République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 2058-B
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition : Non à la décharge de matériaux inertes d'excavation
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 31 octobre, 1er et 7 novembre 2019.
Rapport de Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve)

Débat

Le président. Nous abordons la P 2058-B en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de Mme Delphine Klopfenstein Broggini, remplacée par Mme Adrienne Sordet. Je passe en premier lieu la parole à M. Wicky, qui nous lit le courrier 3918 dont la lecture a été demandée hier.

Courrier 3918

Le président. Merci. Je passe la parole à Mme la rapporteure Adrienne Sordet.

Mme Adrienne Sordet (Ve), rapporteuse ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, la pétition 2058 avait déjà été votée en commission avec une majorité en faveur du renvoi au Conseil d'Etat. Puis, la plénière a voté un renvoi en commission, ce qui a mené à des études complémentaires de la part de la commission des pétitions, et je reviens maintenant auprès de vous avec un rapport ni de majorité ni de minorité, mais de classement, les commissaires étant partagés sur le sujet.

Pour rappel, à travers cette pétition des habitantes et habitants de la commune de Collex-Bossy, la commission a pris connaissance d'un projet de décharge de matériaux inertes d'excavation à cheval sur les communes de Collex-Bossy et de Bellevue. Installé sur la prairie des bisons, il représente 700 000 mètres carrés de terrain, soit l'équivalent de cent terrains de football. Le chantier, organisé en phases, durerait dix ans, et il est estimé qu'il engendrerait le mouvement de deux cents camions par jour, soit trente par heure. Le projet est donc d'envergure s'agissant de son emprise au sol, et si la région n'est pas très dense en habitations, il est prévu aux portes du hameau de Crest d'El, sous les fenêtres des habitantes et habitants, d'où cette pétition.

Suite aux auditions des maîtres d'ouvrage et des éleveurs de bisons, les députés sont restés divisés sur cet objet lors du vote en commission: la moitié - le PDC, le PLR et le MCG - estime ce projet pertinent puisqu'il est réalisé dans une zone peu peuplée, qu'un phasage sur dix ans est prévu et que la reddition d'une part de terres agricoles est possible au bout de cinq années déjà. De plus, la décharge est prévue le long de l'autoroute, ce qui participe largement à sa minimisation; par ailleurs, la taille du projet est un atout puisqu'il permet de concentrer le tout au même endroit, plutôt que de morceler le territoire avec de plus petites décharges. L'autre moitié de la commission, composée des Verts, du parti socialiste, d'Ensemble à Gauche et de l'UDC, estime que la crainte des pétitionnaires est légitime et qu'il est important que le Conseil d'Etat réévalue l'ampleur du projet tout en préservant la qualité de vie des habitants et habitantes. Ce n'est pas un vote contre le projet de décharge, mais bien un vote pour son redimensionnement: son emprise territoriale est énorme et particulièrement proche des premières habitations, notamment de Crest d'El.

Si les positions sont opposées, la commission dans son ensemble reconnaît pleinement l'importance de traiter nos déchets sur notre territoire et le fait que le projet de décharge répond en partie à cet objectif. En effet, chaque année, nous produisons 3,6 millions de tonnes de matériaux inertes d'excavation à Genève. Sur cette énorme masse, aujourd'hui, 50% sont pris en charge à Genève et 30% partent en France. Nous devons bien sûr trouver des solutions pour ne pas exporter nos déchets, par exemple au moyen de la revalorisation des matériaux sur place.

En conclusion, pour les raisons évoquées précédemment et que mes collègues détailleront peut-être davantage, une partie de la commission préconise le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil, tandis que l'autre partie souhaite le renvoi au Conseil d'Etat. Se retrouvant à égalité lors du vote en commission, le renvoi tout comme le dépôt ont été refusés, ce qui aboutit à cette décision de classement de la pétition. Merci.

M. Alexis Barbey (PLR). J'aimerais d'abord saluer l'objectivité du rapport de ma préopinante, qui a présenté les deux points de vue autour desquels la commission était divisée. Je mettrai en avant trois éléments.

Le premier est que lors du travail complémentaire que la commission a réalisé sur ce projet, on nous a montré des projections de la vision que les habitants de Crest d'El auraient de cette décharge: on a pu constater qu'elle aurait assez peu d'emprise sur le paysage global et que les habitants ne perdraient donc pas leur vue, ce qui était important pour tout le monde.

Je voulais relever également que les terres actuelles qui constitueront le lieu de cette décharge sont tellement arides qu'on ne peut y faire pousser que de l'herbe à bisons. C'est ce qui a été fait pendant de nombreuses années; ce ne sera pas une grande perte pour l'agriculture. En revanche, une fois que ces terres seront réhabilitées et revalorisées par cette décharge, elles pourront redevenir des terres agricoles riches qui offriront des solutions aux exploitants.

Enfin, dernier point, l'installation de cette grande décharge à cet endroit-là est la solution la plus écologique qui soit, puisqu'elle évite de transporter par camion en France voisine les gravats résultant de nos constructions. Ne serait-ce que pour cet aspect-là, cela vaut la peine de s'y attarder. C'est pourquoi la «ni minorité ni majorité» de la commission vous propose le dépôt sur le bureau du Grand Conseil. Je vous remercie.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, l'excellent rapport fait mention de l'historique du projet, de la taille du chantier ainsi que des craintes des pétitionnaires liées notamment aux nuisances, ce que nous prenons très au sérieux. Concrètement, les engins utilisés ont été choisis avec soin pour diminuer les problèmes de pollution, les problèmes liés à la poussière et au bruit ont été anticipés, mais ne soyons pas angéliques: il s'agit bien d'un chantier !

Concernant les terres agricoles, les personnes auditionnées ont pu préciser qu'il y a quand même des nouvelles positives, mon préopinant l'a évoqué. L'agriculteur devra déplacer son bétail sur une autre prairie mais verra la qualité de sa terre améliorée, ce qui devrait permettre aux générations futures de choisir le type de cultures qu'elles souhaiteront, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, puisque l'état de ces terrains est, d'un point de vue agronomique, déplorable - non pas en raison de mauvaises pratiques du paysan, mais bel et bien en raison des anciens remblais de l'autoroute qu'on y a placés.

Si les nuisances sont clairement identifiées, le rapport signale toutefois des mesures compensatoires, qui ne sont pas négligeables: retour de terres exploitables prises par l'autoroute, construction d'une piste cyclable sur la route de Colovrex sans frais pour la commune, plantation de 1200 mètres linéaires d'arbres, plantation de 1500 mètres linéaires de haies vives, mise en place d'une prairie maigre permettant le développement de la biodiversité - il est toujours utile de répéter que près de 40% des espèces végétales et 50% des espèces animales habitent les prairies et pâturages secs et que de nombreux animaux et plantes menacés, comme les orchidées et les papillons, sont dépendants d'une bonne gestion de ces prairies. Durant les soixante dernières années, la surface de ces habitats a régressé de 90%. Ils sont rares à Genève et devraient être pleinement soutenus par celles et ceux qui n'ont de cesse de réclamer plus de nature.

Cependant, les nuisances, la durée du projet et sa taille sont autant d'informations qui font quand même craindre le pire et qui justifieraient une meilleure information, un meilleur travail en profondeur. Les plus-values à moyen terme sont à relever, elles ne sont pas négligeables: retour de terres agricoles, où la production pourra être diversifiée et non plus uniquement tournée vers l'élevage, plantation d'arbres et de haies vives, prairie maigre, piste cyclable, je l'ai dit; mais cela doit être encore vérifié. En raison d'éléments nouveaux, le parti démocrate-chrétien demande le renvoi au Conseil d'Etat. Je vous remercie, Monsieur le président.

Mme Léna Strasser (S). Mesdames et Messieurs les députés, le projet mis en cause par cette pétition est nécessaire pour la gestion des matériaux inertes d'excavation de notre canton; sur ce fait, comme l'a mentionné Mme la députée Sordet dans son rapport, la commission était peu partagée. Des mesures ont été prises, nous a-t-on dit, pour éviter les nuisances au maximum. Mais sur un chantier d'une telle envergure, éviter les nuisances n'a, semble-t-il, pas le même sens pour les pétitionnaires que pour le Conseil d'Etat et les porteurs de ce projet. Dès lors, le groupe socialiste soutient le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat afin qu'un redimensionnement soit envisagé, pour une décharge un peu plus petite et à une distance un peu plus importante des habitations, ce qui sera certes moins rentable pour les sociétés porteuses du projet. Les pétitionnaires nous ont affirmé pouvoir entrer en matière sur une négociation autour de l'envergure de la décharge. C'est dans cette optique et au vu des informations complémentaires reçues après les auditions que nous souhaitons renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat.

M. Stéphane Florey (UDC). Le groupe UDC soutiendra, comme il l'a fait en commission, le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Nous estimons qu'à ce stade, le projet n'est de loin pas abouti. Il y a trop de questions en suspens, notamment sur les inquiétudes exprimées par la population. On le voit encore dans le courrier qui a été lu: il y a un manque d'information, un manque d'études concernant toutes les nuisances qui ont été évoquées lors des travaux de commission, et l'ampleur même du projet ne satisfait à peu près personne. Il devrait donc être largement revu ou en tout cas retravaillé. Pour toutes ces raisons et celles qui ont été évoquées aujourd'hui, nous vous recommandons de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Philippe Poget (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, comme l'ont déjà bien expliqué notre rapporteure de majorité-minorité ainsi que mes préopinants, après un deuxième traitement, cette pétition a débouché sur des positions divisées, alors qu'elle avait été largement acceptée lors du premier traitement. Je pense que le rapport nous a présenté clairement quels étaient les enjeux et la nécessité de trouver un site pour réaliser ce type de projet. Mais, à notre avis, celui-ci fait fi d'impacts trop importants pour les riverains. Si nous demandons maintenant également le renvoi au Conseil d'Etat, ce n'est pas un vote contre un projet de décharge - nous savons que c'est nécessaire - mais c'est vraiment pour que l'on puisse le réétudier et le réévaluer. Même si les compensations annoncées, comme l'a relevé Mme von Arx-Vernon, ne sont pas négligeables, nous pensons qu'il faut quand même continuer à travailler sur la grandeur du projet et les compensations.

Oui, nous devons assumer nos déchets, mais nous devons vraiment arriver à minimiser l'impact sur la population et pas forcément concentrer ce type de projets sur les emplacements qui souffrent déjà d'autres «inconvénients», entre guillemets, comme c'est le cas à Collex avec les nuisances du trafic autoroutier et du trafic aérien. Le fait de devoir réévaluer ce type de décharge signifie aussi que nous devons continuer à travailler sur la revalorisation et le recyclage de ce type de matériaux inertes. En effet, je pense qu'une partie de la solution est d'arrêter de simplement placer ces matériaux dans des décharges et de mieux travailler sur leur revalorisation. C'est pourquoi nous vous demandons de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat pour lui enjoindre de retravailler sur l'emprise et surtout de prendre en compte sérieusement l'impact de cette décharge sur la qualité de vie des riverains. Je vous remercie.

Le président. Merci bien. Nous allons maintenant procéder au vote. Nous votons tout d'abord - écoutez bien - sur les conclusions de la commission des pétitions, à savoir le classement de cet objet.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des pétitions (classement de la pétition 2058) sont rejetées par 76 non contre 9 oui et 1 abstention.

Le président. Je soumets à présent à vos votes le renvoi au Conseil d'Etat de cette pétition.

Mis aux voix, le renvoi de la pétition 2058 au Conseil d'Etat est adopté par 72 oui contre 9 non.