République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 16 janvier 2020 à 20h30
2e législature - 2e année - 9e session - 48e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.
Assistent à la séance: M. Mauro Poggia et Mme Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Anne Emery-Torracinta et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Pablo Cruchon, Emmanuel Deonna, Amanda Gavilanes, Serge Hiltpold, Véronique Kämpfen, Danièle Magnin, Alessandra Oriolo, Philippe Poget, Patrick Saudan, Daniel Sormanni et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Pierre Bayenet, Dilara Bayrak, Boris Calame, Nicolas Clémence, Joëlle Fiss, Florian Gander, Badia Luthi, Patrick Malek-Asghar, Françoise Nyffeler, Jean-Pierre Pasquier et Francisco Valentin.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'une procureure. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (La procureure entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame, vous êtes appelée à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme magistrate du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: Mme Victoria de Haller.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Ana Krisafi Rexha, Mme Evis Baranyai, Mme Mewe Cynthia Liondjo, Mme Dominique Rophé et M. Olivier Wicht.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
Le président. Je vous annonce que le PL 12142, «Halte aux sanctions arbitraires contre les détenteurs de chiens», est retiré par ses auteurs. Il en est pris acte.
Débat
Le président. Nous passons aux urgences et commençons par le RD 1320 et la R 905, classés en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à M. le député Sylvain Thévoz.
M. Sylvain Thévoz (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste soutiendra ces trois propositions d'initiatives cantonales qui viennent du Conseil d'Etat, sans aucune réserve, et proposera même le vote sur le siège ce soir. Ce sont trois objets en faveur desquels le parti socialiste milite depuis de nombreuses années, pour rendre plus transparent le système de l'assurance-maladie. Les trois initiatives vont dans le bon sens, elles mettent les assureurs devant leurs responsabilités. La première initiative leur demande plus de transparence et plus d'informations sur les montants des primes afin que le canton puisse s'ajuster. Dans la deuxième, il est question des réserves. Vous le savez, il y a eu certains scandales, avec des assureurs qui constituaient des réserves qu'ils déplaçaient ensuite dans d'autres cantons. Là aussi, c'est un système qui est encore opaque. La troisième initiative demande une adéquation des réserves des assureurs sans qu'il y ait une capitalisation exagérée. Le Conseil d'Etat va dans le bon sens, il va dans le sens du parti socialiste qui milite depuis de nombreuses années sur ce sujet.
Maintenant, nous avons des questions sur la stratégie visant à ce que l'Assemblée fédérale - le Conseil national - adopte ces trois projets d'initiatives cantonales. M. Poggia pourra peut-être nous en dire quelques mots. On sait que c'est en général le cimetière des éléphants: des initiatives cantonales sont votées à Genève et les députés sont d'accord; ensuite, il ne se passe malheureusement pas grand-chose à Berne. Nous vous entendrons volontiers là-dessus: comment a été constituée la stratégie ? Vous avez surtout consulté les cantons latins: que se passe-t-il de l'autre côté de la barrière de röstis ? Est-ce que vous avez des contacts avec d'autres cantons en Suisse allemande ? Il nous semble qu'il y a des efforts à faire pour que ce ne soit pas juste une opération de «com» ou une lettre morte et enterrée à Berne. Enfin, il faudrait appeler les députés, principalement du PLR et de l'UDC, à enjoindre à leurs représentants au Conseil national de soutenir ces initiatives cantonales. On le sait, leur responsabilité est lourde; le PLR a depuis de nombreuses années des liens étroits avec les assureurs dans ce système opaque. Comment voteront les conseillers nationaux du PLR à Berne ? Est-ce qu'enfin un changement se fera dans l'intérêt des habitants du canton de Genève ou est-ce qu'on restera toujours dans des postures de défense de l'intérêt des assureurs ? Là aussi, j'entendrai volontiers le PLR ce soir sur cet objet ! Au-delà des déclarations de principe, pour le parti socialiste, il faut maintenant que ça bouge, qu'il y ait des changements, parce que les primes d'assurance-maladie sont à un niveau... (Panne de micros.)
La séance est suspendue à 20h42.
La séance est reprise à 21h.
Une voix. On peut y aller, Jean-Marie !
Le président. On peut y aller ? (Un instant.) Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons la séance ! Les micros fonctionnent et enregistrent à nouveau, nous pouvons donc continuer. Je passe la parole à M. le député Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Le parti démocrate-chrétien va soutenir cette résolution qui coule de source. Nous sommes très contents que M. Poggia retrouve brusquement un certain intérêt pour les initiatives cantonales et parlementaires. Jusqu'à maintenant, il semblait qu'elles ne servaient strictement à rien, qu'elles ne servaient qu'à aller à Berne et à revenir après être restées cinq minutes à la commission du Conseil des Etats sur la santé. Donc, je réitère les questions posées par M. Thévoz: comment va-t-on faire pour que ces trois très bonnes initiatives soient adoptées par le Parlement fédéral et mises en pratique ?
Je rappelle qu'on a aussi un instrument que nous devrions utiliser, un instrument permis par M. Berset il y a quelques mois, soit les projets pilotes cantonaux. Je pense que l'avenir, pour les problèmes de santé et d'assurance-maladie, passe par la mise en place de projets pilotes cantonaux visant à tester de nouvelles solutions, afin de démontrer qu'on peut faire mieux que la loi sur l'assurance-maladie actuelle.
M. Thomas Bläsi (UDC). Monsieur le président, le groupe UDC soutiendra aussi le vote sur le siège de ces trois initiatives. Je tiens à signaler qu'elles vont évidemment dans le bon sens. Je remercie également le groupe PDC et le député Buchs qui avait par ailleurs déposé un texte assez similaire par le passé. Je ne vais pas répéter tout ce qui a été dit sur la qualité de ces initiatives. Pour le groupe UDC, il est important de souligner que ces trois initiatives vont essentiellement impacter 5% de l'enveloppe de la santé, c'est-à-dire le fonctionnement des caisses. Ça va dans la bonne direction, ça permet aussi de donner des instruments aux cantons qui pourraient être des leviers pour améliorer ensuite les coûts, mais force est de constater qu'à travers ces initiatives, on ne touche pas à ce qui représente le 95% des coûts de la santé.
Le groupe UDC a aussi été interpellé par le député Thévoz sur les liens d'intérêt ou sur le lobbyisme. A ce propos, j'aimerais lui signaler, pour avoir participé aux différents débats durant la campagne du Conseil national, en particulier sur les coûts de la santé, que lorsque vous affrontez un candidat socialiste lors d'un tel débat, ce candidat est systématiquement un médecin, un diabétologue. Avec Ensemble à Gauche, de mémoire, c'était un pédiatre. Pour ce qui est du lobbying, le parti socialiste a toujours refusé de remettre en cause les coûts de la santé, en tout cas en ce qui concernait les prestations médicales, puisque de nombreux membres de ce parti sont membres de lobbys, du reste également dans le mien. Cette partie-là, les actes médicaux ou délégués ainsi que les frais d'hôpitaux, représente le 84% des primes; les médicaments, 10%, et assez largement le coût du fonctionnement des caisses le 6%. Aujourd'hui, les trois initiatives travaillent sur ce 6% et le groupe UDC relève la cohérence du magistrat, M. Poggia, sur les thématiques qu'il a définies et sur lesquelles il s'est fait élire ainsi que sur les positions qu'il a défendues lorsqu'il était président de l'ASSUAS. On ne peut donc que saluer ce qui est fait, mais les accusations de M. Thévoz concernant les lobbys des uns et des autres sont gratuites et il ferait bien de balayer devant sa porte ! Considérons de vrais efforts pour améliorer les primes et la qualité du système de santé. Bien évidemment, la cherté de notre système de santé oblige à une sélection. Toutes les prestations existant en Europe n'existent pas et ne sont pas forcément prises en charge en Suisse. Du reste, on a déposé des initiatives au parlement genevois et des résolutions à Berne demandant justement d'étendre ce champ et ce catalogue. Donc bravo au département qui a réussi à réunir à peu près un million de Romands...
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur !
M. Thomas Bläsi. ...entre les cantons de Vaud et Genève pour améliorer ce fonctionnement des caisses maladie. Merci, Monsieur le président.
M. François Baertschi (MCG). Monsieur le président, le groupe MCG soutiendra avec enthousiasme ces trois initiatives qui viennent à point nommé; elles sont dans la suite des nombreux combats menés ces derniers temps. Nous soutiendrons bien évidemment le vote sur le siège. Rappelons qu'en 2005, le MCG a déposé une proposition de motion mettant en cause les réserves des assurances-maladie - le scandale des réserves des assurances-maladie ! Mauro Poggia, notre magistrat, s'inquiétait déjà bien avant 2005 de ce problème des réserves - comme d'autres également, soyons justes ! Nous nous inquiétions depuis toutes ces années de l'inadéquation entre les coûts - réels - de la santé et les primes beaucoup plus élevées que nous devons payer aux assureurs-maladie. Il y a là une perdition, il y a là un gâchis fondamental; il y a là de grandes questions qui se posent sur les réserves et sur les coûts réels de la santé: les primes doivent être alignées sur les coûts réels de la santé !
Un autre problème est le rôle capital des cantons. Parce que si un jour nous devons résoudre le problème de l'assurance-maladie, ce sont les cantons qui devront le faire, et c'est pour ça qu'il faut souligner l'action de Mauro Poggia, mais également celle de conseillers d'Etat d'autres cantons. Nous les avons rejoints dans ce combat pour davantage d'équité et pour progresser en direction d'une réforme vraiment efficace du système d'assurance-maladie; ce système est à notre avis calamiteux et il faut le réformer de manière pragmatique dans les plus brefs délais. Ces initiatives le permettent, c'est pour ça que je propose à cette assemblée et à tous les députés de soutenir ces trois initiatives: ce serait un signal fort que nous pourrions adresser à la Confédération.
Mme Frédérique Perler (Ve). Monsieur le président, ça ne vous étonnera pas, les Verts soutiendront ces trois initiatives - même sur le siège ! Les textes qui nous sont parvenus sont suffisamment clairs et limpides; nous considérons qu'il est simplement normal d'exiger ce que ces trois initiatives demandent, c'est-à-dire de la transparence ! Nous saluons aussi la décision de mener cette action conjointement avec d'autres cantons. Evidemment, ainsi que cela a été relevé par le parti socialiste, nous aimerions bien connaître la réaction des cantons d'outre-Sarine: on espère qu'ils vous rejoindront ! Ensuite, il nous semble simplement normal d'exiger la responsabilisation des assureurs s'agissant d'une assurance-maladie sociale où la cupidité - au détriment des assurés qui paient toujours plus, d'année en année - n'a, de notre point de vue, pas sa place. Il est vrai que l'opacité de ce système interroge; une fois qu'on aura pu faire la lumière sur cette opacité, eh bien, les cantons et les assurés seront d'autant plus rassurés !
M. Buchs relevait que M. Poggia avait plutôt tendance à lever les yeux au ciel chaque fois qu'une initiative destinée à l'Assemblée fédérale arrivait au Conseil d'Etat. C'est vrai, on aimerait bien en savoir un peu plus sur la stratégie des cantons pour faire adopter les trois initiatives qu'ils déposent. Néanmoins, de nombreux textes et initiatives populaires sur cette problématique des primes d'assurance-maladie ont été déposés. Nous, les Verts, croyons à la ténacité et pensons qu'il faut y revenir sans cesse; c'est avec détermination que nous voterons ces trois initiatives.
M. Pierre Conne (PLR). Monsieur le président, chers collègues, le PLR votera également ces trois initiatives ce soir. Il convient de rappeler que durant les trois dernières législatures déjà, le PLR s'est engagé dans la voie de la maîtrise des réserves en adressant une résolution à Berne visant à permettre leur plafonnement. Une autre résolution avait pour but de permettre ce qu'on appelle la transférabilité des réserves, c'est-à-dire que le montant de la réserve constituée par un assuré lui soit acquis même s'il changeait d'assurance. Les trois initiatives d'aujourd'hui vont donc dans le sens de la politique que le PLR a toujours soutenue.
Ces trois initiatives ont pour but d'amener de la transparence dans l'assurance sociale qu'est l'assurance-maladie, l'assurance obligatoire des soins, mais aussi de permettre aux cantons qui parviennent à une certaine maîtrise des coûts - par la planification sanitaire et la planification hospitalière - de faire en sorte que le montant des primes d'assurance-maladie corresponde aux coûts et soit bien centré sur leur territoire. Cela permettra aussi aux pouvoirs politiques que nous représentons et au Conseil d'Etat de rendre des comptes à la population lorsqu'on apprend l'augmentation des primes, à l'arrivée de l'automne.
Brièvement, ce qui est demandé dans la première initiative, c'est justement de permettre à chaque canton de donner son avis sur l'augmentation des primes en fonction des coûts constatés par cantons.
La deuxième initiative, «Pour des réserves justes et adéquates», demande le plafonnement du montant des réserves constituées par les assureurs, car si un minimum de réserve est aujourd'hui prévu dans la législation fédérale, le plafonnement n'est pas prévu. On le sait, cela a conduit à des taux de couverture qui allaient jusqu'à 200% ou 300% de ce qui était nécessaire pour garantir la solvabilité des caisses.
La troisième initiative, «Pour des primes conformes aux coûts», touche directement le porte-monnaie des ménages. Lorsqu'une année écoulée montrera que l'augmentation des coûts a été inférieure aux primes perçues et qu'on aura payé plus de primes que ce que les primes auront servi à couvrir comme coûts, les montants de primes perçus en trop seront remboursés aux payeurs de primes genevois que nous sommes par le biais de primes moins élevées l'année suivante.
Pour ces trois raisons, ces initiatives nous paraissent nécessaires, non seulement pour parvenir à une meilleure transparence des coûts de cette assurance sociale, mais aussi pour donner des outils aux cantons afin d'obtenir une meilleure cohérence entre maîtrise des coûts et maîtrise des primes d'assurance-maladie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, vous ne serez pas surpris de m'entendre dire que le groupe Ensemble à Gauche soutiendra ces textes; il nous semble effectivement important d'ouvrir certaines brèches dans ce bastion que constitue la LAMal. Beaucoup ici ont parlé d'une assurance sociale: j'aimerais quand même relever le fait que la LAMal est de moins en moins sociale, et ce qui nous importe aujourd'hui, c'est de lui rendre les caractéristiques d'une assurance sociale !
Ces textes parlent de donner plus de pouvoirs aux cantons, de prévoir une meilleure adéquation des primes ou des réserves pour que celles-ci correspondent mieux aux coûts de la santé. Bien sûr, cela est important et il faut au moins commencer par cela, mais il faudrait évidemment aussi poser le problème de fond de la LAMal, poser le problème de son financement. Ça revient par exemple à évoquer un financement par des primes proportionnelles au revenu et pas avec les primes que nous connaissons aujourd'hui. Ce qu'il nous faut aujourd'hui, c'est une révision de fond en comble de la LAMal ! Mais nous ne bouderons pas notre plaisir et c'est avec beaucoup de détermination que nous voterons ces textes.
Cela étant, il est quand même temps de créer un front d'attaque contre cette LAMal pour faire en sorte qu'elle soit modifiée. Nous savons le peu de cas que le Conseil national fait généralement des initiatives cantonales qui lui sont adressées, mais nous pensons que les textes qui nous sont proposés là ont non seulement du sens, mais qu'ils devraient être repris par d'autres cantons, de sorte que soit les gouvernements, soit des députés dans les autres parlements reprennent des textes de ce type à leur compte et qu'ils constituent une sorte de contrepoids au pouvoir des lobbys des assurances-maladie. Celles-ci sont aujourd'hui malfaisantes au niveau national et portent préjudice non seulement au principe même de la LAMal, mais surtout aux intérêts des usagers. Bien souvent, les parlements et le Conseil national oublient qui ils sont censés représenter et prêtent plus d'attention au lobby des caisses maladie qu'aux assurés ou aux patients ! C'est la raison pour laquelle nous estimons qu'il serait opportun que ces textes soient repris dans les autres cantons. En vous remerciant de votre attention, je vous invite, comme tout le monde ici, à soutenir ces textes !
M. Guy Mettan (HP). Monsieur le président, on ne peut que saluer la proposition du Conseil d'Etat et de M. Poggia. Comme cela a été dit, on peut aussi saluer l'initiative qui consiste à développer une collaboration avec les autres cantons en vue d'amener les caisses maladie à la raison. J'aimerais juste souligner que nous avons déposé une proposition de résolution - la R 840 qui sera votée demain - demandant le transfert des réserves des assurés en cas de changement de caisse; elle aussi va exactement dans ce sens.
On ne peut que se réjouir que le Grand Conseil unanime adopte l'ensemble de ces textes qui vont dans le bon sens et je vous remercie donc pour le soutien que vous apporterez aussi demain à la R 840.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, merci de vos interventions. Il y a dans le domaine de l'assurance-maladie sociale qui est la nôtre ici en Suisse trois combats qui doivent être menés de front. Aucun n'est prioritaire par rapport aux autres, ils doivent donc être menés systématiquement. Il s'agit bien sûr d'abord de réaliser une réelle maîtrise des coûts de la santé. Je le dis: ces initiatives n'ont pas pour but la maîtrise des coûts de la santé, d'autres actions sont en cours pour cela. D'ailleurs, l'entrée en vigueur, dans quarante-huit heures précisément, du règlement relatif à la régulation des équipements médico-techniques lourds a pour but de contribuer à cette maîtrise des coûts de la santé.
Le deuxième combat, c'est de faire en sorte qu'il y ait une réelle coïncidence entre ce que nous payons et ce que nous générons comme coûts. C'est-à-dire qu'il y ait une coïncidence entre les primes et les coûts et, lorsque ces primes sont supérieures aux coûts de l'année pour laquelle elles ont été fixées, que la différence soit restituée et prise en compte pour compenser une possible hausse des coûts les années suivantes !
Troisième combat, obtenir une transparence du système afin que l'on sache exactement où passe chaque franc versé par les Genevois et qu'une partie des sommes versées par une population cantonale déterminée ne serve pas à alimenter des réserves nationales qui, elles, serviraient à maintenir artificiellement basses les primes d'autres cantons.
C'est vrai que vous m'avez parfois entendu ici être très critique face à certaines initiatives cantonales adressées au Parlement fédéral: je pense que cet outil doit être utilisé avec parcimonie et discernement parce que les parlementaires à Berne ont malheureusement tendance à regarder d'un oeil très critique les conseils qui viendraient d'ailleurs que de leur sein. Bref, c'est ainsi que sont les choses. Les initiatives que vous voyez ici ne sont pas des initiatives générales qui, aussi louables soient-elles, ne demandent que de faire en sorte que les primes n'augmentent plus, comme j'en ai vu passer certaines ici.
Nous demandons par ces trois initiatives des modifications claires des textes législatifs, ce qui veut dire qu'un travail de fond a été fait. La force remarquable de cette démarche à laquelle vous vous apprêtez à donner la main est qu'il s'agit d'une démarche conjointe de notre canton. Comment peut-on, en tant que parlementaire fédéral, y voir encore une genevoiserie ? Surtout lorsque cette genevoiserie est alimentée par une vaudoiserie - si vous me pardonnez ce néologisme ! Sans parler du fait que le Tessin a déjà fait ce travail et que d'autres cantons nous suivront. Par l'intermédiaire de la conférence des directeurs cantonaux de la santé, le but est d'amener aussi nos collègues suisses alémaniques, unanimes à soutenir les principes énoncés dans ces initiatives, à faire en sorte qu'elles soient également soumises. Tout le monde n'a pas le Conseil d'Etat que nous avons, tout le monde n'a pas le parlement que nous avons et c'est vrai qu'il est particulier de voir le même jour deux Conseils d'Etat - Vaud et Genève - adopter ensemble les mêmes textes ! Genève est encore plus rapide puisque quarante-huit heures plus tard, le Grand Conseil soutient ces initiatives cantonales qui lui sont soumises par le Conseil d'Etat alors que d'habitude, celles-ci proviennent de votre parlement. C'est encore, je pense, un résultat tout à fait remarquable !
Il y a donc une série de premières dans cette démarche puisque ce sont des initiatives qui viennent du Conseil d'Etat; ce sont trois initiatives et non pas une seule provenant de deux Conseils d'Etat simultanément après celle d'un autre canton - le Tessin - et qui seront sans doute suivies par d'autres textes identiques. De plus, c'est important qu'elles soient identiques et non pas similaires pour donner une force plus grande à la démarche. Comme je l'ai dit, ces trois combats ne sont pas englobés par ces trois initiatives puisque celui de la maîtrise des coûts n'est pas traité par les textes qui vous sont soumis. Par contre, on parle bien de coïncidence entre les primes et les coûts, on parle bien de transparence.
Brièvement, la première initiative, «Plus de force aux cantons», vise à ajouter dans le texte de la loi sur la surveillance de l'assurance-maladie le fait que nous devons recevoir les tarifs de primes prévus pour le canton de Genève. Bien que cela ne soit pas clairement mentionné dans la loi, il faut savoir que jusqu'en 2018, nous avons reçu systématiquement ces informations. Parce que celles-ci permettaient sans doute de mettre en évidence des lacunes dans le contrôle effectué par l'autorité fédérale, il a curieusement été décidé que ces renseignements ne nous seraient plus donnés. Nous devons savoir ce que les assureurs réclament pour les Genevois pour pouvoir regarder comment cette évolution est intervenue dans le temps et pour faire une comparaison entre cette évolution et les coûts générés par notre population.
La deuxième initiative plaide «pour des réserves justes et adéquates». Dieu sait si l'on parle depuis longtemps de ces réserves nationales fourre-tout créées légalement pour amortir les fluctuations des coûts sur deux années mais auxquelles s'ajoute, année après année, la différence entre les primes encaissées et les coûts réellement assumés. Aujourd'hui, la loi ne fixe qu'un minimum de réserves mais pas de maximum. Il faut fixer un maximum, nous l'avons fixé à 150%, c'est-à-dire 50% de plus que ce qui est fixé pour le minimum. En cas de différence, eh bien les sommes doivent être restituées aux assurés. Il n'y a pas de raison que l'on thésaurise l'argent des assurés !
La troisième initiative, «Pour des primes conformes aux coûts», est remarquable car un mot fait parfois toute la différence dans un texte législatif. Aujourd'hui, on parle de coûts nettement inférieurs aux primes ou, à l'inverse, de primes nettement supérieures aux coûts. Pourquoi «nettement» ? C'est une notion juridique indéterminée ! Qu'est-ce que cela veut dire, «nettement» ? Avec ce texte, lorsque les primes sont trop élevées, les assureurs sont tenus de restituer la différence - et non pas «peuvent» la restituer. Bien sûr, pas par des virements postaux, on l'imagine bien, mais par la prise en compte de cette somme qui appartient comptablement aux assurés qui l'ont constituée.
Mesdames et Messieurs les députés, voilà pourquoi trois initiatives sont déposées simultanément: pour que le reste de la Suisse suive l'exemple que nous donnons ! Je vous remercie d'être sensibles à la démarche entreprise; encore une fois, je dois dire que le Conseil d'Etat et le parlement genevois ont battu tous les records de vitesse pour l'adoption de ces textes, ce qui est remarquable. Nous sommes clairement tous ici à la hauteur des attentes de notre population !
Le président. Merci, nous votons tout d'abord sur le RD 1320.
Mis aux voix, le rapport du Conseil d'Etat RD 1320 est adopté par 92 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Le président. Nous passons au vote sur la R 905 qui comprend les trois initiatives.
Mise aux voix, la résolution 905 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 92 oui (unanimité des votants).
Débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, classée en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à son auteure, Mme Marjorie de Chastonay.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la situation de dumping à l'aéroport nécessite une réponse immédiate. Cette proposition de motion, «Fin du dumping Dnata», invite tout simplement le Conseil d'Etat à respecter ses engagements, pris à travers une convention d'objectifs, et à intervenir pour faire respecter l'article 12, alinéa 2, de ladite convention, notamment en établissant des règles: premièrement, en limitant, et deuxièmement, en cadrant le recours au personnel auxiliaire sur le site de l'AIG. L'objectif principal est donc bien de diminuer le nombre d'auxiliaires, mais aussi de cadrer en réglementant sur la forme - à savoir les types de contrats - et surtout de régler le problème des contrats dits «zéro heure garantie». Ces contrats sont abusifs, il faut donc les interdire en garantissant justement un nombre d'heures minimum.
L'objectif principal est de renvoyer directement cette motion au Conseil d'Etat afin de faire respecter la convention d'objectifs qui stipule la mise en place des minimas pour les travailleurs. Pourquoi ? Pour répondre à un cri d'appel des employés de l'entreprise Dnata qui, depuis plus d'une année, ont tout essayé pour faire entendre leur message. Ils ont communiqué avec des résolutions, avec des pétitions, avec des dénonciations publiques; ils ont cherché du soutien auprès de leur syndicat pour alerter le Conseil d'Etat sur le dumping en cours à l'aéroport. En effet, une sorte de dumping organisé est en train de se passer, de s'installer, de s'institutionnaliser. Ce sont des employés qui travaillent sur appel avec des mois sans revenus parfois. Ce travail sur appel pratiqué par l'entreprise Dnata à l'aéroport - ou les contrats dits «zéro heure garantie» - est vraiment problématique et inacceptable. Ce sont des contrats honteux ! Ces centaines d'employés auxiliaires sont payés à l'heure et n'ont aucun taux d'activité garanti. Je le répète, ils se retrouvent dans une situation de précarité et de vulnérabilité. Leurs revenus peuvent varier de moins de 1000 francs à 4000 francs par mois. Il n'y a donc aucune garantie de salaire minimum, ce qui est contraire à la jurisprudence fédérale.
J'espère que ce soir, le Grand Conseil poussera le Conseil d'Etat à améliorer les conditions de travail sur la plateforme aéroportuaire; les Vertes et les Verts attendent du gouvernement qu'il intervienne rapidement dans ce dossier. Outre les problèmes évidents liés à la pollution de l'air et aux émissions de CO2, l'aéroport doit aussi s'améliorer sur les conditions de travail du personnel actif sur la plateforme.
L'initiative «Pour un pilotage démocratique de l'aéroport de Genève», acceptée en novembre dernier par 56% des votants et des votantes, a permis de rappeler et de souligner que l'aéroport est un établissement de droit public. A ce titre, il se doit d'être exemplaire, notamment dans les conditions de travail, et il doit en tout cas empêcher tout dumping social en son sein. Mesdames et Messieurs, je vous demande donc de soutenir cette motion et, surtout, de la renvoyer directement au Conseil d'Etat !
M. André Pfeffer (UDC). Monsieur le président, la M 2610 comporte deux problèmes majeurs. Le premier est que le principal considérant n'est pas correct ! Celui-ci indique qu'il n'y aurait pas de convention collective de travail, ce qui n'est pas juste: il existe une convention collective de travail nationale. Le deuxième problème est que cette motion omet les outils dont le Conseil d'Etat dispose en cas de dumping salarial ou de salaire indécent, soit, en premier lieu, l'extension d'une convention collective de travail, et en second lieu, le CTT, le contrat type de travail.
En plus, ce texte sous-estime voire dénigre notre tradition basée sur le partenariat social. Bref, cette motion mériterait d'être étudiée et travaillée en commission. Pour cette raison, je recommande de l'envoyer à la commission de l'économie.
Le président. Merci, il en est pris note. Je passe la parole à M. le député Jacques Béné.
M. Jacques Béné (PLR). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas la première fois que nous avons à parler de problèmes de dumping salarial à l'aéroport: nous avons déjà traité de Dnata à plusieurs reprises; nous avons aussi traité la problématique de Gate Gourmet. A chaque fois, ce sont les mêmes arguments qui sont donnés et à chaque fois, quand il y a des auditions à la commission de l'économie, que ce soit avec l'OCIRT ou avec le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, tout est démoli ! Il y a des conventions collectives de travail, il n'y a pas de dumping salarial.
On sait que la définition du dumping salarial n'est pas forcément la même pour la gauche que pour nous. A partir du moment où quelqu'un n'est pas satisfait du salaire qu'il a pour le travail qu'il effectue, à gauche, on estime que c'est du dumping salarial ! Le dumping salarial, Mesdames et Messieurs les députés, c'est quand les partenaires sociaux n'ont pas réussi à se mettre d'accord, que des entreprises paient en dessous de ce qui est prévu dans les CCT. Pour cela, nous avons une instance qui fonctionne très bien, c'est le CSME, qui lui-même peut édicter des contrats types, le cas échéant, s'il n'y a pas de CCT. Le problème ici, c'est qu'il y a une convention collective de travail pour Dnata et qu'elle est appliquée.
Mesdames et Messieurs les députés, il faut quand même dire ce qu'il y a à dire à propos des considérants. De «nombreuses dénonciations» d'employés de Dnata sont mentionnées: combien y en a-t-il ? Il y aurait «plusieurs plaintes déposées auprès de l'OCIRT»: combien ont abouti à une mesure envers Dnata ou à des demandes de renseignement, le cas échéant ? L'«absence de signature d'une convention collective»: c'est faux, puisqu'il y en a une au niveau national ! Elle peut ne pas convenir, mais, que je sache, les conventions collectives nationales sont aussi des conventions discutées entre les syndicats et le patronat !
Ensuite, on cite la plateforme de la CGAS. Je veux bien admettre que le parti socialiste est une succursale de la CGAS, on l'a déjà vu dans d'autres dossiers. La CGAS parle de salaires indécents ou de ratio minimum de personnel auxiliaire: parce que la CGAS le dit, ça doit être une vérité ? Non, Mesdames et Messieurs ! Enfin, la très grande précarité dans laquelle se trouvent du jour au lendemain des centaines d'employés: moi, j'aimerais des preuves, et je soutiens ce qui a été demandé par M. Pfeffer. Si nous sommes d'accord pour que la convention d'objectifs soit respectée par l'aéroport, nous sommes aussi pour avoir des éléments concrets, non pas des suppositions. Nous pensons qu'il ne faut pas renvoyer cette proposition de motion directement au Conseil d'Etat, mais qu'un travail doit se faire à la commission de l'économie. Je pense que c'est une question d'information pour l'ensemble des députés. Je vous remercie donc de renvoyer cette motion en commission. (Applaudissements.)
Le président. Je prends également note de votre demande et passe la parole à M. le député Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, non, le travail n'est plus à faire à la commission de l'économie. C'est le Conseil d'Etat qui doit maintenant travailler et agir de façon urgente ! Vous transmettrez, le député Béné n'a peut-être pas mentionné Swissport, mais on pense à Gate Gourmet, à ISS, à Dnata: chaque année, nous avons droit à des conflits sociaux sur le site de l'aéroport de Genève ! Chaque année, nous avons droit à des cas de dumping salarial. Je crois qu'il n'y a plus besoin aujourd'hui que la commission de l'économie du Grand Conseil se penche sur le dossier; c'est plutôt au Conseil d'Etat d'agir et de mettre la main à la pâte pour parvenir à un véritable partenariat social grâce au tripartisme. Car aujourd'hui, à l'aéroport, on ne peut pas parler de partenariat social ! Non, Mesdames et Messieurs de la droite, vous ne pouvez pas le prétendre, et arrêtez de vous couvrir avec le prétexte d'une convention collective de travail nationale: les coûts de la vie à Genève ne sont pas forcément les mêmes qu'à Zurich ou à Bâle ! Nous avons des coûts de la vie élevés, plus élevés qu'à Zurich - je vous invite à regarder les statistiques. Vous ne pouvez pas simplement vous cacher derrière ça ! Je vous entends parler de la convention collective de travail nationale du nettoyage, mais elle couvre tous les cantons sauf Zurich et Genève - et ses critères sont extrêmement bas.
J'entends dire qu'il n'y a pas de dumping salarial. Désolé, je trahis un secret de commission ouvertement: à la commission de l'économie, on nous dit qu'il n'y a pas de dumping salarial à l'aéroport, seulement des économies sur les salaires et les conditions de travail. L'aéroport externalise les tâches de sécurité auprès d'entreprises privées, mais cela ne s'appelle pas du dumping salarial ! Il ne s'agirait que de faire des économies sur les salaires !
Aujourd'hui, le cas que nous avons avec Dnata, c'est une véritable flexibilité du travail, des conditions de travail catastrophiques, une absence de salaire minimum: bref, un cadre social tout simplement catastrophique ! Il est donc urgent d'agir, et pas en renvoyant ce texte à la commission de l'économie, qui le traitera dans trois ans et reviendra nous dire dans trois ans qu'il n'y a absolument plus de problème. Non, il faut agir aujourd'hui, en demandant à l'Etat de fixer des conditions qui soient claires, d'arrêter ce système d'appel à des auxiliaires qui précarise les conditions de travail. Il faut avoir un peu de courage et faire en sorte qu'à l'aéroport de Genève, dans notre canton, nous arrêtions d'avoir chaque année autant de cas de dumping salarial. Nous devons agir auprès du conseil d'administration de l'aéroport de Genève pour faire en sorte que l'octroi des concessions soit très rigoureux, beaucoup plus strict. Que les concessions soient octroyées...
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur Romain de Sainte Marie !
M. Romain de Sainte Marie. ...à des entreprises qui donnent aux employés des conditions de travail dignes et ne permettent pas le dumping salarial comme actuellement ! Il faut faire en sorte que les entreprises soient signataires de conventions collectives de travail, même au niveau cantonal. (Applaudissements.)
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, vous transmettrez à mon collègue Béné que si le parti socialiste ou Ensemble à Gauche sont une succursale des syndicats, le PLR est sans doute une succursale de la Chambre de commerce et d'industrie ! Avec ce type d'arguments, on ne va pas aller très loin.
Parce que ça devrait intéresser les députés du Grand Conseil, j'aimerais vous dire quelles sont les conditions de travail à Dnata. A la fin de l'année 2018, sur 783 employés déclarés, il y avait 367 auxiliaires, c'est-à-dire près de la moitié, payés à l'heure et sans taux d'activité garanti. Le salaire d'un employé auxiliaire peut varier de 1000 à 4000 francs, d'un mois à l'autre. Selon le Tribunal fédéral, le travailleur doit pouvoir compter sur un certain taux d'activité pendant toute la durée des rapports de travail sans être soumis au bon vouloir de l'employeur, s'agissant de sa rémunération moyenne. Plusieurs de ces employés travaillent moins de cent heures par mois; leurs horaires sont irréguliers, ils ne peuvent avoir aucun autre travail puisqu'ils ne maîtrisent pas les moments où ils peuvent être appelés.
Ce sont ces conditions dont on discute ici, cela dans une entreprise dépendant quand même de l'Etat ! Les conventions posent problème mais aussi l'intervention de l'Etat. C'est la raison pour laquelle Ensemble à Gauche soutient le renvoi de ce texte au Conseil d'Etat: nous devons lui demander d'intervenir auprès de l'Aéroport international de Genève - un établissement public autonome placé sous la responsabilité de l'Etat - pour que les travailleurs de Dnata ne subissent plus ce type de contrats «zéro heure garantie» et ces conditions de travail dégradantes; d'autant plus que l'aéroport a été placé sous les projecteurs de la presse à de nombreuses reprises pour les contrats qu'il attribue à des entreprises de manière plus ou moins régulière. L'entreprise Dnata avait déjà suscité de nombreuses critiques au moment où les services au sol à l'aéroport lui avaient été octroyés. Il est temps que le Conseil d'Etat prenne ses responsabilités et fasse le ménage dans les conditions de travail à l'aéroport ! (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, je ne me laisse pas facilement convaincre par les arguments qui n'émanent que d'une seule partie. Je ne sais pas exactement de quelle façon Dnata traite ses employés, mais vous me permettrez d'avoir une méfiance quelque peu naturelle vis-à-vis des déclarations de M. Jean Batou - que je respecte par ailleurs. Il ne me convainc pas toujours et je ne suis pas d'accord de n'entendre qu'un seul son de cloche.
Je suis aussi surpris par les déclarations assez violentes de M. Romain de Sainte Marie, lui qui est membre de la commission de l'économie, qui en est d'ailleurs souvent un élément moteur et innovant et cherchant à apporter des solutions. Je trouverais normal, dans un cas comme celui-ci, que l'on puisse avoir une vue d'ensemble des faits, que l'on puisse connaître les arguments, que l'on puisse auditionner toutes les parties concernées, sachant aussi, on l'a cité, qu'il y a des plaintes déposées à l'OCIRT. Je veux bien le croire, mais lorsque vous déposez une plainte à l'OCIRT, je vous garantis que cet office intervient rapidement - et assez lourdement d'ailleurs - en ne laissant aucune possibilité à l'employeur fautif de s'échapper ou d'éviter ses responsabilités !
Sans me prononcer sur le fond de l'affaire, je préférerais nettement, avec le groupe des démocrates-chrétiennes et quelques démocrates-chrétiens aussi - puisque nous sommes un groupe parfaitement paritaire - vous demander de renvoyer cette motion à la commission de l'économie.
Le président. Il en est pris note, je vous remercie. Je passe la parole à M. le député François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. L'externalisation du site de l'aéroport pose de nombreux problèmes, on l'a déjà vu à de multiples reprises, soit ici, au sein de ce parlement, soit dans les médias. Il suffit de penser, notamment, à l'affaire des fichés «S» dont on a parlé récemment. Indirectement se pose la problématique des revenus et salaires beaucoup trop bas, qui font que les employés ne peuvent provenir que de l'autre côté de la frontière, parce que si on est domicilié à Genève, on n'arrive pas à vivre avec ces salaires ! Ce qu'il y a de pire, qui est relevé dans cette proposition de motion et que disent également les syndicats qui ont formulé les éléments de base de ce texte, c'est qu'il y a un problème avec le personnel temporaire: ce personnel temporaire pose problème, parce qu'il s'agit de gens sous-payés ! Il ne s'agit pas nécessairement d'un salaire horaire, mais il s'agit d'un salaire mensuel qui ne permet pas de vivre à Genève ! Il permet de vivre à Ferney-Voltaire, à Annemasse ou à Saint-Julien, mais il ne permet pas de vivre à Meyrin ! Il ne permet pas de vivre à Vernier, ni même en ville de Genève ! C'est pour cela qu'il faut à tout prix voter cette proposition très modérée, parce qu'elle demande une chose: elle demande au Conseil d'Etat de faire respecter les engagements qui doivent être pris par les entreprises sous-traitantes de l'aéroport. C'est ce contrôle qui doit être fait. On a vu le problème avec En Chardon et d'autres scandales de ce type qui ont frappé Genève. La puissance publique doit à tout prix montrer sa présence, faire respecter les règlements et se faire respecter. C'est le signal envoyé par cette proposition de motion et c'est pour cela que le groupe MCG soutiendra le renvoi au Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député François Bavarel... Christian ! Excusez-moi !
M. Christian Bavarel (Ve). Très volontiers ! Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'aile libertaire et entrepreneuriale des Verts est d'accord avec l'autre aile. En fait, la convention collective est inexistante depuis 2017: il ne faut pas confondre ce qui se passe avec la sécurité de l'aéroport. Dans cette situation-là, on a un problème de concurrence pour les autres entreprises genevoises. Dans le secteur de l'assistance au sol, on se rend compte que si on ne respecte pas les règles, c'est bien sûr facile d'être moins cher et on aboutit à une logique de dumping.
Aujourd'hui, il y a un problème de concurrence et un problème entrepreneurial. D'un côté, il est de juste de défendre les employés; en défendant les employés, on défend aussi les entreprises qui travaillent d'une manière correcte. Donc je suis surpris d'entendre la position du PLR qui, d'un seul coup, dans un marché concurrentiel, se retrouve totalement minorisé. C'est vrai que, pour vivre à Genève, il faut un certain revenu. Ce contexte ne permet pas aux entreprises genevoises normales et respectueuses des règles, comme on a l'habitude de les voir dans cette république, d'être concurrentielles. Nous, nous vous appelons à renvoyer cette proposition de motion au Conseil d'Etat, ce qui doit nous permettre de régler ce problème-là, de sorte que tout le monde puisse être sur un pied d'égalité dans ce canton !
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il faut rappeler quelques principes pour que vous compreniez exactement ce que signifie le renvoi de cette proposition de motion au Conseil d'Etat, choix qui semble se dessiner. D'abord, il faut que vous sachiez que mon département, qui est responsable du marché, le département des infrastructures et l'Aéroport international de Genève se réunissent régulièrement - la dernière fois le 8 novembre - pour parler de ces problématiques. Celle des salaires au sein de Dnata a été abordée, étant précisé que le point de discorde - les contrats «zéro heure garantie» - a été mis en évidence par un syndicat en particulier, Unia. Ce sont des contrats dans lesquels le travailleur attend que l'on fasse appel à lui: s'il travaille, il est rémunéré, s'il ne travaille pas, il n'est pas rémunéré. La question est de savoir si ce type de contrat est légalement acceptable: Dnata a produit un avis de droit qui dit que ça l'est. Il faudrait que cette question soit tranchée par la justice; elle est en tout cas ouverte.
Quelques règles de principe: le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, le CSME, a défini la notion de sous-enchère salariale ou de dumping, pour reprendre le terme de la motion, comme une pratique salariale inférieure aux usages. Inférieure aux usages veut dire que la notion de sous-enchère salariale est à distinguer de celle de bas salaire. Ainsi, un salaire même particulièrement bas peut ne pas constituer, selon les circonstances, un cas de sous-enchère si ce salaire est représentatif de la politique salariale du secteur professionnel concerné. Je pense qu'il est important de le rappeler.
Qu'entend-on par les usages ? Il y a trois possibilités. Soit il y a une convention collective étendue de manière ordinaire: évidemment, c'est alors la convention qui exprime les usages de la branche. Soit il y a une convention collective non étendue ou étendue de manière facilitée et la question qui se pose est de savoir si le nombre de signataires couvre la majorité des salariés de ce secteur et si l'on peut considérer que le salaire qui résulte de cette convention collective non étendue exprime néanmoins les usages. S'il n'y a ni l'un ni l'autre de ces types de conventions, il faut alors rechercher quels sont les usages en vigueur. Et c'est ici qu'intervient l'Observatoire genevois du marché du travail qui est composé, je le rappelle, de l'office cantonal de la statistique, de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail et de l'Institut de recherche appliquée en économie et gestion. Cet observatoire fait alors une enquête sur le terrain pour savoir quels sont les usages.
L'Aéroport international de Genève exige des entreprises qui travaillent sur son site et avec lesquelles il a une convention soit qu'elles soient membres d'une convention collective, soit qu'elles aient signé les usages de la branche. Dans le cas particulier, Dnata est signataire du document de l'OCIRT reflétant les usages du secteur de l'assistance au sol aux compagnies aériennes, UASCA pour les intimes. Ces UASCA résultent eux-mêmes d'une convention collective de travail cadre dans les services d'assistance au sol aux compagnies aériennes qui a été conclue en 2013 entre Dnata et Swissport et un certain nombre de syndicats dont le SIT, le SSP et le PUSH. Cette convention a été dénoncée au 31 décembre 2015. Donc, aujourd'hui, il y a un vide conventionnel; je vous dirai que même si cette convention existait encore, elle ne traiterait pas le sujet qui nous intéresse ici, puisque le personnel auxiliaire était exclu de cette convention collective. Face à cette situation, il a été décidé que l'OGMT - une fois encore - fasse une enquête de terrain pour savoir s'il y a un usage de la branche qui devrait être appliqué et donc imposé à Dnata comme on le voudrait ici. Le résultat est décevant puisque la grande majorité des compagnies aériennes font effectivement une distinction entre personnel fixe et personnel auxiliaire et que le personnel auxiliaire bénéficie systématiquement de conditions de travail nettement inférieures. Ce qui veut dire que les bas salaires constatés aujourd'hui correspondent aux usages, Mesdames et Messieurs. On peut le regretter, mais c'est notre ordre juridique qui nous impose la démarche.
La situation est donc compliquée, et demander à l'Etat d'intervenir pour faire appliquer des usages qui, eux-mêmes, n'imposent pas les salaires que vous voudriez voir appliquer est quand même quelque chose de particulier ! Vous allez donc vous retrouver dans six mois - délai maximum pour une réponse du Conseil d'Etat - avec une réponse qui va vous exprimer grosso modo ce que je viens d'indiquer ici. C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat ne peut que vous suggérer, afin que la compréhension de ce sujet soit unanime, de renvoyer cette motion à la commission de l'économie afin que nous puissions en débattre. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Suite à la demande de trois députés, nous allons d'abord voter sur la proposition de renvoi à la commission de l'économie.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2610 à la commission de l'économie est rejeté par 48 non contre 45 oui.
Le président. Nous passons donc au vote sur cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2610 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 51 oui contre 38 non et 6 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. L'urgence suivante est classée en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à l'auteur de ce texte, M. Stéphane Florey, qui est bien debout à sa place.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Pour illustrer la problématique abordée dans cette résolution, je vais vous donner en exemple les fameuses publicités que tout le monde a reçues pendant les fêtes dans sa boîte aux lettres. On a reçu une publicité qui vantait un vin venu d'Australie pour 2,49 francs la bouteille.
Une voix. C'est trop cher !
M. Stéphane Florey. Mon collègue Eric Leyvraz, surpris de cette démarche, en a acheté une bouteille: ce n'est pas une question de qualité, le vin était bon en soi, il le reconnaît lui-même.
Une voix. Meilleur que le sien !
M. Stéphane Florey. Mais comment voulez-vous que nos viticulteurs locaux puissent être concurrentiels face à ça ? C'est justement ce que demande cette résolution, que nos viticulteurs puissent survivre dans cette jungle économique qu'est le monde de la viticulture. Par conséquent, nous demandons que les quotas d'importation soient diminués de 50% pour aider les vignerons de notre canton. Je vous rappellerai à ce propos que Satigny est la plus grande commune viticole de Suisse. Genève est quand même un canton d'importance en la matière et il convient de le soutenir, de même que tous les cantons et communes viticoles de notre pays.
J'ajouterai que cette résolution a été déposée dans plusieurs cantons suisses et qu'elle a déjà été acceptée en Valais. Il semblerait que Neuchâtel en ait également adopté une similaire, et on a bon espoir qu'elle soit encore votée dans d'autres cantons. L'UDC et tous les signataires, que je remercie au passage d'avoir signé ce texte, vous demandent donc de renvoyer cette résolution qui vaut comme droit d'initiative cantonal, il est important de le souligner. On a lu la lettre du conseiller fédéral Berset démontrant qu'une résolution faisant office d'initiative cantonale portait ses fruits. On espère véritablement que celle-ci le fera également et c'est pour ça que je vous demande de soutenir cette résolution en l'envoyant directement aux Chambres fédérales.
M. Jean Rossiaud (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, lundi dernier, notre collègue Claude Bocquet et moi étions à Berne... (Exclamations.) ...à la commission de politique extérieure du Conseil des Etats pour défendre la résolution 891, initiative cantonale émanant de notre Grand Conseil pour dénoncer les conséquences néfastes du traité de libre-échange entre la Suisse et le Mercosur. Ce traité est néfaste pour l'agriculture et la viticulture suisses. J'y fais référence, Mesdames et Messieurs, car il y a une analogie importante entre cette résolution et la R 904 qui nous occupe en cet instant. En effet, ces deux initiatives cantonales visent à garantir des conditions de production écologiques, respectueuses de l'environnement, à garantir des conditions de travail équitables aux agriculteurs et agricultrices de notre canton et à préserver les paysages comme les vignobles cantonaux. De plus, ces résolutions sont véritablement des initiatives cantonales car elles traversent les opinions politiques et les idéologies. Hier, c'était une résolution verte qui méritait un vote majoritaire; aujourd'hui, sur un objet analogue, c'est une résolution de l'Union démocratique du centre que les Verts soutiennent avec plaisir.
Que nous dit ce texte ? Que Genève est le troisième canton viticole suisse et possède la densité de vignes la plus forte du pays. De plus, la qualité de nos vins progresse d'une manière extraordinaire depuis trente ans, grâce notamment à l'action politique déterminée du grand Vert - à pied - qu'a été Robert Cramer. Il y a aujourd'hui une diminution de la consommation de vin, ce qui n'est a priori pas une mauvaise chose, puisque la quantité est remplacée par la qualité. Mais ce qui ne va pas, Mesdames et Messieurs les députés, c'est que ce sont les vins suisses et non pas les vins importés qui font les frais de cette diminution de consommation ! Il est en effet aberrant de favoriser l'importation de vins australiens, argentins, californiens plutôt que la production genevoise ! C'est une concurrence déloyale, inacceptable et une bêtise crasse en matière de durabilité. Nous n'avons en effet aucune prise sur les conditions écologiques de production des vins importés; nous n'avons aucune prise sur les conditions de travail parfois précaires. C'est à cause de cette politique d'ouverture des marchés que la production nationale subit de plein fouet la concurrence des vins importés, au détriment de notre responsabilité sociale et environnementale. Il est donc raisonnable que le canton de Genève demande au Conseil fédéral de renégocier le quota d'importation des vins étrangers par un abaissement de 50% du volume contingenté. Les Verts demandent d'une manière générale que les accords de libre-échange soient renégociés, à la fois pour des raisons économiques, écologiques et sociales. C'est pour ces trois raisons que les Verts vous enjoignent de soutenir cette résolution. (Applaudissements.)
M. Patrick Dimier (MCG). J'espère que je ne vais pas vous saouler avec mon propos... (Brouhaha.) Tout le monde se souvient ici qu'il n'y a pas si longtemps que ça, on hésitait à utiliser le vin genevois pour laver ses carreaux, de peur qu'il ne les raye. Eh bien, ce soir, nous devons faire le constat que nos viticulteurs - tant à Genève qu'ailleurs en Suisse - ont fait un travail formidable. Ils ont su revenir sur leur boulot qui était plutôt de faire, comme le disait un producteur de Bourdigny, du jus de raisin. Aujourd'hui, nos viticulteurs font des produits de qualité, ils se soumettent à des règles très dures de respect de l'environnement, de respect du produit, de respect de ce qu'ils cultivent, et les voilà confrontés à une concurrence qui est tout simplement hors du tonneau. Vous remarquerez que certaines autres professions demandent des subventions: eux pas ! Ils demandent juste qu'on reconnaisse la valeur de leur travail et qu'on ne les expose pas à une concurrence totalement déloyale. Cette demande est juste, nous devrions la soutenir avant qu'elle ne dévisse, de peur qu'elle ne bouchonne. Surtout, souvenons-nous que nous ne pouvons pas demander à nos viticulteurs de faire des vins de qualité et les exposer à des produits qui forcément vous donnent la Malbec pour finir avec une gueule de bois. (Rire. Remarque.)
M. Alexandre de Senarclens (PLR). Monsieur le président, le PLR est pleinement conscient des problématiques de la filière viniviticole. Le PLR partage les motifs d'inquiétude des signataires de cette proposition de résolution. Comme vous le savez, nous avons un vignoble de grande qualité en Suisse et singulièrement à Genève qui, d'année en année, a fait d'énormes progrès: ça fait notre fierté.
Cette filière connaît certaines difficultés posées par différents motifs. D'abord, la baisse de la consommation. Ensuite, la concurrence forte du vin produit à l'étranger, vin produit pour moins cher. La problématique aussi du tourisme d'achat que l'on connaît singulièrement à Genève avec nos plus de 110 kilomètres de frontière avec la France. Problème aussi renforcé par le fait qu'entre 2013 et 2015, les producteurs suisses ont produit du vin en petite quantité, si bien que les distributeurs ont importé plus massivement du vin étranger.
Au PLR, nous connaissons ces difficultés et nous n'avons pas attendu cette résolution pour les connaître. Notre ancien conseiller national Hugues Hiltpold avait déjà déposé une motion en 2012; il a déposé une interpellation tout récemment, en septembre 2019, reprise par notre ancienne collègue Simone de Montmollin. Frédéric Borloz, lui aussi conseiller national, s'en est également ému dans une interpellation au Conseil national sur ce sujet.
Cela étant, le PLR considère que l'adoption de quotas plus restrictifs n'est a priori pas la solution. Le Conseil fédéral a répondu de façon très claire à ces interpellations et à ces motions: les accords OMC sont complexes et touchent bien d'autres domaines de notre économie; ils ne nous laissent pas de marge de négociation dans ce domaine.
La solution, c'est le financement de mesures de promotion de notre vin. Ça a été le cas en 2019 avec 3,2 millions de francs; il y a eu un soutien complémentaire de l'Office fédéral de l'agriculture également pour le vignoble. C'est par ce soutien et par cette promotion que nous allons pouvoir renforcer la distribution de nos vins en Suisse. C'est ce que nous souhaitons au PLR, mais nous n'allons pas refuser cette résolution, parce qu'il est important de reconnaître les difficultés de la filière et de partager ses inquiétudes. Un refus nous aurait semblé excessif, nous allons donc nous abstenir. (Applaudissements.)
M. Jacques Blondin (PDC). Monsieur le président, je crois que tout le monde dans cette salle est au courant des difficultés de la viticulture, qu'elle soit genevoise ou nationale. Les Genevois sont plus discrets que nos amis valaisans et organisés différemment; je pense que vous avez tous entendu parler des grandes difficultés d'une coopérative majeure en Valais qui n'arrive même plus à payer les acomptes aux producteurs.
La consommation baisse en Suisse, ce qui pourrait en réjouir certains pour qui l'alcool reste un produit discutable, mais ce n'est pas le sujet de la résolution. C'est une réalité du marché avec laquelle il faut vivre. Cela étant, il ne s'agit pas de casser les accords passés avec l'OMC: les règles appliquées par l'OMC prévoient une répartition du marché à un moment donné sur un chiffre connu, du genre 50/50. Le Conseil fédéral pourrait manipuler cette répartition, la consommation ayant baissé de plus de 20% depuis ces accords: le 50/50 a changé, c'est devenu un 70/30. Et ce qui me gêne vraiment... On a parlé de qualité. C'est vrai, on a une agriculture de qualité, des vins qui sont bons et qui respectent des normes écologiques, mais il faut quand même savoir que la grande majorité des vins importés sont des vins à prix cassés: on n'importe pas des Cheval blanc ou autres grands crus, ni même des beaujolais normaux, on importe des bouteilles à 1 euro. Il faut le savoir, si vous allez chez les distributeurs, vous trouvez des vins bon marché. Bien sûr, le consommateur dispose, mais un Genevois ou un Valaisan ne pourra jamais - mais jamais ! - régater avec des prix pareils. C'est donc un choix sociétal: est-ce qu'on veut faire ce qu'il faut pour que la viticulture perdure ou pas ? Je le répète, on ne met pas un mur aux frontières genevoises pour imposer aux Suisses de consommer suisse ou genevois, il faut simplement une répartition différente des cartes. Faute de ça, il n'y aura plus de viticulture: il faut savoir que chez beaucoup de nos vignerons, les cuves sont pleines.
Les prix sont ce qu'ils sont à Genève: pour ceux qui l'ignorent, ici, le rendement se situe entre 800 grammes et 1 kilo au mètre carré. En Afrique du Sud, on va gentiment jusqu'à 10 kilos, avec d'autres technologies. Ça doit évidemment être comparé.
La mesure proposée dans la résolution est de diminuer de 50% le contingent. Vous savez très bien ce qu'une résolution va amener à Berne: il y a d'autres moyens, on peut opérer des prises en charge, on peut faire d'autres choses. Cela a été dit par M. de Senarclens, c'est vrai, d'autres mesures vont s'appliquer: soutien au marché, aides, etc. Je remercie en tout cas ceux qui ont pris la parole jusqu'à maintenant pour ce soutien dont ont besoin nos viticulteurs. Après les Valaisans, si Genève - canton important - envoie une résolution à Berne, les Vaudois feront certainement de même parce qu'ils ne sont pas dans une meilleure situation que nous. C'est une très bonne chose et le parti démocrate-chrétien soutiendra cette résolution en remerciant ses auteurs.
M. Thomas Wenger (S). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, on l'a dit, les chiffres sont malheureusement implacables pour nos viticulteurs et viticultrices genevoises et suisses. La consommation de vin en Suisse a diminué de 22% en trente ans, on l'a dit; la consommation de vin est passée de 124 millions de litres en 1994-1995 à 87 millions de litres en 2017 et, Monsieur le président, je vous assure que ce n'est pas faute de faire des efforts personnels pour essayer d'inverser cette tendance ! Oui, les viticulteurs suisses et genevois souffrent, premièrement du tourisme d'achat; deuxièmement, des importations non déclarées; troisièmement surtout, d'une concurrence déloyale de vins étrangers qui proviennent des quatre coins du monde.
Souvent, les conditions de travail des gens qui travaillent dans ces différentes vignes sont précaires: ces personnes sont totalement sous-payées, travaillent souvent dix ou douze heures par jour, voire plus en période de vendanges, dorment souvent dans des dortoirs, tout ça six jours sur sept voire sept jours sur sept. Que dire du bilan carbone des nombreux vins qui arrivent aujourd'hui dans nos supermarchés du Chili, d'Australie ou de Californie ? Imaginez, Mesdames et Messieurs, que ces vins ont fait la moitié du tour du monde en bateau et qu'ils arrivent dans nos supermarchés en étant encore quatre à cinq fois moins chers que nos vins suisses ! Donc oui, le parti socialiste partage les constats inscrits dans cette proposition de résolution.
Par contre, pour nous, la réponse donnée par l'Union démocratique du centre est totalement hypocrite et totalement démagogique ! D'abord, renégocier les accords OMC ou les accords de libre-échange pour le vin suisse se fera au détriment d'autres produits. Lesquels ? Ce sont le gruyère ou les montres suisses qu'on ne pourra plus exporter, ou moins ? C'est quand même une question qu'on devrait se poser et que ce texte ne pose absolument pas !
L'autre chose, que je n'ai pas le temps de développer, c'est qu'en 2018, il y a eu deux initiatives, vous vous en souvenez: une pour les aliments équitables, l'autre pour une souveraineté alimentaire. Ces deux initiatives allaient dans ce sens: protection de l'environnement, respect de conditions salariales et sociales pour les produits importés voire barrières douanières quand ce n'était pas respecté. Qui sont les partis qui se sont retrouvés dans l'opposition à ces deux initiatives en 2018 ? Le PDC, le PLR, le PBD et, bien entendu, l'UDC ! Ces comités d'opposition ont fait capoter ces deux initiatives, refusées à plus de 60% par la population. Nous nous abstiendrons donc et nous refuserons ce texte - nous sommes un peu partagés - car nous sommes contre des solutions démagogiques et hypocrites qui ne répondent pas aux problèmes actuels de notre viticulture.
Présidence de M. François Lefort, premier vice-président
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames les députées, Messieurs les députés, il y a sans doute du vrai dans ce que vient de dire M. le député Thomas Wenger; néanmoins, Ensemble à Gauche soutiendra cette résolution, tout en soulignant le fait que c'est un texte corporatiste et à courte vue, qui ne fait que regarder les problèmes par le petit bout de la lorgnette, sans proposer de solution globale à un problème global qui ne concerne bien sûr pas que les viticulteurs suisses.
J'aimerais commencer en vous rappelant par exemple que chaque année, la Suisse importe 285 000 tonnes de soja. On importe donc plus de soja étranger que de vin étranger et ce soja est importé pour produire des poulets que nous allons manger. On pourrait aussi relever que la Suisse exporte des produits chimiques - dangereux et interdits en Suisse - qui permettent de produire le soja et le vin que nous importons ensuite ! Se contenter de limiter les importations de vin, on peut dire que c'est un tout petit premier pas, mais évidemment, ce n'est pas une solution ! Les solutions, elles existent, bien sûr ! Il faut limiter les importations pour protéger les producteurs suisses et il faut surtout exiger des produits importés le respect des normes environnementales, le respect des normes sociales: il n'est pas admissible d'autoriser l'importation en Suisse de produits cultivés dans des conditions qui ne seraient pas licites dans notre pays. Nous fixons des normes sociales, nous fixons des normes environnementales que les agriculteurs suisses, mais aussi les entreprises suisses respectent dans l'ensemble - enfin, sauf certaines à l'aéroport ! - alors que nous acceptons l'importation de produits fabriqués dans des conditions humainement inadmissibles. C'est cela qu'il faut changer, ce système dans lequel on cherche globalement à fabriquer les produits là où ça coûte le moins cher. Or, l'endroit où ça coûte le moins cher, c'est forcément l'endroit où il n'y a pas besoin de respecter des normes sociales; c'est forcément l'endroit où il n'y a pas besoin de respecter de normes environnementales. Donc, on externalise là où il n'y a pas de droits, là où il n'y a pas de règles, là où les syndicats sont réduits à néant, là où on frappe et assassine les syndicalistes, là où rien n'est respecté ! Mesdames et Messieurs, le problème, il est là !
Alors bon, j'ai envie de dire, pourquoi pas ? Nous allons voter cette résolution, mais vraiment du bout des lèvres et en espérant qu'un jour nous pourrons faire avancer un projet social plus global qui permettra de dire que les normes sociales doivent être respectées partout sur la terre et que le rôle que la Suisse peut jouer, c'est au moins d'exiger que lorsqu'on importe un produit de l'étranger, il soit produit dans le respect des normes sociales ! (Applaudissements.)
Mme Claude Bocquet (PDC). Je n'avais pas prévu de prendre la parole, mais je voulais juste dire que j'étais quand même partiellement d'accord avec mon préopinant disant qu'il faudrait que l'agriculture soit sortie des accords de l'OMC et que chaque pays doit pouvoir nourrir sa population. Je voulais également dire que le PDC Genève a soutenu l'initiative sur la souveraineté alimentaire !
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, j'étais intéressé d'entendre M. Wenger tout à l'heure: autant dire qu'il a tort ! Vous en conviendrez, Monsieur Wenger, quand on passe à des projets trop globaux, une chose est certaine: on met tout dans un ensemble et les particularités ne ressortent pas. Cela fait qu'on est parfois amené à rejeter de tels projets.
Cette fois-ci, par cette résolution pour les viticulteurs, nous avons essayé d'isoler un problème dont on a entendu qu'il était manifeste et nécessitait d'agir. Vous ou M. Bayenet avez même parlé des problèmes écologiques, je crois que c'est aussi une chose. J'aimerais simplement vous demander si nous ne devrions pas avancer à petits pas, en regardant secteur après secteur, en tout cas pour notre agriculture qui fait aussi l'arrangement de notre paysage et la beauté de notre pays.
Pour le reste, mon Dieu, je dois dire que vous avez tort: l'UDC essaie de se renouveler. Notre branche est peut-être plus agrarienne qu'outre-Sarine et nous sommes très sensibles à ce genre de choses, en tout cas pour notre paysage et pour nos paysans, voire pour notre élevage. Nous ne pouvons donc que vous inciter à accepter ce premier pas, même si ce n'est qu'un premier et petit pas, j'en suis conscient. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote.
Mise aux voix, la résolution 904 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale par 49 oui contre 1 non et 30 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous continuons nos urgences avec le PL 12368-A, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. La parole est demandée par le numéro 0203 que je prie de bien vouloir insérer sa carte d'identification... Merci, Monsieur Vanek ! Je vous donne donc la parole.
M. Pierre Vanek. Monsieur le président, je suis rapporteur de minorité !
Le président. Excusez-moi, je n'avais pas vu le rapporteur de majorité ! Monsieur le rapporteur de majorité Pierre Eckert, vous avez la parole.
M. Pierre Eckert (Ve), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons affaire ici à un projet de loi issu d'une situation désagréable, qui reprend une certaine actualité dont nous n'aimerions plus entendre parler ces prochains temps - c'est du moins ce que nous espérons ! Un projet de loi a été déposé par Ensemble à Gauche, par mon collègue Bayenet, qui formule une demande - je vous lis le texte initial: «Les conseillers d'Etat et conseillers d'Etat élus ne peuvent accepter pour eux-mêmes aucun cadeau ou avantage, ni en nature ni en espèce, ni aucune promesse de cadeau ou d'avantage, du jour de leur élection jusqu'à la fin de leur mandat [...]» Nous en avons discuté pendant un certain temps à la commission des droits politiques; nous avons auditionné un certain nombre de personnes et d'experts, dont le président de l'Observatoire du crime organisé, une professeure de droit, le président du Conseil d'Etat et M. Michel Hottelier, professeur de droit constitutionnel à l'université. Nous avons pris un certain nombre de conseils pour essayer de voir ce qu'il en était par rapport à ce projet de loi.
Ce qu'il faut dire tout d'abord, c'est que certaines des situations concernant les avantages excessifs que des personnes peuvent recevoir, notamment des conseillers d'Etat, sont régies par le code pénal: il y a dans le code pénal des articles concernant la corruption. La corruption concerne tout le monde et nous concerne donc en tant que députés. La corruption est répréhensible et ne peut pas être admise; elle consiste à recevoir des avantages en échange de contreparties qui pourraient être accordées.
Je prendrai sur le temps de mon groupe pour la suite.
Ce qu'il faut savoir, c'est que l'ensemble de la fonction publique est soumise à un règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration - le RPAC - qui dit qu'on ne peut pas recevoir plus que 100 francs dans la pratique; c'est valable pour l'ensemble du personnel de l'Etat. Or, il se trouve que le Conseil d'Etat n'est pas du tout soumis à ce règlement. Nous nous sommes ensuite demandé si le Conseil d'Etat pouvait recevoir des avantages dans le cadre de sa fonction. C'est assez difficile à établir. Une fois de plus, la majorité de la commission a estimé qu'il était un peu excessif de penser qu'un conseiller d'Etat ou une conseillère d'Etat ne pouvait pas recevoir des avantages ou des cadeaux même dans un cadre totalement privé, ce qui était demandé dans l'article initial. Celui-ci prévoyait également une rétroactivité. La grande majorité de la commission n'a pas pris en considération la possibilité de cette rétroactivité.
Ensuite, nous avons reçu un amendement proposé par le Conseil d'Etat qui a tenté de reprendre une formulation fédérale. Il existe en effet une règle du Conseil fédéral sur l'acceptation des dons, que nous avons reprise. Cet article prévoit que l'acceptation d'avantages de faible importance conformes aux usages sociaux n'est pas considérée comme une acceptation de don au sens de l'alinéa que nous avons fixé ici. Nous avons donc accepté cet amendement proposant de reprendre le texte du Conseil fédéral.
J'aborde rapidement le rapport de minorité: mon collègue va déposer un certain nombre d'amendements. Je vous dirai juste qu'il propose un premier amendement qui consiste à dire, au lieu de «en fonction»... (Remarque de M. Pierre Vanek.) Ça va venir ! Bon, Monsieur Vanek, je contrerai vos arguments plus tard et je m'arrête ici, merci !
Le président. Merci, Monsieur le député. Ce serait effectivement plutôt au rapporteur de minorité de présenter ses amendements ! Monsieur le rapporteur de minorité, je vous donne donc la parole.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Merci de m'accorder la parole, Monsieur le président ! Rapidement, nous soutenons bien sûr l'excellent projet de loi déposé par Ensemble à Gauche sur cette question et nous le voterons in fine. Je ferai quand même deux ou trois remarques.
On nous a reproché, du côté de ceux qui ne vont pas accepter ce texte, de faire une loi pour un cas, une seule personne. Or, la personne en question dit maintenant qu'une autre personne au moins était concernée, etc. Je crois donc que c'est un domaine qui doit être réglementé. Michel Hottelier l'a clairement dit, et ce n'est pas quelqu'un de notre bord; il a clairement dit à la commission que la responsabilité individuelle, ça allait un moment, mais qu'il fallait réglementer en ce domaine !
La commission n'a pas fait preuve d'une grande audace puisqu'elle a repris un amendement général du Conseil d'Etat qui a, lui, repris l'ordonnance sur l'organisation du Conseil fédéral. Celle-ci présente quelques défauts que j'aimerais corriger par mes trois modestes amendements.
Le premier amendement consiste à reprendre les règles qui figurent dans le RPAC. Il y a une dimension symbolique à soumettre le Conseil d'Etat à la même règle que celle à laquelle sont soumis ses subordonnés; cette règle interdit aux membres du personnel d'accepter des dons ou autres avantages pour eux-mêmes ou pour d'autres personnes en raison de leur situation officielle. C'est, je crois, plus clair que la formulation qui parle des dons ou avantages reçus «dans le cadre de leur fonction», qui figure dans le texte majoritaire, parce que «dans le cadre de leur fonction», ça peut s'interpréter: on dira qu'untel n'était pas «dans le cadre de ses fonctions», mais qu'il était en vacances quand il a bénéficié d'un avantage ! C'étaient ses vacances, il n'était pas dans le cadre de ses fonctions... Je crois que dire «en raison de leur situation officielle» apporte une précision. C'est le premier amendement.
Le deuxième amendement porte sur les montants. On dit - et c'est juste - que l'acceptation d'avantages de faible importance et conformes aux usages sociaux est recevable et que le règlement du Conseil d'Etat admet les dons inférieurs à 100 francs mais pas au-delà. Eh bien, on aimerait que le Conseil d'Etat ait une règle explicite en ce domaine à opposer, le cas échéant, à des donateurs qui voudraient faire plaisir; je crois que ça lui rendrait aussi service. Le deuxième amendement dit que les dons d'un montant inférieur à 100 francs sont acceptables; la précision porte sur le montant inférieur à 100 francs.
Enfin, on nous a objecté qu'on ne pouvait pas demander la rétroactivité dans le texte - le projet de loi initial prévoyait que les dons reçus durant un précédent mandat devraient être reversés. Certes, il y a une loi de ventôse de l'an je ne sais pas combien qui dit qu'on ne fait pas de la rétroactivité, mais notre loi est ici du même rang législatif que la loi de ventôse ! En droit, pour faire quelque chose de très modestement rétroactif, il faut que ce soit expressément prévu par la loi: ce serait le cas. Il faut que ce soit raisonnablement limité dans le temps: ce sera le cas. Il faudrait que cela se justifie par des motifs pertinents: ici, le motif pertinent est qu'on aimerait que bien mal acquis ne profite pas. Il faut que cela n'engendre pas une inégalité choquante: ce n'est pas le cas. Il faut que cela ne porte pas atteinte à des droits acquis: il n'y a évidemment aucun droit pour des conseillers d'Etat qui auraient reçu des dons de cet ordre à les conserver.
Je vous invite donc à voter ces trois amendements modérés et raisonnables, qui précisent la portée du projet que nous allons voter ce soir - tous ensemble, j'espère !
Le président. Merci, Monsieur le rapporteur de minorité. La parole est maintenant à M. le député Christian Bavarel pour une minute et dix-sept secondes.
M. Christian Bavarel (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme probablement toute la population, la commission a jugé totalement insupportable que certaines personnes dans cette république puissent toucher des avantages qui relèvent de la corruption; d'ailleurs, la justice s'en charge. On s'est rendu compte qu'il fallait préciser deux-trois choses, et c'est ce qui se passe.
D'un autre côté, la commission s'est rendu compte qu'en entrant dans ce type de procédure et de logique il fallait qu'on fasse aussi attention à garder des règles qui permettent à des êtres humains de vivre ensemble et de simplement échanger une bouteille au moment de dire merci. Parfois, c'est la moindre des choses. Parfois, c'est juste de la courtoisie et de la politesse que d'amener un panier de légumes, quelques pots de miel ou une bouteille pour dire à quelqu'un qu'il était le bienvenu ou que c'était un plaisir de l'avoir reçu.
Ce sont ces règles-là que la commission vous propose de clarifier et de voter ce soir, sans passer à une sorte d'intégrisme insupportable ni à une logique d'acceptation de la corruption qui serait aussi insupportable. Je vous propose donc simplement de faire bon accueil à ce projet de loi.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Monsieur le président, en préambule, j'aimerais saluer la qualité du travail effectué en commission, que ce soit par le biais des auditions ou des interventions des différents membres de la commission, ainsi que la qualité des rapports qui nous ont été rendus. Cela étant, notre groupe votera non à ce projet de loi pour les raisons suivantes.
Pour le premier point, M. Vanek a cité tout à l'heure le professeur Hottelier, d'ailleurs très souvent auditionné dans cette commission. Je me souviens que lorsqu'il a été auditionné, le professeur Hottelier a rappelé qu'il préférait l'application d'une éthique naturelle dans ce genre de cas. Il a déploré, il est vrai, que cette éthique naturelle ne soit pas toujours très spontanée. On peut le déplorer avec lui. Cela étant, au sein de notre groupe, nous n'aimons guère élaborer des projets de lois pour un cas avéré. Ce n'est pas dans notre façon d'agir en général, ce d'autant plus qu'il nous a été donné de prendre connaissance du règlement interne du Conseil d'Etat qui prévoit un certain nombre de normes et un maximum ou plafond pour les dons que les conseillers d'Etat sont susceptibles de recevoir.
Nous serions prêts à entrer en matière si l'ensemble de ces règles était également applicable aux députés. En commission, on m'a précisé que les députés étant membres d'un simple organe législatif et n'ayant aucun pouvoir, il n'était pas nécessaire de légiférer dans ce cas.
C'est pour ces différentes raisons que nous ne soutiendrons pas ce projet de loi et que nous rejetterons également les trois amendements déposés par Ensemble à Gauche.
M. Pierre Conne (PLR). Monsieur le président, chers collègues, le groupe PLR votera le projet de loi tel que sorti de commission. Pour rappeler ce qui a déjà été dit mais qui nous paraît important, le texte initial présentait évidemment un aspect revanchard et excessif. Tout d'abord, il ne faisait pas de distinction entre les cadeaux reçus à titre privé et dans le cadre de la fonction. Il envisageait un effet rétroactif sur l'ensemble de la législature en cours, pour un conseiller d'Etat éventuellement concerné par l'acceptation d'un cadeau.
La commission aurait évidemment rejeté dans sa grande majorité ce projet de loi et c'est le Conseil d'Etat lui-même, lors de son audition, qui nous a convaincus - ou a tout au moins convaincu la majorité de la commission - qu'en l'état actuel, il y avait une réelle lacune réglementaire en la matière. Il nous a simplement rappelé ou fait savoir que la pratique existait concernant les conseillers fédéraux et nous a cité l'article 8 de l'ordonnance sur l'organisation du Conseil fédéral. Dès lors, la commission a invité la chancellerie à adapter le texte de l'ordonnance concernant le Conseil fédéral au Conseil d'Etat; c'est ce texte qui nous est soumis aujourd'hui comme amendement général au projet de loi initial et que nous vous invitons à accepter. Ce texte comblera une lacune et donnera un cadre à ces situations. Cela permettra au Conseil d'Etat de recevoir des cadeaux et de les recevoir en toute transparence, avec des règles d'acceptation, de refus ou de restitution parfaitement expérimentées au niveau fédéral et qui ne poseront pas de problème au Conseil d'Etat.
Nous vous invitons donc, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, à accepter ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, cela a été dit lors des débats en commission et répété par plusieurs experts, la corruption commence toujours par des petits cadeaux sans contrepartie. Habituellement, une personne qui souhaite corrompre un magistrat ne va pas tenter de conclure un deal si elle n'a pas commencé en lui offrant de petits cadeaux, une bouteille de vin, deux bouteilles de vin, un carton de bouteilles de vin, en l'invitant au restaurant, en lui prêtant quelques jours un appartement au bord de la mer. Petit à petit, la demande de contrepartie s'installe et une fois qu'on a mis le pied, le bras ou la main dans l'engrenage, on ne peut plus s'en sortir !
Le but de ce projet de loi est surtout de protéger les conseillers d'Etat et de leur permettre de s'appuyer sur une base légale claire et connue de toutes et tous. Cela leur permettra de refuser des cadeaux sans se faire traiter d'impolis, en disant: «J'aurais volontiers accepté votre cadeau, mais la loi me l'interdit et, je le regrette, je suis tenu et contraint de refuser.» Ce qu'Ensemble à Gauche souhaite, c'est aider les conseillers d'Etat à respecter des règles morales évidentes et connues de tous. Or, quand c'est écrit dans une loi, c'est plus simple ! Il y a un grand besoin de clarté, c'est pourquoi je regrette que la commission ait en quelque sorte dissous le message principal contenu dans le texte initial qui postulait qu'il n'est pas possible ou extrêmement difficile pour un conseiller d'Etat de faire la distinction entre le moment où il est en fonction et le moment où il n'est pas en fonction. Et la professeure Cassani, qui a été entendue, l'a dit elle aussi: il est très difficile pour un conseiller d'Etat de déterminer ce qui lui est donné dans un cadre privé et ce qui lui est donné dans un rapport avec sa fonction. L'expérience a montré que les hommes et femmes de pouvoir attirent des «amis», entre guillemets, qui recherchent une proximité avec le pouvoir car cela leur est utile pour leurs affaires. L'amendement proposé revient donc un peu en arrière en retenant la raison de la situation officielle plutôt que l'exercice de la fonction. Je vous invite à accepter cet amendement tout en regrettant la formulation initiale.
M. Diego Esteban (S). Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite souligner l'importance concrète de ce projet de loi. Vous le savez, nous sommes à un moment où la confiance entre le peuple et ses élus est régulièrement mise à mal, et ce partout dans le monde. Par conséquent, une attention plus grande est portée au respect d'un certain cadre éthique, en particulier dans les milieux politiques. Enfin, vous le savez, certaines pratiques, aujourd'hui, ne sont plus tolérées comme avant. Quand le peuple est inquiet de ce qu'il n'existe aucune limite aux avantages auxquels ont droit les élus, brandir des règles coutumières et parfois non écrites est tout bonnement insuffisant.
Ce texte retranscrit ces règles coutumières dans la loi et comporte plusieurs avantages: en particulier, une meilleure publicité de ces règles auprès du public ainsi que la clarification d'un certain nombre de règles souvent floues sur la distinction entre un cadeau conforme aux usages, les financements de campagne ou encore le titre 19 du livre 2 du code pénal auquel il a déjà été fait référence plus tôt dans ce débat. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi préconise une évolution démocratique modeste, néanmoins salutaire. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste vous invite à le soutenir tel que sorti de la commission. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, un premier élément important doit être rappelé: les conseillers d'Etat ne sont pas au-dessus des lois et, quoi qu'il en soit, ils restent soumis au code pénal. Il est aussi important de rappeler que le Conseil d'Etat est doté d'une réglementation interne qui ne l'autorise pas à accepter des cadeaux de plus de 100 francs. Lorsque c'est le cas - il peut s'agir de cadeaux qui nous sont donnés par la Genève internationale, par des membres du corps consulaire - nous les apportons à la chancellerie. Aujourd'hui, des règles existent donc; le Conseil d'Etat et le président que vous avez auditionné ont pris acte de la volonté de votre Conseil de légiférer en la matière.
C'est pour cela que le Conseil d'Etat vous a fait part d'un amendement qui se conforme à ce qui existe dans la loi sur l'organisation du Conseil fédéral; le Conseil d'Etat n'y voit absolument pas d'objection, mais c'était important pour nous de vous rappeler que nous sommes soumis au droit pénal, que nous sommes soumis à une réglementation aujourd'hui déjà, et puis que, manifestement, le droit pénal a été appliqué lorsqu'il a dû s'appliquer. Le Conseil d'Etat n'est donc pas au-dessus des lois et il en va aussi d'une responsabilité individuelle de chacun de ses membres. Ainsi, on le sait, une loi n'a pas pour vocation de changer cette responsabilité individuelle de chacun des membres du Conseil d'Etat. Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat prendra acte de votre vote et vous encourage à soutenir le projet de loi tel qu'il est issu des travaux et soutenu par la majorité.
Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous propose de passer au vote d'entrée en matière sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 12368 est adopté en premier débat par 72 oui contre 18 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. A l'article 10, nous sommes saisis de trois amendements déposés par la minorité. Ils se trouvent aux pages 66, 69 et 70 du rapport et s'affichent également à l'écran. Je lance le vote sur le premier amendement proposé:
«Art. 10, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Les membres du Conseil d'Etat ainsi que la chancelière ou le chancelier ne doivent ni accepter, ni solliciter ou se faire promettre des dons ou autres avantages pour eux-mêmes ou pour d'autres personnes, en raison de leur situation officielle.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 80 non contre 10 oui.
Le président. Nous passons au vote sur l'amendement suivant:
«Art. 10, al. 2 (nouvelle teneur)
2 L'acceptation d'avantages de faible importance conformes aux usages sociaux et d'un montant inférieur à 100 francs n'est pas considérée comme une acceptation de dons au sens de l'alinéa 1.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 80 non contre 9 oui.
Le président. Nous passons au troisième amendement:
«Art. 10, al. 5 (nouveau)
5 Les conseillers d'Etat en fonction au jour de l'entrée en vigueur du présent article, qui ont reçu durant leurs mandats actuel ou précédents un cadeau ou un avantage, le restituent au donateur ou le remettent à l'Etat, sauf présent d'usage ou de modeste valeur au sens de l'alinéa 2. Si, de par sa nature, le cadeau ne peut être restitué ni remis, le Conseil d'Etat fixe un montant équivalent à sa valeur, à verser en espèce.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 81 non contre 9 oui.
Mis aux voix, l'art. 10 (nouveau) est adopté.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12368 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 70 oui contre 17 non et 1 abstention.
Présidence de M. Jean-Marie Voumard, président
Le président. Nous revenons à l'ordre du jour et abordons le PL 12548-A, classé en catégorie III. Le rapport est de M. Christo Ivanov. Personne ne sollicitant la parole, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12548 est adopté en premier débat par 79 oui et 6 abstentions.
Le projet de loi 12548 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12548 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 81 oui et 6 abstentions.
Le projet de loi 12142 est retiré par ses auteurs.
Le président. Je lève la séance et vous donne rendez-vous demain à 14h. Bonne soirée !
La séance est levée à 22h45.