République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 12 septembre 2019 à 20h30
2e législature - 2e année - 4e session - 18e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta et Mauro Poggia, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Anne Marie von Arx-Vernon, Alexis Barbey, Jennifer Conti, Pablo Cruchon, Edouard Cuendet, Amanda Gavilanes, Eric Leyvraz, Vincent Maitre, David Martin, Philippe Morel, Xhevrie Osmani, Adrienne Sordet et Stéphanie Valentino, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Christian Bavarel, Pierre Bayenet, Emmanuel Deonna, Joëlle Fiss, Sylvie Jay, Yves de Matteis, Christina Meissner, Eliane Michaud Ansermet, Souheil Sayegh et Helena Verissimo de Freitas.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'une procureure. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (La procureure entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame, vous êtes appelée à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme magistrate du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: Mme Mara Berti Guereschi.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'un magistrat du Pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de le faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Le magistrat entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Monsieur, vous êtes appelé à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: M. Jean Reymond.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Débat
Le président. Nous passons aux urgences et commençons avec la R 873-A et la M 2573. Le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Le rapport est de M. Romain de Sainte Marie, qui s'installe sur l'estrade et à qui je laisse la parole.
M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous revoilà devant notre mauvaise série sur le vote électronique ! Permettez-moi de faire un bref résumé des épisodes précédents, parce qu'il s'agit bien d'une série à feuilletons. Aux origines, vous vous la rappelez certainement, il y a la proposition de résolution 873 de M. Cyril Mizrahi, premier signataire, qui demande à l'Assemblée fédérale de légiférer en vue de créer une structure regroupant la Confédération et les cantons chargée de développer un système de vote électronique, l'idée étant de ne pas laisser le canton de Genève seul dans ce domaine.
Cette résolution s'appuie sur deux constats: d'une part, le développement par la Poste d'un dispositif de vote électronique privé, d'autre part l'annonce par le Conseil d'Etat, vous vous en souvenez, de l'arrêt brutal du vote électronique à Genève, ceci afin de ne pas tomber dans un système de marché, comme il a été qualifié, et de ne pas entrer dans une logique de concurrence avec la Poste.
La motion qui l'accompagne, quant à elle, est beaucoup plus contraignante - la résolution invite simplement l'Assemblée fédérale à légiférer en la matière - puisqu'elle exige l'application de la loi. En effet, comme vous vous le rappelez certainement, notre parlement avait voté le projet de loi 12415, qui est donc devenu une loi, par une majorité extrêmement large de 81 oui contre 4 non et 5 abstentions, et ce texte vise à conserver au sein du canton de Genève un système de vote électronique en mains publiques à la fois dans sa conception et sa gestion.
Les retours du Conseil d'Etat, que ce soit en plénière ou en commission, n'ont pas été très encourageants. En effet, le gouvernement a indiqué dans ses déclarations et communications qu'il ne souhaitait pas aller de l'avant dans le développement de la deuxième génération de vote électronique, développement qui nous est imposé par Berne. Je fais encore un parallèle avec la résolution: il est vrai que la Confédération ne nous a pas facilité la tâche en modifiant le cahier des charges de cette plateforme 2.0 - et même 3.0 en ce qui concerne les élections fédérales - qui requiert un véritable développement.
Ainsi, malgré un vote majoritaire du parlement pour préserver le système de vote électronique à Genève, le Conseil d'Etat nous a fait comprendre qu'il ne souhaitait pas aller de l'avant. Dès lors, la motion 2573, acceptée très largement à la commission des droits politiques, demande deux choses au Conseil d'Etat: d'abord, de déposer dans les plus brefs délais un projet de loi ouvrant un crédit d'investissement pour poursuivre le développement du vote électronique de deuxième génération, puis de tenir régulièrement informés le Grand Conseil et sa commission des droits politiques de l'avancée du projet.
En effet, la confiance de la commission des droits politiques et plus largement du Grand Conseil envers le Conseil d'Etat n'est pas totale, nous menons un véritable bras de fer autour du dispositif de vote électronique. Le gouvernement ne souhaite pas le préserver, alors que le pouvoir législatif, lui, y est favorable et a voté une loi dans ce sens. Aussi, Mesdames et Messieurs, je vous remercie d'accepter ces deux objets. (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, au sein de la commission des droits politiques, qui a travaillé sur la base d'un consensus assez large dans ce domaine, s'inspirant à cet égard de la position du parlement, nous avons eu deux déceptions majeures. La première, c'est l'attitude du Conseil d'Etat, qui nous a paru vouloir jeter l'éponge un peu trop tôt par rapport à ce qui lui était demandé quant à l'instauration du vote électronique. La deuxième, beaucoup plus grande et forte, c'est l'attitude de la Confédération. En effet, nous avons auditionné une représentante de la Chancellerie fédérale - même pas le chancelier lui-même ! - qui nous a bien fait comprendre qu'elle n'avait vis-à-vis des aspirations du canton de Genève aucune considération et qu'elle n'entendait pas nous suivre.
Nous avons été confrontés à deux systèmes différents: un dispositif piloté par la Confédération avec l'appui de la Poste dont on a vu qu'il amenait des bugs, alors que ce n'est pas le cas du système genevois, et un procédé délégué à une entreprise étrangère basée en Espagne. Or un mécanisme destiné à contrôler le résultat des votations et élections doit se trouver entre les mains de l'Etat, il s'agit d'une tâche régalienne essentielle, et les derniers événements que nous avons vécus à Genève en la matière montrent à quel point la population tient à voter de la manière la plus sécurisée possible. Evidemment, le système le plus sûr est encore celui de l'urne, par rapport à l'envoi d'enveloppes ou à un dispositif électronique, mais si mécanisme électronique il y a, alors il est important qu'il demeure en mains publiques à toutes les étapes du processus.
Maintenant, nous avons compris que le canton de Genève ne pouvait pas assumer seul le coût de l'ensemble de ce projet, qui se chiffre en dizaines de millions - c'est bien la seule compréhension que nous ayons manifestée à l'égard du Conseil d'Etat. Cela étant, nous constatons que les cantons qui étaient associés au processus n'ont pas beaucoup soutenu Genève, et c'est pour cela que nous avons voté très majoritairement, voire à l'unanimité, d'une part cette motion et d'autre part cette résolution: il faut que le système reste en mains publiques et que le Conseil d'Etat lui donne ensuite un écho qui, cette fois, sera entendu jusqu'à Berne, j'espère. Voilà pourquoi le groupe démocrate-chrétien vous encourage à soutenir ces deux objets et à les voter avec la même majorité que celle enregistrée en commission. Merci.
M. Pierre Vanek (EAG). En effet, Mesdames et Messieurs, le projet de loi 12415 a été voté - j'ai rédigé un rapport auquel je vous renvoie, je ne vais pas répéter les choses concernant le fond - à une majorité absolument écrasante, et les deux objets qui vous sont soumis ici ont été déposés par l'unanimité - c'est du moins ce qu'il me semble, je parle sous le contrôle du rapporteur - de la commission des droits politiques, ce qui est relativement rare.
Il ne s'agit pas d'un coup de tête: la commission, après avoir travaillé pendant une douzaine de séances en tout cas sur la question du vote électronique, après avoir entendu les représentants de la Poste, de la Chancellerie fédérale et des services concernés à Genève, s'est forgé la conviction très forte qu'il fallait maintenir le système en mains publiques et que notre canton poursuive le développement qu'il avait entrepris. Bien sûr, nous n'avons pas vocation à être les meilleurs ni à rester isolés, c'est pour ça que nous demandons à la Confédération qu'une structure de collaboration intercantonale soit mise en place, mais nous ne conditionnons en aucune manière la poursuite du développement du vote électronique à Genève à des avancées sur le plan fédéral ! Au contraire, nous entendons les impulser en continuant à donner l'exemple, comme nous l'avons fait jusqu'ici dans ce domaine important, car nous disposons des ressources humaines, technologiques, financières et politiques pour ce faire.
Le problème, c'est que nous nous trouvons face à un blocage incompréhensible du Conseil d'Etat: on vote à l'unanimité un projet de loi qui demande un certain nombre de choses, et le Conseil d'Etat fait de la résistance. En général, la résistance est une vertu que je salue, mais enfin, dans le cas d'espèce, c'est absurde ! C'est une mauvaise cause, et on ne comprend pas pourquoi le Conseil d'Etat se refuse à obtempérer. Il nous dit: «Nous ne pouvons pas, nous ne devons pas entreprendre cela tout seuls.» Mais nous l'avons bien compris, et c'est pourquoi nous nous adressons à l'Assemblée fédérale en expliquant que nous ne voulons pas rester de notre côté, que nous souhaitons justement que d'autres cantons et la Confédération se rallient à notre panache - je ne vais pas le caractériser par une couleur ou une autre, puisqu'il s'agit d'un vote unanime de la commission - mais pour cela, il faut qu'il y ait un panache auquel se rallier !
Or, pour le moment, le Conseil d'Etat ne fait rien, la situation se dégrade, et si on attend encore ou si on joue la montre comme il le fait, on se retrouvera dans la situation irrévocable du «circulez, y a rien à voir» et le gouvernement aura saboté une volonté unanime de ce parlement, ce qui est inacceptable. C'est pourquoi, Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter les deux objets qui vous sont soumis aujourd'hui. (Applaudissements.)
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous avons déjà parlé plusieurs fois du vote électronique dans cette enceinte. A l'heure actuelle, trois différents systèmes de vote sont à disposition des électeurs. Celui que nous préférons, évidemment, c'est le scrutin à l'urne, car il y a un contrôle citoyen. Chacun d'entre nous a sans doute déjà été appelé, à un moment ou un autre de sa vie, pour officier comme président ou juré dans un local de vote. Ici, le contrôle citoyen est total. Ensuite, il y a le vote par correspondance qui nous a permis de conserver un certain taux de participation et qui garantit une traçabilité; il n'y a plus de contrôle citoyen, mais une traçabilité. Comme on l'a vu dans de récentes affaires, il arrive cependant qu'on retrouve des enveloppes de vote dans des poubelles... Enfin, avec le vote électronique, il n'y a plus rien de tout ça, la traçabilité est perdue.
C'est la raison pour laquelle, au niveau national, les Verts manifestent un certain scepticisme à l'égard de ce dispositif, nous comptons même des opposants assez notoires dans nos rangs. Les Verts genevois n'ont pas forcément cette position, nous admettons la possibilité du vote électronique, éventuellement pour un cercle limité d'utilisateurs, mais on doit pouvoir garantir le contrôle à tous les niveaux, et il y en a trois: il faut vérifier l'identité de l'électeur ou de l'électrice, garantir que le processus de vote ne soit pas altéré et que l'urne électronique ne soit pas manipulée. Tout cela repose sur des codes de programmation. A notre sens, ceux-ci doivent être intégralement en mains publiques de façon à garantir une crédibilité citoyenne.
La motion demande au Conseil d'Etat de reprendre le développement d'un système qui réponde aux normes dont je viens de parler - il convient d'adopter des directives de sécurité - et de déposer un projet de loi dans ce sens. Nous sommes parfaitement conscients du fait que le canton de Genève ne peut pas faire ça tout seul, qu'il est obligé de collaborer avec d'autres cantons, mais nous ne souhaitons pas que ceux-ci, à l'image de ce qui s'est passé avec le système actuel, profitent simplement du dispositif développé par les Genevois. Nous ne sommes pas du tout d'accord avec la politique de la Confédération visant à libéraliser ce marché en instaurant de la concurrence et, à travers notre résolution, nous l'appelons à instituer un organe intercantonal en vue de développer un système de vote répondant aux contraintes que j'ai exposées tout à l'heure, à savoir en open source et entièrement contrôlé par les collectivités publiques. Je vous remercie.
M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs, chers collègues, le groupe socialiste soutiendra avec enthousiasme ces deux textes sur le vote électronique dont nous sommes à l'origine avec nos partenaires. Nous nous réjouissons du consensus très large trouvé en commission pour donner un signal clair au gouvernement, vu que le message n'a visiblement pas été bien compris dans un premier temps. Le Conseil d'Etat a fait mine de croire que le message était le suivant: s'il doit y avoir un système de vote électronique, alors il faut qu'il soit public, donc il ne peut pas s'agir du dispositif privé commercialisé par la Poste.
Or le message n'est pas seulement que le vote électronique constitue une tâche régalienne, mais aussi que nous avons besoin d'un tel mécanisme public et que, partant, il faut continuer à le développer, il faut reprendre son développement. Il en va du respect des droits politiques pour certaines catégories de nos concitoyens et concitoyennes: les Suisses et les Suissesses de l'étranger, les personnes en situation de handicap, les utilisateurs et utilisatrices réguliers de cet outil. Le canton de Genève était pionnier en la matière, et nous sommes retournés vingt ans en arrière, c'est vraiment piteux ! Nous devons relancer la machine depuis Genève, nous devons également défendre un système coordonné au niveau fédéral.
Tout à l'heure, mon collègue Romain de Sainte Marie a parlé d'un bras de fer entre le gouvernement et le parlement, mais il ne saurait y avoir de bras de fer, puisque... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) J'en viens à ma conclusion, Monsieur le président ! ...le rôle du parlement est de légiférer et celui du gouvernement d'appliquer les lois. Il existe déjà un précédent avec le bureau de médiation administrative, il a fallu attendre des années pour que cet organe décidé par le Grand Conseil soit institué, et nous ne souhaitons pas assister à un deuxième précédent avec la question du vote électronique. Aussi, nous invitons respectueusement le Conseil d'Etat à mettre en oeuvre la volonté très majoritaire de notre assemblée. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je commencerai en reprenant un mot de mon préopinant: le vote électronique constitue-t-il un besoin impératif ? C'est certainement une commodité, c'est certainement voulu par de nombreuses personnes, c'est certainement demandé par les Suisses de l'étranger, mais nous ne parlons pas d'un réel besoin. Pourquoi est-ce que je m'exprime de la sorte ?
Vous savez très bien que l'Union démocratique du centre, dans sa version bernoise, émet de plus en plus de doutes quant à la fiabilité du vote électronique - non pas quant à son utilisation, mais quant à sa fiabilité - vu les nombreuses failles découvertes. Notre service informatique est venu nous renseigner en commission: la première génération n'est plus fiable. Nous devrions développer une deuxième génération avec des cryptages différents - enfin, il y a des gens plus experts que moi qui vous expliqueront cela - de manière à la rendre le plus impénétrable possible.
Le Conseil d'Etat a-t-il bien fait de stopper abruptement le développement du dispositif à Genève ? Nous ne le pensons pas non plus. Mais enfin, il y a des impératifs, notamment de prix, qui doivent être vus avec la Confédération. Il est certain qu'un système étranger ou une entreprise étrangère qui viendrait mettre son grain de sel dans notre système de vote helvétique ne nous conviendrait pas non plus.
C'est la raison pour laquelle - je vais écourter - le groupe UDC s'abstiendra ce soir pour suivre les principes émis par notre parti à l'échelon fédéral. Nous voulons laisser une chance... Bon, vous allez voter oui, mais est-ce que le mécanisme qu'on développera sera d'une part compatible au niveau du prix, d'autre part infaillible ou inviolable ? Voilà la question qui me tracasse. Je le répète: le groupe UDC s'abstiendra sur cette urgence.
M. Pierre Conne (PLR). Chers collègues, je rappelle tout d'abord que les textes que nous vous présentons ici ont fait l'objet d'un vote unanime à la commission des droits politiques et que la motion est une motion de commission. Ensuite, la Confédération est compétente pour le pilotage et la définition des règles en matière de développement du vote électronique et, à ce titre, elle encourage les cantons à prendre un certain nombre d'initiatives.
Je ne vais pas revenir sur l'historique qu'ont très bien effectué mes préopinants, mais j'insiste quand même sur le fait qu'en mai de cette année, le parlement a voté à l'unanimité la loi 12415 pour un système de vote électronique en mains publiques. En substance, cette loi ne dit pas que l'Etat doit être l'entreprise qui développe et met à disposition les prestations, mais qu'il doit garantir que tout le processus de vote, fondamental pour notre démocratie, soit entièrement contrôlé par la collectivité publique. C'est dans ce cadre-là que la loi demande - enfin, il s'agit d'une loi, ce n'est pas une demande - de mettre en place un système de vote électronique au niveau du canton.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? C'est l'objet de ces deux textes. La résolution s'adresse au Conseil fédéral - qui, je le répète, pilote le développement des systèmes de vote électronique - en l'invitant à légiférer sur le modèle de la loi genevoise, à fixer un cadre dans lequel les cantons puissent entreprendre un certain nombre d'actions, le plus possible en partenariat intercantonal. Quant à la motion, elle enjoint simplement au Conseil d'Etat d'appliquer la loi que nous avons votée en mai, avec un plan de mise en oeuvre et de financement.
Je terminerai, Mesdames et Messieurs, en vous lisant un courrier de la Chancellerie fédérale qui, comme je le disais il y a un instant, est garante du développement des dispositifs de vote électronique et notamment du respect des règles de sécurité. La Chancellerie fédérale a donc la compétence d'évaluer la pertinence et la justesse de nos lois et, en l'occurrence, la lettre dont je vous parle, que nous avons reçue en juillet dernier, indique que la loi 12415 correspond à la législation fédérale. En voici un extrait: «La Chancellerie fédérale constate que les modifications respectent l'esprit et la lettre des dispositions du droit fédéral relatives aux droits politiques. Par conséquent, la Chancellerie fédérale approuve sans réserve ces modifications.»
Aujourd'hui, le canton de Genève est pionnier dans le domaine, la Chancellerie a le regard sur ce que nous faisons, et ce que nous faisons est juste. Dans ces conditions, Mesdames et Messieurs, je vous recommande de voter ces deux objets sans réserve. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. Patrick Dimier (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, s'agissant des aspects techniques, nous sommes tout à fait alignés sur la position exprimée tout à l'heure par notre collègue Eckert pour les Verts. Il doit y avoir des réserves, on peut émettre des réserves, mais sur le principe, nul - nul, nul, nul ! - autre que l'Etat ne peut être aux commandes de l'expression du vote du peuple. Pour moi, la position de la Chancellerie fédérale a toujours été suspecte, et sous d'autres régimes, on aurait peut-être demandé l'ouverture d'une enquête - ce n'est pas dans nos traditions, restons-en là.
Il ne faut pas oublier que nous sommes à la veille d'un changement profond de civilisation, un changement si profond que les sociétés commerciales, aujourd'hui déjà, sont plus puissantes que les Etats. Or nous ne devons pas laisser la moindre chance à cette puissance d'intervenir lorsque les peuples s'expriment.
La loi que nous avons votée au mois de mai - ça a été dit et redit tout à l'heure, notre président de commission vient de le rappeler - est non seulement juste et pertinente, mais admise par la Chancellerie ! Que dire de plus pour ne pas vous faire perdre de temps inutilement ? Qu'il faut bien évidemment soutenir ces deux textes, parce que c'est le serment que nous prêtons au début de chacune de nos séances: s'assurer que la conduite de notre travail parlementaire sert bel et bien l'intérêt général, et non un quelconque intérêt particulier. Merci.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, force est de constater que nous avons quelques petits problèmes pour nous comprendre, vous, le parlement, et nous, le Conseil d'Etat. Je vais donc essayer de résumer la position qui est la nôtre en faisant état de certains éléments postérieurs à votre vote du printemps dernier ainsi que de développements relativement récents dans cette affaire.
La première chose que j'aimerais dire, c'est que le Conseil d'Etat est tout à fait conscient - évidemment, sinon il n'aurait pas engagé Genève dans cette procédure il y a de nombreuses années déjà - que le canal de vote électronique est particulièrement approprié du point de vue des droits politiques, qu'il possède de nombreux avantages. Si nous n'avions pas été de cet avis, nous n'aurions pas fait oeuvre de pionniers en la matière. Nous partageons l'idée qu'un tel système doit rester en mains publiques, et la loi votée par votre parlement est tout à fait juste, il n'y a aucun problème à ce sujet.
Le Conseil d'Etat estime également que le travail réalisé jusqu'à aujourd'hui est de très haute qualité, un travail qui a d'ailleurs été documenté, publié et entièrement mis à disposition du public. Nombreux sont ceux qui se sont attachés à le vérifier, j'imagine, et nous n'avons pas eu d'écho négatif, notamment en ce qui concerne la sécurité.
Ainsi, nous sommes totalement sur la même longueur d'onde que vous - même davantage ! - s'agissant du premier texte, à savoir la résolution à l'Assemblée fédérale. D'ailleurs, nous avons été soutenus par le Congrès des Suisses de l'étranger qui, à la mi-août, a expressément validé le système genevois et l'idée que celui-ci soit repris par une entité publique pour y être développé, pourquoi pas avec le concours des hautes écoles. Oui, un tel dispositif doit être en mains publiques.
En revanche, le Conseil d'Etat refuse catégoriquement que notre canton mène cette expérience tout seul, et c'est la raison pour laquelle il a décidé d'y mettre un terme - temporairement, peut-être. Pour nous, il est hors de question que l'Etat de Genève fasse cavalier seul pendant que les autres cantons se contentent d'acheter des services sans en assumer les coûts de développement ni la responsabilité. Nous avons proposé aux cantons de créer une structure publique pour partager cette charge, mais aucun d'entre eux n'a souhaité nous suivre dans cette voie. Alors j'entends certains ici s'exclamer: «Il faut que les cantons fassent ceci, il faut que la Confédération fasse cela !» Mais s'ils ne veulent pas, comment voulez-vous les y obliger ?
Encore une fois, la résolution nous convient tout à fait, et le Conseil d'Etat vous invite à la soutenir, parce qu'elle va exactement dans le sens que vous souhaitez et que nous souhaitons. Nous mettons volontiers à disposition notre expertise, tout ce qui a été entrepris jusqu'ici. Au fond, regrouper les cantons et la Confédération pour que nous développions tous ensemble un système performant serait fondamentalement la chose la plus intelligente à faire.
S'agissant du deuxième texte, je précise que le Conseil d'Etat n'est pas dans une posture où il refuse d'appliquer la loi ! Cette motion nous invite à appliquer la loi. Bon, on pourrait multiplier ce genre de texte à l'envi ! Pourquoi le Conseil d'Etat vous indique-t-il qu'il n'est pas approprié, à ce stade, de suivre cette invite consistant à vous présenter un crédit d'investissement pour reprendre le développement du système ? Ce qui, entre nous soit dit, est contradictoire avec un certain nombre de positions que vous avez exprimées: on exige à la fois de le faire dans un contexte public avec les autres cantons tout en forçant Genève à faire cavalier seul. C'est quelque peu contradictoire à nos yeux.
Donc, pourquoi indiquons-nous cela ? Parce que les choses sont en train de bouger sur le plan national. Elles ont évolué récemment: le Conseil fédéral a retiré la possibilité de vote électronique pour les élections fédérales, il n'a pas accordé son autorisation. C'est un signe très important du problème actuel. Le dispositif de la Poste aurait été le seul à rester sur le marché. Dans un premier temps, en effet, notre système avait été agréé pour les élections fédérales, mais suite à toute une série d'éléments que nous vous avons détaillés en commission, nous avons préféré nous abstenir, les nouvelles conditions de la Confédération étant tout simplement impossibles à remplir. Et le Conseil fédéral, constatant la situation, a retiré le canal de la Poste.
Il y a de gros doutes à ce sujet au niveau fédéral, il y a de gros doutes sur le plan politique. Une initiative populaire fédérale a été lancée dont la récolte de signatures est en cours, qui demande un moratoire sur le vote électronique - d'ailleurs, elle est soutenue par la quasi-totalité des sections jeunes des partis politiques, ce qui est assez étonnant. Aujourd'hui, dans ce contexte et avec la confusion présente sur le plan fédéral, il nous est impossible de présenter un cahier des charges crédible pour ouvrir un crédit. C'est matériellement impossible, et la prudence tout comme le bon sens commanderaient que nous attendions et observions comment les choses évoluent à Berne.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, quand bien même la commission a voté ce texte stipulant que le Conseil d'Etat doit appliquer la loi, nous répétons qu'il n'est matériellement et logiquement pas judicieux de se précipiter dans cette voie tant que la situation sur le plan fédéral demeure aussi confuse. Nous vous recommandons donc d'adopter la résolution, mais pas la motion. Merci de votre attention.
Le président. Merci bien. Nous passons au vote.
Mise aux voix, la résolution 873 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale et au Conseil d'Etat par 81 oui et 8 abstentions.
Mise aux voix, la motion 2573 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 72 oui et 16 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous poursuivons avec l'urgence suivante, soit le PL 12215-A, en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de majorité est M. Murat Julian Alder, celui de minorité de M. Pierre Vanek. (Un instant s'écoule.) Nous attendons qu'ils se placent à la tribune avec leur carte. (Un instant s'écoule.) Monsieur Alder, vous avez la parole.
M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, très chers collègues, nous avons voté l'urgence sur ce projet de loi afin de le renvoyer à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil. Cette commission étant saisie de plusieurs objets similaires, il se justifie en effet qu'on les traite ensemble. Même si je me réjouissais de débattre du fond avec notre inimitable collègue Pierre Vanek, je vous invite, au nom de la majorité, à accepter ce renvoi en commission. Merci de votre attention.
Le président. Merci. Monsieur Vanek, un mot à dire sur la proposition de renvoi en commission ?
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Oui, je souscris au renvoi en commission. Certes, ç'aurait été un plaisir de ferrailler avec le jeune homme qui est assis à mes côtés... (Rires.) ...mais par simple humanité, je pense qu'il est nécessaire de renvoyer ce projet de loi en commission. Par humanité, parce que si nous faisions le débat maintenant, ça contraindrait mon collègue et ami à défendre des positions d'un autre temps, des positions difficilement défendables aujourd'hui... (Rires.) ...selon lesquelles il y aurait un droit personnel relevant de la sphère privée à pouvoir verser, sous couvert d'anonymat, des sommes astronomiques à des partis qui défendent les personnes les plus fortunées, dont évidemment un parti qui se trouve par là-bas... (L'orateur désigne les bancs de droite.) ...et que je ne nommerai pas, par égard et par délicatesse pour mon collègue ! (Rires.) On va donc ne pas débattre de ce sujet, c'est dramatique, c'est triste, le spectacle aurait justifié votre déplacement dans cette salle, Mesdames et Messieurs, mais à défaut, je vous conseille de prendre le rapport PL 12215-A, puisque nos textes sur cet objet seront enterrés et d'autres déposés par la suite: lisez-le et imaginez le débat que nous aurions pu mener ! (Rires. Applaudissements.)
Le président. Bien, merci. J'ouvre le vote sur la demande de renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12215 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est adopté par 82 oui contre 1 non.
Premier débat
Le président. Nous passons au point suivant, que nous traitons en catégorie II, trente minutes. Je passe la parole à Mme Salima Moyard.
Mme Salima Moyard (S), rapporteuse. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je ne serai pas longue, mais ce projet de loi est important. Il constitue ce que nous avons appelé, dans notre jargon, l'une des «contreparties sociales» du paquet ficelé RFFA, et concerne donc la petite enfance. Pour rappel, la tâche est titanesque, il s'agit de créer rien moins que 3000 à 4000 places de crèche supplémentaires par rapport à celles qui existent aujourd'hui, et l'action des communes doit être soutenue par d'autres acteurs, notamment le canton.
Pour rappel également, cette politique est cruciale à la fois pour l'égalité hommes-femmes, l'intégration des femmes sur le marché du travail et tout simplement l'économie de notre canton. Plusieurs études ont montré qu'un franc investi dans ce domaine a une retombée économique de l'ordre de trois francs, le triple. Vous voyez à quel point cette politique doit être soignée et développée par les pouvoirs publics.
Ce projet de loi n'est rien moins que - enfin et avec deux ans et demi de retard sur le délai constitutionnel de juillet 2017 - la mise en oeuvre du contreprojet à l'initiative rose-verte sur la petite enfance. Il consacre l'entrée dans le financement des employeurs, avec un modeste prélèvement sur la masse salariale - 0,069% - pour un montant annuel estimé à 20 millions de francs. Et surtout, il ancre la participation cantonale au financement de la petite enfance, selon un mécanisme innovant et intéressant qui tient compte à la fois de la richesse et de l'effort des différentes communes dans le domaine.
De plus, la manne cantonale reste en pleines mains du Grand Conseil, ce qui a rassuré une partie de l'hémicycle: aucun budget ad hoc n'est fixé dans la loi, ce sera une ligne du budget annuel de l'Etat, nous gardons la mainmise sur la question. Nous espérons néanmoins que les partis politiques, qui devraient s'entendre ce soir dans une belle unanimité, garderont cette unanimité pour consacrer à ce domaine les montants adéquats dans le budget.
Enfin, une fondation réunira tous les acteurs autour de la table, gérera les fonds provenant de différents horizons et travaillera à l'harmonisation des données.
Ce projet de loi a abouti par un accouchement dans la douleur, après des années de travail, des avant-projets, des consultations, l'inspiration d'un premier projet de loi, le retrait d'une motion, de multiples gels, des travaux à la commission fiscale, et j'en passe. Au final, c'est une étude en profondeur qui a été faite par la commission de l'enseignement, pour aboutir à un compromis imparfait mais consensuel qui permettra de créer rapidement de nouvelles places de crèche, ce que les parents réclament à cor et à cri. Je vous remercie donc, au nom de la commission, d'accepter ce projet de loi tel qu'issu de nos travaux. (Applaudissements.)
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Ensemble à Gauche entend bien la nécessité de voter cette loi sur l'accueil préscolaire ce soir afin qu'elle entre en vigueur en janvier. Notre groupe l'acceptera donc. Toutefois, dans le texte issu des travaux de commission - certes sans opposition - on n'a pas réussi à intégrer certains amendements, notamment ceux proposés par les syndicats et soutenus par la gauche. Ensemble à Gauche estime qu'il est encore temps d'améliorer cette loi afin que les structures d'accueil de la petite enfance et le personnel bénéficient de meilleures garanties concernant l'encadrement, l'évaluation, la sécurité et les conditions de travail. L'accès à l'accueil de jour doit aussi être garanti plus largement, en particulier pour les personnes au chômage.
Mais permettez-moi une parenthèse avant que je parle davantage des amendements déposés. Pour Ensemble à Gauche, il est plus que nécessaire d'augmenter le nombre de places de crèche. Notre mouvement pense même que la gratuité s'imposerait. Ce n'est pas une utopie. Regardez l'article 10 de ce projet de loi: la contribution des employeurs est fixée à la généreuse hauteur de 0,07% de la masse salariale ! 0,07%... Imposer une taxe sur la masse salariale à la seule charge des patrons, qui s'élèverait à terme à 0,5%, permettrait le financement de la gratuité des places d'accueil de la petite enfance. Cependant, vous le savez, Ensemble à Gauche est un parti d'extrême... sagesse et ne fera pas de proposition dans ce sens ce soir. Les patrons peuvent donc dormir tranquilles et apprécier le sursis que nous leur accordons.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, Ensemble à Gauche se contente aujourd'hui de reprendre de modestes amendements déjà évoqués en commission. Il s'agit, outre les points mentionnés en préambule, de donner une certaine consistance au partenariat social, quelque peu galvaudé ces derniers temps, il faut le dire. Objectivement, les syndicats sont absents de ce projet de loi. Or, leur présence à différents niveaux offre une garantie indispensable si l'on entend faire évoluer de manière heureuse la politique de la petite enfance.
L'évaluation du dispositif, par exemple, ne peut pas se résumer à un simple, conventionnel et habituel rapport du Conseil d'Etat sur la présente loi. Une instance composée de représentants de l'Etat, des communes, des professionnels et des syndicats offre une plus-value évidente et doit prendre la forme d'une commission cantonale.
Ce projet de loi, nous le répétons, doit être voté ce soir car cela n'a que trop traîné, nous sommes d'accord. Mais saisissons l'occasion d'apporter quelques ajouts, car si certaines choses seront présentées comme évidentes, allant de soi - c'est ce que diront nos contradicteurs - cela va mieux, vous le savez, en l'écrivant noir sur blanc dans un texte de loi, et non dans un règlement sur lequel notre parlement n'a pas de prise. Je vous remercie donc, Mesdames et Messieurs les députés, d'accueillir favorablement ces quelques amendements. (Applaudissements.)
Mme Ana Roch (MCG). Comme l'a relevé la rapporteure, c'est après de longs et multiples travaux, durant plusieurs années, qu'un consensus a enfin pu être trouvé en commission. Pour le MCG, il était primordial de garder au centre des préoccupations les besoins des parents, ce qui est une demande récurrente, et aussi la volonté populaire d'augmenter les places de crèche. La création de cette fondation permettra d'adapter les offres d'accueil aux besoins, d'organiser, de planifier et de financer l'accueil préscolaire; ainsi, de garantir et de développer des mesures pour favoriser l'inclusion de tous les enfants. Pour ces raisons, le MCG soutiendra ce projet comme il l'a fait en commission. Merci.
Mme Delphine Bachmann (PDC). Je ne sais pas si le vote de ce projet de loi vaudra autant le détour que le débat entre mon collègue Vanek et M. Alder ! Quoi qu'il en soit, j'ai envie de dire: enfin ! Après des années de gestation - décidément, ce soir, on n'arrête pas avec la métaphore de la maternité - nous avons sorti un projet de loi concret sur l'accueil préscolaire, un élément clé, je le rappelle, de la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, un élément clé de l'égalité entre hommes et femmes, et surtout, une demande de nombreux parents de notre canton depuis des années.
Grâce à ce projet de loi vont être créés une fondation pour gérer les demandes, une formation continue de nos éducateurs, qui doit être garantie, un contrôle sur le salaire des accueillantes familiales afin d'éviter que leur travail relève plutôt de l'emploi de solidarité que d'un vrai emploi. Ce texte permet la répartition concrète des responsabilités et du financement des places d'accueil préscolaire - notamment grâce à la fameuse méchante RFFA. Et puis, surtout, ce projet de loi pose un cadre nécessaire à la mise en oeuvre rapide, efficace, d'une politique de la petite enfance qui puisse répondre au mieux aux besoins des parents.
Un mot sur les amendements. Je suis navrée qu'Ensemble à Gauche se réveille ce soir alors que cette discussion a lieu depuis 2014. Il y avait largement lieu de débattre de ce type d'amendements en commission. Certains ont été discutés, mais pour une grosse majorité, ça n'a pas été le cas. Je vous invite donc, comme la rapporteuse, à vous en tenir au consensus qui a émergé non seulement des partis politiques, mais aussi après les auditions qu'on a menées, et à soutenir ce projet de loi tel que sorti de commission, excepté pour l'amendement technique du Conseil d'Etat. Ce texte représente cinq ans de travaux: s'il y avait eu des amendements à discuter, on aurait dû le faire avant. Ce n'est pas très élégant d'en présenter en plénière. Merci, donc, de vous en tenir, comme le parti démocrate-chrétien, au projet de loi tel que sorti de commission. (Applaudissements.)
M. Grégoire Carasso (S). Si vous le permettez, j'aimerais souligner le rôle précurseur et moteur du parti socialiste dans ce projet qui vise à accompagner substantiellement les communes dans leurs efforts de création de places de crèche. Il en manque entre 3000 et 4000 actuellement, et il n'est pas trop tôt, Monsieur le président, pour que le Grand Conseil et l'Etat de Genève se mobilisent financièrement - dans des proportions qui, aux yeux du parti socialiste, restent relativement symboliques et que nous aimerions voir croître; mais il n'est jamais trop tard, et nous saluons ce résultat après tant d'années d'attente.
Il a été fait mention tout à l'heure de l'initiative 143 rose-verte et de son contreprojet voté par le peuple. J'aimerais évoquer aussi le projet de loi rédigé par Salima Moyard, aujourd'hui rapporteure sur la version du Conseil d'Etat, qui s'est largement inspiré de ses travaux. C'est là un engagement autour d'une politique publique essentielle pour les socialistes et nous soutenons le résultat de compromis sorti de commission. Je ne reviens pas sur le détail des mécanismes financiers, qui sont vraiment originaux et intéressants: ils permettent de financer les places de crèche, ils représentent un levier incitatif pour poursuivre la création de crèches, et surtout, un mécanisme redistributif fonction des capacités financières des différentes communes.
Vous l'aurez compris, certains éléments de ce compromis nous semblent insatisfaisants; nous reviendrons volontiers sur eux dans le cadre d'un projet de loi ad hoc, mais certainement pas par le biais d'amendements que nous venons de découvrir alors que nous entamons ce débat, débat qui survient - cela a été largement souligné - après des années de travaux en commission: cela n'est pas sérieux.
Je vous remercie de votre attention et vous invite à voter le projet de loi tel que sorti de commission.
M. Murat Julian Alder (PLR). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, je me réjouis que ce projet de loi ait été sorti des extraits de l'ordre du jour. C'est tout d'abord l'occasion de remercier Mme la députée Salima Moyard pour la qualité de son rapport, mais c'est également et surtout une belle occasion de rappeler l'importance qu'accorde le parti libéral-radical à la conciliation entre la vie familiale et les obligations professionnelles. Mme Bachmann a utilisé une métaphore sur la maternité, je revendique ici au nom du PLR la maternité du projet genevois sur l'accueil continu dans notre canton.
J'aimerais aussi rappeler que c'est grâce au PLR, aussi bien à Genève qu'au niveau fédéral, que le plafond des montants déductibles des impôts au titre des frais de garde a pu être relevé. Cette réforme n'a été attaquée en référendum ni à Genève ni au niveau fédéral. Quelle a été la réponse de la Ville de Genève à cette réforme, Ville de Genève dont je rappelle que l'exécutif est à majorité de gauche et d'extrême gauche ? L'augmentation des tarifs des crèches ! Oui, Mesdames et Messieurs, en réaction au bol d'air frais fiscal offert aux familles genevoises, la Ville de Genève a décidé d'augmenter ces tarifs. C'est non seulement tondre encore plus la classe moyenne, mais c'est aussi mettre des bâtons dans les roues aux jeunes mamans qui veulent se réinsérer sur le marché du travail et compliquer la conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale. Je serais d'ailleurs très intéressé d'entendre notre conseillère d'Etat, cheffe du DIP, sur son appréciation de cette augmentation des tarifs des crèches en ville.
Mesdames et Messieurs, plusieurs de mes préopinants l'ont dit, ce projet de loi est le fruit d'un compromis. Nous le soutiendrons, refuserons l'ensemble des amendements d'Ensemble à Gauche et approuverons l'amendement technique qui nous sera proposé. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi s'inscrit dans le contexte des votations de mai 2019 concernant la RFFA, puisqu'il fait partie d'une des mesures d'accompagnement, à savoir le soutien à l'accueil préscolaire via la contribution des employeurs. Je ne vais pas vous rappeler le contexte historique puisque cela a été extrêmement bien fait par ma préopinante - qui est aussi une excellente rapporteure - et je ne vais pas non plus vous lire l'article 2 qui définit les buts de ce projet de loi, car d'autres préopinants l'ont déjà fait.
Au coeur des préoccupations des Vertes et des Verts figure le manque de places d'accueil. Les Vertes et les Verts ont toujours soutenu les politiques de la petite enfance à tous les niveaux. Pourquoi ? Parce que les enjeux sont fondamentaux ! En effet, on sait qu'à l'heure actuelle, il manque près de 4000 places de crèche. On sait aussi que le taux d'offre était en 2017 de 28,8%; nous souhaiterions qu'il soit à 40%. On n'y est pas encore ! On sait aussi que ce projet de loi prévoit une fondation pour le développement de l'accueil préscolaire, qui va permettre de gérer un fonds, de soutenir la coordination entre les différents partenaires - Etat, communes, entreprises - et de planifier l'accueil notamment.
Au-delà de ces importantes considérations, les Vertes et les Verts saluent une des avancées de ce projet de loi qui consiste à favoriser l'inclusion de tous les enfants, y compris des enfants à besoins spécifiques, comme le mentionnent les articles 34 et 35.
A travers ce projet de loi, les enjeux principaux, pour nous, les Vertes et Verts, sont de garantir l'accès à un emploi et de réaliser dans les faits l'égalité femmes-hommes: en effet, concernant la répartition des tâches ou la conciliation entre vies professionnelle et familiale, ce sont les femmes qui sont encore les plus touchées par l'inégalité. Ce sont elles qui assument les tâches de proches aidantes en grande majorité, elles qui s'occupent de l'éducation des enfants en grande majorité aussi. Nous pensons donc qu'il faut donner les moyens nécessaires aux collectivités pour financer les places de crèche et éviter ainsi de reporter la prise en charge sur les femmes et leur travail non rémunéré et non reconnu.
En conclusion, prévoir une place en crèche pour son enfant, c'est permettre à une femme d'éviter des entraves dans sa carrière professionnelle et ne pas l'obliger à travailler à temps partiel, ce qui affecte son niveau de revenu et sa retraite. Les Vertes et les Verts voteront donc ce projet de loi, car nous pensons que le développement des places d'accueil pour la petite enfance a un impact positif sur la possibilité des femmes de mener une activité professionnelle.
Concernant les amendements, nous regrettons la manière de faire. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Les commissions sont faites pour discuter, je crois que nous avons eu suffisamment de temps pour parler d'amendements. Les Verts les refuseront malheureusement, parce qu'il y a des délais très serrés à respecter. Les accepter amènerait à prendre le risque de faire échouer ce projet de loi et de briser l'unanimité que nous avons trouvée en commission.
Le président. Il vous faut terminer.
Mme Marjorie de Chastonay. Quant à l'amendement du Conseil d'Etat, nous l'acceptons puisqu'il est technique. Merci.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, en effet, cette loi crée une véritable politique d'inclusion pour tous les enfants. Je pense que c'est une excellente chose, et mon groupe avec moi. L'accueil préscolaire sera géré par une fondation: je dois dire que notre groupe était très dubitatif à ce propos, car nous avons toujours des doutes quand on crée une nouvelle entité. Nous espérons que ce ne sera pas une nouvelle usine à gaz.
Concernant le financement, assuré en grande partie par les communes et l'Etat, je rappelle que la part des employeurs, prévue initialement à 0,04%, sera augmentée à 0,069%. N'en déplaise à certains, une fois de plus, les employeurs passent à la caisse, si j'ose dire.
Le groupe UDC acceptera l'amendement technique du Conseil d'Etat et refusera tous les autres amendements. Je vous remercie.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite réagir à l'intervention de M. Alder, dont je partage l'indignation par rapport à l'augmentation des tarifs de crèche décidée par le Conseil administratif de Genève. Je le rassure, par la voie d'une motion, nous avons refusé cette augmentation d'une manière très ferme. Il est absolument inadmissible, en effet, qu'on profite d'une baisse fiscale décidée par le canton pour la récupérer en augmentant le tarif des crèches dans une commune. Je considère comme assez scandaleux de procéder de la sorte.
J'aimerais aussi dire que le taux de couverture des crèches en Ville de Genève est de 83%: on est proche des 100%, mais il faudra encore créer dans les cinq ans qui viennent environ 600 places de crèche, ce qui coûtera à peu près 24 millions, sans parler du fonctionnement. C'est un effort que la commune fera très certainement, elle en a les moyens. Mais il n'est pas question d'augmenter les tarifs de crèche en Ville de Genève, nous ferons tout pour l'empêcher.
M. Olivier Baud (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, j'entends bien vos objections; je vous invite simplement à aller lire...
Le président. Il vous reste quatre secondes, Monsieur Baud !
M. Olivier Baud. ...parce que quand le PLR dit qu'il est prêt à accepter des amendements techniques, par exemple, l'article 5 est typiquement...
Le président. Vous avez terminé ! Je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta.
M. Olivier Baud. Ce n'est pas très élégant de m'interrompre là ! Mais bon, voilà ! (Commentaires.)
Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est en effet important. Ce texte a une histoire: il est parti d'une initiative lancée en 2009 qui souhaitait l'augmentation des places de crèche dans le canton. Le Grand Conseil avait proposé un contreprojet. La population a accepté les deux objets, mais avec une préférence pour le second: c'est donc le contreprojet qui a été à la base des articles constitutionnels sur l'accueil préscolaire, articles qui fondent le présent projet de loi.
Vous vous êtes posé la question du délai: pourquoi avoir attendu aussi longtemps ? Sachez que le Conseil d'Etat avait déjà proposé en 2015 un avant-projet de loi, mais ce texte a été gelé dans l'attente des discussions liées à ce qu'on appelait encore à cette époque la RIE III. Il envisageait la possibilité que les employeurs participent au financement, et le Conseil d'Etat souhaitait que ce soit évoqué dans le cadre des discussions autour de la RIE III. La RIE III n'a pas passé, il y a eu ensuite la RFFA: ceci explique le retard, mais ce projet est là, et comme il a été accepté à l'unanimité en commission, j'ose imaginer que votre parlement le votera tout à l'heure unanime aussi. C'est un projet essentiel, qui a pour but d'organiser, de planifier les choses, d'essayer d'adapter l'offre aux besoins - c'est un point important - mais aussi de garantir la qualité de l'accueil.
Vous le savez, on a un certain nombre de problèmes dans l'accueil préscolaire actuellement à Genève. Le premier est le manque de places. On l'a rappelé, malgré l'effort d'un certain nombre de communes depuis quelques années, malgré l'augmentation continuelle du nombre de places - le taux d'offre est aujourd'hui de 32% alors qu'il n'était que de 26,6% en 2014 - nous sommes encore loin du minimum de 40% qu'il faudrait pour satisfaire aux besoins. On pense qu'il manque 3000 à 4000 places, peut-être 3200, soit 1150 à Genève, 1500 dans les grandes communes suburbaines et 500 dans les petites communes. Il est donc important d'agir, aussi pour essayer d'harmoniser les choses petit à petit.
A cet égard, j'ai bien entendu le député Murat Julian Alder s'inquiéter du financement des crèches en Ville de Genève par les parents: sachez, Monsieur le député, que c'est un peu la jungle dans ce domaine, et que quand une famille déménage et change de crèche, elle peut être très surprise des tarifs ailleurs, qu'ils soient plus hauts ou plus bas. L'un des objectifs essentiels de la fondation qui va être mise en place - et j'aimerais rassurer les députés qui s'inquiètent quant à son rôle - est justement de tenter d'harmoniser les choses, de faire des propositions au Conseil d'Etat, aux communes, de publier des données, de proposer un taux d'offre, de comparer les tarifs, par exemple. Tout cela est dans ses missions.
Une autre mission essentielle, que Mme la députée de Chastonay a rappelée, est l'accueil des enfants à besoins spécifiques. Que se passe-t-il aujourd'hui dans le cas d'un enfant qui a d'importants besoins spécifiques ? On peut demander pour lui des mesures de pédagogie spécialisée, prises en charge par le canton, car cela fait partie des règles en matière de pédagogie spécialisée. Par contre, il arrive que des enfants aient des difficultés qui ne sont pas suffisantes pour bénéficier de ces mesures cantonales, ce qui a pour résultat que ces enfants peuvent être rejetés d'une crèche, qui dira: «On n'a pas les moyens, ça nous coûte trop cher d'affecter du personnel en plus, spécifique, pour tel enfant.» Eh bien, la fondation aura un budget pour pouvoir donner des moyens à des crèches ou à des structures d'accueil adaptées à ce type d'enfants.
Enfin, rappelons qu'avec cette loi, le canton va entrer dans le financement de la petite enfance. Cette entrée du canton dans le financement et la part prévue des employeurs de 0,07% rendront très vite possible, dès le 1er janvier 2020, d'allouer des moyens supplémentaires qui devraient déjà permettre de créer plusieurs centaines de places.
Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, l'essentiel. Je vous invite à soutenir ce beau projet, ce projet d'avenir - on le sait, les enfants sont notre avenir, une société sans enfants est une société qui se meurt. Nous devons soutenir les familles, surtout dans un canton comme Genève, où dans la plupart des couples, les deux conjoints travaillent. Si on veut favoriser les carrières des femmes, il faut favoriser l'accueil préscolaire.
Je vous demande enfin de ne pas soutenir les amendements de M. Baud et d'Ensemble à Gauche. M. Baud a tout loisir de les redéposer sous forme de projet de loi s'il le souhaite, la commission de l'enseignement du Grand Conseil s'en saisira sans doute. Je vous invite à soutenir seulement l'amendement purement technique que le Conseil d'Etat présente à l'article 42. Merci de votre attention.
Le président. Merci. Nous passons au vote d'entrée en matière. (Remarque de M. Olivier Baud.) Vous n'avez plus de temps, Monsieur Baud, vous avez dépassé vos trois minutes ! Le vote est lancé.
Mis aux voix, le projet de loi 12197 est adopté en premier débat par 93 oui (unanimité des votants).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les art. 1 à 3.
Le président. Je passe la parole à Mme Salima Moyard.
Mme Salima Moyard (S), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Je voulais juste préciser une chose en tant que rapporteure de majorité: ce qui est proposé ce soir par Ensemble à Gauche n'est pas très sérieux ! Aucun des amendements qui vous sont soumis n'a été présenté par ce groupe en commission. Un seul y a été discuté, qui ne fait pas partie de ceux-ci. Des amendements sont de rang réglementaire, un autre, que j'avais d'ailleurs proposé, a été refusé - on pourrait éventuellement imaginer le reproposer ici. Mais surtout, nous avons travaillé durant dix-sept séances de commission sur cinq ans. J'invite donc Ensemble à Gauche à revenir avec un nouveau projet de loi s'il le souhaite, ou bien il faudrait renvoyer le texte en commission... (Commentaires.)
Une voix. Non !
Mme Salima Moyard. ...et ce n'est pas possible, je voulais l'ajouter, pour la simple et bonne raison que si on veut une entrée en vigueur de ce projet de loi et notamment de la ponction sur la masse salariale le 1er janvier 2020 avec la mise en fonction de la fondation et le transfert à celle-ci de l'argent nécessaire notamment de la part des employeurs, ce projet de loi doit absolument être voté durant cette session. Il n'est donc absolument pas possible de le renvoyer en commission. Par conséquent, j'invite Ensemble à Gauche à retirer ses amendements. (Applaudissements.)
Le président. Merci. A l'article 4, nous sommes saisis de l'amendement suivant de M. Baud:
«Art. 4 Accès à l'accueil de jour, al. 4, 5 et 6 (nouveaux)
4 Les parents qui sont demandeurs d'emploi inscrits auprès de l'OCE, sont en formation, bénéficient d'une mesure de l'Hospice ou de l'AI, ont une activité indépendante et sont inscrits auprès d'une caisse de compensation, sont considérés comme des personnes ayant une activité professionnelle.
5 Les structures d'accueil sont tenues d'offrir des places d'accueil temporaires afin de répondre aux besoins ponctuels de parents ne nécessitant pas une place en permanence.
6 Dans la mesure du possible, les parents ayant déjà un enfant placé dans une structure d'accueil sont prioritaires lorsqu'ils désirent y placer un autre enfant.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 83 non contre 8 oui.
Mis aux voix, l'art. 4 est adopté.
Le président. A l'article 5, nous avons un autre amendement de M. Baud:
«Art. 5 Rôle du canton, al. 1 (modification)
1 Le canton autorise et surveille les structures d'accueil préscolaire, les structures de coordination, ainsi que [...]»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 84 non contre 9 oui.
Mis aux voix, l'art. 5 est adopté, de même que les art. 6 à 8.
Le président. Ensemble à Gauche propose ensuite un amendement à l'article 9:
«Art. 9 Financement par le canton, al. 3, lettre b (modification)
b) le montant par place subventionnée en structures de coordination de l'accueil familial de jour, correspondant à 80% du montant visé à la lettre a.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 71 non contre 8 oui et 16 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 9 est adopté, de même que les art. 10 à 29.
Le président. Nous passons à l'amendement d'Ensemble à Gauche sur l'article 30, qui consiste à supprimer l'alinéa 7. Le vote est lancé.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 83 non contre 8 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 30 est adopté, de même que l'art. 31.
Le président. Nous votons à présent sur l'amendement d'Ensemble à Gauche à l'article 32:
«Art. 32 Personne pratiquant l'accueil familial de jour à titre dépendant, al. 2 et 3 (nouvelle teneur), al. 4, 5 et 6 (nouveaux)
2 Le tarif de l'accueil familial de jour est fixé par la structure de coordination, selon les articles 9 et 11 de la loi.
3 Les structures de coordination proposent aux parents des places chez les personnes autorisées à pratiquer l'accueil familial de jour, gèrent les montants payés par les parents ainsi que les subventions. Elles collaborent avec les autorités et organisent la formation continue des personnes pratiquant l'accueil de jour.
4 Le département autorise et surveille les structures de coordination de l'accueil de jour sur le territoire cantonal.
5 La délivrance et le maintien de l'autorisation d'exploitation d'une structure de coordination sont subordonnés:
a) Au respect des normes relatives à la sécurité des bâtiments et des installations destinés à recevoir des enfants.
b) Au respect des normes d'encadrement des enfants en cas d'accueil collectif.
c) Au respect des normes relatives aux qualifications personnelles et professionnelles des responsables de la structure et du personnel éducatif.
d) A la collaboration avec les services publics compétents.
e) Au respect par l'exploitant d'une convention collective de travail pour le personnel de la structure ou du statut du personnel de la collectivité publique dont la structure fait partie, ou des conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève, au sens de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004.
f) A l'existence d'une base économique sûre.
6 Le règlement précise les conditions d'autorisation.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 85 non contre 8 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, l'art. 32 est adopté, de même que les art. 33 à 35.
Le président. Ensemble à Gauche propose un dernier amendement. Il s'agit d'un nouvel article 35A:
«Chapitre IX Evaluation du dispositif
Art. 35A Commission cantonale (nouveau)
1 Une commission cantonale de la petite enfance est instituée.
2 Elle a pour but d'assister le département et les communes dans la mise en oeuvre de la présente loi et dans leur réflexion sur tous les aspects de la politique de la petite enfance.
3 Elle est composée de représentants de l'Etat, des communes, des professionnels concernés, des milieux de la petite enfance et des syndicats.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 80 non contre 8 oui et 1 abstention.
Mis aux voix, les art. 36 à 41 sont adoptés.
Mis aux voix, l'al. 1 de l'art. 42 (souligné) est adopté, de même que l'al. 2.
Le président. A l'article 42 souligné, le Conseil d'Etat présente un amendement consistant à biffer l'alinéa 3, qui modifie la loi sur l'accueil et le placement d'enfants hors du foyer familial. Je lance le vote.
Mis aux voix, cet amendement (biffage de l'al. 3 de l'art. 42 souligné) est adopté par 87 oui et 4 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 42 (souligné) ainsi amendé est adopté.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12197 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 93 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Premier débat
Le président. Nous abordons l'urgence suivante, le PL 12571, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. La parole est demandée par M. Christo Ivanov et je la lui passe.
M. Christo Ivanov (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi vient au bon moment. Suite aux problèmes liés à l'entreprise adjudicataire des travaux d'électricité sur le chantier d'En Chardon, ce texte a pour objectif d'inscrire dans la L-AIMP qu'une décision de suspension de chantier, prévue à l'article 2, alinéa 4, soit immédiatement exécutoire. Cette modification vise à éviter que l'effet suspensif soit octroyé à titre superprovisionnel, permettant à l'entreprise coupable de manquements de continuer à oeuvrer. On ne peut pas laisser des entreprises travailler dans des conditions illégales !
Cette proposition, comme je l'ai dit, fait suite à la situation que nous avons connue à En Chardon. L'OCIRT a prononcé l'exclusion de l'entreprise en raison de ses manquements graves et de ses pratiques répréhensibles. Or la Cour de justice ayant octroyé l'effet suspensif, l'entreprise a pu réintégrer le chantier. Cette décision, incompréhensible, affaiblit la lutte contre les pratiques frauduleuses, nuit aux entreprises honnêtes et à leurs travailleurs et vide de leur sens les décisions d'exclusion du chantier. Il convient donc de voter à l'unanimité ce projet de loi pour que nous n'ayons plus jamais de chantier avec de tels problèmes - problèmes qui vont d'ailleurs engendrer des retards de quasiment six mois et certainement un coût supplémentaire de 10 à 12 millions, que nous devrons payer. Je vous remercie.
M. Christian Dandrès (S). Mesdames et Messieurs les députés, après celle de BATLab en 2014, En Chardon en 2019 est effectivement l'affaire de trop et le parti socialiste va naturellement soutenir ce projet de loi. Ce qu'il faut peut-être relever, c'est que ces entreprises ont à chaque fois procédé à un montage pour masquer la réalité et essayer de faire croire qu'elles respectaient les conventions collectives de travail ou les salaires en usage.
Cet objet va donc évidemment faciliter les moyens de contrôle, mais il ne faut pas non plus se voiler la face: on donne des moyens supplémentaires à l'adjudicateur et aux organes de contrôle, mais pas aux salariés, alors qu'ils sont aux premières loges. Or si des délégués représentants du personnel constatent qu'il y a des violations - et je suis persuadé que des personnes qui travaillent dans cette entreprise le savaient - ils sont licenciés sans aucun mécanisme de protection ! Les exemples se multiplient: encore récemment, une entreprise de la vallée de Joux, Dubois Dépraz, a licencié Mickaël Béday, le délégué du personnel, parce qu'il avait dénoncé la non-application de la CCT. Aucun mécanisme de réintégration n'est prévu: les salariés sont contraints de faire des pétitions de 1600 signatures pour obtenir sa réintégration - et ils ne vont très vraisemblablement pas l'obtenir. Adopter ce projet de loi, c'est donc bien; instaurer de vrais droits syndicaux, c'est mieux ! Je crois qu'il est temps que la Suisse mette en oeuvre les recommandations de l'Organisation internationale du travail, que pourtant elle accueille, et prévoie la réintégration pour les personnes déléguées en cas de licenciement.
Les quelques mesurettes qui ont été discutées ou qui mijotent dans les cuisines du Palais fédéral, à savoir une augmentation de l'indemnité pour la plafonner à douze mois - sachant que déjà aujourd'hui les juges donnent à peine deux ou trois mois - sont insuffisantes. Les règles de procédure et d'organisation judiciaires sont par ailleurs absolument impraticables passé une certaine valeur litigieuse et les coûts sont totalement prohibitifs. Il y a eu une affaire encore récemment dans le canton de Vaud: un délégué de très longue date a été licencié par un grand groupe de presse et il a lancé une procédure. S'il l'avait gagnée, il aurait probablement obtenu un ou deux mois de salaire. Mais il l'a perdue, ce que le Tribunal fédéral a validé: 40 000 francs de frais à sortir ! 20 000 francs pour l'employeur, 20 000 francs pour la justice !
Voilà ce qu'est la réalité des droits syndicaux dans ce pays, et je peux vous garantir que si les salariés bénéficiaient de vrais droits, les CCT seraient respectées. Il y aurait par ailleurs aussi la possibilité de lutter contre le dumping si de vrais droits syndicaux existaient, avec des CCT dotées d'un véritable contenu qui permettent de mieux vivre dans un pays comme la Suisse. Ce projet de loi améliore la situation, mais il faut maintenant continuer le travail pour instaurer des délais et une protection de la liberté syndicale suffisants. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). On l'aura compris, ce projet de loi fait suite au scandale d'En Chardon, où une entreprise voyou sous-payait du personnel venu d'Italie - une entreprise voyou qui faisait une concurrence insupportable. C'est en fait tout un système qui est en jeu: cet objet est un premier pas pour s'attaquer à un système caractérisé par une mondialisation diabolique, qui détruit les entreprises et les travailleurs. On voit passablement d'escrocs, passablement d'aigrefins dans les entreprises; on les trouve partout dans le monde, à Genève et ailleurs. Ces personnes, foncièrement malhonnêtes, détruisent le marché du travail. Cela est uniquement rendu possible parce que l'on se trouve dans une mondialisation complètement folle, qui n'a pas de règles, pas de lois.
C'est également la faillite du système de l'accord intercantonal sur les marchés publics, cet AIMP qui a montré tous ses défauts. On y croyait beaucoup, beaucoup de gens se sont dit: «Tiens, avec cet accord on va en quelque sorte créer un peu de concurrence au niveau intercantonal; les meilleurs gagnent.» On était dans un petit monde idéal, de Bisounours, et voilà la réalité. Voilà la réalité contre laquelle le MCG essaie de se battre avec ses faibles moyens. Heureusement, sur ce cas précis, on trouve dans ce parlement un large consensus. Sur beaucoup d'autres sujets, par exemple les frontaliers ou les PME locales victimes d'une surenchère venant de l'étranger, certains copinages, certaines magouilles... Tout cela existe parce que rien n'est fait. On se trouve dans une sorte de jungle internationale où ce sont au final les citoyens qui sont perdants - ils sont perdants dans cette jungle infernale où l'être humain ne compte pour rien !
C'est pour cela que nous allons vous demander de soutenir avec conviction ce projet de loi mais surtout, surtout, d'aller plus loin, beaucoup plus loin, pour défendre les résidents genevois et la priorité cantonale. Je sais que ce sont des idées qui ont beaucoup de peine à faire leur chemin dans cet hémicycle. Je crois, Mesdames et Messieurs les députés, qu'il faut faire un effort pour aller dans la bonne direction. C'est un premier pas, continuez !
M. Serge Hiltpold (PLR). Pour revenir sur la problématique qui nous touche, c'est-à-dire l'accord intercantonal sur les marchés publics, je crois qu'on peut saluer le travail de l'exécutif, qui a pris ses responsabilités, responsabilités qui auraient peut-être pu être prises par le conseil d'administration des TPG dans ce triste feuilleton d'En Chardon. Brièvement, vous l'aurez tous compris, le but de ce projet de loi est de supprimer l'effet suspensif. C'est frappé d'une logique implacable - l'OCIRT l'a constaté - et puis il y avait effectivement une faille législative, qui est corrigée.
Approuver ce texte, c'est aussi donner de la crédibilité aux commissions paritaires. Et je reviens toujours sur ce travail paritaire fait par les syndicats et par le patronat, par des entreprises citoyennes qui respectent les règles. On a entendu tout et n'importe quoi sur les conventions collectives de travail; si vous regardez ce qui s'est passé à En Chardon, les conventions collectives y étaient respectées. Simplement, il y avait par-derrière un système complètement frauduleux et mafieux de malversations. Sur le papier, la convention collective était donc respectée, mais nous avons condamné ces agissements.
Ensuite, il s'agit d'une mesure a posteriori. C'est très bien. Ce feuilleton des TPG doit cependant nous faire réfléchir sur la naissance des problèmes: leur origine repose sur la responsabilité des maîtres d'ouvrage et des pouvoirs adjudicateurs - je le martèlerai à chaque fois ! Il faut pouvoir faire des comparaisons objectives, admettre des différences de prix, avoir une vision réelle ! Et lorsqu'il y a une véritable responsabilité des maîtres de l'ouvrage, publics comme privés, on évite ces problèmes. On aurait pu éviter cela: ces problèmes avaient été dénoncés par les instances paritaires il y a plus de deux ans, mais on a fait fi de ces remarques ! L'élément salutaire, c'est qu'on arrive maintenant à une modification législative.
S'agissant de la Cour de justice, on peut se poser des questions sur d'autres dossiers liés à des chantiers, notamment sur les façades des CFF - j'imagine qu'on en parlera bientôt. Je pense que, au-delà de la politique gauche-droite, il y a l'intérêt général à prendre en compte. De grâce, ne montez pas les petites entreprises contre les grandes ou les entreprises genevoises contre les vaudoises. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il est uniquement question d'entreprises citoyennes et d'entreprises crapuleuses ! Personne n'est plus vertueux dans un canton que dans l'autre.
S'agissant de la méthode, si on peut saluer le travail du Conseil d'Etat, je pense que le parlement aurait trouvé un peu plus élégant que le gouvernement consulte la CACRI ou la commission des travaux en amont, afin qu'on puisse faire quelques remarques. Mais je crois que, dans l'ensemble, ça va...
Le président. Il vous faut terminer.
M. Serge Hiltpold. ...dans la bonne direction. Merci.
M. Philippe Poget (Ve). Comme tout a déjà été à peu près dit, je veux juste saluer les propos tenus par mon préopinant; je ne peux qu'y souscrire, et les Verts vont bien sûr soutenir ce projet de loi. Celui-ci va nous permettre d'éviter qu'une situation telle que nous l'avons connue à En Chardon, qui était vraiment désagréable, se reproduise. Le Conseil d'Etat a réellement fait là quelque chose de salutaire.
Comme membre de la CACRI, je veux quand même dire que nous sommes effectivement un tout petit peu vexés et choqués de ne pas avoir été consultés avant. Nous avons auditionné l'exécutif et il n'avait rien à nous proposer; c'est tout à coup, à la dernière minute, que nous apprenons l'arrivée de cet objet. On ne peut évidemment qu'y souscrire - il va vraiment dans le bon sens - mais je pense que le Conseil d'Etat devrait respecter un tout petit peu plus notre parlement et présenter ses propositions de modifications à la CACRI. Les Verts soutiendront bien sûr ce texte et vous invitent à le voter unanimement. Merci beaucoup.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). A Genève, nous pouvons nous vanter d'avoir un partenariat social efficace, un partenariat social de terrain qui, à l'époque des adjudications du chantier d'En Chardon, avait d'ailleurs dénoncé le niveau relativement bas des offres de l'entreprise dont nous venons de parler. Du reste, ce Grand Conseil a accepté à l'unanimité - à l'unanimité, je le rappelle ! - une résolution demandant la cessation immédiate du chantier. Devant la décision de la Cour de justice, assez peu compréhensible au premier abord, je crois qu'il faut saluer l'initiative du Conseil d'Etat qui, ce soir, nous propose ce texte. Celui-ci nous permettra de démontrer qu'il n'est pas possible de favoriser ou à tout le moins de tolérer à Genève la sous-enchère salariale, qui défavorisera de toute façon nos propres entreprises. C'est pourquoi le groupe démocrate-chrétien vous recommande d'accepter ce projet de loi à l'unanimité, comme la résolution dont j'ai parlé. Je vous remercie.
M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, on peut effectivement remercier le gouvernement de légiférer dans ce domaine. Mes prédécesseurs ont décrit un certain nombre de dysfonctionnements; je ne reviendrai pas dessus. Mais je souhaiterais quand même que la commission de contrôle de gestion se penche sur les décisions prises par le conseil d'administration des TPG: il y a certainement eu là un dysfonctionnement dans l'application de l'accord AIMP, notamment par rapport à la sous-évaluation du lot adjugé.
La deuxième chose, Mesdames et Messieurs, c'est qu'il faut savoir qu'une concession des Services industriels est nécessaire, à Genève, dès qu'il est question d'électricité. Cette entreprise du canton de Vaud est venue travailler à Genève sur la base du principe du cassis. Elle a donc certainement été soutenue par des personnes physiques, et ces personnes-là doivent aussi être poursuivies, parce qu'à un moment donné, ces gens qui facilitent l'arrivée d'entreprises, qui viennent d'ailleurs travailler sur des installations techniques protégées demandant une sécurité optimale, doivent également être contrôlés. Je pense qu'il y a là aussi eu un dysfonctionnement, et je souhaiterais que le Conseil d'Etat se soucie de régler ce genre de problèmes, notamment ceux liés aux mandataires professionnellement qualifiés, pour que ça n'arrive plus. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, j'annonce d'emblée que le groupe Ensemble à Gauche votera cette demande de modification proposée par le Conseil d'Etat. Cela étant, j'aimerais relever un certain nombre d'éléments.
A la lecture du premier paragraphe de l'exposé des motifs, il semble qu'à Genève, la paix sociale a été rétablie, que tout va bien et qu'il y a une union sacrée contre la concurrence déloyale et surtout contre la sous-enchère salariale. Or force est de constater que cette union sacrée se noue lorsque la sous-enchère salariale se double de concurrence déloyale ! Lorsqu'il s'agit simplement de sous-enchère salariale, dont les travailleurs font les frais, nous avons beaucoup plus de peine à réunir une majorité - je souhaitais quand même le relever.
J'aimerais également rappeler que l'AIMP a très vite montré ses limites et qu'il a fallu de nombreuses mesures de correction. Aujourd'hui, nous voici confrontés à une demande de modification supplémentaire, que nous soutiendrons. Cela étant, la recherche du moins-disant est aussi un appel à la sous-enchère salariale, et on lit, à la fin du premier paragraphe de l'exposé des motifs, que «l'Etat assume une responsabilité particulière en ce qui concerne les entreprises actives sur ses marchés publics. Il est en effet primordial que les deniers publics soient exclusivement alloués à des entreprises respectueuses du cadre légal». Eh bien j'aimerais rappeler que la protection des travailleurs et la lutte contre la sous-enchère salariale sont l'un des éléments du cadre légal et qu'ils devraient nous inciter à la prudence bien avant le stade de la concurrence déloyale ! Je vous remercie de votre attention.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous remercie pour votre soutien. Vous l'avez compris, vous l'avez relevé: il s'agit d'une démarche préventive et non curative, puisque le mal a été fait, je dirais, dans le cas particulier. Celui-ci a néanmoins mis en évidence une lacune dans notre législation. Non pas une grande lacune, mais en droit, vous le savez, le renversement du fardeau de la preuve peut souvent donner un avantage à l'une ou l'autre des parties. Ici, il s'agit de donner un avantage au respect de la loi, à la lutte contre la sous-enchère salariale et la concurrence déloyale.
Genève est exemplaire avec sa loi d'application de l'accord intercantonal sur les marchés publics. C'est l'article 2, alinéa 4, qui permet, en particulier dans le domaine de la construction, d'interdire l'accès au chantier si une entreprise refuse de collaborer avec l'adjudicateur ou avec les organes de contrôle des conditions de travail. Il en va de même - on peut refuser l'accès au chantier - si l'entreprise ne peut pas prouver qu'elle respecte ses obligations envers les travailleurs ou celles relatives aux conditions de travail. C'est ce qui a été fait, c'est vrai, dans le cas particulier.
Merci d'avoir salué la démarche volontaire du Conseil d'Etat, qui a appliqué pour la première fois cette disposition. L'entreprise a immédiatement fait recours, cela a été dit, et une décision sur mesure préprovisionnelle - donc avant même examen du dossier par la Chambre administrative de la Cour de justice, que je ne critique pas puisqu'elle a fait son travail - lui a effectivement permis de retourner sur le site d'En Chardon. Finalement, cette entreprise a quitté le chantier dans des conditions assez rocambolesques, ce qui fait que son recours a été retiré ou plutôt qu'il est devenu sans objet. Nous n'aurons donc jamais de décision sur le fond.
Il est par conséquent important que l'on puisse clairement indiquer la règle: les décisions prises sont immédiatement exécutoires et ce n'est qu'exceptionnellement, si l'entreprise exclue d'un chantier demande des mesures provisionnelles et non pas la restitution de l'effet suspensif, que la Cour de justice peut à ce moment-là lui permettre de retourner sur le chantier. Cela semble être un détail pour les non-juristes; dans la pratique, cela peut faire toute la différence. Il s'agit donc de nous munir des armes nécessaires au cas où ces situations se reproduiraient - il en existe peut-être au moment où nous parlons, tout n'est pas immédiatement décelable. Et on le sait bien: alors qu'ils sont les victimes de ces situations, les employés se trouvent souvent dans une position difficile puisque le fait de les dénoncer les expose, comme cela a été également dit, à un licenciement. Ils encourent la perte d'un emploi qui, malgré les conditions draconiennes imposées par l'employeur, reste néanmoins bien mieux rémunéré que dans leur pays d'origine. Il s'agit donc évidemment d'être extrêmement attentifs.
Le partenariat social, à Genève, n'est pas un long fleuve tranquille. Il le serait que nous devrions nous en inquiéter: cela voudrait dire que les acteurs de part et d'autre ne feraient pas leur travail comme il se doit. Mais c'est précisément parce qu'ils ne sont pas d'accord que nous avançons; on apprend rarement quelque chose de qui est de notre avis. Je suis donc reconnaissant pour ce débat et que l'on puisse avancer ensemble. Merci de soutenir ce projet de loi, et pardonnez au Conseil d'Etat d'avoir voulu un peu accélérer le mouvement plutôt que de multiplier les consultations. Je pense que le débat de ce soir démontre qu'il s'agit d'aller vite, et tout le monde en est parfaitement conscient. Je vous remercie.
Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote.
Mis aux voix, le projet de loi 12571 est adopté en premier débat par 93 oui (unanimité des votants).
Le projet de loi 12571 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12571 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 90 oui (unanimité des votants).
Premier débat
Le président. Nous passons à l'urgence suivante, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes: le PL 12557. Je cède la parole à M. le député Yvan Zweifel, qui la demande.
M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Monsieur le président. L'urgence a été demandée sur ce projet de loi car je crois qu'il faut donner un message clair, ce soir - un message clair au Conseil d'Etat en premier lieu, à la population ensuite. Pour parler d'abord du fond du sujet, Mesdames et Messieurs, de quoi s'agit-il ? Aujourd'hui, vous avez la possibilité de déduire vos primes d'assurance-maladie avec un plafond: deux fois la prime moyenne cantonale, ce qui fait que les gens peuvent de facto déduire à la fois l'assurance de base mais également la quasi-totalité des complémentaires. Dans le canton où les primes sont parmi les plus élevées du pays, cela semble tout à fait normal.
Ce n'est pas la première fois que le Conseil d'Etat vient avec ce genre de proposition, mais il essaie de la condenser un petit peu puisqu'il voulait, la dernière fois, plafonner la déduction à la prime moyenne cantonale alors que ce serait maintenant à 1,5 fois cette prime. Eh bien ça veut dire qu'un certain nombre de personnes ne pourront plus déduire l'intégralité de ce qu'ils paient aux caisses maladie ! Qui est-ce que ça touchera, Mesdames et Messieurs ? Tout d'abord la classe moyenne. Qui, par exemple ? Ceux qui ont des complémentaires pour les opticiens ou les dentistes, les jeunes couples et les femmes qui prennent notamment des complémentaires en prévision de la maternité. C'est vraiment la classe moyenne qui sera touchée !
L'exécutif nous dira: «Ce n'est pas une hausse d'impôts, on diminue la déduction !» Mais si on diminue la possibilité de déduire, Mesdames et Messieurs, votre facture fiscale augmente et il s'agit de facto... (Remarque.) ...ni plus ni moins que d'une hausse des impôts. Je suis de ce fait content que la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet, ministre des finances, se soit exprimée aujourd'hui pour dire qu'elle s'était opposée, au sein du gouvernement, à cette mesure. Voilà pour le fond du sujet; le PLR rejettera évidemment ce texte car il est opposé à toute hausse d'impôts - celle-là est encore plus inique que d'autres.
Mais regardons aussi le contexte. Il y a quatre mois, le peuple votait la RFFA. Le Conseil d'Etat s'était très clairement engagé à ce que la baisse d'impôts pour les personnes morales ne soit pas compensée par une hausse de l'imposition des personnes physiques ! Quatre mois après, l'exécutif renie entièrement ses engagements envers la population et revient totalement en arrière en proposant une hausse d'impôts ! C'est absolument inadmissible ! (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Yvan Zweifel. Vous pouvez applaudir, à gauche, si vous voulez ! (Commentaires.) Le PLR, lui, respectera ses engagements et refusera cette hausse d'impôts, comme toutes celles qui viseront les personnes physiques. Mesdames et Messieurs, dans le deuxième canton le plus dépensier de tout le pays... (Protestations.)
Des voix. Oh !
Une voix. Mais non !
M. Yvan Zweifel. C'est la vérité ! C'est la vérité: vous pouvez dire le contraire, mais c'est la vérité ! (Commentaires.) Dans le canton de Suisse qui exploite le plus son potentiel fiscal...
Une voix. Non !
M. Yvan Zweifel. ...dans un canton où, ces dernières années, les recettes fiscales ont augmenté de manière trois à quatre fois plus importante que la population, il ne faut pas augmenter les impôts: il faut baisser les charges ! Mesdames et Messieurs, le PLR vous invite à refuser ce projet de loi inique, inadmissible et irresponsable ! (Applaudissements. Huées.)
Des voix. Oui !
M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas avoir le même discours que M. Zweifel. (Rires. Commentaires. Le président agite la cloche.)
Des voix. Ah, alors ça va !
M. Romain de Sainte Marie. Je suis quelque peu lassé d'avoir à répéter que Genève n'est pas le deuxième canton le plus prodigue en matière de dépenses publiques... (Commentaires.)
Des voix. C'est le premier !
M. Romain de Sainte Marie. Non, il ne l'est pas ! Il faut comparer ce qui est comparable, et le contexte genevois est particulier puisque, il faut le rappeler, nous sommes le canton le plus cher en matière de loyers, de primes d'assurance-maladie également... (Commentaires.) ...et nous avons aussi le taux de chômage le plus élevé tout comme le nombre de personnes à l'aide sociale le plus important.
Mais là n'est pas la question: s'il est vrai que le Conseil d'Etat recherche des recettes supplémentaires à travers une déduction fiscale revue à la baisse, nous comprenons cela, au parti socialiste, comme la volonté du gouvernement de les rechercher dans la classe la plus favorisée de la population, qui peut justement se payer des assurances complémentaires. Ce plafonnement de la déduction est plus faible que dans le précédent projet de loi de l'exécutif et va dans le bon sens.
Il est vrai qu'on peut s'interroger sur le fait de trouver des recettes fiscales. Or, elles sont nécessaires. Elles sont nécessaires puisque, contrairement à ce que dit le PLR, qui n'a de cesse de vouloir s'attaquer aux prestations publiques et de prétendre que les charges de l'Etat explosent, nous connaissons en réalité une crise des recettes. (Remarque.) Puisque les charges de l'Etat sont dues à un automatisme ! Et j'aimerais que vous puissiez me citer, au PLR, la nouvelle prestation publique... (Remarque.) Quelle nouvelle prestation publique a-t-on connue ces dernières années ? Aucune nouvelle prestation publique ! Non, ce sont des augmentations de charges automatiques ! Pourquoi ? Elles sont le fait de trois facteurs: la croissance démographique, le vieillissement de la population et son appauvrissement. Nous sommes un Etat responsable; il est donc inenvisageable de ne pas aider les Genevoises et les Genevois.
Dès lors, oui, nous devons faire face à des charges croissantes et c'est pourquoi, comme chaque année lors des débats budgétaires, nous devons chercher des recettes supplémentaires. Des recettes supplémentaires, il est possible d'en trouver autrement qu'en supprimant les déductions fiscales pour les primes d'assurance-maladie. Le parti socialiste tient à s'adresser au Conseil d'Etat: il est possible d'en trouver autrement puisque 1% des personnes - les plus nanties - détient aujourd'hui 70% de la fortune globale du canton. Il y a un problème de répartition des richesses: nous ne pouvons pas continuer dans cette ultradépendance vis-à-vis des très grandes fortunes. Non, nous devons inverser cette pyramide et faire en sorte de mieux répartir les richesses. Je vous invite donc à accepter ce projet de loi, mais aussi à réfléchir à une meilleure répartition des richesses dans notre canton.
Une voix. Bravo !
M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche est d'ordinaire opposé aux déductions faites sur les déclarations fiscales parce qu'en général elles ne correspondent à des avantages que pour les privilégiés. Dans le cas d'espèce, nous sommes extrêmement étonnés que des partis comme le PLR, voire, à titre personnel, notre collègue Romain de Sainte Marie - rendons grâce à son parti de s'y être opposé - qui ont appuyé la RFFA... (Rire.) ...qui nous a fait perdre 600 millions de recettes publiques, veuillent aujourd'hui prendre 6 millions, 6,5 millions, 7 millions aux assurés en les empêchant de déduire ce qu'ils paient réellement pour leurs primes maladie. Le catalogue des prestations remboursées par l'assurance de base diminue d'année en année et beaucoup de gens de la classe moyenne inférieure prennent en effet des complémentaires pour des soins dont ils ont besoin.
Le message que nous enverrions en soutenant cette proposition du Conseil d'Etat, c'est que nous voulons prendre 6,8 millions à la classe moyenne inférieure, qui peine à boucler ses fins de mois, et opposer cette même classe à ceux qui, encore plus démunis qu'elle, ne paient que la taxe personnelle. Tout ça pour laisser danser sur notre ventre - le nôtre et celui de tous les gens des classes populaires - les multimillionnaires qui sont protégés par le bouclier fiscal; les grandes entreprises qui viennent de recevoir un cadeau fiscal à hauteur de 600 millions; ceux qui touchent des dividendes mais qui, contrairement aux salariés et aux retraités, ne paient pas d'impôts sur 100% de leur revenu; et enfin la Banque cantonale de Genève, qui fait d'énormes bénéfices mais ne rembourse pas le coût de son sauvetage. Ensemble à Gauche ne votera pas ce projet de loi ni aucun objet de ce type tant qu'on ne s'attaquera pas au vrai problème des recettes de ce canton, c'est-à-dire tant qu'on ne taxera pas ceux qui en ont les moyens. Merci. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Jean Rossiaud (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés...
Une voix. On n'entend rien !
Une autre voix. Il faut parler un peu plus fort !
M. Jean Rossiaud. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi traitons-nous ce projet de loi en urgence ? Il n'y a aucune raison et les Verts vont demander le renvoi en commission; je vous explique pourquoi. Ce texte, peut-être louable dans son intention, ne remplit pas les objectifs qu'il est censé poursuivre - nous sommes d'accord avec la position que vient de développer M. Batou. Mais il va dans la bonne direction puisqu'il essaie de rétablir l'égalité là où règne aujourd'hui l'inégalité. Cependant, pourquoi la droite a-t-elle voulu le traiter en urgence ? Parce qu'elle ne veut pas en rediscuter en commission et parce qu'elle ne veut pas que nous avancions sur une position commune et concertée sur ces questions.
Pourquoi les Verts sont-ils sceptiques à l'égard de la position du Conseil d'Etat ? Parce que, comme l'a dit Jean Batou, il y a un intérêt pour la classe moyenne inférieure à déduire ses dépenses d'assurances complémentaires des impôts. Les Verts sont pour les complémentaires qui proposent une forme de promotion de la santé, de prévention des risques et qui incluent les médecines douces. Et ne pas tenir compte de ces dépenses, qui sont toujours plus importantes pour les gens qui prennent soin de leur santé, c'est mal écouter la population. C'est pourquoi nous vous demandons le renvoi en commission, afin de pouvoir raisonnablement étudier ce texte. Si vous ne l'acceptez pas, nous laisserons la liberté de vote au groupe pour que chacun, en son âme et conscience, puisse voter en sa faveur, s'il pense que le projet de loi est nécessaire, ou contre, s'il estime que c'est une mauvaise idée. Je vous remercie.
Le président. Il est pris note de votre demande. Nous continuons et la parole va à M. Bertrand Buchs.
M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président.
M. Jean Rossiaud. Il faut voter sur la demande de renvoi en commission ! (Commentaires.)
Une voix. Non, à la fin: il n'y a pas de rapporteur.
Le président. Nous voterons à la fin du débat, Monsieur Rossiaud. Monsieur Buchs, vous avez la parole.
M. Bertrand Buchs. Merci beaucoup, Monsieur le président. Il y a une chose que je n'arrive pas à comprendre avec ce projet de loi que le gouvernement nous propose. On va de nouveau atteindre la catégorie de la population qui paie un maximum pour ses primes alors qu'on sait qu'elle dépense jusqu'à 20% de son revenu pour la caisse maladie. L'Etat l'a reconnu puisque, dans son projet de réforme de la fiscalité des entreprises, il a décidé d'allouer 186 millions aux subsides d'assurance-maladie. Et, brusquement, il nous sort de sa manche une baisse de la déduction permise sur ces primes.
Quel message veut-on donner à la population ? D'un côté, on la soutient en augmentant les subventions; d'un autre côté, on annonce qu'elle va payer plus d'impôts puisqu'on va diminuer la déduction. Ce n'est pas logique ! En plus, l'Etat nous dit qu'on a besoin de rentrées supplémentaires et que ce projet de loi amènerait 6 à 7 millions. OK ! Après, on nous informe que c'est en raison de la réforme de la fiscalité des entreprises, mais je ne pense pas que ce soit pour ça ! Je pense plutôt que c'est lié au problème de la caisse de retraite des fonctionnaires ! L'Etat a fait ses comptes et il se trouve dans une situation impossible. Vous verrez le budget qu'on va nous proposer jeudi prochain: il fera probablement frémir la droite à cause du résultat négatif qu'il présentera, du déficit. Donc, à quoi ça sert ? Strictement à rien ! A envoyer un mauvais signal à la classe moyenne, qui paie plein pot ses impôts et sa caisse maladie !
On affirme une chose tout à fait fausse: les complémentaires seraient pour les gens aisés. Ce n'est pas vrai ! Les complémentaires sont prises par des gens qui ne sont pas aisés. Beaucoup de femmes prennent par exemple des complémentaires pour pouvoir accoucher en clinique et ce ne sont pas des personnes aisées. Beaucoup de personnes maintenant âgées ont pris des complémentaires et les ont gardées pendant des années - elles ont fait l'effort de payer parce qu'elles veulent une complémentaire. Et là, on vient leur dire: «Non, vous n'avez pas le droit de déduire ces frais parce que, brusquement, l'Etat a besoin d'argent.» Le signal envoyé à cette population qui paie le maximum est scandaleux.
L'Etat doit maintenant réfléchir à une réforme de la fiscalité qui arrête de faire payer la même classe moyenne tout le temps et plus. Le parti démocrate-chrétien ne pourra accepter aucune augmentation d'impôts ! Je vous remercie.
Des voix. Bravo !
M. François Baertschi (MCG). Le MCG a comme ligne politique de défendre une fiscalité modérée et de s'opposer aux hausses d'impôts en général. Dans les circonstances actuelles, alors que nous venons de sortir de la RFFA, alors que beaucoup de promesses ont été faites aux résidents genevois, nous ne pouvons pas, dans ces conditions, accepter ce qui ressemble bien évidemment à une hausse d'impôts.
Ces déductions qu'on veut supprimer, ou plutôt limiter, sont précieuses tout simplement parce qu'une grande partie des Genevois a beaucoup de difficultés à joindre les deux bouts. Ces difficultés proviennent notamment de l'augmentation des coûts de l'assurance-maladie, que chacun connaît, mais également du coût de la vie genevois, très élevé comme chacun peut s'en rendre compte quotidiennement. Cette situation fait qu'on ne peut pas mettre les habitants de notre canton en difficulté ! On doit être raisonnable et penser aux citoyens qui ont de la peine à boucler leurs fins de mois. Il ne s'agit pas seulement de gens très modestes: il y a des gens modestes qui ont besoin d'être soutenus, mais il y a aussi toute une partie de la population qui véritablement n'y arrive plus, qui a de grandes difficultés. Et on doit véritablement penser à cette partie de la population, la soutenir, l'aider.
Le MCG, comme son nom l'indique, est bien sûr très attaché à la défense du citoyen et à celle des contribuables également. C'est pour cela que nous refuserons malheureusement ce projet de loi.
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il y a quelque trois mois, le souverain genevois acceptait en effet la RFFA, la réforme de la fiscalité des entreprises. A peine trois mois après, le Conseil d'Etat propose déjà une hausse d'impôts, reniant ses engagements pris durant la campagne. L'UDC Genève - comme l'UDC en Suisse, d'ailleurs - s'est toujours battue contre les hausses d'impôts et se battra toujours contre la hausse de toute fiscalité qui pressurise la classe moyenne. Ce projet de loi est une véritable honte, pour ne pas dire plus: il veut tondre une fois de plus la classe moyenne. Beaucoup de nos concitoyens et concitoyennes ont des franchises très élevées et ne peuvent même pas se soigner. Une fois de plus, le Conseil d'Etat s'est moqué du peuple ! Le groupe UDC vous demande de refuser cette hausse d'impôts et par conséquent ce projet de loi. Je vous remercie.
Le président. Merci. La parole est à Mme Françoise Sapin pour une minute et quatre secondes.
Mme Françoise Sapin (MCG). Merci, Monsieur le président. Le souci principal de tous les Suisses, cet automne comme les années précédentes, ce sont les primes d'assurance-maladie. Or le projet de loi présenté par le Conseil d'Etat équivaut à une augmentation d'impôts, même si elle est déguisée, puisqu'il prévoit une diminution des déductions. En outre, plusieurs préopinants l'ont relevé, il tape uniquement sur la classe moyenne. Durant la campagne sur la RFFA, ce printemps, tous les partis qui ont soutenu cette réforme, ainsi que le gouvernement, ont toujours promis à la population qu'il n'y aurait pas d'augmentation de l'impôt. Tenons donc nos promesses et ne touchons pas à ces déductions: laissons la déduction à deux fois la prime moyenne. Par conséquent, le MCG ne soutiendra pas ce projet de loi.
Des voix. Bravo !
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai entendu beaucoup de choses: inique, Conseil d'Etat qui se moque du peuple. Essayons d'oublier quelques secondes les slogans électoraux et faisons quelques réflexions mathématiques. Les mathématiques n'étant pas une question d'opinion, j'espère que sur ce plan au moins vous allez me suivre.
D'abord, rappelons que Genève est le seul canton suisse qui permet de déduire deux fois la prime moyenne cantonale - au maximum - pour autant qu'on atteigne, bien sûr, deux fois la prime moyenne cantonale, ce qui n'est de fait pas le cas de tous les assurés genevois. Un grand nombre d'entre eux n'ayant aucune assurance complémentaire, il est évident que même la prime la plus chère de l'assurance de base ne correspond pas à deux fois la prime moyenne cantonale.
La classe moyenne, nous dit-on, est la victime de cette démarche inique du Conseil d'Etat. Regardez le livret qui accompagne la déclaration fiscale pour l'année 2018, que l'on remplit en 2019: vous verrez que la prime moyenne cantonale est alors de 583 francs par mois. Cela signifie que la déduction, dans votre déclaration de cette année-là, est au maximum de 1166 francs. Toutes choses étant égales par ailleurs, si l'on retient cette prime mensuelle de 583 francs, avec une franchise minimale de 300 francs, et qu'on la multiplie par 1,5 et non plus par 2, on arrive à 875. Cela veut dire que la différence entre la déduction actuelle et celle souhaitée par le Conseil d'Etat est de 291 francs !
Combien la classe moyenne, que vous indiquez vouloir défendre - certains se trouvent aujourd'hui une vocation dans ce sens - paie-t-elle, en pourcentage, d'impôts ? 50% ? J'en doute, mais cela équivaudrait alors à 145 francs supplémentaires d'impôts par mois. Je pense qu'on est bien plus proche de 25%, voire en dessous; même avec 25%, cela revient à 73 francs d'impôts maximum en plus par mois pour les personnes considérées ! (Brouhaha.) 73 francs par mois, Mesdames et Messieurs, pour un total de 6,8 millions dont vous dites qu'ils serviraient à compenser les résultats des dernières votations sur la RFFA. (Brouhaha.)
Des voix. Chut !
M. Mauro Poggia. Je rappelle que 186 millions ont déjà été acceptés par le peuple pour les subsides d'assurance-maladie - 186 millions de plus l'année prochaine. Le Conseil d'Etat essaie d'obtenir, par le biais de ce projet de loi, 6,6 millions supplémentaires: c'est un drame !
Mais allons jusqu'au bout du raisonnement, si vous le voulez bien. La prime moyenne cantonale est évidemment le résultat d'une moyenne; je ne vous apprends rien. Malgré le fait qu'elles permettent d'obtenir des primes inférieures, les Genevois sont les Suisses qui font le moins appel à des formes particulières d'assurance, tel le modèle du médecin de famille. Oublions donc ces modèles particuliers et prenons la prime de base pour un adulte, avec couverture accident et 300 francs de franchise: on peut s'assurer pour 470 francs par mois. Alors pourquoi devrait-on aller jusqu'à la prime moyenne cantonale de 583 francs si l'on peut n'en payer que 470 ?
La différence entre les 470 francs qu'un Genevois peut payer, avec un minimum de volonté, et les 875 francs qu'il pourrait déduire avec le plafonnement de la déduction à 1,5 fois la prime moyenne cantonale est déjà de 405 francs - c'est la différence entre 875 et 470. Cela veut dire que quelqu'un qui s'organise un tant soit peu, comme le font les assurés partout ailleurs en Suisse, et qui paie une prime de 470 francs par mois pour la LAMal pourrait encore avoir une assurance complémentaire totalement déductible pour 405 francs par mois. Alors je vous le demande, Mesdames et Messieurs: est-ce que la démarche du Conseil d'Etat est véritablement aussi inique que vous le prétendez ?
C'est vrai qu'il est de bon ton de critiquer le gouvernement. C'est également vrai qu'il y a prochainement des élections et que la classe moyenne est une notion qui se vend bien puisque tout le monde est de la classe moyenne: les riches ne se considèrent pas comme riches car il y a toujours plus riche qu'eux-mêmes et les pauvres ont généralement un peu de pudeur à reconnaître leur pauvreté. Donc si vous dites que vous défendez la classe moyenne, vous êtes sûr de ratisser large et d'avoir un électorat suffisamment porteur.
Si j'ai bien compris dans quel sens va aller votre vote, Mesdames et Messieurs, je voulais néanmoins rétablir quelques chiffres. Lorsque je vois ces débats, lorsque je pense à ce que j'ai entendu ces derniers jours ou lu dans certains quotidiens et hebdomadaires, je me dis que le journalisme devrait décidément se réinventer. Je vous remercie.
Des voix. Oh !
Le président. Merci bien. Nous passons au vote, Mesdames et Messieurs. Je vous rappelle qu'il y a une demande de renvoi à la commission fiscale.
Des voix. Non ! (Commentaires.)
Le président. Si, un député l'a demandé ! Nous votons donc d'abord sur le renvoi en commission.
Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12557 à la commission fiscale est rejeté par 67 non contre 24 oui.
Le président. Nous passons au vote d'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12557 est rejeté en premier débat par 67 non contre 22 oui et 2 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
Débat
Le président. Nous traitons maintenant la R 891 en catégorie II, trente minutes. La parole est demandée par son auteure, Mme Delphine Klopfenstein Broggini.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés... (Brouhaha.)
Des voix. Chut !
Mme Delphine Klopfenstein Broggini. ...il y a à peine un mois, le GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, publiait un rapport spécial quant à l'impact de l'agriculture et de l'alimentation... (Brouhaha.)
Des voix. Chut !
Mme Delphine Klopfenstein Broggini. ...sur le réchauffement climatique, dont les résultats sont absolument accablants: au niveau mondial, l'agriculture est responsable d'un tiers des gaz à effet de serre. Bien entendu, il ne s'agit pas de toutes les cultures, mais d'un marché international qui sert notamment les intérêts financiers de l'élevage bovin intensif et de la monoculture de soja, pour ne parler que de l'Amérique latine.
Moins d'un mois après la publication de ce rapport et alors que l'Amazonie brûle depuis des semaines, le Conseil fédéral présente un accord de libre-échange avec les Etats du Mercosur pour encourager les importations de viande et de soja. Avec ce traité, la Suisse garantirait aux pays du Mercosur des contingents agricoles d'exportation supplémentaires par rapport à ses engagements dans le cadre de l'OMC. (Brouhaha.)
Le président. Un instant, Madame Klopfenstein !
Une voix. Ah, ce PDC...
Le président. Il y a beaucoup de bruit, surtout au milieu... (Un instant s'écoule.) Voilà, Madame, vous pouvez poursuivre.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini. Merci, Monsieur le président. Ces contingents représentent des milliers de tonnes de viande de boeuf et de poulet et d'énormes quantités d'huile de soja.
Les Vertes et les Verts s'opposent à cet accord, qui sera ratifié par les Chambres fédérales d'ici la fin de l'année, et demandent à travers cette résolution qu'il soit soumis au vote populaire par voie référendaire, ce qui n'est pour l'heure pas garanti. L'enjeu environnemental est de taille, l'enjeu social également, car la protection de l'agriculture locale et la lutte contre la déforestation ne sont pas assurées. Nos inquiétudes entrent naturellement en résonance avec les incendies ravageurs qui frappent l'Amazonie, conséquences directes de l'intense déforestation soutenue par l'actuel gouvernement brésilien.
Plusieurs pays européens, dont la France, ont déjà annoncé qu'ils ne signeraient pas ce traité, dénonçant l'inaction du président brésilien en matière de climat et de biodiversité. En parallèle, les Grands Conseils des cantons de Vaud et du Jura ont voté à la quasi-unanimité un texte similaire envoyé à Berne, et les cantons de Berne, de Neuchâtel et du Valais s'apprêtent à faire de même.
Il y a quelques mois, notre parlement s'était montré unanime pour combattre les accords de libre-échange avec la Malaisie: il s'agissait de lutter contre l'importation d'huile de palme et de protéger nos paysans et paysannes qui cultivent colza et tournesol. Encore une fois, unissons-nous pour protéger nos éleveurs et éleveuses et sauvegarder l'environnement à l'échelle planétaire. Il convient aujourd'hui de relocaliser notre agriculture et d'assurer notre souveraineté alimentaire par des politiques promouvant la sécurité alimentaire et celle de nos écosystèmes. Je vous remercie d'avance de faire bon accueil à cette résolution.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames les députées, Messieurs les députés, vous connaissez tous l'intérêt d'un traité de libre-échange: comme le disait Adam Smith et d'autres penseurs après lui, c'est que chaque pays puisse se consacrer à ce qu'il fait le mieux. Or que font le mieux les pays d'Amérique latine actuellement ? Eh bien malheureusement, c'est la déforestation, qui leur permet de produire du soja à moindre prix. Et que font-ils avec ce soja ? Ils l'exportent vers l'Europe où - je vous apprends peut-être quelque chose que vous ignoriez - il est donné aux vaches suisses pour qu'elles mangent davantage de protéines et fabriquent du lait qui sera ensuite transformé en fromage suisse, lequel sera à son tour exporté dans le monde entier.
Voilà ce que c'est, un traité de libre-échange. Il s'agit de retourner le monde à l'envers pour polluer plus et gagner plus d'argent. Est-ce ce modèle-là que nous souhaitons ? Non, nous ne le souhaitons pas, par égard non seulement pour la nature, mais également pour l'humain, d'une part parce que les personnes qui habitent dans les zones naturelles devront les quitter et n'auront plus à manger, d'autre part parce que ce modèle permet à l'industrie d'exportation, à l'agrobusiness d'écraser la petite paysannerie qui se meurt. Or la petite paysannerie ne meurt pas seulement au Brésil, mais aussi en Suisse; jusqu'à présent, c'est encore une paysannerie de taille moyenne, mais elle est sacrifiée sur l'autel du libre-échange pour permettre à ABB et à d'autres entreprises actives dans le même domaine d'exporter leurs machines-outils, pour permettre à UBS et à nos banques d'exporter leurs produits financiers.
Voilà ce que c'est, le libre-échange. L'avantage comparatif, en réalité, c'est un euphémisme pour donner plus d'argent aux riches et prendre celui des pauvres. Nous refusons ce modèle d'économie, nous revendiquons un système qui place l'humain au centre, qui permette à chacun d'entre nous de bénéficier d'assez d'argent pour vivre. Nul besoin de créer plus de richesses aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, le monde est suffisamment riche; ce qu'il faut, c'est les répartir. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
Mme Claude Bocquet (PDC). Mesdames et Messieurs, imaginez le désarroi des paysans suisses face à ce traité avec le Mercosur. Alors que nous disposons de normes très élevées s'agissant de l'environnement, des conditions sociales et du bien-être des animaux, la Suisse veut signer - enfin, elle a signé - un accord pour importer des produits qui ne correspondent absolument pas à ce qui se fait chez nous, ceci afin d'exporter ses propres produits chimiques et pharmaceutiques.
M. Parmelin nous explique que ce traité ne touchera pas les agriculteurs suisses. Permettez-moi d'en douter, puisqu'il prévoit d'importer sans aucune taxe 3 millions de kilos de boeuf, 1 million de kilos de poulet, 200 000 kilos de porc; il permettra également d'importer des fruits en diminuant les taxes de 20% alors que nous serons en pleine période de récolte ici. J'essaie de rester calme, mais c'est quelque chose que je n'arrive tout simplement pas à comprendre ! On exige des agriculteurs helvétiques de produire de façon propre et correcte et on fait venir n'importe quels produits qui ne correspondent pas du tout à nos normes.
Et que penser de la détérioration des droits humains et de la situation écologique au Brésil ? Cet accord contient un chapitre qui parle de développement durable, de conservation des forêts, de respect des droits des travailleurs et de promotion d'un comportement responsable des entreprises. Eh bien là aussi, j'ai de gros doutes, à voir ce qui se passe actuellement au Brésil ! Depuis l'entrée en fonctions du président Bolsonaro, le nombre de foyers d'incendie a augmenté de 84%. Entre les années 2006 et 2017, 9,6 millions d'hectares ont été déboisés au Brésil.
Voulons-nous soutenir cette manière de faire ? Entendons-nous passer des accords en nous bouchant le nez et en fermant les yeux sur les retombées économiques pour les petits agriculteurs du Brésil et d'autres pays, pour la paysannerie suisse et pour l'environnement en général ? Non, le PDC n'est pas d'accord et soutiendra cette résolution. (Applaudissements.)
Mme Simone de Montmollin (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai pas très bien compris, dans les discours de mes préopinants, s'il s'agissait de se prononcer sur l'accord lui-même ou sur la demande faite à l'Assemblée fédérale de prévoir un référendum. Quant à nous, nous sommes convaincus de la nécessité de passer des accords, c'est le seul moyen de poser des conditions claires aux échanges que nous souhaitons engager avec les pays qui nous entourent. Aujourd'hui, la globalisation de l'économie est telle que signer des traités constitue un impératif, c'est uniquement par ce biais que nous pouvons assurer et défendre nos intérêts.
Et en la matière, nous visons la cohérence: nous voulons que tous les secteurs de l'économie, y compris les plus faibles, soient gagnants. On ne peut pas imposer à nos paysans suisses des conditions drastiques de production en matière d'utilisation de produits phytosanitaires et d'antibiotiques et de respect de l'environnement, et, dans le même temps, ouvrir les frontières à des pays qui ne les respectent pas. Nous avons besoin de garanties s'agissant des modes de production, du respect des appellations d'origine, de la transparence des contrôles, du respect des conditions sociales et environnementales. Or tout cela, un accord peut le définir.
De toute façon, Mesdames et Messieurs, ce sera au Parlement d'en décider quand il sera saisi de ce texte. Parce que tout le monde en parle, mais je doute que quelqu'un ici l'ait seulement lu, puisqu'il n'est pas disponible, il se trouve encore dans les services juridiques de la Confédération. Le jour où les Chambres s'en saisiront, ce sera à elles de vérifier si l'article 104a de la Constitution, voté à 78,7% des suffrages il y a deux ans, est respecté. Et s'il ne l'est pas, un référendum sera lancé, les Verts ont déjà dit qu'ils le feraient, une pétition dans ce sens a reçu 64 000 signatures en une semaine, c'est dire si les signatures seront trouvées en cent jours ! Aucun doute là-dessus: si les conditions ne sont pas satisfaisantes, référendum il y aura.
Alors maintenant, de deux choses l'une: soit on demande au Parlement de ne pas ratifier l'accord et on lui envoie une résolution dans ce sens, soit on ne lui fait pas confiance et, ma foi, on décide de lui imposer quelque chose. Mais il s'agit là de la compétence du Parlement ! Pour ma part, je vous invite à le laisser faire son travail - ce sera peut-être bientôt la charge des candidats au Conseil national ici présents. Envoyer à titre préventif une résolution qui n'aura pas d'effets n'a malheureusement aucun sens, donc nous la refuserons. (Applaudissements.) Je suis désolée, Murat !
Le président. Merci. Monsieur Alder, il reste vingt-trois secondes, voulez-vous tout de même prendre la parole ?
M. Murat Julian Alder. Oui, Monsieur le président.
Le président. Alors je vous la passe.
M. Murat Julian Alder (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je vous invite à lire l'article 141 de la Constitution fédérale dont le libellé indique que cet accord sera de toute manière soumis au référendum facultatif. Par conséquent, la résolution est parfaitement inutile. Merci de votre attention. (Applaudissements.)
M. Romain de Sainte Marie (S). Monsieur le président, vous transmettrez aux membres du groupe PLR que se cacher derrière des arguments juridiques pour noyer le poisson et nier l'impact du libéralisme sur notre planète, ce n'est pas très beau, et les électeurs et électrices des Chambres fédérales se rendront compte que leur pseudo-discours sur l'environnement n'est que pure mascarade.
Le problème de cet accord de libre-échange, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'il viole totalement les trois piliers du développement durable, à savoir l'économie, l'environnement et le social. S'agissant de l'économie - on l'a rappelé, et je suis très heureux qu'une représentante des milieux agricoles genevois l'ait fait - permettre l'importation massive de produits tels que la viande et le soja, qui vont créer une concurrence totalement déloyale, constitue une catastrophe pour l'agriculture locale suisse.
L'impact environnemental, maintenant: encourager l'introduction de ces produits, c'est favoriser leur transport sur des milliers de kilomètres. Au regard de l'urgence climatique actuelle, c'est une pure aberration ! Au contraire, nous devons soutenir une production et une consommation locales, et pas une agriculture qui se pratique à plusieurs milliers de kilomètres. Je ne parle même pas des conséquences en matière de déforestation. Dans ces pays, l'intensification de l'agriculture est telle - c'est une production de masse qui est promue - que le Brésil ne connaît aujourd'hui qu'incendies et déforestation. Signer un tel traité, c'est favoriser celle-ci.
Enfin, il y a l'impact social sur les peuples autochtones d'Amazonie. Au final, à qui profitera cet accord de libre-échange ? Aux grands groupes pharmaceutiques helvétiques, bien entendu, et surtout à leurs dirigeants. Pour la population de ces pays, qu'est-ce que cela va représenter ? L'augmentation du prix des médicaments, voilà ce qui est à craindre. Il faut interdire ce type de traité dans ces pays, car socialement, ça peut être une catastrophe.
Aujourd'hui, nous devons manifester une réaction forte; les Vaudois l'ont déjà fait, ils ont voté une résolution de ce type. Nous, canton de Genève, devons envoyer un signal à Berne, envoyer un signal au Conseil fédéral qui nage totalement à contre-courant. Alors qu'en France, le président Macron fait marche arrière - c'est le cas de le dire - par rapport à cet accord de libre-échange, notre Conseil fédéral s'exprime dans la presse, tout heureux de nous annoncer qu'il souhaite le voir ratifié, alors que l'actuelle présidence du Brésil viole drastiquement les principes du développement durable, du respect de l'environnement et du maintien de la biodiversité. Madame de Montmollin, vous êtes candidate au Conseil national; je le suis aussi et je m'engage à ne jamais ratifier un tel accord, et surtout à donner la parole au peuple pour qu'il puisse s'y opposer.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Marc Fuhrmann (UDC). Décidément, cet accord aura fait parler de lui ! N'oublions pas qu'il ouvre à la Suisse un marché plus grand que celui de l'Union européenne, à savoir plus de 500 millions d'habitants, et que pour Genève, canton hélas trop peu agricole et plutôt vendeur de haute technologie, notamment d'horlogerie, un tel débouché constitue une énorme chance.
Cela étant, Mesdames et Messieurs, c'est juste, cet accord n'est de loin pas parfait, il compte quelques concessions, notamment dans le domaine de l'agriculture; mais il pourra être résilié si nous constatons que sa réalisation n'est pas conforme à ce qui a été signé par la Suisse, donc il y a des garde-fous.
J'ai entendu parler des incendies en Amazonie, mais il faut quand même rappeler que sous Lula, président de gauche, bien plus de forêts ont brûlé par année que ce qui se passe actuellement, donc faire des comparaisons n'a pas vraiment de sens.
J'en reviens à l'agriculture: nous, à l'UDC, nous sommes quasiment le seul parti à soutenir l'agriculture - au niveau national, en tout cas - donc nous laisserons la liberté de vote sur ce sujet, ayant bien compris qu'il y a des avantages et des risques. Je le répète: l'UDC laissera à ses membres la liberté de vote. Merci.
Le président. Merci. La parole est au député Guy Mettan pour deux minutes.
M. Guy Mettan (HP). Merci, Monsieur le président. Personnellement, j'appuierai cette résolution pour les raisons qui ont déjà été évoquées, c'est-à-dire pour des motifs à la fois écologiques et commerciaux. J'aimerais juste corriger M. Fuhrmann sur un point: si M. Lula n'était pas un président parfait, c'est tout de même le seul qui a fait passer des lois pour réduire la déforestation et les incendies de forêt. Certes, ça n'a pas toujours été suivi d'effet, mais c'est tout de même le seul ! Il se trouve que j'ai descendu une bonne partie de l'Amazone il y a trente-cinq ans, et ça fait trente-cinq ans qu'on en parle, ça fait trente-cinq ans qu'on déplore incendies et déforestation. Or c'est seulement sous le gouvernement Lula que des mesures ont été prises pour en limiter les conséquences - même si, je le répète, leur application laisse à désirer. C'était mon premier point.
Deuxièmement, il est en effet important d'envoyer un signal - je crois que c'est Romain de Sainte Marie qui l'a dit. Pourquoi est-ce que c'est important ? Parce que ces traités posent problème par la manière dont ils sont discutés: ça se fait dans le plus grand secret. On a déjà eu des cas, lorsque l'Union européenne a négocié les accords TTIP ou TiSA, dont il était formellement interdit de diffuser le contenu qui était scellé dans un coffre-fort pour des raisons de copyright. Voilà comment les accords internationaux et commerciaux sont négociés, et ce n'est pas acceptable. Ça devrait être fait avec une certaine transparence, et il est important que des parlements comme le nôtre s'attaquent non seulement à la teneur de ces textes, mais également à la manière dont ils sont négociés. C'est la raison pour laquelle je soutiendrai cette résolution. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Le MCG votera non à cette résolution, parce que c'est de la pure gesticulation.
Une voix. Bravo !
M. François Baertschi. On sait que ce type de texte sert juste à se faire mousser et n'a aucune efficacité, l'accepter revient à l'envoyer directement à la poubelle à Berne, donc nous le refuserons.
Sur le fond, si je suis opposé au Mercosur en tant que tel, je m'étonne d'entendre mon préopinant socialiste être effrayé parce que l'on va chercher des produits au Brésil et que ça a énormément de conséquences négatives sur l'environnement en raison du transport très polluant. Alors c'est vrai, c'est un fait, c'est une réalité, mais je ne l'entends pas tenir le même discours quand on importe du personnel frontalier... (Exclamations. Rires.) ...de manière tout aussi polluante, il y a vraiment deux poids, deux mesures. Quand on peut agir concrètement, alors non, pas du tout, ça n'existe pas, il n'y a que des petites fleurs, ça ne pollue pas... (Commentaires.) Non, il faut redescendre sur terre, faire preuve de rigueur et arrêter de se servir de quelques épouvantails comme Bolsonaro, qui est un clown international, pour faire sa propagande !
Revenons sur terre, on est à Genève et l'essentiel de nos problèmes concerne la région. Bien sûr, les problématiques de commerce international sont importantes, mais cette résolution ne va servir à rien, à rien ! Il faut la refuser, c'est une question d'intelligence. Bon, elle va être acceptée, parce que le parlement aime bien se faire plaisir, comme souvent, mais on rendrait beaucoup plus service aux habitants de ce canton en défendant les résidents genevois, en s'attaquant au flux anti-écologique de travailleurs frontaliers... (Exclamations.) ...ce flux qui va dans le sens du réchauffement climatique... (Rires.) Oui, Mesdames et Messieurs, l'excès de frontaliers va dans le sens du réchauffement climatique ! Vous êtes dans l'incohérence totale, revenez sur terre et refusez cette résolution.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nul doute que cette résolution va venir grossir l'ossuaire fédéral des espoirs déçus ! (Rires.) Ce débat pourrait s'intituler: «Chronique d'une mort législative annoncée». (Rires.) Néanmoins, la politique est aussi une question de posture, donc le Conseil d'Etat respecte l'opinion exprimée, même si l'on sait bien qu'il existe une hiérarchie et des normes et que la petite Genève, bien que nous ayons une grande ambition - et elle est justifiée - ne va pas, à elle seule, faire bouger les choses sur ce sujet. La plupart des partis représentés ici le sont également à Berne, c'est là-bas qu'il faut agir. Prenons garde de ne pas multiplier les démarches qui risquent de discréditer l'image de Genève, parce que le jour où nous aurons une résolution qui aura toutes les chances de passer, elle pourrait bien s'accrocher comme un wagon au train de l'inutilité déclarée - possible ou réelle - des textes que Genève renvoie systématiquement là-bas. Merci.
Le président. Je vous remercie. Le vote est lancé.
Mise aux voix, la résolution 891 est adoptée et renvoyée à l'Assemblée fédérale et au Conseil d'Etat par 44 oui contre 38 non et 2 abstentions.
Le président. Un petit instant, Mesdames et Messieurs ! Nous avons trouvé un lecteur SanDisk de 64 gigas par terre dans la salle. S'il appartient à une personne ici présente, elle pourra le récupérer auprès de M. Koelliker dès demain. Je vous souhaite une bonne soirée !
La séance est levée à 22h55.