République et canton de Genève

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PL 12557
Projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi sur l'imposition des personnes physiques (LIPP) (D 3 08) (Plafonnement de la déduction des primes d'assurances-maladie et accidents à 1,5 fois la prime moyenne cantonale)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session IV des 12 et 13 septembre 2019.

Premier débat

Le président. Nous passons à l'urgence suivante, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes: le PL 12557. Je cède la parole à M. le député Yvan Zweifel, qui la demande.

M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Monsieur le président. L'urgence a été demandée sur ce projet de loi car je crois qu'il faut donner un message clair, ce soir - un message clair au Conseil d'Etat en premier lieu, à la population ensuite. Pour parler d'abord du fond du sujet, Mesdames et Messieurs, de quoi s'agit-il ? Aujourd'hui, vous avez la possibilité de déduire vos primes d'assurance-maladie avec un plafond: deux fois la prime moyenne cantonale, ce qui fait que les gens peuvent de facto déduire à la fois l'assurance de base mais également la quasi-totalité des complémentaires. Dans le canton où les primes sont parmi les plus élevées du pays, cela semble tout à fait normal.

Ce n'est pas la première fois que le Conseil d'Etat vient avec ce genre de proposition, mais il essaie de la condenser un petit peu puisqu'il voulait, la dernière fois, plafonner la déduction à la prime moyenne cantonale alors que ce serait maintenant à 1,5 fois cette prime. Eh bien ça veut dire qu'un certain nombre de personnes ne pourront plus déduire l'intégralité de ce qu'ils paient aux caisses maladie ! Qui est-ce que ça touchera, Mesdames et Messieurs ? Tout d'abord la classe moyenne. Qui, par exemple ? Ceux qui ont des complémentaires pour les opticiens ou les dentistes, les jeunes couples et les femmes qui prennent notamment des complémentaires en prévision de la maternité. C'est vraiment la classe moyenne qui sera touchée !

L'exécutif nous dira: «Ce n'est pas une hausse d'impôts, on diminue la déduction !» Mais si on diminue la possibilité de déduire, Mesdames et Messieurs, votre facture fiscale augmente et il s'agit de facto... (Remarque.) ...ni plus ni moins que d'une hausse des impôts. Je suis de ce fait content que la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet, ministre des finances, se soit exprimée aujourd'hui pour dire qu'elle s'était opposée, au sein du gouvernement, à cette mesure. Voilà pour le fond du sujet; le PLR rejettera évidemment ce texte car il est opposé à toute hausse d'impôts - celle-là est encore plus inique que d'autres.

Mais regardons aussi le contexte. Il y a quatre mois, le peuple votait la RFFA. Le Conseil d'Etat s'était très clairement engagé à ce que la baisse d'impôts pour les personnes morales ne soit pas compensée par une hausse de l'imposition des personnes physiques ! Quatre mois après, l'exécutif renie entièrement ses engagements envers la population et revient totalement en arrière en proposant une hausse d'impôts ! C'est absolument inadmissible ! (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Yvan Zweifel. Vous pouvez applaudir, à gauche, si vous voulez ! (Commentaires.) Le PLR, lui, respectera ses engagements et refusera cette hausse d'impôts, comme toutes celles qui viseront les personnes physiques. Mesdames et Messieurs, dans le deuxième canton le plus dépensier de tout le pays... (Protestations.)

Des voix. Oh !

Une voix. Mais non !

M. Yvan Zweifel. C'est la vérité ! C'est la vérité: vous pouvez dire le contraire, mais c'est la vérité ! (Commentaires.) Dans le canton de Suisse qui exploite le plus son potentiel fiscal...

Une voix. Non !

M. Yvan Zweifel. ...dans un canton où, ces dernières années, les recettes fiscales ont augmenté de manière trois à quatre fois plus importante que la population, il ne faut pas augmenter les impôts: il faut baisser les charges ! Mesdames et Messieurs, le PLR vous invite à refuser ce projet de loi inique, inadmissible et irresponsable ! (Applaudissements. Huées.)

Des voix. Oui !

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je ne vais pas avoir le même discours que M. Zweifel. (Rires. Commentaires. Le président agite la cloche.)

Des voix. Ah, alors ça va !

M. Romain de Sainte Marie. Je suis quelque peu lassé d'avoir à répéter que Genève n'est pas le deuxième canton le plus prodigue en matière de dépenses publiques... (Commentaires.)

Des voix. C'est le premier !

M. Romain de Sainte Marie. Non, il ne l'est pas ! Il faut comparer ce qui est comparable, et le contexte genevois est particulier puisque, il faut le rappeler, nous sommes le canton le plus cher en matière de loyers, de primes d'assurance-maladie également... (Commentaires.) ...et nous avons aussi le taux de chômage le plus élevé tout comme le nombre de personnes à l'aide sociale le plus important.

Mais là n'est pas la question: s'il est vrai que le Conseil d'Etat recherche des recettes supplémentaires à travers une déduction fiscale revue à la baisse, nous comprenons cela, au parti socialiste, comme la volonté du gouvernement de les rechercher dans la classe la plus favorisée de la population, qui peut justement se payer des assurances complémentaires. Ce plafonnement de la déduction est plus faible que dans le précédent projet de loi de l'exécutif et va dans le bon sens.

Il est vrai qu'on peut s'interroger sur le fait de trouver des recettes fiscales. Or, elles sont nécessaires. Elles sont nécessaires puisque, contrairement à ce que dit le PLR, qui n'a de cesse de vouloir s'attaquer aux prestations publiques et de prétendre que les charges de l'Etat explosent, nous connaissons en réalité une crise des recettes. (Remarque.) Puisque les charges de l'Etat sont dues à un automatisme ! Et j'aimerais que vous puissiez me citer, au PLR, la nouvelle prestation publique... (Remarque.) Quelle nouvelle prestation publique a-t-on connue ces dernières années ? Aucune nouvelle prestation publique ! Non, ce sont des augmentations de charges automatiques ! Pourquoi ? Elles sont le fait de trois facteurs: la croissance démographique, le vieillissement de la population et son appauvrissement. Nous sommes un Etat responsable; il est donc inenvisageable de ne pas aider les Genevoises et les Genevois.

Dès lors, oui, nous devons faire face à des charges croissantes et c'est pourquoi, comme chaque année lors des débats budgétaires, nous devons chercher des recettes supplémentaires. Des recettes supplémentaires, il est possible d'en trouver autrement qu'en supprimant les déductions fiscales pour les primes d'assurance-maladie. Le parti socialiste tient à s'adresser au Conseil d'Etat: il est possible d'en trouver autrement puisque 1% des personnes - les plus nanties - détient aujourd'hui 70% de la fortune globale du canton. Il y a un problème de répartition des richesses: nous ne pouvons pas continuer dans cette ultradépendance vis-à-vis des très grandes fortunes. Non, nous devons inverser cette pyramide et faire en sorte de mieux répartir les richesses. Je vous invite donc à accepter ce projet de loi, mais aussi à réfléchir à une meilleure répartition des richesses dans notre canton.

Une voix. Bravo !

M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche est d'ordinaire opposé aux déductions faites sur les déclarations fiscales parce qu'en général elles ne correspondent à des avantages que pour les privilégiés. Dans le cas d'espèce, nous sommes extrêmement étonnés que des partis comme le PLR, voire, à titre personnel, notre collègue Romain de Sainte Marie - rendons grâce à son parti de s'y être opposé - qui ont appuyé la RFFA... (Rire.) ...qui nous a fait perdre 600 millions de recettes publiques, veuillent aujourd'hui prendre 6 millions, 6,5 millions, 7 millions aux assurés en les empêchant de déduire ce qu'ils paient réellement pour leurs primes maladie. Le catalogue des prestations remboursées par l'assurance de base diminue d'année en année et beaucoup de gens de la classe moyenne inférieure prennent en effet des complémentaires pour des soins dont ils ont besoin.

Le message que nous enverrions en soutenant cette proposition du Conseil d'Etat, c'est que nous voulons prendre 6,8 millions à la classe moyenne inférieure, qui peine à boucler ses fins de mois, et opposer cette même classe à ceux qui, encore plus démunis qu'elle, ne paient que la taxe personnelle. Tout ça pour laisser danser sur notre ventre - le nôtre et celui de tous les gens des classes populaires - les multimillionnaires qui sont protégés par le bouclier fiscal; les grandes entreprises qui viennent de recevoir un cadeau fiscal à hauteur de 600 millions; ceux qui touchent des dividendes mais qui, contrairement aux salariés et aux retraités, ne paient pas d'impôts sur 100% de leur revenu; et enfin la Banque cantonale de Genève, qui fait d'énormes bénéfices mais ne rembourse pas le coût de son sauvetage. Ensemble à Gauche ne votera pas ce projet de loi ni aucun objet de ce type tant qu'on ne s'attaquera pas au vrai problème des recettes de ce canton, c'est-à-dire tant qu'on ne taxera pas ceux qui en ont les moyens. Merci. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Jean Rossiaud (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés...

Une voix. On n'entend rien !

Une autre voix. Il faut parler un peu plus fort !

M. Jean Rossiaud. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, pourquoi traitons-nous ce projet de loi en urgence ? Il n'y a aucune raison et les Verts vont demander le renvoi en commission; je vous explique pourquoi. Ce texte, peut-être louable dans son intention, ne remplit pas les objectifs qu'il est censé poursuivre - nous sommes d'accord avec la position que vient de développer M. Batou. Mais il va dans la bonne direction puisqu'il essaie de rétablir l'égalité là où règne aujourd'hui l'inégalité. Cependant, pourquoi la droite a-t-elle voulu le traiter en urgence ? Parce qu'elle ne veut pas en rediscuter en commission et parce qu'elle ne veut pas que nous avancions sur une position commune et concertée sur ces questions.

Pourquoi les Verts sont-ils sceptiques à l'égard de la position du Conseil d'Etat ? Parce que, comme l'a dit Jean Batou, il y a un intérêt pour la classe moyenne inférieure à déduire ses dépenses d'assurances complémentaires des impôts. Les Verts sont pour les complémentaires qui proposent une forme de promotion de la santé, de prévention des risques et qui incluent les médecines douces. Et ne pas tenir compte de ces dépenses, qui sont toujours plus importantes pour les gens qui prennent soin de leur santé, c'est mal écouter la population. C'est pourquoi nous vous demandons le renvoi en commission, afin de pouvoir raisonnablement étudier ce texte. Si vous ne l'acceptez pas, nous laisserons la liberté de vote au groupe pour que chacun, en son âme et conscience, puisse voter en sa faveur, s'il pense que le projet de loi est nécessaire, ou contre, s'il estime que c'est une mauvaise idée. Je vous remercie.

Le président. Il est pris note de votre demande. Nous continuons et la parole va à M. Bertrand Buchs.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président.

M. Jean Rossiaud. Il faut voter sur la demande de renvoi en commission ! (Commentaires.)

Une voix. Non, à la fin: il n'y a pas de rapporteur.

Le président. Nous voterons à la fin du débat, Monsieur Rossiaud. Monsieur Buchs, vous avez la parole.

M. Bertrand Buchs. Merci beaucoup, Monsieur le président. Il y a une chose que je n'arrive pas à comprendre avec ce projet de loi que le gouvernement nous propose. On va de nouveau atteindre la catégorie de la population qui paie un maximum pour ses primes alors qu'on sait qu'elle dépense jusqu'à 20% de son revenu pour la caisse maladie. L'Etat l'a reconnu puisque, dans son projet de réforme de la fiscalité des entreprises, il a décidé d'allouer 186 millions aux subsides d'assurance-maladie. Et, brusquement, il nous sort de sa manche une baisse de la déduction permise sur ces primes.

Quel message veut-on donner à la population ? D'un côté, on la soutient en augmentant les subventions; d'un autre côté, on annonce qu'elle va payer plus d'impôts puisqu'on va diminuer la déduction. Ce n'est pas logique ! En plus, l'Etat nous dit qu'on a besoin de rentrées supplémentaires et que ce projet de loi amènerait 6 à 7 millions. OK ! Après, on nous informe que c'est en raison de la réforme de la fiscalité des entreprises, mais je ne pense pas que ce soit pour ça ! Je pense plutôt que c'est lié au problème de la caisse de retraite des fonctionnaires ! L'Etat a fait ses comptes et il se trouve dans une situation impossible. Vous verrez le budget qu'on va nous proposer jeudi prochain: il fera probablement frémir la droite à cause du résultat négatif qu'il présentera, du déficit. Donc, à quoi ça sert ? Strictement à rien ! A envoyer un mauvais signal à la classe moyenne, qui paie plein pot ses impôts et sa caisse maladie !

On affirme une chose tout à fait fausse: les complémentaires seraient pour les gens aisés. Ce n'est pas vrai ! Les complémentaires sont prises par des gens qui ne sont pas aisés. Beaucoup de femmes prennent par exemple des complémentaires pour pouvoir accoucher en clinique et ce ne sont pas des personnes aisées. Beaucoup de personnes maintenant âgées ont pris des complémentaires et les ont gardées pendant des années - elles ont fait l'effort de payer parce qu'elles veulent une complémentaire. Et là, on vient leur dire: «Non, vous n'avez pas le droit de déduire ces frais parce que, brusquement, l'Etat a besoin d'argent.» Le signal envoyé à cette population qui paie le maximum est scandaleux.

L'Etat doit maintenant réfléchir à une réforme de la fiscalité qui arrête de faire payer la même classe moyenne tout le temps et plus. Le parti démocrate-chrétien ne pourra accepter aucune augmentation d'impôts ! Je vous remercie.

Des voix. Bravo !

M. François Baertschi (MCG). Le MCG a comme ligne politique de défendre une fiscalité modérée et de s'opposer aux hausses d'impôts en général. Dans les circonstances actuelles, alors que nous venons de sortir de la RFFA, alors que beaucoup de promesses ont été faites aux résidents genevois, nous ne pouvons pas, dans ces conditions, accepter ce qui ressemble bien évidemment à une hausse d'impôts.

Ces déductions qu'on veut supprimer, ou plutôt limiter, sont précieuses tout simplement parce qu'une grande partie des Genevois a beaucoup de difficultés à joindre les deux bouts. Ces difficultés proviennent notamment de l'augmentation des coûts de l'assurance-maladie, que chacun connaît, mais également du coût de la vie genevois, très élevé comme chacun peut s'en rendre compte quotidiennement. Cette situation fait qu'on ne peut pas mettre les habitants de notre canton en difficulté ! On doit être raisonnable et penser aux citoyens qui ont de la peine à boucler leurs fins de mois. Il ne s'agit pas seulement de gens très modestes: il y a des gens modestes qui ont besoin d'être soutenus, mais il y a aussi toute une partie de la population qui véritablement n'y arrive plus, qui a de grandes difficultés. Et on doit véritablement penser à cette partie de la population, la soutenir, l'aider.

Le MCG, comme son nom l'indique, est bien sûr très attaché à la défense du citoyen et à celle des contribuables également. C'est pour cela que nous refuserons malheureusement ce projet de loi.

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, il y a quelque trois mois, le souverain genevois acceptait en effet la RFFA, la réforme de la fiscalité des entreprises. A peine trois mois après, le Conseil d'Etat propose déjà une hausse d'impôts, reniant ses engagements pris durant la campagne. L'UDC Genève - comme l'UDC en Suisse, d'ailleurs - s'est toujours battue contre les hausses d'impôts et se battra toujours contre la hausse de toute fiscalité qui pressurise la classe moyenne. Ce projet de loi est une véritable honte, pour ne pas dire plus: il veut tondre une fois de plus la classe moyenne. Beaucoup de nos concitoyens et concitoyennes ont des franchises très élevées et ne peuvent même pas se soigner. Une fois de plus, le Conseil d'Etat s'est moqué du peuple ! Le groupe UDC vous demande de refuser cette hausse d'impôts et par conséquent ce projet de loi. Je vous remercie.

Le président. Merci. La parole est à Mme Françoise Sapin pour une minute et quatre secondes.

Mme Françoise Sapin (MCG). Merci, Monsieur le président. Le souci principal de tous les Suisses, cet automne comme les années précédentes, ce sont les primes d'assurance-maladie. Or le projet de loi présenté par le Conseil d'Etat équivaut à une augmentation d'impôts, même si elle est déguisée, puisqu'il prévoit une diminution des déductions. En outre, plusieurs préopinants l'ont relevé, il tape uniquement sur la classe moyenne. Durant la campagne sur la RFFA, ce printemps, tous les partis qui ont soutenu cette réforme, ainsi que le gouvernement, ont toujours promis à la population qu'il n'y aurait pas d'augmentation de l'impôt. Tenons donc nos promesses et ne touchons pas à ces déductions: laissons la déduction à deux fois la prime moyenne. Par conséquent, le MCG ne soutiendra pas ce projet de loi.

Des voix. Bravo !

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai entendu beaucoup de choses: inique, Conseil d'Etat qui se moque du peuple. Essayons d'oublier quelques secondes les slogans électoraux et faisons quelques réflexions mathématiques. Les mathématiques n'étant pas une question d'opinion, j'espère que sur ce plan au moins vous allez me suivre.

D'abord, rappelons que Genève est le seul canton suisse qui permet de déduire deux fois la prime moyenne cantonale - au maximum - pour autant qu'on atteigne, bien sûr, deux fois la prime moyenne cantonale, ce qui n'est de fait pas le cas de tous les assurés genevois. Un grand nombre d'entre eux n'ayant aucune assurance complémentaire, il est évident que même la prime la plus chère de l'assurance de base ne correspond pas à deux fois la prime moyenne cantonale.

La classe moyenne, nous dit-on, est la victime de cette démarche inique du Conseil d'Etat. Regardez le livret qui accompagne la déclaration fiscale pour l'année 2018, que l'on remplit en 2019: vous verrez que la prime moyenne cantonale est alors de 583 francs par mois. Cela signifie que la déduction, dans votre déclaration de cette année-là, est au maximum de 1166 francs. Toutes choses étant égales par ailleurs, si l'on retient cette prime mensuelle de 583 francs, avec une franchise minimale de 300 francs, et qu'on la multiplie par 1,5 et non plus par 2, on arrive à 875. Cela veut dire que la différence entre la déduction actuelle et celle souhaitée par le Conseil d'Etat est de 291 francs !

Combien la classe moyenne, que vous indiquez vouloir défendre - certains se trouvent aujourd'hui une vocation dans ce sens - paie-t-elle, en pourcentage, d'impôts ? 50% ? J'en doute, mais cela équivaudrait alors à 145 francs supplémentaires d'impôts par mois. Je pense qu'on est bien plus proche de 25%, voire en dessous; même avec 25%, cela revient à 73 francs d'impôts maximum en plus par mois pour les personnes considérées ! (Brouhaha.) 73 francs par mois, Mesdames et Messieurs, pour un total de 6,8 millions dont vous dites qu'ils serviraient à compenser les résultats des dernières votations sur la RFFA. (Brouhaha.)

Des voix. Chut !

M. Mauro Poggia. Je rappelle que 186 millions ont déjà été acceptés par le peuple pour les subsides d'assurance-maladie - 186 millions de plus l'année prochaine. Le Conseil d'Etat essaie d'obtenir, par le biais de ce projet de loi, 6,6 millions supplémentaires: c'est un drame !

Mais allons jusqu'au bout du raisonnement, si vous le voulez bien. La prime moyenne cantonale est évidemment le résultat d'une moyenne; je ne vous apprends rien. Malgré le fait qu'elles permettent d'obtenir des primes inférieures, les Genevois sont les Suisses qui font le moins appel à des formes particulières d'assurance, tel le modèle du médecin de famille. Oublions donc ces modèles particuliers et prenons la prime de base pour un adulte, avec couverture accident et 300 francs de franchise: on peut s'assurer pour 470 francs par mois. Alors pourquoi devrait-on aller jusqu'à la prime moyenne cantonale de 583 francs si l'on peut n'en payer que 470 ?

La différence entre les 470 francs qu'un Genevois peut payer, avec un minimum de volonté, et les 875 francs qu'il pourrait déduire avec le plafonnement de la déduction à 1,5 fois la prime moyenne cantonale est déjà de 405 francs - c'est la différence entre 875 et 470. Cela veut dire que quelqu'un qui s'organise un tant soit peu, comme le font les assurés partout ailleurs en Suisse, et qui paie une prime de 470 francs par mois pour la LAMal pourrait encore avoir une assurance complémentaire totalement déductible pour 405 francs par mois. Alors je vous le demande, Mesdames et Messieurs: est-ce que la démarche du Conseil d'Etat est véritablement aussi inique que vous le prétendez ?

C'est vrai qu'il est de bon ton de critiquer le gouvernement. C'est également vrai qu'il y a prochainement des élections et que la classe moyenne est une notion qui se vend bien puisque tout le monde est de la classe moyenne: les riches ne se considèrent pas comme riches car il y a toujours plus riche qu'eux-mêmes et les pauvres ont généralement un peu de pudeur à reconnaître leur pauvreté. Donc si vous dites que vous défendez la classe moyenne, vous êtes sûr de ratisser large et d'avoir un électorat suffisamment porteur.

Si j'ai bien compris dans quel sens va aller votre vote, Mesdames et Messieurs, je voulais néanmoins rétablir quelques chiffres. Lorsque je vois ces débats, lorsque je pense à ce que j'ai entendu ces derniers jours ou lu dans certains quotidiens et hebdomadaires, je me dis que le journalisme devrait décidément se réinventer. Je vous remercie.

Des voix. Oh !

Le président. Merci bien. Nous passons au vote, Mesdames et Messieurs. Je vous rappelle qu'il y a une demande de renvoi à la commission fiscale.

Des voix. Non ! (Commentaires.)

Le président. Si, un député l'a demandé ! Nous votons donc d'abord sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12557 à la commission fiscale est rejeté par 67 non contre 24 oui.

Le président. Nous passons au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 12557 est rejeté en premier débat par 67 non contre 22 oui et 2 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)