en prenant entièrement à leur charge tout ce qui est lié au covid-19, notamment le dépistage et les soins. Pourquoi ? Parce que, comme le Conseil fédéral l'a décrété, avec l'appui des différents conseillers d'Etat chargés de la santé, aujourd'hui, pour éviter une seconde vague de la pandémie, il faut procéder à des dépistages, il faut que la population puisse être contrôlée et testée. Cela a un coût. Les gens sont réfractaires à le faire, parce qu'ils n'en ont justement pas les moyens; nous le comprenons toutes et tous, puisque nous avons voté, je le rappelle, pendant ces deux jours, différents textes et accords pour des frais qui se chiffrent à des millions de francs. Le groupe MCG estime donc que les assurances-maladie doivent aussi apporter leur contribution à la solidarité avec le peuple genevois et plus largement avec le peuple suisse. Merci.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cette résolution va dans le bon sens. Elle va d'ailleurs dans le sens de la motion 2638 telle qu'elle a été modifiée tout à l'heure. Elle est toutefois plus ciblée, puisqu'elle demande de mettre à la charge de la LAMal la totalité des frais de dépistage du coronavirus. Vous le savez, actuellement, les modalités de prise en charge de ces frais varient selon la situation des personnes. Mais, pour une grande partie de la population, les frais de dépistage apparaîtront quand même sous les charges de leur franchise et de leur participation. Or nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises le frein que peuvent représenter ces frais à charge des assurés dans la lutte contre la pandémie à laquelle nous sommes confrontés ainsi que les obstacles objectifs qu'ils opposent à une véritable et efficace politique de prévention.

Enfin, demander que ces frais de dépistage soient à charge de la LAMal est non seulement légitime, mais aussi censé: les assurances-maladie n'auraient-elles pas un rôle accru à jouer en situation de pandémie ? Qui mieux qu'elles le pourrait ? Car enfin, Mesdames et Messieurs les députés, les réserves ont été entre autres instituées pour permettre de faire face à des risques inattendus, tels qu'un nombre inhabituel de cas graves et coûteux, à des épidémies ou à des pandémies. Dont acte ! Nous y voilà ! C'est le moment ou jamais pour les caisses maladie de faire usage de leurs réserves. C'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche votera cette résolution adressée à l'Assemblée fédérale et vous invite à faire de même, en espérant que les lobbys des caisses maladie se feront discrets et modestes en l'occurrence. Je vous remercie de votre attention.

M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, cette résolution, qui exerce le droit d'initiative de notre parlement et qui est adressée à l'Assemblée fédérale, est une action nécessaire aujourd'hui. Nous avons effectivement besoin de cette proposition, qui consiste à mettre intégralement à la charge de la LAMal les coûts liés aux tests de dépistage du coronavirus - de la maladie covid-19 - hors franchise et sans participation de l'assuré.

Les onze considérants de la résolution sont assez larges, et je pense que le quatrième est central. Il dit ceci: «[...] dans le cadre des actions ordonnées par le Conseil fédéral pour lutter contre une résurgence de l'épidémie, un dépistage précoce des cas douteux est requis, afin d'interrompre immédiatement la chaîne de contamination». Ce sont effectivement aujourd'hui les mesures proposées par le Conseil fédéral et on retrouve exactement les mêmes dans le «CoronaCheck» d'unisanté, qui précise que «toute personne présentant des symptômes compatibles avec le covid-19» est, dans la mesure du possible, testée, et que les personnes ayant été en contact avec la personne infectée sont mises en quarantaine.

Si l'on veut éviter non seulement une résurgence de l'épidémie, mais également de devoir imposer à nouveau à la population un confinement, comme cela a été le cas pendant ces deux derniers mois, avec les coûts que cela engendre vu l'arrêt de l'économie, nous devons absolument maintenant adopter cette nouvelle stratégie, qui consiste à diagnostiquer précocement les personnes qui présentent des symptômes, à identifier les chaînes de contamination des personnes concernées et à inviter celles-ci à se confiner dans le cadre d'une quatorzaine.

Donc oui, Mesdames et Messieurs les députés, le PLR soutient cette demande de résolution et je vous invite à faire de même. Je vous remercie de votre attention.

Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, cette crise du covid-19 a entraîné un certain nombre de pertes de revenus pour une large partie de la population et a précarisé encore un peu plus certaines autres personnes, et le phénomène de non-recours aux prestations de soins et de santé que nous connaissions déjà avant le début de l'épidémie va manifestement s'accroître, malheureusement, avec ses conséquences. Or en pleine crise sanitaire, le fait que des personnes renoncent soit à des soins, soit à des contrôles ou des dépistages de maladies a évidemment des conséquences absolument désastreuses et dramatiques: d'abord pour leur propre santé, mais également pour la santé globale de la population, étant donné que cela comporte un risque réellement important de propagation de ce virus.

Les caisses d'assurance-maladie ont constitué des réserves considérables, ce par le paiement des primes des habitants de notre pays et de notre canton. Aujourd'hui, nous avons besoin de ce financement pour pouvoir rendre facilement accessibles et gratuits non seulement les tests de dépistage de cette maladie, mais également les soins qui les accompagnent. Les assurances-maladie ont les moyens de les financer. C'est la raison pour laquelle le parti socialiste soutiendra cette résolution.

Après les différents beaux discours que nous avons entendus dans le cadre des débats de cette assemblée, j'espère sincèrement que les représentants à Berne des partis bourgeois, notamment du PLR et du PDC qui ont annoncé leur soutien à cette résolution, suivront leurs députés cantonaux et la soutiendront également devant les Chambres fédérales - ces dernières années, ils ne nous ont pas vraiment habitués à ce genre de démarche. Nous espérons que cela puisse changer, qu'ils puissent effectivement se départir d'un certain nombre de leurs liens d'intérêt avec les lobbys du milieu de la santé et faire prévaloir les intérêts de la population. Je vous remercie beaucoup.

M. Jean-Marie Voumard (MCG). Je crois que tout a été dit. J'interviendrai peut-être juste pour faire suite au débat d'hier: vous savez que le MCG n'a pas de représentant à Berne, c'est pourquoi nous déposons cette résolution, qui, apparemment - je l'espère - va être acceptée et qui rejoint la motion 2638 que nous avons adoptée tout à l'heure. Je vous remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien va accepter cette résolution. Mais, si nous voulons que le plan actuel fonctionne, on n'aura pas le temps d'attendre d'être conviés devant la commission de la santé du Conseil des Etats ou du Conseil national pour venir expliquer notre demande. Ce sera beaucoup trop tard. Ce qu'il faut, c'est qu'actuellement, les gens puissent aller se faire dépister. Il faudrait que le Conseil d'Etat décide que les gens vont se faire dépister gratuitement, quitte à se faire rembourser ultérieurement par les assurances-maladie. Voter cette résolution, c'est très bien, mais elle arrivera beaucoup trop tard et c'est maintenant que les gens doivent pouvoir y aller, sans devoir débourser un centime. Je vous remercie.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, les Vertes et les Verts sont assez favorables à cette résolution. Nous pourrions l'accepter, tout en étant conscients - comme l'a également relevé M. le député Buchs - que cet objet ne sera sans doute pas pris en compte à Berne avant longtemps et qu'il se passera deux ans avant qu'il soit traité - s'agissant d'un remboursement de tests, c'est effectivement un petit peu long.

Nous considérons que les assurances-maladie peuvent utiliser leurs réserves pour cela, au lieu de prétexter vouloir les utiliser pour modérer les primes 2021. Les tests devraient en effet être gratuits. La question qui se pose ici est de savoir si cela doit être pris en charge par les caisses maladie ou par l'Etat. La réponse a été donnée lors du débat sur la motion 2638. Ici, il s'agit d'une question de santé collective et pas de santé individuelle. Comme le système de traçage va durer encore un moment, il serait dangereux que l'on teste peu uniquement parce que des individus ne veulent pas payer ou ne peuvent pas payer le test. Par ailleurs, on se trouverait ici dans une logique de prévention; c'est aussi ce que défendent les Verts et les Vertes en général. Il s'agit donc d'une mesure sanitaire indispensable au retour à la normale, et qui dit mesure dit - normalement - financement.

Sachant que les assurances ont réalisé des économies ces trois derniers mois - les consultations médicales et les opérations ayant été suspendues - que ces économies ont sans doute été supérieures aux surcoûts liés à la prise en charge des patients covid positifs, et que l'Etat doit déjà assumer les pertes des hôpitaux, nous pensons que les réserves, qui normalement appartiennent aussi aux assurés et qui s'élèvent à plusieurs milliards, peuvent être utilisées pour ce remboursement total. Pour toutes ces considérations, les Vertes et les Verts accepteront la résolution. Merci.

Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur François Baertschi, vous avez maintenant la parole pour deux minutes trente-huit.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Cette résolution est importante, parce qu'avant tout, elle envoie un signal: la volonté que l'on fasse financer intégralement par l'assurance-maladie les tests de dépistage. C'est une question essentielle; pour le covid-19 bien évidemment, mais également pour d'éventuelles futures épidémies ou pandémies, parce qu'on a constaté qu'une grande partie de la crise a été due au fait que l'on n'a pas pu tester de manière massive la population. Si nous n'avons pas pu le faire, c'est parce que nous n'avons ni le dispositif de remboursement ni le matériel de dépistage.

Il faut donc aller dans cette direction, il faut montrer ce signal - c'est avant tout un signal que l'on envoie à Berne. Quelle que soit l'issue de cette résolution, le simple fait que notre Grand Conseil la vote de la manière la plus massive possible sera un signal fort, qui, je l'espère, sera pris en compte par les Chambres fédérales, qui seront obligées de prendre cette question en compte. C'est vraiment là que réside la question importante et stratégique de cette résolution, derrière le côté un peu technocratique et technique qui pourrait en rebuter certains. Merci de soutenir avec enthousiasme cette proposition !

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le député Emmanuel Deonna, vous avez la parole pour cinquante secondes.

M. Emmanuel Deonna (S). Merci, Monsieur le président. Actuellement, si la personne testée présente des symptômes légers et qu'elle n'appartient pas à un groupe à risque, le dépistage est considéré comme une mesure préventive. Dès lors, son coût est exclusivement à la charge du canton. Ce sont les contribuables qui passent à la caisse, au motif contestable que le test covid serait une mesure épidémiologique. Lorsque les symptômes sont plus importants, le test de dépistage entre dans les prestations LAMal, mais avec la franchise et la participation de 10% des assurés. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Comme l'ont rappelé mes préopinants, nous savons que les réserves des assureurs atteignent 5 milliards. 5 milliards de francs: une somme énorme ! Il faut donc déplorer le manque de courage politique tant du Conseil fédéral que du parlement, qui laissent des règles ordinaires régir une situation extraordinaire.

Le président. Merci.

M. Emmanuel Deonna. Nous avons un besoin urgent de...

Le président. C'est terminé.

M. Emmanuel Deonna. ...rendre faciles et accessibles les tests de dépistage et de respecter...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Emmanuel Deonna. ...les assurés suisses, pour qui cette prestation importante doit être gratuite. Je vous remercie.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, dans cette nouvelle phase de lutte contre l'épidémie, nous devons indiscutablement gérer le risque pour ne pas avoir à gérer la maladie. C'est la raison pour laquelle nous procédons au dépistage, au traçage, puis, le cas échéant, à l'isolement et à la quarantaine pour ceux qui ont été en contact étroit avec les personnes qui se révèlent positives.

Evidemment, cette stratégie n'a de chance de réussir que si des éléments extérieurs à la lutte contre l'épidémie elle-même ne viennent pas polluer l'esprit du patient assuré. Aujourd'hui, nous avons plusieurs cas de figure, puisque, si la potentielle contamination a lieu dans le cadre de l'activité professionnelle, c'est l'assurance-accident qui intervient; s'il n'y a que des symptômes légers, on considère que c'est de la prévention, et le canton doit prendre en charge les coûts; si les symptômes sont plus importants et que la personne est allée, logiquement, voir un médecin qui a prescrit une ordonnance pour le test, cela entre dans l'assurance-maladie, avec les conséquences que cela implique, bien entendu, s'agissant de la franchise et de la participation. Tout cela n'est évidemment pas logique et cette résolution va dans le bon sens.

Je dois quand même vous dire que le Conseil d'Etat de Genève est intervenu dans ce sens à plusieurs reprises, non seulement auprès de M. Berset, oralement, il y a trois semaines, mais aussi ensuite, par écrit, auprès de l'Office fédéral de la santé publique, qui, pour sa part, refuse d'entrer en matière, au motif que cela générerait une inégalité de traitement entre les assurés - entre ceux qui ont des franchises basses et les autres qui en ont de mauvaises. Je pense que ce genre d'arguments n'a, bien sûr, pas lieu d'être lorsqu'il s'agit de lutter contre une épidémie. Ce sont des calculs d'apothicaire, alors que nous avons un problème majeur à affronter. La conférence latine des directeurs de la santé est également intervenue et, mardi dernier, des spécialistes dans ce domaine de nos hôpitaux universitaires de Genève et de Lausanne - puisqu'il semble que, lorsque le discours est porté par les autorités politiques cantonales, celles-ci sont immédiatement suspectées de vouloir transférer des charges du canton vers la Confédération - se sont rendus à Berne pour exposer la situation, avec un retour tout à fait favorable. Il semble que le discours, lorsqu'il est porté par des scientifiques, soit mieux entendu.

Nous espérons naturellement que les choses vont changer. Le canton ne dit pas qu'il ne doit rien payer. Absolument pas ! Je pense que la facture ne doit même pas être vue par le patient. La facture doit être envoyée directement à un payeur unique et une clé de répartition doit ensuite être fixée entre la Confédération, les cantons et les assureurs. Encore une fois, le but n'est pas de transférer des paiements à l'un ou à l'autre; nous ne sommes pas en train de régler une partie de ping-pong. Nous parlons de santé et de vies humaines, et, lorsqu'on voit la manière dont on nous répond à Berne, il y a de quoi s'inquiéter. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, je mets aux voix cette proposition de résolution.

Mise aux voix, la résolution 919 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 73 oui et 1 abstention.

Résolution 919