République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 octobre 2019 à 20h30
2e législature - 2e année - 5e session - 23e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia et Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anne Marie von Arx-Vernon, Pablo Cruchon, Amanda Gavilanes, Serge Hiltpold, Véronique Kämpfen, Patrick Lussi, Philippe Morel, Daniel Sormanni, Vincent Subilia, Stéphanie Valentino et François Wolfisberg, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Pierre Bayenet, Natacha Buffet-Desfayes, Emmanuel Deonna, Joëlle Fiss, Florian Gander, Patrick Hulliger, Sylvie Jay et Christina Meissner.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de procureures. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Les procureures entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames, vous êtes appelées à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme magistrate du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mmes Sophie Brocco et Nina Sauerwein.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
MM. Claudio Mascotto, Gregory Orci, Fabrizio La Spada et Sylvain Lotterio.
M. Sylvain Lotterio: entrée en fonction après examen de la compatibilité par le Conseil supérieur de la magistrature.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Premier débat
Le président. Nous commençons nos urgences avec les PL 12477-A et PL 12093-A que nous traitons en catégorie II, cinquante minutes. Je passe la parole à Mme Diane Barbier-Mueller.
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, les PL 12477 et PL 12093 concernent tous deux l'article 4A de la loi générale sur les zones de développement, la LGZD, qui définit les ratios des différents types de logements qu'il est possible de construire dans la zone de développement. Il faut savoir que cette disposition, telle qu'elle a été élaborée, prévoyait une durée de validité de dix ans; arrivé à échéance en 2017, son délai a été prorogé jusqu'en 2019. Voilà la raison de l'urgence demandée aujourd'hui.
Les travaux de commission ont duré deux ans en raison de la complexité technique du sujet et de l'importance des enjeux. Après de nombreuses auditions et des réflexions approfondies, la majorité de la commission a conclu que le maintien de l'article 4A actuel était la meilleure solution. C'est l'objectif du PL 12477 qu'elle a décidé de soutenir.
L'article 4A est le résultat d'un accord sur le logement conclu en 2007 entre plusieurs acteurs immobiliers issus de tous les bords politiques. Dans l'immobilier, comme son nom l'indique, il faut du temps pour opérer des changements, donc on commence tout juste à ressentir... Qu'est-ce qui s'est passé avec le chronomètre ? (Remarque.) Ah, c'est juste ? D'accord, excusez-moi. Je reprends: dans l'immobilier, il faut du temps pour opérer des changements, donc on commence tout juste - depuis environ trois ans, je dirais - à ressentir les effets de cet accord. Voici les observations qu'on peut émettre: concrètement, la production a doublé - elle est aujourd'hui de 2000 à 2500 logements par an - tandis que le taux d'appartements vacants est passé de 0,15% à 0,51%. En modifiant la disposition, on risque de créer un déséquilibre susceptible de ralentir cette croissance bénéfique.
Le PL 12093, quant à lui, favorise deux catégories d'habitations: d'une part les logements sociaux pérennes qu'on appelle LUP, puisqu'il est demandé d'en construire 50% - sachant qu'on atteint déjà les 20% aujourd'hui - d'autre part les logements locatifs, qui constituent à l'heure actuelle 63% de l'ensemble du parc immobilier cantonal. Pourtant, au sein de la population, la demande la plus forte concerne les logements en propriété, c'est-à-dire les villas ou la PPE. En effet, les gens souhaitent le plus souvent être propriétaires, et non locataires, donc il faut leur proposer une offre adéquate. Sans parler du cercle vertueux que cela entraîne: un ménage qui achète un appartement libère celui qu'il loue, ce qui en libérera d'autres également. La croissance démographique provient surtout, les chiffres le montrent, de l'immigration.
En diminuant le nombre d'appartements en PPE, on génère un exode de la classe moyenne. Or pour continuer à financer la politique sociale généreuse de Genève, si chère au coeur de la gauche, nous devons garantir le maintien des recettes fiscales nécessaires et donc construire, en l'occurrence des habitations en propriété, pour la frange de la population qui subventionne les logements sociaux. Il est essentiel de répondre aux besoins de l'entier des Genevois; l'accord de 2007 avait le mérite de respecter les intérêts des uns et des autres. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, la majorité de la commission vous invite à rejeter le PL 12093 et à adopter le PL 12477. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. La parole est à M. David Marti... Martin, pardon ! (Rires.)
M. David Martin (Ve), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, de par son attractivité, notre canton vit une situation que vous connaissez bien, celle d'une pénurie de logements extrêmement forte, qui s'accompagne d'une recherche de rendements immobiliers élevés. Sans les outils de politique du logement que constituent la LDTR et la LGZD, dont on parle maintenant, il serait presque impossible de se loger à Genève.
L'article 4A de la LGZD définit les différentes catégories de logements qu'il est possible de construire en zone de développement. Actuellement, on observe un décalage entre les types d'habitations choisis pour cette zone et les besoins de la population - un rapport du Conseil d'Etat basé sur des études le pointe du doigt. Les appartements construits dans les zones de développement, typiquement des HM ou des HLM, sont évidemment des logements subventionnés au départ, mais après dix ou vingt ans, ils échappent au contrôle, ce qui fait qu'on n'a pas de croissance stable du parc de logements sociaux. D'autre part, le locatif non subventionné, pourtant très demandé par la classe moyenne, est assez peu privilégié en zone de développement.
Par contre, les développeurs immobiliers peuvent construire jusqu'à 70% de PPE. Certes, il faut de la PPE, mais vous n'êtes pas sans savoir qu'elle n'est accessible qu'à 20% de la population. On voit tout de suite le décalage que ça génère. De plus, avec la politique des PPE, on berce les gens d'illusions, puisque après dix ans, elles aussi sortent du contrôle. Ainsi, une fois qu'on aura construit tout ce qui est constructible, il y aura de nouveau de la spéculation et une flambée du prix des biens.
L'une des intentions du PL 12093 du Conseil d'Etat, c'est de donner davantage de place aux coopératives, en réponse à l'initiative 161 soutenue notamment par les Verts. Les coopératives, c'est la voie du milieu: à cheval entre la PPE et le locatif, elles présentent de nombreux avantages. D'abord, les loyers sont extrêmement bas, parce qu'elles sont non spéculatives et qu'elles cherchent l'intérêt collectif à long terme. A titre d'exemple, la moyenne genevoise pour un quatre-pièces en loyer libre se situe à 1800 francs, tandis que dans le parc des coopératives, on tourne autour de 1000 francs; la différence saute aux yeux.
Ensuite, les coopératives représentent des acteurs de l'innovation. Les exemples de bâtiments écologiques et de participation des habitants sont nombreux. La population s'en rend compte, puisque environ 5000 ménages sont inscrits sur des listes d'attente, ce qui montre la forte demande. Enfin, les coopératives sont une façon de faire du logement abordable sans coût pour l'Etat, un argument qui devrait ou aurait dû convaincre la droite, laquelle a cependant refusé d'entrer en matière sur ce projet de loi. Les Zurichois, eux, l'ont bien compris et ont adopté une politique proactive en matière de coopératives: à l'heure actuelle, celles-ci constituent 22% de leur parc locatif contre 4% seulement à Genève.
Le PL 12093 du Conseil d'Etat vise à donner plus de place aux coopératives, je l'ai dit, notamment pour faire des appartements en loyer libre. En effet, si les coopératives sont soutenues aujourd'hui, elles le sont uniquement pour être des acteurs du logement subventionné. Or les coopératives ont aussi un rôle à jouer dans les loyers libres, par exemple pour répondre aux besoins d'une partie de la classe moyenne qui, contrairement à ce que soutiennent le PLR, le PDC et l'UDC, ralliés par le MCG qui crée ainsi une nouvelle majorité de circonstance, n'aspire pas uniquement à de la PPE, mais souhaite également continuer à être locataire, particulièrement dans des coopératives.
En commission, nous avons cherché le compromis en déposant un amendement qui visait à simplifier l'appui aux coopératives grâce à un fonds d'encouragement et de soutien à celles qui proposent des appartements en loyer libre; malheureusement, nous n'avons même pas pu en discuter en raison d'un refus net de l'entrée en matière, et c'est fort dommage. Nous vous invitons dès lors à refuser le PL 12477 et à accepter le PL 12093. (Applaudissements.)
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames et Messieurs les députés, la rapporteure de majorité a parlé d'une durée de traitement importante en raison de la technicité du sujet; c'est vrai qu'il est technique, mais ce n'est pas pour ça que la commission du logement a mis deux ans et demi pour rendre une décision. Non, ce délai est le fruit d'une véritable obstruction parlementaire orchestrée par la majorité de droite de ce Grand Conseil afin de retarder, puis enterrer une réforme pourtant nécessaire aux yeux de celles et ceux qui veulent construire des logements répondant aux besoins de l'ensemble de la population, et non d'une seule classe de privilégiés.
L'objectif de l'article 4A LGZD, qui date de 2007, est d'assurer la réalisation d'un nombre suffisant de logements destinés aux classes moyenne et populaire. La disposition prévoit également une évaluation du dispositif au bout de dix ans. Cette évaluation a été menée, elle a fait l'objet d'un rapport divers du Conseil d'Etat publié en 2015 et qui indique - je cite: «[...] les mécanismes prévus pour développer le parc de logements d'utilité publique, en particulier les leviers territoriaux découlant de la répartition des catégories de logements prévus en 2007 aux articles 4A et 4B de la LGZD, ne permettent pas d'atteindre les objectifs fixés dans des délais raisonnables. Il convient aujourd'hui de mieux mettre en relation les intentions et la réalité des potentiels constructibles.»
Le constat est parfaitement clair et les intentions législatives le sont aussi, puisque la constitution genevoise stipule que l'Etat mène une politique active de mise à disposition de logements bon marché répondant aux besoins prépondérants de la population. Dans sa teneur globale, l'article 5 de la LGZD, quant à lui, précise que les bâtiments locatifs répondent par le nombre, le type et les loyers des appartements à un besoin prépondérant d'intérêt général. Enfin, la loi LUP mentionne que les logements d'utilité publique doivent constituer 20% du parc immobilier.
Or qu'observons-nous aujourd'hui ? Les logements d'utilité publique ne représentent que 10,24% du parc total à Genève, en progression de 0,2% par an. A ce rythme-là, il nous faudra attendre l'an 2068 pour atteindre le but de la loi ! Quand on constate que les mécanismes mis en place ne permettent pas de réaliser les objectifs légaux, la simple logique voudrait qu'on en change. C'est sur cette logique que se sont basés les auteurs de l'initiative 161 pour revoir les ratios des différentes catégories de logements, une réforme ambitieuse qui entendait promouvoir dans une large mesure les LUP, mais également les appartements locatifs. L'initiative a malheureusement été invalidée, mais le Conseil d'Etat s'est appuyé sur le même constat pour déposer le projet de loi 12093 que nous débattons aujourd'hui et qui prévoit de redéfinir les taux des types de logements selon le système des trois tiers: un tiers de logements d'utilité publique, un tiers de logements locatifs libres et un tiers de PPE.
Dans le cadre - ou plutôt à la fin - des travaux de commission, une majorité de droite a décidé de soumettre un deuxième projet de loi, le PL 12477, qui maintient les ratios actuels. Soutenir cette position, c'est purement et simplement nier les faits, c'est nier l'échec de l'article 4A LGZD qui ne permet pas de produire des habitations répondant aux besoins prépondérants de la population, c'est nier le désarroi de plus de 8000 personnes actuellement en attente d'un logement social, c'est nier la frustration de la classe moyenne qui se bat pour les quelque 17% d'appartements libres construits ces dernières années, c'est nier les besoins des classes moyenne et populaire, notamment des jeunes couples qui subissent de plein fouet les effets de la pénurie et la hausse du prix des loyers, tout comme des couples qui se séparent et qui doivent chercher un nouveau toit.
La seule et unique motivation de la droite en déposant le projet de loi 12477 qui maintient l'article 4A LGZD dans sa teneur actuelle, c'est de protéger les intérêts des milieux immobiliers, c'est de défendre les intérêts des plus aisés contre l'intérêt général, c'est de soutenir les profits du capital contre le droit au logement et de faire bloc pour les intérêts particuliers plutôt que pour l'intérêt commun.
On le sait, on le constate, des études le démontrent: 50% des logements construits ces dernières années sont soit des villas, soit des PPE, ce ne sont pas des habitations qui répondent aux besoins de l'immense majorité de la population. En vue de construire des logements abordables qui conviennent à l'entier des habitants, la minorité de la commission du logement vous recommande d'accepter le projet de loi 12093 du Conseil d'Etat et de refuser le projet de loi 12477. Je vous remercie.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames les députées, Messieurs les députés, bonsoir. A l'instar des rapporteurs de minorité de gauche - enfin, les deux rapporteurs de minorité sont de gauche - Ensemble à Gauche vous invite à voter non au PL 12477 et oui au PL 12093.
J'aimerais tout d'abord rappeler que ces projets trouvent leur origine dans une initiative populaire qui avait été lancée notamment par l'ASLOCA, avec le soutien d'une grande partie de la gauche, et qui poursuivait des objectifs très ambitieux en réponse à l'échec de la politique menée en matière de construction de LUP. L'article 4A tel que défini dans l'initiative 161 imposait au moins 80% de logements locatifs et 50% de LUP, il s'agissait d'exigences très élevées. Comme vous le savez, l'initiative a été invalidée par le Tribunal fédéral, raison pour laquelle nous devons aujourd'hui, un peu à contrecoeur, nous rabattre sur le projet présenté par le Conseil d'Etat, qui est évidemment insatisfaisant, mais qui vaut mieux - bien mieux ! - que le statu quo, puisqu'il admet l'échec de la politique actuelle et entend aller plus loin que ce qui a été entrepris jusqu'à maintenant.
J'entends Mme la rapporteuse de majorité dire que ce que la population désire, c'est de la PPE. D'accord, Madame la rapporteuse de majorité, mais il faut distinguer le rêve de la réalité ! Qu'est-ce que c'est, la PPE ? Bien sûr, on aspire tous à être propriétaires, chacun rêve d'être propriétaire, mais il faut bien admettre que seuls 20% des gens peuvent le devenir, tandis que 80% d'entre eux n'en ont pas les moyens. Et ce taux augmente, parce que les conditions de libération des deuxième et troisième piliers tout comme les modalités fixées par les banques pour accorder des prêts ne cessent de se compliquer. Au final, la PPE est réservée à celles et ceux qui ont la chance d'avoir des économies très importantes ou une famille qui peut les soutenir, ce qui n'est pas le cas d'une majorité de la population.
Qu'est-ce que ça veut dire, la PPE ? Ça veut dire de la spéculation, parce que quand on achète un bien en zone de développement, on sait qu'on peut le revendre plus cher après dix ans. Le terrain constructible, qui est notre seule ressource naturelle locale, se raréfie comme peau de chagrin et doit être utilisé dans l'intérêt de tous. Je le répète: il s'agit de notre seule réserve naturelle, et les ressources naturelles doivent être exploitées dans l'intérêt public, elles ne peuvent pas être sacrifiées sur l'autel de la spéculation.
La propriété privée, c'est aussi la possibilité de posséder un logement sans même y habiter. Vous n'êtes pas sans savoir, Mesdames les députées, Messieurs les députés, que de nombreuses communes genevoises connaissent des taux élevés de résidences secondaires. On entend M. le maire de Saint-Julien-en-Genevois se plaindre à longueur de journée sur les réseaux sociaux et dans les journaux du grand nombre de Genevois qui ont une résidence secondaire à Saint-Julien, mais en réalité, beaucoup de personnes venant de Monaco, de Londres, de Dubaï et de je ne sais où encore en possèdent une dans notre canton, donc il y a une sorte de tournus de résidences secondaires: on occupe inutilement la terre, on gaspille, on s'enrichit par la spéculation, on achète de la PPE non pas pour s'y loger, mais pour investir et spéculer. Tout cela, il ne faut pas l'accepter ! Si encore la terre était disponible à l'infini, pourquoi pas, mais il y en a peu, elle est précieuse, il faut l'utiliser quand c'est nécessaire et pour les besoins de la population.
Aujourd'hui, la population a essentiellement besoin de logements d'utilité publique, mais ceux-ci ne constituent que 10% de l'offre à Genève alors que l'objectif fixé par le Conseil d'Etat au moment de l'adoption de l'article 4A était de 20%. Il faut ainsi admettre que la disposition, dans son état actuel, a échoué à atteindre son but. Or que fait-on quand une loi échoue ? Eh bien on la modifie ! Que vous propose donc la gauche ce soir ? De modifier la loi. La droite, quant à elle, préfère le statu quo, elle s'entête à ancrer l'échec dans notre législation.
Mesdames et Messieurs les députés, nous vous invitons à adopter la proposition du Conseil d'Etat, c'est-à-dire le PL 12093, pour faire évoluer les choses, pour nous permettre d'avancer dans une direction qui correspond à nos besoins, et non vers une chimère. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, le traitement de ce projet de loi en commission a été long, c'est vrai, car il s'est fait en deux étapes: une première phase a eu lieu avant le recours de la CGI sur l'initiative 161 et, une fois l'initiative invalidée par le Tribunal fédéral, les travaux de commission ont repris en début d'année dans la nouvelle composition de la commission.
Contrairement à ce qui a été dit par la rapporteure de deuxième minorité, il n'y a pas eu de blocage de la droite, mais plutôt une forte volonté des commissaires de comprendre les tenants et aboutissants du projet de loi. Les membres de la commission ont dû appréhender la complexité de la législation genevoise en matière de logements, par exemple la superposition peu claire des lois LUP et LGL, les définitions floues des MOUP ou la difficulté à déterminer dans quelle catégorie se situent les parcs immobiliers des communes, des caisses de pension et des collectivités publiques. A ce jour, ces questions n'ont toujours pas été entièrement clarifiées.
Il faut également se rendre à l'évidence: à Genève, il n'existe pas de statistiques fiables ou de prévisions quant aux besoins de la population en matière de types de logements, hormis le nombre de demandes déposées dans les fondations de droit public, lesquelles nous communiquent leurs chiffres, ou encore la forte demande en PPE lors de chaque opération en zone de développement.
Autre constatation, la longueur des procédures en ce qui concerne les modifications de zones, la planification foncière ou l'élaboration de PLQ. La construction de bâtiments et la mise à disposition d'appartements constituent les dernières étapes d'un processus qui peut durer des années, voire des dizaines d'années pour certains chantiers ayant débuté avant la mise en vigueur de l'article 4A actuel.
La refonte de l'article 4A opérée par le Conseil d'Etat amène quelques aspects positifs, mais ceux-ci se voient annihilés par les exigences imposées aux opérateurs. La répartition proposée est contraignante, surtout pour de petits périmètres. A l'inverse, la disposition actuelle présente une certaine flexibilité qui offre une marge de manoeuvre aux intervenants, ce qui n'est pas à négliger pour faire avancer les projets à Genève. La preuve: le Conseil d'Etat a annoncé cette semaine que 711 nouveaux LUP avaient été créés en 2018, dont 37% par des coopératives d'habitations. La progression du parc LUP en 2019 devrait être similaire à celle de l'année passée.
Le groupe PDC est favorable à la construction d'habitations non subventionnées pour la classe moyenne en zone de développement. Dans cette optique, une pratique administrative avait été modifiée en 2017, favorisant ce type de logements. Il serait intéressant de déterminer si cet ajustement produit déjà des effets. Nous sommes aussi favorables aux coopératives, lesquelles bénéficient déjà de certaines aides. Cela étant, modifier aujourd'hui des règles du jeu qui ont fait leurs preuves et qui commencent seulement à déployer leurs effets risque de perturber les acteurs de la construction, d'autant que les statistiques confirment la tendance à une augmentation de la production grâce à la teneur de la loi actuelle: 2500 logements sont construits annuellement, de sorte que le taux de vacance est passé de 0,15% en 2006 à 0,56% actuellement.
Pour les raisons évoquées et pour ne pas déstabiliser le marché de la construction, le groupe PDC ne votera pas l'entrée en matière sur le projet de loi 12093, mais soutiendra en revanche le projet de loi 12477 qui maintient la situation actuelle, légitimée par un accord sur le logement, et qui demande au Conseil d'Etat un rapport tous les cinq ans.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, comme cela a été dit par mes préopinants de la minorité, l'article 4A LGZD est dépassé et doit être revu au plus vite. Bien que cette disposition soit née d'un compromis qui, à l'époque, convainquait tout le monde, force est de constater qu'elle ne correspond pas aux besoins de la population et ne nous permettra pas d'atteindre dans des délais raisonnables le taux de 20% de LUP que nous nous sommes fixé comme objectif.
La situation actuelle laisse une marge de manoeuvre bien trop large aux promoteurs. En effet, ceux-ci peuvent construire une quantité de PPE beaucoup trop importante, une catégorie de logements qui est naturellement plus lucrative que les autres. Nous nous devons de réguler ce système pour le bien du plus grand nombre au sein de notre canton, et ce de manière uniforme sur l'ensemble du territoire, autant dans la zone villas que dans la zone agricole.
Mesdames et Messieurs les députés, la révision de l'article 4A LGZD est absolument nécessaire. Le PL 12093 propose la répartition suivante entre les différentes catégories de logements: un tiers de LUP, un tiers de locatif non subventionné et un tiers de PPE. Cette distribution, si elle constitue déjà un compromis, améliore tout de même les choses de façon significative.
Pour trouver un terrain d'entente, la gauche a suggéré de retirer l'une des propositions initiales du projet de loi qui réservait la moitié du deuxième tiers à des logements construits par des maîtres d'ouvrage d'utilité publique. C'est un effort que nous étions prêts à consentir pour que les trois tiers de base soient acceptés, mais avec pour contrepartie de mettre en place un fonds de soutien aux coopératives afin de compenser la perte.
Le résultat du vote en commission n'est que le reflet de la manière dont fonctionne notre société: une majorité de droite protège les intérêts des privilégiés, faisant fi du besoin prépondérant d'une population plus modeste en logements bon marché. C'est mépriser toutes les personnes qui attendent de notre part des solutions pour mettre fin à cette infernale et interminable crise du logement; c'est rendre invisible la souffrance de milliers de gens issus des classes populaires qui peinent à boucler les fins de mois en raison de loyers exorbitants; c'est ignorer les centaines de jeunes qui ne parviennent pas à terminer leurs études parce qu'ils doivent enchaîner les petits boulots pour payer leur lieu d'habitation; c'est nier ce à quoi ressemble notre société aujourd'hui et ce à quoi elle ressemblera demain.
Mesdames et Messieurs les députés de la majorité, laissez-moi vous le dire: le modèle que vous défendez est archaïque et ridicule. Ce que notre génération demande, ce n'est pas une maison avec jardin, ce n'est pas non plus de la propriété par étage - mais ça, on le verra dans quelques années - avec des dettes à vie et des intérêts à payer aux banques, dont le système est d'ailleurs intrinsèquement lié à un développement croissant et non durable; ce que la prochaine génération demande, c'est que chacun puisse vivre dignement, sans se tuer à la tâche pour mériter un toit.
Au vu de toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, je vous encourage à refuser le PL 12477 et à soutenir le PL 12093 afin d'établir une répartition un tant soit peu plus en faveur des habitants que des promoteurs immobiliers de notre canton. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Marc Falquet (UDC). L'UDC partage certaines considérations des préopinants, notamment quant à la spéculation et surtout quant à la raréfaction des terres et au développement durable, c'est très intéressant. Nous déplorons le fait qu'à Genève, dès qu'il reste un mètre carré de terre agricole libre, on veuille le bétonner. On nous dit depuis 1970 qu'il y a une crise du logement, mais ce n'est pas une crise du logement, c'est une crise de la spéculation ! Vous favorisez la spéculation, car celle-ci ne concerne pas la zone de développement, mais les autres zones. Je le répète: la spéculation ne concerne pas la zone de développement.
Parler de pénurie est totalement inexact, et les statistiques démontrent qu'il n'y a pas d'augmentation de la population. Le problème, c'est qu'on fait venir des entreprises, voilà pourquoi il y a toujours plus de monde à Genève. Il faudrait peut-être réfléchir au type de développement qu'on veut pour notre canton et arrêter de prétendre sans arrêt qu'il manque des logements, parce qu'il va toujours en manquer si on continue dans cette voie.
En ce qui concerne les arguments pour voter contre ce projet de loi, nous avons entendu la Fédération genevoise des métiers du bâtiment nous expliquer que si on l'acceptait, on devrait réduire la qualité des logements, car les petites et moyennes entreprises n'arriveraient pas à survivre. Or l'UDC défend les petites et moyennes entreprises qui doivent aussi travailler et être respectées dans cette histoire.
Je voudrais ajouter quelque chose: on bétonne, on bétonne, mais on ne s'occupe guère de la qualité des logements, ce qui est fort dommage. Au final, un nouveau bâtiment devrait participer à l'embellissement de Genève, pas à son enlaidissement comme avec ces barres d'immeubles et autres cubes qu'on voit fleurir partout. Pour l'UDC, il faudrait trouver des alternatives au béton, utiliser des matériaux nobles comme le bois qui contribue à l'embellissement des logements et ne pas oublier qu'on peut végétaliser non seulement les toits, mais également les façades, ce qui améliore par exemple la qualité de vie de ceux qui habitent en face.
Parmi les opposants au projet de loi, relevons encore les communes qui ne tiennent pas forcément à attirer sur leur territoire des habitants qui ne paient pas d'impôts; elles sont donc très réticentes à la mise en oeuvre de ce texte. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, l'UDC vous invite à refuser ce projet de loi. Merci.
M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, un certain nombre de confusions planent à mon avis dans le discours du PDC et du PLR. On nous explique qu'il faudrait maintenir le système en place parce qu'il permettrait de construire plus, alors qu'on n'a précisément jamais autant construit qu'avant la nouvelle politique sociale du logement de 2006, mise en oeuvre en 2007. Dans les années 1980-1990, on a construit un maximum de logements selon le système rappelé par M. Bayenet tout à l'heure, un système de pratiques administratives - 80% locatif, 20% PPE - correspondant aux besoins de la population, ce qui était du reste l'objectif posé par la loi.
C'est à cause d'un problème de planification, faite sur la base de l'augmentation de la population de la fin des années 1990, que l'on a si peu construit au début des années 2000. Genève avait connu une crise importante et perdu 20 000 habitants; de ce fait, la planification n'a de loin pas été à la hauteur de l'augmentation phénoménale de la population de la première décennie des années 2000. C'est évidemment là que réside le problème. L'objectif de la nouvelle politique sociale du logement, comme l'a indiqué M. Martin, était de contrer l'érosion du parc HLM. On a précisément beaucoup construit à cette époque, durant les années 1980-1990, parce que beaucoup de logements sortaient de la période de contrôle de l'Etat, qui était alors de vingt ans, et il fallait donc bâtir un socle pérenne de logements d'utilité publique. A mon avis, la nouvelle politique sociale du logement a été menée un peu à l'emporte-pièce, sur la base de minima, ce qui était déjà à l'époque une erreur: on a en quelque sorte parié sur l'absence de cupidité des promoteurs en disant qu'ils ne se limiteraient pas aux socles minimaux et qu'ils construiraient beaucoup plus. Cela n'a à l'évidence pas été le cas, comme l'a constaté le Conseil d'Etat sept ans après avec les chiffres qui vous ont été rappelés tout à l'heure: 50% des logements ont été destinés à la vente alors que la banque Raiffeisen a publié une étude - vous l'avez sans doute vue dans le courant de l'été - indiquant que seuls 18% de la population ont la capacité financière pour acquérir de la propriété par étage en zone de développement ! On ne parle même pas des PPE en zone ordinaire, où les montants sont très largement surfaits: les chiffres publiés par l'OCSTAT indiquent qu'on est en moyenne à 1,2 million pour des appartements en PPE et à 2,6 millions pour des villas. La population genevoise n'a évidemment pas les moyens de payer des logements aussi chers.
Comme je l'ai dit, cette nouvelle politique sociale du logement a été un échec et le Conseil d'Etat en a fort heureusement pris acte, avec un projet assez minimaliste puisque c'est un projet par tiers, qui va déjà bien au-delà du réel besoin de la population s'agissant de la propriété - ce qui est tout de même l'objectif inscrit dans la constitution et dans la loi. L'article 5 LGZD vise à répondre à un besoin prépondérant d'intérêt général et non pas à répondre à la demande la plus solvable, qui est ce que visent les promoteurs ! Il faut donc limiter l'action de ces derniers, il faut des outils de régulation pour empêcher ce phénomène, sans quoi la crise du logement va continuer à frapper la population genevoise aussi brutalement qu'elle l'a fait ces dernières années - les instruments à l'échelon fédéral sont malheureusement insuffisants.
Le droit du bail existe mais c'est un filet très grossier, qui aujourd'hui ne permet malheureusement pas de répondre à beaucoup de problématiques. Je me permets ici une petite parenthèse: vous avez sans doute vu que même ce filet relativement modeste est brutalement attaqué par le PLR, la Chambre genevoise immobilière, la Fédération romande immobilière et la Société des régisseurs. Pour parer à ces problèmes, il faut donc évidemment déclasser en zone de développement; il faut voter, le 24 novembre, l'initiative 162 qui permet de construire en zone de développement avec des mécanismes de contrôle et en appliquant la loi Longchamp, bien que celle-ci ait ses limites et qu'on souhaite évidemment l'améliorer en permettant à l'Etat d'attribuer aussi une part de PPE selon des critères objectifs, liés au besoin, et non pas selon l'arbitraire du promoteur ou du propriétaire. (Brouhaha.) Il faut également soutenir l'initiative fédérale de l'ASLOCA, soumise au peuple au mois de février, qui permet de favoriser les MOUP et, dans l'immédiat, voter bien entendu le projet de loi du Conseil d'Etat et refuser celui porté par M. Cerutti, par ailleurs membre du comité de la Chambre genevoise immobilière - on voit assez bien d'où vient le projet. (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Je dois formellement dire ici que, si elle est votée, il est impératif de lancer un référendum contre cette loi. On ne peut pas attendre dix ans que les grands projets soient réalisés avec 70% de logements en propriété par étage pour se dire, une fois que les terrains ne seront plus disponibles à la construction, qu'on va peut-être un peu modifier le système. (Brouhaha.) C'est maintenant qu'il faut agir, et nous vous l'annonçons ce soir: un référendum sera lancé si le projet de M. Cerutti est voté. (Applaudissements.)
Le président. Merci. (Un instant s'écoule.) C'est mieux quand il y a un peu de calme. Je passe la parole à M. Patrick Dimier.
M. Patrick Dimier (MCG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais rappeler ici que nous sommes dans une société de marché. Or on sait si une société de marché fonctionne ou pas lorsqu'on met des logements en vente: s'ils ne se vendent pas, c'est soit qu'ils sont trop chers soit qu'il n'y a pas de demande. Je mets au défi n'importe qui de me donner un seul exemple de promotion dont les appartements n'auraient pas été vendus. Il n'y en a pas ! Dès que vous les mettez sur le marché, ils sont vendus !
Le fait de vouloir opposer la propriété à la location est donc une erreur à mes yeux. Ce n'est pas cela qui va résoudre le problème, mais le fait d'abaisser le prix d'entrée des logements. Ce sur quoi il faut travailler, c'est sur l'abaissement du prix d'accession à la propriété. Je rappelle au gouvernement - il aura l'occasion de me répondre - que favoriser l'accession à la propriété fait partie des objectifs de l'Etat: cela figure dans la constitution ! Or je ne vois rien.
J'ai entendu parler de chimère; j'aimerais rappeler à l'auteur de cette phrase mémorable que, en matière de chimère, l'option que sa mouvance a choisie a entraîné soixante-dix ans de malheurs et des goulags ! Je préfère donc ma chimère à la sienne ! (Commentaires. Huées. Applaudissements.)
Le président. Merci, je passe la parole...
M. Patrick Dimier. Et...
Le président. Vous n'avez pas terminé, Monsieur Dimier ?
M. Patrick Dimier. Non.
Une voix. Non ? Ah !
M. Patrick Dimier. Pour ce qui est de la société archaïque... Pour ce qui est de la société archaïque qu'on nous a décrite, comment voulez-vous la rendre moins archaïque ? En détruisant la forêt urbaine pour pouvoir mieux construire ? C'est ça, le projet des Verts ? C'est en tout cas intéressant. Je n'ai pas vu qu'on ait suggéré de construire des maisons en bois avec les arbres abattus, mais M. Hodgers a peut-être une autre proposition dans ce domaine. Je veux bien qu'on dise que cette société - ou que cette vision - est archaïque, mais on ne m'a rien proposé pour la remplacer. Et donc quand on n'est pas capable de proposer quelque chose en remplacement, c'est qu'on est soi-même archaïque. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. André Python (MCG). Je serai très bref. On l'a déjà dit, le PL 12477, c'est-à-dire l'article 4A actuel, contient des propositions légitimées par un accord sur le logement. Celui-ci a fait ses preuves: nous sommes passés d'une production faible de 1200 logements par année à quelque 2500, de sorte que le taux de vacance est passé de 0,15% en 2006 à 0,56% actuellement. L'accord a permis de produire, depuis 2008, 33% de LUP par année. Il a donc pacifié la construction de logements, même si ces proportions ne répondent pas encore à toutes les demandes, notamment en matière de PPE.
Une voix. Parle plus fort !
M. André Python. La proposition du PL 12093 induit un bouleversement sociologique et des pertes de recettes fiscales majeures dues à l'émigration d'actifs de la classe moyenne souhaitant devenir propriétaires. C'est pour ces raisons que le groupe MCG votera le PL 12477 et refusera le PL 12093. Je vous remercie.
M. Cyril Aellen (PLR). L'avantage d'intervenir un peu plus tard dans le débat, c'est que ça permet de corriger quelques aspects. Je rappelle d'abord que... (Remarque. Rires.) Monsieur le président, est-ce que...
Des voix. Oh ! (Rires.)
Le président. Continuez, Monsieur Aellen.
M. Cyril Aellen. Merci. Je rappelle d'abord que l'article dont on parle figure dans la loi sur la zone de développement. Les propos qui concernent d'autres zones ne sont donc pas pertinents pour le raisonnement; ils sont là pour détourner l'attention.
Entendre dire que les PPE en zone de développement sont destinées aux privilégiés m'oblige à rappeler deux choses. La première, c'est que tous les logements construits en zone de développement sont contrôlés par l'Etat - c'est le propre de la zone de développement, qu'il s'agisse de locatif, de LUP ou de PPE. Pour prendre l'exemple des PPE, le département autorise aujourd'hui 6000 francs le mètre carré, en moyenne, dans les zones de développement. Si vous achetez un quatre-pièces de 80 mètres carrés, il vous coûtera donc environ 480 000 francs, ce qui nécessite, à la louche, 50 000 francs de fonds propres sous forme de deuxième pilier et 50 000 francs en cash. Le montant est important mais il ne permet néanmoins pas de caractériser ces appartements comme étant destinés aux plus privilégiés de notre canton. Il resterait alors 400 000 francs d'intérêts et d'hypothèque; c'est effectivement une dette, Madame Oriolo, mais les coopératives... (Commentaires.)
Une voix. Leonelli.
M. Cyril Aellen. Madame Leonelli, pardon. Mes excuses à l'une et à l'autre. Madame Leonelli, il resterait effectivement ces 400 000 francs mais les coopératives aussi ont un certain nombre d'emprunts. Si vous avez un taux d'intérêt hypothécaire de 2%, ça correspond à 8000 francs par année. Je vous laisse faire le calcul des intérêts pour cet appartement. Voilà de quoi nous parlons.
Passons maintenant aux proportions. Quand on nous dit que l'on construit 50% de PPE, parfois 70%, dans les zones de développement, c'est faux. Quand on nous dit qu'un tiers y est réservé à la PPE, c'est faux également. Aujourd'hui, pour faire court, la loi fixe un tiers de logements LUP et deux tiers de logements libres, PPE ou locatifs, sans que ce soit spécifié. Dans les périmètres en zone de développement, il y a à peu près 30% de PPE, 30% de logement locatif et 30% de LUP. Pourquoi ? Eh bien parce que vous devez obligatoirement, dans ces secteurs, construire des LUP, mais vous faites pour le reste ce que vous voulez puisque c'est précisément libre. Et beaucoup d'investisseurs, notamment institutionnels, ne sont absolument pas intéressés par de la PPE parce qu'ils veulent avoir des immeubles de rendement; je pense surtout aux caisses de pension. C'est pour ça que le 70% de libre permet de faire de la PPE à peu près sur la moitié et du locatif sur l'autre moitié, en particulier aux institutionnels. J'aimerais encore rappeler un dernier chiffre: les propriétaires représentent environ 17% de la population. Qu'on soutienne qu'on n'a construit que de la PPE, et uniquement pour les privilégiés, me pose donc un problème ! Pourquoi est-ce que seulement 17% de la population est propriétaire si on n'a fait que ça ces dernières décennies ?
Il a été dit, notamment par un des rapporteurs de minorité, que le but est d'avoir plus de LUP. J'aimerais citer le conseiller d'Etat avec qui, sur ce point, je suis d'accord. Je me réfère à la page 27 du rapport sur le projet de loi 12093, où il est écrit: «M. Hodgers rappelle les motivations qui ont poussé le Conseil d'Etat à déposer ce PL. L'OCSTAT précise qu'un tiers de logements sociaux ont été construits ces 10 dernières années, ce qui est suffisant pour le Conseil d'Etat et c'est ce qu'ils aimeraient maintenir.» Et il a raison ! Il a raison: c'est l'objectif ! Alors quand certains - je ne pense pas à vous, Monsieur Martin - nous expliquent que le but est d'augmenter la proportion de LUP, c'est faux. Ce n'est ni l'objectif de l'exécutif ni celui de ce projet de loi. Ce texte vise en revanche, sur l'ensemble de chaque secteur concerné, à permettre au maximum 33% de PPE et à exiger en outre, pour le troisième tiers, une moitié de locatif réalisé par des maîtres d'ouvrage d'utilité publique. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) J'ai bientôt fini, Monsieur le président.
Voilà ce qu'il en est, et voilà ce qui est fait. Si on pousse le raisonnement jusqu'au bout, il se construira toujours la moitié de la proportion possible de PPE, soit la moitié de ce qui se fait aujourd'hui, et c'est ce que le PLR combat. Le PLR veut défendre la PPE en zone de développement parce que la PPE répond aussi à un besoin et est accessible à une partie de la classe moyenne, mais assurément pas à la plus défavorisée. (Applaudissements.)
Le président. Merci. Je passe la parole à M. Christian Dandrès pour huit secondes.
M. Christian Dandrès (S). Monsieur le président, j'aimerais préciser à M. Dimier, qui évoque le bolchévisme en rapport avec les pratiques de liberté contractuelle limitées par le droit du bail...
Le président. C'est terminé, Monsieur. (Rires. Commentaires.)
M. Christian Dandrès. C'est une tradition helvétique, Monsieur le président ! (Exclamations. Rires.) Depuis un siècle ! (Applaudissements. Rires.)
Des voix. Bravo !
Le président. Je passe la parole à M. Pierre Bayenet pour quarante-cinq secondes. (Un instant s'écoule.) M. Pierre Bayenet pour quarante-cinq secondes !
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Ah, quarante-cinq secondes ! J'ai beaucoup de chance, parce que ça va me permettre de contredire ce que vient de dire M. le député Cyril Aellen: il prétend que le Conseil d'Etat affirme avoir rempli ses objectifs. Or dans son projet de loi, dans l'exposé des motifs, l'exécutif indique très clairement que l'objectif quantitatif de 20% de LUP dans le parc locatif genevois n'a pas été rempli. De loin pas, puisqu'il constituait, au 31 décembre 2014, 9,65% du parc locatif, soit moins de la moitié de l'objectif souhaité ! Le taux de croissance est en outre très faible: 0,2% par an. Non, les objectifs ne sont donc pas atteints; oui, la loi actuelle est un échec, et oui, elle doit être modifiée ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR), rapporteuse de majorité. Je pense qu'il y a une immense confusion dans les termes: j'ai beaucoup entendu la gauche assimiler le terme «promoteur»... Comment puis-je dire ? La gauche, mal informée, l'assimile à la droite, au méchant riche capitaliste, disons. Les promoteurs font également des LUP - ils sont par exemple aussi des fondations de droit public. Les promoteurs ont pour vocation de construire des logements de toutes les catégories dans les zones de développement.
Pour répondre à M. David Martin sur les statistiques qu'il a données - 50% de logements construits en PPE pour 20% de la population - si on reporte concrètement ces chiffres, on obtient 1000 logements pour une population de 500 000 personnes. Je pense donc que les ratios montrent qu'il y a une demande.
Pour répondre ensuite à M. Bayenet, je n'ai pas dit que l'entier de la population veut être propriétaire. J'ai juste dit qu'il y a une forte demande de la part de gens souhaitant le devenir, forte demande qui est d'ailleurs plus importante que celle émanant de personnes souhaitant acquérir... entrer dans un logement social, pardon, ou devenir locataires. Par ailleurs... (Remarque.) Je ne t'entends pas; je ne t'entends pas ! ...les coopératives... (Commentaires. Rires.) Pardon ! (L'oratrice rit.) ...les coopératives sont la forme d'habitation qui attire le moins de monde - peut-être parce qu'elles sont méconnues, mais voilà.
Et pour répondre encore à M. Martin, le projet de loi ne demande pas de réaliser des coopératives en régime libre mais des coopératives proposant des logements d'utilité publique, ce qu'il semblait également combattre. Pour terminer, j'aimerais vous dire de refuser l'IN 162 le 24 novembre. Merci ! (Rires. Commentaires.)
Le président. Merci. La parole est à M. David Martin pour une minute et sept secondes.
M. David Martin (Ve), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. J'aimerais répondre au député Dimier, qui nous reproche d'opposer la propriété à la location: je ne pense pas que c'est ce que nous faisons. Il dit aussi qu'il n'y a pas, aujourd'hui, de mécanismes de soutien à la PPE alors que tous les mécanismes de la zone de développement permettent de soutenir la PPE abordable - et nous ne sommes pas en train de dire que ce n'est pas bien. Il y a énormément de mécanismes d'aide pour l'accession à la propriété; à terme, ces PPE vont néanmoins sortir du contrôle de l'Etat. Nous pourrons donc peut-être encore aider des personnes à accéder à la propriété pendant quelques dizaines d'années mais, au-delà, nous serons de nouveau dans la spéculation ! En réalité, seuls deux dispositifs permettent d'avoir du logement abordable de manière pérenne: les LUP et les coopératives d'habitation en régime libre - la coopérative est intrinsèquement non spéculative et recherche les économies à long terme. Les statistiques sur les loyers des coopératives démontrent qu'ils sont absolument imbattables après plusieurs décennies.
M. Patrick Dimier (MCG). Je viens d'être mis en cause et je veux donc répondre à M. Martin que je n'ai pas dit qu'il n'existe pas de mécanismes de soutien à l'accession à la propriété. J'ai dit qu'on ne met pas sur le marché des logements dont le prix est assez bas pour que les gens puissent les acheter. Votre collègue de parti a dit tout à l'heure que le système est archaïque parce qu'il est fondé sur la dette et je ne peux pas faire autrement qu'être d'accord avec cette opinion. Actuellement, parce qu'on ne met pas en place les mécanismes adéquats, le fait d'accéder à la propriété entraîne un surcroît de dette. De ce point de vue, c'est donc juste. Mais si on veut enrayer cette situation, le mécanisme qu'il convient de mettre en oeuvre doit faire baisser les prix, notamment en construisant des LUP en PPE - pourquoi pas; à réfléchir. Il doit toutefois y avoir une alternative entre la coopérative de type collectiviste et la propriété. Je sais que vous n'êtes pas d'accord mais observez bien les coopératives et vous verrez que je ne suis pas loin de la vérité.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, cet article 4A LGZD, vous l'avez dit, a une dizaine d'années, douze ans en réalité. Pendant des décennies, Genève a construit sans cet article, en se référant à l'article 5 de la loi générale sur la zone de développement, qui dit que, dans cette zone, il faut répondre à un besoin prépondérant d'intérêt général; voilà déjà une notion intéressante. Cette loi valorise le besoin: le besoin de la population en fonction de ses capacités financières, et non pas simplement la demande solvable comme certains intervenants de droite l'ont évoqué, en disant: «Eh bien, la PPE se vend donc on peut en construire !» Certes, Mesdames et Messieurs ! Je vous dis d'emblée qu'on peut abolir toutes les lois sur le logement, toutes les lois qui en maîtrisent le prix: vous trouverez toujours des acheteurs. Si ce ne sont pas des locaux, ce seront des internationaux; à Genève, il y a de l'argent. Mais quel est le but de cette loi ? Est-ce de servir ces intérêts-là ou est-ce de répondre au besoin prépondérant de la population ? C'est bien évidemment ce dernier aspect qui importe.
L'article 4A définit la manière dont on se répartit le gâteau; il n'a rien à voir avec le nombre de logements créés. Beaucoup d'intervenants ont dit que l'on construit plus depuis que cet article existe. Vous établissez une corrélation là où il n'y en a pas ! Comme certains l'ont par ailleurs signalé, on a beaucoup plus construit dans les années 1970 que durant ces dix dernières années - et il n'y avait pas d'article 4A. Cet article, si vous me passez cette expression un peu triviale, détermine la manière dont on partage le gâteau. La taille du gâteau relève des modifications de zone, des plans localisés de quartier; c'est ce que l'on met en oeuvre dans l'application du plan directeur cantonal. Ici, il s'agit de déterminer à qui sont destinés les cent logements, admettons, dont nous disposons. C'est ce à quoi répond l'article 4A.
Quel est le bilan de ces dix dernières années ? On a construit 50% de propriété individuelle, villas ou PPE, et 33% de logements sociaux. C'est bien, 33%, et là je reviens sur les déclarations de M. Aellen: le Conseil d'Etat est satisfait avec un tiers de logements sociaux, mais encore faut-il qu'ils conservent ce statut de manière pérenne; j'y reviendrai. Le problème, et c'est pour moi l'un des grands échecs de la politique du logement de ces dix dernières années, c'est qu'il n'y a eu que 17% de logement locatif pour la classe moyenne, 17%, Mesdames et Messieurs ! Alors qu'elle représente plus de 60% de la population, la classe moyenne a été la grande oubliée des accords sur le logement d'il y a dix ans, qui parlent d'une part de logement social et d'autre part du libre choix du promoteur ou du propriétaire, qui in fine construit de la PPE dès qu'il peut. La classe moyenne n'a donc presque pas été servie durant ces dix dernières années. C'est le premier point, le principal point d'ailleurs, que le Conseil d'Etat veut modifier.
L'autre point concerne les LUP: l'accord sur le logement dit qu'il faut atteindre un parc de 20% de logements d'utilité publique. Or l'article 4A actuel stipule que la part de LUP en zone de fond villa est de 15%, tout comme celle des HM, soit des habitations mixtes. Ces habitations mixtes, qui sont du logement social, sont subventionnées: le propriétaire privé est subventionné pendant vingt-cinq ans par l'Etat, par le contribuable, pour pratiquer des loyers relativement bas. Au bout de vingt-cinq ans, ces immeubles cessent d'être des logements sociaux et le bailleur peut louer à qui il veut; il ne s'agit plus de logements sociaux. Est-ce que cela a du sens, Mesdames et Messieurs, d'investir autant de millions d'argent public pour du logement social qui en fin de compte sort de cette catégorie et disparaît ? Il y avait 23% de logements d'utilité publique en 1990 mais seulement 10% en 2013: c'est bien la preuve que ce système, qui permet la sortie de logements sociaux du giron de la politique du logement, est absurde. Pourtant, l'Etat investit des dizaines, voire des centaines de millions de francs qui s'envolent dans les poches des propriétaires immobiliers. (Commentaires.)
La première correction, le premier pilier du projet de loi du gouvernement, repose sur un premier tiers de LUP. Je l'ai dit: un tiers de logements sociaux est suffisant, mais il faut que tous les logements subventionnés dans ce tiers soient des LUP ! C'est-à-dire qu'ils restent des logements sociaux sur le long terme et non plus comme ces HM, qui ne le sont que vingt-cinq ans et passent après en loyer libre. Un tiers de logements sociaux, c'est donc bien, pour autant que ce tiers se compose de logements sociaux pérennes afin que l'investissement financier de l'Etat serve sur le long terme.
Où construit-on ces LUP ? L'article actuel prévoit de les placer surtout dans la couronne, dans la deuxième couronne urbaine: on reproduit à mon sens la même erreur que dans les années 1970, à savoir construire plus de logements sociaux en périphérie. J'ai grandi à Meyrin, j'ai adoré cela, mais on ne construit plus la mixité sociale de cette manière: on ne crée plus de cités-satellites comme à Meyrin, à Onex ou à Vernier; aujourd'hui, on crée la mixité autrement. L'article 4A, que la droite veut proroger, prévoit 50% de logements sociaux en zone de fond agricole, soit à Confignon, à Plan-les-Ouates, à Bernex, c'est-à-dire en périphérie, dans de nouvelles cités-satellites, et seulement 30% - à vrai dire 15% - de LUP dans le développement type Chêne-Bougeries ou encore dans les perspectives d'élargissement de la couronne urbaine de la ville de Genève. Ce n'est pas bon ! Ce n'est pas bon, sur le long terme, de concentrer à nouveau les logements sociaux au sein des mêmes quartiers.
La proposition du Conseil d'Etat postule donc une chose toute simple, à savoir que ce tiers de LUP s'applique dans toutes les communes, quel que soit le PLQ. Toutes les communes doivent être logées à la même enseigne. Pourquoi est-ce que Confignon, Plan-les-Ouates ou encore Bernex devraient comporter plus de logements sociaux que Chêne-Bougeries, Carouge ou d'autres communes plus aisées ? Premier tiers, un tiers de LUP, partout au même taux. Il y aura par conséquent moins de logements sociaux aux Cherpines ! Il y aura moins de logements sociaux à Bernex ! Il y aura moins de logements sociaux aux Grands-Esserts ! Ce sera l'un des résultats si la proposition du gouvernement passe: plus de logements sociaux dans l'ensemble du développement de la couronne.
Deuxième tiers: le locatif. Proroger la loi avec l'article 4A actuel, c'est dire à la classe moyenne qu'on n'en a rien à fiche d'elle. Certains PLQ, Mesdames et Messieurs, partent avec 70% de PPE et 30% de logements sociaux ! Vous êtes de la classe moyenne; vous gagnez trop pour bénéficier d'un logement social mais vous n'avez pas assez de fortune pour accéder à la propriété... (Remarque.) ...et que vous dit l'Etat ? Il vous dit qu'il y a zéro logement pour vous dans ces nouveaux quartiers ! Comment voulez-vous convaincre la population de soutenir ces nouveaux quartiers quand le gros de celle-ci n'y aura pas accès parce qu'on n'aura pas pensé à la classe moyenne ?
On l'a dit, le Credit Suisse et après lui la Raiffeisen ont estimé que seulement 18% des ménages genevois ont le patrimoine financier pour devenir propriétaires. Parmi ces 18%, beaucoup le sont déjà. Comment est-ce que vous mettez en corrélation le fait de créer 70% de PPE par quartier pour seulement 18% de la population ? Où est le besoin prépondérant de la population ?
M. Edouard Cuendet. Ils paient des impôts !
M. Antonio Hodgers. Très bien, Monsieur Cuendet; vous voyez, il y a des gens, dans cette république, qui aimeraient payer des impôts mais à qui leur salaire ne le permet pas ! (Applaudissements.) Et notre responsabilité, comme gouvernement et comme autorités, c'est d'offrir du logement à ces gens-là ! C'est aussi d'offrir des logements à la classe moyenne, qui paie des impôts, qui paie son assurance-maladie et qui à la fin du mois est encore saignée par des loyers à 4000 ou 5000 francs... (Remarque.) ...juste pour loger sa famille ! Juste pour loger sa famille ! Eh bien cette deuxième catégorie, ce deuxième pilier du projet de loi, ce deuxième tiers, est destiné à du logement qui ne coûtera pas un franc au contribuable parce qu'il est non subventionné, mais permettra pourtant à une famille d'avoir un cinq-pièces à 2300 francs. Ce prix est intéressant: on peut produire des cinq-pièces non subventionnés à 2300 francs ! Quand vous consultez les annonces immobilières et que vous voyez le même cinq-pièces à 3500 francs voire 4000 francs, vous prenez véritablement conscience de la marge des propriétaires puisqu'on arrive à proposer des logements en dessous de ce prix-là.
Le troisième tiers, tout aussi important que les précédents, concerne la PPE. Le Conseil d'Etat, je l'ai dit, ne veut plus de quartiers avec de trop fortes concentrations de logements sociaux: il faut que la mixité pénètre tous les futurs quartiers que nous construisons. L'exécutif poursuivra donc sur cette lancée à travers sa politique de soutien à la PPE, en mettant notamment en oeuvre la loi Longchamp, qui permet justement d'affecter la PPE non pas à ceux qui veulent spéculer mais à ceux qui veulent y résider.
Mesdames et Messieurs, un mot conclusif: vous le savez, la mutation du territoire est difficile et interpelle. Beaucoup de nos concitoyennes et concitoyens sont sceptiques. Ils ne comprennent pas, peut-être parce qu'eux-mêmes sont bien logés ou parce qu'ils n'ont pas dans leur entourage des gens qui souffrent de la pénurie de logements. Il nous faut convaincre ! Il nous faut convaincre sur la qualité des quartiers: sur la qualité urbanistique et architecturale, sur les infrastructures publiques, mais aussi sur la répartition des types de logements. Continuer à dire que la classe moyenne ne sera servie que par 17% de la production de logements, eh bien ce n'est absolument pas un projet convaincant ! Nous devons aujourd'hui répondre à ce besoin prépondérant.
Le représentant du PDC a déclaré qu'il ne faut pas perturber les acteurs immobiliers, les promoteurs immobiliers. J'aimerais quant à moi vous dire qu'il faut répondre au besoin de la population en matière de logements. Ne vous en faites pas: l'immobilier rapporte assez, y compris en faisant du logement social, et les promoteurs seront toujours là. Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat vous prie instamment de voter le projet de loi dit des trois tiers: il est socialement beaucoup plus équilibré et permet de servir avant tout la classe moyenne, ce qui constitue un combat clé si l'on veut poursuivre avec une relative paix du logement dans notre canton. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
Le président. Merci. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote d'entrée en matière sur le PL 12477.
Des voix. Vote nominal !
Le président. Le vote nominal est demandé. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous passons donc au vote nominal.
Mis aux voix, le projet de loi 12477 est adopté en premier débat par 56 oui contre 39 non (vote nominal).
Le projet de loi 12477 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12477 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 57 oui contre 40 non.
Le président. Je vous invite maintenant à vous prononcer sur le PL 12093.
Mis aux voix, le projet de loi 12093 est rejeté en premier débat par 57 non contre 40 oui.
Premier débat
Le président. Nous passons à la deuxième urgence, le PL 12314-A dont le débat est classé en catégorie II, quarante minutes. La parole va à M. Sandro Pistis.
M. Sandro Pistis (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi a fait l'objet d'un examen approfondi à la commission fiscale. Son but est de diminuer le coût de la vie pour les familles ayant des enfants à charge ou dont l'un des conjoints vient en aide à l'autre lorsqu'il fournit un travail important pour le seconder dans sa profession. Vous l'aurez compris, ce texte fera souffler un vent positif sur le porte-monnaie des foyers genevois qui, année après année, se voient rackettés par l'augmentation incessante du coût de la vie, des assurances, du loyer et j'en passe.
Sur le fond, de quoi s'agit-il ? Il s'agit d'augmenter le montant des déductions fiscales accordées aux parents. Selon la pratique actuelle, chaque famille peut faire valoir une déduction de 10 000 francs par enfant; avec ce projet de loi, celle-ci passera à 13 000 francs par enfant. Une exception subsiste cependant: si, parallèlement, vous déduisez une charge pour frais de garde, la charge par enfant revient à la somme initiale, c'est-à-dire 10 000 francs. Il faut comprendre par là que l'une n'annule pas l'autre, mais limite l'autre déduction. Mesdames et Messieurs, au nom de la majorité de la commission fiscale, je vous invite à soutenir cet objet tel qu'issu des travaux.
M. Yvan Rochat (Ve), rapporteur de minorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, le présent projet de loi prétend lutter contre la chape de plomb fiscale qui écrase les familles genevoises, celle-ci étant responsable - c'est ce qu'indique l'exposé des motifs - de l'augmentation du nombre de foyers devant recourir à l'aide sociale, et donc source de pauvreté à Genève. Le raisonnement des soutiens à ce texte a de quoi déconcerter les esprits les plus sophistiqués: la précarité et l'appel à l'aide sociale étant en hausse, afin de les faire diminuer, il faut baisser les impôts de celles et ceux qui ne sont pas pauvres et ne s'adressent pas à l'Hospice général.
On le voit bien, tout cela ne tient pas la route et relève d'un autre projet, caché celui-là, consistant à tirer sur toutes les ficelles de la fiscalité pour diminuer les ressources de l'Etat et le forcer à limiter ses prestations. Comble de l'ironie, la manoeuvre réduira de 2500 le nombre de contribuables, ce qui est paradoxal venant de groupes politiques, en particulier ceux de l'Entente, qui passent une bonne partie de leur temps à se plaindre que la charge fiscale à Genève repose sur trop peu de contribuables, engendrant chez ces derniers un sentiment d'injustice. Là, tels des pompiers pyromanes, ils contribuent par leur vote à accentuer le phénomène qu'ils dénoncent plus généralement.
Conscients des paradoxes problématiques de ce projet de loi eu égard à la cohésion sociale et aux finances de notre canton, le Conseil d'Etat et sa magistrate Mme Nathalie Fontanet ne s'y sont pas trompés: que ce soit dans sa forme initiale à -75 millions ou dans sa forme amendée à -38 millions, ils préconisent le rejet de cette fausse piste. Si on veut réellement améliorer la situation de celles et ceux qui, au sein de la population genevoise, peinent à boucler les fins de mois, si on veut leur permettre de ne plus dépendre de l'aide sociale et de s'extraire de la précarité, il nous faut mener une autre politique économique, réellement inclusive, notamment auprès des plus précaires, des résidents d'origine étrangère et des familles monoparentales. C'est à cela que nous devrions consacrer notre énergie, c'est à cela que l'Etat devrait dédier ses ressources; il ne s'agit pas de l'affamer comme le font par pure idéologie les auteurs de ce projet de loi.
Il est particulièrement désolant de voir les groupes de cette droite élargie découvrir un à un les problèmes de notre société, tels que les charges qui pèsent sur les familles avec des enfants en crèche, en formation ou en école privée, des parents impotents qu'il faut seconder en tant que proches aidants, de jeunes adultes sans formation et au chômage, des voitures voire des chiens, et proposer pour seule réponse - quasi pavlovienne ! - la baisse d'impôts. Leur politique, une nouvelle fois mise en oeuvre avec ce projet de loi, n'est autre qu'une fuite en avant pour ne pas se confronter à la réalité ni résoudre les problèmes par des politiques publiques volontaristes, progressistes et inclusives.
De petits cadeaux fiscaux électoralistes en petits cadeaux fiscaux populistes, on abandonne les plus fragiles, ceux qui ne peuvent pas contribuer à l'impôt, et on creuse les écarts au sein des habitants, sans se préoccuper des conséquences de l'affaiblissement de l'Etat, par exemple sur la cohésion sociale. Pour ces raisons, la minorité vous enjoint, Mesdames et Messieurs, chers collègues, de refuser ce projet de loi.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le projet de loi 12314 a pour but d'augmenter le montant des déductions afin d'aider les familles, spécialement la classe moyenne. A Genève, il faut le reconnaître, les hausses successives de la fiscalité ont affaibli le pouvoir d'achat de beaucoup de foyers qui se trouvent péjorés... (Commentaires.) Monsieur de Sainte Marie, est-ce que vous pouvez vous taire, s'il vous plaît ? On peut parler, Monsieur le président, ou bien...? Je ne sais pas, faites votre travail ! ...car trop d'impôt tue l'impôt.
Ce texte propose que dans le cadre d'une activité lucrative, les deux conjoints puissent déduire 1000 francs au lieu de 500 francs, que les déductions pour charges familiales passent de 10 000 à 15 000 francs - amendée en commission, cette somme est devenue 13 000 francs - et que la demi-charge de famille passe de 5000 à 7500 francs - là encore, un amendement a revu ce montant à 6500 francs.
Il s'agit d'un pas dans la bonne direction pour redonner du pouvoir d'achat aux familles et à la classe moyenne. Pour toutes ces raisons, le groupe UDC soutiendra le projet tel qu'amendé en commission. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous ne le dirons jamais assez: le coût de la vie à Genève est extrêmement élevé, on l'a encore entendu tout à l'heure de ce côté-ci de la salle. (L'orateur désigne les bancs de gauche.) Année après année, la population genevoise subit une ponction fiscale parmi les plus importantes, une hausse des primes d'assurance-maladie parmi les plus significatives et des loyers parmi les plus onéreux de Suisse. Particulièrement difficile à vivre pour nos familles, cette chape de plomb - oui, il s'agit bien d'une chape de plomb ! - ne favorise en rien une politique forte en faveur de celles que le parti démocrate-chrétien considère comme les cellules de base de notre société, où se définissent et se construisent les citoyennes et citoyens ainsi que les valeurs de demain, c'est-à-dire les familles.
Certes, les pouvoirs publics ont mis en place des aides financières afin de soulager l'investissement conséquent que représentent les charges d'une famille, quelle que soit sa nature. Malheureusement, si on examine de plus près les statistiques, force est de constater que les foyers genevois sont de plus en plus nombreux à recourir à l'aide sociale, tandis que la pauvreté progresse irrémédiablement dans notre canton. Si les prestations complémentaires constituent un outil essentiel de notre principe de solidarité, celles-ci deviennent obsolètes dès lors qu'elles ne parviennent plus à compléter le budget familial et ainsi à endiguer la paupérisation comme l'exclusion sociale.
Vous n'êtes pas sans savoir que la Confédération repense les prestations complémentaires et que celles-ci seront revues à la baisse; charge au canton de déterminer s'il voudra les compenser intégralement ou pas. Si les prestations complémentaires constituent un outil essentiel de notre principe de solidarité, celles-ci deviennent obsolètes, comme je viens de le dire. Il est donc nécessaire de conduire des réformes sociales en profondeur afin de trouver de nouvelles solutions permettant de rendre aux familles leur dignité et leur place dans notre société en fonction de leurs besoins réels.
Partant de ce constat, le parti démocrate-chrétien propose, à travers ce projet de loi, d'offrir rapidement une bouffée d'air aux familles genevoises. Après le vote des amendements déposés par le PLR en commission, le texte permet désormais aux parents, comme on l'a entendu, de déduire 13 000 francs par charge et 6500 francs par demi-charge; dans le cas où l'une d'elles correspond à un enfant de moins de 14 ans et que le contribuable fait valoir une déduction pour frais de garde, conformément à l'article 35 de la LIPP - un montant qui s'élève à 25 000 francs au plus par contribuable - il ne peut déduire que les 10 000 francs, respectivement les 5000 francs déjà applicables aujourd'hui.
Ainsi, d'une perte de 74 millions telle que présentée dans le projet initial, on passe à quelque 38 millions et on réduit de moitié la part des contribuables qui ne paieront pas d'impôts, laquelle passe de 5000 à 2500. Il est également prévu, en raison des effets attendus de la RFFA, que ce dispositif ne s'applique qu'à partir de 2021. Cet amendement a été conditionné au fait qu'il ne sera pas possible de profiter simultanément de la double déduction, c'est-à-dire d'une part la déduction augmentée des frais de garde et d'autre part celle pour charge de famille.
Mesdames et Messieurs, ce projet de loi est destiné à apporter un bol d'air aux familles et à leur éviter d'être soumises aux perfusions de l'aide sociale, ce qui contribuera à donner un élan nouveau et davantage de dignité à cette cellule familiale que le parti démocrate-chrétien a à coeur de placer au plus près de ses préoccupations. Il vous invite donc à le soutenir sans réserve. Je vous remercie.
Une voix. Bravo !
M. Jean Batou (EAG). Chers collègues, ce projet de loi visant à diminuer l'imposition des familles nous paraît à tous extrêmement sympathique. Il est sympathique, parce que chacun d'entre nous souhaite améliorer le pouvoir d'achat de la majorité de la population, naturellement. Cela étant, il faut bien comprendre qu'avec cette baisse d'impôts, c'est une diminution des prestations et du financement des services publics qui est programmée, à additionner à celle qui sera due aux effets de la RFFA.
Un montant de 38 millions, vous me direz, ce n'est pas beaucoup. Eh bien non, ce n'est pas beaucoup, et je vais vous montrer qu'il aurait été possible de financer cette somme, de nous dire: «Nous allons réduire l'imposition des familles de 38 millions, mais en trouvant le moyen de compenser la perte, par exemple en imposant un tout petit peu plus une catégorie de contribuables hautement privilégiée, comme les gros actionnaires de notre canton.» En effet, ces personnes ne sont pas imposées comme vous et moi - je parle des bancs alentour, parce que j'imagine bien qu'à droite, un certain nombre d'actionnaires sont imposés seulement sur une partie de leur revenu - et nous pourrions donc compenser les 38 millions en augmentant de manière homéopathique l'impôt des gros actionnaires qui, de toute façon, je vous rassure, ne seront pas imposés comme les salariés et les retraités sur 100% de leur revenu, mais seulement sur 75% quand il s'agit de leur fortune commerciale et sur 85% quand il s'agit de leur fortune privée. Ce petit effort nous permettra de compenser les 38 millions et de faire ce généreux cadeau aux foyers des classes moyennes.
Alors, chers collègues de droite et du MCG qui nous avez parlé avec une sincérité touchante des difficultés des familles, peut-être accepterez-vous qu'au lieu de financer ce cadeau fiscal aux classes moyennes, que nous sommes prêts à vous concéder, par des coupes dans les prestations aux familles les plus modestes, nous le financions en augmentant de manière très modeste l'imposition privilégiée des actionnaires. C'est du pur bon sens, donc tout le monde va voter cet amendement, à moins bien sûr d'être soi-même actionnaire et détenteur de plus de 10% des participations à une société ! Je vous invite à accepter ce projet de loi à condition que notre amendement y soit intégré, et sinon à le rejeter. Merci. (Applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi s'intitule «Moins d'impôts pour les familles !»; on aurait pu ajouter «ou comment raser gratis». Demander l'urgence sur cet objet à trois jours des élections, ça va dans le même sens que ce titre électoraliste, c'est assez facile. En réalité, ce texte n'aidera pas du tout les familles, ce n'est pas en baissant leurs impôts qu'on leur fera une faveur, bien au contraire, ou alors dans une vision très individualiste de la société, mais pas dans une vision familiale de la société - je m'adresse ici au PDC.
Dans une vision plus collective de la société, si on veut vraiment aider les familles, il convient plutôt d'augmenter le nombre de places en crèche - ça a un coût - de proposer une qualité d'enseignement encore supérieure - ça a également un coût - de renforcer l'accueil parascolaire - là encore, ça a un coût - ou les subsides d'assurance-maladie - ça a toujours un coût. Or que vise ce projet de loi ? Exactement l'inverse ! A travers des déductions supplémentaires pour les parents, il contribuera à diminuer les recettes fiscales à hauteur de 38 millions - heureusement, nous avons échappé aux 75 millions initiaux. Avec de telles pertes, ce ne sont pas les familles qui vont se retrouver avantagées, bien sûr que non - ce serait le cas dans une vision individualiste de notre société, où chacun vit pour soi; non, en réalité, avec une réduction des moyens que l'Etat met en oeuvre pour que nous puissions vivre correctement dans notre canton, ce sont précisément elles qui seront désavantagées.
Ensuite, ce projet de loi est parfaitement antisocial, car les familles les plus touchées seront évidemment les plus modestes. M. Hodgers, président du Conseil d'Etat, mentionnait juste avant que 34% des gens - même 35%, maintenant - n'arrivent pas à payer des impôts, n'en ont tout simplement pas les moyens; avec ce texte, en raison du nouveau mécanisme de déduction fiscale, 2500 contribuables supplémentaires ne seront plus imposés. Pour les foyers les plus précaires, ça signifie moins de prestations parmi celles que j'ai mentionnées tout à l'heure - accueil parascolaire, petite enfance, subsides d'assurance-maladie. C'est le principe d'action-réaction: si vous baissez les impôts quelque part, vous vous retrouvez avec des recettes fiscales en moins et donc des prestations publiques en moins. Ainsi, ce projet de loi est totalement usurpateur dans son titre, puisque au final, il défavorise les familles.
Je ne parle même pas du contexte budgétaire actuel. Voilà un certain nombre d'années que les projets de budgets sont déficitaires; heureusement, par une sorte de magie comptable, je dirais, les comptes se retrouvent souvent excédentaires, mais nous ne sommes pas dans une période facile d'un point de vue financier. On le voit cette année, le projet de budget du Conseil d'Etat ne fait que suivre des charges qui augmentent en raison de l'accroissement, de l'appauvrissement et du vieillissement de la population. Il n'y a pas de nouvelles charges, elles ne font que progresser face à ces besoins.
A l'heure où nous connaissons une crise des recettes, où le projet de budget est déficitaire, où il manque constamment des rentrées fiscales... Monsieur le président, vous transmettrez à M. Ivanov que je suis navré de l'avoir interrompu tout à l'heure, mais je n'ai pas connaissance de hausses d'impôts dans notre canton depuis au moins quinze ans ! Non, nous n'avons eu que des diminutions de l'imposition. A l'heure où nous connaissons une crise des recettes, la solution pour aider les familles consisterait plutôt à s'attaquer à quelques niches fiscales qui permettent aujourd'hui aux plus fortunés de notre canton de ne pas contribuer en fonction de leurs moyens, comme le fait la classe moyenne. Voilà ce qui aiderait un maximum les familles au quotidien ! Le groupe socialiste vous invite à refuser ce projet de loi.
M. Yvan Zweifel (PLR). De quoi s'agit-il ici, Mesdames et Messieurs ? Il s'agit d'augmenter les déductions en faveur des familles, de passer des montants de 10 000 francs pour une charge complète et 5000 francs pour une demi-charge à ceux de 13 000 et 6500 francs. Pourquoi ? Eh bien tout simplement parce que la vie est de plus en plus onéreuse. Avoir un enfant aujourd'hui coûte plus cher qu'à une certaine époque - le jeune père que je suis vous le confirme - donc accroître les déductions pour les charges familiales relève de la simple logique.
Avec l'amendement PLR, le rapporteur de majorité l'a très bien expliqué, le contribuable qui «profite», entre guillemets, d'une déduction pour frais de garde - dont le montant a déjà été augmenté par ce parlement dernièrement, et à juste titre - ne peut pas bénéficier simultanément de la pleine déduction des charges par enfant. En effet, il faut favoriser ceux qui n'ont pas la chance de disposer d'une place en crèche ou qui n'en veulent tout simplement pas et font le choix de garder leurs enfants à la maison. C'est ce que vise cet amendement, Mesdames et Messieurs, et c'est ce qui nous a amenés au projet de loi qui vous est présenté ici.
Lors de chaque baisse d'impôts, la gauche martèle que le but de la droite est de vider les caisses et de couper dans les prestations. Le problème, c'est que la réalité prouve le contraire. Si je suis votre raisonnement, Mesdames et Messieurs de la gauche, ça voudrait dire que puisqu'on a baissé plusieurs fois l'imposition ces dernières années, il devrait y avoir moins de recettes fiscales. Alors, puisque je les ai sous les yeux, je regarde les chiffres... Que s'est-il passé entre 1998 et 2018, c'est-à-dire sur une période de vingt ans ? La population a crû de 24% et on a baissé deux fois les impôts de manière importante; les recettes fiscales ont-elles diminué ? Non, elles ont augmenté. Ont-elles augmenté de 24%, c'est-à-dire proportionnellement à la population ? Non, elles ont augmenté de 100% ! En vingt ans, Mesdames et Messieurs, les rentrées fiscales ont doublé ! Elles ont doublé alors que la population n'a augmenté que de 24% ! Ce que vous dites est donc factuellement, statistiquement, mathématiquement à côté de la plaque.
Une voix. Bravo !
M. Yvan Zweifel. Est-ce que les prestations ont été réduites ?
Une voix. Oui !
M. Yvan Zweifel. Eh bien, Mesdames et Messieurs, sur la même période de vingt ans, les charges de l'Etat, qui constituent l'indicateur premier des prestations que l'on offre à la population, ont progressé de 54%, c'est-à-dire plus du double de la croissance démographique. Je répète ma question: est-ce que les prestations ont souffert ? Factuellement, statistiquement et mathématiquement, la réponse est non. Ainsi, soit vous avez tort, soit vous n'avez pas bien compris les choses - mais je serais ravi de vous les réexpliquer, si vous le souhaitez.
Des voix. Non ! Non ! (Applaudissements.)
M. Yvan Zweifel. Très bien ! Je comprends que vous avez compris.
Tout à l'heure, le Conseil d'Etat nous dira que dans le contexte budgétaire actuel, nous n'avons hélas pas les moyens de mettre en oeuvre ce projet de loi. Bon, donc le gouvernement a les moyens de créer 412 postes supplémentaires, d'inventer plein de dépenses inutiles; par contre, rendre 38 millions à la population, rendre 38 millions aux familles, on ne peut pas le faire ? C'est quand même incroyable ! A gauche, on dépense, on dépense, on dépense, et quand il faut rendre de l'argent aux contribuables - 38 millions sur un budget de plus de 8 milliards - c'est impossible. Mesdames et Messieurs, tout le monde aura compris ici qu'on se moque du monde. Je n'évoquerai même pas les amendements d'Ensemble à Gauche qui veut revenir sur un vote populaire. Comme d'habitude, ce groupe nous raconte n'importe quoi.
Enfin, Mesdames et Messieurs, un point important: contrairement à ce qui a été dit par le parti socialiste, cette baisse profitera davantage aux foyers les plus modestes, et pourquoi ? Puisque le montant de la déduction est fixe, moins vous avez de revenus, plus cela aura d'impact sur votre facture fiscale. Là encore, c'est factuellement, statistiquement, mathématiquement la vérité, mais j'engage mes collègues de gauche à se rendre à l'Ecole-club Migros qui propose des leçons de mathématiques pour débutants !
Mesdames et Messieurs, il faut voter ce projet de loi, car c'est un bol d'air fiscal en faveur des familles, en faveur de la classe moyenne, en faveur de citoyens qui en ont juste marre de trop payer. Restituer 38 millions à la population, ce n'est rien en comparaison des sommes monumentales que dépensent la gauche et l'Etat !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Le MCG soutiendra avec conviction ce projet de loi, parce que de trop nombreuses familles de notre canton rencontrent des problèmes financiers. Nous pensons en particulier aux parents qui ont de jeunes adultes à charge, il y en a beaucoup à Genève dans cette situation: il faut payer des primes d'assurance-maladie qui s'élèvent à des montants complètement diaboliques, s'acquitter de dépenses contraintes qui s'ajoutent les unes aux autres... Ces gens ont de véritables difficultés à boucler les fins de mois, et nous devons leur trouver des solutions. Il est certain que ce projet de loi constituera une aide pour de très nombreux citoyens genevois aux préoccupations de qui nous sommes sensibles. Voilà pourquoi nous vous demandons de voter ce texte avec enthousiasme. Merci.
M. Yvan Rochat (Ve), rapporteur de minorité. En quelques mots, je rappellerai simplement des faits, puisque M. Zweifel semble adorer ça. Il oublie pourtant que le budget 2020 accuse un déficit de plus de 500 millions qui est lié non pas à la création de postes, mais à la RFFA qu'a soutenue et voulue le PLR ! Avec ce genre de projet de loi, avec la réforme fiscale des entreprises, vous êtes finalement des créateurs de déficit. Voilà des faits exacts, précis ! Et vous contribuez à creuser le déficit avec de nouveaux projets d'allégements fiscaux. Vous croyez que si on continue à se taper la tête contre le mur, celui-ci va céder, alors qu'on ne fait que se faire mal à la tête d'une part, d'autre part faire mal aux prestations de l'Etat dont la population a besoin, faire mal à la population et surtout à notre cohésion sociale.
Le président. Merci. La parole va à M. Jean Batou pour quarante-deux secondes.
M. Jean Batou (EAG). Merci, Monsieur le président. Je ne voudrais pas faire de tort à mon collègue Zweifel qui est expert-comptable - vous lui transmettrez - mais quand on a une réduction d'un certain montant sur un haut revenu, il est évident que ça diminue beaucoup plus les impôts que dans le cas d'un petit salaire. Et je ne parle même pas des 35% de citoyens qui ne gagnent pas suffisamment pour payer des impôts et qui ne tireront aucun profit de votre baisse fiscale - parmi eux, il y a également des familles. Soutenez notre amendement, Mesdames et Messieurs, et vous prouverez que oui, vous êtes pour les familles, mais pour l'ensemble d'entre elles, c'est-à-dire aussi pour les familles modestes, pas seulement pour celles des actionnaires et des privilégiés. Merci. (Applaudissements.)
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, oui, notre canton est celui qui exploite le plus son potentiel fiscal. Oui, à Genève, les contribuables paient davantage d'impôts qu'ailleurs. Toutefois, nous avons accepté le 19 mai dernier une réforme essentielle, celle de la fiscalité des entreprises, qui nous permettra de rester attractifs, qui nous permettra de nous placer presque au niveau de nos voisins vaudois, mais dont nous devrons éponger l'effet direct sur les recettes. Le Conseil d'Etat entend bien que la RFFA profite aux personnes morales et pas directement aux contribuables physiques ou aux familles; il n'en demeure pas moins que nous ne pouvons pas tout absorber. Nous l'avions dit en évoquant ce projet de loi, et il nous semblait que la majorité de ce parlement l'avait compris.
Mesdames et Messieurs les députés, votre Grand Conseil a déjà octroyé des déductions fiscales extrêmement importantes s'agissant des frais de garde, un geste que l'on pouvait certes comprendre. En effet, les familles paient cher - toutes n'ont d'ailleurs pas accès à ces modes de garde pour leurs enfants; les parents, lorsqu'ils sont en couple, doivent tous deux travailler pour assurer les revenus du foyer et faire vivre la famille. Mais, Mesdames et Messieurs, vous ne pouvez pas multiplier ce genre de démarche à l'envi et voter des baisses d'impôts lors de chaque session ! Notre canton n'en a tout simplement plus les moyens aujourd'hui.
Le Conseil d'Etat a bien compris que vous serez une majorité à voter cette réduction de l'imposition. Dès lors, nous avons déposé un amendement afin que vous teniez compte, à tout le moins, des chiffres annoncés dans le cadre du budget: 213 millions pour la réforme de la caisse de pension, 186 millions pour la RFFA, 186 millions pour les subsides d'assurance-maladie. Ces dépenses nous amènent, Mesdames et Messieurs, à un déficit de 590 millions ! Résultat, avec votre vote de ce soir, le budget qui a été critiqué par la quasi-totalité d'entre vous - «quel manque à gagner !», «c'est inacceptable !» - accusera 38 millions de pertes supplémentaires, 38 millions liés à une diminution d'impôts qui sera certainement bien accueillie par les familles, mais dont notre canton, s'il entend délivrer les mêmes prestations à sa population, n'a pas les moyens.
Avec son amendement, le gouvernement vous demande que cette loi n'entre en vigueur que le 1er janvier 2021. Nous pourrons ainsi faire face aux années 2020 et 2021, voir les choses venir, laisser le temps à la réforme de la fiscalité des entreprises d'exercer ses effets dynamiques, bref, nous accorder un petit délai. Le Conseil d'Etat vous invite à refuser les deux amendements présentés par... (Un instant s'écoule.) ...par Ensemble à Gauche...
Une voix. Par Jean Batou.
Mme Nathalie Fontanet. ...par M. Jean Batou, merci. Evidemment, avant toute chose, le Conseil d'Etat vous invite à rejeter ce projet de loi. Si vous ne le faites pas, il vous demande de ne pas accepter les amendements d'Ensemble à Gauche, parce que nous venons d'adopter une réforme fiscale qui, je l'ai dit, est essentielle pour notre canton, et il n'est pas question de revenir maintenant sur l'imposition des dividendes, qui a été réglée dans le cadre de cette réforme. Pour finir, si vous ne refusez pas ce texte, veuillez au moins soutenir notre amendement relatif à la date d'entrée en vigueur de cette loi. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs.
Le président. Merci bien. Je lance le vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12314 est adopté en premier débat par 55 oui contre 39 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous passons aux amendements, en commençant avec le premier de M. Batou...
Des voix. Vote nominal !
Le président. Etes-vous soutenus ? (Plusieurs mains se lèvent.)
Une voix. Mais on s'en fout, on ne les regarde même pas, ces votes !
Le président. Oui, vous êtes soutenus...
M. Cyril Aellen. J'ai demandé la parole, Monsieur le président !
Le président. J'ai vu, un instant ! (Un instant s'écoule.) Voilà, allez-y, Monsieur Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR). Je voudrais quand même pouvoir m'exprimer sur les amendements, Monsieur le président ! Evidemment, les modifications d'Ensemble à Gauche doivent être rejetées. Quant à l'amendement du Conseil d'Etat - ça me prendra quelques petites secondes - j'aimerais simplement dire que...
Le président. Vous n'avez plus de temps, Monsieur PLR !
M. Cyril Aellen. ...si le Conseil d'Etat faisait lui-même, au niveau des postes, les efforts qu'il exige de nous ici, peut-être aurions-nous décidé de le voter !
Une voix. Bravo !
Le président. Voilà, merci. J'ouvre la procédure de vote nominal sur le premier amendement de M. Batou que voici:
«Art. 19B IB. Imposition partielle des revenus produits par les participations de la fortune commerciale, al. 1 (nouvelle teneur)
1 Les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et les prestations appréciables en argent provenant d'actions, de parts à des sociétés à responsabilité limitée, de parts à des sociétés coopératives et de bons de participation ainsi que les bénéfices provenant de l'aliénation de tels droits de participation sont imposables, après déduction des charges imputables, à hauteur de 75%, lorsque ces droits de participation équivalent à 10% au moins du capital-actions ou du capital social d'une société de capitaux ou d'une société coopérative.»
La modification porte sur le taux d'imposition des dividendes, parts de bénéfice, etc.: 75% contre 50% dans la loi d'origine.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 39 oui (vote nominal).
Le président. Nous passons maintenant au second amendement déposé par M. Batou... (Commentaires.) Non, le vote nominal n'a pas été sollicité...
Des voix. Vote nominal !
Le président. Ah, il est demandé ?
Une voix. Vous êtes lourds, les gars !
Le président. Bon, êtes-vous suivis ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, nous procédons au vote nominal sur ce deuxième amendement de M. Batou dont la teneur est la suivante:
«Art. 22 Rendement de la fortune mobilière I. Principe, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et les avantages appréciables en argent provenant d'actions, de parts à des sociétés à responsabilité limitée, de parts à des sociétés coopératives et de bons de participation (y compris les actions gratuites, les augmentations gratuites de la valeur nominale, etc.) sont imposables à hauteur de 85%, lorsque ces droits de participation équivalent à 10% au moins du capital-actions ou du capital social d'une société de capitaux ou d'une société coopérative.»
Changement similaire ici: le taux initial de 60% est remplacé par celui de 85%.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 57 non contre 40 oui (vote nominal).
Mis aux voix, l'art. 36 (nouvelle teneur) est adopté, de même que les art. 39, al. 1 (nouvelle teneur) et 72, al. 15 (nouveau).
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté.
Le président. Enfin, Mesdames et Messieurs, nous sommes saisis d'un amendement du Conseil d'Etat à l'article 2 souligné que je vous lis:
«Art. 2 (souligné) Entrée en vigueur (nouvelle teneur)
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2021.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 49 oui contre 47 non.
Mis aux voix, l'art. 2 (souligné) ainsi amendé est adopté.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12314 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 55 oui contre 40 non.
Débat
Le président. Nous passons à la M 2597, dont nous avons accepté cet après-midi l'ajout, la discussion immédiate et l'urgence. Ce débat est classé en catégorie II, trente minutes. Monsieur Dandrès, vous avez la parole.
M. Christian Dandrès (S). Je vous remercie, Monsieur le président. En tant que premier signataire, j'ai l'honneur de porter cette motion, qui est le fruit de la mobilisation de salariés d'EMS en vue de corriger quelques mesquineries malheureusement en pratique dans certains établissements en matière de reconnaissance des acquis de l'expérience au moment de l'embauche. Vous savez qu'à l'Etat, lorsqu'une personne est engagée, on lui attribue un nombre d'annuités en utilisant ce qu'on appelle une calculette de fixation des salaires... (Brouhaha. L'orateur s'interrompt.)
Le président. Vous pouvez poursuivre, Monsieur Dandrès.
M. Christian Dandrès. Merci. Je reprends: à l'Etat - et dans le service public de manière générale - on attribue lors de l'engagement un nombre d'annuités qui tient compte de l'expérience précédente utile au poste, selon des règles assez bien cadrées par les pratiques de l'office du personnel de l'Etat. La loi prévoit que ces mécanismes doivent également s'appliquer dans les EMS - qui sont très largement subventionnés - or dans les faits on constate que ce n'est pas le cas. Il y a eu un changement dans la façon dont les EMS appliquent ces règles - qui sont éminemment problématiques puisqu'elles sont illégales - et nous estimons que le Conseil d'Etat, qui conclut des mandats de prestations avec ces associations, fondations ou autres structures, devrait veiller au grain et faire en sorte qu'on accorde un minimum de respect à celles et ceux qui y travaillent. Je crois que le terme «respect» est bien choisi ! En effet, on parle ici de personnes qui touchent un salaire modeste. Comme vous avez pu le voir dans les quelques exemples que j'ai cités dans l'exposé des motifs de la motion, il s'agit d'employés en classe 4 ou 5: cela signifie que leur revenu tourne autour de 4000 francs par mois s'ils travaillent à plein temps, ce qui n'est la plupart du temps pas le cas. De plus, ces collaborateurs sont pour l'essentiel des femmes ayant des charges de famille. Je crois donc que le minimum consiste à tenir compte de l'expérience de travail de ces personnes pour qu'elles puissent vivre avec leurs salaires, qui sont à mon avis déjà trop bas... Il convient en tous les cas, par le biais des annuités, d'assurer une approche correcte à l'égard de celles et ceux qui oeuvrent au sein de la fonction publique.
Au vu du temps qui nous est imparti pour ce débat, je ne serai pas plus long afin que d'autres personnes puissent s'exprimer. Je vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
M. Pierre Eckert (Ve). Comme on vient de l'entendre, les conditions de rémunération des employés des EMS doivent être les mêmes que celles du personnel de l'Etat. Les règles du projet SCORE, notamment, qui sera peut-être mis en place prochainement, s'appliqueront donc également aux employés des EMS. Dès lors, il est normal que celles et ceux qui travaillent au sein des EMS soient traités de la même façon que le personnel de l'Etat s'agissant des autres aspects liés au salaire, je pense en particulier à la prise en compte de l'expérience que la collaboratrice ou le collaborateur peut apporter lors de son engagement dans un EMS. Il est pourtant apparu que dans les faits cette prise en considération était bien inférieure en comparaison de ce qui se pratique à l'Etat - et qui plus est très disparate d'un EMS à l'autre.
Nous savons que les EMS sont fortement contrôlés par l'Etat et qu'ils fonctionnent à flux tendu. Les taux d'occupation dépassent largement 99%, et les personnes décédées sont très rapidement remplacées - quasiment dans la journée. Les flux sont donc extrêmement tendus et il est tentant d'utiliser les salaires des employés comme variable d'ajustement - même si elle est faible - ce qui est parfaitement injuste. Pour toutes ces raisons, les Verts vous encouragent à accepter cette motion.
Mme Marion Sobanek (S). On l'a dit, les EMS sont fortement subventionnés par l'Etat, il semble donc assez normal que les conditions de rémunération de l'Etat y soient également appliquées. Tenir compte de l'expérience professionnelle est du reste une pratique courante qui a cours un peu partout. Il est tout à fait normal de prendre en considération l'expérience pour l'acceptation et la confirmation d'un salaire !
Les personnes qui travaillent dans les EMS exercent souvent une profession dans laquelle les salaires sont bas: les revenus des nettoyeurs, des lingères et des aides-soignantes, par exemple, figurent parmi les plus modestes dans l'échelle de rétribution de l'Etat. De plus, les salaires dans ces professions ont commencé à stagner de façon très brutale ces dernières années. Vous connaissez tous le problème: on «outsource» le nettoyage et chaque année les personnes sont réengagées, souvent aux conditions minimums prévues dans les CCT. Il faudrait donc vraiment y mettre un frein et tout simplement accepter l'invite de cette motion qui demande de faire respecter les règles établies par l'Etat pour la prise en considération de l'expérience des personnes travaillant dans les EMS.
Je rappelle une nouvelle fois que beaucoup de nos parents vivent dans un EMS ! On voudrait que le personnel ne soit pas soumis à un stress excessif et n'ait pas l'impression de faire face à une concurrence mutuelle s'agissant des salaires. Cette prise en compte selon les règles établies clarifie le climat de travail et donne de la dignité à un personnel qui perçoit souvent un salaire trop bas et n'entrevoit pas de plan de carrière. Voilà pourquoi notre groupe vous invite à accepter cette motion. Merci.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais simplement rappeler un fait: l'analogie entre les conditions salariales du personnel de la fonction publique et des employés des EMS résulte d'une volonté politique qui a été initiée par un conseiller d'Etat radical il y a une vingtaine d'années. A un moment donné, il a mis le marché en main des EMS en leur proposant effectivement des subventions pour autant que leur personnel soit rémunéré correctement, ce qui était loin d'être le cas à l'époque. Or ce contrat se transforme finalement en marché de dupe si une partie de celui-ci n'est pas réalisée ! En l'occurrence, en ne reconnaissant pas l'expérience à sa juste valeur et en ne la rétribuant pas aux conditions auxquelles il est prévu de le faire, certains EMS manquent à l'engagement pris à cette époque à l'égard du Conseil d'Etat, mais aussi de ce Grand Conseil, qui avait crédité cette politique.
J'ajoute qu'aujourd'hui la situation dans les EMS a changé: ces derniers s'adressent à des populations de plus en plus âgées, qui requièrent des compétences toujours plus fines et de l'expérience pour que des prestations de qualité puissent être fournies à ce public particulièrement fragilisé et vulnérable.
J'aimerais encore insister sur un aspect. Si ce soir cette motion n'était pas acceptée, cela signifierait simplement que ce Grand Conseil - du moins une majorité - estime que l'expérience n'a pas de valeur et qu'on peut exiger d'un employé qu'il ait de l'expérience sans être obligé de la rétribuer comme elle le mérite, ce qui est fondamentalement injuste et constitue une erreur. Je vous rappelle que dans ce parlement on a traité un certain nombre de projets visant à faire participer l'Etat à l'acquisition de l'expérience pour les jeunes qui débarquent sur le marché du travail. L'Etat devrait donc financer l'acquisition de l'expérience, mais une fois qu'elle est acquise les employeurs ne seraient pas tenus de la rétribuer ? Ce n'est pas tolérable. C'est un message politique inacceptable ! Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Jean-Luc Forni (PDC). J'entends le discours qui nous est tenu ce soir par la partie droite de la salle, qui est en fait la gauche. A mon sens, ces règles de subventionnement sont déjà établies et respectées par la plupart des établissements. Dès lors, s'il y a effectivement quelques cas illicites - voire des brebis galeuses - il faudrait qu'ils puissent être instruits, raison pour laquelle je demande le renvoi de cette motion à la commission des finances.
Le président. Merci, il en est pris note. Je mettrai aux voix cette proposition à la fin du débat. En attendant, je passe la parole au conseiller d'Etat Mauro Poggia.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, à chaque problème ses solutions. Je ne suis pas pour le tout à l'Etat: je pense qu'il faut d'abord individualiser le problème, puis rechercher la solution, sans grandes envolées. Vous avez entendu certains intervenants qui, implicitement, font dire à cette motion ce qu'elle ne dit pas, puisqu'ils demandent une hausse des salaires dans certaines fonctions. Pour ma part, je ne suis pas ici pour indiquer si c'est juste ou non. Je rappelle simplement que ce n'est pas l'objet de ce texte: il s'agit en l'occurrence uniquement de savoir si les annuités déterminées lors de l'engagement correspondent réellement à l'expérience des collaboratrices et des collaborateurs.
Voici quelques chiffres. Au 31 décembre 2018, 4944 personnes travaillaient dans nos EMS, qui sont au nombre de 54; 50 sont des entités de droit privé, si bien que seuls 4 sont des institutions de droit public. Parmi ces personnes, 633 ont été engagées en 2018. Ce que cette motion nous demande, c'est donc de vérifier si les annuités fixées au moment de l'engagement de ces 633 nouveaux collaborateurs correspondent à leurs années d'expérience.
Il faut par ailleurs savoir qu'il existe une convention collective, dont l'article 5.6.2 est parfaitement clair: une annuité doit être accordée pour chaque année d'expérience reconnue. Il y a dès lors un droit - il est exprimé - pour chaque nouveau collaborateur de voir ses années d'expérience prises en considération dans la fixation des annuités. Nous n'avons pas, nous, Etat, à intervenir pour effectuer un contrôle, à moins que vous ne souhaitiez que les salaires d'engagement soient contrôlés par la direction générale de la santé, auquel cas je vous demanderais quelques ETP supplémentaires pour mener à bien cette tâche, ce qui fera plaisir à certains et certaines d'entre vous... Evidemment, cela me paraît totalement disproportionné ! Chaque collaborateur, à supposer que ses années d'expérience ne soient pas correctement valorisées, a un droit personnel à ce que sa situation soit revalorisée, cas échéant tranchée par une entité tierce. Ce n'est donc pas par une motion qu'il faut inviter l'Etat à intervenir systématiquement lors des engagements pour vérifier si l'expérience est correctement prise en considération ! Pour toutes ces raisons, le Conseil d'Etat vous demande de rejeter ce texte et vous en remercie.
Le président. Merci bien. Mesdames et Messieurs, je vais soumettre à votre approbation la demande de renvoi à la commission des finances qui a été formulée tout à l'heure.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 2597 à la commission des finances est adopté par 54 oui contre 40 non.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons traiter à huis clos le RD 1293. En conséquence, je demande au Conseil d'Etat de bien vouloir se retirer, aux personnes qui sont dans les espaces réservés au public et à la presse de bien vouloir quitter le bâtiment, aux huissiers de fermer les portes et à Mme la mémorialiste de couper les micros ainsi que la retransmission sur Léman Bleu et sur notre site internet.
La séance publique est levée à 22h30.
Le Grand Conseil continue de siéger à huis clos.
MM. Christian Dandrès et Alberto Velasco ont annoncé leur absence à ce huis clos.
Cet objet est clos.
La séance est levée à 22h45.