République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 12 mars 2020 à 17h
2e législature - 2e année - 11e session - 57e séance
M 2549-A et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. L'ordre du jour appelle la M 2549-A et la M 2550-A, que nous traiterons ensemble en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole au rapporteur de majorité sur ces deux objets, M. Olivier Baud.
M. Olivier Baud (EAG), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, ces deux motions ont été liées mais elles sont différentes. L'une vise en effet à renforcer l'éducation civique ou l'éducation à la citoyenneté dans l'enseignement obligatoire, et l'autre à mettre en place des cours d'introduction à la pensée politique au secondaire II. Les deux objets ont toutefois une motivation semblable, pourrait-on dire, au vu du nombre d'abstentions qui perdure, comme nous l'a montré le professeur Sciarini: encourager la participation des jeunes aux scrutins populaires notamment - aux élections et aux votations.
Bien que, dans le fond, ces deux textes partent d'une idée commune, ils visent quand même des objectifs assez différents. Si elles ont été traitées en même temps, la particularité, c'est que la M 2549 a été amendée - intelligemment, je dirais - et acceptée, et la majorité vous encourage donc à la voter, alors que la M 2550 a par contre été refusée. Cette dernière soulève entre autres des problèmes qu'on rencontre souvent dans ce parlement lorsqu'on veut introduire des cours nouveaux à l'école. Elle soulève tout un tas de problèmes et de questions, souvent insolubles, et les mêmes remarques reviennent: on n'a pas à intervenir sur la grille horaire, comment va-t-on financer ces cours, etc.
La solution, le juste milieu, c'est d'accepter le premier objet et de tout mettre en oeuvre pour encourager la participation des jeunes. Il y a actuellement pas mal d'expériences participatives dans les écoles, mais elles peuvent être renforcées et encouragées tout au long de la scolarité obligatoire. Mesdames et Messieurs les députés, la majorité vous recommande donc d'accepter la première motion et de refuser la deuxième. Je vous remercie.
Le président. Merci. La parole est à M. le député Christo Ivanov. (Remarque.) Pardon !
M. Christo Ivanov. Monsieur le président...
Le président. Pardon, attendez ! C'est d'abord à Mme la rapporteuse... J'aimerais bien que les rapporteuses pressent le bouton si elles veulent prendre la parole, sinon je ne la leur passe pas. Madame Katia Leonelli, c'est à vous.
Mme Katia Leonelli. Je suis rapportrice de minorité sur la deuxième motion; est-ce que vous voulez d'abord...
Le président. Oui, mais Mme Sylvie Jay n'a pas demandé... Ah, elle la demande maintenant et je lui passe donc la parole - si vous le permettez, Madame Leonelli.
Mme Katia Leonelli. Oui !
Le président. Merci.
Mme Sylvie Jay (PLR), rapporteuse de minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les constats de la faible participation électorale en Suisse, notamment à Genève, et du phénomène d'abstentionnisme notoire chez les jeunes ont amené les signataires de la M 2549 à demander le renforcement des cours d'éducation civique. La préoccupation du peu de participation des jeunes aux votations avait déjà été l'occasion du dépôt d'une proposition de motion intitulée «pour développer le sens civique et la participation aux votations chez les jeunes» le 26 août 2015. Bien que concernant l'enseignement secondaire, celle-ci soulevait dans ses considérants le même problème et dans ses invites la nécessité de former les jeunes à l'exercice de la citoyenneté.
Depuis 2019, le plan d'études romand consacre une heure en 9e année à l'étude de la citoyenneté, dispensée par les enseignants d'histoire ou de géographie, cette dernière faisant partie du domaine des sciences humaines. Les outils décrits dans ce plan d'études et mis à disposition pour atteindre les objectifs dudit enseignement ne permettent toutefois qu'une approche peu pragmatique du processus de vote. Cela explique en partie que les jeunes n'ayant pas bénéficié d'une initiation politique dans le cadre familial se retrouvent désemparés devant leur premier bulletin de vote, avec «le sentiment» - je cite - «de ne pas avoir été suffisamment formés ou accompagnés dans le cadre scolaire pour les utiliser concrètement».
Certains élèves ayant intégré le cycle d'orientation après l'introduction de cette branche témoignent que l'heure d'instruction civique dispensée en 9e année est fréquemment utilisée pour rattraper de potentiels retards dans les disciplines des sciences humaines. L'étude du professeur Pascal Sciarini portant sur le rôle de l'école dans la socialisation politique, parue en 2015, montre que les cours d'éducation civique sont jugés peu utiles par les jeunes interrogés. Par ailleurs, des témoignages rapportent que le bon déroulement de ces cours dépend également de la volonté et de l'intérêt des enseignants pour la branche concernée.
Si la minorité rejoint l'ensemble des membres de la commission sur l'importance de sensibiliser les jeunes à l'exercice des droits, elle n'est toutefois pas convaincue de la façon d'y parvenir. Elle estime que l'enseignement de la citoyenneté doit faire l'objet d'une évaluation des acquis qui lui soit propre, dont le résultat ne doit pas être intégré aux moyennes d'histoire ou de géographie, ceci afin de gagner en légitimité, mais aussi pour ne plus dépendre du simple intérêt des enseignants pour cette branche. Considérant que l'intégration de l'enseignement de la citoyenneté n'a jusqu'à présent pas apporté d'amélioration à la problématique - malgré le dépôt de deux motions souhaitant y remédier - la minorité de la commission vous demande, Mesdames les députées, Messieurs les députés, de la suivre et de voter en défaveur de la M 2549.
Mme Katia Leonelli (Ve), rapporteuse de minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, telle que formulée, la M 2550 demande au Conseil d'Etat de mettre en place un cours d'introduction à la politique au secondaire II et d'en préciser le programme de manière que les connaissances fondamentales à l'exercice des droits politiques soient acquises par l'ensemble des futurs citoyens. Le groupe socialiste avait proposé un amendement en commission pour tenter de trouver un consensus, mais il a malheureusement été refusé. Les Verts et les socialistes ont malgré tout décidé de soutenir ce texte dans sa formulation initiale, et ce malgré le fait que la première motion, acceptée par une majorité, comporte une invite sur la mise en place d'expériences participatives destinées à encourager la participation des élèves jusqu'à 18 ans, FO18 permettant ce type de mesures.
Le département nous assure qu'un certain nombre d'actions sont prévues afin de sensibiliser les élèves de manière plus transversale ou moins scolaire, notamment des débats sur des objets de vote dans certains établissements du secondaire II, des rencontres avec des élus, des visites à Berne, etc. Force est de constater que cela n'est toutefois pas suffisant, comme le déclare le Parlement des jeunes genevois: «Au moment où ils acquièrent les droits politiques, les jeunes ne sont pas formés ou accompagnés par le cadre scolaire pour les utiliser concrètement.»
Selon la minorité, les mesures mises en place jusqu'à maintenant ne sont pas suffisantes pour répondre pleinement aux objectifs de l'école précisés dans l'article 10 de la LIP, et les mesures que le Conseil d'Etat pourrait prendre grâce à la première motion auraient moins de chances de s'avérer lacunaires... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) ...si elles étaient accompagnées d'un cours. Acquérir des connaissances politiques de manière transversale grâce aux cours d'histoire ou de philosophie est bien sûr intéressant, mais des connaissances concrètes permettraient aux élèves de ne pas être perdus au moment où ils reçoivent leur enveloppe de vote.
S'ils comprennent assez vite de quel bord politique ils se considèrent, il est piquant de voir combien de jeunes ayant fait toute leur scolarité dans le canton de Genève ne connaissent pas la différence entre un parlement et un gouvernement. Selon la minorité, avoir un cours, un cadre clair dédié à ces questions, avec un répondant spécialiste des institutions serait une manière d'éviter que les connaissances acquises ne dépendent trop des intérêts personnels des enseignants.
Cette motion propose une solution concrète afin que les jeunes comprennent pourquoi ils votent pour un Grand Conseil et pour un Conseil d'Etat, et pourquoi ils votent pour un Conseil national et un Conseil des Etats - et la différence entre un Conseil d'Etat et un Conseil des Etats. Mais l'objectif est aussi qu'ils aient conscience de tous les outils à leur disposition pour faire entendre leur voix, qu'il s'agisse de la pétition, du référendum ou de l'élection. Au vu de tout ce qui vient d'être dit, la minorité vous encourage à voter en faveur de la M 2550 afin de proposer une solution qui aille encore plus loin que la M 2549 dans le renforcement des droits politiques des futurs citoyens et citoyennes de notre canton. Merci.
M. Patrick Saudan (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, dire qu'en commission le PLR n'a pas manifesté un enthousiasme débordant pour ces deux textes est un euphémisme. En fait, les postulats qui se trouvent à la base de ces motions - je me permets de m'exprimer sur les deux, Monsieur le président - sont que l'abstentionnisme des jeunes va délégitimer la portée du vote populaire et que l'intensification de l'enseignement de l'éducation civique durant le cursus scolaire ou l'introduction de ces cours pour mieux comprendre les institutions politiques permettraient d'y remédier.
L'audition de M. Sciarini a apporté des éclairages intéressants: d'abord, une participation faible, en tout cas pour les votations, ne change en rien la légitimité du vote ! Si ces abstentionnistes vont voter, qu'ils soient jeunes ou âgés, ils se répartissent généralement d'une manière égale au sein de toutes les tendances présentes dans notre population. M. Sciarini était un peu plus réservé sur le résultat des élections; il a bien mis en évidence, et Mme Torracinta l'a d'ailleurs rappelé, que les principales causes de la faible participation sont d'une part la complexité de notre système politique, et surtout la fréquence importante de nos votations. C'est là le point cardinal qui fait que l'abstentionnisme est important en Suisse.
Le DIP n'est pas convaincu que rajouter des cours permettrait de diminuer l'abstentionnisme chez les jeunes. Et on a par ailleurs un problème de grille horaire ! Que voulons-nous pour nos jeunes ? Nous voulons qu'ils s'ouvrent au monde et qu'ils le comprennent. Est-ce qu'ils vont mieux le comprendre avec des cours d'introduction aux institutions politiques ou avec des cours de science et de langues, qui leur permettent de mieux appréhender la complexité de ce monde ? Le PLR n'est pas d'avis de soutenir ces deux motions et vous demande de le suivre. Je vous remercie.
M. Diego Esteban (S). Se poser la question de la participation électorale conduit inévitablement à observer tristement ce qui a cours à Genève: ce dimanche, nous voterons et seulement 25% des électrices et électeurs ont mis leur bulletin dans l'urne à trois jours de l'échéance. Cela pose deux problèmes: la vitalité de notre système politique et la légitimité de nos décisions. Je pense qu'il y a un réel problème si une personne décide pour quatre.
Ces deux motions visent plusieurs objectifs, en particulier la continuité dans l'éducation citoyenne, entre le moment où les cours sont dispensés et celui où on passe à la pratique. Dans les faits, il y a aujourd'hui un hiatus entre les deux qui a plutôt tendance à favoriser la perte des connaissances. Le deuxième objectif est la généralisation des expériences participatives - votes blancs, visites des institutions et autres débats - qui permettent de diversifier l'éducation prodiguée aux élèves de l'enseignement obligatoire. Le Parlement des jeunes genevois a tenu devant la commission les mêmes propos qu'il tenait déjà il y a sept ans lorsque l'association a été fondée: il y a une certaine inconsistance dans le nombre d'établissements concernés par ces projets et cela met à mal le principe selon lequel on souhaiterait que l'ensemble des élèves puisse y avoir accès.
Enfin, et cela a été mentionné, un autre objectif est de «renforcer» le dispositif existant, pour citer la première invite de la première motion, supprimée par la commission. Je relève que l'interprétation de ce terme fait l'objet d'un paragraphe entier dans l'exposé des motifs et que la commission a bien passé deux séances à se demander comment interpréter ce terme. C'est toujours intéressant de voir que les élus de la république lisent les textes sur lesquels ils sont appelés à voter avant de se prononcer dessus.
De manière plus générale, il y a un problème - un problème que relevait également le Parlement des jeunes genevois dans le courrier qu'il adressait il y a trois ans presque jour pour jour à ce Grand Conseil. Si ça intéresse certaines et certains d'entre vous, ce C 3629 détaillait la longue liste des objets déposés durant la dernière législature qui traitaient de cette thématique. Là où le département et la chancellerie font un certain nombre d'efforts pour essayer de renforcer le dispositif, le Grand Conseil, systématiquement, refuse ou vide de leur substance tous les objets ayant trait à l'éducation citoyenne.
Finalement, on observe que le Grand Conseil ne poursuit l'objectif de renforcer l'éducation citoyenne ni d'un pas déterminé ni au pas de course, mais plutôt en rampant péniblement vers la ligne d'arrivée, ce qui est assez décevant. Malgré cette déception, il s'agit quand même de pas dans la bonne direction; c'est pourquoi le groupe socialiste vous encourage à soutenir ces deux motions. Je vous remercie.
M. Christo Ivanov (UDC). Vous m'avez coupé la chique tout à l'heure, Monsieur le président. Ça aurait été bien de me redonner la parole droit derrière au lieu de me mettre en queue de liste. Maintenant que tout a été dit, je préciserai que le groupe UDC soutiendra la M 2549 telle qu'amendée et refusera la M 2550. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, la M 2550 demande avant tout le développement de cours ex cathedra pour s'assurer que les connaissances fondamentales en matière de droits politiques soient bel et bien acquises. Ce qui ressort cependant des diverses auditions, c'est que le niveau des connaissances fondamentales ne garantit pas un engagement satisfaisant. J'en veux pour preuve le droit de vote dès 16 ans. La commission des droits politiques a entendu des représentants du Parlement des jeunes, qui est divisé sur la question. Or on peut se dire que s'il y a des jeunes qui connaissent les questions politiques de notre canton, ce sont bien ceux qui en font partie. La commission a donc décidé d'aller plus loin en consultant des élèves du secondaire II âgés de 15 à 19 ans; une telle action est inédite et s'insère pleinement dans les démarches d'éducation citoyenne mises en place par le DIP. Une rencontre, à laquelle étaient inscrits plus de trois cents élèves, était prévue le 18 mars; vous imaginez bien qu'elle a été reportée pour des raisons évidentes. Elle aurait dû débuter par un débat puis un vote: êtes-vous pour ou contre le droit de vote à 16 ans ? La chancellerie aurait fourni des urnes et des bulletins. Cette rencontre, qui rejoint finalement les propositions de la M 2549, se serait terminée par la proclamation des résultats.
Les amendements votés en commission soutiennent la continuité de la démarche tout au long de la scolarité obligatoire. Les expériences participatives, celles liées aux débats, sont centrales pour encourager les jeunes à faire entendre leur voix ! Il ne s'agit pas ici de faire de la politique partisane mais bel et bien d'apprendre, à travers ces expériences, à se positionner face à des points de vue différents, à développer l'esprit critique afin de prendre des décisions au plus près de ses convictions.
En demandant le développement de ces activités, la M 2549 n'entraîne pas une augmentation des heures d'enseignement ex cathedra mais pourrait effectivement impliquer un changement de certaines formules pour qu'elles deviennent plus interactives, voire un soutien aux enseignants afin que ces expériences fassent sens ! Elle permet également de prendre en compte les différences entre les écoles ou les classes pour s'assurer que cela soit vraiment mis en place dans l'ensemble des établissements. Pour toutes ces raisons, le PDC, comme la majorité de la commission, vous encourage à soutenir la M 2549 mais à refuser la M 2550. Merci.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, pour compléter les propos de ma préopinante Verte, je commencerai par vous dire que les Vertes disent deux fois oui: oui à la M 2549 telle qu'amendée et oui à la M 2550. Pourquoi ? Concernant la M 2549 telle qu'amendée, nous la soutenons car la participation citoyenne des jeunes est bien évidemment au coeur des discussions. Il s'agit ici de trouver un moyen d'éviter leur abstentionnisme, qui reste aujourd'hui problématique pour diverses raisons.
Il n'est pas aisé de remettre en question l'enseignement et la grille horaire: cela peut faire peur, et il est vrai que cela est plus complexe encore lorsqu'il s'agit de disciplines transversales comme l'éducation civique. Nous pensons que l'éducation civique doit être renforcée, notamment au secondaire I. L'invite qui y faisait référence a malheureusement été supprimée. Nous considérons en outre qu'il est primordial de garantir la continuité de l'éducation à la citoyenneté durant l'école obligatoire, le secondaire II et la formation obligatoire jusqu'à 18 ans. En effet, il ne faut pas qu'il y ait de rupture en fonction des ordres d'enseignement et du parcours scolaire de nos jeunes.
L'école a le devoir de former de futurs citoyens et citoyennes. A ce titre, il est fondamental de mettre en place, tout au long de la formation des élèves âgés de 4 à 18 ans, des expériences participatives destinées à encourager la participation des jeunes. On l'a dit, une approche de type «learning by doing» est primordiale: on peut citer les instances participatives, les conseils d'école, les conseils des enfants et tout ce qui existe déjà, ainsi que les cours transversaux.
Concernant la M 2550, nous, les Vertes, l'avons aussi soutenue car nous pensons que des efforts peuvent être fournis dans ce sens avec l'introduction de la formation obligatoire jusqu'à 18 ans notamment. Au nom des Vertes, je vous invite donc à accepter les deux motions: elles ont au final les mêmes objectifs, à savoir la compréhension de notre environnement politique, mais surtout la participation active des jeunes. Merci.
M. Patrick Dimier (MCG). Je remercie beaucoup la commission de l'enseignement de se préoccuper des objets à l'ordre du jour de la commission des droits politiques; il est toujours très intéressant de voir que les sujets sont transversaux. Ce qu'a dit notre collègue Bidaux - vous transmettrez, Monsieur le président - est tout à fait intéressant. En effet, à un moment où on affirme que les jeunes ne s'intéressent pas à la politique, eh bien on se retrouve avec 350 participants, ou en tout cas plus de trois cents, lorsqu'on leur propose de participer à un débat où des députés seront présents - une commission entière. Je trouve qu'on a là un signal très fort de la jeunesse, qui dit: «Ne croyez pas que le sujet ne nous intéresse pas, il faut seulement nous proposer de faire ce débat.» Je remercie donc encore une fois Mme Bidaux pour son intervention, qui me permet de revenir sur l'essentiel.
Autant nous pouvons accepter, comprendre et soutenir la M 2549, autant nous avons des doutes sur la M 2550. Je m'explique: l'objet de la M 2549, selon son libellé, est d'introduire un cours d'introduction à la matière politique. Une conseillère d'Etat qui a précédé Mme Torracinta à son poste avait eu cette phrase que j'ai toujours beaucoup appréciée: «La démocratie, c'est comme une plante verte: si vous ne l'arrosez pas, elle meurt !» Et le meilleur moyen d'arroser la démocratie, de donner à la démocratie ce qu'elle doit avoir comme audience, c'est bien entendu d'intéresser les jeunes à la chose politique le plus tôt possible.
Tout autre est la proposition de la M 2550, que nous ne soutiendrons pas puisqu'on fait là de la propagande politique, ce qui n'est pas du tout, du tout l'objet de l'école - et l'école n'est pas le lieu pour en faire. Nous soutiendrons donc la M 2549, car elle est tout à fait essentielle et utile à la démocratie telle que nous la concevons. Nous refuserons par contre la M 2550, qui relève plus de la propagande.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. le député François Baertschi pour vingt-cinq secondes.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je voudrais juste ajouter un élément. C'est vrai qu'il est dangereux de faire de la propagande politique à l'école. On l'a d'ailleurs vu tout à l'heure vis-à-vis d'une... La conseillère d'Etat a fait une remarque complètement déplacée sur l'histoire, en relation avec la période actuelle. Je crois que ça peut entraîner un risque de confusion politicienne et je crois qu'il faut s'en méfier: c'est dangereux pour la démocratie.
M. Olivier Baud (EAG), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité peut entendre le dépit du député Diego Esteban, cosignataire de la M 2550, quand il voit son texte refusé. Seulement, il ne faudrait pas que ce dépit se transforme en aigreur et lui fasse dénigrer les travaux de la commission. Celle-ci a fait son travail et, je le redis, la M 2549 a été amendée !
Les invites sont entièrement reformulées et la première demande au Conseil d'Etat de «garantir la continuité» - la continuité qui a été évoquée - «de l'éducation à la citoyenneté durant l'école obligatoire, le secondaire II et la formation obligatoire jusqu'à 18 ans» ! Ça couvre le tout ! La deuxième invite demande quant à elle au gouvernement de «mettre en place tout au long de la formation des élèves âgés de 4 à 18 ans des expériences participatives destinées à encourager leur participation.» Ainsi, la M 2550 devient superflue et poserait en réalité davantage de problèmes qu'elle n'apporterait de solutions si on devait l'appliquer. Je vous recommande donc, Mesdames et Messieurs les députés, de voter oui à la M 2549 et non à la M 2550. Je vous remercie.
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la question de la faible participation des jeunes lors des élections et votations est récurrente. J'ai envie de dire que c'est un peu comme la feuille du marronnier du Grand Conseil: ça revient à chaque législature. Le problème est important et on voit bien qu'on n'arrive pas à le résoudre d'un coup de cuillère à pot. Mais je crois que l'erreur fondamentale réside dans le fait de penser que cette faible participation est due à un manque de connaissances.
Le député Saudan l'a très bien relevé, la faible participation des jeunes a d'autres causes. Je suis effectivement persuadée que la complexité des sujets en est une - entre nous soit dit, je ne suis pas sûre que vous toutes et tous, qui êtes pourtant des spécialistes de la politique, compreniez bien tous les enjeux techniques de chaque votation; ce n'est en tout cas pas mon cas. Imaginez par conséquent pour un citoyen lambda, jeune qui plus est: ce n'est pas facile à comprendre. La fréquence des votations est probablement une des causes les plus importantes, mais surtout la complexité du système politique suisse. Allez comprendre la répartition des compétences entre la Confédération, le canton et les communes: elle est extrêmement complexe, d'autant plus qu'elle varie selon les domaines. Au fond, ces motions sont donc une fausse bonne idée: malheureusement - malheureusement - à mon sens, que vous les votiez ou que vous ne les votiez pas, cela n'aura pas réellement d'incidence sur la participation des jeunes. Leur participation, je l'ai dit, n'est en effet pas liée au manque de connaissances mais à d'autres choses.
Venons-en maintenant au détail de ces deux textes. Le premier, la M 2549, demande de garantir la continuité de l'éducation à la citoyenneté durant tout le parcours scolaire des élèves. Eh bien on vous répondra que c'est déjà le cas ! Je vous fais grâce de vous lire la liste de tout ce qui est fait à l'heure actuelle dans l'école genevoise: l'éducation civique, non pas au sens de connaissance des institutions, mais au sens beaucoup plus large d'éducation à la citoyenneté, est enseignée ! Elle se fait dans différentes disciplines, de manière transversale, durant tout le parcours scolaire. Quant à mettre en place tout au long de la formation des élèves âgés de 4 à 18 ans des expériences participatives, vous en avez accepté le principe avec la loi sur l'enfance et la jeunesse, et c'est en cours. C'est déjà le cas dans un certain nombre d'écoles et ça va s'élargir d'ici quelques mois ou d'ici l'année scolaire suivante. Vous pouvez donc très bien voter cette motion: au fond, ça nous permettra de vous dire ce que nous faisons et d'expliquer à l'ensemble du Grand Conseil ce qui l'a déjà été à la commission de l'enseignement.
La M 2550 est beaucoup plus problématique puisqu'il s'agit de créer un cours d'introduction à la politique au secondaire II. Ce n'est pas que ce soit la politique plutôt que les institutions politiques qui me gêne, mais tout simplement le fait que les plans d'étude cadres du secondaire II sont assez précis: on n'a donc pas cette possibilité-là.
Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais vous rendre attentifs à une chose. Chaque fois - chaque fois ! - qu'il y a un problème dans la société, vous demandez à l'école de le résoudre ! On ne vote pas assez ? Il faut que l'école fasse quelque chose. Il y a du harcèlement ? Il faut que l'école fasse quelque chose. Il y a de la discrimination ? Il faut que l'école fasse quelque chose. Je veux bien, mais il faudra m'expliquer deux choses. Premièrement, qu'enlève-t-on des grilles horaires ? Parce que si on fait ça, on ne fait pas autre chose. Deuxièmement, avec quels moyens aurons-nous la possibilité d'agir dans ce sens-là ?
C'est pourquoi vous pouvez, si vous le souhaitez, voter la première motion, Mesdames et Messieurs les députés - pourquoi pas - mais ça ne changera rien, parce que ces deux motions sont à mon sens une fausse bonne idée.
Le président. Bien, nous passons au vote sur la première motion, la M 2549. Ceux qui l'acceptent...
Une voix. Vote nominal ! (Commentaires.)
Le président. La procédure de vote était lancée mais je vais accepter. Etes-vous soutenu ? (Un instant s'écoule.) Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.)
Des voix. Oui !
D'autres voix. Non !
Le président. Je compte neuf mains levées: vous n'êtes pas soutenu, Monsieur ! (Protestations. Commentaires.) Si vous levez la main, on voit mieux ! Je vous remercie. (D'autres mains se lèvent.) Vous êtes bien soutenu et nous passons par conséquent au vote nominal.
Mise aux voix, la motion 2549 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 64 oui contre 26 non (vote nominal). (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Le président. Je vous invite maintenant à vous prononcer sur la M 2550.
Une voix. Vote nominal ! (Commentaires.)
Le président. Etes-vous soutenue ? (Plusieurs mains se lèvent.) C'est bon, nous passons donc au vote nominal.
Mise aux voix, la proposition de motion 2550 est rejetée par 62 non contre 28 oui (vote nominal).