République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

PL 12478-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2018

Suite du deuxième débat

M - MOBILITE (suite)

Le président. Nous continuons notre travail sur la politique publique M «Mobilité». Je vous signale cependant que nous voterons à mains levées: nous avons un petit problème informatique auquel on est en train de chercher une solution. Pour les prises de parole, j'ai les cinq demandes de tout à l'heure et on va continuer comme ça. Je passe la parole à M. le député Rémy Pagani.

M. Rémy Pagani (EAG). Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues... (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Une voix. Chut !

M. Rémy Pagani. ...mon collègue Pierre Vanek interviendra sur le fond, mais je prends la parole parce que je suis assez mécontent en ce qui concerne le CEVA. Je vous explique: le canton - comme la Ville de Genève - a mis des sommes, des efforts et une énergie considérables pour faire en sorte que le 15 décembre, à 5h du matin, nous inaugurions ce Léman Express avec le Conseil d'Etat en tête, la fanfare et tout - une véritable fête. Mais j'entends de-ci de-là que certains voudraient continuer à faciliter les parkings au centre, à faire en sorte que tout un chacun... Je vous rappelle que 25 000 places de parking sont à disposition et qu'elles le resteront. On a par ailleurs aussi fait un effort pour que la Fondation des parkings mette le holà à toutes celles et tous ceux qui voudraient encore utiliser nos parkings publics pour venir au centre.

Je me rends de temps en temps de l'autre côté de la frontière, je discute parfois avec certains promoteurs français, et j'en viendrai à la fin à ce qu'ils m'ont dit. Il y a ce qu'on appelle l'«effet de deux ans après»; on l'a vu pour la voie verte et d'ailleurs aussi pour le M2. Avec la voie verte, les gens se sont rendu compte qu'il y a moins de circulation sur la route de Chêne - elle a diminué de 12%. Ils se disent donc: «Ah, eh bien je vais reprendre ma voiture parce qu'il y a de toute façon des places de parking au centre-ville !» D'autres feront l'effort de prendre le CEVA pour se déplacer et paieront les abonnements, au demeurant relativement bon marché, mais toujours est-il qu'ils paieront. Et la vie de certains, des automobilistes, sera facilitée parce qu'on maintiendra des places de parking. M. Dal Busco invite les entreprises à limiter ces places, sauf qu'il n'y a pas de mesures contraignantes pour en supprimer. Au vu de l'argent et de l'énergie que nous avons investis, ce serait pourtant bien de faire en sorte que le CEVA nous soit encore utile au-delà de deux ou trois ans !

Je discutais dernièrement avec un promoteur français et je me suis aperçu que la loi française sur la promotion des villas ou même des villas contiguës permettait deux places de parking précédemment, et elle en permet maintenant trois; c'est une revalorisation des biens immobiliers. On se dit, en France voisine, que la circulation sur les routes du canton sera allégée avec le CEVA alors que les places de parking subsisteront au centre. Eh bien ces trois places de parking vont valoriser les investissements immobiliers ! Mesdames et Messieurs, je trouve ça infiniment déplorable !

Ça fait douze ou treize ans que je participe au GLCT avec toutes les autorités cantonales, municipales et de l'agglomération française, et je trouve déplorable que nous en soyons aujourd'hui, à quelques semaines de l'inauguration du CEVA, à nous dire qu'il sera efficace seulement pendant deux ans ! Et puis après deux ans, quand des petits malins auront compris que nos routes sont ouvertes et qu'aucune mesure coercitive n'a été prise pour empêcher le trafic d'entrer dans notre cité, nous continuerons à payer la dégradation des routes - pour ce qui est de la Ville de Genève - et à supporter une circulation que nous voulions voir s'alléger ! Je vous remercie de votre attention.

M. Stéphane Florey (UDC). Je disais tout à l'heure que j'ai appris que les heures d'ouverture des petites douanes vont en principe être repoussées - c'est ce qui se raconte dans certains milieux intéressés. Ma crainte est que si on ferme ces douanes, si on repousse l'heure d'ouverture, on va finalement détourner la circulation vers les grands axes comme la douane de Bardonnex.

Mais si on ferme ces petites douanes, on va surtout constater qu'il y aura bien évidemment moins de circulation aux heures de pointe, le matin. Ce que je suspecte, c'est que le Conseil d'Etat nous dira finalement: «Vous voyez, il y a moins de circulation: il n'est donc plus nécessaire de construire les routes de contournement.» Routes qui sont tant attendues, depuis plus de vingt ans, ne serait-ce que pour le contournement de Chancy ! C'est clair que les petits villages seront désengorgés s'il n'y a plus de circulation, et on dira à leurs habitants qu'il n'y a plus besoin de routes de contournement. Par contre, on n'aura toujours pas résolu le problème de la circulation puisque celle-ci se reportera bien évidemment sur d'autres axes, comme sur la douane de Bardonnex, qui est déjà à flux tendu. Là aussi, on ne va faire qu'empirer le trafic.

Autre inquiétude: on a appris l'autre jour, en commission, que les usagers n'ont augmenté que de 1% en 2018 alors qu'on investit énormément dans les transports publics. En plus, il ne s'agit pas réellement de nouveaux clients: ce 1% est uniquement dû à l'augmentation de la population. On est déjà obligé de faire venir sans cesse de la population extérieure; si c'est pour que les usagers augmentent ensuite de 1% seulement, eh bien on devrait plutôt s'inquiéter ! Ça veut dire que la politique actuelle en la matière est tout simplement mauvaise, puisqu'on est tout simplement incapable de drainer de la clientèle nouvelle ! C'est ce qui se passe actuellement: on ne gagne rien du tout à ce niveau-là.

Autre discours, largement relaté dans la presse: celui sur la traversée du lac. Là encore, je suis personnellement assez fâché puisque nous avons eu un grand débat à ce sujet et que les volontés étaient claires. On peut aussi s'inquiéter qu'on nous dise maintenant que la traversée est repoussée à 2050 au plus tôt.

Concernant les places de parking, je reviendrai sur le fait que la fondation Wilsdorf a racheté le Plaza. On l'avait rappelé lors du débat: il était prévu de construire un parking en sous-sol, sous le Plaza, destiné à supprimer les places de stationnement en surface. Alors ce qui va malheureusement se passer, c'est qu'on n'aura plus de parking. Au vu de la politique qu'il essaie de mettre en place, on peut également supposer que le Conseil d'Etat va quoi qu'il arrive supprimer ces places de parc aux alentours du Plaza et que celles-ci ne seront malheureusement jamais compensées. Ce qui est également inquiétant pour les petits commerçants. Je vous donne un exemple: imaginez Manor sans parking ! (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Des voix. Ah !

M. Stéphane Florey. Imaginez ça ! Vous voyez ce que ça donnerait ? Manor perdrait la quasi-totalité de son attractivité: on sait que bon nombre de clients qui vont y faire leurs achats s'y rendent en voiture pour éviter d'être encombrés de sacs et autres dans les transports publics, ce qui est plutôt ingérable quand vous avez vos enfants et que vous avez fait bon nombre d'achats. C'est pour ça que...

Le président. Vos cinq minutes sont écoulées, Monsieur Florey.

M. Stéphane Florey. Très bien. Je terminerai donc en disant que nous refuserons cette politique publique. Merci.

M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il est bon de rappeler que la politique publique «Mobilité», selon les termes du tome 2 du rapport sur les comptes, «a pour but d'assurer une mobilité de qualité dans une vision de complémentarité et de recherche d'efficience, reposant sur quatre piliers: les transports publics, les transports privés, la mobilité douce et le stationnement». Comme nous avons pu le constater, il s'agit d'une politique publique qui demande beaucoup d'efforts, de compromis, de patience et, souvent, de discussions, et dont les décisions peuvent fâcher les partisans d'un mode de mobilité ou d'un autre, selon les options retenues.

En septembre 2018, le nouveau conseiller d'Etat chargé de la mobilité a présenté sa stratégie en la matière, qui tient compte de l'évolution significative des comportements des usagers. Le nombre de ménages sans voiture est par exemple passé de 15% à 22% en quinze ans; parallèlement, la part de la voiture comme moyen de transport pour se rendre au travail, à l'intérieur du canton, a baissé de 47% à 27%. A l'inverse, la proportion des déplacements vers le lieu de travail effectués au moyen de la mobilité douce est passée de 41% à 60%. De ces constats, quatre axes prioritaires ont été identifiés par le conseiller d'Etat, et le groupe PDC partage ces vues.

Premièrement, il est nécessaire de faire du Léman Express un trait d'union entre l'agglomération et la région en mettant en place des mesures d'accompagnement qui amèneront une réduction du trafic au centre-ville. En cela, je partage le souci de M. Pagani concernant la gestion du stationnement au centre. Il faut également accélérer la mise en oeuvre de la LMCE en priorisant les transports publics et la mobilité douce dans les centres urbains et en créant des voies fluidifiées pour le trafic automobile. Ces mesures doivent surtout permettre de faciliter le transport des professionnels.

Il est par ailleurs nécessaire de développer les infrastructures routières et les transports publics; au cours des cinq prochaines années, Genève investira environ 1,5 milliard pour développer l'ensemble des infrastructures de mobilité et notamment le réseau de trams. Enfin, en matière de mobilité douce, le Conseil d'Etat est déterminé à accélérer l'aménagement du réseau des axes cyclables pénétrants, avec le double souci de la continuité et de la qualité.

Cela dit, la planification des améliorations envisagées sur le réseau routier ainsi qu'en matière de mobilité douce s'est poursuivie en 2018, et cela en vue de concrétiser les différentes mesures inscrites dans le plan d'action du réseau routier et dans celui de la mobilité douce, ainsi que pour mettre en oeuvre la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée. Il faut relever que 23 kilomètres de voies cyclables supplémentaires ont été aménagés sur le territoire cantonal et que le nombre de places pour vélos aux abords des interfaces des transports publics a augmenté de 479 unités.

En matière de transports publics, l'année 2018 a tout d'abord été marquée par la mise en application de la loi 12128, adoptée en septembre 2017 par une courte majorité du Grand Conseil, qui prévoit le retour au niveau de l'offre antérieure à 2014 grâce à un subventionnement massif. Ainsi, on a progressivement vu augmenter l'offre sur le réseau de tramways tout au long de l'année. Certaines cadences ont été renforcées le week-end et de nouvelles lignes transfrontalières ont été créées. Mais il faut également dire que, malgré le développement de l'offre, le niveau des recettes voyageurs n'a pas atteint le niveau de 2014. Relevons par ailleurs que l'augmentation de la cadence des trams augmente aussi le risque de blocage général des lignes, même en cas de perturbation minime. Concernant les projets d'extension du réseau de trams, il faut signaler que l'autorisation fédérale pour la section Palettes-ZIPLO est attendue pour fin 2019 ou pour 2020; l'extension du tram du Grand-Saconnex a été réintégrée dans le projet d'agglomération III grâce à un travail important du département et les études d'avant-projet ont pu être relancées.

En matière d'offre ferroviaire, l'année 2018 a principalement vu la mise en place progressive de la cadence au quart d'heure sur la ligne Coppet - Lancy-Pont-Rouge, pour atteindre un niveau d'offre complet, toute la journée, en décembre dernier. La construction du chantier du CEVA s'est poursuivie par l'achèvement des infrastructures ferroviaires avec notamment le raccordement de la voie ferrée entre la Suisse et la France. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

S'agissant de la LMCE, le département a poursuivi la réalisation du programme de mesures visant à mettre en oeuvre par étapes les principes de la loi. Les travaux de fluidification du trafic se sont poursuivis au niveau de la moyenne ceinture et de certaines pénétrantes, ainsi que sur le U lacustre, dont les travaux ont débuté en septembre 2018 sur le quai Gustave-Ador et sont maintenant terminés ! Il ressort des comptes 2018...

Le président. Vous avez épuisé votre temps, Monsieur Lance.

M. François Lance. Deux secondes !

Le président. Allez-y: deux secondes !

M. François Lance. Au vu de ce qui précède et malgré les contraintes politiques, financières ou techniques, nous estimons que la gestion de la politique publique «Mobilité» de MM. Barthassat et Dal Busco a été bonne en 2018, et nous tenons à remercier tous les collaborateurs et collaboratrices qui s'attellent à cette tâche difficile tous les jours de l'année. Le groupe PDC votera bien entendu cette politique et vous engage à en faire de même. Merci.

M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, je serai bien plus bref après ce survol panoramique de l'ensemble de la politique publique. Simplement, celle-ci «a pour but d'assurer une mobilité de qualité»; François Lance a commencé en lisant le début du texte. Il a insisté sur la complémentarité des quatre piliers de cette politique, qui sont le stationnement - je les cite dans le désordre - les transports privés, la mobilité douce et les transports publics. Mais précisément ! Là est le problème ! C'est écrit «synthèse des priorités» et ensuite on nous dit: «Ouais, mais il y a quatre piliers; il faut ménager la chèvre et le chou, il faut donner un peu aux uns et aux autres et puis s'assurer que ça puisse marcher un peu mieux !»

Non, Mesdames et Messieurs ! Nous sommes face à une crise écologique aiguë à l'échelle planétaire et il faut basculer - basculer ! - des transports individuels motorisés aux transports en commun et à la mobilité douce. Ce qui demande un engagement qui favorise l'un et décourage l'autre ! Rémy Pagani, en endossant sa casquette de magistrat, a expliqué, avec plus de ménagement que je ne le fais, qu'on a beau investir dans le CEVA, il faut néanmoins prendre des mesures contre le stationnement au centre-ville pour le limiter. Même François Lance a dit que c'est effectivement ce qu'il faut faire.

Le problème de cette politique publique, ce qui ne va pas avec elle, c'est qu'elle vise à ménager la chèvre et le chou ! D'autres l'ont relevé, on maintient à l'ordre du jour des projets comme les barreaux L1 et L2 ou la traversée du lac, soit des choses sur lesquelles il faut évidemment mettre une croix, ce qu'on n'ose pas faire: on maintient hypocritement un certain nombre de projets alors que tout le monde sait qu'ils ne se feront pas. Il y a par ailleurs des éléments positifs, notamment le CEVA, le développement du tram et des pistes cyclables, mais pas suffisamment et sans mesures complémentaires.

Un orateur socialiste qui s'est exprimé sur cette question a fait le bilan de son parti, qui porte un regard aiguisé sur cette politique, et confirme ce que je dis: le verre est, pour la moitié d'entre nous, à moitié plein et pour l'autre moitié à moitié vide. C'est exactement ce que je dis avec la chèvre et le chou ! Il faut arrêter ! Je suis résolument pour mettre l'accent sur le chou ! (L'orateur rit. Remarque.) Le chou, parce qu'il est vert... (Remarque.) ...mais je n'ai évidemment rien contre les chèvres. (Commentaires. Rires. Remarque.) Parce qu'il est chou, oui !

Il faut par conséquent faire un effort significatif pour le développement des transports en commun. Et on se félicite du rétablissement du financement des transports en commun grâce à la loi... J'ai fermé le document et je n'ai donc plus son numéro en tête, mais elle incarne... Cette loi a permis de rétablir les prestations des transports en commun, qui avaient été dégradées sous prétexte que la population ne voulait pas que les tarifs augmentent. Eh bien on s'est battu pour ça - et je me félicite que cette loi soit passée - mais quand même ! C'était en fait une obligation du droit fédéral, qui avait été escamotée dans les débats autour de l'initiative de l'AVIVO sur les tarifs. Nous l'avons rétablie en ramant et en réunissant une majorité ad hoc qui ne comportait pas un certain nombre des partis assis du côté droit de cet hémicycle. Ça ne va pas: on est dans une situation où on est obligé de se féliciter de faire du sur-place ! En réalité, on n'a même pas fait du sur-place: on a reculé en matière de financement des prestations des transports en commun, et puis on a rétabli ce financement ! C'est idiot ! Il n'y a pas de volonté politique claire d'aller dans un sens, comme le relève également le parti socialiste.

Florian Gander a dit: «Mais on va relancer la guerre des transports, etc. !» Oui, il faut la relancer ! J'hésite à m'embarquer dans cette métaphore guerrière - enfin, je vais le faire: il faut une guerre des transports, pas contre les automobilistes - on ne naît pas automobiliste - mais contre l'usage des transports individuels motorisés, contre l'usage de l'automobile, qui tue le climat et la planète ! Il faut une volonté politique qui fait défaut dans ce rapport, dans ce gouvernement et dans ce parlement. C'est pour ça que nous refuserons cette politique publique. (Applaudissements.)

M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'aimerais revenir sur les TPG et surtout sur le chantier d'En Chardon. On peut le dire, En Chardon, c'est le pompon ! Après le retrait du groupe adjudicataire grâce aux syndicats, à la FMB et à une motion votée par ce parlement, les futurs travaux seront effectués, espérons-le, par des entreprises locales. Mais elles devront assumer le travail réalisé et, de surcroît, les retards pris - et j'en passe.

Ce dossier, géré par les TPG, est une véritable calamité. A ce jour, 60% des travaux d'électricité ont été réalisés et non 90% comme indiqué au public. Y a-t-il un pilote dans l'avion ? On peut vraiment se poser la question. Il y aura au moins six mois de retard et l'addition à payer, sans parler des dépassements, sera de 10 à 12 millions au minimum. Et comme d'habitude, c'est le contribuable qui passera à la caisse !

Ce chantier pose la question des adjudications: il faudra tôt ou tard revenir sur ce dossier. Monsieur le magistrat, vous étiez ingénieur dans une autre vie, je pense que vous savez de quoi je parle. Il convient que le Conseil d'Etat réagisse de manière vigoureuse dans ce dossier car c'est un véritable scandale. Le groupe UDC refusera donc cette politique publique, comme l'a annoncé mon collègue Stéphane Florey. Je vous remercie.

M. Rolin Wavre (PLR). Beaucoup de choses ont été dites jusqu'à présent sur les activités de ce département et sur cette politique publique. C'est à l'évidence un département compliqué, avec des ombres et des lumières. Je me bornerai à mentionner un seul domaine, celui du ferroviaire, pour lequel l'ouverture du Léman Express à la fin de l'année sera, à n'en pas douter, un point essentiel. Il ne faudra toutefois pas oublier que ce Léman Express doit être relié à l'ensemble du réseau et à notre aéroport. A cet égard, il s'agira d'avoir un débat sur la pertinence d'une solution alternative - elle existe, elle est sur la table et débattue en commission - pour nous assurer que le bouclement de la boucle ne sera pas abandonné sans un véritable examen. Cette alternative permet de remplir les mêmes fonctions pour beaucoup moins cher et beaucoup plus rapidement, et de relier le Léman Express au réseau. Je souhaite beaucoup de plaisir aux responsables qui devront expliquer à la population qu'elle se verra infliger deux fois six ans de travaux en pleine ville, avec les nuisances qui vont avec; ce sera un travail compliqué. Finalement, la mobilité, ce n'est certainement pas le concours de celui qui aura la plus grosse gare, mais plutôt de celui qui aura le meilleur réseau de transports publics, le plus performant. Je vous remercie.

M. Florian Gander (MCG), député suppléant. J'ai entendu plein de belles choses: c'est vrai que c'est un monde de Bisounours, les transports à Genève - on est tous heureux de vivre comme ça ! Mais non, il faut arrêter de se voiler la face ! Vous imaginez qu'un travailleur frontalier qui vient de Saint-Julien ou d'Annecy va prendre sa voiture pour aller à Annemasse et se dire: «Oh, je vais prendre le CEVA, c'est la solution miracle, je vais laisser ma voiture à Annemasse.» C'est faux ! Tant que les employeurs auront des places de stationnement pour leurs employés - les grosses entreprises comme Patek Philippe ou Rolex ont des dizaines voire des centaines de places pour leurs employés - eh bien les gens continueront à venir. Ils paieront 60 ou 100 francs leur place de stationnement chez leur employeur et ils continueront à venir en voiture; le problème ne sera jamais réglé.

On dit qu'à Genève les gens ont moins de voitures mais qu'il y a plus de trafic. Il ne faut pas aller chercher plus loin: tant qu'on n'engagera pas assez de locaux, on aura toujours ce trafic de pendulaires ! Ce sont plus de 500 000 véhicules par jour qui traversent notre canton dans tous les sens ! Et qu'est-ce qu'on veut faire ? On veut contraindre les automobilistes à prendre les transports en commun ? Mais les Genevois sont assez pressurés comme ça ! Les résidents sont assez pressurés pour qu'on leur dise en plus de ne pas prendre leur voiture. La preuve, c'est qu'ils prennent les transports en commun; ceux de la ville de Genève prennent de plus en plus les transports en commun. Ce n'est pas là qu'il y a un problème: le problème vient de l'extérieur. Et il sera toujours là, à moins de mettre des gardes à l'entrée de Genève pour dire aux automobilistes: «Vous parquez votre voiture derrière la frontière et après on vous laisse entrer.» On ne peut pas contraindre les pendulaires à laisser leur voiture à l'extérieur du canton. Le problème n'est donc pas à Genève, mais vient d'autour de Genève, et c'est ce que nous devons combattre ! Il ne faut pas combattre les résidents, qui ont le droit de vivre, qui ont le droit de se déplacer dans leur véhicule !

On parle de supprimer complètement les véhicules. Chouette ! Vous avez vu ce que rapporte au canton l'impôt sur les voitures, sur les plaques ? Vous êtes prêts à le supprimer dès demain ? Pas de problème pour moi ! Mais après, il ne faudra pas venir pleurer lors des débats sur le budget en disant: «Ah, mais il nous manque tant de millions pour pouvoir faire ce dont on a envie.» A un moment, c'est un peu l'hôpital qui se fout de la charité, je suis désolé ! Je ne peux pas accepter qu'on écrase nos concitoyens pour laisser les pendulaires venir travailler à Genève et utiliser toutes les places de stationnement.

Genève fait des efforts; les gens qui habitent au centre-ville font l'effort de prendre les transports en commun. Et ceux qui sont en périphérie... J'en fais partie, j'habite Versoix. Je n'ai pas forcément la possibilité de me déplacer comme j'en ai envie; ça changera peut-être avec le CEVA. Qui sait, peut-être qu'un jour je prendrai les transports en commun. En attendant, chacun doit être libre de choisir le moyen de transport qu'il veut. On ne doit pas contraindre les gens: c'est une chose si on les amène à changer d'avis, mais les contraindre ne servira à rien.

Et une petite dernière chose: on estime que, d'ici dix ans, le parc automobile sera composé à 30% - je dis bien 30% - de véhicules électriques. Que va-t-on faire ? On dira aux gens qu'ils ont beau avoir acheté des véhicules électriques, ils ne peuvent pas se parquer ? S'agissant de la pollution, c'est pourtant la solution.

Voilà, chers collègues ! Je ne peux pas soutenir cette politique publique dans la situation actuelle. Si vous voulez vraiment résoudre le problème du trafic à Genève, il faut à mon avis qu'il y ait un débat plus large, au-delà de la frontière.

M. Patrick Dimier (MCG). Beaucoup de choses ont été dites mais deux d'entre elles ont retenu mon attention, tout d'abord ce qu'a dit notre collègue Pagani à propos de la congestion en ville. C'est une évidence: si on laisse entrer les véhicules, il faut bien les gérer par la suite. Ce qu'il convient donc de faire - vous me direz que c'est une lapalissade - c'est de les garder à l'extérieur.

La deuxième chose, c'est notre collègue Rolin Wavre qui vient de la dire à propos du réseau ferroviaire. On entend dire ici et là qu'on perdrait beaucoup d'argent; je ne suis pas un très bon matheux, mais j'aimerais rappeler à tout le monde que la solution que nous défendons, et que nous entendons défendre devant la commission concernée, vaut à peu près le quart de ce que coûte le projet que soutiennent les CFF. Il y a un point sous-jacent que personne ne veut aborder, bien entendu: la solution que défendent les CFF est-elle faite pour protéger leur politique immobilière ou pour assurer la fluidité du trafic ferroviaire ? Notre ministre est certainement un très bon ingénieur civil; je ne sais pas si c'est un bon ingénieur en mécanique des fluides ! Parce que lorsque vous devez faire rebrousser chemin à un liquide ou à un trafic, à un moment donné, vous vous trouvez coincé... (Remarque.) ...et le vase déborde ! Donc le seul moyen - le seul moyen; c'est de la mécanique pure - c'est d'assurer la continuité du flux.

Pour terminer, j'aimerais rappeler que c'est toute la région de Viry à Valleiry qui fait actuellement le plus gros effort pour enrayer l'utilisation des voitures et des transports privés: elle a mis en place un système de covoiturage. Excusez-moi, mais je n'ai pas entendu dire qu'en Terre Sainte ou ailleurs dans le canton de Vaud... Parce qu'on est toujours en train de taper sur les mêmes, mais on oublie un tout petit peu que ceux-là ne font rien ! Et si vous observez les plaques d'immatriculation, vous verrez que les vaudoises ne sont pas beaucoup moins nombreuses que les «01». Tout ça veut donc dire que si on veut réellement s'attaquer à cette problématique, il faut absolument mener une politique appropriée sans toucher à la liberté des gens.

J'ai confiance en M. Dal Busco: je pense que c'est un homme sincère et qui aime trouver des solutions. Mais je ne pense pas, Monsieur le conseiller d'Etat, que ce qui a été fait avant vous est à la hauteur de l'enjeu ! C'est la raison pour laquelle mes collègues et moi - c'est aussi la volonté du groupe - nous refuserons malheureusement cette politique publique «Mobilité». Merci.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. La politique des transports telle qu'elle est menée depuis de longues années, telle qu'elle l'a été en 2018, est inquiétante. On a évoqué le problème des petites douanes; il faudrait également parler d'un problème catastrophique, à savoir le trafic véritablement infernal auquel sont soumis le matin les villages de Soral et de Chancy, trafic qui pour l'essentiel ne sera pas réglé par le CEVA, dont on attend toutes les merveilles du monde.

De toute manière, ce problème fondamental aurait dû être empoigné en 2018 déjà, et il faudra l'empoigner ces prochaines années parce que c'est vrai qu'il est tout à fait infernal ! Les habitants de ces villages représentent une minorité, mais je crois que ce n'est pas une raison pour les négliger comme on le fait jusqu'à maintenant ! Il y a d'autres villages concernés - par exemple Perly-Certoux - d'autres axes de notre canton qui sont dans une situation d'urgence, de difficulté grave, pour lesquels il faut véritablement se mobiliser, et pour lesquels on ne s'est malheureusement pas assez mobilisé en 2018.

Sans parler bien évidemment de la politique générale des transports: à Genève, c'est bien connu qu'une partie - la moitié - veut embêter l'autre. Cette situation de taquinerie générale existe malheureusement depuis des décennies. Malgré les belles promesses, malgré le grand plan de M. Barthassat, on n'arrive malheureusement pas à obtenir les résultats qu'on serait en droit d'espérer. L'enfer est pavé de bonnes intentions; sans doute en va-t-il ainsi de la politique des transports à Genève.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, j'ai écouté ce débat avec beaucoup d'attention. On a ressenti de manière assez marquée la diversité des opinions en matière de transports. J'ai pris note des sentiments mitigés qui conduisent certains à s'abstenir, d'autres à dire non à cette politique publique, quand bien même j'ai l'impression que c'est plutôt un sentiment positif qui se dégage de l'appréciation.

Mesdames et Messieurs, si j'ai une ambition pour cette législature, c'est que ces discours paradoxaux, bien sûr légitimes, deviennent plus pragmatiques - plus clairs et apaisés. Pourquoi ? Parce que cette politique publique doit être abordée avec ordre et méthode, et avec l'esprit tourné vers un effort de longue durée. On n'arrivera pas à résoudre les problèmes très sérieux en matière de mobilité à coup de slogans ou de mesurettes ! On doit avoir une vision, on doit s'y tenir et on doit tenir sur le long terme !

J'essaie de résumer et de simplifier au maximum la posture qui est la nôtre. Dans le fond, il n'est pas question d'obliger qui que ce soit à utiliser un mode de transport ou un autre. La liberté va évidemment subsister: elle est inscrite dans notre constitution. Il faut juste appliquer un principe: les choses ne sont pas infinies ! Il y a une finitude, et on ne peut pas étendre à l'infini la largeur des routes ou la longueur du réseau. Il faut donc que chaque fonction de ce réseau, chaque objectif qui lui a été fixé soient remplis de manière optimale - je simplifie le discours.

Les routes doivent être utilisées en priorité par celles et ceux qui n'ont pas d'autre possibilité. Je pense en particulier au trafic professionnel, aux entreprises, pour qui le flux des personnes et des marchandises est essentiel afin d'irriguer, de dynamiser l'économie. Et tous ceux qui ont une alternative crédible - transports publics, mobilité douce, marche - doivent par conséquent pouvoir l'utiliser. C'est avec cet état d'esprit que nous devons agir; fort heureusement, nous serons aidés. Comme beaucoup d'entre vous l'ont dit, nous fondons de grands espoirs sur la mise en service du Léman Express. C'est la raison pour laquelle nous allons l'accompagner, des deux côtés de la frontière, de toute une série de mesures qui visent précisément à ce qu'un maximum de gens utilise cette infrastructure afin de libérer les routes.

A Genève, ces routes libérées nous permettront de mettre en oeuvre la volonté du peuple, à savoir appliquer la LMCE, cette loi qu'on présentait comme étant la paix des braves. Nous avons pour l'instant toutes les peines du monde à y parvenir ! Il y a toutefois des progrès, en tout cas jusqu'à ce stade: nous traiterons lors de la prochaine session, je l'espère, le projet de loi du Conseil d'Etat pour changer les règles de compensation du parcage, qui a trouvé une belle majorité en commission. Cela nous permettra d'appliquer la volonté populaire, de créer, de fluidifier les axes tout en apaisant les quartiers. Nous sommes obligés de le faire.

Nous sommes obligés d'étendre le réseau des pistes cyclables, de le rendre continu et confortable. Je salue d'ailleurs notre collaboration avec la Ville de Genève, et en particulier avec M. Pagani, pour définir trois axes très concrets que nous pourrons bientôt présenter et mettre en place de manière à créer des continuités. Le but est bien sûr de faire en sorte que toujours plus de personnes lâchent leur véhicule motorisé au profit par exemple du vélo - pour autant, évidemment, qu'elles puissent le faire - pour se rendre ensuite au train. C'est une vision moderne de la mobilité, ce n'en est pas une vision politique ! La mobilité est un service, et je suis ravi d'entendre de plus en plus d'entrepreneurs adopter ce principe. Ce n'est plus l'utilisation d'un moyen, c'est l'utilisation d'un service !

Il faut donc garder le cap: il s'agit vraiment d'un travail de longue haleine, et il faut surtout s'en tenir à une ligne. L'idée de remettre en cause la gare souterraine de Cornavin est dangereuse, terriblement dangereuse. Ce projet est extrêmement avancé, il serait extrêmement dangereux de changer de paradigme en prétendant étudier une chose qui a déjà été étudiée - nous le démontrerons prochainement en commission lorsque ce sujet y sera traité. Nous prendrions un retard énorme et risquerions de voir 1 milliard de francs nous passer sous le nez, peut-être même davantage. En effet, nous escomptons in fine faire financer l'entier de cette gare - qui coûte 1,6 milliard - par la Confédération, et nous avons très bon espoir d'y parvenir. C'est un risque énorme qu'il ne faut absolument pas prendre ! Nous risquerions également un dégât d'image en donnant une fois de plus l'impression de tergiverser alors que nous avons déjà perdu beaucoup de temps.

Nos efforts portent également sur d'autres éléments qui ont été mentionnés, comme les petites douanes. C'est vrai qu'il y a des problèmes dans ce secteur, mais nous avons mis en place une solution novatrice, même si, il faut le reconnaître, elle ne porte pas encore ses fruits. Une lettre d'intention se rapportant à toutes les douanes du sud du canton permet de concrétiser la volonté commune, de part et d'autre de la frontière, de favoriser le covoiturage. Il y a des initiatives transfrontalières tout à fait intéressantes et concrètes. Concernant le chantier d'En Chardon, je peux vous garantir que nous vouons toute notre attention à ce dossier extrêmement pénible, tout en vous rendant attentifs au fait que la justice doit encore se prononcer sur le fond de cette affaire.

Mesdames et Messieurs, j'espère vivement que votre sentiment mitigé se transformera en sentiment clairement positif au fil de cette législature, et puis que les sentiments clairement négatifs que j'ai entendus ce soir deviendront quant à eux de plus en plus mitigés. Merci de votre attention.

Le président. Merci. Il est temps de faire un peu d'exercice: nous passons au vote à mains levées.

Mise aux voix, la politique publique M «Mobilité» est rejetée.

A - AUTORITES ET GOUVERNANCE

Le président. Nous passons à la politique publique A «Autorités et gouvernance» et je cède la parole à M. Christian Dandrès.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. J'aimerais dire quelques mots sur le programme A05 «Audit interne, transparence de l'information et égalité», en rappelant en préambule que le canton de Genève a été pionnier en matière de transparence et d'égalité, entre autres avec l'adoption de la LIPAD il y a une trentaine d'années. Depuis lors, malheureusement, il me semble qu'on observe un petit recul dans l'approche qui est celle des administrations et notamment des hiérarchies vis-à-vis des usagers, j'en veux pour preuve deux aspects qui me paraissent problématiques et sur lesquels il serait bon que le Conseil d'Etat se penche.

Il y a tout d'abord la modification du site internet de l'Etat, dont je crois que tous les usagers se plaignent. Effectivement, l'accès aux informations est plus complexe, hormis sur quelques pages assez basiques, et on doit régulièrement se livrer à des sortes de gymkhanas pour accéder à des données d'intérêt public. De même, le site de la «Feuille d'avis officielle» est très peu praticable, alors qu'il est fréquemment utilisé par bon nombre de citoyens et d'usagers de toutes les branches, ainsi que par les personnes actives dans le secteur économique. Je pense donc qu'il y a un vrai travail à faire pour instaurer une véritable culture de la transparence et éviter une opacité indirecte, par le biais d'approches techniques.

De la même façon, je considère que toutes les pratiques administratives doivent pouvoir être consultables sur le site internet de l'Etat, car cela permet d'éviter des conflits, d'offrir aux usagers une prévisibilité - c'est absolument déterminant ! - et sans doute aussi de soulager les tribunaux d'une partie de leur travail. Je crois malheureusement qu'on observe dans ce domaine un petit recul. Vous vous souvenez par exemple des gigantesques batailles qui avaient dû être menées par des associations professionnelles pour que le Ministère public accepte de publier un certain nombre de directives. Celui-ci avait perdu au Tribunal fédéral, et du reste il est vraiment extraordinaire qu'il ait fallu aller jusqu'au tribunal pour accéder à quelque chose qui coule de source.

Je pourrais citer d'autres aspects, comme les fiches MIOPE de l'office du personnel de l'Etat concernant les conditions de travail et l'application du statut de la fonction publique au sein de l'administration qui fondent hélas année après année, ce qui est évidemment problématique, ou encore les formulaires de naturalisation. Les personnes qui souhaitent être naturalisées reçoivent en effet une liste impressionnante de documents à fournir, et je pense qu'il serait de bon ton, car ça faciliterait le travail des usagers - sans coûter très cher à l'administration, j'imagine - que ces derniers obtiennent quelques informations leur permettant de savoir où trouver les documents nécessaires pour leur demande. Il s'agit là à mon sens d'éléments basiques qui devraient être mis en place.

J'en viens maintenant au travail en tant que tel du préposé à la protection des données. Dans les rapports d'activité - je me réfère par exemple à celui qui porte sur l'année 2018 - on remarque qu'énormément de temps est investi dans la formation, entre autres des cadres des institutions. C'est une bonne chose, mais il ne faut pas non plus négliger les aspects de contrôle. Aujourd'hui, les instruments informatiques, notamment les bases de données, permettent une perméabilité gigantesque, l'administration a accès à des informations extrêmement sensibles, et dans ma pratique professionnelle je m'inquiète parfois de constater que, dans des services abritant des renseignements très sensibles, certains échelons managériaux peuvent accéder à des données qui ne sont pas destinées à l'employeur. Je pense par exemple au service de protection des mineurs, qui a accès à des enquêtes psychosociales. Il est absolument fondamental que le préposé aille vérifier que ces informations ne sont jamais transmises ni même accessibles - l'accès est certes illégal, mais il ne suffit pas qu'il soit illégal: il doit être impossible ! - aux services RH. De la même manière, au sein des HUG il y a des données personnelles très importantes auxquelles les services pourraient potentiellement avoir accès. Idem pour la justice ! Je considère donc qu'il y a un vrai travail à faire dans ce domaine.

J'aimerais encore évoquer le volet relatif au secteur privé, qui ne relève pas de la LIPAD, mais de la loi fédérale sur la protection des données. Aujourd'hui, les personnes qui souhaitent accéder à un logement ou à un emploi doivent fournir un nombre monstrueux de renseignements, or peu de contrôles sont faits. Quelques recommandations sont émises, mais hélas on constate parfois que ces données sont utilisées à d'autres fins une fois établies. Il y a donc là, je le répète, un travail à mener. Il s'agit d'un processus de longue haleine, qu'il faut sans cesse remettre sur le métier, et je pense que le Conseil d'Etat devrait faire ce premier pas, notamment en modifiant quelque peu le fonctionnement de son site internet.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. S'agissant de la gouvernance de l'Etat, une question importante s'est posée en termes d'éthique. Durant cette année, c'est en effet la crédibilité de l'Etat qui a été mise en jeu à cause d'un membre du Conseil d'Etat. Hélas, le gouvernement a collectivement dérapé pendant une période, avant de se redresser en fin d'année de manière heureuse, c'est-à-dire de retrouver ce qu'on peut attendre d'un Etat, soit de la crédibilité, de la fiabilité, ainsi que des décisions prises en toute objectivité, sans clientélisme ni avantage pensé ou espéré. C'est ce que la population attend et c'est ce qu'il faut lui accorder.

D'autre part - le rapporteur de majorité en a parlé - je suis sensible à la situation dramatique de la «Feuille d'avis officielle», dont la version papier a malheureusement été abandonnée. Actuellement, on a la plus grande peine à trouver certaines informations, et cette histoire a été le plus formidable autogoal de ces dernières années: au lieu d'aller vers une progression, on a assisté à une régression ! Il aurait dû y avoir une amélioration technologique, on aurait dû opter pour une digitalisation intelligente, mais à la place on a supprimé des postes de travail et envoyé des imprimeurs au chômage de façon stupide, pour au final se rendre compte que la solution numérique avait été très mal étudiée. C'est vraiment un gros gâchis, je m'en inquiète, et j'espère qu'on va rapidement trouver un bon système.

M. Romain de Sainte Marie (S). Je vais quant à moi me focaliser sur le programme A03 «Exercice des droits politiques», et plus particulièrement sur le vote électronique, dont on a beaucoup débattu dans ce Grand Conseil. J'ai été surpris de lire à la page 26, s'agissant des perspectives d'avenir concernant le vote électronique, que des discussions étaient en cours avec la Poste. Je m'étonne que le Conseil d'Etat tienne ce genre de propos, puisque le PL 12415, qui est aujourd'hui une loi, a été adopté par la quasi-unanimité de ce parlement - 81 oui, 4 non et 5 abstentions, j'ai ressorti les chiffres ! - et que son article 60D, alinéa 2, stipule ceci: «Le système de vote électronique utilisé par le canton doit être, dans sa conception, sa gestion et son exploitation, entièrement contrôlé par des collectivités publiques. Les applications permettant de faire fonctionner le vote électronique peuvent toutefois être des logiciels libres.» Oui, je m'étonne, car avec un tel vote, une loi qui est parfaitement claire... Et l'esprit du législateur l'est aussi, nous l'avons rappelé, malgré les effets de manche du Conseil d'Etat à la commission des droits politiques, qui ne voulait peut-être pas comprendre cet esprit-là ! Par un tel vote, je pense pourtant que l'intention du législateur est claire: non, le Grand Conseil ne veut pas du système de la Poste. Non, le législatif ne veut pas de la solution en mains privées développée en Espagne, qui a montré toutes ses failles et dont on n'aurait aucune maîtrise. Par cette loi, le parlement a fait savoir au Conseil d'Etat qu'il souhaitait un système en mains publiques et qu'il ne désirait pas discuter d'une solution en mains privées, celle de la Poste. Il est donc assez choquant de lire dans le rapport de gestion que le Conseil d'Etat est en discussion pour la suite de ce développement.

De plus, on peut voir aujourd'hui dans les journaux des éléments extrêmement inquiétants s'agissant de la gestion du dossier par l'OCSIN et le Conseil d'Etat, on se rappelle avoir appris par la presse l'arrêt spontané du vote électronique par la volonté du Conseil d'Etat, et on a découvert ensuite que la Confédération avait également changé sa stratégie ainsi que le cahier des charges... Nous n'avons donc pas été aidés ! Je pense par conséquent que, dans toute cette affaire de vote électronique, il faudra véritablement chercher à savoir qui a pris la décision d'un arrêt aussi soudain, de quelle façon, et comment l'ensemble du dossier a été géré, car il y a visiblement un grave problème. Et pour la suite, notamment le reste de l'année 2019 mais également 2020, nous devons impérativement relancer le système de vote électronique en vue d'une version 2.0, puisque c'est la volonté du législateur. Pour toutes ces raisons, je vous remercie de refuser cette politique publique. (Applaudissements.)

Mme Delphine Bachmann (PDC). J'aimerais ajouter quelques éléments sur cette politique publique, qui visiblement déchaîne autant de passions que la mobilité. Le PDC l'acceptera, pour les raisons suivantes. D'une part, nous souhaitons relever le travail fourni tant par la Cour des comptes que par le service d'audit interne, qui nous permet tout de même d'améliorer le fonctionnement de l'Etat, de dégager des pistes d'économies concrètes et souvent d'optimiser les prestations délivrées à la population - c'est, je le rappelle, la mission première de ce dernier.

Un petit mot aussi sur l'égalité, qui fait partie du programme A05. On en a beaucoup parlé ces derniers mois, et j'en suis heureuse. Je voudrais souligner que l'engagement du Conseil d'Etat va selon moi dans la bonne direction s'agissant de cette thématique, qui est désormais une vraie priorité. Je m'en réjouis !

Enfin, un mot ironique sur notre Grand Conseil qui, comme d'habitude, de retour à ses fondamentaux, aura été d'une efficacité redoutable en 2018... Quant à moi, pour tenter de leader par l'exemple, je vais faire des efforts et m'arrêter là ! Je vous remercie. (Exclamations. Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG). J'aimerais m'inscrire dans la continuité de l'intervention de notre collègue Romain de Sainte Marie, et même si je ne souhaite pas faire de nouvelle lapalissade - deux en un jour, c'est peut-être trop ! - je rappelle quand même que le législatif décide et que l'exécutif exécute. Le rôle de l'exécutif, c'est de faire ce que dit le législatif.

Pour ma part, j'ai participé à l'ensemble des travaux parlementaires qui ont mené à cette décision et à ce vote. Je n'ai certes pas une très très grande expérience parlementaire, mais je crois que je bénéficie d'une certaine expérience dans l'analyse politique, et il me semble qu'il n'est pas fréquent, sur un sujet qui peut aussi facilement déchirer les opinions, d'obtenir l'unanimité que nous avons eue. Eh bien la volonté de la commission - qui a été suivie, notre collègue l'a rappelé, par une écrasante majorité de ce parlement - a été que tout instrument lié au vote et à l'expression du peuple soit, reste et demeure à jamais en mains publiques. Il n'y a que dans quelques républiques bananières - dont Genève a parfois certains aspects - que l'on peut marchander, marchandiser l'expression du peuple. Genève est une république, une république fière qui a de belles traditions démocratiques, et il est tout simplement hors de question que nous puissions laisser des privés prendre en main la destinée de nos votes et de nos volontés. (Applaudissements.)

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, voici quelques réponses ou commentaires suite à ce qui a été dit. Le site internet suscite effectivement des réactions mitigées, comme en matière de mobilité, mais pas toujours ! J'ai pris bonne note des informations et des griefs énoncés par M. Dandrès à ce sujet, de même que sur les questions relatives aux données, qui sont bien sûr extrêmement délicates et sensibles.

En ce qui concerne le vote électronique, je voudrais mettre fin à ce qui ne devrait pas être une polémique, puisque selon moi il s'agit simplement d'un problème de date, Monsieur de Sainte Marie. En effet, le texte que vous avez sous les yeux a été déposé par le Conseil d'Etat en mars, alors que la loi à laquelle vous faites allusion a été adoptée par votre Grand Conseil le 14 mai. Je pense que c'est la seule raison de cette mention, parce qu'il n'est évidemment pas dans l'intention du Conseil d'Etat d'agir contre la volonté du parlement.

Cela étant, vous le savez, la Confédération a décidé, suite aux problèmes que le système de la Poste a révélés, et dans un souci légitime et salutaire de prudence, de ne pas offrir le canal du vote électronique lors des élections fédérales de cet automne, et nul doute que si ce sujet anime ce Grand Conseil, il va aussi animer le Parlement fédéral, en tout cas les instances fédérales. Force est de constater que le débat revêt désormais une portée nationale, et les orientations qui seront données sur le plan national induiront très probablement des conséquences dans les cantons - dans le nôtre également.

Et puisque j'ai prononcé le mot «également» et qu'on a parlé d'égalité il y a quelques instants avec Mme la députée Bachmann, eh bien c'est un représentant masculin du gouvernement qui va vous indiquer que, s'agissant de l'égalité - un sujet totalement d'actualité cette année, on l'a vu, qui prend une dimension toute particulière au sein du Conseil d'Etat grâce à l'action de notre collègue Nathalie Fontanet - nous suivons tous la même ligne, aussi bien les membres féminins que masculins de ce Conseil d'Etat, pour favoriser l'égalité. Merci.

Le président. Merci. Mesdames et Messieurs, je vous invite maintenant à vous prononcer sur cette politique publique. Nous votons toujours à mains levées. (Commentaires. Un instant s'écoule.) Le résultat étant incertain, nous allons plutôt procéder au vote par assis et levé. (Il est procédé au vote par assis et levé. Le sautier compte les suffrages.)

Mise aux voix, la politique publique A «Autorités et gouvernance» est rejetée par 33 non contre 25 oui et 25 abstentions.

B - ETATS-MAJORS ET PRESTATIONS TRANSVERSALES

Le président. Nous abordons la politique publique B «Etats-majors et prestations transversales». (Un instant s'écoule.) Je prierai le député assis à la place 83 d'insérer sa carte dans la console s'il veut pouvoir voter; pour l'instant, son nom ne s'affiche pas. Merci. Je passe la parole à M. le député Christian Dandrès.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais revenir sur deux aspects: tout d'abord le projet SCORE et ensuite la question des statuts intérimaires dans les établissements publics autonomes.

Concernant SCORE, un rappel en quelques points: le projet a été lancé en 2010 par le Conseil d'Etat et nous sommes maintenant en 2019. Pour l'instant, les choses avancent manifestement peu, et peut-être avancent-elles mal. S'agissant des engagements pris par le gouvernement, notamment celui de protéger les droits acquis du personnel - le projet ne serait appliqué qu'aux personnes nouvellement engagées et celles en poste n'auraient pas de baisse de salaire - la situation risque également de ne pas être facile. Je vois très mal comment ces engagements pourraient être respectés avec le vote sur la RFFA, bien que nous ayons évidemment un peu plus de marge de manoeuvre grâce à la décision prise tout à l'heure par notre Grand Conseil de maintenir la réserve conjoncturelle. Mais enfin, comme on l'a vu pour la CPEG, cela montre que l'exécutif a porté aux nues la question de la RFFA sans réfléchir aucunement aux conséquences que celle-ci pourrait avoir sur ses autres engagements. Engagements qui revêtent peut-être pour lui une importance moindre, mais qui sont très importants pour les personnes concernées.

Ce qui est aussi problématique avec le projet SCORE, c'est que le personnel a sans doute le sentiment de se faire quelque peu balader - j'utilise volontairement des termes crus - puisqu'on lui dit quasi en permanence, année après année, que le projet est à l'ordre du jour. En parallèle, par le biais soit d'extraits de procès-verbaux soit d'arrêtés, le gouvernement gèle les réévaluations de fonctions, ce qui creuse encore les inégalités et accentue les problèmes posés par le système actuel. Ces gels font par ailleurs l'objet de recours, qui sont gagnés. Le Conseil d'Etat fait reposer des arrêtés sur des argumentaires qui sont à mon avis hautement problématiques.

Tout cela crée un climat absolument détestable au sein de la fonction publique. Le rapport d'activité indique que la motivation du personnel est un des aspects phares de la politique des ressources humaines; on peut en douter quelque peu au vu de ce projet-là, comme au vu du problème des annuités, dont nous avons parlé tout à l'heure, et du jeu de passe-passe proprement scandaleux auquel s'est livré le gouvernement, qui a du reste été sanctionné par la Cour de justice. L'exécutif a par ailleurs foulé aux pieds les décisions prises par notre Grand Conseil à une très large majorité. J'espère donc qu'un travail sérieux sera fait, que les choses vont être posées sur la table et qu'à l'avenir les tours de passe-passe cesseront.

Concernant le statut du personnel, la situation est un peu plus complexe. La loi prévoit de manière exhaustive les catégories auxquelles les personnes qui travaillent au sein de la fonction publique, pour le service public, doivent être rattachées. Or on constate que dans certains secteurs, il y a un recours massif à du personnel auxiliaire et intérimaire. Quand je dis massif, le terme n'est pas forcé; les HUG ont indiqué engager en permanence plusieurs centaines de personnes avec des statuts de ce type-là. Cela pose évidemment d'énormes problèmes tant pour les personnes concernées, qui sont plongées dans une grande précarité, que pour la qualité des prestations. Une personne intérimaire qu'on a appelée pour travailler dans des services complexes, de pointe, notamment dans le domaine des soins, n'a pas forcément l'expérience et les connaissances - ne serait-ce qu'au niveau de l'organisation du travail - pour fournir des prestations optimales. Il y a là un vrai travail à faire pour les HUG, qui permettrait de garantir aux usagers la sécurité et aux personnes qui y travaillent la stabilité et le respect; à mon sens, l'IMAD a déjà fait quelques pas dans ce sens via l'organisation de pools de remplacement. Je crois que l'exécutif a commencé à mener ce travail; il doit poursuivre dans cette voie et restreindre le personnel intérimaire et auxiliaire à des cas ciblés.

S'agissant du personnel intérimaire, même si ce travail a été ciblé, je pense que le Conseil d'Etat devrait veiller au strict respect des marchés publics. Des questions ont été posées dans le cadre des travaux de commission, notamment par moi, pour savoir comment les établissements publics choisissent les entreprises de travail intérimaire. Grosso modo, aucun marché public n'a été mis en place et il y a très peu d'entreprises impliquées, notamment pour les HUG. Cela suscite évidemment des questions et au vu des récents scandales autour de l'aéroport - je ne dis pas que c'est le cas aux HUG - le Conseil d'Etat et le conseil d'administration des HUG doivent à mon sens porter une attention très pointue à cette question pour veiller à ce que ces marchés soient attribués à des entreprises qui n'ont aucun rapport avec l'établissement, j'entends par là que leur direction soit totalement séparée des personnes qui oeuvrent au sein des HUG et que des critères de qualité soient également mis en place si l'institution doit recourir à du personnel intérimaire. Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Le poids des états-majors est trop important et doit être réduit. C'est un problème: on se trouve beaucoup trop souvent face à une armée mexicaine. Nous demandons à avoir une administration de qualité, une administration respectée, bien payée, mais sans armée mexicaine.

Par ailleurs, nous sommes aussi inquiets de l'intérim. Il pose un certain nombre de problèmes, notamment concernant l'engagement de frontaliers intérimaires qui est, paraît-il, massif dans certains domaines et difficilement maîtrisable et contrôlable. Il y a également les risques de copinage - c'est une question d'actualité - voire dans certains cas de corruption. C'est donc une problématique délicate qui mérite d'être étudiée avec grande attention.

Le président. Merci. Nous passons au vote, toujours à mains levées.

Mise aux voix, la politique publique B «Etats-majors et prestations transversales» est rejetée par 29 non contre 16 oui et 30 abstentions.

C - COHESION SOCIALE

Le président. Nous abordons à présent la politique publique C «Cohésion sociale». Vous avez la parole, Monsieur Dandrès.

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. L'examen de cette politique est important, dans la mesure où il peut également servir de baromètre à l'efficacité des autres politiques publiques, même si l'Etat ne peut pas nécessairement influencer de manière décisive la conjoncture économique. Les données qui ont été communiquées à la commission des finances sont très inquiétantes, car la hausse des bénéficiaires de l'Hospice général et de l'aide sociale se poursuit. Elle se monte à 2,8% par an, ce qui constitue certes une légère diminution, puisque ces dernières années elle s'élevait à 4% par an, mais il n'en reste pas moins qu'un quart de la population perçoit aujourd'hui une aide, que ce soit des prestations de l'Hospice général, une aide au logement ou un subside d'assurance-maladie. A mon avis, c'est le signe qu'il existe un réel problème au niveau du marché du travail. En effet, une partie importante de la population active touche un revenu qui ne suffit pas à couvrir ses besoins - ses besoins élémentaires, puisqu'il est question de logement et d'assurance-maladie - il est donc évident qu'il y a là une action à mener.

On a parlé tout à l'heure, dans le cadre de la politique publique L «Marché du travail, commerce», de la nécessité de pouvoir effectuer des contrôles. C'est très bien, mais il faut également qu'ils aient un contenu. J'entends par là que contrôler le respect de CCT alors que celles-ci n'ont pas de contenu, à savoir des salaires minimaux - qui d'ailleurs sont souvent inférieurs à la pratique réelle - ne suffit évidemment pas pour répondre à cette problématique. Pour cela, il faut qu'il existe de vrais droits syndicaux et que les représentants des salariés qui vont discuter avec l'employeur et négocier une CCT puissent le faire sans risquer un licenciement. Il s'agit là d'une carence monumentale du droit fédéral ! Il faut également que les personnes puissent mener des actions de lutte, notamment des grèves, afin d'avoir un rapport de force suffisant pour maintenir des CCT ou en conclure de nouvelles avec un certain contenu, mais c'est un travail qui doit être réalisé au niveau fédéral.

Au niveau cantonal, en revanche, c'est un effort important en matière de réinsertion qui doit être effectué au sein de l'Hospice général. Il y a effectivement quelques bémols, puisque à la lecture des données qui nous ont été communiquées on a pu constater que même si un travail de réinsertion est mené, bon nombre d'anciens bénéficiaires retournent à l'Hospice général dans les cinq ans qui suivent la réinsertion. Il faut donc probablement assurer un suivi plus serré, ce qui nécessite naturellement des moyens et des compétences. L'Hospice général fait un effort - il a obtenu des moyens supplémentaires dans le cadre du budget 2019, ce qui n'était pas le cas l'année précédente - mais cet effort-là doit se poursuivre, et je pense que le Grand Conseil devra à l'avenir voter des budgets suffisants pour qu'on ne voie pas des personnes rester à l'Hospice général une vie entière, entrecoupée parfois de quelques emplois précaires.

La question de la répartition des charges doit également être posée, et je crois que dans ce domaine il faut que le Conseil d'Etat pèse de tout son poids auprès des institutions fédérales, parce que le transfert des charges qui a été opéré ces dernières années a amené le canton à devoir soutenir des personnes qui auraient sans doute dû être prises en charge par des assurances sociales. Les contre-réformes qui ont été menées - notamment en matière d'assurance-invalidité - ont en effet pour conséquence que certaines personnes ne peuvent pas bénéficier de prestations de l'AI et doivent donc faire appel à l'assistance publique, alors qu'elles sont incapables de travailler. Ces éléments ont été pointés du doigt par l'Hospice général. Cela passe par une prise de conscience - je crois qu'aujourd'hui c'est le cas - et par une volonté politique du Conseil d'Etat - ce qui est plus complexe - pour qu'il pèse à Berne afin que ces réformes ne soient plus menées et qu'on examine réellement quelle est la capacité d'une personne à intégrer le marché du travail.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Nous assistons, c'est sûr, à une hausse de la précarité et de la pauvreté, ainsi qu'à beaucoup de phénomènes qui sont parfois même cachés dans les statistiques, mais dont on peut se rendre compte quand on procède à une analyse plus précise. Il est certain que la concurrence frontalière a un effet non négligeable dans ce domaine, en particulier en ce qui concerne les niveaux de salaire, mais aussi la fragilité de certaines personnes sur le marché de l'emploi, et à notre sens il faut s'y attaquer à la racine, c'est-à-dire trouver les bonnes solutions. L'une des causes du problème provient également - c'est un serpent de mer - de l'assurance-maladie. C'est une problématique que nous pouvons gérer tout à fait indirectement par le biais des subsides, mais il faut s'y atteler de manière plus profonde, avec des solutions qui passeront inévitablement par l'échelon fédéral. C'est en effet là que se trouve aussi la réponse aux problèmes genevois de l'assurance-maladie, parce que tout est hélas interconnecté.

M. Sylvain Thévoz (S). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je rappelle en préambule que le département de la cohésion sociale a été créé ex nihilo, en quelque sorte, voilà une année. La dureté du monde social a été évoquée, et je mentionnerai aussi la forte progression, chez les plus de 50 ans, de l'exposition à la pauvreté. De manière générale, on constate une hausse de l'exposition à la pauvreté chez les mineurs, les personnes divorcées et celles de nationalité étrangère. Le taux de l'aide sociale augmente au niveau fédéral, notamment chez les mineurs et les personnes âgées.

Le tableau social a été dressé par mes deux préopinants. Il est sévère et nécessite véritablement que l'on relève ces défis de manière forte. Tous les députés, je l'espère, ont lu le rapport sur la pauvreté qu'ils avaient souhaité obtenir. Dans les faits, on voit que le département s'est mis au travail depuis sa création il y a une année. Le parti socialiste désire néanmoins mettre en évidence quelques points, à commencer par le non-recours à l'aide sociale. Comme vous le savez, un rapport de la Haute école de travail social a identifié onze éléments qui renforcent le non-recours à l'aide sociale et sur lesquels il convient de travailler. Il peut s'agir parfois de la honte, de la difficulté à trouver l'aide sociale ou des multiples trajets qu'il faut faire à l'échelle d'une ville ou d'un canton afin de visiter tous les bureaux nécessaires pour finalement obtenir cette aide.

D'autre part, vous le savez, les associations demandent une véritable politique concertée en matière d'hébergement d'urgence pour les personnes sans abri. La Ville a ajouté quelques millions à son budget et on attend un positionnement de la part du canton. Là aussi, il faut louer les efforts déployés par le magistrat Thierry Apothéloz, mais il n'en reste pas moins que ce domaine demeure en chantier, ce qui est peut-être normal après une année d'exercice.

Quant au SPAd - le service de protection de l'adulte - il est en crise, comme l'a rappelé un rapport de la Cour des comptes en début d'année. Le nombre de mandats de curatelle est en constante augmentation et, là encore, des postes supplémentaires sont nécessaires. Il faudrait de plus réorganiser le cadre.

Le Bureau d'intégration des étrangers constitue en revanche une note positive. Il continue son travail, lancé à l'époque par M. Pierre Maudet, en mettant la priorité notamment sur l'apprentissage du français, l'information aux nouveaux arrivants et la prévention de la radicalisation. Il s'agit d'un travail de proximité et de terrain, qui mérite également toute notre attention.

J'en viens à l'Hospice général, dont on parlera plus à fond tout à l'heure. Il est évident que cette institution, en évolution, est perfectible, mais elle est encore grandement sous-dotée dans l'accomplissement de ses missions - l'orientation et le renseignement, entre autres - de sorte que l'on observe souvent un basculement vers les communes pour ce qui relève de l'aide non financière. Les députés qui ont eu l'occasion de visiter le foyer de l'Etoile, qui dépend de l'Hospice général, ont pu constater les conditions extrêmement sévères dans lesquelles vivent les mineurs non accompagnés, ainsi que les risques que ces derniers courent dans un quartier qui n'est pas fait pour eux.

J'aimerais maintenant dire quelques mots sur la Fondation genevoise pour l'animation socioculturelle. En cette période de densification qui voit naître de nouveaux quartiers, il faut rappeler le besoin fondamental de maisons de quartier et de lieux d'inclusion sociale. Certaines communes en réclament, comme le Petit-Saconnex, qui lorgne toujours la ferme de Budé pour aménager une maison de quartier mais qui peine à l'obtenir. Là encore, on attend du canton qu'il mène, main dans la main avec les communes, une véritable politique de proximité en créant de nouvelles maisons de quartier et en luttant contre les risques de non-inclusion, qui touchent principalement les 12-16 ans. Certains faits divers particulièrement dramatiques se sont produits dans cette tranche d'âge, car ces jeunes ne sont pas suffisamment adultes pour cesser de fréquenter les maisons de quartier, mais pas encore à même de se rendre dans d'autres lieux; ils se trouvent donc souvent - même si cela peut s'apparenter à un cliché - au bas des barres d'immeuble, un peu livrés à eux-mêmes. Il faut dès lors véritablement renforcer le travail effectué dans ce domaine, avec des travailleurs sociaux hors murs et de nouvelles maisons de quartier. L'action de M. Thierry Apothéloz va cependant dans la bonne direction, je l'ai dit, comme en témoigne la volonté de reprendre la loi relative à la politique de cohésion sociale en milieu urbain, qui est fondamentale.

Je mentionnerai enfin la relance du CATI-Ge - le Centre d'analyse territoriale des inégalités - qui ne publie plus de rapport depuis 2014. Il était en friche et sa reprise constitue un bon signal.

Mesdames et Messieurs les députés, le parti socialiste a essayé de présenter les grands enjeux à venir, en particulier ceux qui ont trait aux comptes. En conclusion, nous allons dans la bonne direction, mais il y a besoin de davantage d'efforts - et d'efforts cohérents - de la part de tous les députés du Grand Conseil pour que l'on place véritablement le champ social au premier plan et que l'on prenne conscience de l'urgence de ces questions sociales. Merci de votre attention.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, la pauvreté, la précarité, le surendettement et la demande sociale augmentent. Le rapport sur la pauvreté et les statistiques en attestent régulièrement. Ce n'est pas un phénomène limité à notre canton, mais c'est au moins sur ce plan que nous pouvons agir directement. Les choix économiques réalisés ces dernières années - tout autant que les non-choix - concourent à dégrader fortement les conditions de vie d'une part croissante de la population. Dans la partie du rapport de gestion du Conseil d'Etat relative à cette politique publique, on insiste généralement sur quelques aspects de ce champ si large de l'action sociale, dernier rempart du respect des droits fondamentaux des personnes confrontées à l'adversité. Comme si, finalement, tout ne se cantonnait qu'à certains secteurs et qu'on oubliait le reste, alors que tant d'autres services cantonaux, communaux ou privés déploient avec acharnement leur mission pour répondre aux besoins de la population dans un contexte d'austérité et de défaussement en cascade. Car là encore il faut être lucide: les pressions budgétaires exercées par ce parlement depuis plusieurs décennies ont détérioré et mis à mal les prestations. Aujourd'hui, le non-recours ou le «mal-recours» font des ravages et les reports de compétences apparaissent comme des issues, alors qu'ils ne font qu'obliger les populations à transiter d'un service surchargé à un autre, tout aussi submergé, à la fois par l'abondance de ses propres tâches et par les transferts des autres sur son territoire.

Les réponses partielles et insuffisantes adressées aux usagers, par leur limitation ou leur rigidification, se résument trop souvent à une action sur les effets et non sur l'origine des difficultés des personnes. A la décharge de nombreux services, il faut être conscient que la détérioration du contexte économique et social a des conséquences et met bien à mal les professionnels de l'action sociale dans l'accompagnement vers un mieux-être et un retour à l'autonomie. Difficile de proposer un emploi, un logement ou autre alors que ceux-là font cruellement défaut.

Il faut donc arrêter de masquer la réalité. Oui, les organismes sociaux de notre canton font de leur mieux mais, non, ils ne disposent pas des outils et ressources suffisants pour répondre efficacement aux besoins de la population. Il convient dès lors non seulement de leur allouer les moyens adéquats pour qu'ils puissent assurer une réponse de qualité aux usagers, mais aussi de simplifier l'accès aux prestations en décomplexifiant les procédures. Cela ne suffira toutefois pas. Il faudra parallèlement développer des politiques publiques intégrées, permettant d'agir sur les causes des problèmes que rencontrent ces gens, afin que les professionnels puissent accomplir leur part de l'accompagnement rigoureux et compétent que requièrent le retour vers l'autonomie et le mieux-être des personnes en difficulté.

Aujourd'hui, le corset étriqué des politiques d'austérité imposées ces dernières années est en train de craquer. Et un corset qui craque, croyez-moi, ce n'est pas beau à voir ! Il faut mettre un terme aux discours hypocrites de rationalisation et d'économies, qui finissent inexorablement par coûter plus cher. Toutes les études sérieuses sur la question en témoignent. Alors écoutons les usagers, écoutons les experts du terrain et ne nous fions plus aux discours lénifiants des technocrates ou de ceux qui n'ont plus de liberté de parole. Redonnons à l'action sociale les moyens de remplir sa mission, réintroduisons du sens dans l'intervention sociale et cessons de nous satisfaire de gadgets managériaux.

En conclusion, parce que le groupe Ensemble à Gauche considère que ce n'est pas l'orientation qui a été développée durant l'année 2018, nous refuserons cette politique publique. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Frédérique Perler (Ve). Lors de la dernière étude des comptes sur cette politique publique, le groupe des Verts avait dressé le constat inexorable de l'appauvrissement, de l'augmentation de la précarité et du vieillissement de notre population. Aujourd'hui, nous sommes non seulement toujours dans la même situation de hausse de la précarité et de vieillissement de la population, mais à ce constat s'ajoute un autre effet, lequel résulte des coupes effectuées par le passé dans les subventions des différentes associations. Ces dernières sont pourtant de plus en plus sollicitées en raison de l'augmentation de la précarité, elles se trouvent actuellement en situation de déficit grave et elles nous contactent, certaines d'entre elles étant sur le point de mettre la clé sous la porte. Comme le relevait Mme Haller à l'instant, notre corset est en train de craquer alors que les besoins se font toujours plus urgents et qu'une pression est exercée pour qu'on augmente les moyens de cette politique publique.

Le rapporteur de majorité l'a souligné, ce qui est inquiétant, c'est qu'un quart de la population se trouve dans une situation qui nécessite qu'elle perçoive une aide. Ce qui inquiète d'autant plus les Verts, c'est que la politique sociale menée en 2018 peine à convaincre. Les allocataires de l'aide sociale rencontrent toujours beaucoup de difficultés pour bénéficier d'un accompagnement de qualité, et il en va de même pour ceux qui touchent d'autres prestations issues de cette politique publique. Le parti socialiste, notamment, a cité plusieurs exemples. Il y a eu des améliorations, mais certaines situations se sont dégradées, je pense entre autres aux bénéficiaires des prestations complémentaires familiales. Je mentionnerai en outre les difficultés présentes au SPAd, le service de protection de l'adulte, et on peut également évoquer le SPMi, le service de protection des mineurs - il ne relève certes pas de cette politique publique, mais il comporte quand même tout un volet social - qui est lui aussi en grande difficulté et en manque de moyens, sans parler des mineurs non accompagnés. Bref, ce que l'on constate, c'est que les efforts déployés en 2018 se sont révélés insuffisants.

Dans le cadre du budget 2019, différentes mesures ont été adoptées, et nous verrons l'an prochain au même moment si elles auront produit leurs effets. Le Conseil d'Etat a effectivement pris la mesure de la situation - voilà quand même une note positive ! - et le magistrat en charge, M. Thierry Apothéloz, a ouvert un certain nombre de chantiers. Nous prendrons connaissance sous peu, nous l'espérons, des solutions qui seront proposées, mais ce qui se profile pour le moment nous déplaît. Il a néanmoins pris la mesure de la situation ainsi que de la nécessité de réformer tout un système et d'anticiper une casse sociale.

S'agissant du non-recours, dont on a parlé tout à l'heure et qui nous inquiète, les Verts pensent que la complexité du système actuel rend inaccessibles à la population un certain nombre de prestations et détruit en outre - nous tenons à le relever - la capacité des individus en difficulté à se prendre en charge eux-mêmes. C'est un phénomène que nous observons dans notre quotidien, et les professionnels sur le terrain le disent aussi. La complexité est telle qu'il devient très difficile pour les gens de retrouver une certaine autonomie.

En définitive, nous souscrivons à ce qui a été dit précédemment par mes préopinants, mais en l'état nous ne pourrons pas accepter de valider cette politique publique, aussi nous la refuserons. Je vous remercie.

M. Christian Zaugg (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, mon groupe aimerait revenir sur un objet que le Conseil d'Etat ne semble pas avoir traité en 2018, je veux parler de la motion 2224 demandant une baisse du coût du transport spécialisé des malades et des personnes handicapées ainsi que la création d'une centrale unique. Il convient de rappeler à cet égard qu'une bonne trentaine de prestataires se partagent le marché, un marché juteux où l'on peine parfois à déceler un semblant d'éthique. En effet, le coût de transport des personnes malades ou handicapées s'échelonne pour une course entre 20 et 100 francs - donc tout compris entre 40 et 200 francs aller-retour - or la LAMal n'autorise qu'un remboursement de 500 francs par année. Un montant totalement insuffisant, puisqu'il apparaît que les déplacements de ces personnes peuvent dépasser la hauteur de l'Everest et atteindre une altitude de plus de 10 000 francs par an. Une réunion a eu lieu voilà peut-être deux ans dans les bureaux du Conseil d'Etat, à l'initiative de M. Poggia, avec les prestataires, les usagers, deux conseillers d'Etat et le motionnaire, mais depuis c'est le calme plat, plus aucune nouvelle, et on se demande bien ce que le Conseil d'Etat a pu faire de cette motion qui lui avait été renvoyée. J'en profite donc pour lui demander s'il entend faire cesser ce préjudice, ce racket qui prend en otage des dizaines de milliers de personnes malades et handicapées. (Applaudissements.)

M. Marc Fuhrmann (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, le choix des milieux économiques, mais aussi évidemment de la gauche, d'ouvrir nos frontières aux ressortissants européens a créé à Genève des difficultés économiques de plus en plus grandes, à la fois pour nos plus faibles et nos plus âgés. La concurrence inégale entre ces catégories de population et les plus forts de l'Union européenne ne fait qu'augmenter la précarité dans notre canton - précarité qui est déjà la plus importante de Suisse - car les nouvelles personnes qui viennent de l'Union européenne ou les frontaliers ont en majeure partie moins de 50 ans. Il ne s'agit pas de personnes de plus de 50 ans ! Cette situation va s'exacerber dans les années à venir, et les demandes, les pressions - notamment sur l'Hospice général et l'aide sociale de manière globale - seront bientôt sans limites. Le budget de l'aide sociale, qui va prochainement dépasser celui de l'instruction publique si les choses continuent ainsi, est éloquent et constitue un triste signe, je pense, de la santé de notre canton. Cela doit cesser et une préférence indigène en matière d'emploi se doit de voir le jour, sans quoi le fossé entre ceux qui ont quelque chose et ceux qui n'ont rien ne fera que se creuser dans ce canton. Je peux imaginer que même la gauche sera d'accord avec ce principe, et je crois que dans ce domaine il y a des mesures urgentes à prendre, sinon la piste vers la chute sera de plus en plus proche. Merci. (Applaudissements.)

Des voix. Bravo !

Mme Patricia Bidaux (PDC). Mesdames les députées, Messieurs les députés, la richesse de notre canton, c'est avant tout les hommes et les femmes qui y vivent et qui y travaillent. Les plus riches marquent leur soutien à la trame sociale; leur investissement mérite d'être relevé. La classe moyenne, majoritaire, peine cependant toujours plus à trouver sa place dans une Genève qui devient de plus en plus chère; elle ne peut donc être que soutenue, au risque de la voir basculer vers une autre classe, les working poors, un statut que personne ne souhaite porter mais dont la prévalence est en hausse. Citons également d'autres classes, comme celle des migrants, en particulier les mineurs. Si leur nombre n'a que très peu augmenté ces trois dernières années, les conditions d'accueil de certains d'entre eux sont inadmissibles. Il faut aussi mentionner les familles, toujours à la recherche de solutions pour la garde des enfants, ainsi que les personnes âgées, pour qui demander de l'aide devient de plus en plus compliqué en raison des systèmes et de la logique informatique. Classe supérieure, classe moyenne, working poors, migrants, familles, personnes âgées, personnes en difficulté... Ne sont-ils vraiment que cela ? Non, ce sont avant tout des femmes et des hommes qui en majorité, par leur engagement et leur travail, maintiennent notre économie, permettent des échanges et surtout enrichissent notre belle cité par leur diversité en formant la Genève communautaire que nous connaissons aujourd'hui.

Il convient pourtant de relever que la perte de sens, pour ceux qui travaillent au sein des institutions sociales mais aussi pour ceux qui y ont accès, s'amplifie et tend à démontrer l'inefficacité du système, l'administratif ayant balayé l'efficience des prises en charge. Les mesures que la politique sociale de notre canton a offertes jusqu'à présent ne semblent plus suffire, mais le toujours plus, sans réflexion majeure, n'est pas non plus acceptable. Notre responsabilité n'est pas d'augmenter la dépendance mais de voir se déployer l'autonomie, et pour cela il s'agit de porter avec courage un regard critique sur l'organisation globale de cette politique. L'autonomie passe par exemple par l'accès à la formation et un suivi social qui tient parfois du coaching très engagé pour atteindre un but. Ici, l'investissement est indispensable et, tout patron le sait bien, il n'y a pas d'autre moyen ! Mais un investissement ce n'est pas un chèque en blanc, c'est accompagner la réussite, c'est demander des comptes, enfin et surtout c'est atteindre un objectif.

Le PDC reconnaît les démarches et les réflexions menées en 2018 de même que les efforts consentis en 2019, mais il déplore tout de même les dysfonctionnements au sein des grandes institutions sociales, notamment l'Hospice général. Notre groupe s'abstiendra donc pour les raisons exprimées ici. Mener une politique sociale généreuse, ce n'est pas donner plus, mais bel et bien donner mieux. Le PDC luttera pour une administration simplifiée, plus légère et plus efficace, il a du reste proposé des solutions au travers de son PL 12279: instaurer une permanence d'information et accompagner les bénéficiaires non seulement dans le dossier administratif mais également par le biais d'un référent social. Le PDC tient en outre à ce qu'il y ait un réexamen de la situation sociale tous les deux ans afin de maintenir l'efficience de l'aide. Il soutient la mise en place de la reconnaissance de divers types de garde, y compris celle des proches aidants, et pour aller encore un peu plus loin, il ose aborder un nouveau paradigme, un dispositif de revenu universel par enfant, sur lequel la Confédération avait d'ailleurs déjà mené une réflexion en 2014. Le PDC investira toute son énergie en faveur d'une politique sociale qui dessinera une vision claire et qui sera au plus près du quotidien de la population... Une politique de cohésion ! Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. J'aimerais formuler deux remarques à l'issue de l'examen de la politique publique C «Cohésion sociale». La première - qui peut difficilement porter sur l'année 2018, puisqu'il y a eu un changement de magistrat - concerne le contrôle des abus commis par les personnes à l'aide sociale. J'exprime le souhait que ce contrôle soit poursuivi, c'est une question de crédibilité: les francs dépensés ici comme ailleurs ne doivent jamais pouvoir faire l'objet du moindre soupçon et de la moindre critique. Il faut donc fournir un effort particulier dans ce domaine. C'est la politique qu'a menée Mauro Poggia et je souhaite, de façon prospective, qu'elle continue à l'être par la suite. Nous le verrons dans un an lors du prochain examen des comptes.

Deuxièmement, je dois dire que je constate de manière un peu amusée les positions exprimées par Ensemble à Gauche et les Verts, qui étaient très critiques à l'égard de notre magistrat MCG Mauro Poggia. Il y a eu un changement de magistrat et je vois que la critique, même s'il s'agit maintenant d'un conseiller d'Etat de gauche - peut-être pas assez pour Ensemble à Gauche ou pas de la bonne façon pour les Verts, je l'ignore, je ne veux pas parler en leur nom...

Une voix. C'est gentil !

M. François Baertschi. Je vais quand même leur laisser la liberté de s'exprimer ! (Exclamations. Commentaires.) Quoi qu'il en soit, j'essaie de comprendre leur attitude et je suis un peu surpris. Il y a peut-être une continuité, je découvre !

Mme Jocelyne Haller (EAG). Je remarque que M. Baertschi semble être un observateur peu attentif, puisqu'il a vu chez nous une complaisance que nous n'avions pas du tout l'intention de manifester et qu'en l'occurrence nous n'avons pas manifestée ! Je crois donc qu'il fait erreur. Mais c'est surtout sur la problématique des abus dont il a parlé que je souhaitais intervenir. Il est vrai que c'est un thème cher à l'UDC, qui avait en son temps développé un certain nombre de thèses - elles ont d'ailleurs beaucoup porté atteinte à l'aide sociale et contribué à la stigmatiser, ce qui est particulièrement navrant - mais revenir aujourd'hui sur cette question est vraiment hors de propos. Vous le savez, les abus représentent une part extrêmement faible des dossiers de prestations d'aide sociale, cette pratique est de plus devenue un délit pénal, vous le savez très bien, et cela fait belle lurette qu'un contrôle particulièrement rigoureux de ces situations est exercé, parce que l'objectif consiste à accompagner les gens, pas à faire preuve de complaisance à leur égard. Alors soyez rassuré, Monsieur Baertschi: les autorités et les services sociaux n'ont pas attendu vos conseils pour faire leur travail correctement. Je vous remercie de votre attention, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)

M. Christian Dandrès (S), rapporteur de majorité. J'aimerais faire remarquer au représentant de l'UDC, qui expliquait tout à l'heure que la libre circulation des personnes était la cause de la sous-enchère, que si cette libre circulation était accompagnée de mesures sérieuses, elle n'arriverait pas au même résultat. Aujourd'hui, le système mis en place au niveau fédéral est totalement insuffisant, puisqu'il faut qu'il y ait une sous-enchère, qu'elle soit abusive - une sous-enchère normale est donc sans conséquence - et qu'elle soit de plus répétée. Et si ces conditions sont réunies, que fait-on ? On étend une CCT. Comme je vous l'ai indiqué tout à l'heure, la moitié des salariés en Suisse ne sont pas couverts par une CCT, et peu de personnes concernées bénéficient d'une CCT ayant un contenu réel, à savoir des salaires minimaux. Donc, honnêtement, les mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes ne servent à rien aujourd'hui. Il faudrait pouvoir les renforcer - sauf dans des secteurs très particuliers comme l'économie domestique, où elles ont amélioré la situation - or au printemps 2015, lors de la campagne qui a précédé les élections fédérales, l'UDC a signé un accord avec les partis de l'Entente au firmament duquel étaient inscrits ces mots: «Aucune amélioration des mesures d'accompagnement à la libre circulation des personnes».

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur Baertschi, vous avez redemandé la parole ? (Remarque.) Très bien, je vous la passe.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Oui, Monsieur le président, c'était juste pour répliquer... (Commentaires.) Ah, j'ai la parole, merci ! Je voulais juste répliquer à l'interpellation de Mme Haller - c'est un peu une partie de ping-pong ! - car je tiens quand même à la rassurer: je ne suis pas membre de l'UDC, mais du MCG... Apparemment elle a quelques doutes sur la question, je me demande pourquoi !

D'autre part, je ne me permettrais pas de donner des leçons à qui que ce soit. En revanche, je mène et propose une politique, et mon rôle - celui de représenter la population - consiste également à avoir des objectifs et à les indiquer. C'est ainsi que l'on joue pleinement son rôle de député. C'est la seule chose que je fais, et je me garde bien de donner des leçons.

M. Thierry Apothéloz, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, avant que je prenne la parole, le président m'a invité à être bref, ce que je vais tenter de faire. Quand le sujet est passionnant, c'est vrai qu'il y a aussi de quoi se passionner au moment d'apporter des réponses, mais le temps qui m'est imparti m'impose hélas d'être extrêmement concis et de concentrer mon intervention sur quelques points.

Premièrement, des chantiers sont en cours, mais dans ce domaine-là en particulier, celui de l'action sociale, l'aspect magique n'existe pas. Lorsqu'on ferme une route, on peut parfois en voir les effets. Dans le domaine social, les chantiers - qui sont aussi une forme de Mikado - nécessitent de la finesse, du temps et de la précision pour que celles et ceux qui connaissent des difficultés aujourd'hui n'en rencontrent pas plus demain. Donc oui, les choses avancent gentiment, et je dois dire qu'une abstention de votre part sur cette politique publique - voire un refus - ne serait pas un encouragement très favorable pour les collaboratrices et les collaborateurs qui sont tous les jours sur le terrain à la rencontre des habitantes et des habitants de notre canton. Vous pourrez exprimer votre soutien d'une autre manière à la fin de mon intervention.

La dignité est une valeur primordiale, et je la porterai dans toutes les politiques publiques que je mènerai durant cette législature. Pour cela, Mesdames et Messieurs les députés, il y a effectivement quelques fondamentaux - vous l'avez relevé. L'un des éléments essentiels consiste à accepter que l'investissement social a du sens et qu'il paiera pour les prochaines années. Il convient cependant de prendre des risques et d'assumer de nouvelles façons de faire, quitte parfois à se rendre compte qu'il faut du temps, qu'il faut convaincre. Vous connaissez toute mon énergie dans ce domaine, et je vais m'y employer avec les entités ainsi que les directrices et directeurs de service.

Vous avez peu parlé du secteur du handicap. C'est pourtant une politique publique extrêmement importante pour le Conseil d'Etat, notamment parce qu'elle concerne les plus fragiles de notre société. On peut là aussi apporter de très intéressantes démonstrations de notre capacité et de notre agilité: comment répondons-nous aux problèmes rencontrés aujourd'hui qui n'existaient pas hier ? Est-ce que la construction seule de nouvelles places est suffisante ? La réponse est non, et nous nous sommes appliqués à faire les deux: créer 65 places supplémentaires en 2018, mais également trouver des solutions pragmatiques pour les institutions qui s'occupent des personnes en situation de handicap, afin de leur permettre par exemple d'être plus en réseau avec nos services cantonaux. Je pense notamment à la décision que j'ai prise de nommer un référent au sein du service des prestations complémentaires pour les établissements accueillant des personnes en situation de handicap.

J'aimerais ajouter - et vous l'avez relevé à juste titre - que le fédéral est extrêmement important, raison pour laquelle je me suis engagé au sein du comité fédéral des directrices et directeurs de l'action sociale pour peser sur notre Parlement. Je ne vous cache pas les difficultés que nous avons à faire comprendre les enjeux qui sont les nôtres concernant l'assurance-invalidité, les prestations complémentaires ou la LAMal. Vous connaissez la composition de notre Parlement fédéral, nos arguments peinent à être entendus, qu'il s'agisse des aspects financiers ou de l'organisation de notre système, mais le Conseil d'Etat compte faire en sorte que notre investissement dans la Berne fédérale puisse peser sur les futures lois fédérales.

Un mot encore: la question très spécifique du transport et de la centrale, mentionnée par le député Zaugg, est un point que nous avons étudié. Nous avons aujourd'hui une centrale qui répond, avec trois ou quatre institutions concernées, qui renforce ce que vous avez évoqué, c'est-à-dire la mise en réseau de véhicules, et nous sommes en relation avec différentes organisations pour pouvoir augmenter à l'externe ces prestations. Il est vrai que certaines d'entre elles coûtent extrêmement cher, mais nous avons vraiment l'assurance de pouvoir examiner cette question.

Je conclurai en exprimant une volonté ferme et claire du Conseil d'Etat, Mesdames et Messieurs les députés. Les chantiers, c'est bien, l'imagination, c'est fantastique, mais j'aurai besoin de votre appui, dès que ces chantiers seront terminés suite à la mise en oeuvre d'un règlement ou d'un projet de loi, à la réalisation des objectifs que nous partageons s'agissant des valeurs que vous avez très finement rappelées à votre Conseil. Merci. (Applaudissements.)

Le président. Vous êtes parfaitement dans les temps, Monsieur le conseiller d'Etat ! Nous allons passer au vote de cette politique publique, toujours à mains levées.

Mise aux voix, la politique publique C «Cohésion sociale» est adoptée par 23 oui contre 19 non et 43 abstentions.

Troisième partie du débat sur les comptes 2018 (suite du 2e débat): Séance du jeudi 29 août 2019 à 20h30