République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 8h, sous la présidence de M. Jean-Marie Voumard, président.

Assistent à la séance: M. Mauro Poggia et Mme Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Serge Dal Busco, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Jacques Béné, Beatriz de Candolle, Olivier Cerutti, Edouard Cuendet, Christian Flury, Amanda Gavilanes, Adrien Genecand, Jean-Marc Guinchard, Katia Leonelli, Eric Leyvraz, David Martin, Ana Roch, Yvan Rochat, Françoise Sapin, Patrick Saudan, Georges Vuillod et Salika Wenger, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Christian Bavarel, Pierre Bayenet, Florian Gander, Sylvie Jay, Yves de Matteis, Christina Meissner, Eliane Michaud Ansermet, Vincent Subilia, Francisco Valentin et Helena Verissimo de Freitas.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 12478-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2018

Suite du deuxième débat

H - SECURITE ET POPULATION

Le président. Nous abordons la politique publique H «Sécurité et population» et je passe la parole à M. le député François Baertschi.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Cette politique publique a été un peu sinistrée du fait de la mise en place, il y a quelques années, de la nouvelle loi sur la police: la LPol a complètement affaibli le secteur police-secours et l'ensemble du système sécuritaire genevois. C'est pour cette raison que le MCG ne votera pas cette politique publique.

En revanche, nous avons eu une lueur d'espoir au début de cette année: des changements peuvent être entrevus grâce à la Cour des comptes, qui s'est penchée sur la question de la police de proximité. Elle s'est rendu compte, et c'est très clair dans son rapport - le département ne le conteste d'ailleurs pas et approuve tout à fait la recommandation de la Cour des comptes - qu'on a mis en place une usine à gaz, affaibli police-secours et créé des doublons entre les polices municipales et la police de proximité. Cette situation catastrophique, que ce Grand Conseil a déjà examinée sous l'angle de l'affaiblissement de police-secours et de la difficulté de répondre aux attentes de la population - aux attentes en sécurité de la population ! - ira quand même vers le mieux. On s'est retrouvé dans une situation globalement négative mais les changements que nous pouvons entrevoir sont positifs: un travail va être fait. Ce sera un travail long et difficile, il ne faut pas se le cacher, mais nous avons de bons espoirs pour l'avenir. Malgré tout, étant donné que nous devons examiner l'année 2018, nous refuserons cette politique publique.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, deux faits marquants sont à relever en 2018 pour cette politique publique: tout d'abord Papyrus, qui a pris fin en 2018 et a permis de régulariser près de 2000 personnes. C'est une avancée considérable, une lutte en faveur de la dignité de personnes qui étaient dans l'ombre - des personnes privées de leurs droits, souvent aussi des personnes à la merci de leur employeur et de leur bailleur. Elles n'avaient pas nécessairement accès à leurs droits, et leur crainte de devoir aller au tribunal était énorme puisqu'elles risquaient de se faire dénoncer et par la suite expulser. Le bilan est très positif: il a non seulement permis de régulariser ces gens mais également de «stabiliser», entre guillemets, tout un secteur de l'économie domestique, ces personnes bénéficiant aujourd'hui des assurances sociales. Il y a un travail de fond: le département nous a indiqué qu'il veillerait, à l'avenir, à ce que ces personnes puissent continuer dans leur emploi pour éviter que d'autres, sans papiers, ne prennent en quelque sorte leur place - et c'est effectivement très souhaitable. On espère que d'autres cantons, notamment Bâle et Zurich, pourront reprendre cette expérience.

L'autre aspect concerne la réinternalisation des tâches de convoyage des détenus. Vous vous souvenez qu'en 2013, quasi en catimini, le département avait privatisé un service de près de 80 personnes. C'était la plus grosse privatisation d'un service de sécurité en Suisse, contre laquelle notre Grand Conseil s'est battu: il a sollicité sa réinternalisation. Le département a mis en oeuvre cette décision et est aujourd'hui en train de former les ASP3 qui vont reprendre cette tâche. Il nous a indiqué que 75 personnes pourraient être engagées à cet effet d'ici 2021; d'un point de vue syndical, c'est un avantage, puisqu'elles seront soumises au statut de la fonction publique et qu'on cesse ainsi la sous-enchère. Il s'agit également d'un aspect important pour la sécurité des détenus, pour le bon fonctionnement de la justice et pour la sécurité de la population: les gardiens travaillant pour Securitas, qui ont souvent reçu des formations beaucoup trop légères, ne fournissent évidemment pas un travail de même qualité que les personnes assermentées et attachées à la fonction publique. Nous espérons donc que le département continuera dare-dare à mettre en oeuvre cette politique sollicitée par le parlement.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette politique publique, qui comporte de hautes tâches régaliennes, est en demi-teinte pour le parti démocrate-chrétien. Même si nous ne la votons pas, il y a des éléments importants à relever. Le parti démocrate-chrétien a la conviction que la nouvelle loi sur la police - qui n'est plus si nouvelle - doit déployer tous ses effets avant qu'on veuille la massacrer. On a encore le temps de l'évaluer avec des éléments raisonnables et non pas en réagissant de manière épidermique.

Nous nous réjouissons également de l'opération Papyrus qui, comme le rapporteur de majorité l'a évoqué, a été un succès. Elle a surtout été un succès parce qu'elle s'est avérée un outil extrêmement concret pour lutter contre la traite des êtres humains. Les contrôles qui perdureront seront la meilleure garantie pour qu'il y ait le moins possible d'exploitation dans ce domaine, ou du moins que l'exploitation soit le plus possible réduite.

Comme vous le savez, nous nous inquiétons pour la planification pénitentiaire. Les Dardelles doivent évidemment se faire, mais pas forcément de la manière dont on ne cesse de nous les présenter. Les conditions de détention des femmes, vous ne l'ignorez pas, sont complètement indignes.

Notre autre sujet d'inquiétude, c'est que l'excellente brigade de lutte contre la traite des êtres humains et la prostitution illicite, la BTPI, ne soit entachée par des problèmes liés à la prostitution, à la prostitution forcée, aux abus et à la corruption - il est à craindre que certains de ses membres aient été tentés.

Nous sommes donc particulièrement inquiets et en même temps particulièrement attentifs: bien que notre opinion soit contrastée, nous nous voulons encourageants. En l'état, nous ne voterons pas cette politique publique, mais nous la suivons de près. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs.

M. Marc Fuhrmann (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes aussi déçus par cette politique publique. Premièrement parce que la police semble, de nos jours, s'en prendre de plus en plus aux gens entre guillemets «ordinaires» - je pense aux automobilistes ou autres - au lieu de s'en prendre aux criminels, aux vendeurs de drogue, aux proxénètes, voire aux illégaux. Et cela nous est incompréhensible ! Est-ce que ce serait parce que cette population-là est finalement une proie plus facile, plus docile ? Ou est-ce aussi parce qu'on met des bâtons dans les roues de la police dès qu'il s'agit de s'attaquer aux gros sujets ? Je pense notamment à la drogue, mais aussi à la circulation des policiers, qui est rendue difficile: dès qu'ils enclenchent le gyrophare, ils devraient, semble-t-il, se mettre à rouler à trente à l'heure bien qu'ils poursuivent des criminels, qui pour beaucoup braquent nos banques et commettent des délits dangereux ! Nous aimerions donc bien voir la police s'occuper à nouveau des gros crimes, des éléments qui sont source de violence et d'insécurité dans notre canton, plutôt que de se remettre à embêter le citoyen lambda. Nous sommes très déçus à ce niveau-là. Merci.

Mme Paloma Tschudi (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, le groupe Vert ne votera pas la politique publique H: il n'est en effet pas satisfait par sa gestion. Tout d'abord, comme l'a dit le rapporteur de majorité, le département a souffert cette année de la crise institutionnelle que connaît notre canton, due au conseiller d'Etat anciennement chargé de la sécurité.

Le groupe Vert regrette encore et toujours la politique carcérale genevoise. Il y a un an, ce Grand Conseil abrogeait le crédit d'études pour la prison des Dardelles et demandait, par voie de motion, d'étudier d'autres solutions. Le Conseil d'Etat n'a pas tenu compte de la volonté du parlement: il s'obstine à poursuivre son projet de prison pharaonique tout en nous présentant une série de variantes plus petites mais toutes plus chères.

Genève a plus facilement recours à la détention préventive que d'autres cantons; pourquoi ? Parce que Genève s'entête à mener une politique de sécurité qui consiste à construire toujours plus de prisons, prisons qu'il s'assure ensuite de bien remplir ! La priorité devait être à la rénovation de Champ-Dollon, où les conditions de détention - Mme la députée von Arx l'a dit - et de travail des gardiens et gardiennes sont déplorables. Or cette urgence sert de prétexte, depuis 2012, à ce projet de mégaprison des Dardelles au détriment d'une solution plus rapide et plus humaine.

Parlons maintenant de notre police cantonale, réel sujet d'inquiétude. Une police qui travaille dans de bonnes conditions est plus motivée, s'implique plus et est capable de lutter contre la corruption, y compris dans ses propres rangs, ainsi que d'assurer la sécurité des concitoyens et concitoyennes. A Genève, la police est en sous-effectif; c'est une police sous pression dont le taux d'absence est le plus élevé de ces dernières années. Celui-ci est d'ailleurs accompagné d'une inquiétante augmentation du taux de suicide, signe d'un mal-être professionnel patent, et ce n'est sûrement pas l'annexion des polices municipales qui améliorera la situation.

En ce qui concerne la formation des futurs policiers et policières de notre canton, le Conseil d'Etat s'obstine à pérenniser un système passéiste et militariste éloigné des préoccupations et réalités genevoises. La police attire moins de candidats et de candidates; cela provoque inévitablement un nivellement vers le bas au recrutement. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne la police judiciaire, forcée de suivre une formation éloignée des spécificités de son métier. Il est temps de comprendre qu'il y a plusieurs métiers au sein de la police ! Le Conseil d'Etat pourrait sans autres rapatrier la formation à Carouge, où se trouve un centre adapté qui coûterait moins cher à notre canton et serait plus proche des réalités du terrain. Nous espérons que le Conseil d'Etat saura enfin changer sa doctrine de formation pour renforcer ainsi une police au service de la population.

Il y aurait encore beaucoup à critiquer de cette politique, entre autres la contradiction - voire l'hypocrisie - qui consiste à parler d'une politique migratoire humaine tout en accélérant le renvoi des requérants d'asile déboutés. Comme les précédents députés, nous saluons toutefois l'opération Papyrus, qui fut un succès, mais également le déploiement d'un secteur d'insertion par l'emploi: nous nous réjouissons de la certification en qualité d'entreprise formatrice de l'établissement fermé de La Brenaz. Nous espérons que les huit filières de formation professionnelle promises par le Conseil d'Etat aux personnes en exécution de peine seront sous peu une réalité. Néanmoins, comme mentionné en préambule de mon intervention, nous ne voterons pas cette politique publique. Je vous remercie.

M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, la police est en crise depuis un certain nombre d'années. La nouvelle loi sur la police, adoptée à une très faible majorité, en est à notre avis en grande partie la cause. Il ne s'agit pas de reprendre le débat entre les partisans de cette loi et ses opposants, mais de faire un bilan objectif de la situation actuelle. Deux éléments sont très inquiétants: d'abord l'insatisfaction de la police elle-même, rendue publique par une enquête de sa commission du personnel, et une enquête indépendante de l'Institut de recherches sociologiques qui pointe toutes les difficultés rencontrées au sein de la police.

J'aimerais souligner deux éléments qui me paraissent décisifs. Le premier, on l'a déjà mentionné, c'est la formation. La formation à l'académie de Savatan est une catastrophe, la presse s'en est fait systématiquement le relais. Ce n'est pas le fait du chef actuel du département mais de son prédécesseur, qui est aussi le père de cette loi sur la police; je n'évoquerai pas ses difficultés avec la justice, mais c'est effectivement un élément qui n'est pas pour rassurer un corps censé faire appliquer et respecter la loi.

Deuxième élément: la répartition des forces, des effectifs et des moyens. La police est affectée de manière prioritaire à des tâches d'encadrement, ce qui conduit à une hiérarchie pléthorique qui coûte extrêmement cher aux contribuables, au détriment de la police citoyenne de terrain, celle qui est là quand vous en avez besoin, qui est au service de la population. Police-secours en particulier ne peut pas assurer ses missions faute d'effectifs: ceux-ci ont été utilisés à la multiplication de l'encadrement de silos étanches qui ne correspondent pas les uns avec les autres et accentuent l'inefficacité de l'organisation policière à Genève.

Je crois donc qu'il est urgent, Mesdames et Messieurs les députés, d'abandonner les convictions des uns et des autres par rapport au débat sur la loi sur la police et de considérer objectivement les résultats. Je répondrai là à Mme von Arx, qui dit qu'il est trop tôt pour faire quoi que ce soit: non ! Il est déjà tard pour agir et il faut le faire dans la plus grande urgence ! Il faut trouver des solutions à ces dysfonctionnements parce qu'il en va finalement du travail d'un certain nombre de fonctionnaires, il en va de la sécurité de la population et il en va aussi de l'utilisation des deniers publics. Merci.

M. Florian Gander (MCG), député suppléant. Je vais rebondir sur quelques éléments évoqués. On nous a dit que Genève est un canton qui place beaucoup en détention préventive; je ne suis pas d'accord. Enfin, oui et non, dans le sens où on sait que 97% des personnes en détention préventive sont étrangères et n'ont pas de domicile fixe. On ne peut pas leur mettre un bracelet électronique et leur dire: «Vous restez chez vous et on vous a à l'oeil.» D'autant plus que le canton a plus de 100 kilomètres de frontière et un aéroport ! Toutes ces conditions font que, pour assurer la sécurité du citoyen, ces personnes doivent être placées en détention préventive en attendant d'être jugées, de manière qu'on les ait sous la main. Elles ne sont pas là pour rien: elles ont commis un délit et, en attendant, il faut bien qu'on puisse les surveiller.

S'agissant de l'engagement de nouveaux effectifs pour la police, je le comprends, et nous le soutenons aussi. On sait qu'il manque actuellement à peu près 700 policiers sur le terrain. Nous sommes pour le brevet fédéral des APM, c'est une chose que nous pouvons soutenir. Ces mesures permettront d'obtenir, dans un avenir proche, 300 postes supplémentaires: on n'aura pas couvert le déficit mais on pourra déjà avancer un peu mieux dans ce sens-là.

Je fais des bonds quand je vois les investissements - je me tourne là un petit peu vers mon magistrat - mais je sais que c'est la reprise des dossiers qui fait que c'est comme ça. Quand on voit les milliers voire les millions de francs que nous investissons pour l'acquisition de nouveaux radars ! Le dernier radar sur remorque coûte par exemple près de 300 000 francs; je pense que cet argent pourrait clairement être investi ailleurs, dans la formation, dans le matériel.

Toutes ces raisons issues du passé font donc que nous refuserons cette politique publique, mais nous espérons soutenir fortement ce département les prochaines années, avec notre magistrat, nouveau dans cette fonction. Je vous remercie.

Une voix. Bravo.

M. Cyril Aellen (PLR). Quelques mots pour réagir sur la question de la prison des Dardelles. Je crois qu'il est important de rappeler que la prison de Champ-Dollon est un établissement pénitentiaire qui, dans bien des domaines, ne respecte plus les critères de base de dignité des personnes détenues - pour ceux qui en ont la possibilité, des visites sont organisées. Il faut garder cette réalité-là à l'esprit lorsque l'on parle d'avoir une politique carcérale digne de notre canton.

Il y a un certain nombre de criminels qui doivent aller en prison et y rester un certain temps ! Il n'est pas question de libérer les violeurs, les cambrioleurs, les auteurs d'actes liés au crime organisé de toutes sortes, drogue ou autre - c'est important ! Il faut garder à l'esprit qu'il y a aujourd'hui un vrai problème; on doit sans cesse le réaffirmer si l'on veut être capable, dans notre canton, de respecter les minima prévus par la Convention des droits de l'homme. C'est, je crois, la première chose qui doit être dite.

La deuxième, c'est que la prison doit aussi être de qualité parce qu'elle est la garante de la réinsertion; c'est également l'objectif prioritaire de la prison. La prison sert effectivement à détenir des gens ayant commis des crimes qui méritent punition, mais il faut par ailleurs que ce soit une prison de qualité, et c'est à la société de s'en assurer, pour que ceux qui ressortent ne commettent pas de nouveaux délits et n'alimentent pas la longue liste des récidivistes. Nous le devons à eux, mais nous le devons aussi à l'entier de la population.

Encore quelques mots, même si des progrès ont été faits à ce sujet, sur la politique des mineurs. Il est aussi important d'avoir des structures de qualité sans qu'il s'agisse forcément d'établissements de détention, des établissements qui permettent de s'occuper en amont des gens à la dérive, pour prendre les choses avec sérieux assez tôt. Arrêtons donc de dire que la politique criminelle consiste à enfermer n'importe qui n'importe quand et tout le temps. Ayons au contraire un discours cohérent, conforme aux standards que notre canton mérite. Merci.

Une voix. Bravo !

M. Christo Ivanov (UDC). J'aurais une question pour le magistrat, M. Poggia: cela concerne l'office cantonal de la population. Il y a énormément de retard à l'OCP dans le renouvellement des permis, que ce soit des permis B, éventuellement des permis G, des permis étudiants, y compris ceux délivrés dans le cadre de l'opération Papyrus, et j'en passe. Les gens attendent plus d'une année ou une année et demie. Qu'entendez-vous faire pour résoudre ce problème, Monsieur le magistrat ? Je vous remercie pour votre réponse.

Une voix. Excellente question !

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaiterais que votre vote n'exprime pas un sentiment à l'égard du précédent porteur de cette politique gouvernementale, mais qu'il exprime au contraire un avis objectif sur une politique qui est bien sûr extrêmement importante dans notre canton, et que j'ai reprise dans les conditions que vous connaissez.

On accable la loi sur la police: on lui attribue la responsabilité de tous les dysfonctionnements, réels et imaginés. Il s'agit d'en faire une évaluation, nous n'avons évidemment pas attendu aujourd'hui pour nous y atteler: elle a commencé à l'interne, mais il faut aussi un regard externe. Je disposerai, à partir de la semaine prochaine, d'un proche collaborateur dont la tâche principale, sinon essentielle, sera précisément d'évaluer les conséquences de cette loi et les améliorations qui devront lui être apportées. Parce qu'il y en a: il est un peu paradoxal de dire qu'il y a un seul policier tout en donnant des tâches spécifiques à des corps particuliers, au point où l'entraide entre lesdits corps est de plus en plus difficile. Il faut donc évidemment redonner à la police cette flexibilité pour pouvoir répondre, selon les besoins du moment, aux attentes de la population.

Cela concerne aussi la police de proximité. Vous avez vu le rapport de la Cour des comptes: nous avons plus de 360 policiers municipaux dont les tâches, selon les communes, sont diverses. Certaines communes en comptent par ailleurs très peu, d'autres aucun. S'agissant de la proximité, cette force apporte évidemment son concours pour répondre aux besoins immédiats de la population, pour les problématiques quotidiennes. Police-secours est bien sûr importante: c'est la face visible de l'institution, la plus visible, je dirais, si l'on fait abstraction de la police routière lorsqu'elle vous arrête pour faire des contrôles. C'est police-secours qui intervient lorsque vous en avez besoin et il faut qu'elle soit efficace. Je ne dirai pas que les sous-effectifs sont la seule cause des problèmes actuels: il y a évidemment aussi des problèmes d'organisation.

Il y a également la question de la formation et du recrutement; on a parlé de Savatan. Les nostalgiques voudraient rapatrier la formation à Genève, parce qu'y en a point comme nous ! Les réflexions doivent aller au-delà de notre petit canton: il faut se demander s'il n'est pas temps de créer une école commune en Romandie pour répondre de manière efficace aux besoins. Mais il est aussi indispensable de faire en sorte que les policiers et les policières qui devront ensuite travailler dans notre canton reçoivent les formations spécifiques nécessaires aux particularités genevoises. Genève n'est ni une ville ni un canton comme les autres, et c'est vrai que celles et ceux qui devront assurer notre sécurité doivent aussi se voir dispenser des formations spécifiques. Je ne parle même pas de la police judiciaire, où on a parfois besoin de compétences extrêmement pointues: il ne faudrait surtout pas que la formation telle qu'elle est structurée aujourd'hui dissuade ces compétences de s'engager dans notre police, que je salue ici pour son engagement.

Donc célérité oui, non pas précipitation. Il est facile d'attribuer à la loi sur la police toute la responsabilité des reproches formulés. Je pense qu'il y a aussi eu un problème - il faut le dire - de relation de confiance entre la police et son magistrat. Je ne suis pas meilleur qu'un autre, mais je sais où cela a péché et où il faut évidemment mettre les forces nécessaires: c'est d'abord dans l'écoute et le respect. Et je pense que notre police doit effectivement avoir la conviction qu'elle est entendue et respectée; cela ne veut toutefois pas dire qu'elle sera systématiquement suivie dans ses revendications.

En ce qui concerne la politique pénitentiaire, Mesdames et Messieurs, Bossuet vous dirait que «Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes». On vous a soumis un projet, celui des Dardelles, qui, s'il n'est certes pas parfait, répond à nos besoins. Alors on nous dit que c'est un projet pharaonique ! Nous savons aujourd'hui que, de manière constante, nous produisons - excusez-moi du terme - environ 450 personnes en exécution de peine. Or nous n'avons pas ces places et ce sont précisément ces places que Les Dardelles doivent nous procurer. Il ne s'agit pas de construire une prison pour importer des personnes condamnées d'autres cantons: il s'agit d'abord de répondre à nos propres besoins.

Certains m'ont parfois dit, en commission, de faire en sorte que les magistrats condamnent moins - ou qu'ils condamnent moins à la détention, excusez-moi ! Un principe existe, celui de la séparation des pouvoirs; on peut avoir son opinion sur des cas particuliers, mais je me vois mal aller dire à notre justice que certaines personnes devraient être élargies plus rapidement. Tout est une question de nuance et je suis certain que notre magistrature en est parfaitement consciente, même si, s'agissant de détentions avant jugement, il y a certainement des efforts à faire pour agir avec nuances et que ces périodes soient le plus courtes possible. La règle étant bien sûr la liberté et non la détention: les personnes sont présumées innocentes jusqu'à ce que leur responsabilité, leur culpabilité, ait été judiciairement constatée.

La politique pénitentiaire est un jeu de dominos: sans Les Dardelles, Mesdames et Messieurs, Champ-Dollon sera toujours surpeuplé. Il y aura toujours cette promiscuité entre détention avant procès et exécution de peine. On se rend bien compte que ce ne sont pas les mêmes personnes qui doivent prendre en charge les deux types de détenus et que cela ne doit pas se faire dans la même configuration. Tout un travail doit être fait pour la préparation au retour dans la société, et là nous sommes mauvais ! Nous sommes même très mauvais ! Compte tenu précisément de cette promiscuité, nous ne pouvons en effet pas faire cette préparation. Vous savez qu'il y a l'obligation de travailler pour les personnes condamnées; eh bien cette obligation ne peut pas être mise en application.

Sans Les Dardelles, Champ-Dollon restera comme il est: il ne pourra même pas être rénové alors qu'il en a besoin après plus de quarante ans d'existence. Ses occupants n'en ont pas pris un soin particulier - on peut sans doute le comprendre - et il est nécessaire d'y apporter quelque rafraîchissement, si vous me passez l'expression.

Sans Les Dardelles, La Brenaz restera une prison d'exécution de peine alors qu'elle a été construite pour la détention administrative. Or cette détention administrative se fait dans des conditions déplorables à Favra. Même si elle est de courte durée, il n'est pas admissible que les personnes en détention administrative doivent vivre dans des conditions telles qu'on en a connu à Favra, notamment en période de canicule.

Je vous le demande donc, mais j'y reviendrai: il faut absolument que vous nous donniez maintenant les moyens de démarrer ces travaux. Nous vous avons apporté la démonstration que le projet qui vous a été présenté n'est pas pharaonique: il est calibré aux besoins de Genève et il est indispensable à très court terme pour mener une politique pénitentiaire qui ait du sens.

Je répondrai, pour terminer, à l'interpellation sur l'office cantonal de la population. Vous avez raison, Monsieur le député: il y a des retards inadmissibles dans l'examen des dossiers et dans la délivrance des permis. Je signale rapidement, en ce qui concerne Papyrus, que cela ne relève pas uniquement de Genève puisque les dossiers sont ensuite transmis au SEM, qui doit donner son accord. Mais c'est vrai que tout cela n'est pas particulièrement rapide. Nous avons déjà renforcé, cette année, les effectifs de l'OCPM avec quatre collaborateurs de la police et nous le referons l'année prochaine.

Il n'est pas normal que des dossiers attendent d'être examinés, que le jour où ils le sont on se rende compte qu'ils sont incomplets et que l'on envoie souvent au mandataire du requérant une demande d'éléments complémentaires - là on reçoit évidemment des lettres furieuses. Je pense que les dossiers doivent être immédiatement complets: c'est à la chancellerie, c'est-à-dire lors de la réception des dossiers, que ceux-ci doivent être immédiatement examinés et complétés. Pour le reste, nous ferons bien sûr avec les budgets que vous nous donnerez pour répondre plus rapidement aux besoins des requérants dans ce domaine.

Je vous remercie, Mesdames et Messieurs. Sachez en tout cas que cette politique publique est l'objet d'une attention toute particulière, non seulement de votre serviteur mais du Conseil d'Etat, et que nous ferons en sorte, l'année prochaine, que vous puissiez exprimer - voeu pieux peut-être - quelque satisfaction. Je vous remercie.

Le président. Merci bien. Nous passons au vote.

Mise aux voix, la politique publique H «Sécurité et population» est rejetée par 49 non contre 2 oui et 25 abstentions. (Exclamations à l'annonce du résultat. Rires.)

Une voix. Bravo, Guy !

Une autre voix. C'est gentil ! (Commentaires.)

I - IMPOTS ET FINANCES

Le président. Nous passons à la politique publique I «Impôts et finances» et je cède la parole à M. le député François Baertschi.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Nous sommes préoccupés par deux éléments: d'abord la péréquation intercantonale, qui est défavorable à Genève et au sujet de laquelle nous devons nous battre. Des progrès ont déjà été enregistrés, mais il faut encore aller beaucoup plus loin pour que les Genevois ne soient pas, comme d'habitude, les dindons de la farce à l'échelon fédéral. C'est une chose pour laquelle nous nous engagerons à tous les niveaux de notre Etat de droit.

L'impôt à la source est un autre sujet de préoccupation: il est beaucoup trop favorable. Rappelons qu'il est essentiellement favorable - essentiellement, même si des permis B sont aussi concernés - pour les travailleurs frontaliers, soit les permis G. Ils sont imposés selon des critères qui, je persiste et signe, leur sont beaucoup trop favorables. Cette question va continuer à nous interpeller, et nous suivrons notamment les changements qui nous sont annoncés pour ces prochains temps aux niveaux fédéral et cantonal.

M. Jean Rossiaud (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, vous le savez, les Verts accordent une importance particulière à la politique publique dite «Impôts et finances». Si nous ne la voterons pas favorablement, ce n'est pas tant que nous contestons les comptes, mais c'est principalement parce que nous tenons à exprimer notre désaccord fondamental vis-à-vis de la politique fiscale telle qu'elle est menée.

La politique du Conseil d'Etat, que cautionne notre parlement, ne prend pas la mesure de l'urgence climatique - cela a été répété. La politique du Conseil d'Etat, que cautionne notre parlement, ne nous prépare pas à la prochaine crise financière ni à la crise économique et sociale qui lui succédera. Nous devons rappeler année après année, comme l'a fait précédemment la députée Adrienne Sordet, que le premier risque est le risque climatique. C'est ce que savent les jeunes aujourd'hui, c'est ce qu'ils nous disent et nous crient dans la rue; c'est ce que la majorité de ce parlement n'arrive pas à entendre, n'arrive pas à comprendre. Face à l'urgence climatique, les Verts ne lâcheront rien !

La crise climatique tue. Et la crise climatique nous coûte cher. Un élément concomitant, l'augmentation de la population, impacte très fortement la santé. Je le répète, Mesdames et Messieurs les députés: plus de 300 morts supplémentaires par an à Genève, si l'on extrapole les chiffres de l'OFSP sur la Suisse, et probablement quinze à vingt fois plus de malades. C'est intolérable d'un point de vue humain, je dirais même d'un point de vue humanitaire; c'est imbécile d'un point de vue économique !

Accepter le fait que nous sommes dans une situation d'urgence climatique et en tirer les conséquences demande de refonder toutes les politiques publiques que nous étudions aujourd'hui. Les objectifs de chacune d'entre elles doivent promouvoir une vie saine et en bonne santé dans un environnement sain et maîtrisé. C'est la base de la vie, c'est la base de notre vie individuelle et collective que nous sapons en poursuivant notre développement économique erratique. Le risque est planétaire, mais nous savons que si nous faisons notre part, nous aurons fait notre travail et nous n'en vivrons que mieux au quotidien. Nous économiserons énormément d'argent en mesures réparatrices d'un système délétère que nous entretenons avec constance et obstination.

Faire entrer nos politiques publiques dans le paradigme de la durabilité à court et à moyen terme, cela signifie moins d'impôts à lever, car moins de dépenses sanitaires, sociales et environnementales à effectuer. Maîtriser la croissance, c'est retrouver notre souveraineté sur notre territoire, refonder notre démocratie et arrêter une fuite en avant boulimique. Lutter contre la corruption et maintenir un Etat de droit irréprochable - irréprochable, Mesdames et Messieurs du gouvernement ! - efficace et efficient, cela demande de pouvoir compter sur des ressources pérennes pour assurer les politiques publiques que le peuple et ses représentants que nous sommes ont choisies.

En faisant accepter au peuple la RFFA, vous avez à la fois opté pour la diminution des recettes et la poursuite aveugle d'une politique de développement qui aggrave la crise climatique. Le système que nos politiques publiques promeuvent est tout sauf résilient, et pourtant, la politique fiscale peut et doit être l'outil de cette réorientation, de cette transition à la fois vers davantage de résilience face aux crises et de prospérité collective et partagée.

L'administration fiscale cantonale et le département des finances doivent être capables d'assumer au mieux leur mission de garants de la levée de l'impôt et de la gestion exemplaire des deniers publics. Une nouvelle fois, nous demandons davantage de postes, de prospective...

Le président. Monsieur Rossiaud, vous avez terminé.

M. Jean Rossiaud. Juste un dernier mot pour remercier le personnel de l'Etat et celui de l'administration, qui font un travail remarquable et qui sont les vigiles de cette politique publique. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Vincent Maitre (PDC). Contrairement au député Rossiaud, le groupe PDC soutiendra cette politique publique pour une raison simple: le Conseil d'Etat va enfin réellement dans le bon sens avec sa politique fiscale - il est de notoriété publique que la fiscalité de notre canton est la plus lourde du pays. Elle détériore gravement le pouvoir d'achat, en particulier celui de la classe moyenne, la plus durement touchée, notamment de par le mécanisme de progressivité des barèmes que nous appliquons en Suisse. Nous nous félicitons évidemment, au PDC, que cette réforme de la fiscalité des entreprises ait été acceptée à une écrasante majorité de la population, n'en déplaise à mon préopinant. Je note au passage que son groupe soutenait la RIE III et a refusé la RFFA pourtant moins douloureuse, selon ses critères, pour la population.

Je me réjouis que le travail du Conseil d'Etat continue dans la bonne voie. Il faudrait s'attaquer désormais au chantier de l'imposition sur la fortune, que ce soit pour les personnes morales ou les personnes physiques. La Suisse est l'un des derniers des Mohicans à appliquer cet impôt inique, ou du moins mal adapté. Dans une collectivité publique comme la nôtre, dans une société comme la nôtre, vous pouvez de toute évidence avoir parmi les meilleurs systèmes de santé et d'assistance sociale au monde: si tout cela est écrasé par une fiscalité trop lourde, eh bien ces systèmes parmi les meilleurs au monde ne servent finalement à rien. Une bonne fiscalité est une fiscalité adaptée, mesurée et qui ne grève pas le budget de la classe moyenne. Nous encourageons par conséquent le Conseil d'Etat à poursuivre dans cette démarche-là; le PDC - et l'Entente, assurément - s'en fera le porte-voix pour le reste de cette législature. Le PDC votera donc résolument cette politique fiscale.

Une voix. Bravo !

M. Marc Fuhrmann (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, même si on l'a déjà mentionné, il faut quand même redire que Genève est le canton où les impôts sont les plus élevés de Suisse. C'est aussi un canton où pas loin de 40% de la population ne paie en fait pas d'impôts et où environ 10% en paie quasiment l'essentiel: cela ne peut que mener à la catastrophe. Il faut aussi regarder les chiffres, notamment l'endettement par habitant, qui s'élève ici à près de 35 000 francs alors qu'il est à peu près de 4000 francs à Zurich, canton avec lequel on aime bien se comparer. Eh bien, à ce niveau-là, il n'y a visiblement pas photo puisque notre dette est nettement plus élevée ! Si l'on prend encore ce même chiffre par contribuable - soit la dette par contribuable au lieu de la prendre par habitant, puisqu'on a vu que 40% des contribuables paient zéro impôt et n'en paieront probablement jamais - cette dette se monte à plus de 100 000 francs. Je ne comprends pas pourquoi on n'arrive pas à apprendre des erreurs de nos voisins, notamment des Français, ou de nos amis italiens et espagnols, avec des dépenses publiques... Avec une population qui est en fait droguée, qui est accro aux dépenses publiques ! Dans un monde où l'environnement économique est devenu tellement plus difficile, tendu et serré, cela, comme je le disais, ne peut mener qu'à la catastrophe.

Par ailleurs, avec nos belles frontières ouvertes, une grande part des gros salaires payés aujourd'hui à Genève ne le sont plus à des Genevois ou à des Confédérés, mais à beaucoup de ressortissants de France, d'Allemagne, d'Angleterre. Ceux-ci vont probablement rester quatre, cinq ans, peut-être dix, mais, tôt ou tard, la plupart vont repartir et nous laisser avec la dette, qui nous restera, et probablement avec des salaires qui seront aussi, à l'avenir, beaucoup plus bas. Ça me tient tout autant à coeur qu'à vous d'avoir un canton où il fait bon vivre, où existe une égalité des chances et des possibilités de vie, mais au vu de ce qui est en train de se passer ici, c'est tout le contraire ! On va droit dans le mur ! Je pense donc qu'il faudrait reprendre sa méthode ou à tout le moins essayer d'apprendre comment un canton comme Zurich travaille et arrive à équilibrer ses comptes. Et tout ça en gardant un service public qui fonctionne, une réelle sécurité et surtout une vraie possibilité d'avenir à construire ! Voilà, merci.

Des voix. Bravo !

M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, une bonne fiscalité commence par une fiscalité qui s'applique à tous de la même manière. Or vous savez que la fraude fiscale est un élément essentiel de la perte de recettes de l'Etat. David Hiler, que tout le monde, de gauche à droite, encense ici - c'est un ami, mais je ne l'encenserai pas politiquement - disait en 2005 que l'évasion fiscale, la fraude fiscale faisaient perdre à l'Etat 500 millions par année, et cela à une époque où le revenu de Genève était à peu près la moitié de celui d'aujourd'hui. Faites un calcul: on doit maintenant être autour d'un milliard de francs d'évasion, de fraude fiscales. Ce qui veut dire qu'il y a des gens qui paient leurs impôts selon la loi et d'autres qui ne le font pas !

Comment est-ce possible ? Eh bien une émission de télévision qui date de décembre 2017, «Géopolitis», nous indique que la corruption, qui permet l'évasion fiscale, est organisée dans des paradis fiscaux. Mais ce qui m'a beaucoup inquiété, c'est que Mark Pieth, professeur de droit pénal à Bâle, dit plus spécifiquement: «Mais je commencerais par regarder à Genève, du côté de la rue du Général-Dufour, chez les avocats qui créent les structures offshore.» Il semble donc que des avocats - je ne les connais pas - à la rue du Général-Dufour...

Une voix. Non !

M. Jean Batou. ...créent des structures offshore ! Bon. L'émission nous explique ensuite que les pots-de-vin, en Suisse, ont longtemps bénéficié d'une certaine tolérance des autorités. Evidemment: les pots-de-vin servent à obtenir quelque chose de quelqu'un et, parfois, ce sont les autorités qui en sont les bénéficiaires ! Et on nous indique, dans cette émission, que des entreprises peuvent encore aujourd'hui, en Suisse, déduire de leurs impôts les pots-de-vin versés à des particuliers. Alors je me suis posé une question que tout le monde devrait se poser ici: est-ce que, quand une grande chaîne d'hôtels verse des pots-de-vin...

Une voix. Ah bon ?! (Rire.)

M. Jean Batou. ...ou procure des avantages à un magistrat ou à un autre... (Rire.) ...est-ce que Manotel déduit ces montants de ses impôts? (Rire.) Cette question s'adresse au département des finances et probablement aussi à la commission de contrôle de gestion. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Le président. Merci. La parole est à M. le député Marc Falquet. (Un instant s'écoule.) Monsieur Marc Falquet ? (Remarque.) Alors je passe la parole à M. le député Yvan Zweifel.

Des voix. Non !

Une voix. Il s'est levé !

Le président. Ah, vous prenez la parole ? D'accord.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. J'ai une question pour la cheffe du département à propos de la politique de l'emploi au département des finances. On sait que les plus de 50 ans ont toutes les peines à trouver du travail et que des mesures ont été prises, notamment pour aider le secteur privé à engager ces gens avec des subventions pour les employeurs, l'AIT et l'ARE. Or, on apprend que le département des finances a émis une directive à l'attention de l'office cantonal de l'emploi pour que celui-ci ne lui envoie plus le CV des candidats de plus de 50 ans ! C'est inadmissible ! Il s'agit d'une directive interne, orale, qui est connue de l'office cantonal de l'emploi. L'Etat, qui essaie de favoriser l'employabilité des plus de 50 ans, devrait au moins montrer l'exemple dans ses services et ne pas exclure les personnes de plus de 50 ans de toute possibilité d'emploi. J'ai déposé une question écrite urgente sur ce même sujet; la cheffe du département ne pourra donc peut-être pas répondre maintenant. Merci.

M. Yvan Zweifel (PLR). Mesdames et Messieurs, je reviens sur les propos du rapporteur, M. Baertschi, qui s'inquiète de la question de la péréquation intercantonale en disant que Genève verse peut-être un peu trop aux cantons - je crois ne pas déformer vos propos, Monsieur le rapporteur, en le disant ainsi. Pourtant, si Genève est un contributeur important à cette péréquation intercantonale, c'est pour une raison extrêmement claire: c'est que nous sommes un canton riche ! Effectivement, les gens gagnent peut-être un peu plus dans notre canton que dans les autres - un canton qui a la chance d'avoir des entreprises florissantes, qui, heureusement, grâce à un vote populaire intelligent, resteront ici cependant que d'autres arriveront peut-être encore. Cela nous permettra de garder une substance financière importante, qui sera ensuite ponctionnée et permettra toutes les dépenses conséquentes voulues par une majorité de ce parlement - que M. Rossiaud notamment évoquait tout à l'heure - qui pourront donc continuer à être faites. Genève est un canton riche et c'est tant mieux.

Parallèlement à cela, c'est aussi le canton qui ponctionne le plus cette richesse; ce n'est pas moi qui le dis, mais le Département fédéral des finances, qui montre encore une fois que Genève est le canton qui exploite le plus son potentiel fiscal. Autrement dit, nous sommes riches, nous sommes pourtant ceux qui ponctionnent le plus, mais nous nous plaignons parce que nous donnons trop aux autres. Et pourquoi se plaint-on qu'on donne trop aux autres ? Parce qu'on n'a pas encore assez chez nous pour continuer à dépenser ! C'est bien la démonstration, Mesdames et Messieurs, que le problème ne réside pas dans les recettes mais bel et bien dans les dépenses !

On a assez de recettes, on ponctionne beaucoup plus que les autres, mais on continue à se plaindre parce qu'on n'a pas assez de moyens alors qu'on dépense beaucoup plus que les autres. S'agissant des dépenses publiques, pour prendre des cantons un peu comparables, vous savez qu'on dépense 20 862 francs par habitant à Genève, mais seulement 14 956 francs dans le canton de Vaud - c'est-à-dire 40% de moins qu'à Genève - et 13 114 francs dans le canton de Zurich, soit 60% de moins. Nous sommes donc riches, nous ponctionnons beaucoup plus que les autres, nous dépensons beaucoup plus que les autres, et il y en a ici qui continuent à se plaindre ! Non, Monsieur le rapporteur ! Le problème n'est pas la péréquation intercantonale - tant mieux si on est solidaire - mais ce que l'on fait avec l'argent que l'on ponctionne en trop à Genève: on le dépense tout simplement n'importe comment. Et si M. Rossiaud se plaint parce que nous n'avons pas assez de moyens pour l'urgence climatique...

Une voix. Non ! Mais non ! (Commentaires.)

M. Yvan Zweifel. ...alors qu'il soit dit ici que l'on mette des moyens pour cette urgence climatique. Mettons les moyens, Monsieur Rossiaud ! Ayez aussi le courage de dire qu'il y a peut-être d'autres prestations, datant d'un temps révolu, qui ne sont aujourd'hui plus utiles et que l'on doit supprimer pour mettre des moyens là où l'on considère que c'est une priorité, si tant est que celle-ci en soit une.

Mesdames et Messieurs, le groupe PLR votera cette politique publique tout simplement parce que le Conseil d'Etat - mais ce parlement également - a pris la mesure du fait qu'on ponctionne justement trop. On a peut-être enfin pris en compte ce que le Département fédéral des finances dit depuis plusieurs années déjà; on a donc décidé d'alléger la pression fiscale des entreprises avec la RFFA. C'est nous qui l'avons votée, mais c'est surtout le peuple qui l'a ratifiée. Pour ceux ici qui se plaignent des décisions démocratiques que prendraient ce parlement et le peuple, je vous rappelle que la RFFA a été très largement acceptée malgré les volte-face de certains, à commencer par celle d'un rapporteur qui ira à Berne expliquer aux Suisses allemands comment il faut aborder la fiscalité. Ils rigoleront beaucoup en vous écoutant, mais ça, c'est une musique d'avenir. A titre personnel, j'ai hâte de voir ça.

Ce parlement a enfin adopté une bonne mesure en allégeant la fiscalité non seulement des personnes morales mais aussi des personnes physiques. Nous allons continuer à pousser dans ce sens parce qu'il est inadmissible qu'on ponctionne toujours autant nos contribuables, qu'il s'agisse des personnes morales ou des personnes physiques, dans un canton qui a de telles ressources ! Puisque l'on va dans la bonne direction, le groupe PLR votera cette politique publique et vous remercie de faire de même. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Je voudrais juste revenir sur un fait un peu inexact. C'est vrai que tous les contribuables paient beaucoup d'impôts; ils en paient peut-être trop. Chacun peut évidemment avoir ce sentiment, mais il n'empêche qu'il est quand même possible de faire une comparaison objective. Le préopinant PDC se plaint que la classe moyenne paie trop d'impôts à Genève. Mais si on compare avec le Valais, on se rend compte que la classe moyenne, la classe moyenne inférieure et même les familles sont matraquées fiscalement en Valais alors que leur situation est plus favorable à Genève.

Que cherche donc le PDC ? A faire des cadeaux aux très gros contribuables, qui ne correspondent absolument pas à la vraie classe moyenne, à la classe moyenne inférieure, aux contribuables lambda, aux personnes normales qui paient leurs impôts. Elles ont de la peine à les payer mais elles les paient malgré tout, bon an mal an; elles les paient, tout simplement. Et ce sont ces gens-là qui vont souffrir, ce sont ces gens-là ! Si on choisit le modèle PDC, bonjour les augmentations d'impôts pour les plus modestes, pour ceux qui sont dans des situations de vie délicates ! Parce que c'est la réalité: c'est le modèle économique appliqué par l'Etat PDC en Valais, et c'est ce qu'on veut appliquer à Genève ! Non !

A Genève, nous avons eu des baisses d'impôts, que nous avons soutenues, pour l'essentiel des contribuables, même pour les petits, et c'est ce qui nous intéresse. Arrêtons de peindre le diable sur la muraille, défendons une politique favorable aux citoyens - à tous les citoyens, pas seulement aux multimillionnaires. Laissons les multimillionnaires se réfugier en Valais, faire les exilés fiscaux. (Applaudissement.) Actuellement, il y a un exilé fiscal qui veut nous faire la leçon. Laissons-les en Valais ! Envoyons-les à la caisse et disons-leur: Genève ne vous veut pas, fichez-nous la paix ! (Applaudissements.)

Une voix. Voilà !

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, je commencerai par féliciter le département des finances sur un point: j'ai toujours critiqué l'opacité entourant l'octroi des allégements fiscaux et, dans ce rapport de gestion, nous avons pour une fois un peu plus de transparence et un peu plus de détails ! Ça reste encore très opaque, mais il y a un progrès - félicitations !

On parlait de la péréquation intercantonale. Il faut savoir - et je le rappelle - que les allégements fiscaux octroyés aux entreprises ne sont pas compris dans le calcul de la péréquation intercantonale. Par conséquent, c'est un manque à gagner supplémentaire qui vient s'ajouter à cette péréquation. Celle-ci pose problème même si le canton de Genève se porte économiquement bien. Le réel problème se situe au niveau de Berne ! Genève ne devrait en effet pas payer autant: c'est un canton urbain qui a des besoins extrêmement importants du fait de ses conditions sociodémographiques. Le système fédéral ne marche pas: les petits cantons sont surreprésentés et retirent beaucoup trop de bénéfices de cette péréquation intercantonale.

S'agissant des dépenses publiques, elles seraient trop élevées à Genève. On ne va pas encore ressortir les mêmes chiffres ! Genève est certes le deuxième canton qui a les dépenses publiques par habitant les plus élevées. Par contre, Genève est le neuvième canton de Suisse qui a les dépenses publiques les plus élevées en fonction du produit intérieur brut par habitant - là, il devient tout de suite beaucoup plus semblable aux autres ! Si on pousse la comparaison encore un peu plus loin, Genève est le canton qui a les plus forts taux de chômage et de personnes à l'aide sociale, et il est le deuxième canton dans lequel les loyers moyens sont les plus élevés. En réalité, nous avons certainement le coût de la vie le plus élevé de Suisse et, lorsque l'on calcule la dépense publique par habitant, eh bien celle-ci devient finalement beaucoup moins importante.

Ensuite, j'entends parler d'un canton dans lequel la classe moyenne serait accablée par les impôts. C'est intéressant: je regardais encore récemment l'analyse de la «Tribune de Genève» d'il y a quelques années où l'on voit que pour plusieurs classes de revenus - 100 000 francs, 200 000 francs, personnes seules, couples, couples avec enfants - le canton de Vaud, notre cher voisin dont nous parlons si souvent, a en réalité une fiscalité plus élevée.

Enfin, je rejoins Vincent Maitre: oui, la question de l'imposition sur la fortune est la thématique à venir. A la commission fiscale, nous avons chaque année les chiffres: parce qu'elles s'appauvrissent, de plus en plus de personnes n'ont pas les moyens de payer des impôts à Genève, de plus en plus de personnes vivent dans la précarité. A l'inverse, nous avons une proportion de grandes fortunes qui augmente, tout comme la fortune imposable de ces personnes. Genève connaît donc une véritable croissance des inégalités. Et le problème est là ! Il faut mieux répartir les richesses dans notre canton et c'est en effet par l'impôt sur la fortune que nous devrons parvenir à une meilleure répartition. Je rejoins Vincent Maitre: c'est là l'enjeu à venir pour notre canton - mieux répartir les richesses ! Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

M. Jean Rossiaud (Ve). J'ai été mis en cause par M. Zweifel et ça me fait plaisir de répondre. M. Zweifel fait dire absolument tout et n'importe quoi aux chiffres - souvent n'importe quoi. Quand ça concerne l'idéologie et la politique propres du PLR, ça ne me dérange pas. Quand c'est sur ce que nous, les Verts, nous disons, je suis obligé de réagir.

Les Verts genevois se sont opposés à la RIE III tout comme ils se sont opposés avec détermination à la RFFA. Les Verts ne veulent pas plus de dépenses publiques pour plus de dépenses publiques. Les Verts soutiennent avec force que la politique que mène ce parlement sous la pression, disons, du PLR n'est pas compatible avec une vie saine et une bonne santé pour les Genevoises et les Genevois. Plus nous allons dans ce sens-là, plus nous persistons dans ce développement erratique, et plus nous attirons des entreprises qui produisent peut-être de l'impôt mais qui créent surtout des inégalités: elles accroissent la pauvreté et permettent... (Remarque.) Pardon ? (Remarque.)

Le président. S'il vous plaît, continuez au lieu de répondre: je transmettrai à qui de droit. Merci.

M. Jean Rossiaud. Merci. La politique que vous menez accroît les inégalités, augmente la pauvreté et est une catastrophe tant sur le plan du développement territorial que sur le plan écologique. Tout cela nous coûte beaucoup trop cher ! Tout cela réclame beaucoup trop d'impôts; si nous menions une politique saine, nous aurions besoin de moins de rentrées fiscales. C'est ce que nous disons et répétons ! Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

Une autre voix. Très bien ! (Remarque.)

M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, ces débats reviennent souvent dans notre Grand Conseil, que ce soit lors des comptes ou du budget; d'éternelles discussions que nous menons également à la commission fiscale, où je siège avec mon collègue Romain de Sainte Marie. Cela étant, il me semble quand même important de rappeler un certain nombre de chiffres et de faits.

Quand on parle de charges par habitant - mon collègue Romain de Sainte Marie a évoqué la question tout à l'heure - il faut les mettre en regard avec le PIB, et en regard du PIB, le canton de Genève n'est absolument pas le plus dépensier. Ce qu'il est fondamental de souligner - mais à droite, vous ne le faites jamais - c'est qu'on ne peut pas juste prendre comme références le canton et son budget par habitant, il faut tenir compte de l'ensemble des collectivités publiques. A Genève, en effet, les compétences respectives de l'Etat et des communes ne sont pas les mêmes qu'à Zurich ou dans le canton de Vaud, où énormément de charges liées à la police, à la sécurité ou à l'aide sociale, par exemple, relèvent des communes, non du canton. Si, dans votre comparaison intercantonale, vous considérez l'ensemble des collectivités publiques, alors vous constatez que Genève n'est pas du tout le plus dépensier de Suisse.

Je reviens à la fiscalité des personnes physiques. Oui, Monsieur le président, 35% des contribuables genevois ne paient pas d'impôts. Mais pourquoi ? Parce qu'ils n'ont pas envie de s'en acquitter ? Parce qu'ils se disent: «Non, je préfère ne pas contribuer à la collectivité» ? Bien sûr que non ! C'est tout simplement parce que ces personnes-là, ces familles-là ne peuvent pas payer d'impôts: les loyers sont extrêmement chers, les primes d'assurance-maladie sont extrêmement chères, le coût de la vie à Genève est extrêmement élevé, et ces gens ne peuvent tout simplement plus payer d'impôts avec le revenu qu'il leur reste.

Si on compare Genève avec les autres cantons - ces chiffres sont parus dans la presse dernièrement - en prenant par exemple une famille avec deux enfants, on note qu'avec un revenu de 100 000 francs, de 150 000 francs, de 200 000 francs - là, c'est déjà la classe moyenne supérieure - et jusqu'à 250 000 francs, la situation est plus avantageuse pour un foyer à Genève qu'à Lausanne, dans le canton de Neuchâtel ou dans le Jura. Il est donc faux de dire que Genève ponctionne sa classe moyenne beaucoup plus que les autres cantons.

Par contre, l'impôt est plus progressif - et c'est heureux, pour le parti socialiste ! - dès que vous touchez un revenu supérieur à 300 000 francs et jusqu'à 1 million, et que vous possédez de la fortune. Mais il s'agit là d'une politique fiscale de base, en tout cas pour le parti socialiste, à savoir qu'on exige davantage de contribution des personnes riches, voire très riches. C'est quelque chose qu'on arrive difficilement à faire à Genève; chaque fois, on entend la même menace: «Mais ces gens vont partir dans un autre canton ou dans un autre pays !» Non, Mesdames et Messieurs, les contribuables très aisés par leur revenu ou leur fortune doivent contribuer davantage afin de faire diminuer les inégalités.

Ces inégalités sont croissantes: le nombre de dossiers à l'aide sociale augmente de manière dramatique depuis des années, plus de 100 000 personnes bénéficient de subsides à l'assurance-maladie - on en a déjà parlé lors du débat sur la RFFA et l'initiative socialiste pour le plafonnement des primes - et il y en aura encore plus avec la nouvelle loi. Plus de 100 000 personnes, ça fait un Genevois, une Genevoise sur quatre ou cinq ! C'est énorme, ça signifie que les gens n'arrivent plus à payer leurs charges. Par conséquent, il nous faut - c'est le discours du parti socialiste - une fiscalité beaucoup plus redistributive pour que les grandes fortunes et les hauts revenus de ce canton participent davantage à l'effort commun afin de soutenir les citoyens les plus fragiles. Merci. (Applaudissements.)

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Je voudrais juste répondre à M. Zweifel qui m'a accusé de volte-face: j'ai toujours été opposé à la RFFA, j'ai toujours dit que le compte n'y était pas, j'en suis d'ailleurs assez fier. Et le débat que nous avons mené hier montre que je n'avais pas nécessairement tort. J'avais proposé qu'une partie des baisses fiscales en faveur des entreprises soit compensée par des ajustements sérieux de la fiscalité immobilière, mais je n'ai pas été suivi; évidemment, je regrette avec vous de ne pas avoir été immédiatement suivi par l'assemblée générale de mon parti.

Mme Danièle Magnin (MCG). En ce qui me concerne, j'en ai plein les oreilles d'entendre - c'était le propos de M. Rossiaud - que la santé de la population serait affectée par une prétendue pollution. Il faut tout de même rappeler que la première cause d'atteinte à la santé, c'est la fumée du tabac, comme est venu nous l'expliquer à la commission de l'environnement le président de l'Association des médecins du canton de Genève.

Ensuite, M. Batou voudrait un impôt égal pour tout le monde; alors ça, on peut le désigner de façon bien claire, c'est la «flat tax» ! Si c'est de ça qu'il parlait, je ne peux qu'approuver, je ne peux que l'en féliciter. On ne peut pas nier la réalité: lorsque des gens possèdent une fortune d'une certaine importance, que leurs liens avec notre canton ne sont finalement que de l'ordre du plaisir d'être ici, de la beauté du paysage, de la sécurité, et qu'ils se font manger tout crus, qu'ils se font tondre la laine sur le dos, eh bien ils s'en vont ! Je pourrais vous citer des dizaines d'exemples, évidemment pas en public et à la télévision, mais il est absolument clair et évident que passé un certain stade de fortune, les personnes s'installent là où la fiscalité les dévore le moins.

En réalité, ce qui bousille le budget des ménages et de la classe moyenne, c'est le montant non seulement des primes d'assurance-maladie, mais surtout des loyers ! Pas plus tard qu'hier, j'ai reçu une petite information au sujet d'un appartement de trois pièces à la rue Marignac pour 4000 francs par mois. Mais écoutez, les bras vous en tombent ! Ce n'est tout simplement pas possible de vivre dans un canton où les loyers sont élevés à ce point. A ce sujet, je voudrais aussi répondre, parce que ça m'énerve depuis longtemps, à ceux qui préconisent d'augmenter le loyer des logements qui ont été rénovés thermiquement. Pour ma part, je soutiens juste le contraire: il faut plutôt accorder des baisses de loyer aux locataires dont les immeubles sont mal isolés pour que les propriétaires soient contraints de les assainir thermiquement.

Mesdames et Messieurs, arrêtons de prétendre que les impôts sont trop élevés à Genève, ce n'est pas ça, le problème. Nous devons résoudre nos problèmes sociaux différemment, par un meilleur contrôle des loyers, peut-être par une aide aux gens qui souffrent d'addictions: nous aurons alors une fiscalité équilibrée et tout le monde ira beaucoup mieux. Merci.

M. Cyril Aellen (PLR). Monsieur le président, pourriez-vous transmettre à M. Rossiaud la première précision suivante ? Depuis de nombreuses années désormais, le PLR n'a pas voté les budgets qui ont été soumis au parlement et corrigés par ses soins - surtout parce qu'ils ont été corrigés, d'ailleurs - principalement pour deux motifs: parce qu'ils contenaient des augmentations à la fois d'impôts et de charges. Alors quand il se plaint de la progression simultanée des dépenses et des recettes, qu'il commence par discuter avec ceux qui ont adopté ces budgets - il peut faire ça en famille.

Deuxièmement, je suis d'accord avec lui sur un point et j'aimerais que nous puissions déposer un texte à ce sujet. Je l'invite, Monsieur le président, si vous acceptez de vous en faire le messager, à proposer un texte relatif au bilan carbone de la croissance budgétaire de l'Etat de Genève. Il faudrait déterminer dans quelle mesure on pourrait apporter des corrections au budget afin de tenir compte du bilan carbone de l'augmentation de nos dépenses, dans quelle mesure on pourrait prendre des mesures ensemble quant à la croissance de notre Etat afin que celui-ci adopte un train de vie plus raisonnable. Je souhaiterais en effet que nous soyons exemplaires en la matière, alors si M. Rossiaud - vous transmettrez, Monsieur le président, n'est-ce pas ? - veut collaborer avec moi à ce sujet, il est le bienvenu.

Je vous demande maintenant de transmettre un message à mon collègue Wenger, s'il vous plaît, Monsieur le président. En ce qui concerne l'augmentation du nombre de foyers qui ne paient pas d'impôts, il y a eu deux cassures dans l'histoire récente. D'une part - ça commence gentiment à dater, mais c'est l'une des premières cassures - c'est quand on a baissé la majorité de 20 à 18 ans. Là, de nouvelles personnes sont venues massivement alourdir le nombre de foyers fiscaux qui ne paient pas d'impôts, précisément parce que les jeunes entre 18 et 20 ans n'en paient que très rarement, soit parce qu'ils sont encore aux études, soit parce qu'ils bénéficient encore de tout petits revenus. Voilà la première cassure.

La deuxième cassure est plus récente, c'est quand un paquet ficelé de baisses fiscales a été mis en place pour les familles. De nombreuses familles modestes qui payaient des impôts sont venues grossir les rangs de ceux qui n'en paient pas. C'est la démonstration, contrairement à ce qu'avait dit le parti socialiste, que les réductions fiscales pour les familles bénéficient à celles qui en paient déjà relativement peu, les libérant de cette charge. Alors c'est vrai, il est regrettable que tous les contribuables n'aient pas les moyens suffisants de payer des impôts, mais je voulais quand même expliquer avec précision pourquoi, sur un plan statistique, on assiste aujourd'hui à une large augmentation du nombre de gens qui ne s'acquittent pas d'impôts.

Enfin, un dernier message à M. Wenger. Je suis désolé, Monsieur le président, mais il faut lui transmettre que je dois corriger ses propos quant à la position du PLR s'agissant des subsides d'assurance-maladie. Il faut faire attention: si on utilise l'argument des subsides supplémentaires pour justifier la précarité, on ne va jamais s'en sortir. Il faut être cohérent. La population, dans le cadre de la réforme globale RFFA, a décidé d'allouer comme mesures compensatoires des allocations pour le paiement des primes d'assurance-maladie à un plus grand nombre de personnes. Alors oui, le nombre de personnes subventionnées a augmenté, c'est évident ! Mais est-ce que la situation de ces gens a été péjorée ? Bien sûr que non ! Ceux qui reçoivent des subventions supplémentaires ont vu leur situation s'améliorer. Ainsi - vous le comprendrez aisément, Monsieur Wenger - quand un plus grand nombre de personnes touchent des subsides, leur situation s'améliore, et vous ne pouvez pas dire que c'est parce qu'il y a plus de personnes subventionnées que la situation de la population s'est détériorée.

Une voix. CQFD !

Une autre voix. Oui !

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Yvan Zweifel (PLR). Loin de moi l'idée de prolonger le débat, mais puisque le PLR a un peu de rab en temps de parole, nous avons décidé de le dépenser, à l'image de certains groupes qui dépensent beaucoup de leur côté. Je voudrais, tout comme vient de le faire mon collègue Aellen, répondre à un certain nombre de critiques adressées au PLR. Il a déjà répondu à certaines d'entre elles, je ne reviendrai pas dessus.

M. Wenger peut citer un bon nombre de cas particuliers, si ça l'amuse - une personne de la classe moyenne qui gagne 100 000 francs, un couple qui gagne 120 000 francs; pour ma part, j'analyse juste des statistiques globales qui, d'ailleurs, ne viennent pas de moi, mais du Département fédéral des finances selon lequel le canton suisse qui ponctionne le plus ses ressources est celui de Genève - tout impôt confondu, nous sommes d'accord, mais c'est bien la globalité qui est prise en compte ici. Alors il peut invoquer des cas particuliers pour tout ce qu'il veut - personnes morales, personnes physiques, impôt anticipé - ce n'est pas ce qui va nous donner une vision d'ensemble de la question.

J'aimerais aussi dire à M. de Sainte Marie, puisque j'ai lu attentivement l'étude du parti socialiste sur les dépenses publiques en fonction du PIB, qu'il s'est trompé - enfin, je crois, je ne veux pas trop m'avancer - en disant que Genève est le neuvième canton le plus dépensier; il me semble que c'est le huitième, en réalité. Bon, ça ne change pas grand-chose, mais je me permets tout de même de le corriger, vu que j'ai lu cette étude. Cela étant dit, je ne sais pas s'il faut se réjouir de savoir que Genève n'est pas le deuxième, mais le huitième canton le plus dépensier du pays. En effet, ça signifie quand même, selon cette étude, que si sept cantons sont pires que celui de Genève, dix-huit font beaucoup mieux ! Je ne sais pas si vous vous en rendez compte, Monsieur de Sainte Marie. On passe certes de la deuxième à la huitième place sur vingt-six, mais on a encore beaucoup de progrès à faire.

Monsieur le président, vous transmettrez maintenant à mon estimé collègue Rossiaud toutes mes excuses. Oui, je tiens à m'excuser. Il dit que je cite des chiffres à tort et à travers - et plutôt à travers, selon lui. Or la différence fondamentale entre lui et moi, c'est que moi, au moins, je donne des chiffres. (Rires.)

Vous lui communiquerez encore la chose suivante, Monsieur le président. Il estime que les politiques publiques que la majorité de droite et notamment du PLR a appliquées ces dernières années - c'est du moins ce que j'ai compris de ses propos, mais je m'excuse encore si je suis à côté - détruisent l'environnement, sont néfastes pour notre santé. Pourtant, Monsieur le député - vous transmettrez toujours, Monsieur le président - tout le monde s'accorde à dire qu'il y a une très bonne qualité de vie à Genève, comparativement à plein d'autres endroits ailleurs, que ce soit en Suisse ou dans le monde. La preuve - la preuve, Mesdames et Messieurs, Monsieur le président ! - c'est qu'on veut justement la préserver. C'est en tout cas ce qu'exigent beaucoup de partis, y compris de ce côté de la salle, à l'UDC, en l'occurrence: celle-ci dit que nous sommes trop nombreux, qu'il faut préserver notre si belle qualité de vie, qu'il ne faut surtout pas la gâcher. Mais alors, si on a une excellente qualité de vie, c'est bien que les politiques publiques de l'ancienne majorité - celle de droite dont nous faisions partie - ont été bonnes, puisqu'elles ont permis de mener à une situation qui est plus positive qu'ailleurs concernant la santé publique et l'environnement. Les politiques publiques que nous avons appliquées notamment en matière fiscale étaient donc bonnes, c'est ce que vous essayez de démontrer, Monsieur le député. Ainsi, au lieu de vous fâcher avec nous, vous feriez mieux de nous remercier !

Au final, si les politiques publiques que nous avons mises en oeuvre pendant des années ont fait qu'à Genève, nous avons aujourd'hui une telle qualité de vie qu'on tient absolument à la préserver, c'est qu'il vaut mieux poursuivre dans cette voie si nous voulons rester dans le peloton de tête des endroits où il fait le mieux vivre. Merci de nous donner raison, Monsieur le député ! Enfin, Monsieur le président, je conclurai en lui disant que nous sommes au moins d'accord sur un point, c'est sur la décroissance: avec lui, je voterai la décroissance des charges de l'Etat ! (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). C'est un débat intéressant, Mesdames et Messieurs les députés. Vous transmettrez au député Aellen, Monsieur le président, que sa démonstration ne tient pas. Elle tiendra peut-être en 2020, quand les nouvelles subventions et compensations de la RFFA seront en application, mais aujourd'hui, on parle des comptes 2018 - ce ne sera pas valable non plus pour les comptes 2019, d'ailleurs. A l'heure actuelle, en effet, toute une frange de la population tombe à l'aide sociale, compte tenu des difficultés, compte tenu de ses revenus. Alors si l'augmentation des subventions citée tout à l'heure par M. Aellen - Monsieur le président, vous transmettrez - sera valable en 2020, ce n'est pas le cas pour les comptes 2018 ni pour ceux de 2019, puisque ce n'est pas encore en application. Démonstration un peu facile, donc, et inexacte par rapport à la situation que nous examinons aujourd'hui.

Pour en revenir à la péréquation, je pense que le système n'est pas bon. Certes, il a déjà été amélioré et Genève a beaucoup oeuvré dans ce sens, mais il y a encore du travail à faire. Genève est le seul canton romand qui paie cette péréquation à Berne, et un certain nombre d'aspects spécifiques à notre canton, comme le phénomène frontalier, ne sont pas pris en compte dans le calcul. Il y a des choses à corriger. Ce n'est pas que nous ne voulons pas participer à la solidarité confédérale, mais il n'est pas normal que certains éléments ne soient pas pris en compte et que, parce qu'ils ne touchent pas les autres cantons, ceux-ci contribuent moins.

Quant au canton de Vaud, eh bien tant mieux pour lui, mais ce n'est pas non plus un canton pauvre, ce n'est pas Schwytz, ce n'est pas les cantons de Suisse centrale. Depuis maintenant deux ans, sauf erreur, le canton de Vaud ne contribue plus du tout ! Il ne contribue plus du tout à la péréquation, puisqu'il ne paie plus rien. Je crois qu'il y a vraiment quelque chose qui ne joue pas dans le système suisse et qu'il convient de le corriger, et j'invite Genève, qui a déjà - je l'ai dit, je le répète - beaucoup travaillé dans ce domaine, à modifier les critères de la péréquation intercantonale de façon qu'elle soit un peu plus juste et plus équitable pour nous. Merci.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci, Mesdames et Messieurs, pour ce débat. Plusieurs questions ont été posées, plusieurs points soulevés, je vais les aborder successivement. Le premier élément était relatif à la péréquation intercantonale. Vous le savez, Mesdames et Messieurs, un accord a été trouvé entre l'ensemble des cantons et le Conseil fédéral, qui a été voté par les Chambres. Il aura pour effet que nous paierons 20 millions de moins et percevrons 5 millions de plus en 2020. Ainsi, sur les 398 millions déboursés et les 103 millions reçus en 2019, il y aura un avantage pour le canton.

Cela étant, je ne vous cache pas que la réforme que nous aurons à mener s'agissant de l'évaluation du patrimoine immobilier aura des conséquences dans ce domaine, il est important que vous le sachiez: nous connaîtrons une hausse de la péréquation, parce qu'à partir du moment où nous augmentons les revenus fiscaux du canton, eh bien nous sommes plus riches et, partant, nous serons appelés à contribuer davantage au niveau intercantonal.

La deuxième chose qui a été mentionnée, c'est la question de l'impôt à la source. Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat a déposé un projet de loi instituant une modification de l'imposition à la source, car il s'agit de se mettre en adéquation avec ce qui est prévu à l'échelon fédéral. Vous aurez l'occasion d'étudier longuement ce projet de loi en commission fiscale - sauf erreur, je crois que je viendrai bientôt le présenter.

Ensuite, il a été question de la fraude fiscale. Monsieur Batou, soyez assuré - vous transmettrez, Monsieur le président - que la préoccupation du Conseil d'Etat et de l'administration fiscale est la même que la vôtre, et celle de ce parlement tout entier, d'ailleurs, puisque celui-ci a affecté plus de 20 ETP supplémentaires à la mission de contrôle, notamment dans le cadre des dénonciations spontanées. Ces contrôles nous ont rapporté... (Un instant s'écoule.) Excusez-moi, je dois retrouver les chiffres... Voilà, c'est ici: en 2018, les contrôles nous ont rapporté 364 millions, dont 197 millions pour les dénonciations spontanées. Nous continuerons à être extrêmement actifs en la matière, car il est essentiel de promouvoir l'égalité face à l'impôt. Nous ne devons pas - nous ne pouvons pas ! - accepter que certains ne paient pas leurs impôts alors que d'autres, pour lesquels cela représente une pression incroyable, s'en acquittent.

Encore un commentaire au sujet d'une prétendue directive du département des finances selon laquelle nous ne souhaiterions pas engager de collaborateurs de plus de cinquante ans. Je viens d'avoir le directeur général de l'OPE au téléphone, c'est faux, je suis en mesure de vous le dire: il n'existe pas de telle directive dans mon département, il va de soi que nous engageons toute personne compétente et que nous sommes conscients de la problématique des plus de cinquante ans. En effet, on ne peut pas à la fois exiger une augmentation de l'âge de la retraite et considérer qu'à partir de cinquante ans, une personne n'est plus employable. Je ferai des vérifications plus poussées, il sera répondu à votre question urgente, mais au stade de ce que j'ai pu faire pendant les quelques minutes précédant mon intervention, non, nous n'avons pas une telle directive.

Mesdames et Messieurs, le canton de Genève est celui qui utilise le plus son potentiel fiscal, cela a été dit, mais il n'y a pas que cela. Outre le fait que les contribuables sont soumis à un impôt extrêmement important, nous avons une pyramide fiscale inversée. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie que 0,1% des personnes morales s'acquittent de 48,7% de l'impôt sur le bénéfice, tandis que 4,1% des personnes physiques paient près de 50% de l'impôt sur le revenu. Quant à l'impôt sur la fortune, ce sont 1,2% des personnes physiques qui le financent à 66%. Mesdames et Messieurs, cette pyramide démontre la fragilité des rentrées fiscales de Genève. Si ces contribuables-là, qui sont moins nombreux mais s'acquittent de la part la plus conséquente de l'impôt, décident de quitter notre canton, les conséquences sur les prestations seront désastreuses.

Enfin, Mesdames et Messieurs, vous pouvez faire des reproches au Conseil d'Etat en ce qui concerne la baisse des impôts, mais le parlement est roi, la population est roi. Et nous l'avons vu lors des dernières votations...

Une voix. Reine !

Mme Nathalie Fontanet. La population est reine. Nous l'avons vu lors des dernières votations, le parlement et la population ont voté dans le même temps une hausse des charges et une baisse des revenus. Vous conviendrez qu'il n'est pas forcément évident de mener une politique avec des données aussi contradictoires, Mesdames et Messieurs.

Je remercie celles et ceux qui nous font confiance et j'adresse à nouveau mes remerciements aux équipes de l'administration fiscale qui effectuent un travail remarquable, qui s'appliquent à suivre constamment le principe d'égalité de traitement. Il est fondamental, Mesdames et Messieurs, que personne ne soit avantagé en matière d'impôts, nous respectons cette égalité de traitement dans le canton. Je remercie celles et ceux d'entre vous qui nous feront confiance en validant cette politique publique. Merci.

Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Le président. Merci. Je lance le vote.

Mise aux voix, la politique publique I «Impôts et finances» est adoptée par 41 oui contre 39 non et 9 abstentions.

J - JUSTICE

Le président. Nous abordons la politique publique J «Justice». (Un instant s'écoule.) Il n'y a pas de prise de parole... (Remarque.) Je passe la parole à M. le député Pierre Bayenet.

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, une fois n'est pas coutume, je vais commencer par un point positif. J'ai pu constater un progrès en matière de justice à Genève: les importants efforts déployés par le Ministère public pour poursuivre les divers esclavagistes et exploiteurs des temps modernes qui sévissent dans notre canton. Nous avons par exemple pu lire avec beaucoup de joie dans «Le Temps» du 20 octobre 2018 que, sur la colline de Cologny, une richissime famille indienne qui conservait quelques domestiques dans sa cave a fait l'objet d'une perquisition. Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres, et je tiens donc à saluer le fait qu'il se passe quelque chose de positif dans ce canton et que la justice n'a pas peur de s'attaquer à des gens extrêmement fortunés, ce qui est évidemment plutôt rassurant.

Je m'arrête là avec le positif parce qu'il y a malheureusement des choses qu'on répète depuis des années et qui ne changent pas, il faut par conséquent les rappeler une fois de plus. Le gros problème de la justice genevoise - de la justice pénale en l'occurrence - c'est sa propension à placer tout le monde en détention préventive. Dès qu'il y a un soupçon, dès que vous n'habitez pas dans le canton de Genève, vous vous retrouvez à la prison de Champ-Dollon. Et si vous êtes finalement acquitté, on vous indemnise misérablement - 200 francs par jour - alors que vous avez passé des mois dans des conditions indignes, inhumaines, coupé de votre famille. Alors que vous avez peut-être perdu votre emploi, que votre conjoint et vos enfants ne vous ont plus vu, on vous donne un petit peu d'argent et on vous dit: «Excusez-nous, mais vous savez, c'est pour le bien de la justice, c'est parce que la justice doit faire son travail.» Ce n'est pas admissible ! C'est une exception genevoise, même s'il est vrai que nous sommes petit à petit rattrapés par les Vaudois, qui commencent un peu à faire comme nous. Il faut néanmoins changer cela ! Il faut changer cela !

Le Ministère public explique que la situation s'aggrave, notamment en raison du nouvel article 66A du code pénal, qui impose l'expulsion obligatoire. Et le Ministère public veut faire mieux que ce que demande Berne: pour éviter qu'ils ne puissent s'enfuir et y échapper, il veut placer les gens en détention préventive dès qu'il y a une possibilité qu'on requière, peut-être, l'expulsion obligatoire. Mais il n'y a pas besoin de faire plus que ce que demande Berne; le Ministère public doit être raisonnable. Il n'est pas nécessaire de placer en détention préventive tous ceux qui pourraient faire l'objet d'une expulsion obligatoire.

Il faut aussi que le Ministère public accepte qu'il n'est pas le seul à pouvoir juger. Lorsque des personnes domiciliées en France commettent des infractions à Genève, il n'y a pas forcément besoin de les conserver à Champ-Dollon pendant toute la durée de la procédure; on peut également demander à la France de les poursuivre. La grande crainte du Ministère public, c'est qu'un Français ayant commis une infraction à Genève se réfugie en France si on le met en liberté; vous le savez, la France - comme la Suisse, d'ailleurs - n'extrade pas ses ressortissants. Eh bien il faut accepter ce risque: il faut accepter que la France poursuive elle-même ses ressortissants ! Ça s'est déjà produit avec succès à quelques reprises, et ça permettrait d'éviter beaucoup de détentions préventives puisque, on l'a dit, la plupart des gens en détention préventive à Champ-Dollon le sont non pas en raison de la gravité de l'infraction commise mais parce qu'ils sont étrangers et qu'on craint leur fuite. Mais ce n'est pas si grave s'ils s'enfuient: ils peuvent être poursuivis dans leur pays, ils peuvent être poursuivis en absence - il peut y avoir un jugement en absence et ils peuvent tout de même être condamnés à exécuter leur peine.

Je m'attarde un peu sur la détention préventive parce que c'est vraiment un gros problème à Genève. Peut-être faudrait-il également réfléchir à modifier le fonctionnement du Tribunal des mesures de contrainte, qui est là pour ordonner cette détention préventive. Les plus anciens se souviennent de l'époque où une Chambre d'accusation publique recevait tous les détenus, un par un: elle les écoutait et prenait des décisions collégiales sur la prolongation ou non d'une détention. Eh bien aujourd'hui tout cela se passe dans un bureau où le juge décide tout seul, sans recevoir le détenu, sans recevoir d'avocat, sans public ! La justice n'est plus publique sur cette question et je pense que ça fait partie du problème: une justice publique est une bonne justice, ou en tout cas une justice meilleure que celle qui se déroule en catimini.

S'agissant des procédures pénales, 59% d'entre elles se rapportent à la loi sur les stupéfiants; il faut arrêter ces poursuites absurdes, à tout crin, qui ne mènent à rien contre les drogues.

Pour terminer, je tiens à souligner une autre toute petite amélioration: vous vous souvenez que la justice avait négocié avec HSBC en 2015 puis avec Addax Petroleum en 2017 pour encaisser des millions - des dizaines de millions. En tout, 71 millions de francs sont rentrés dans les caisses de l'Etat pour qu'Addax et HSBC bénéficient d'acquittements. Et ça continue aujourd'hui avec l'affaire Obiang puisque vous savez que les bolides du fils du dictateur seront bientôt vendus; le petit progrès réside dans le fait que l'argent ira non pas dans les caisses de l'Etat mais à une ONG. Il faut néanmoins arrêter avec ces deals: ce n'est pas parce qu'on est riche qu'on doit pouvoir acheter la justice. (Applaudissements.)

Présidence de M. François Lefort, premier vice-président

M. Marc Fuhrmann (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC est particulièrement sensible à la notion de justice et au respect de la loi. Nous avons parlé tout à l'heure de la police: eh bien la justice est précisément un élément démotivant pour nos forces de police ! Des criminels avérés sont relâchés de suite par cette justice si molle, voire incitante... inexistante ! Le nouveau code de procédure en est principalement responsable: même en comparaison avec nos voisins - la France en particulier - nos jugements, nos condamnations, sont si légers qu'ils en deviennent presque des insultes aux victimes. Nos peines n'ont rien de dissuasif; nos frontières ouvertes, notre prospérité ne font qu'attirer la criminalité étrangère. Rappelons que Champ-Dollon est rempli à 95% d'étrangers, dont presque la moitié n'a rien à faire en Suisse et se doit d'être remise à son pays d'origine.

La population, elle, voit la toute-puissance de l'Etat, par exemple lorsqu'elle ne paie pas une amende d'ordre et que ce pouvoir de l'Etat se met en marche; je pense aux procédures de recouvrement, voire de saisie. En revanche, rien n'est fait pour les criminels violents: les violeurs, les dealers de drogue ! Cela est inadmissible ! Cette justice est une honte pour les victimes de la violence dans notre canton - la crédibilité de notre Etat de droit en prend évidemment un sérieux coup. La scène de la drogue est aussi une honte pour Genève, qui se targue tellement d'être internationale. C'est en particulier un choc pour les visiteurs d'Asie et d'Orient, où ces scènes sont inimaginables: il y a des lois, là-bas, et la justice et la police les appliquent. Il est temps de revenir à la réalité et de s'attaquer aux crimes graves avec méthode et détermination. Notre système judiciaire est tellement débordé et délabré qu'il est temps de le réparer. Merci.

Une voix. Bravo !

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. En 2018, le Ministère public est intervenu dans les affaires délicates qui ont frappé le Conseil d'Etat. Nous aurions pu avoir des craintes; nous avons été rassurés de voir que la justice a fonctionné - la justice a malgré tout fonctionné. Nous sommes donc optimistes quant au bon fonctionnement de nos institutions, et nous voterons cette politique publique.

M. Murat Julian Alder (PLR). Je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais quand on entend les discours pour le moins caricaturaux de MM. Bayenet et Fuhrmann, on doit quand même remettre l'église au milieu du village. M. Bayenet nous a fait un grand discours de politique criminelle générale; je lui rappellerai, si c'est nécessaire, que le peuple ne veut pas de sa politique, cette politique du laxisme de la gauche !

Quant à M. Fuhrmann, j'aimerais lui rappeler quelques statistiques, à savoir celles de la criminalité à Genève au cours des dernières années: les cambriolages ont par exemple chuté de plus de 40% depuis 2011. On voit donc bien que l'action menée par le Ministère public va dans la bonne direction, et cela grâce à un accord historique conclu il y a plusieurs années avec le Conseil d'Etat. J'aimerais par conséquent qu'on cesse de dire tout et n'importe quoi sur notre justice, quand bien même on est en campagne électorale, alors qu'elle travaille quotidiennement au service des Genevois. Je vous remercie de votre attention.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Bien que n'étant pas le représentant de cette politique publique, je voudrais dire quelques mots afin d'éviter que l'absence du titulaire permette de tenir des propos sur la justice qui ne correspondent pas à la réalité. Comme vous le savez, je suis plus particulièrement chargé, au sein du Conseil d'Etat, des relations avec le Pouvoir judiciaire. Je peux vous garantir que les problématiques que vous soulevez sont régulièrement abordées. Il est par ailleurs parfaitement inexact que Genève n'exécute pas les décisions de renvoi. Sans doute devraient-elles, aux yeux de certains, être plus nombreuses, mais il s'agit encore une fois de regarder chaque cas pour lui-même.

En ce qui concerne l'office cantonal de la population, je peux vous dire que nous prenons les décisions qui s'imposent lorsqu'il s'agit de ne pas renouveler ou de révoquer un permis de séjour. Lorsqu'il s'agit d'exécuter des décisions de renvoi de personnes qui soit sont condamnées soit n'ont tout simplement aucun droit de séjour chez nous, toutes les mesures sont prises pour le faire - pour autant qu'il y ait des accords avec les pays concernés - ce qui n'est pas toujours simple et ne relève pas uniquement des cantons. Je pense pouvoir affirmer que Genève n'est de loin pas désigné comme un canton qui ne respecte pas ses obligations dans ce domaine. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote.

Mise aux voix, la politique publique J «Justice» est adoptée par 29 oui contre 10 non et 40 abstentions.

K - SANTE

Le président. Nous appelons maintenant la politique publique K «Santé». La parole est-elle demandée ? Oui, Monsieur le rapporteur de majorité Christian Dandrès, vous avez la parole.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'un des enjeux clés de cette politique publique est la décision rendue par le Tribunal administratif fédéral qui casse la planification sanitaire de 2015 qui avait été contestée, notamment par la clinique de la Tour. Les conséquences de cette décision seront extrêmement importantes pour la suite de l'organisation des hôpitaux de notre canton.

Pour rappel, avec la modification de la loi fédérale sur l'assurance-maladie en vigueur depuis 2016, le système prévoit maintenant une planification obligatoire et, pour attribuer les mandats de prestations et figurer sur la liste hospitalière, des critères doivent être pris en considération, notamment des critères d'économicité. Le canton de Genève avait fait primer la sécurité des patients en considérant que le plateau technique des HUG offrait des garanties supérieures, notamment pour les soins cardiovasculaires aigus; ça a été contesté et le Tribunal administratif fédéral a considéré que la sécurité, c'était bien, mais que le critère d'économicité, c'était mieux ! Il a fallu dès lors réexaminer le tout à la lumière de ce principe qui montre à mon avis l'orientation donnée. Qu'un des critères doive primer sur l'autre est quelque chose d'éminemment problématique. Ça a également des conséquences très importantes pour les assurés et l'assurance obligatoire des soins. Avec ce nouveau système, non seulement les assurés et contribuables doivent assumer 55% des charges de ces cliniques qui figureront sur la liste hospitalière, cette fois-ci déplafonnées, mais également les 45% qui sont pris en charge par l'assurance obligatoire des soins alors que ces cliniques, autrefois, étaient couvertes par des assurances privées. Evidemment, cette réforme a été faite pour le plus grand profit des assurances privées et des cliniques: par ce canal, elles peuvent obtenir une masse critique suffisante pour attirer des spécialistes qui vont évidemment améliorer la renommée de ces entreprises et accroître leurs bénéfices.

C'est un vrai thème, notre parlement doit s'en saisir et je crois qu'il y a un gros travail à faire aussi au niveau intercantonal. Les critères sont évidemment posés dans la loi fédérale et la marge de manoeuvre est nulle pour les cantons. En revanche, pour la manière d'apprécier ces critères, la manière de les mettre en oeuvre, il y a encore une marge à disposition: nous espérons que le canton de Genève l'utilisera au maximum pour garantir la sécurité des patients et aussi limiter les coûts, puisque tout ça se répercute évidemment sur les primes d'assurance-maladie.

Mme Delphine Bachmann (PDC). Monsieur le président, je vais commencer par mentionner un élément positif sur lequel nous avons beaucoup travaillé à la commission de la santé ces deux dernières années: la nouvelle organisation des réseaux de soins. Je relève que certaines propositions que le PDC faisait depuis longtemps ont été intégrées aux travaux comme celles d'autres partis ici. J'apprécie particulièrement cette volonté de collaboration constructive.

Dans le développement des soins à domicile, ont notamment été retenues l'hospitalisation à domicile et la nécessité d'une disponibilité médicale 24h sur 24 qui n'est pas en vigueur aujourd'hui dans le canton. Ce tissu de professionnels qui exercent à domicile est essentiel au fonctionnement des hôpitaux en plus des soins qu'ils assurent et il doit être soutenu. Mon collègue en a parlé, la nouvelle est tombée il y a quelques mois: la planification sanitaire a été déclarée illégale par le Tribunal fédéral. Nous déplorons vivement que cela n'ait pas été anticipé et qu'on ait voulu opposer le privé et le public dans cette planification. Mon collègue disait tout à l'heure que les cliniques vont pouvoir faire du profit et attirer des spécialistes. J'ai envie de vous dire que les spécialistes partent en clinique pour d'autres raisons que simplement parce qu'ils peuvent désormais opérer des cas basiques.

Cette planification sanitaire et l'arrêté du Tribunal fédéral nous coûtent cher et le PDC ne peut pas accepter ça. Nous devons désormais nous tourner vers l'avenir avec une planification qui propose un système de santé fonctionnant par pôles de compétences qui soient répartis, que ce soit entre l'hôpital public ou le secteur privé, pour que la qualité des soins soit améliorée pour les patients. En médecine, on reconnaît quand même que plus on fait quelque chose, meilleur on est pour le faire - du moins je l'espère ! Aujourd'hui, les HUG ne peuvent plus tout faire et ils ne peuvent pas le faire toujours mieux que les autres. En revanche, nous devons réfléchir à cette répartition et, évidemment, le privé doit se soumettre aux mêmes contraintes que le public; il doit jouer le jeu en faisant de la recherche et en contribuant à l'enseignement pour que, demain, nous ayons des médecins correctement formés dans ce canton.

Un mot également sur la prévention, qui reste le parent pauvre de l'Etat. Bien évidemment, c'est une question de moyens. Nous regrettons que le système fasse reposer ce pilier uniquement sur les épaules du canton et de l'Etat alors qu'il est essentiel d'y investir massivement pour influer positivement sur la santé des citoyens et, à terme, diminuer les coûts.

Enfin, Monsieur Poggia, j'aimerais vous dire quelque chose de particulier sur la souffrance des soignants. Vous le savez, ce sont des professions à haut risque de burn-out, d'arrêts-maladie et de changements de carrière par dépit, par regret, par fatigue. Le point commun des soignants, c'est leur motivation à travailler dans le domaine de la santé. Ils vous diront avoir choisi cette carrière parce qu'ils aiment le contact, parce qu'ils aiment la relation humaine, parce que c'est le coeur de ces professions. Aujourd'hui, c'est en train de disparaître. Les médecins internes cumulent septante heures par semaine et paradoxalement, personne ne les soutiendra le jour où ils se tromperont, car l'erreur n'est pas tolérée quand il s'agit de vies humaines. Les infirmières, les physiothérapeutes, toutes ces personnes exerçant des professions que nous avons d'ailleurs en partie créées ces dernières années, s'effondrent, fatigués, épuisés par un système qui ne les entend plus.

On ne pourra probablement pas tout changer d'un coup de baguette magique, surtout à l'échelon cantonal uniquement. En revanche, ce que nous pouvons faire, c'est de soulager ces soignants du poids du travail administratif qui pèse sur leurs épaules. Quand on sait qu'un médecin passe 33% de son temps à justifier ses prestations plutôt qu'à les dispenser... C'est grave ! Aujourd'hui, j'ai à coeur de vous dire que la souffrance du personnel soignant est un véritable enjeu, masqué par la pression permanente du système mais qui se répercute sur les patients au bout de la chaîne. Pourtant, sans toutes ces blouses blanches, le système s'écroulerait. Il tient encore à un fil, stimulé par de petits instants de bonheur, par des mercis que des patients formulent au bord du lit. Mais ces remerciements qui vont au-delà des mots, dans les moments heureux comme dans la grisaille, la souffrance ou la mort, ne sont aujourd'hui plus suffisants. Le politique doit s'emparer de ces problèmes, sinon le système va s'écrouler. Il est urgent d'agir, de redonner du sens au travail de tous ces acteurs et de comprendre qu'ils ont besoin de temps pour pouvoir en donner, et que l'humanité, tant recherchée dans les hôpitaux et dans les cliniques, durant la maladie, mais aussi parfois, heureusement, des moments de grand bonheur... Il faut avoir le temps de transmettre. Il ne faut pas plus, mais il faut aujourd'hui faire autrement. J'espère, Monsieur le conseiller d'Etat, que vous continuerez à vous engager pour libérer les soignants de toutes ces contraintes administratives, pour inverser leur fardeau quotidien de justifications sempiternelles de ce qu'ils font, parce que le temps qu'ils prennent pour le faire doit être remboursé. Ça ne peut plus continuer comme ça ! (Applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le rapport de gestion du Conseil d'Etat sur cette politique publique paraît très technique parce que la chose est complexe. Il livre des éléments prépondérants relatifs aux effets de la LAMal indûment soumise aux intérêts financiers des assurances-maladie, des pharmas et des groupes privés. Sur l'évolution des soins dispensés, on nous indique aussi un certain nombre d'éléments problématiques quant à la gestion des différents organismes de santé dans notre canton.

Le rapport attire également notre attention sur la lecture de plus en plus libérale qu'effectue le Tribunal fédéral des questions de santé, comme en attestent les décisions récentes relatives au financement résiduel et à la planification sanitaire qui vont impacter durablement notre système de santé. Ces jurisprudences imposent des dépenses supplémentaires; elles induisent aussi des transferts de charges de l'assurance-maladie vers le canton. On pourrait imaginer que cela puisse avoir un sens pour autant que le pouvoir des assurances-maladie et les montants des primes diminuent. Or, ce n'est pas de cela qu'il s'agit, et tout ça risque bien de se résumer à un marché de dupes puisque les cotisations d'assurance-maladie continuent à augmenter. Les assurances constituent d'occultes réserves tandis qu'on voudrait que nos impôts contribuent de plus en plus au financement d'une part croissante de la santé, alors qu'en fait, ce serait aux assurances-maladie d'assumer ces frais ! Si nous voulons changer le système, allons-y, mais ne soyons pas dupes des intentions de certains de se décharger sur les cantons à travers la LAMal !

La question de l'augmentation des coûts de la santé est complexe, elle est multifactorielle, mais trop souvent, on en rejette la responsabilité sur les assurés. C'est parfaitement malhonnête, puisque tout cela ne tend qu'à détourner l'attention des causes réelles de ce dysfonctionnement. Par ailleurs apparaît un nouveau phénomène: la santé est un marché, un marché dans lequel l'augmentation de l'espérance de vie, les choix de politiques de soins à domicile suscitent des appétits forcenés; le secteur de l'aide à domicile en est un exemple flagrant. Cette ouverture au marché ne peut et ne doit toutefois pas se faire au prix d'une détérioration de la médecine publique, de la qualité des soins et de l'accès à ces soins. Aussi, il faut cesser d'affaiblir le secteur public de la santé, il faut au contraire lui donner les moyens de remplir sa vocation.

Mme Bachmann a fait un vibrant plaidoyer en faveur du personnel de la santé. Elle nous a démontré à quel point, aujourd'hui, ce personnel se trouve dans une situation difficile. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Or, notre groupe estime qu'il ne s'agit pas seulement d'alléger les tâches administratives des médecins; il faut leur donner des moyens, il faut leur donner les ressources en personnel qui leur permettront à la fois de réduire les horaires et d'assurer la qualité des soins aux patients ainsi que d'excellentes conditions de travail pour le personnel.

Le rapport de gestion du Conseil d'Etat nous apprend encore que 2018 se caractérise par une augmentation de l'offre de soins, notamment dans les structures intermédiaires. Il nous dit également que, financièrement, l'année 2018 a été marquée...

Le président. Madame la députée, il vous faut terminer ! Le groupe Ensemble à Gauche est arrivé au bout de son temps de parole.

Mme Jocelyne Haller. J'avais bien compris, Monsieur le président. J'aimerais juste revenir sur un élément. (Commentaires. Rires.) On remarque qu'il y a un non-dépensé dans les EMS qui a été ristourné à l'Etat et j'aimerais quand même relever qu'alors que l'initiative 125 n'est toujours pas entrée en vigueur, les non-dépensés dans les EMS sont particulièrement troublants. Je vous remercie pour votre attention, j'aurais voulu continuer ! (Applaudissements.)

M. Murat Julian Alder (PLR). Monsieur le président, je vous prie de m'excuser: je ne vais pas intervenir sur le sujet, je vais juste poser une question au chef du département, M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia. Je serais très heureux s'il pouvait me donner la réponse tout à l'heure, sinon, je poserai ma question par écrit.

Monsieur le conseiller d'Etat, je vais de nouveau enfiler le costume du lansquenet et vous poser une petite question sur les hôpitaux universitaires. Des journalistes du «Temps», mais aussi du «Blick», ont établi qu'entre 2015 et 2017, les HUG avaient reçu 4 296 011 francs de la part de l'industrie pharmaceutique sous la forme de sponsoring, d'indemnisations de frais de déplacements et d'inscriptions, etc. Cela m'amène à vous poser les questions suivantes: quel est le montant reçu pour l'année 2018, étant précisé que le montant pour l'année 2017 s'élevait à 1 372 577 francs ? Comment le Conseil d'Etat réagit-il à la publication de ces chiffres ? Trouve-t-il normal qu'un hôpital public bénéficie de sponsoring ? Surtout, comment le Conseil d'Etat justifie-t-il son refus de soumettre à la concurrence un certain nombre de prestations d'intérêt général dans le domaine médical tout en acceptant de recevoir de l'argent privé de la pharma ?

M. Pierre Conne (PLR). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nous avons constaté avec d'autres que le Tribunal fédéral avait recalé la base et le fondement de la planification hospitalière du canton de Genève. L'arrêté du Tribunal administratif fédéral en la matière publié le 23 janvier 2019 est intitulé: «La planification hospitalière du canton de Genève viole le droit fédéral». Sans entrer sur le fond, il est évident que, sur cette base-là, le PLR ne peut pas valider la politique qu'il nous est demandé de voter aujourd'hui. Le PLR refusera donc cette politique publique. Cela étant, je pense que le sujet mérite malgré tout qu'on s'interroge et qu'on sache en quoi consistent sur le fond les erreurs de Genève ou son non-respect du législateur qui a adapté la loi sur l'assurance-maladie en 2012.

S'agissant de la planification hospitalière et du financement hospitalier, cette loi prévoit une égalité de traitement entre les hôpitaux publics et privés. Les établissements ne sont plus subventionnés, mais les prestations - c'est-à-dire les séjours hospitaliers - sont achetées à l'avance sur la base d'un certain nombre d'appels d'offre que peuvent faire ceux qui le souhaitent, qu'il s'agisse d'hôpitaux publics ou d'hôpitaux privés, d'où le terme de planification.

Mesdames et Messieurs, ce changement de la LAMal en 2012, instaurant une égalité de traitement entre les hôpitaux publics et les hôpitaux privés pour la planification et le financement, ne prévoyait plus de subventionnement pour les hôpitaux privés, sous réserve de travaux ou de missions d'intérêt général. La formation reste bien évidemment subventionnée, mais toutes les prestations à charge de la LAMal ne le sont plus. C'est un changement majeur; certains parleraient aujourd'hui - c'est un terme un peu galvaudé - d'un changement de paradigme. Le législateur avait anticipé cela et cette loi a été votée fin 2007 pour une entrée en vigueur en 2008 avec un échelonnement de la mise en oeuvre de ces dispositions. La loi dont nous parlons aujourd'hui et qui modifie la planification hospitalière et le financement hospitalier est donc entrée en vigueur en 2008 avec une échéance d'application en 2012 pour les dispositions dont nous parlons aujourd'hui.

Mesdames et Messieurs, ce changement est si important qu'aujourd'hui, aucun canton n'a encore trouvé la bonne solution ! Nous devons tenir compte de la réalité; je salue à cet égard la manière dont le département a pris en compte cette décision du Tribunal fédéral: avec respect. Evidemment, il n'avait pas le choix, mais il a accueilli cette décision avec sérénité et les services du département se sont attelés à la tâche très rapidement pour présenter à la commission de la santé une nouvelle planification sanitaire qui tienne compte de ces éléments.

La commission de la santé va travailler avec diligence sur ce texte très prochainement et nous espérons parvenir à une solution respectant ce qui a déjà été dit par nos préopinants, c'est-à-dire un accès aux soins équitable pour la population genevoise et une qualité des soins respectant le principe du droit fédéral actuel, c'est-à-dire cette égalité de traitement entre hôpitaux privés et hôpitaux publics s'agissant de la planification et du financement.

Mesdames et Messieurs les députés, depuis que cette loi est entrée en vigueur en 2012, le PLR n'a eu de cesse de rappeler au Conseil d'Etat que celui-ci n'en respectait pas les critères: ce non-respect a désormais été confirmé par le Tribunal fédéral. Il ne s'agit pas de vouloir nous attribuer un succès a posteriori; une fois de plus, nous devons faire preuve d'humilité, tant les enjeux sont importants et les solutions difficiles à trouver. J'aimerais également relever le fait suivant: le Conseil d'Etat actuel - et avec lui le magistrat chargé de la santé - a hérité de son prédécesseur le fait qu'il n'avait pas introduit les nouvelles dispositions. Vous voyez bien que si le PLR a aujourd'hui une position extrêmement claire sur cet objet, il ne s'agit pas de vouloir simplement saisir l'occasion de critiquer le Conseil d'Etat actuel. (Commentaires.)

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député; vous êtes arrivé au bout de vos cinq minutes.

Une voix. Tu peux reprendre la parole après !

Une autre voix. Tu peux rappuyer sur le bouton !

Le président. Madame la députée Marjorie de Chastonay, vous êtes appelée à prendre la parole.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Merci, Monsieur le président de séance. Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas un fait nouveau, les primes d'assurance-maladie continuent d'augmenter, de 5% par an en moyenne. Par contre, l'augmentation des subsides à l'assurance-maladie est un phénomène récent et inquiétant qui concerne de plus en plus la classe moyenne, au point de dépasser l'aide sociale dans le canton. La récente votation sur une initiative pour des primes d'assurance-maladie plafonnées à 10% du revenu a pris le virage du contreprojet en votation populaire. Selon le département, cela nécessitera 186 millions de francs suisses de subsides en plus par rapport aux 350 millions de francs actuels. Certes, le vieillissement de la population joue un rôle, de même que l'augmentation des maladies chroniques comme le burn-out et aussi les maladies non transmissibles comme le cancer, le diabète et les problèmes cardiovasculaires qui constituent 80% des coûts en matière de santé. Il y a donc un problème majeur avec la gestion de la santé.

Les Vertes et les Verts sont convaincus de l'importance de développer des politiques publiques de promotion et de prévention afin d'agir en amont plutôt qu'en aval. Pour anticiper cette augmentation des coûts, une collaboration interdépartementale pour la prévention est fondamentale: pour nous, c'est le point névralgique, on ne peut pas parler de santé ou de prévention sans collaboration, que cela soit sur les questions du handicap ou du vieillissement de la population, par exemple. Il faut absolument maintenir les personnes à domicile le plus longtemps possible. Et pour éviter les hospitalisations, il faut développer ou maintenir l'autonomie. Aider les personnes en situation de handicap à devenir autonomes permet d'éviter les institutionnalisations. Il faut inclure en formant et en accompagnant car aider n'est pas suffisant: il faut apprendre à faire ou apprendre à apprendre.

Inclure et accompagner, ce sont des mots choisis pour des politiques qui ne peuvent se mettre en place qu'avec des collaborations interdépartementales, j'insiste. Par exemple, l'école inclusive est traitée par le département de l'instruction publique; l'accompagnement ou l'aide à domicile par le département de la santé; l'inclusion sociale par le département de la cohésion sociale. La politique publique de la santé est gourmande et onéreuse, mais nous sommes convaincus que seule une vision holistique de la santé permettra d'améliorer son fonctionnement et la qualité des prestations.

Je me permets de mettre l'accent sur les proches aidants. Les enjeux sont considérables et il existe toutes sortes de proches aidants: avec celles et ceux qui s'occupent de leurs aînés, il s'agit essentiellement de la politique du maintien à domicile. Il y a aussi tous les proches aidant des personnes atteintes dans leur santé telles que les personnes ayant un cancer. J'ajoute bien évidemment les proches aidant des personnes en situation de handicap. Toutes ces personnes - des dizaines de milliers à Genève - ont besoin de répit et de souffler parfois: c'est aussi une question de santé publique, le droit au répit ! En ce qui concerne les proches aidants dans le domaine du handicap, mais aussi en général, les femmes sont surreprésentées; celles-ci doivent souvent réduire leur temps de travail. Je rappelle que 80% à 90% des personnes en situation de handicap vivent à domicile et non pas en institution. Le proche aidant doit parfois abandonner son activité professionnelle ou sa carrière. Cela implique une baisse de revenu et cela a en outre un impact sur la santé et sur la future retraite des proches aidants. Ces proches aidantes ont souvent beaucoup de peine à retrouver du travail après de longues périodes d'arrêt. De surcroît, cela concerne aussi beaucoup de familles monoparentales.

Dans ce contexte, vous comprendrez mon insistance en faveur d'une véritable politique publique de promotion et de prévention de la santé, qui devrait constituer le budget central, et ensuite pour une politique transversale et interdépartementale dans ce domaine. Troisièmement, une politique prenant en considération la population dans son ensemble permettra aussi de diminuer les coûts de la santé.

Concernant l'IMAD et les HUG, je laisserai ma collègue des Verts s'exprimer tout à l'heure en tant que rapporteure de minorité. En effet, les constats sont sans appel: le personnel soignant est en souffrance et le travail toujours plus conséquent.

Les Vertes et les Verts accepteront donc cette politique publique, mais restent critiques quant à la collaboration interdépartementale embryonnaire, qui pourrait enfin dévoiler à la population le fruit de ses rencontres tri ou quadripartites. (Applaudissements.)

Le président. Nous allons maintenant faire une pause, mais, avant de lever la séance, je vous signale qu'une paire de lunettes de lecture ou de vue nous a été ramenée. Est-ce que cette paire de lunettes manque à quelqu'une ou quelqu'un d'entre vous ?

Sur ce, la séance est levée; nous reprendrons à 10h15.

La séance est levée à 10h.