République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 septembre 2019 à 16h
2e législature - 2e année - 4e session - 20e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 16h, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.
Assistent à la séance: MM. Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Mauro Poggia et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Anne Emery-Torracinta et Nathalie Fontanet, conseillères d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anne Marie von Arx-Vernon, Jennifer Conti, Amanda Gavilanes, Serge Hiltpold, David Martin, Guy Mettan, Adrienne Sordet, Stéphanie Valentino, Salika Wenger et Céline Zuber-Roy, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Christian Bavarel, Pierre Bayenet, Emmanuel Deonna, Sylvie Jay, Yves de Matteis, Christina Meissner et Helena Verissimo de Freitas.
Annonces et dépôts
Néant.
Questions écrites urgentes
Le président. Les questions écrites urgentes suivantes vous ont été transmises:
Question écrite urgente de M. Pierre Nicollier : Qualité des soins : quelles mesures sont prises contre les professionnels et institutions de la santé qui ne remplissent pas les exigences de qualité attendues ? (QUE-1125)
Question écrite urgente de M. Pierre Eckert : Emoi pour un abattage en catimini à la Servette (QUE-1126)
Question écrite urgente de M. Simon Brandt : Evolution du patrimoine arboricole et des abattages d'arbres (QUE-1127)
Question écrite urgente de M. Simon Brandt : Signalement des situations de harcèlement sexuel au sein du département de l'instruction publique (QUE-1128)
Question écrite urgente de Mme Christina Meissner : Energie solaire et petits propriétaires, on coupe la prise ? (QUE-1129)
Question écrite urgente de Mme Jocelyne Haller : Mineurs non accompagnés, quel dispositif d'accueil et d'accompagnement ? Quelles compétences en oeuvre ? (QUE-1130)
Question écrite urgente de M. Pierre Bayenet : Quelle est la base légale de la directive de service de la police «Gestion des affaires sensibles» n° DS OSI.02.04 du 19 juillet 2017 (dite «directive VIP») ? (QUE-1131)
Question écrite urgente de M. Serge Hiltpold : ESREC : égalité de traitement ou concurrence déloyale ? (QUE-1132)
Question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Quelles mesures pour les employés en souffrance à l'ASFIP ? (QUE-1133)
Question écrite urgente de M. Alberto Velasco : Combien de hauts cadres bénéficient-ils de coaching ? (QUE-1134)
Question écrite urgente de M. Jean Burgermeister : Quel niveau de pollution doit-on atteindre pour déclencher la gratuité des transports publics ? (QUE-1135)
QUE 1125 QUE 1126 QUE 1127 QUE 1128 QUE 1129 QUE 1130 QUE 1131 QUE 1132 QUE 1133 QUE 1134 QUE 1135
Le président. Ces questions écrites urgentes sont renvoyées au Conseil d'Etat.
Questions écrites
Le président. La question écrite suivante vous a également été transmise:
Question écrite de M. Marc Falquet : Les TPG interrompent brutalement une campagne d'information et de prévention sur les drogues, organisée par l'association « Non à la drogue, Oui à la vie ». Quel intérêt ? (Q-3824)
Le président. Cette question écrite est renvoyée au Conseil d'Etat.
Annonce: Séance du vendredi 30 août 2019 à 14h15
Cette question écrite urgente est close.
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Débat
Le président. Nous continuons le traitement des urgences et nous arrivons au point 166, classé en catégorie II, trente minutes. Il n'y a pas de prise de parole ? (Un moment s'écoule.) La parole est demandée par l'auteur, M. Pierre Bayenet.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Je vous remercie pour votre patience infinie, Monsieur le président, ainsi que Mesdames et Messieurs les membres du Bureau. Chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, je suis là ! (Rires.) Cette proposition de résolution a été déposée suite à la découverte d'une circulaire interne destinée aux prisonniers de Champ-Dollon sur laquelle il apparaît que les détenus sont, depuis le début du mois de juillet 2019, non pas invités, mais contraints de financer eux-mêmes leurs frais médicaux avec l'argent péniblement gagné. Je parle d'argent péniblement gagné en prison, parce que le revenu maximum qu'un détenu peut espérer dégager en prison est de 380 francs par mois, vous le savez peut-être. Quand bien même la franchise la moins élevée est relativement basse, si on y ajoute une quote-part, on peut aisément voir l'intégralité de son revenu absorbé en frais médicaux, sans compter les frais d'ambulance qui sont également facturés aux prisonniers.
Tout d'abord, que les choses soient claires: la directive indique bien que les détenus qui n'ont pas d'argent ne devront pas financer ces frais. Donc, les détenus qui n'ont pas d'argent du tout ne sont pas concernés. C'est vrai, un représentant du Conseil d'Etat le dira, les détenus qui n'ont pas d'argent ne seront pas privés de soins ! Mais ce n'est pas ça le problème: le problème concerne les détenus qui ont un peu d'argent - quelques centaines de francs. Eux devront financer leurs soins médicaux. Le risque est important que ces détenus préfèrent s'abstenir d'être soignés pour économiser quelques deniers qu'ils utiliseront pour s'acheter un petit supplément de nourriture, pour cantiner, comme on dit dans le jargon des prisons, pour s'acheter des cigarettes ou du dentifrice, pour écrire des cartes postales à leur famille ou téléphoner. Ce sont des choses que les prisonniers doivent assumer seuls, avec leur maigre revenu. Ces prisonniers qui travaillent et dégagent des faibles revenus auront à choisir entre se soigner ou acheter les petits produits dont ils ont impérativement besoin pour améliorer un peu leur ordinaire.
J'ai peu de temps, je ne vais pas m'étendre sur les conséquences que ça aura. La conséquence première est évidente: certains détenus renonceront à faire appel au service médical de la prison. J'invite tout le monde, en particulier les médecins dans cette salle, à lire la prise de position adoptée par l'Académie suisse des sciences médicales, qui déclare que c'est inacceptable, qu'il faut que les détenus puissent avoir gratuitement accès aux soins médicaux par principe. Pourquoi ? Parce qu'au sein de la prison, il y a un risque élevé d'épidémie, il y a un risque élevé de souffrance psychique. Ne pas répondre immédiatement aux besoins des prisonniers a pour conséquence un risque important d'aggravation ou d'explosion des épidémies. Ce risque s'étend non seulement aux prisonniers, mais aussi aux gardiens et aux visiteurs, peut-être même aux avocats - même si ce n'est pas là le pire ! Un jour ou l'autre, ces détenus sortent de prison et vont se promener dans la rue. Vous savez qu'on passe finalement peu de temps en prison: la plupart des gens passent trois mois à Champ-Dollon. Des maladies pourront se répandre dans la population et nous toucher. Nous avons donc le devoir de veiller à ce que ces prisonniers restent en bonne santé. L'Etat prive de liberté un certain nombre de personnes, il existe un devoir absolu de veiller à la santé de ces personnes, c'est notre obligation. Tout doit être fait pour que leur santé soit garantie, cela pour éviter une aggravation des coûts également.
Je parle de coûts parce que je sais que c'est un langage que ce Grand Conseil comprend assez bien; j'ai parfois l'impression que c'est peut-être le seul langage qu'il comprend ! (Exclamations.) Plus on attend avant de proposer des soins médicaux à un détenu, plus sa situation va s'aggraver. Ceux d'entre vous qui sont allés visiter l'excellente exposition sur la prison au Musée de la Croix-Rouge y ont peut-être vu une interview du professeur Wolff. Celui-ci expliquait que nombre de détenus effectuent la première visite médicale de leur vie entière à Champ-Dollon. Des gens arrivent à Champ-Dollon sans jamais avoir vu un médecin ! Ces gens-là ont vécu vingt ou trente ans sans jamais voir un médecin et ne comprennent pas très bien l'intérêt d'aller voir un médecin. C'est donc déjà difficile de les amener jusqu'au service médical de la prison, c'est déjà difficile de les inciter à prendre des médicaments, mais si vous leur dites qu'ils doivent aller voir un médecin, qu'en plus ils vont devoir le payer de leur poche et que, pour cette raison, ils ne pourront plus s'acheter de dentifrice, de biscuits ou d'autres produits, eh bien, ils n'iront pas voir le médecin ! (Protestations.) La conséquence de cela, c'est que, s'ils tombent malades, ils vont attendre que la maladie soit grave, ils vont attendre de devoir être hospitalisés. Et qui devra payer les frais beaucoup plus importants ? Ce sera la collectivité, ce sera à nous d'octroyer des budgets supplémentaires pour assurer la prise en charge de ces personnes alors qu'une prise en charge gratuite immédiate ou rapide aurait permis d'éviter cette aggravation. Evidemment, le coût social - le risque important d'épidémie - devra être porté par l'ensemble de la société, comme je l'ai indiqué auparavant.
Je pense que j'ai fait le tour de l'essentiel de la question et je vous invite dès lors à soutenir cette résolution qui, je l'espère, saura ramener le Conseil d'Etat à la raison. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Monsieur le président, le groupe démocrate-chrétien est d'accord sur le fond avec cette proposition de résolution. Les médecins s'interrogent sur cette directive et la décision prise. L'Association des médecins de Genève s'y est opposée parce qu'il faut faire extrêmement attention avec les risques d'épidémie et de maladies graves en prison. Les risques y sont beaucoup plus élevés et les détenus sont plus fragiles que les gens en dehors de la prison. Il faut donc faire le maximum pour éviter d'avoir des problèmes dans les prisons.
Nonobstant ces remarques, je pense qu'il est sain que cette résolution soit discutée en commission et que le Conseil d'Etat et les directeurs de prison puissent s'expliquer, qu'on entende toutes les personnes qui interviennent en prison, le professeur Wolff en premier. Je propose un renvoi à la commission des visiteurs officiels.
Le président. Merci, il en est pris note. Nous passons la parole à Mme la députée Marion Sobanek.
Mme Marion Sobanek (S). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, mes préopinants ont déjà donné l'essentiel des arguments, qui se trouvent aussi dans l'exposé des motifs, mais je voudrais compléter un peu leurs propos. La commission des visiteurs officiels a été avertie au mois de décembre 2018 de cette directive de la conférence latine des autorités cantonales compétentes par le professeur Wolff, qui dirige le service de la médecine pénitentiaire. A l'époque, suite à l'exposé du professeur Wolff, la commission a trouvé cette mesure inacceptable et a demandé au directeur de l'office cantonal de la détention ainsi qu'aux directeurs des prisons de La Brenaz et de Champ-Dollon quelle était la pratique. Ces directeurs ainsi que Philippe Bertschy nous ont assuré que la pratique n'allait pas changer à Genève. La commission a ainsi été satisfaite. Or, durant l'été, nous avons appris que la pratique allait changer.
La prison reste un milieu fermé et très spécial, peu propice à la santé psychique, mentale et physique. On est reclus longtemps dans un espace confiné, à quatre, cinq ou six personnes. En été, les températures dépassent facilement les 35 degrés; on n'a pas choisi avec qui on partage cet espace exigu et les détenus ont tous la même brosse à dents rouge, formidable vecteur de l'hépatite C ! Une prison, c'est bruyant, et la majorité des prisonniers souffrent de problèmes de sommeil plus ou moins récurrents et graves.
La surpopulation aggrave les effets négatifs sur la santé, les pics de surpopulation coïncident avec les pics des consultations médicales. Même si la majorité de ces consultations relèvent un peu de la bobologie, les cas de strangulations, pendaisons et automutilations ont été multipliés par dix lors de situations de surpopulation.
Pour les femmes, la situation est pire. Les prisons sont conçues pour les hommes; les femmes sont moins emprisonnées que les hommes, mais les femmes emprisonnées sont souvent dans un état psychique bien plus grave que leurs collègues masculins. Pour cette raison, il faut laisser le libre accès aux soins sans une peine pécuniaire supplémentaire, ainsi que mon collègue M. Bayenet l'a déjà mentionné. Car les gains de cette mesure sont nuls, il faut donc absolument accepter cette résolution ! (Applaudissements.)
M. Pierre Eckert (Ve). Monsieur le président, je suis un peu surpris - on en a discuté à la commission interparlementaire - qu'un certain nombre d'articles et d'alinéas soient édictés non pas par un législatif mais par un exécutif, qui va mettre en place ces diverses mesures. En fait, cette mesure a été prise pour respecter ce qu'on appelle un principe d'équivalence, c'est-à-dire pour traiter les personnes de la même façon, qu'elles soient en liberté ou non. Mais vous voyez bien qu'être en liberté ou non n'est pas vraiment la même chose. (Commentaires.) En prison, il est quand même un peu plus difficile d'entreprendre certaines démarches. Je lis ici qu'on oblige également la personne détenue à collaborer aux démarches administratives nécessaires pour lui assurer une couverture optimale. Je rappelle que passablement de personnes étrangères en situation illégale et souvent allophones détenues à Champ-Dollon ne sont bien entendu pas assurées. C'est déjà relativement difficile dans le canton de Genève où tout le monde ne requiert pas l'aide sociale. Donc, quand vous êtes en prison, que vous êtes allophone, imaginez la facilité qu'il peut y avoir à demander une aide sociale si vous n'arrivez pas à payer votre assurance ! Tout ça ne nous paraît pas logique et, en ce sens, au nom du groupe des Verts, je vous recommande également d'accepter cette résolution. (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, quand on considère ceci à froid - ou à chaud, peu importe - on se dit: mais qu'est-ce qu'ils font ? Je ne voudrais pas dire que vous ne réfléchissez pas, mais, si vous me le permettez, quand on réfléchit un peu, on s'aperçoit que cette décision est le fait de la conférence des directeurs pénitentiaires. Avons-nous affaire à une bande d'ânes patentés ? A l'UDC, nous ne le pensons pas !
Il y a quand même quelque chose de bizarre: cette décision a été prise pour les frais excédents, mais les gens sont toujours assurés. J'en ai parlé avec notre secrétaire technique, je pense que c'est prématuré et que quelque chose ne joue pas: la commission de la santé n'en a pas été avisée. De même, la commission des visiteurs officiels n'a pas reçu d'annonce formelle à ce sujet alors que cette décision est placardée depuis quelques mois dans les couloirs de Champ-Dollon.
C'est la raison pour laquelle nous nous méfions d'une décision prise comme ça, sur le siège: il y a peut-être quelque chose à creuser, quelque chose à revoir. En tout cas, il doit y avoir une discussion avec le Conseil d'Etat. C'est la raison pour laquelle le groupe UDC demande également le renvoi de ce texte à la commission des visiteurs officiels.
Le président. Merci, il en est pris note. La parole est à M. le député François Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Je pense que ce qui doit régir toute action dans notre société, c'est le principe d'équité. Or, si on suit les auteurs de cette proposition de résolution, on se dirige vers une situation tout à fait inéquitable, parce qu'elle touche uniquement les personnes condamnées et en exécution de peine, mais pas les personnes en prison préventive. Donc, une personne en exécution de peine bénéficierait d'une gratuité alors que la personne à l'extérieur, le citoyen ou la citoyenne lambda devrait payer, payer quoi qu'il en soit ! On crée donc une inégalité de base qui à mon sens n'est pas acceptable. Cette décision serait prise sous le coup de l'émotion. Bien évidemment, un certain nombre d'éléments doivent être éclaircis. On se rend bien compte que ce n'est pas sur la base d'une directive placardée sur les murs, qui a créé de l'émotion, que l'on peut prendre une décision, quelle qu'elle soit.
Le groupe MCG suivra donc l'avis de toutes les personnes demandant un renvoi en commission, parce qu'il faut un examen un peu plus précis de cette question pour en comprendre les tenants et aboutissants et comprendre la réalité des faits, mais il nous semble à première vue que la conférence des directeurs chargés de l'exécution des peines est quand même composée de personnes avisées qui ont décidé de prendre une décision de manière collective. Cette décision n'est à mon sens pas prise à la légère; on prend davantage de décisions à la légère dans ce parlement, malheureusement ! Il faut, de manière tout à fait impérative, examiner la chose froidement et attentivement, en menant les auditions qui s'imposent, mais le groupe MCG est favorable à l'équité pour faire en sorte que le citoyen lambda ne soit pas moins bien traité que le prisonnier condamné. (Applaudissements.)
M. Thomas Bläsi (UDC). Monsieur le président, chers collègues, j'aimerais juste répondre à une de mes préopinantes qui parlait des risques de contamination par rapport aux hépatites C: la prise en charge pour les personnes atteintes d'hépatite C de manière chronique dans la population n'est pas gratuite et elle est de plus extrêmement limitée. J'aimerais dire aussi que les victimes des personnes en prison, qui peuvent être contaminées ou blessées - voire mortes - n'ont pas non plus un accès gratuit aux soins. Ensuite, je pense que le dédommagement des victimes par les personnes emprisonnées doit aussi être pris en compte dans la réflexion sur cette gratuité.
On parlait de santé publique et de risque sanitaire. Dans un cas comme celui-là, je m'étonne qu'on pense essentiellement à la commission des visiteurs de prisons. De mon point de vue, il est nécessaire que cette question soit également abordée par la commission de la santé, soit sous forme de préavis, soit par transmission directement à cette commission. A titre personnel, je demanderai qu'on renvoie cette résolution à la commission de la santé.
Le président. Il en est pris note, je vous remercie. La parole est à M. le député Jean Romain.
M. Jean Romain (PLR). Merci, Monsieur le président. Ecoutez, la fonction principale de la commission des visiteurs est de vérifier les conditions de détention. Celles-ci sont parfois plus difficiles, parfois plus faciles, mais, quelle que soit notre émotion, quelle que soit notre appartenance partisane... J'ai entendu Mme Sobanek, j'ai entendu M. Eckert: ils faisaient déjà ce débat qu'il faudra que nous ayons, mais qui devra être dominé par un principe d'humanisme. C'est là un principe extrêmement important sans lequel la commission des visiteurs officiels n'a pas sa raison d'être. Pour pouvoir le mettre en oeuvre, il nous faut beaucoup de renseignements. Ces renseignements, nous ne les avons pas ici, nous ne sommes pas des spécialistes: nous pouvons être médecins, nous pouvons être d'une discipline qui se rapproche de celle des soignants, mais il y a quelque chose que nous devons absolument connaître, c'est ce qui se dit à l'intérieur même des lieux de détention.
Sans refuser d'écouter aussi la commission de la santé, je pense que la commission des visiteurs officiels est la plus à même d'entendre les gens qui sont tous les jours confrontés à ces problèmes-là. Qui mieux que notre commission des visiteurs officiels peut le faire ? Si nous renvoyons ce texte en commission, c'est à celle-ci que nous devons le faire. Je propose de ne pas tenir le débat ici; nous aurons ce débat sur la foi de ces témoignages, sur la foi d'un rapport. J'insiste sur ce qu'a demandé M. Buchs, à savoir le renvoi à la commission des visiteurs officiels.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Pierre Conne pour une minute douze.
M. Pierre Conne. Je renonce, Monsieur le président.
Le président. Merci ! La parole est à M. le député Bertrand Buchs pour une minute cinquante-neuf.
M. Bertrand Buchs (PDC). Rapidement, Monsieur le président: ne renvoyons pas ça à la commission de la santé ! On est débordés et on n'arrive pas à suivre avec toutes les motions et les projets de lois qu'on nous envoie. Ça veut dire qu'on traitera cet objet je ne sais pas quand - dans six mois, une année ou deux ans. Il faut le renvoyer à la commission des visiteurs officiels !
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames les députées, Messieurs les députés, pourquoi ne faut-il pas renvoyer cette résolution en commission ? Parce qu'elle est urgente ! Nous avons voté l'urgence hier et la majorité de ce parlement l'a acceptée pour une raison simple: sur le fond, il y a bel et bien urgence ! Parce qu'il y a trois mois que cette nouvelle directive est entrée en vigueur; il y a trois mois qu'au sein du service médical de la prison de Champ-Dollon, on commence à constater que des détenus renoncent à se faire soigner.
Il faut une mesure urgente, ce qui n'empêche pas qu'une commission - laquelle, je ne sais pas - se saisisse du problème ensuite par elle-même et se penche soigneusement dessus. Là, on nous a mis devant un fait accompli; le Conseil d'Etat nous a mis - nous, le Grand Conseil - devant un fait accompli en faisant payer les détenus. Nous ne pouvons pas accepter cela, ni que des détenus subissent cette situation. A nous d'y mettre un terme, quitte à réfléchir ensuite à ce problème sur la base d'un autre texte ! (Applaudissements.)
Le président. Merci. La parole est à M. le député Marc Falquet pour trente secondes.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Je rappelle simplement que des honnêtes gens, des dizaines de milliers d'honnêtes gens renoncent à se faire soigner, notamment ceux qui ont des franchises d'assurance élevées. Voilà ! (Commentaires.)
Le président. Merci. Nous passons au vote sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de résolution 892 à la commission des visiteurs officiels du Grand Conseil est adopté par 48 oui contre 39 non et 1 abstention.
Débat
Le président. Nous poursuivons avec les objets liés M 2526-A, P 2066-A et M 2524-A, pour lesquels l'urgence a été votée hier. Nous les traiterons en catégorie II, soixante minutes. Je laisse les rapporteurs s'installer et, pendant ce temps, je prie Mme Delphine Bachmann de bien vouloir lire le courrier 3892, comme on l'a demandé hier. (Applaudissements à la fin de la lecture.)
Le président. Merci. La parole est à Mme la députée Léna Strasser.
Mme Léna Strasser (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous venez d'entendre la lettre des enfants relative à la pétition. Je vais de mon côté vous présenter les deux rapports de commission sur les motions qui l'accompagnent. En préambule, j'aimerais remercier les nombreuses personnes auditionnées à propos de ces objets dans un contexte difficile, vous l'avez entendu, pour ceux qu'il touche. Je tiens particulièrement à remercier les jeunes qui ont osé s'adresser à nous, dans un niveau de français salué par de nombreux commissaires, et nous ont parlé de leur vie quotidienne, de leurs craintes pour l'avenir, de leur envie de construire un projet ici - de s'investir dans nos entreprises et nos institutions - de leur désir de travailler, de contribuer à notre société; de leur désir simple d'être reconnus et d'exister.
La M 2526 demande de trouver une solution à un non-sens dont voici l'histoire - je vais en partie répéter ce qui a été dit dans la lettre. Après avoir fui la guerre ou un Etat où le futur se résume à obéir, à se faire discret sous peine de disparaître, vous traversez des pays, des déserts. En route, vous perdez des proches, des amis, vous êtes torturé. Vous traversez la mer et vous survivez. Vous arrivez enfin en Europe, puis à Genève. Vous faites une demande d'asile. La procédure dure longtemps. Vous nourrissez l'espoir d'une vie ici et vous faites des efforts, beaucoup d'efforts: vous apprenez la langue, vous vous investissez dans ce nouveau chez-vous. Et un jour, après avoir lutté pour ça, vous trouvez enfin, malgré votre permis N, un travail ou une place d'apprentissage. Enfin vous gagnez votre vie, enfin vous êtes dans les mêmes classes que les jeunes d'ici pour apprendre un métier. Votre désir d'être autonome et libre semble enfin se concrétiser.
Puis, vous recevez de Berne, du Secrétariat d'Etat aux migrations, une réponse négative à votre demande d'asile. Négative ! Suit un délai de départ; on vous retire votre permis pour vous donner une feuille de papier à faire tamponner régulièrement par les autorités. Votre patron le regrette, mais il ne peut pas vous garder car vous n'avez plus d'autorisation de travail. Vous retrouvez votre assistant social, qui, il le regrette, ne peut plus rien à part vous octroyer l'aide d'urgence. L'avenir qui s'ouvrait devant vous devient un mur. Le non-sens de tout cela, c'est que vous ne pouvez plus travailler: vous êtes à nouveau à la charge de notre canton et on vous somme de partir. Mais, Mesdames et Messieurs, où ?
Partir où ? Dans votre pays d'origine ? Pour vous, c'est impensable - vous savez pourquoi vous avez fui - et, de plus, la Suisse ne peut pas vous renvoyer car il n'y a pas d'accord de réadmission. Partir ailleurs en Europe ? Vous serez rapidement de retour à Genève au vu des procédures Dublin, qui permettent aux Etats de renvoyer les requérants d'asile dans le pays où ils sont arrivés en premier. La Suisse frisait d'ailleurs, il y a peu, la première place au championnat européen des personnes renvoyées via «Dublin-out», de la Suisse vers l'Italie notamment. Maintenant, elle est bientôt championne européenne du nombre de personnes de retour en Suisse via «Dublin-in» ! Retour à la case départ ! Un vrai jeu de l'oie, avec des trappes, des escaliers en colimaçon et parfois une case prison pour détention administrative ! C'est une torture pour celles et ceux qui le vivent, Mesdames et Messieurs les députés, et cela n'a rien d'un jeu.
Genève est pour certains comme une prison à ciel ouvert et il est temps que cela cesse. Pour que Yodit puisse garder son emploi malgré une décision négative, bénéficier dans quelques années d'une admission pour cas de rigueur et faire vivre sa famille sans dépendre de l'aide sociale. Pour que Jacques puisse garder son apprenti Ali, un jeune homme motivé, souriant et engagé, qu'il a déjà formé durant près d'une année et qui a de bons résultats scolaires. Et pour qu'Ali puisse rester ici, autonome et formé, ou alors rentrer dans son pays d'origine plus tard, riche des compétences acquises. C'est pour mettre fin à ces situations kafkaïennes et à ce non-sens administratif que je vous remercie de suivre la commission des affaires sociales et d'accepter cette première motion.
La deuxième motion, dont je suis également le rapporteur, la M 2524, que la commission des affaires sociales a votée à une grande majorité, sans opposition et avec quelques abstentions, demande de prolonger un suivi spécifique pour les requérants d'asile et réfugiés mineurs et non accompagnés devenus majeurs. Aujourd'hui, ce suivi plus rapproché s'arrête à leurs 18 ans alors que, vous l'avez entendu dans la lettre, 18 ans, c'est là que tout commence. La motion propose simplement de poursuivre l'accompagnement de ces jeunes mineurs devenus majeurs jusqu'à l'obtention d'une formation certifiante ou jusqu'à leurs 25 ans. Cela nous permettra, Mesdames et Messieurs les députés, de soutenir leur autonomie tant sociale que financière.
Je me permets ici de citer un jeune entendu dans le cadre des auditions, un ex-RMNA, apprenti employé de commerce en deuxième année, qui dit la chose suivante: «Actuellement, j'ai 19 ans. Je souhaite dire qu'il est important que les jeunes soient écoutés et que le temps soit pris pour tous les arrivants, majeurs ou mineurs, car c'est difficile de comprendre le système. J'essaie de donner de l'aide à toutes les personnes qui me le demandent, mais après mon travail. J'ai une vie en dehors de mon apprentissage et je suis prêt à aider car j'ai été aidé.» Ce même jeune homme remarquait que, s'il a réussi son insertion sociale et professionnelle, c'est parce qu'il a été entouré de façon continue, et ce depuis son arrivée. Il a également créé des liens avec ses éducateurs du foyer Blue Sky, avec les autres résidents, avec d'autres personnes proches, notamment les familles-relais dont certaines, je crois, sont aujourd'hui dans la salle; c'est un réseau qu'il qualifie de familial. C'est vers cet objectif que tend la M 2524, que je vous remercie de soutenir comme l'a soutenue la majorité de notre commission. (Applaudissements.)
Mme Frédérique Perler (Ve), rapporteuse. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la P 2066, largement signée par la population, demande que les Erythréennes et les Erythréens puissent rester. Cette pétition est un cri d'alarme de la Coordination asile, pétitionnaire, sur la situation des Erythréens qui ont demandé l'asile en Suisse et voient désormais leur demande rejetée. Elle formule quatre demandes:
«- De ne pas exclure de l'aide sociale cette population jeune et pleine de perspectives. L'aide d'urgence les précarisera, quelle que soit l'issue de leur procédure.
- D'autoriser les Erythréennes et Erythréens déboutés à poursuivre leur formation dans le canton.
- De permettre aux Erythréennes et Erythréens déboutés d'exercer un travail rémunéré à Genève.
- De s'engager auprès du SEM afin qu'il suspende les levées d'admissions provisoires; qu'il accorde aux Erythréennes et Erythréens le droit de rester en Suisse, avec un permis F ou un permis B, avec effet immédiat et rétroactif; qu'il sollicite le SEM pour mettre en place une action de régularisation extraordinaire.»
En outre, les députés ont reçu une lettre des enfants des familles-relais, annexée au rapport, et une nouvelle lettre est arrivée, qui vous a été lue au début de ce débat. Ces lettres, vous l'aurez constaté, mettent l'accent sur les droits de l'enfant et implorent les autorités d'accorder à ces jeunes migrants les mêmes droits dont ils bénéficient eux-mêmes.
Il faut dire que la situation en Erythrée n'a pas changé: il s'agit d'une dictature, où chacun court un risque élevé d'être persécuté quand bien même la guerre est terminée. Les droits humains y sont violés de manière répétée; toutes les organisations internationales et tous les pays le reconnaissent excepté la Suisse, seul pays à ne plus accorder de protection à cette population. La pratique du Secrétariat d'Etat aux migrations et les décisions du Tribunal fédéral vont dans le sens d'un durcissement en rendant des décisions négatives sur l'asile assorties de renvois exécutoires.
Cette pratique est d'autant plus incompréhensible que sur le site du SEM, dans la «foire aux questions», que j'ai consultée, on peut lire ce qui suit: «Le gouvernement érythréen considère le service national comme un projet visant à remettre l'Etat sur pied et auquel chaque citoyen doit apporter sa contribution. C'est pourquoi ceux qui désertent ou refusent de servir sont considérés comme des "traîtres à la nation" et sanctionnés avec une dureté démesurée.» Plus loin: «Les principaux motifs d'émigration des Erythréens sont les violations des droits de l'homme, la durée illimitée du service national, l'absence de perspectives qui en découle et l'oppression de la liberté d'expression.» Dans le service militaire, les recrues subissent la volonté de leurs supérieurs et «toute critique et tout manque de discipline sont durement sanctionnés (détention arbitraire, torture)». Les déserteurs retournés en Erythrée étaient par le passé régulièrement victimes de ces pratiques. «Les Erythréens obtiennent l'asile non pas à cause de la situation économique dans leur pays, mais parce qu'ils y sont exposés à des sanctions excessives et d'ordre politique s'ils y retournent après avoir déserté ou refusé d'y servir.» Je crois que tout est dit sur le site du Secrétariat d'Etat aux migrations - cela semble assez clair !
Ce durcissement des pratiques condamne les Erythréennes et les Erythréens à l'angoisse d'un renvoi alors que, sans accord de réadmission, aucun renvoi forcé n'est possible vers leur pays. Cela les plonge dans la précarité du fait de l'exclusion de l'aide sociale et tous leurs efforts d'intégration sont alors anéantis. Les témoignages dont ma préopinante, Mme Strasser, vous a délivré quelques extraits ont illustré avec pertinence, durant les travaux de commission, le désespoir causé par ces décisions: elles ruinent leurs efforts d'intégration et leur détermination à devenir indépendants et à construire leur vie en Suisse.
Il y a donc toute une population, dont bon nombre de jeunes, qui vit en Suisse depuis des années, dont le renvoi ne peut pas être exécuté - et ne pourra certainement pas l'être ces prochaines années - qui se retrouve désormais condamnée à l'aide d'urgence ! Cette situation est très difficile sur les plans humain et social; l'asile leur est refusé et ils ne peuvent pas retourner dans leur pays. Ces jeunes sont en Suisse et vont y rester, mais sans aucune perspective.
Au fond, il s'agissait de savoir, durant nos travaux de commission, si nous décidions de leur donner les moyens de vivre dignement ou si nous les condamnions à vivre de l'aide d'urgence. Concrètement, en pratique, ils sont déboutés mais ne peuvent pas être renvoyés. Il pourrait y avoir un moyen de sortir les jeunes de cette situation de no man's land absurde, pour autant que le Conseil d'Etat décide de leur offrir des perspectives d'avenir.
La commission des affaires sociales a considéré cette situation indigne de notre tradition humanitaire suisse, et genevoise en particulier. Elle a considéré qu'il ne fallait pas se voiler la face devant cette situation où le devoir d'humanité prime sur des pratiques et des lois absurdes. C'est pourquoi la majorité vous invite à renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Marc Fuhrmann (UDC), rapporteur de minorité. Je vais commencer, en tant que rapporteur de minorité, par parler de la M 2526, qui porte notamment sur l'octroi d'un permis de séjour aux personnes déboutées de l'asile mais dont le renvoi n'est pas réalisable. L'idée est donc de prolonger les permis de travail donnés à ces requérants déboutés; depuis que leur demande d'asile a été refusée, leur permis de travail leur a été enlevé. En toute logique, une demande d'asile rejetée - ce qui, selon la loi, annule le permis de travail octroyé temporairement - aboutit à un départ de la Suisse de la personne ayant déposé cette demande; ça, c'est quand tout va bien.
Il y a deux angles à cette problématique, à savoir d'une part une loi sur l'asile, qui est claire: une demande rejetée exige le départ du pays de la personne. D'autre part, nos accords internationaux comportent une lacune: la Suisse n'a effectivement pas d'accord de renvoi avec certains pays, ce qui rend le renvoi difficile, voire irréalisable. Pour la minorité, il s'agit de ne pas considérer que le rejet de la demande d'un ressortissant d'un pays où le renvoi n'est pas possible équivaut automatiquement, dans les faits, à une acceptation tacite de cette demande d'asile. Une demande d'asile rejetée l'est rarement sans motifs.
La loi est assez claire et permet de faire la différence entre une demande légitime et une demande non fondée - rassurez-vous, je ne suis pas de ceux qui les examinent: ce sont, je pense, des gens avec un peu plus d'empathie, qui comprennent les situations des personnes qu'ils examinent. La loi permet aussi aux cantons des dérogations et il convient évidemment de ne pas automatiser celles-ci. Ces personnes reçoivent une admission provisoire, ce qui les régularise d'une certaine façon, sans pour autant leur donner un permis de travail. Prolonger leur permis de travail reviendrait à rejeter nos procédures d'octroi d'asile et ouvrirait la porte à une augmentation massive des demandes provenant de pays où l'on ne peut pas renvoyer les requérants déboutés: demande acceptée ou non, ça ne ferait finalement plus de différence, l'essentiel étant de provenir d'un pays «non renvoyable» !
La dénomination «demande d'asile» est claire: il ne s'agit pas de venir s'établir en Suisse dans l'espoir de poursuivre une vie meilleure, ce qui est évidemment compréhensible pour l'essentiel des personnes de certains pays ! Une demande d'asile est une demande de protection suite à la fuite d'un pays où la personne est, ou serait, persécutée. Si l'asile est refusé, la Suisse - Genève - ne peut pas fermer les yeux et octroyer des facilités qui sont finalement non avenues. La situation est claire ! Une demande rejetée est sans équivoque: le requérant ne remplit pas les conditions de notre déjà très généreuse politique d'asile et ne peut donc pas rester.
Il serait absurde, selon la minorité, de simplement oublier la requête rejetée en faisant en sorte que la personne reçoive de facto une forme d'asile. Les solutions sont à trouver ailleurs, notamment dans la conclusion d'accords internationaux de renvoi avec les pays avec lesquels ils font encore défaut; le solde serait alors réglé par des dérogations mais en aucun cas par un automatisme comme préconisé par cette motion. Le droit se doit d'être clair - et il l'est ! Ne pas annuler les permis de travail délivrés aux personnes déboutées reviendrait à ce que la procédure d'asile n'ait finalement plus aucun sens et ne serve plus à rien du tout. Nous, membres de la minorité de la commission, nous invoquons les éléments ci-dessus pour rejeter la M 2526.
Quelques mots maintenant sur la M 2524 sur la prise en charge jusqu'à 25 ans des RMNA. Là aussi, la minorité estime qu'il n'y a pas à faire de différence entre les catégories de population: à partir de 18 ans, vous êtes majeur et devez être considéré comme tel. L'objectif n'est pas d'en faire des «assistés», entre guillemets, ad vitam aeternam, j'ai presque envie de dire. Certaines aides peuvent évidemment continuer sans pour autant qu'on crée un statut spécial qui ferait la différence entre le local, qui à 19 ans est un adulte, et puis le jeune RMNA, qui à 20 ou 21 ans reste, lui, considéré comme ayant encore besoin d'aide ou comme un jeune, pourrait-on dire. Nous voyons là une contradiction avec l'Etat de droit; il y a des possibilités pour aider ces gens, peut-être différentes une fois qu'ils sont adultes, certes, mais ces possibilités existent. Voilà: en quelques mots, la minorité rejette la M 2524 et la M 2526 et vous enjoint de faire de même. Merci.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, permettez-moi tout d'abord de saluer la décision de lier ces trois objets parlementaires: cela souligne les enjeux qui concernent ces personnes. Quelles personnes ? La M 2524 se focalise sur les ex-RMNA, des ex-requérants d'asile mineurs non accompagnés, c'est-à-dire des jeunes arrivés mineurs à Genève et qui viennent d'atteindre leur majorité. Son objectif est de mettre en place un accompagnement socio-éducatif et sociopédagogique sur la durée, conformément à l'amendement voté en commission. Autrement dit, elle demande non seulement une collaboration interdépartementale, mais également la mise en application d'une politique cohérente jusqu'à l'âge de 25 ans pour ces jeunes relevant de l'asile. Pourquoi ? Parce que toutes les recommandations vont dans ce sens, que ce soient celles de la Cour des comptes dans son rapport 136, celles de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales de 2016 ou encore celles du SSI. Pourquoi ? Parce que cela concerne plusieurs départements, à savoir le département de l'instruction publique à travers la prise en charge du SPMi et de l'école inclusive et le département de la cohésion sociale à travers l'Hospice général notamment.
Enfin, il est important, avant d'entrer dans le vif du sujet, de mettre en exergue qu'il est question d'enfants, de jeunes, avant d'être question de migrants. Ils ont dû tout quitter, même leur propre famille, et ont pour la plupart des parcours traumatiques de par leur voyage et leur situation. Il est donc fondamental de leur apporter plus que de l'aide, en complétant celle-ci avec un accompagnement adéquat et cohérent. Pourquoi ? Parce qu'il est courant que ces jeunes, arrivés tardivement à Genève, aient des besoins spécifiques mais aussi qu'il leur faille du temps. Que ce soit dans le contexte de l'école inclusive ou dans le suivi d'une formation, l'accompagnement est fondamental pour viser un objectif d'intégration.
Rester ! S'ils restent, quel avenir auront-ils s'ils ne savent pas parler français ? S'ils n'ont pas pu finir leur formation en raison de leur âge ou encore de leurs conditions d'hébergement ? Est-ce que nous souhaitons les assister à long terme et les faire bénéficier d'une aide sociale tout en leur imposant l'oisiveté ? Ou voulons-nous les aider à reconstruire leur avenir et leur intégration en leur octroyant plus de temps ? Selon l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, la formation est un facteur clé de la santé. Il est donc primordial que tous les jeunes - mineurs, RMNA, ex-RMNA - ayant des besoins spécifiques puissent bénéficier d'une politique cohérente, qui a du sens, pour leur avenir; dès lors, la balle est dans le camp du Conseil d'Etat.
Au-delà de ces considérations sur les permis, qu'ils soient N, F ou autres, la proposition de motion 2526 de mon collègue Vert David Martin demande de faciliter l'insertion professionnelle et l'octroi d'un permis de travail aux personnes déboutées de l'asile dont le renvoi n'est pas réalisable. Je répète: leur renvoi n'est pas réalisable ! Passons à la cohérence: il est préférable que ces personnes se forment et travaillent plutôt que de les faire dépendre des finances de la collectivité. Il y a des jeunes qui sont en apprentissage, qui ont un patron, et puis tout s'arrête suite à une décision. Ils tombent à l'aide d'urgence, ce qui est une aberration pour nous, les Vertes et les Verts.
Toutes ces questions d'accompagnement, de formation, d'insertion professionnelle et d'octroi de permis de travail concernent une grande majorité d'Erythréens et d'Erythréennes, que l'on ne peut pas renvoyer. La P 2066, intitulée «Droit de rester pour les Erythréennes et Erythréens !», met en lumière ces paradoxes politiques: il n'est pas possible de les renvoyer ! La pétition, largement soutenue par une partie de la population, rappelle que, selon le Conseil des droits de l'homme de l'ONU, l'Erythrée est encore une dictature où le risque de persécution est élevé. A l'aube des trente ans de la Convention relative aux droits de l'enfant, il serait inimaginable de renvoyer des jeunes dans un tel pays. Du sens, du bon sens, de la cohérence et de l'accompagnement pour un avenir humain: voilà les objectifs principaux de ces objets liés, tous acceptés à la commission des affaires sociales.
J'exprimerai encore la vive émotion suscitée en moi par tous les témoignages entendus ou lus lors des auditions, avant de terminer par une citation d'Amnesty International: «Dans le monde, les réfugiés représentent seulement [...] 0,3% de la population mondiale. Les politiques parlent de flux, de flots, de vagues mais il s'agit d'hommes, de femmes et d'enfants. Aucun argument économique, politique ou sécuritaire ne justifie le renvoi d'une personne qui fuit la guerre, les violences et la torture.» J'aimerais aussi, au nom des Vertes et des Verts, rendre hommage à Ali Reza Hossaini, qui s'est donné la mort au foyer de l'Etoile. Nous soutiendrons bien évidemment les deux motions et nous accepterons aussi le renvoi de la pétition au Conseil d'Etat. Merci. (Applaudissements.)
M. Bertrand Buchs (PDC). Je ne vais pas entrer dans le détail de ces deux propositions de motions et de la pétition; les choses ont été clairement expliquées par des personnes qui m'ont précédé. J'aimerais quant à moi exprimer l'émotion qu'ont ressentie la plupart des membres de la commission des affaires sociales en découvrant ce problème des mineurs non accompagnés, c'est-à-dire des jeunes qui sont arrivés en Suisse avant l'âge de 18 ans. Ils sont venus en Suisse dans des conditions épouvantables ! Ils ont connu des choses absolument épouvantables, allant jusqu'à l'esclavage en Libye avant de pouvoir traverser la mer pour arriver en Italie, en Grèce ou en Espagne.
Ces jeunes ont vécu des choses qu'on n'aimerait jamais que nos enfants vivent. Nous avons été impressionnés par leur résilience: après avoir vécu ce qu'ils ont vécu, ils sont capables de vouloir se former, de vouloir se construire une autre vie en Suisse. Ils sont extrêmement volontaires; nous avons entendu ces jeunes en commission et ils sont capables, après deux ans, de s'exprimer dans un français quasiment parfait. Ce sont des jeunes qui peuvent commencer une formation, et on leur dit brusquement: «Non, on vous retire votre permis et vous n'avez plus le droit de faire quoi que ce soit: vous ne pouvez rien faire d'autre que traîner dans la rue, à Genève, et toucher l'aide sociale, parce qu'on ne vous forme plus !»
A quoi est-ce que ça sert ? Franchement, à quoi est-ce que ça sert ? C'est de l'hypocrisie, de la pure hypocrisie ! On applique des règlements complètement hypocrites alors que ces jeunes, qui ne sont pas des milliers à être venus mais quelques dizaines, ont droit à cette formation ! S'ils sont formés, ils vont être intégrés et pourront apporter quelque chose de plus à la Suisse. Tous les jeunes de la première ou deuxième génération qui sont venus comme réfugiés, que ce soit du Kosovo ou d'autres pays, se sont parfaitement bien intégrés et apportent maintenant beaucoup à la Suisse, il ne faut pas l'oublier. Il ne faut pas oublier non plus que les Hongrois, quand ils sont venus en Suisse autour de 1957, ont apporté énormément de choses à la Suisse.
Ne rejetons pas ces enfants qui veulent se former - ce sont des enfants ! Ils sont tout seuls, ils n'ont plus de famille ! Ce ne sont pas des réfugiés économiques, ce sont des enfants ! Il faut donc les soutenir comme on soutiendrait nos enfants. La chose à faire, c'est simplement de voter ces deux motions et cette pétition. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Véronique Kämpfen (PLR). La M 2526 demande que les personnes déboutées de l'asile mais que l'on ne peut pas renvoyer dans leur pays à cause de traités de réadmission manquants puissent continuer à exercer une activité lucrative ou poursuivre leur formation à Genève. Le groupe PLR vous propose également d'accepter cet objet: il nous semble en effet essentiel que des personnes qui résident en Suisse, quelles que soient les raisons de ce séjour, puissent s'y former et y travailler pour participer à l'effort collectif. S'agissant de requérants d'asile, ce point est d'autant plus important, tant il est vrai que le travail participe à l'intégration, aussi bien d'un point de vue économique que social.
Les entreprises ont également un intérêt prépondérant à ce qu'une disposition de ce genre soit adoptée: elle encouragera les employeurs à recruter des requérants d'asile puisqu'ils auront l'assurance que ceux-ci ne seront pas obligés d'interrompre inopinément leurs relations de travail ou leur formation. Embaucher un apprenti ou un travailleur est un engagement fort de la part d'un employeur, pour qui la formation professionnelle notamment est une charge. Il est par conséquent indispensable de réduire autant que possible les incertitudes qui planent sur ce type d'engagement. Il en va de même pour le recrutement d'un requérant d'asile à un poste de travail après une formation: l'employeur devra bien souvent mettre sur pied un encadrement spécifique pour intégrer ce travailleur. En règle générale, on dit qu'il faut en tout cas douze à dix-huit mois jusqu'à ce que n'importe quel employé soit vraiment performant; je pense que ce temps peut parfois être encore plus long dans le cas d'un requérant d'asile. Il est donc très très important qu'en s'engageant pour intégrer ces personnes, les employeurs aient la certitude que celles-ci pourront rester à leur poste. L'incertitude est un signal délétère, qui pourra être corrigé par la première invite de cette motion.
La deuxième invite, qui vise à demander dans les meilleurs délais un permis de séjour pour les personnes déboutées de l'asile répondant aux critères de régularisation, conformément à l'article 14, alinéa 2, de la LAsi, fait également sens. Ces conditions stipulent que:
«a. la personne concernée séjourne en Suisse depuis au moins cinq ans à compter du dépôt de la demande d'asile;
b. le lieu de séjour de la personne concernée a toujours été connu des autorités;
c. il s'agit d'un cas de rigueur grave en raison de l'intégration poussée de la personne concernée;
d. il n'existe aucun motif de révocation au sens de [...] la loi [...] sur les étrangers et l'intégration (LEI).»
Les personnes qui répondent à ces critères doivent pouvoir être intégrées sur le marché du travail et recevoir une formation adéquate en Suisse. Il s'agit d'une solution gagnante pour toutes les parties: la personne concernée, la société et le marché du travail, qui manque de travailleurs qualifiés et va continuer à en manquer ces prochaines années. Le groupe PLR soutiendra donc cette motion.
Nous nous sommes en revanche abstenus sur la P 2066, non pas parce que les invites de cette pétition ne nous semblent pas dignes d'intérêt, au contraire: elles sont quasiment identiques à celles de la M 2526. Elles mettent toutefois en lumière les ressortissants d'un pays en particulier, l'Erythrée, ce qui risque de donner le sentiment que ceux-ci sont plus légitimes que d'autres à rester à Genève. C'est la raison pour laquelle le groupe PLR s'abstient sur la pétition.
Concernant la M 2524, qui demande que soit assuré un accompagnement sociopédagogique et socio-éducatif de qualité des ex-réfugiés mineurs non accompagnés jusqu'à l'obtention d'une formation certifiante ou jusqu'à 25 ans, le PLR la soutient également. Les travaux de commission ont en effet montré que les situations de chacun sont par essence très diverses: le niveau d'indépendance des réfugiés mineurs non accompagnés dépend de multiples facteurs, notamment de l'âge auquel ils sont arrivés en Suisse, de l'encadrement social et éducatif duquel ils ont pu profiter et de leur intégration économique et sociale.
L'Hospice général a indiqué que la prise en charge des réfugiés mineurs non accompagnés de 16 à 25 ans est une réalité depuis un an et demi déjà au foyer de l'Etoile - c'est une très bonne chose. Le but est ainsi d'éviter les ruptures abruptes au moment du passage à la majorité, avant que certains jeunes aient acquis suffisamment d'autonomie pour voler de leurs propres ailes. A noter que ce suivi après la majorité n'est, officiellement du moins, pas possible dans certains foyers, où l'accueil n'est prévu que jusqu'à 18 ans, alors que le foyer de l'Etoile permet aux ex-RMNA de rester dans ses locaux. Ils y sont d'ailleurs majoritaires: il y a aujourd'hui 54 ex-RMNA à l'Etoile contre 38 RMNA, soit des mineurs. Le système de l'Etoile est en ce sens bien pensé même si le lieu est très loin d'être idéal pour les longs séjours, raison pour laquelle on ne peut que se réjouir du projet de construction d'un nouveau centre d'accueil. Le PLR soutient donc cette proposition de motion et vous encourage à faire de même. Merci. (Applaudissements.)
M. Sylvain Thévoz (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, la politique migratoire ne doit pas primer sur les droits fondamentaux et sur les droits de l'enfant. C'est pourquoi ces trois objets ont été liés; ils défendent tous la même chose, le respect de droits fondamentaux. On a fêté l'année passée les trente ans de la Convention relative aux droits de l'enfant et on en était très fiers à Genève. Cette convention ratifiée par la Suisse en 1997 rappelle les principes de non-discrimination, le droit à l'égalité, le droit à la santé. Nombreux sont ces droits repris dans la constitution genevoise: le droit à la dignité, le droit à un environnement sain. Or, aujourd'hui, pour certaines catégories de la population et particulièrement les RMNA, les requérants d'asile mineurs non accompagnés, ces droits sont bafoués parce que ces requérants ne sont pas considérés comme des enfants - ce qu'ils sont pourtant ! - mais avant tout comme des migrants. Et, comme le préopinant de l'UDC le rappelait, il faut que la loi s'applique. On applique donc la loi migratoire en bafouant des droits fondamentaux. Cela n'est pas possible ! Ce n'est pas possible parce que ces jeunes ont besoin d'un encadrement particulier en raison de leurs parcours, des traumatismes qu'ils ont subis, mais simplement aussi parce que ce sont des mineurs, parce que ce sont des enfants !
Il est faux d'opposer les jeunes Suisses et les jeunes migrants: ce n'est pas le passeport qui fait la différence, mais les besoins, les parcours et l'histoire. Si vous êtes né à Cologny et que vous avez 17 ans, vous n'aurez pas les mêmes besoins que si vous venez d'Erythrée, que vous avez survécu à une traversée de la Méditerranée et que vos proches sont loin ou décédés. Vous comprenez donc que la société a intérêt à traiter ces migrants d'une manière différente. La Suisse doit respecter ses engagements internationaux afin de permettre à ces jeunes de prendre place dans la société, quelle que soit leur origine. Mesdames et Messieurs, il faut prendre en charge les mineurs comme des mineurs et leur accorder toute l'attention voulue, puis prendre en charge les majeurs - quand ils atteignent 18 ans - comme des mineurs. C'est l'enseignement de ces auditions: suivant votre parcours de vie, la situation n'a peut-être pas vraiment encore changé quand vous avez 18 ans et un jour: arrivé en Suisse à 17 ans et demi, vous avez bénéficié d'une prise en charge organisée et votre situation ne change pas vraiment à 18 ans et un jour. Une des motions le rappelle, il faut étendre ces prises en charge et ces accompagnements particuliers jusqu'à 25 ans. Et ça, ce n'est pas un truc de gauchos ou de bobos ! C'est la conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales qui l'a décidé et rappelé en 2016. Le Jura prolonge l'accompagnement jusqu'à 25 ans; le projet «Envole-moi» à Fribourg fait pareil. Il est un peu regrettable que Genève, capitale des droits humains, se retrouve à l'arrière, à s'asseoir sur des droits fondamentaux et à devoir rattraper le temps perdu.
Rappelez-vous, en février 2018, la Cour des comptes soulignait tous les dysfonctionnements dans l'accueil des RMNA. On pouvait encore dire alors qu'il y avait eu un pic en 2015 et 2016 et qu'avec l'arrivée de 177 RMNA, on a été débordé, mais aujourd'hui, on est en 2019 ! Le temps a passé et il y a environ 600 RMNA à Genève. C'est la taille d'un petit cycle, ce n'est pas non plus énorme. Eh bien, la prise en charge est toujours aussi lacunaire: la Cour des comptes dit qu'il faut plus de concertation, plus de travail entre les départements et une véritable politique publique ! C'est exactement ce que demandent ces trois objets, avec des tonalités différentes: l'envoi au Conseil d'Etat d'une demande ferme de coordination de sa politique et avant toute chose la mise en place d'une politique en la matière. Parce qu'aujourd'hui, entre la police, l'Hospice général, le département de la cohésion sociale de M. Apothéloz ou le DIP, on voit que ça ne fonctionne pas toujours ensemble. On dit que c'est à l'autre de faire le travail; or, le travail doit se faire de manière concertée, unie. C'est le message politique à faire passer aujourd'hui en renvoyant ces objets au Conseil d'Etat pour demander une véritable politique.
Une petite remarque: on ne parle jamais de l'Hospice général; on parle des foyers de l'Etoile, des Tattes et de Rigot. C'est quand même étrange, ce sont tous des foyers pilotés par l'Hospice général ! Quand vous allez aux HUG, vous dites bien que vous allez aux HUG. On se demande pourquoi l'Hospice général n'est pas le responsable affirmé ou affiché de ces foyers. S'il ne l'est pas, il doit transmettre ses responsabilités à la FOJ pour qu'une vraie politique prenant en compte la spécificité de ces situations d'enfants et de mineurs soit mise en place.
Vous avez vu mardi l'inauguration du foyer de Rigot avec 350 places pour les migrants en contrebas de la place des Nations. Ça peut être un signal important et merveilleux pour Genève qu'ils soient logés juste au coeur des institutions internationales. C'est une fierté pour Genève et ça peut aussi être un point positif. A notre avis, c'est dans ce sens qu'il faut aller plutôt que de mépriser les droits fondamentaux.
Je rappelle la réponse du Conseil d'Etat à une question écrite urgente, évoquée dans le rapport M 2524-A: «[...] le Conseil d'Etat [a] indiqué qu'un mandat externe allait être confié pour étudier les besoins des jeunes migrants et que, sur la base de ce mandat, un groupe de travail interdépartemental serait mis en place pour proposer un programme. [...] le mandat a été confié à la HETS et [...] le rapport est attendu pour cet été.» Ce type de réponse n'est plus possible en 2019: il faut des actions et des mesures concrètes ! Ces demandes ne sont pas farfelues, elles ne demandent pas la lune; elles se basent sur des droits fondamentaux, sur la convention des droits de l'enfant. Il en va de la crédibilité de la Suisse et de Genève et du respect de la constitution genevoise. Le parti socialiste vous invite à les soutenir fortement. Il semble qu'une majorité large se dessine. C'est surtout au Conseil d'Etat de passer maintenant la vitesse supérieure et d'avoir une véritable politique concertée entre les départements pour les mineurs non accompagnés et ceux qui deviennent majeurs. (Applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, en préambule, j'aimerais souligner que l'examen de ces trois textes a permis à la commission de mieux connaître et appréhender la réalité des RMNA dans notre canton. A cette occasion, nous avons pu mieux comprendre les difficultés auxquelles ils sont confrontés dans leur cadre de vie, notamment au foyer de l'Etoile. Nous aurons l'occasion d'en reparler de manière plus précise au moment où nous aborderons la M 2525 qui ne fait pas partie des urgences que nous avons votées. Les commissaires ont aussi pu mesurer à quel point le dispositif actuel de prise en charge des RMNA est déficient et l'accompagnement socio-éducatif lacunaire. On ne peut pas juste se féliciter de l'unanimité ou, du moins, du consensus autour de ces trois textes sans parler par ailleurs du sentiment particulièrement douloureux qui a imprégné ces travaux et a inspiré un grand respect aux commissaires. A l'énoncé de ce que vivent ces jeunes dans ces foyers, à l'énoncé de leurs parcours, les commissaires ont pu comprendre combien il est important qu'on ne se satisfasse pas d'une décision négative de l'asile, contrairement à ce que d'aucuns aimeraient, pour se dire: circulez, il faut aller plus loin, vous n'avez plus de droits ici !
Les commissaires ont pu mesurer ces lacunes, mais ils ont aussi estimé qu'il était important d'établir d'autres conditions, notamment celles proposées par ces trois motions pour améliorer le dispositif de prise en charge des jeunes RMNA. Il est question aujourd'hui d'étendre ce dispositif et d'aller au-delà de l'âge de 18 ans. M. Thévoz l'a dit tout à l'heure, si la majorité survient légalement de manière abrupte à 18 ans, il existe toutefois une série de dispositifs d'aide et d'accompagnement jusqu'à l'âge de 25 ans, parce que l'on considère que ces jeunes adultes ont besoin d'un accompagnement adéquat jusqu'à cet âge-là.
Avec ces motions et cette pétition, on nous appelle surtout à en finir avec l'absurdité qui consiste à débouter des personnes tout en sachant qu'elles ne pourront pas être expulsées de Suisse. Il faut en finir avec l'hypocrisie qui consiste à faire comme si ces personnes n'étaient pas des êtres humains, en l'occurrence des enfants et des mineurs dont les droits fondamentaux doivent être respectés. Il faut en finir avec une politique d'accueil lacunaire qui déboute ces jeunes gens et les relègue dans une zone de non-droit dans laquelle ils désespèrent; une zone où, à défaut d'alternatives, ils s'égarent parfois dans des activités illicites, chose que d'aucuns se complaisent ensuite à leur reprocher abondamment.
Ce que requiert précisément la M 2526 est frappé au coin du bon sens. Pour ces jeunes qui ont survécu à l'horreur des chemins d'exil, qui ont pu réaliser leur légitime aspiration de reconstruire un futur, être stoppé en plein envol est non seulement absolument contreproductif, mais de surcroît d'une extrême cruauté. Maintenir ces jeunes dans l'inhumain no man's land des personnes déboutées, les rejeter dans l'exclusion est injustifiable et inacceptable au regard des droits humains. Alors oui, pour ceux qui se trouvent dans cette situation, favoriser la poursuite des processus d'insertion engagés et leur permettre d'acquérir des compétences est crucial. Leur octroyer pour ce faire une autorisation de séjour est indispensable, à plus forte raison si leur départ à court ou moyen terme n'est pas envisageable. C'est pourquoi notre groupe acceptera cette motion en proposant de la renvoyer au Conseil d'Etat et il vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à en faire autant.
La pétition sur le droit de rester pour les Erythréens et les Erythréennes s'arrête en effet sur une catégorie particulière de personnes, parce que celles-ci sont particulièrement menacées et constituent un cas à part dans notre canton. Evidemment, nous souhaiterions la même chose pour les autres catégories dans cette situation, déboutées mais ne pouvant pas partir de notre canton, n'ayant ailleurs où aller. Nous avons pris en compte toutes les vicissitudes que ces personnes ont dû affronter au cours leur parcours et qu'elles doivent affronter encore aujourd'hui. Elles témoignent de leur désarroi face à l'impossibilité de retourner dans leur pays et face à l'absence d'un droit de rester en Suisse. Certains ont témoigné très clairement, Mme Strasser l'a rappelé tout à l'heure: ces personnes ne demandent qu'à pouvoir échapper au danger qu'elles courent dans leur pays, à pouvoir vivre en paix et à se faire, comme elles disent, une petite place dans la société genevoise, pour avoir une chance de construire un avenir meilleur. Qui n'aspirerait à autant, dans les circonstances auxquelles ont été confrontées ces personnes ? C'est pourquoi notre groupe soutiendra aussi cette pétition et son renvoi au Conseil d'Etat.
Quant à la prise en charge des jeunes adultes relevant de l'asile jusqu'à 25 ans, eh bien, pour nous, elle va de soi.
Le président. Il vous reste quinze secondes, Madame ! (Commentaires.)
Mme Jocelyne Haller. Merci, Monsieur le président. Il s'agit d'une rupture totale qui intervient à 18 ans sans raison. Rompre un processus d'intégration alors qu'il n'est pas abouti n'a aucun sens: c'est laisser les gens en plan ! Il faut aller jusqu'à 25 ans ou, à tout le moins, jusqu'au terme d'un processus d'autonomisation. C'est pourquoi nous vous invitons à soutenir également cette motion et à la renvoyer au Conseil d'Etat ! (Applaudissements.)
Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je ne parlerai pas ici de RMNA; je choisis de parler d'enfants, je choisis de parler de nos enfants, pour les familles qui les accueillent et qui les considèrent comme tels ! Je compléterai les propos tenus par M. Buchs et les excellentes informations techniques transmises par Mme Kämpfen.
On maintient ces enfants, ces jeunes, dans un monde parallèle qui ne correspond pas à leur âge, un monde où ils se retrouvent sans activités, sans formation, un monde où, lorsqu'ils se lèvent le matin, la journée est faite de rien, alors même qu'ils avaient un emploi, une formation en cours. Leur refuser ces activités, c'est ouvrir devant eux des éventualités que nous ne pouvons pas tolérer. Rappelons-nous que ce sont des enfants, des jeunes, avant de les affubler de tout autre statut stigmatisant ! Les former et leur permettre de travailler assure également la sécurité; je pense que je n'ai pas besoin de vous expliquer pourquoi.
Je reviens sur les conditions d'accueil de ces jeunes et enfants au foyer de l'Etoile... J'allais parler de conditions de détention, voyez où on en est ! Je reviens sur l'émotion que nous, les députés, avons eue lors des visites, que ce soit au foyer de l'Etoile ou à celui de la FOJ. Nous avons rapidement compris la différence entre les deux. J'allais me tromper dans les termes, mais il y a bien d'un côté des conditions qui tiennent presque de la détention et de l'autre quelque chose qui est de l'ordre de la vie de famille. Le PDC vous encourage donc à accepter les trois textes qui vous sont proposés. (Applaudissements.)
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs, on nous dit qu'on ne peut de toute façon pas les renvoyer car ce ne sont pas des réfugiés économiques mais de vrais réfugiés politiques, menacés dans leur pays. Bon, très bien ! Rappelons simplement qu'entre 2010 et 2014, 46 214 demandeurs d'asile, dont 10 000 Erythréens, sont rentrés dans leur pays en vacances ! Je rappelle simplement ça. Donc, avant que leur demande d'asile ne soit acceptée, ils sont en danger; une fois qu'ils ont un permis ou qu'on leur accorde l'admission provisoire, ils rentrent tranquillement chez eux ! Finalement, on leur apprend quoi, à ces gens ? On leur apprend qu'en Suisse, mieux vaut mentir ! Comment est-ce qu'il faut considérer des gens qui, prétendant être en danger, rentrent tranquillement au pays pour des vacances lorsqu'ils obtiennent un permis de séjour en Suisse ? Moi, je n'appelle pas ça des gens en danger: j'appelle ça des escrocs et des menteurs. (Huées.) En plus, vous encouragez le mensonge et l'escroquerie puisque vous n'êtes pas d'accord avec ça ! (Commentaires.) Comment appelez-vous des gens qui se prétendent en danger et retournent en vacances dans leur pays une fois un statut d'asile obtenu ? 10 000 personnes ! Aujourd'hui, en 2019, 25 000 personnes retournent tranquillement dans leur pays en vacances. En plus, je pense qu'on leur paie ces vacances: c'est certainement aux frais de la Confédération ! (Exclamations. Le président agite la cloche.) Je vais déposer une motion pour que nos enfants puissent également partir en vacances, puisqu'on paie ça à des escrocs qui ont menti. Quel message portent-ils en Afrique ? Vous vous rendez compte du message ? Lorsque vous mentez en Suisse, vous êtes récompensé ! Vous récompensez l'escroquerie et le mensonge ! (Commentaires.) Je parle en connaissance de cause; en cinq ans dans le domaine de l'asile, je crois que je n'ai pas vu un demandeur d'asile dire la vérité, si ce n'est une fois... (Exclamations.) ...un vrai demandeur d'asile de l'OLP expulsé de Suisse parce qu'il s'agissait effectivement d'un demandeur d'asile. (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît !
M. Marc Falquet. C'est un système, c'est une filière mise en place et nous tombons dans le panneau ! Je vous remercie pour votre humanisme, mais on ne rend pas service à ces gens en favorisant le mensonge et l'escroquerie ! (Huées. Commentaires.)
M. André Pfeffer (UDC). Monsieur le président, la situation peut certes être difficile et précaire pour ces jeunes adultes et certains de ces jeunes mineurs, mais il faut quand même rappeler que les critères d'octroi de l'asile sont conformes à une loi et aux statuts du HCR. Si beaucoup de ces requérants ne reçoivent pas le statut de réfugiés, c'est tout simplement parce qu'il s'agit de réfugiés économiques. Il faut aussi rappeler que dans beaucoup de ces cas, il est extrêmement difficile d'identifier l'âge réel et de savoir si ce sont des requérants mineurs ou non. D'une manière quasi systématique, quand ces jeunes arrivent en Suisse, ils perdent leur passeport - mais quasiment jamais leur natel !
Il faut relever que l'intégration est extrêmement difficile dans notre Etat pour un énorme pourcentage de ces requérants d'asile. Même après cinq ou dix ans de présence en Suisse, 90% ou plus de ces requérants ou anciens requérants sont encore à l'aide sociale. Il a déjà été relevé que beaucoup effectuent des visites dans leur pays d'origine, ce qui donne un peu à penser que les raisons de leur venue n'étaient pas exclusivement liées au danger et à leur sécurité.
Pour terminer, je rappelle aussi que, pour l'accueil de requérants d'asile en Suisse, il faut compter en moyenne une somme de 100 000 F par année. Ce sont vraiment des coûts absolument énormes, non seulement pour la Suisse, mais aussi pour l'Erythrée elle-même: dans certaines régions, ces jeunes qui partent en Europe et en Suisse sont aussi le futur de leurs villages. Non seulement ces jeunes partent, mais souvent, on le sait, les voyages pour partir de l'Erythrée et venir en Europe ou en Suisse coûtent plusieurs milliers de francs par requérant et cet argent est souvent collecté dans les villages. Pour ces raisons, l'UDC vous recommande d'accepter ces trois textes. (Exclamations.) Non, de les refuser !
Le président. Merci bien. La parole est à M. Marc Fuhrmann pour quatre-vingts secondes.
M. Marc Fuhrmann (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Il s'agit évidemment de refuser ces trois textes, je corrige André. Pour terminer, dans tous nos débats en commission, l'élément humain a été extrêmement important, mais ce qui a été très difficile, voire impossible à obtenir, ce sont des chiffres concrets. On a beaucoup entendu de belles paroles sur l'intégration, mais quand j'ai demandé des chiffres concrets sur la réussite, sur les succès scolaires ou la sortie de l'aide sociale, je n'en ai obtenu aucun. C'est donc toujours le flou complet !
Le président. Merci bien. La parole est à Mme Strasser pour cinquante-deux secondes.
Mme Léna Strasser (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Je ne peux pas ne pas réagir aux propos de mes préopinants UDC ! Dire que ces requérants d'asile déboutés sont tous des réfugiés économiques ou de faux requérants d'asile est incroyablement faux. Dire qu'il est impossible de les intégrer professionnellement est faux également. Et je pense qu'avec la population jeune qui arrive aujourd'hui - on en a quelques exemples dans cette salle - ça va changer, clairement ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Voilà, ça suffit ! (Applaudissements.)
Le président. Merci. La parole est donnée à Mme Frédérique Perler pour quarante-neuf secondes.
Mme Frédérique Perler (Ve), rapporteuse. Monsieur le président, je suis aussi extrêmement choquée par les propos tenus. Jusqu'ici, nous avons eu un débat digne et humain à propos de ces personnes. Visiblement, M. Pfeffer n'a pas lu ce qui figure sur le site du Secrétariat d'Etat aux migrations: les Erythréens obtiennent l'asile non pas à cause de la situation économique, mais parce que s'ils retournent en Erythrée après avoir déserté, ils s'exposent à des sanctions excessives d'ordre politique. Ça veut dire que les renvoyer, c'est les envoyer mourir, tout simplement ! (Applaudissements.)
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il faut mener un débat serein sur ce sujet grave. Il ne s'agit pas de prendre des cas isolés et d'en faire des généralités. Bien sûr qu'il y a des abus, mais nous parlons évidemment de personnes qui respectent notre législation. Il va de soi que quand quelqu'un est ici et ne respecte pas nos lois, les solutions qu'il faut trouver sont différentes.
Je voudrais vous dire que la délégation du Conseil d'Etat aux migrations que j'ai l'honneur de présider et qui comprend mes collègues M. Apothéloz et Mme Emery-Torracinta est parfaitement sensible au sujet que vous venez d'aborder. Nous avons d'ailleurs reçu des Erythréens mineurs ou de moins de 25 ans qui sont ici depuis quelques années, déboutés de l'asile. Ils sont venus nous exposer leur situation, avec beaucoup d'émotion bien sûr; il faut être insensible pour ne pas essayer de se mettre à leur place, de considérer ce qu'ils ont vécu. Nous avons aussi reçu des associations qui soutiennent ces jeunes et qui nous ont exposé cette problématique que nous connaissons.
Il faut simplement rappeler que nous avons d'abord un cadre légal avec lequel nous devons travailler. C'est un cadre fédéral, avec une loi sur l'asile qui précise à son article 43, alinéa 2, qu'une personne déboutée de l'asile ne peut plus travailler parce qu'elle doit partir. Ensuite, cette personne peut être considérée comme non renvoyable dans son pays, pour d'autres raisons que celles qui ont amené à lui refuser l'asile, et il est vrai qu'à ce moment-là, elle peut être admise provisoirement avec une autorisation de travailler.
La question qui se pose, c'est de savoir ce qui se passe pour une personne dans la filière asile - qui peut donc travailler - entre le moment où elle est rejetée de cette filière et doit arrêter de travailler et le moment où on se rend compte qu'on ne pourra de toute façon pas la renvoyer et qu'elle pourrait reprendre le travail voire entreprendre une formation. Il y a là un trou problématique. Sans entrer dans l'émotion mais en restant pragmatiques, nous avons toutes et tous intérêt à ce que cette personne qui ne peut pas être renvoyée de Suisse subvienne à ses propres besoins au lieu de dépendre de l'aide sociale. Lui refuser une formation, c'est donc marquer un autogoal, même pour celles et ceux qui ont la position la plus rigide en ce domaine.
Par conséquent, le Conseil d'Etat est prêt à travailler sur les deux propositions de motions qui vous sont soumises. D'ailleurs, il ne les a pas attendues pour le faire, parce que c'est une question de bon sens, comme je viens de le dire. Quant à la pétition, elle peut à mon avis être rejetée, même si la situation des Erythréens est particulière. Nous savons là aussi que la Confédération peut, dans le cadre de l'article 43, alinéa 3, de la loi sur l'asile, prendre des dispositions générales pour l'ensemble des personnes en provenance d'un pays. Il est évidemment souhaitable que cela puisse être fait pour ces jeunes. Cela ne veut pas dire que, parce que la Confédération ne l'a pas fait, ces jeunes vont être renvoyés. Comme vous le savez, selon les cas particuliers et pour autant que la personne concernée ait montré par son attitude sur notre territoire qu'elle le mérite, le canton soutient systématiquement une demande d'admission provisoire pour qu'elle puisse poursuivre sa formation, poursuivre ses études. Peut-être qu'un jour, elle deviendra Suissesse ou Suisse, comme beaucoup d'autres arrivés avec une nationalité étrangère dans notre pays. La condition est évidemment d'accepter nos lois, d'accepter nos règles. Pour le reste, il est clair que nous avons tout intérêt à ce que ces personnes subviennent elles-mêmes à leurs besoins. (Applaudissements.)
Le président. Merci bien. Nous allons passer aux votes, en commençant par la M 2526.
Mise aux voix, la motion 2526 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 76 oui contre 6 non et 2 abstentions.
Le président. Nous passons à la pétition 2066.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des affaires sociales (renvoi de la pétition 2066 au Conseil d'Etat) sont adoptées par 51 oui contre 8 non et 27 abstentions.
Le président. Nous terminons avec la M 2524.
Mise aux voix, la motion 2524 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 62 oui contre 6 non et 16 abstentions.
Débat
Le président. Nous continuons les urgences. Le point suivant est classé en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à la rapporteuse de majorité, Mme Salima Moyard.
Mme Salima Moyard (S), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Deux ans après l'entrée en vigueur de la LTVTC, la nouvelle loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur, qui essaie de réguler ce monde en perpétuel changement, les problèmes sont encore nombreux et la commission des transports a donc remis l'ouvrage sur le métier.
Vous savez qu'il y a d'un côté les taxis, qui ont un usage accru du domaine public, et d'un autre les VTC, voitures de transport avec chauffeur, dont la plus grande partie - mais pas tous - travaillent avec la plateforme Uber, souvent en plus d'un autre emploi. La question la plus importante qui se pose dans ce dossier, avec des conséquences énormes sur le paiement des charges sociales, concerne le statut de ces chauffeurs Uber: sont-ils salariés ou indépendants ? Il va de soi qu'Uber souhaite les voir indépendants, ce qui lui fait faire de grandes économies: dans le cas contraire, son modèle économique ne tiendrait tout simplement pas !
Aujourd'hui, le dossier n'est pas entièrement entre les mains du canton, puisque la question de savoir si ces chauffeurs sont salariés ou indépendants relève de la Suva - Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents - qui vient justement, en juillet, de rendre une décision qui confirme que ces chauffeurs sont salariés, contrairement à la politique menée jusqu'ici par Uber. Evidemment, Uber a fait recours et continuera à le faire jusqu'à épuisement de toutes les voies de recours. Nous faisons face à une guerre juridique très longue sur une question pourtant essentielle qui laisse des travailleurs précarisés et les monte les uns contre les autres dans un secteur fragilisé où la concurrence fait rage.
Dans ce contexte pas tendre, nous avions étudié la proposition de motion 2480 de l'UDC: elle n'a pas été acceptée par la commission car deux invites sont dépassées. Une troisième invite concerne justement le statut des chauffeurs et n'est pas du ressort cantonal, mais de celui de la Suva. Deux autres invites sont trop vagues et générales, même si personne en commission ne les a contrées. C'est pour ces raisons que la commission a élaboré une motion de commission qui vous est soumise, la M 2571.
Après de nombreuses auditions et le travail d'un sous-groupe, cette motion demande trois choses. Premièrement, de rehausser le niveau des examens VTC, qui sont aujourd'hui beaucoup trop faciles, avec un taux de réussite de plus de 95%. A noter que, suite aux débats en commission, le département a déjà fait un pas dans cette direction en supprimant les questions d'examen qui se trouvaient sur internet. C'est bien, mais il faut faire plus. Deuxièmement, la motion demande davantage de contrôles par la police du commerce chargée de l'application de la loi et par la brigade routière, notamment le soir et le week-end. La troisième chose demandée est que le département applique l'article 42 de la loi qui prévoit une évaluation de l'impact de cette loi, notamment sur le revenu des chauffeurs.
Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission vous propose de refuser la M 2480 et d'accepter la M 2571 de la commission sur ce dossier épineux. (Applaudissements.)
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Monsieur le président, comme l'a dit ma préopinante, dans ce dossier très complexe, plusieurs éléments nous renvoient au droit fédéral et au Tribunal fédéral, qui ne me semble d'ailleurs pas très pressé de se déterminer dans ce dossier. Pourtant, la Suisse pratique la reprise automatique du droit européen et la sanction de la Cour de justice de l'Union européenne du 20 décembre 2017 qualifie bien Uber d'entreprise de transport et non de diffuseur de courses. La question de la sous-traitance a aussi été sanctionnée avec le jugement du tribunal des prud'hommes de Lausanne du 2 mai 2019. L'avis de droit du SECO a qualifié le lien entre les chauffeurs et les sociétés partenaires de lien employeur-employé. Le SECO qualifie le rapport entre Uber et les chauffeurs Uber de rapport de travail pour pouvoir dire qu'il y a une violation de la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services.
Comme l'a dit ma préopinante, il y a aussi eu un jugement à Zurich suite à une plainte déposée par la Suva sur la problématique des charges sociales. De surcroît, Uber a déménagé récemment ses sièges de Genève et Lausanne à Zurich, ce qui confirme d'ailleurs l'exposé des motifs de la proposition de motion 2480 qui indique que les diffuseurs de course comme Uber ne respectent pas la loi. La M 2480 garde toute sa pertinence; pour la minorité de la commission, il convient de voter les deux motions et de les renvoyer au Conseil d'Etat, car elles sont complémentaires.
M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, Uber pose un problème majeur dans cette branche de l'emploi. C'est un modèle économique qui vise à faire exploser certaines protections sociales, qui pose des problèmes sur le plan fiscal et des conditions de travail; c'est un modèle globalement inacceptable et on doit évidemment entreprendre de le cadrer. On ne peut pas simplement dire que telle entreprise est interdite, etc. Enfin, on a entrepris de cadrer un peu ou on essaie de le faire.
Je lisais la «Tribune de Genève» à l'instant: une entreprise qui pratique le même modèle renonce à venir à Genève et dit que les conditions sont en train d'être resserrées et que ça ne l'intéresse plus de venir ici. Mesdames et Messieurs, je m'en félicite ! Je vous rappelle qu'en octobre 2016, lors du débat sur la LTVTC, j'avais fait un rapport de minorité. J'ai relu mes conclusions: je relatais que le directeur d'Uber Suisse était venu dire que le projet de réforme proposé par Pierre Maudet allait dans le bon sens et remplissait les quatre critères qu'il avait posés. C'est Uber qui imposait des critères au législateur genevois: c'était pour ça qu'on s'opposait à ce projet de loi ! Aux Etats-Unis et dans d'autres pays aussi, des mobilisations de chauffeurs ont eu lieu pour protester contre les conditions inadmissibles qui leur étaient faites dans le modèle scandaleusement ultralibéral qui est l'étendard de cette entreprise. Nous disions donc que nous ne voterions pas cette loi, non pas parce qu'il s'agissait d'une lex Maudet, mais parce que c'était une lex Uber. On me répondait que l'intérêt d'Uber était d'avoir une situation stabilisée et une forme de reconnaissance genevoise - Jean Romain se souviendra du rapport qu'il avait fait - que cette catégorie était libre d'entraves mais pas de lois, et que cette loi se proposait justement de cadrer ce qui ne l'était pas alors. Mesdames et Messieurs les députés, le cadrage était plein de trous, c'était une passoire ! Ce n'était pas extrêmement sérieux, c'est bien qu'on le reconnaisse aujourd'hui. De ce point de vue, les motions qui nous sont soumises relèvent d'une démarche légitime. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
La motion de commission doit évidemment être votée, mais, surtout, nous avons sur le métier une loi qui a obtenu les suffrages de nombreux membres de la commission des transports - Salima Moyard en sait quelque chose pour en avoir été l'artisane principale - et je regrette que le soutien ne soit pas plus grand. Comme son intitulé l'indique, le projet de loi 12526 demande une modification de la LTVTC concernant les charges sociales, les impôts et les sanctions.
Le président. Vous avez terminé, Monsieur Vanek !
M. Pierre Vanek. La LTVTC doit être renforcée, je m'en félicite - et je m'arrête, Monsieur le président.
M. Stéphane Florey (UDC). Renseignement pris auprès des milieux intéressés par cette problématique des VTC, les deux motions restent parfaitement d'actualité; ces personnes me l'ont confirmé encore ce matin. Les opposants qu'on pourrait appeler les opposants à Uber ont été choqués de lire dans le rapport qu'un chauffeur Uber a été auditionné de manière anonyme alors que tout ce qu'il a relaté est parfaitement impossible ! Les chauffeurs de taxi et les chauffeurs qui ont travaillé pour Uber le disent tous: gagner 2000 francs par semaine comme c'est mentionné est tout simplement impossible en respectant la loi. Ça veut dire que si ces personnes déclarent 2000 à 2500 francs de revenu par semaine, elles ne respectent tout simplement pas la loi ! C'est tout bonnement impossible autrement.
On peut également lire dans le rapport qu'un projet de loi a été déposé en commission. Vous transmettrez, Monsieur le président: Madame la rapporteuse de minorité, vous n'aurez personne avec votre projet ! Déjà, il ne satisfait en rien les milieux professionnels concernés, ils l'ont déjà annoncé. Ils ont dit qu'il faudrait de toute façon amender le projet. Franchement, ce qui m'étonne dans votre rapport, c'est le manque d'honnêteté intellectuelle, qui ne vous ressemble pas ! (Exclamations.)
Aujourd'hui, c'est évident, les deux propositions de motions sont parfaitement d'actualité et il faudrait encore savoir où en sont les négociations en cours entre le conseiller d'Etat Mauro Poggia et les milieux concernés, qui ne sont pas prises en compte ici - au-delà de la montre jouée par certains pour dire qu'ils ont fait ci ou ça ou que leur projet est mieux que celui des autres. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) M. Poggia confirmera ou infirmera, mais je ne pense pas être dans l'erreur: j'ai appris ce matin qu'un projet de loi va être déposé tout prochainement et ce texte tient compte de l'ensemble de la problématique et aurait plus ou moins les faveurs des milieux professionnels concernés.
Si vous voulez vraiment aller au fond des choses, obtenir des réponses claires sur ce qui est en vigueur, ce qui ne l'est pas, ce qu'on peut faire, ce qu'on ne peut plus faire, il faut renvoyer les deux motions au Conseil d'Etat pour avoir des réponses sur l'ensemble...
Le président. Dépêchez-vous, Monsieur Florey !
M. Stéphane Florey. ...donc je vous remercie d'accepter les deux motions !
Mme Fabienne Monbaron (PLR). Comme cela a été dit, la M 2480 dénonce la LTVTC, entrée en vigueur en juillet 2017: celle-ci était supposée mettre tout le monde sur un pied d'égalité parmi les taxis et chauffeurs VTC, mais ce n'est pas vraiment le cas. Certains chauffeurs VTC se trouvent dans une situation laissant à penser que leurs charges sociales ne sont pas couvertes, ce qui n'est pas admissible. D'autres, ou les mêmes, peuvent se jouer des diverses dispositions légales car les contrôles ne sont pas assez soutenus et la communication entre les services chargés de leur application est trop lacunaire, faisant par là également un pied de nez aux chauffeurs de taxi qui ont des obligations bien plus strictes. Ce texte demande que tous ces chauffeurs soient mis sur un pied d'égalité vis-à-vis des lois qu'ils sont tenus de respecter.
Les points relevés dans cette proposition de motion ont été étudiés en commission où bon nombre de personnes et entités ont été auditionnées. De nombreuses questions résultant de ces auditions sont restées ouvertes. Par exemple, le point de l'affiliation des chauffeurs VTC en tant que salariés ou en tant qu'indépendants n'est pas définitivement tranché. Comme cela a été dit, la Suva a récemment rendu une décision stipulant que les chauffeurs Uber sont des salariés pour lesquels cette société doit s'acquitter des charges sociales, décision contre laquelle Uber a bien sûr recouru.
Après toutes ces discussions de commission, un consensus s'est dégagé à propos de la M 2480 qui ne pouvait être votée telle quelle, certaines de ses invites étant soit dépassées car appliquées, soit inapplicables. Il n'est en effet pas possible de donner trente jours à Uber pour déclarer ses chauffeurs comme salariés de cette entreprise. Cela étant, les débats ont démontré que de nombreux points méritent une attention particulière, nécessitant que la M 2480 ne soit pas retirée afin que les travaux effectués en commission ne soient pas vains. Ils ont permis à la commission de rédiger une autre proposition de motion, la M 2571 soumise au vote ce soir, ce d'autant plus que ce n'est pas que la société Uber qui est concernée, mais bien toutes celles qui oeuvrent dans le domaine des VTC. Cette motion, dont les invites ont déjà été citées par mes préopinants, rappelle également au Conseil d'Etat que nous attendons avec une certaine impatience de prendre connaissance du bilan sur l'impact de la loi entrée en vigueur il y a deux ans. Le PLR refusera donc la M 2480 et votera la M 2571 avec des remerciements à sa rédactrice.
M. Patrick Dimier (MCG). Monsieur le président, il s'agit à nouveau d'un débat de société. Comme l'a relevé un de mes préopinants, nous devons absolument lutter contre Uber et d'autres sociétés qui pillent les protections sociales. Ce qu'a dit ma préopinante directe sur la différence entre les deux motions me semble tout à fait fondé; c'est la raison pour laquelle nous soutiendrons bien évidemment la M 2571 et non la M 2480. Cela dit, il faut aussi saluer le travail effectué par le magistrat qui met les points sur les i - et les bons points, parce que, parfois, on met les points sur les i pour faire de la rhétorique ! On n'est pas dans ce cas de figure, on doit saluer le travail effectué par le Conseil d'Etat sur de vrais sujets comme celui de la protection des travailleurs dans ce canton.
M. Jacques Blondin (PDC). Madame la rapporteure de majorité, vous avez qualifié ce sujet d'épineux. Je me permettrai de dire qu'il s'agit d'un sac de noeuds: nous avons eu quatorze séances pour essayer d'y voir clair dans cette problématique ! Bien évidemment, il ne s'agit pas de considérer que tout est blanc du côté des chauffeurs de taxi - les Genevois râlent assez à ce propos ! - et tout noir pour ce qui est d'Uber. Les choses sont évidemment beaucoup plus compliquées et les auditions l'ont prouvé, puisqu'on a vraiment entendu tout et son contraire. Quand même, il est évident que la loi est la même pour tout le monde et que la LTVTC doit être appliquée et respectée. Toutefois, un certain nombre d'informations légales manquent encore. Des recours sont pendants au Tribunal fédéral, des décisions doivent être prises et l'autorité genevoise n'a pas les compétences pour appliquer certaines des normes demandées. En l'état, contrairement à ce qui a été dit, je suis désolé mais il y a lieu de calmer le jeu pour voir ce qui se passe; nous attendons avec impatience ce rapport qui nous a été promis puisque la loi est en vigueur depuis deux ans. Il y aura lieu de se faire un avis autorisé sur la base de ce rapport.
Pour ceux qui ne l'auraient pas encore lu sur les réseaux sociaux, vous saurez que la société Kapten a communiqué cet après-midi qu'elle allait quitter Genève, compte tenu des circonvolutions de l'interprétation qui est faite de la LTVTC. Cela démontre qu'il y a un vrai problème. Je tiens à dire que lors des consultations, tant le président du département que les représentants des taxis ont dit que le but n'était pas de faire partir Uber; le but était qu'Uber respecte les normes, mais Kapten a décidé de partir. Ce sont quand même 1800 chauffeurs qui sont potentiellement en difficulté. Bien évidemment, il faut voir tout ce que ça implique dans la problématique globale.
Dans sa très grande majorité, la commission a rejeté la M 2480 parce que celle-ci demande ni plus ni moins de sommer Uber de respecter les normes dans un délai de trente jours ou de cesser ses activités. La base légale manque totalement. La motion de commission, acceptée à l'unanimité, ne demande rien de plus que de rehausser le niveau de l'examen, de renforcer les contrôles et de mettre un peu la pression pour que ce rapport nous parvienne dans les meilleurs délais.
Pour toutes ces raisons, le parti démocrate-chrétien rejettera la M 2480 et soutiendra bien évidemment la motion de commission. (Applaudissements.)
M. Thomas Wenger (S). Monsieur le président, Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, on l'a dit, nous sommes dans un vrai débat de société. Ce débat porte sur ce qu'amène aujourd'hui le numérique dans les relations de travail, dans les relations avec les clients. Comme le disait encore une collègue cet après-midi, nous sommes dans ce que l'on appelle l'ubérisation de la société. On devrait changer de terme parce qu'on fait encore de la promotion pour Uber quand on parle d'ubérisation, mais c'est bien ce débat de fond que nous devons avoir aujourd'hui.
Quel est le modèle d'Uber ? C'est le même que celui de Kapten ou d'autres sociétés: faire travailler des personnes, en l'occurrence des chauffeurs de véhicules qui transportent des personnes, sans les salarier, avec tout ce que ça comporte comme protection sociale. Non, selon Uber, ce sont des personnes indépendantes. C'est bien là le noeud du problème aujourd'hui et des décisions sont attendues dans le monde entier - en Europe et bien entendu en Suisse - sur le statut de ces fameux chauffeurs qui transportent des personnes. Sont-ils des salariés d'Uber ou d'autres entreprises ou sont-ils des indépendants ? La Suva a, elle, déjà tranché: pour la Suva, ce sont clairement des salariés, pas des indépendants. Ces personnes vivent une vraie précarité du travail, une vraie précarité de leurs conditions générales et salariales. Nous avons auditionné plusieurs chauffeurs qui nous ont expliqué comment se passait concrètement leur travail: une fois qu'ils ont payé pour la location de leur véhicule, une fois qu'ils ont payé pour l'essence, que leur reste-t-il à la fin du mois, Mesdames et Messieurs ? Il leur reste entre 2000 et 3000 francs par mois pour vivre. Imaginez vivre à Genève avec ça ! Et il ne s'agit pas d'un travail de trente heures par semaines ! Non, il s'agit parfois de soixante, quatre-vingts, parfois nonante heures par semaine pour des personnes qui ne peuvent pas rentrer chez elles, qui se disent: allez, je fais encore une dernière course pour mettre un peu de beurre dans les épinards ! Tout ça pour quoi ? Pour toucher entre 2000 et 3000 francs par mois ! C'est vraiment scandaleux, les conditions de travail sont déplorables ! On peut vraiment appeler les chauffeurs VTC les nouveaux forçats de la route. Et c'est à nous, Mesdames et Messieurs les députés, de prendre des décisions dans ce parlement, avec la motion de ma collègue Salima Moyard qui a fait un travail remarquable, mais aussi avec le projet de loi que nous étudions à la commission des transports. Nous devons absolument revoir cette loi pour protéger les personnes qui exercent aujourd'hui ce métier.
On en a beaucoup parlé, il s'agit aussi d'une concurrence déloyale pour les chauffeurs de taxi qui, eux, paient des taxes et des impôts et passent un examen alors que ce n'est pas du tout le cas des chauffeurs VTC qui, eux, ne paient pas la TVA. On sait que 25% de ce qu'ils gagnent part directement chez Uber aux Pays-Bas, qui est taxé là-bas à des taux dérisoires. Nous devons absolument mettre de l'ordre dans ce débat. Monsieur le président, je finis en dix secondes pour vous dire que nous devons avoir ce débat de société à propos d'Uber, Uber Eats, Kapten, Airbnb, etc. Est-ce que c'est vraiment ça qu'on veut ? Pour les socialistes, c'est non ! Nous devons instaurer des conditions-cadres. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Je passe la parole à M. Murat Julian Alder pour quarante secondes.
M. Murat Julian Alder (PLR). Merci, Monsieur le président. Je n'ai pas travaillé en commission sur ces propositions de motions parce que je ne siège plus à la commission des transports. Néanmoins, j'ai eu la chance de travailler sur la LTVTC telle qu'on la connaît aujourd'hui durant la dernière législature. Le moins que je puisse dire, c'est que je m'étonne ! Mesdames et Messieurs, je m'étonne que nous soyons en train de débattre de motions concernant une législation qui a fait ses preuves et qui a inspiré d'autres cantons qui se sont montrés même plus libéraux que nous. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, à ce jour, aucun tribunal en Suisse n'a statué sur la question de savoir si les chauffeurs VTC sont des employés ou des indépendants. Le fait que la Suva statue en ce sens ne regarde qu'elle. Cessons donc de faire le travail des tribunaux à la place des tribunaux et laissons cette loi se déployer. Le Conseil d'Etat en fera l'appréciation voulue !
Le président. Vous avez terminé !
M. Murat Julian Alder. Merci de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur. Je passe la parole à M. le député Vincent Maitre pour quarante secondes.
M. Vincent Maitre (PDC). Je vous remercie, Monsieur le président. Mon préopinant vient d'exprimer en substance ce que je souhaitais dire: il n'y a aujourd'hui qu'une seule vérité, la vérité de la justice qui, justement, ne s'est pas encore prononcée. On peut évidemment citer les décisions de la Suva et du tribunal de Lausanne; on pourrait peut-être aussi citer de temps en temps celle de Zurich qui a précisément cassé la décision de la Suva à laquelle tout le monde fait référence dans ce parlement.
Par ailleurs, on peut absolument vouloir encadrer par la législation un domaine du marché parce que c'est nécessaire de le faire, ne serait-ce qu'au regard de la protection des travailleurs et des chauffeurs quels qu'ils soient, mais alors, il faut le faire de la même façon envers tout le monde, par équité de traitement.
Le président. Dépêchez-vous !
M. Vincent Maitre. Et pour répondre à M. Wenger, il faudra s'attaquer aussi au statut des chauffeurs de taxi qui, eux, ne sont pas reconnus comme des travailleurs mais bien comme des indépendants ! (Commentaires.)
M. Patrick Dimier (MCG). J'aimerais revenir sur les propos de mon préopinant direct qui défend, je crois, les intérêts d'Uber: je ne suis pas sûr que l'article 24 ne s'applique pas à lui ! (Applaudissement.)
Sur le fond, nous sommes les législateurs, et si nous, législateurs, ne fixons pas les règles, on ne peut pas attendre que les tribunaux appliquent la loi puisque nous les précédons ! La pire des républiques, c'est la république des juges; la meilleure république, c'est celle qui est faite par des parlementaires ! Encore meilleure est celle qui est faite par des parlementaires de milice, parce qu'ils sont précisément ancrés dans la société de tous les jours. Nous dire que les tribunaux ne se sont pas exprimés, c'est prendre le raisonnement complètement à l'envers ! Nous sommes le législateur, c'est à nous qu'il appartient de fixer les règles et non pas aux juges ! (Applaudissements.)
Le président. Merci bien. La parole est donnée à M. Christo Ivanov pour une minute quatorze.
M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président; je vais être bref. Comme il a été dit, la commission des transports attend toujours le rapport du Conseil d'Etat. La loi a été votée il y a deux ans et demi et il y était indiqué qu'un rapport serait soumis à la commission des transports au bout de deux ans: tel n'est pas le cas. Afin d'avancer dans ce dossier, comme le demande la minorité, je vous demande de bien vouloir accepter les deux motions.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas entrer dans le détail de ce dossier complexe, y compris sur le plan juridique. Ce n'est pas parce que les tribunaux ne sont pas encore saisis, du moins en ce qui concerne le transport professionnel de personnes - ils le sont pour ce qui est du transport de marchandises avec Uber Eats - qu'il ne faut pas faire du droit.
En ce qui concerne la M 2480 qui a été rejetée en commission, au nom du Conseil d'Etat, je vous demanderai aussi de la rejeter. Ses invites sont manifestement inapplicables: on ne peut pas demander à la société Uber de déclarer dans les trente jours tous ses chauffeurs comme travailleurs. Ce n'est pas comme ça que ça se passe, sinon nous l'aurions évidemment déjà fait; c'est un peu plus subtil.
En ce qui concerne les décisions prises, j'ai entendu dire que la Suva s'était prononcée et qu'un tribunal zurichois lui avait donné tort. Il faut quand même rappeler que la décision du tribunal zurichois portait uniquement sur la qualité de l'employeur, considérant que la décision avait été adressée au faux destinataire. La Suva a pris du temps, mais elle a rendu en juillet une nouvelle décision qui, bien sûr, fait elle aussi l'objet d'une opposition. A n'en pas douter, cela sera porté jusqu'au Tribunal fédéral.
Il s'agit là d'un nouveau modèle d'affaires, mais cela ne veut pas dire que la loi doit forcément s'adapter à ce nouveau modèle. Nous avons des éléments dans le droit fédéral et dans le droit cantonal qui nous permettent parfaitement d'appréhender ce type de situations. Je l'ai dit publiquement et je peux le répéter, mon sentiment est que tous les éléments sont réunis pour retenir un lien de subordination entre ce diffuseur de courses qui est en réalité une entreprise de transport et les employés-chauffeurs qui travaillent pour cette société. Maintenant, je ne prétends pas être porteur de la vérité et les décisions qui seront prises dans ce domaine seront évidemment aussi portées devant les tribunaux. Vous avez vu que l'une des sociétés dont le nom figure dans les médias - Kapten - a considéré que la position adoptée par le département et l'Etat de Genève ne lui convenait pas et a donc décidé de quitter le territoire. Cela ne veut pas dire que ses chauffeurs resteront sans travail, il y a d'autres diffuseurs de courses qui, eux, sont des vrais diffuseurs de courses et n'encaissent pas la course à la place du chauffeur, ne leur disent pas le chemin qu'ils doivent prendre et ne suppriment pas leur accès à l'application sans aucun droit de réponse. Ces sociétés de diffusion de courses seront évidemment à disposition de ces chauffeurs.
Que faut-il retenir de la décision de Kapten communiquée aujourd'hui ? C'est ce que ces sociétés nous disent: soit vous adaptez votre droit pour nous permettre de faire notre travail comme nous voulons le faire, soit nous partons. Ce n'est pas comme ça que je conçois la relation entre l'Etat et le monde économique ! Quand une société veut venir travailler ici, elle est la bienvenue, comme toutes les autres, mais il lui appartient de tenir compte de notre législation, de tenir compte aussi de notre culture de partenariat social et de ne pas arriver avec des gros bras pour imposer sa loi. C'est tellement surprenant que la Californie elle-même a voté une loi cette semaine allant exactement dans la direction prise par Genève. La Californie, qui accueille pourtant le siège mondial d'Uber et d'une autre société de ce secteur, exige désormais que les chauffeurs soient des travailleurs employés par la société Uber. C'est un comble, si même les Etats-Unis, le pays du libéralisme et de l'ultralibéralisme absolu, considèrent qu'il faut réglementer ce marché, c'est bien qu'il y a un problème ! Dans un Etat responsable, on ne peut pas laisser des personnes travailler dans la précarité, sans couverture sociale, parce que la facture, nous allons la payer un jour, Mesdames et Messieurs ! Ces personnes arriveront un jour à l'âge de la retraite avec des cotisations insuffisantes pour toucher des prestations correctes et c'est nous, Mesdames et Messieurs, qui devrons nous y substituer !
Je vous ai dit ce que le Conseil d'Etat pensait de la première proposition de motion. En ce qui concerne la seconde, celle qui a été élaborée par la commission, le Conseil d'Etat est parfaitement prêt à entrer en matière. Il est tellement prêt qu'il l'a déjà fait ! Je peux vous dire qu'il a déjà bien avancé: ce matin, j'ai examiné le rapport qui est pratiquement terminé et peut être déposé auprès du Grand Conseil.
Malheureusement, l'une des demandes inscrites dans la loi était d'évaluer l'impact de cette loi sur le revenu des chauffeurs de taxi: après avoir contacté tous les services possibles et imaginables, avec la meilleure volonté du monde, il m'est impossible de savoir quel est le revenu des chauffeurs de taxi genevois, l'administration fiscale genevoise n'ayant pas de code permettant de trouver qui parmi les contribuables est chauffeur de taxi. A part un sondage auprès des chauffeurs de taxi dont on imagine tous quel serait le résultat, je n'ai pas d'éléments objectifs pour vous dire s'il y a ou non un impact et de quelle nature il serait. Par contre, compte tenu de la concurrence effrénée à laquelle on assiste dans le domaine public, on peut largement imaginer que ce marché n'est pas extensible et que l'arrivée d'environ 1300 chauffeurs VTC dans le canton de Genève a eu un impact sur les revenus de nos chauffeurs de taxi.
Voilà ce que le Conseil d'Etat veut vous dire, Mesdames et Messieurs les députés: des décisions sont sur le point d'être prises. Pourquoi ne l'ont-elles pas été à ce jour ? Parce qu'il y a des règles en matière administrative qui doivent être respectées, comme celle du droit d'être entendu. Lorsque l'Etat veut prendre une décision qui a des conséquences pour un administré, il doit lui donner la possibilité de faire valoir ses droits, ce que nous avons fait. Dans la réponse, des questions sont apparues sur la titularité dans le contrat de travail ou dans le contrat de partenariat, selon la qualification qu'on veut lui attribuer. Est-ce que c'est la société néerlandaise ou est-ce que c'est la société suisse ? Vous le savez, notre LTVTC impose d'avoir un siège en Suisse, que l'on soit diffuseur de courses ou que l'on soit une entreprise de transport. Or, aujourd'hui, nous avons une entreprise installée en Suisse qui dit qu'elle n'est pas concernée et que les contrats de travail seraient conclus par la société néerlandaise, ce qui impliquerait ipso facto que l'activité d'Uber soit immédiatement interdite si la loi devait être appliquée dans toute sa rigueur. Nous ne le faisons pas parce que nous sommes conscients des conséquences. Nous appliquons le principe de proportionnalité et nous avons redonné un délai à cette société pour qu'elle se prononce. Voilà où nous en sommes aujourd'hui: des décisions risquent de tomber et nous agirons avec pondération et avec proportionnalité, mais avec rigueur. (Applaudissements.)
Le président. Merci bien. Nous passons aux votes successifs sur les deux propositions de motions.
Mise aux voix, la proposition de motion 2480 est rejetée par 76 non contre 8 oui et 8 abstentions.
Mise aux voix, la motion 2571 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 86 oui contre 2 non.
Le président. Je vous donne rendez-vous à 18h15, le temps d'une pause café. La séance est levée.
La séance est levée à 18h.