République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12219-B
Rapport de la commission de l'énergie et des Services industriels de Genève chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Guillaume Käser, François Lefort, Delphine Klopfenstein Broggini, Mathias Buschbeck, Boris Calame, Frédérique Perler, Yves de Matteis, Sophie Forster Carbonnier, Sarah Klopmann, Magali Orsini, Pierre Vanek modifiant la loi sur l'énergie (LEn) (L 2 30) (Rendre les bâtiments de l'Etat plus efficaces au plan énergétique)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IX des 16 et 17 janvier 2020.
Rapport de majorité de M. Pierre Eckert (Ve)
Rapport de minorité de M. Alexis Barbey (PLR)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous abordons notre avant-dernière urgence, soit le PL 12219-B. Le débat est classé en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de majorité est de M. Pierre Eckert, à qui je laisse la parole.

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, ce rapport est issu du deuxième passage en commission de ce projet de loi, mais comme il n'y a presque pas eu de débat en plénière la dernière fois, j'aimerais également présenter quelques éléments provenant du premier rapport de majorité, rédigé par M. Velasco.

On reproche souvent aux collectivités publiques en général et à l'Etat en particulier de ne pas fournir leur part d'efforts en matière de construction et de rénovation énergétiquement performantes. Le présent texte, déposé par les Verts et soutenu par une majorité de la commission, permet de combler cette lacune en exigeant d'une part que les nouveaux bâtiments soient réalisés en respectant des standards de très haute performance énergétique, qu'on appelle THPE, d'autre part que les rénovations répondent aux normes de haute performance énergétique, soit HPE.

Son champ d'application s'étend aussi aux tiers qui bénéficient d'un droit de superficie sur des terrains appartenant à l'Etat ou à des entités publiques. Le projet de loi prévoit en outre que les matériaux utilisés remplissent des critères de durabilité et de minimisation des énergies grises - ils doivent notamment être conformes au label «eco-bau».

Lors du premier examen en commission, la faisabilité du dispositif avait été étudiée et les éventuels surcoûts évalués; ceux-ci sont faibles et seront rapidement amortis par les économies d'énergie réalisées par la suite. La discussion avait surtout tourné autour de la proportionnalité du respect de normes élevées, plus particulièrement quand il faut en même temps conserver des éléments de valeur patrimoniale.

Une modification avait alors été introduite, que nous avions formulée comme suit: «Des dérogations peuvent être accordées par voie réglementaire pour les bâtiments à propos desquels ces exigences sont disproportionnées.» Au terme de son premier passage en commission, le projet de loi tel qu'amendé avait été adopté par 8 oui, 4 non et 3 abstentions.

Le second renvoi en commission a été motivé par une demande de la CPEG, qui représentait également la CAP, d'être explicitement exclue du dispositif. En effet, la loi sur l'énergie actuelle mentionne clairement les collectivités publiques «et [...] leurs caisses de pension». Or la LPP, la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité, est entrée en vigueur par la suite, et il est vrai qu'il faut assurer une certaine compatibilité avec le droit supérieur.

La majorité de la commission est d'accord de supprimer la mention des institutions de prévoyance, mais ne souhaite pas les exclure expressément - c'est sans doute le sujet du débat que nous aurons aujourd'hui - car celles-ci investissent massivement dans l'immobilier. Nous pensons qu'il est possible d'utiliser la clause que j'évoquais tout à l'heure, instaurée lors du premier passage en commission, c'est-à-dire d'octroyer des dérogations aux caisses de pension afin qu'elles continuent à respecter la loi sur la prévoyance professionnelle. En ce sens, la majorité vous recommande d'accepter le projet de loi tel qu'issu des travaux de commission et de rejeter l'amendement qui vous sera proposé.

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de minorité. Plusieurs choses sont à relever à propos de ce projet de loi, à commencer par le fait que les objectifs de haute et de très haute performance énergétique qui sont fixés pour les nouveaux immeubles manquent de quantification. La commission a essayé de déterminer à quoi correspondrait l'augmentation des standards en francs et centimes, mais n'est pas parvenue à obtenir un résultat probant. En ce qui concerne les bâtiments industriels et de type patrimonial, il est particulièrement difficile de les soumettre à des normes énergétiques élevées.

Ça, c'était pour les questions liées au projet de loi initial, et pas à sa deuxième mouture que nous traitons maintenant. En effet, le texte a été révisé suite à l'intervention de la CPEG et de la CAP, qui nous ont expliqué qu'en vertu de la LPP, elles doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir pour maximiser le rendement de leurs placements en faveur des assurés; ces assurés étant vous et moi, ça nous intéresse tous d'assez près de savoir ce qu'elles font. Or avec les surcoûts générés par des standards de haute ou de très haute performance énergétique, les investissements immobiliers de la CPEG et de la CAP risquent de ne plus correspondre au besoin de maximisation du rendement pour les assurés.

C'est pourquoi la minorité de la commission vous demande, Mesdames et Messieurs, de rejeter l'ensemble du projet de loi 12219, comme pour les raisons qui figurent dans le rapport de minorité du PL 12219-A. Je vous incite donc à voter non. Merci.

Mme Claude Bocquet (PDC). Mesdames et Messieurs, 46% des émissions de CO2 proviennent des bâtiments. Il est donc urgent d'entreprendre des transformations sur le plan énergétique afin de lutter contre le réchauffement climatique. Ce projet de loi aura un effet concret sur les institutions publiques et les communes.

Actuellement, les nouveaux immeubles sont déjà construits selon des standards de très haute performance énergétique. Pour les rénovations, en revanche, la norme est généralement la haute performance énergétique, car il faut également respecter le patrimoine. Passer de la haute à la très haute performance énergétique génère un surcoût de 4% à 8% pour les nouvelles constructions, davantage encore pour les rénovations. Si la très haute performance énergétique devient la norme, les subventions pour l'obtention de ce label vont disparaître, mais des aides ponctuelles seront toujours possibles. Le projet de loi autorise également des dérogations aux exigences lorsque les coûts sont disproportionnés.

On ne peut pas imposer de directives aux caisses de pension en ce qui concerne l'administration de leur fortune, ce serait contraire au droit fédéral. Celles-ci étant contraintes de réaliser un rendement suffisant, les rénovations en très haute performance énergétique sont problématiques, car la LDTR ne permet pas de répercuter les coûts engendrés sur les loyers. On l'a vu au sein de plusieurs commissions, cette LDTR pose problème et il va bien falloir trouver un arrangement pour pouvoir lutter contre le réchauffement climatique.

C'est pour cette raison que la CPEG a demandé d'être explicitement exclue du dispositif. Toutefois, la majorité des commissaires ont estimé qu'il était plus approprié de ne simplement pas mentionner les institutions de prévoyance dans le texte. Le groupe PDC vous encourage donc à voter le projet de loi tel que proposé, c'est-à-dire sans amendement.

M. Alberto Velasco (S). L'enjeu de ce projet de loi, Mesdames et Messieurs, le voici: aujourd'hui, quand on construit en respectant des standards de haute performance énergétique, on bénéficie d'une subvention. Or si le projet de loi passe, évidemment, il n'y aura plus de subventions, puisque ça deviendra la norme. Il est là, l'enjeu !

Ensuite, j'aimerais corriger des propos qui sont faux: la LDTR permet, précisément pour des questions énergétiques, de déplafonner les loyers. Vous savez, les rénovations concernent généralement des logements anciens dont le prix à la pièce est de 50% inférieur au plafonnement LDTR, donc il y a une marge très, très importante. Mais si on en arrive là et qu'il faut déplafonner, on peut déplafonner. Seulement, Mesdames et Messieurs, comme pour tout ce qui a trait au logement, il faut présenter un plan financier avec des rendements acceptables ! On ne peut pas viser 10% ! Mais avec des rendements de 4% ou 5%, il n'y a pas de problème, on peut déplafonner la LDTR, donc on mène ici un débat tout à fait idéologique qui n'a rien à voir avec la réalité de la législation existante, laquelle permet justement ces adaptations. Pour cette raison, Mesdames et Messieurs, il est important que ce projet de loi soit voté, parce qu'après avoir rénové des habitations en haute performance énergétique, on passera en toute logique à la deuxième phase, soit à la très haute performance énergétique.

J'en viens maintenant à l'argument des caisses de pension. Quand on construit un immeuble à très haute performance énergétique, il y a un plan financier avec des rendements admis, et l'état locatif définit les loyers qui vont couvrir cette très haute performance énergétique. Par conséquent, ce sont plutôt les locataires qui vont subir les surcoûts. Ce qui est dit ici, je le répète, c'est que si l'Etat, une collectivité ou une entité publique réalise aujourd'hui un bâtiment à très haute performance énergétique, il ou elle reçoit une subvention, puisque ce n'est pas le standard; demain, ce sera la norme, donc il n'y aura plus de subventions et il faudra présenter un plan financier. Voilà ce qui est en jeu, Mesdames et Messieurs, ça n'a rien à voir avec les caisses de pension. Quand elles construisent - je le répète - les institutions de prévoyance conçoivent un plan financier et répercutent les surcoûts sur les locataires, donc la LDTR n'est pas concernée.

Pour celles et ceux qui sont sensibles aux questions d'environnement et d'urgence climatique, eh bien c'est le moment de montrer vos convictions face à cette problématique. Parce que les mots, c'est bien gentil; tout le monde est pour l'écologie, tout le monde est pour la préservation de la planète, tout le monde se dit concerné par ces problèmes, mais quand il faut prendre des mesures concrètes qui nous engagent, tout à coup on nous sort des arguments, on invoque la LDTR alors que ça n'a rien, mais alors rien à voir là-dedans. En ce qui nous concerne, Mesdames et Messieurs, le parti socialiste acceptera ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)

M. Adrien Genecand (PLR). Au-delà du fond de ce projet de loi qui a déjà été suffisamment explicité et que le parti libéral-radical soutient, il y a un problème de base, Mesdames et Messieurs: si on ne corrige pas le texte via notre amendement en instaurant une exception pour les institutions de prévoyance, eh bien cette loi que tout le monde appelle de ses voeux sera attaquée et on perdra un temps précieux pour la mettre en oeuvre. Il faut juste accepter qu'il existe un droit fédéral dans ce pays et que nous devons le respecter ! Les caisses de pension ne relèvent pas de notre compétence, il ne nous revient pas de leur donner des ordres à travers des lois cantonales, car elles sont régies par la législation supérieure.

Revenons maintenant à la genèse du projet de loi: il est quand même paradoxal, Mesdames et Messieurs, qu'on soit obligé de produire des lois pour imposer des directives au seul acteur qui manque manifestement encore de zèle, c'est-à-dire à l'Etat. En effet, les propriétaires privés respectent de façon assez large les pratiques en matière de performance énergétique lors de rénovations, et c'est souvent l'Etat qui est à la traîne dans ce domaine, ce qui est dommage. Alors on va l'encourager avec ce projet de loi, on va même l'obliger, mais si on y inclut les institutions de prévoyance, Mesdames et Messieurs, on s'attaque à quelque chose qui n'est pas de notre ressort, ce qui va retarder l'application de la loi.

Aussi, je vous prie de bien vouloir accepter notre amendement qui ne prétérite en rien le fond du dispositif, qui exclut simplement une catégorie de propriétaires ne pouvant de toute façon pas être soumis à la loi. Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG). Je vais aller un peu dans le même sens que mon préopinant dont les propos étaient très pertinents. C'est vrai qu'il faut impérativement améliorer les performances énergétiques de nos immeubles, c'est vrai que les institutions publiques faisant partie du périmètre de l'Etat font globalement bien leur travail à l'heure actuelle.

Il y a un mauvais élève, c'est l'Etat; il y a un autre mauvais élève, c'est ce Grand Conseil qui ne donne pas de moyens suffisants pour améliorer les performances énergétiques des bâtiments du petit Etat. Or c'est à ce niveau-là que nous devrions essentiellement porter nos efforts, davantage que pour la mobilité, parce qu'on dépense des sommes gigantesques pour les transports qui ne sont pas à la mesure de ce que pourraient nous apporter les rénovations énergétiques dans le bâti. Voilà où il faudrait mettre la priorité s'agissant du budget, des investissements, mais ce n'est malheureusement pas ce qui est fait.

Le véritable problème, le talon d'Achille de ce projet de loi, qu'est-ce que c'est ? C'est la question de la prévoyance ! Une fois de plus, les Verts veulent donner des ordres aux institutions de deuxième pilier; c'est un non-sens total, c'est contraire à toutes nos institutions, ça relève du droit fédéral. On ne va pas leur dire, comme à de petits écoliers: «Messieurs et Mesdames les membres des conseils de fondation, vous allez faire ce qu'on vous dit de faire.» Non ! Il y a des lois fédérales et les caisses en dépendent. Il faut respecter cette logique institutionnelle qui est bien pensée, car elle garantit les retraites.

Je vous rappelle que nous avons adopté une loi pour la CPEG, c'est quand même un sacré progrès. Le MCG est très fier d'avoir contribué à ce vote alors que d'autres groupes ont créé la confusion - tout comme ici, on est à nouveau en train de créer une confusion dans le domaine du deuxième pilier pour des questions purement idéologiques, ce qui est négatif, ce qui est contre-productif, ce qui a tous les défauts.

C'est pour cela que le MCG refusera ce mauvais projet de loi tout en défendant une politique beaucoup plus audacieuse, beaucoup plus offensive dans le domaine de l'efficience énergétique des immeubles de l'Etat, du petit Etat en particulier.

M. Boris Calame (Ve), député suppléant. Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, selon le Plan climat cantonal, les bâtiments génèrent 46% des émissions de gaz à effet de serre du canton; leur rénovation constitue donc une priorité absolue. Le plan climat cantonal met en oeuvre la politique énergétique de l'Etat, qui est notamment définie à l'article 167 de la constitution genevoise: réalisation d'économies d'énergie, développement prioritaire des énergies renouvelables et indigènes, respect de l'environnement. Nous aurons droit, peut-être au mois de juin ou au plus tard cet été, au volet numéro 2 de ce plan climat cantonal, et vous verrez que les surprises ne manqueront pas et que les efforts qui devront être fournis sont gigantesques.

Nous visons une neutralité carbone d'ici 2050, et il est vrai que les caisses de prévoyance jouent un rôle très important, parce que leur parc immobilier est vaste. Ces institutions s'inscrivent dans une logique d'investissement à long terme, et non pas spéculatif, elles devraient donc se montrer exemplaires. Voilà pourquoi nous refuserons l'amendement qui les exclut du dispositif alors que le projet proposé ne le fait pas explicitement. Il faut rappeler que les caisses de pension sont financées par de l'argent public, issu directement de nos impôts, donc elles doivent aussi s'imposer l'exemplarité. Je vous remercie.

M. Olivier Cerutti (PDC). Monsieur le président, vous transmettrez au député Baertschi que tout à l'heure, il a participé au vote d'un crédit de 250 millions qui permettra à l'Etat de transformer en partie ses bâtiments - en partie, je le concède, mais on pourra au moins lancer le travail. Je ne voudrais pas que nos concitoyens entendent des choses qui sont fausses.

Et en matière d'énergie, en matière de durabilité, il faut rappeler ce que l'Etat fait effectivement, et pas seulement ce qu'il doit faire. Parce que quand il agit, tout le monde oublie. Il est facile d'aller manifester, Mesdames et Messieurs, mais il est aussi facile de souligner ce qui se fait, et ce qui se fait de bien. D'ailleurs, la commission des finances a octroyé cinq ETP à M. Dal Busco pour qu'il mène cette politique. Je vous remercie.

Une voix. Bravo ! (Un député éternue.)

M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs... (Un député éternue.) Quelqu'un a attrapé le coronavirus, on dirait ! (L'orateur rit.) Bon, j'interviens parce que cet amendement vise à limiter les subventions alors qu'il faudrait précisément faire l'inverse ! N'oublions pas que les collectivités publiques sont exemplaires. Je rappelle que dans notre canton - et dans l'ensemble du monde, d'ailleurs - 35% des émanations de gaz à effet de serre résultent de la non-isolation des bâtiments. En tant que collectivités publiques, tant au niveau cantonal que fédéral ou municipal, nous sommes dans l'exemplarité !

C'est du côté des propriétaires privés que rien ne bouge. Rien ne bouge, si ce n'est de temps en temps, quand on leur confie des surélévations. Là, ils font un petit effort en se disant: «Bon, on va quand même augmenter notre rentabilité.» Autrement, rien ne se passe. Sortez de cette salle et vous verrez... Bon, un grand effort a été consenti en ce qui concerne l'immeuble d'en face, mais pour le reste, les choses demeurent en plan. Alors c'est bien beau de parler d'exemplarité, c'est bien beau de se battre contre des subventions qui seraient éventuellement allouées aux institutions de prévoyance - qui, elles aussi, font ce qu'elles peuvent - mais le vrai enjeu se trouve du côté des acteurs privés.

Il n'y a pas trente-six solutions: soit on continue à leur verser des subventions «light», soit on les contraint légalement. On y viendra de toute façon, puisque l'urgence climatique nous l'impose; tout comme l'urgence sanitaire nous commande aujourd'hui certaines choses. On devra passer à des mesures contraignantes. Je regrette, Ensemble à Gauche regrette qu'on n'instaure pas de règles plus coercitives qu'elles ne le sont actuellement. On est en train de tenir des ateliers «post-it» afin de déterminer quelle stratégie mettre en place pour répondre à l'urgence climatique - des arbres par-ci, des arbres par-là - alors qu'il s'agirait de prendre des mesures strictes, comme c'est le cas en Allemagne ou en Autriche, pour forcer les propriétaires privés à rénover et à isoler leurs bâtiments, d'instituer des plans climatiques fonctionnels qui déclinent toutes les actions nécessaires et vitales, plutôt que d'en rester aux apparences.

Pour nous, il est essentiel de continuer à soutenir les caisses de pension - qui, je le répète, font aussi des efforts - et d'élaborer une vision stratégique et immédiate avec des conditions-cadres pour les acteurs privés. Il faut les encourager, voire les forcer, à réaliser les rénovations nécessaires, nous en sommes tous responsables. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Pour répondre au député Olivier Cerutti, je n'ai pas dit que l'Etat ne fait rien pour l'efficience énergétique, j'ai seulement dit qu'il n'en fait pas assez.

On nous propose un crédit d'investissement de 250 millions alors que nous aurions besoin de 360 millions pour nous mettre à jour en ce qui concerne les vitrages et les critères d'efficience énergétique qui nous sont réclamés. Si nous voulons atteindre les objectifs, nous devons encore débloquer 110 millions, ce sont les chiffres estimés, c'est l'évaluation. Il manque tout de même 110 millions que nous n'avons toujours pas prévus, et il faudrait à tout prix allouer davantage de moyens à cette politique, éventuellement en opérant des transferts. Aux yeux du MCG, cet investissement énergétique est capital.

Si on ne se donne que la moitié ou les deux tiers des moyens nécessaires, on ne se dirige vraiment pas dans la bonne direction, je suis désolé de le dire. Il faut aller au bout de ce qui est envisagé, nous devons terminer le travail. Encore une fois, il faut injecter des moyens, même de manière pluriannuelle, pour des investissements allant dans ce sens. Merci, Monsieur le président.

M. Alexis Barbey (PLR), rapporteur de minorité. Permettez-moi de revenir sur l'amendement que nous avons présenté. L'idée était de pacifier quelque peu l'environnement réglementaire lié au projet de loi 12219 et, en en excluant les caisses de pension, de ne pas placer celles-ci entre le marteau et l'enclume - le marteau de la LPP et l'enclume des lois sur la construction. En acceptant cette modification, Mesdames et Messieurs, vous permettrez au dispositif de se déployer rapidement, et c'est ce que vise la majorité de la commission.

J'aimerais encore aborder brièvement deux autres problématiques. D'une part, l'environnement normatif lié à la construction - ce qu'on appelle le MoPEC - est en train d'évoluer, et nous n'avons pas eu le temps de le prendre en compte. D'autre part, l'impact de cette nouvelle loi sur l'Etat n'a pas été chiffré, ce serait une bonne chose de le faire. Je vous invite donc à adopter l'amendement ou alors à refuser ce texte tant que les conditions préconisées dans les différents rapports de minorité ne seront pas remplies. Je vous remercie.

M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de majorité. J'aimerais juste dire, puisqu'il y a maintenant une discussion quant au rôle de l'Etat, que la portée de ce projet de loi est beaucoup plus grande: comme je l'indiquais tout à l'heure, il concerne également l'ensemble des fondations de droit public, notamment les fondations communales pour le logement, ainsi que les bénéficiaires d'un droit de superficie sur des terrains publics. Son champ d'application est donc relativement large. Bien entendu, on n'est pas dans le privé, mais c'est quand même un progrès important par rapport à la loi sur l'énergie actuelle. (Un instant s'écoule.) Les Verts ont encore du temps de parole, n'est-ce pas ?

Une voix. Oui.

M. Pierre Eckert. Parfait, merci, alors je vais aussi répondre au rapporteur de minorité, qui soulignait les difficultés liées aux bâtiments industriels et patrimoniaux. C'est précisément dans cette optique qu'on a introduit une clause permettant de gérer ce genre de situation par voie réglementaire: il sera possible d'accorder des dérogations si les exigences sont disproportionnées, ce qui peut manifestement être le cas pour des immeubles industriels ou dont les éléments patrimoniaux doivent être protégés. Il faut dire que l'Etat possède passablement de bâtiments complexes du point de vue patrimonial, notamment ceux qui se trouvent dans la Vieille-Ville - l'Hôtel de Ville, pour ne citer que celui-ci - donc le sujet est souvent revenu sur le tapis. Je le répète: des dérogations par voie réglementaire sont prévues si nécessaire.

En ce qui concerne l'amendement, c'est un grand débat, mais de notre côté, nous ne pensons pas que les caisses de pension sont prises entre le marteau et l'enclume. En effet, nous ne croyons pas qu'en imposant des standards énergétiques élevés, les rendements vont diminuer. Comme le député Velasco l'a dit, si les propriétaires procèdent à des rénovations énergétiques, ils pourront éventuellement augmenter les loyers, donc les rendements ne seront pas affectés - tout sera un peu plus cher, mais les rendements ne seront pas différents. A mon avis, il n'y a pas de problème.

Pour notre part, nous ne souhaitons pas que les institutions de prévoyance soient exclues a priori, donc nous n'entrerons pas en matière sur l'amendement qui nous est proposé; bien entendu, nous ne sommes pas non plus d'accord avec le texte initial où les caisses de pension étaient explicitement incluses. Laissons la question ouverte pour l'instant ! Encore une fois, le Conseil d'Etat pourra gérer par voie réglementaire chaque demande d'autorisation de construire ou de transformation émanant des caisses de pension. Nous préférons laisser la question ouverte et ne pas formaliser les choses dans la loi, mais le faire plutôt à travers le règlement. Je vous remercie.

M. Adrien Genecand (PLR). Je me permets de revenir à la charge suite aux propos du rapporteur de majorité pour tenter de réexpliquer les choses - je n'ai probablement pas été suffisamment clair la première fois.

On a bien compris que vous aimeriez que les caisses de pension se comportent de façon exemplaire en matière de rénovation énergétique; nous aussi. Mais il ne s'agit pas d'établir des plans financiers pour déterminer s'il y a un tout petit peu de rendement ou si c'est calculé différemment, non: il s'agit là d'une violation du droit fédéral ! Les collectivités publiques, l'Etat de Genève en premier lieu, n'ont pas le droit de s'immiscer dans la gestion des fonds des assurés ! C'est consacré dans la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, tout simplement !

Si vous faites ça, vous mettez en péril l'application du reste de la loi qui, comme vous l'avez dit, Monsieur Eckert, est par ailleurs une bonne loi pour un certain nombre de collectivités publiques à qui il faut rappeler qu'elles doivent faire des efforts en matière de rénovation énergétique. En vous montrant obtus sur cette question, vous compromettez l'application de la loi pour le reste des entités publiques, que ce soit les fondations communales ou l'Etat. Il est fort dommage que vous ne compreniez pas ça, mais j'en appelle à votre magistrat, le président du Conseil d'Etat, M. Hodgers, qui vous expliquait hier encore que ce serait bien qu'on arrête de passer à Berne pour des gens qui pensent que le droit fédéral ne s'applique pas sur nos terres ! C'est aussi simple que ça, Monsieur Eckert.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci bien. Je passe la parole à M. Velasco pour une minute.

M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. On ne s'immisce pas dans la gestion des caisses, Mesdames et Messieurs, puisque le rendement est garanti. Aujourd'hui, par exemple, le rendement immobilier de la CPEG est de 4,5%. Oui, 4,5% ! Mais c'est un cadeau du ciel pour tous ceux qui investissent, bon Dieu ! Assuré, garanti dans le temps ! On ne s'immisce pas dans la gestion. Quand les institutions de prévoyance investiront dans l'immobilier, elles auront leur rendement !

Si, par contre, cette loi générait un rendement à la baisse, je comprendrais qu'on nous reproche d'amputer leurs revenus, mais ce n'est pas le cas. Et si les caisses font recours devant le Tribunal fédéral, chers collègues, je ne suis pas certain qu'elles gagneront, ça m'étonnerait beaucoup. Mesdames et Messieurs les députés, nous nous sommes montrés extrêmement sympathiques et gentils en commission en acceptant la proposition que le rapporteur de majorité vient de rappeler ici. Je vous propose donc de voter une fois pour toutes ce projet de loi.

Le président. Je vous remercie. La parole va à M. Adrien Genecand pour vingt-six secondes.

M. Adrien Genecand (PLR). Merci, Monsieur le président. Vingt-six secondes, c'est parfait, ça suffit pour constater que M. Velasco détermine quasiment à lui seul et de façon garantie le rendement d'une caisse de pension et qu'on pourra facilement augmenter les loyers des assurés - et de ceux qui ne le sont pas, mais qui vivent dans les immeubles de la CPEG - au simple motif qu'il pense qu'on ne s'immisce pas. Il se trouve qu'on s'immisce ! On devra augmenter les loyers, et je suis très surpris de voir que l'ASLOCA, par son représentant M. Velasco, estime que c'est tout à fait normal quand il s'agit de performance énergétique.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je prends la parole pour indiquer la position du Conseil d'Etat, qui vous recommande de suivre les conclusions de la majorité de la commission. Nous avons bien compris que le problème - disons plutôt les divergences - concerne la formulation d'une exception s'agissant des caisses de pension, en particulier de la CPEG. Toutefois, le Conseil d'Etat partage l'avis de la commission: il existe dans ce texte de loi une disposition permettant de traiter cette question par voie réglementaire, et nous estimons que c'est parfaitement suffisant.

Ce projet de loi a pour mérite d'afficher une ambition, et cette ambition est également celle de l'Etat en ce qui concerne ses propres bâtiments, bien sûr, mais de facto, nous la mettons déjà en pratique avec les nouvelles constructions, lesquelles répondent toutes aux standards de très haute performance énergétique; ce n'est pas encore tout à fait le cas, et peut-être que cela va durer encore un certain temps, de la rénovation des bâtiments. Or grâce au crédit de 250 millions que vous avez voté ainsi qu'à la générosité de la commission des finances, qui a accepté de libérer des postes qui ne lui coûtaient finalement rien du tout, nous allons pouvoir améliorer nos performances, cette fois-ci non pas thermiques, mais liées à la rénovation des immeubles, notamment dans notre parc qui, il est vrai, est vieillissant. Les pouvoirs publics doivent non seulement afficher une volonté très forte à ce sujet, mais également se montrer exemplaires s'agissant de la qualité de leurs bâtiments d'un point de vue énergétique. Les taux de CO2 provenant du bâti en général sont considérables et nous devons donc être ambitieux dans ce domaine.

Enfin, les propos de M. Pagani m'ont paru excessifs, puisqu'il prétend que le privé ne fait rien. Ce n'est pas vrai, Monsieur, ce n'est pas vrai. Tout un chacun, et l'Etat d'ailleurs aussi, pourrait faire davantage d'efforts; nous allons en faire davantage, mais le secteur privé est particulièrement actif dans la rénovation - peut-être pas l'ensemble des propriétaires, je le reconnais, mais on ne peut pas mettre tout le monde dans le même panier. J'observe en tout cas qu'aujourd'hui, sur le marché immobilier, le fait de mettre à disposition des acquéreurs ou des locataires des bâtiments répondant à de très hauts standards énergétiques constitue un argument commercial favorable qui ne peut être qu'incitatif pour enclencher de manière décisive un cercle vertueux, et le Conseil d'Etat s'en félicite. Merci.

Le président. Je vous remercie. Nous passons au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 12219 est adopté en premier débat par 45 oui contre 43 non.

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.

Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Adrien Genecand qui est affiché à l'écran:

«Art. 16, al. 1 et al. 6, phrase introductive (nouvelle teneur)

1 Les constructions de bâtiments et installations des collectivités publiques, des établissements et fondations de droit public, à l'exception des institutions de prévoyance, et de leurs superficiaires, doivent être conçues et maintenues de manière à satisfaire à un standard de très haute performance énergétique, conforme aux prescriptions fixées dans le règlement. Lesdites entités utilisent des matériaux de construction respectant les prescriptions édictées par la Confédération suisse. Des dérogations peuvent être accordées par voie réglementaire pour les bâtiments à propos desquels ces exigences sont disproportionnées.

6 Le Conseil d'Etat peut prescrire aux collectivités publiques, établissements et fondations de droit public, à l'exception des institutions de prévoyance, ainsi qu'aux organismes subventionnés notamment:»

Mis aux voix, cet amendement est adopté par 49 oui contre 42 non.

Mis aux voix, l'art. 16 (nouvelle teneur de la note), al. 1 (nouvelle teneur), al. 2 (nouveau, les al. 2 à 6 anciens devenant les al. 3 à 7) et al. 6, phrase introductive (nouvelle teneur), ainsi amendé est adopté.

Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).

Troisième débat

Mise aux voix, la loi 12219 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 88 oui et 4 abstentions.

Loi 12219