République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 18h, sous la présidence de Mme Salima Moyard, deuxième vice-présidente.

Assistent à la séance: Mme et MM. Serge Dal Busco, Anne Emery-Torracinta et Mauro Poggia, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Murat Julian Alder, Simon Brandt, Beatriz de Candolle, Pablo Cruchon, Amanda Gavilanes, Adrien Genecand, David Martin, Stéphanie Valentino et Thomas Wenger, députés.

Députés suppléants présents: MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Christian Bavarel, Pierre Bayenet, Emmanuel Deonna, Youniss Mussa et Vincent Subilia.

Annonces et dépôts

Néant.

M 2487-A
Rapport de la commission des Droits de l'Homme (droits de la personne) chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Frédérique Perler, François Lefort, Alessandra Oriolo, Delphine Klopfenstein Broggini, Yves de Matteis, Marjorie de Chastonay, David Martin, Yvan Rochat, Pierre Eckert, Isabelle Pasquier, Jean Rossiaud, Adrienne Sordet, Jocelyne Haller, Olivier Cerutti, Anne Marie von Arx-Vernon, Mathias Buschbeck, Bertrand Buchs, Katia Leonelli, François Lance, Paloma Tschudi pour une prise en charge immédiate des mineurs non accompagnés ne relevant pas de l'asile, dans le respect de la Convention des droits de l'enfant
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 9 et 10 avril 2019.
Rapport de majorité de Mme Céline Zuber-Roy (PLR)
Rapport de minorité de M. Marc Falquet (UDC)

Débat

La présidente. Nous passons au rapport sur la M 2487, dont nous débattons en catégorie II, trente minutes. Le rapport de majorité est de Mme Céline Zuber-Roy et le rapport de minorité de M. Marc Falquet, que j'invite à monter à la tribune. Je cède immédiatement la parole à Mme la rapporteure de majorité.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente de séance. La commission des Droits de l'Homme a étudié cette motion lors de trois séances: les 29 novembre et 6 décembre 2018, puis le 7 février 2019. Elle a procédé à trois auditions, d'abord de l'auteure, Mme Frédérique Perler, ensuite de l'association Païdos et du Service social international et, pour finir, de la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta, accompagnée du directeur du SPMi.

L'invite unique de cet objet demande une prise en charge immédiate et de qualité des mineurs non accompagnés ne relevant pas de l'asile, notamment sur le plan de l'hébergement et de l'accompagnement sociosanitaire, conformément à la Convention des droits de l'homme. A travers les travaux de la commission, nous avons pu voir qu'il est question de mineurs qui traversent l'Europe et sont de passage à Genève. Nous avons vraiment compris qu'ils n'ont pas la volonté de s'installer et encore moins de s'intégrer à Genève; ce sont des jeunes en errance en Europe, sans soutiens familiaux, et dont la prise en charge est très problématique.

Comme l'indiquent la motion et les termes «hors procédure d'asile», il s'agit de jeunes qui n'ont pas déposé une demande d'asile, principalement parce qu'ils ne remplissent pas les conditions et seraient donc immédiatement déboutés. Dans des cas plus rares, ce sont des jeunes qui n'ont pas été orientés vers cette procédure. Le SPMi nous a indiqué qu'il en a dénombré 86 entre avril et décembre 2018, surtout âgés de 15 à 17 ans et originaires d'Afrique du Nord. Le problème de ces jeunes, qui sont principalement à la rue, c'est qu'ils sont très vulnérables. Ils sont notamment sujets à la prostitution, voire à des trafics comme la traite d'êtres humains. Il faut également prendre en compte l'aspect sociétal puisqu'ils risquent de tomber dans la délinquance.

Le temps passe très vite, je vais donc avancer. Au niveau de l'Etat, nous avons vu que le gouvernement est conscient du problème et qu'il a essayé d'y répondre. En hiver 2017, c'étaient les abris PC de la ville qui accueillaient ces mineurs, mais il a été décidé d'y renoncer suite à des problèmes comportementaux. Au moment des auditions, ces jeunes étaient logés à l'hôtel Aïda, à Plainpalais, où il n'y avait pas d'encadrement. Les repas étaient pris en charge: petit-déjeuner à l'hôtel et les HUG s'occupaient du repas du soir. Pendant les midis, une prise en charge était assurée de 10h à 13h par l'association Païdos à travers son programme du Cap. Celle-ci essaie de créer des liens avec ces jeunes, des liens de confiance pour voir quel avenir ils veulent; ce point a vraiment été mis en avant. Il y a de plus un manque de place à l'hôtel Aïda, ce qui fait que le SPMi doit parfois, en toute conscience, accepter que des mineurs dorment dans la rue, ce qui n'est clairement pas conforme au droit des enfants.

C'est dans ce cadre-là que le Conseil d'Etat a voulu mettre en place une procédure qui visait d'abord à identifier ces jeunes et à les héberger au foyer de l'Etoile. Toutefois, il y a eu des problèmes lors des identifications: quand la police prenait leurs empreintes, elle gardait certains d'entre eux vu qu'ils n'avaient pas de papiers, ce qui n'était pas du tout l'idée de base. Le foyer de l'Etoile, géré par l'Hospice général, était par ailleurs réticent à l'idée de les avoir parce que ça posait des problèmes avec les autres résidents.

Pour conclure, la commission a décidé de soutenir cette motion par sept voix pour, une voix contre et une abstention. La volonté de la commission, exprimée par ce vote, est de soutenir les efforts des autorités et des associations pour mettre en oeuvre les droits fondamentaux de ces mineurs. La commission reste cependant consciente des difficultés de la situation actuelle, qui est complexe. Je vous remercie, Madame la présidente de séance.

M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs, tout d'abord, de qui parle-t-on ? Qui sont ces mineurs non accompagnés ? Chaque année, plusieurs milliers de Maghrébins quittent leur pays, sûrement pour des raisons de pauvreté, pour essayer peut-être de trouver un avenir meilleur, ou simplement pour visiter l'Europe. Une fois qu'ils n'ont plus les moyens de rester en Europe, deux solutions s'offrent à eux: soit ils retournent dans leur pays d'origine, soit ils décident de rester malgré tout - pour l'exemple, ce sera à Genève ou en Suisse - en vivant de la délinquance.

Alors on parle de personnes vulnérables, de personnes qui s'adonnent à la prostitution, à la délinquance; c'est exact ! Ce sont leurs choix ! Ces gens font le choix de ne pas respecter les règles dans notre pays: de commettre des délits, de ne pas respecter les lois. Ils peuvent bien entendu venir dans notre pays - je crois qu'ils peuvent rester trois mois - puis retourner dans le leur. Mais s'ils viennent ici et s'installent dans la délinquance, je ne pense pas qu'il faille récompenser leur conduite en leur procurant un logement et une assistance socio-éducative.

Ces gens... Bon, pour commencer, on ne sait pas exactement ce qu'ils demandent, mais ce que nous demandons, nous, nous devrions le savoir ! C'est déjà le respect de nos propres lois et également de notre population - et donc qu'ils ne commettent pas de délits. Qu'ils respectent aussi leur pays; ils ont un pays et une famille, et nous demanderions plutôt que l'on puisse contacter leur famille puisqu'ils sont prétendument mineurs. Ce qui n'est pas forcément prouvé, car ils dissimulent, voire déchirent leurs papiers d'identité pour compliquer leur identification.

Au lieu de les installer dans un système social, psychosocial, ce serait déjà plus logique de savoir de quelles aides ils ont besoin. Surtout, ce qui nous serait le plus utile, ce serait de les identifier et de les rapatrier dans leur pays, auprès de leur famille. Entretenir des gens qui sont en errance totale est de la responsabilité de leur propre pays, pas de celle de Genève. Ils devraient effectivement rejoindre leur famille, leurs proches, avec l'aide des autorités de leur propre pays. Pour l'instant, j'en reste là.

La présidente. Je vous remercie, Monsieur le député. Madame la députée Frédérique Perler, vous avez la parole.

Mme Frédérique Perler (Ve). Merci, Madame la présidente de séance. Je suis très heureuse d'entendre une voix féminine en ce jour de veille de célébration de la grève des femmes ! (Applaudissements.) Inutile de vous dire que je suis extrêmement choquée par les propos du rapporteur de minorité. Je remercie par ailleurs la rapporteure de majorité pour son rapport très complet. J'ai néanmoins été assez choquée par les propos tenus par Mme Anne Emery-Torracinta lors de son audition, qui se reflètent tout de même un petit peu dans ceux que vient de tenir M. Falquet - vous transmettrez, Madame la présidente.

Personnellement, je m'attendais à un peu plus de la part du Conseil d'Etat, c'est-à-dire à l'adoption d'une position de principe consistant à dire qu'on ne veut plus de jeunes dans la rue, quelles qu'en soient les raisons. Nous sommes signataires de la Convention relative aux droits de l'enfant, le SPMi - le service de protection des mineurs - est chargé de protéger les enfants qui n'ont pas de parents pour s'occuper d'eux. Le rapport ne nous apprend pas grand-chose de plus, si ce n'est qu'il devait y avoir une réunion le lendemain de l'audition, dixit la magistrate. Depuis, six mois se sont écoulés et nous n'avons aucune information supplémentaire. En attendant - je suis navrée mais c'est la vérité, la réalité crue - la situation est la même qu'il y a six mois: des mineurs dorment dehors alors qu'ils sont en principe sous la responsabilité du service de protection des mineurs.

Cette situation me désole parce qu'il m'est tout récemment venu aux oreilles, par une institution sociale privée, que quelques jeunes ont été mis dehors de ce fameux hôtel Aïda. Au fond, ils n'avaient d'autre possibilité que de rester dans la rue, le SPMi ne voulant pas intervenir. Cela questionne, à plus d'un titre, parce que notre responsabilité est de les protéger, quelle que soit leur origine et quelle que soit leur situation. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, si un de nos enfants âgé de 16 ou 17 ans fait du raffut dans un foyer de la Fondation officielle de la jeunesse, on ne le met pas à la rue ! (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Ces mineurs non accompagnés ont besoin d'être ailleurs que dans un hôtel miteux, sans encadrement; ce n'est pas le travail d'un hôtelier. Ils ont besoin d'un encadrement sanitaire et ils ont besoin d'un encadrement éducatif ! A Genève, nous avons les moyens. Il faudrait réunir toutes ces associations et les coordonner, et que le service de protection des mineurs prenne ses responsabilités. Le principe de base est toujours le même: protéger ces jeunes. La délinquance est véritablement une conséquence...

La présidente. Il vous faut conclure, Madame la députée.

Mme Frédérique Perler. ...de cette absence de protection. Je m'arrêterai là, Madame la présidente, tout en vous remerciant. (Applaudissements.)

M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, je souhaiterais dénoncer ici le cynisme de la position de l'exécutif. Je pense en effet qu'il y a un certain cynisme dans le statut actuel de ces mineurs qui sont dans la rue. Cynisme qui transparaît d'ailleurs à la lecture des interventions de Mme la conseillère d'Etat lors de son audition. En début d'audition, elle relève que... Peut-être - enfin, j'espère - qu'il y a des erreurs dans la transcription, mais si je me penche sur les interventions de Mme la conseillère d'Etat, je lis qu'«elle observe que ces jeunes commettent donc des délits, que ce soient des vols ou des atteintes à l'intégrité de certaines personnes», et que «ces jeunes mettent à mal le système». Ainsi, on accuse les jeunes de mettre à mal le système au lieu d'accuser le système de ne pas être à même de leur apporter le soutien dont ils ont besoin !

Mme Torracinta indique qu'«au niveau du SPMi, ce n'est pas simple car cela donne un énorme surcroît de travail aux collaborateurs». En fait, ces mineurs nous embêtent non pas parce qu'ils dorment dans la rue mais parce qu'ils donnent du travail au SPMi. La personne qui était à l'époque directeur ad interim de ce service, M. Thorel, «relève que le SPMi se trouve dans une situation très difficile relativement à ces MNA pour les raisons évoquées». De nouveau, qui est-ce qui a des difficultés ? Ce ne sont pas les jeunes, non, non: c'est le SPMi, qui se trouve dans une situation difficile à cause de ces jeunes ! On accuse donc ceux-ci de mettre en danger le SPMi au lieu de mettre en place tous les moyens nécessaires pour leur venir en aide. Cette approche est inadmissible ! Cette approche est scandaleuse !

L'exécutif s'est même posé la question d'ouvrir un abri PC pour héberger les mineurs non accompagnés. Comme si un abri PC, comme si un hébergement d'urgence était ce dont ils ont besoin. Ils ont besoin d'un hébergement, d'une prise en charge intégrée, et c'est pourquoi l'arrêté du Conseil d'Etat du 28 mars 2018, qui est actuellement en vigueur, n'est pas du tout suffisant: il propose uniquement un hébergement d'urgence de nuit plus une structure d'accueil de jour permettant d'accompagner les mineurs dans leurs démarches.

La motion propose quant à elle - elle demande, exige - une prise en charge immédiate et de qualité des mineurs non accompagnés. C'est bien cela qu'il faut ! Parce qu'on découvre à la page 20 du rapport établi sur mandat du Conseil d'Etat ce que fait à l'heure actuelle le SPMi lorsqu'il reçoit un mineur non accompagné. Je vous le lis: «les mineurs ne relevant pas de l'asile sont informés de leurs droits (ou de leur absence de droit sur le territoire suisse)». La première mission du SPMi face à un mineur non accompagné est donc de lui dire s'il a des droits ou pas. (La présidente agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Ensuite, ils «peuvent téléphoner à leurs parents» - deuxième service extrêmement précieux fourni par le SPMi - et, troisièmement, ils sont «orientés vers le pays d'origine ou un Etat tiers dans lequel ils disposent de droits». En résumé, on ne fait rien puisque ces trois services offerts aux jeunes ne servent à rien !

J'entends dire que ces mineurs auraient fait le choix de venir à Genève. Mais ce sont des adolescents, des jeunes ! Est-ce qu'à leur âge nous avons, nous, vraiment toujours fait les bons choix ? Probablement pas, mais nous avions des parents qui nous ont aidés et soutenus, qui nous ont peut-être aidés à rebondir pour faire les bons choix après que nous en avons fait de mauvais.

La présidente. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Pierre Bayenet. Ces jeunes-là n'ont pas cette chance; nous devons jouer un rôle social et leur venir en aide. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

La présidente. Je vous remercie. Madame la députée Patricia Bidaux, vous avez la parole.

Mme Patricia Bidaux (PDC). Merci, Madame la présidente... de séance - j'apprends ! Mesdames les députées, Messieurs les députés, cette motion ne traite ni du manque d'informations ni de la volonté des mineurs non accompagnés ne relevant pas de l'asile, et je le dis avec des guillemets, d'échapper aux contraintes liées à une demande d'asile.

Cet objet place notre gouvernement face à ses responsabilités envers des jeunes de 15 à 17 ans exposés à la rue. Certains, comme le relève le rapport de majorité, sont devenus ceux dont «personne ne veut». Ce n'est pas sans raison; c'est peut-être, qui plus est, pour des raisons qui leur incombent directement. Cependant, cela ne peut nous autoriser à reprendre cette étiquette, ceux dont «personne ne veut», pour y ajouter «pas même notre gouvernement» !

Les détecter, leur offrir un hébergement, un accès aux soins: voilà ce que demande ce texte. Reconnaître qu'ils sont présents dans nos rues, c'est leur redonner un visage, une humanité. C'est leur offrir une possibilité d'échapper à la délinquance et à la prostitution, qu'il s'agisse de jeunes garçons ou d'adolescentes. Voilà ce que demande cette motion. Le PDC la soutiendra et vous est reconnaissant de faire de même. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie, Madame la députée. La parole est à M. le député Patrick Saudan pour une minute quatorze.

M. Patrick Saudan (PLR). Je serai bref, merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, le PLR fera siennes les conclusions de la rapporteure de majorité. Pour nous, il y a un vrai intérêt à s'occuper de ces jeunes, ne serait-ce que pour simplement essayer de les protéger d'eux-mêmes et diminuer le risque qu'ils tombent dans la délinquance ou dans la prostitution.

Je tiens à dire que j'ai trouvé extrêmement biaisées et trop critiques les remarques de mes préopinantes concernant l'action du Conseil d'Etat. Si le PLR soutient cette motion, c'est pour mettre en évidence que la situation est extrêmement difficile et qu'énormément d'associations, tant étatiques que non étatiques, essaient de s'occuper de ces jeunes. Je pense que le procès qu'on fait à l'Etat en disant qu'il s'est mal occupé d'eux est malvenu. Certains de ces jeunes, il faut le dire, ne veulent pas s'intégrer, ne veulent pas collaborer, et le renvoi dans leur pays d'origine est illusoire. Les bonnes paroles n'engagent que ceux qui les profèrent; je vous propose de faire preuve d'un peu plus d'humilité et de reconnaître que c'est une situation très difficile et qu'il faut aider le gouvernement à la gérer. Merci. (Applaudissements.)

M. François Baertschi (MCG). Certes, Genève doit se montrer humaine, ce qui est le cas actuellement. Mais il ne faut pas en faire trop ! (Rires.)

Une voix. Ah !

M. François Baertschi. Il ne faut pas en faire trop... (Remarque.) ...et c'est pourquoi le MCG refusera le présent texte. (Rires. Un instant s'écoule. Commentaires.) Je pense que certaines remarques ne sont pas dignes du sujet, mais enfin, elles proviennent de personnes qui se livrent à certaines gamineries dans cette enceinte.

Il faudrait aussi se demander s'il s'agit bien de jeunes mineurs, ce qui souvent n'est pas avéré. Un certain nombre d'adultes se font en effet passer pour des mineurs et il n'y a absolument pas de contrôle. Il faut donc se méfier de ne pas avoir... Comment dire ? De ne pas abuser, quelque part, l'opinion publique sur ce sujet. Néanmoins, l'humanité existe et en douter serait faire preuve d'un certain aveuglement, d'un aveuglement dogmatique, qui est bien connu. Nous pensons que cet objet est tout à fait superfétatoire et c'est pour ça que nous ne le voterons pas.

Mme Léna Strasser (S). La motion que nous traitons ici n'a qu'un seul but: protéger des enfants. Des enfants victimes de situations de vie qu'ils et elles n'ont au départ pas choisies, contrairement à ce qu'a pu dire l'un de mes préopinants. Des enfants ayant vécu, quelle qu'en soit la raison, la déscolarisation, la désaffiliation, l'évasion d'un quotidien sans avenir imaginable pour eux. Puis le départ pour la liberté, vers un ailleurs, et l'engrenage pour la survie: l'errance, la discrimination, l'illégalité, la mendicité, des délits peut-être. Difficile de faire autrement quand on n'a pas de place dans la société. Certains se retrouvent en outre happés dans les filets de réseaux liés à la prostitution, à la criminalité organisée, à la drogue.

Ces parcours d'enfance décousus affectent les ressources psychosociales de ces jeunes, les exposant à des difficultés à respecter les règles et à se socialiser. Pourtant, bien qu'ils n'aient pas, dans leur grande majorité, de projet migratoire précis et commettent des délits, il s'agit toujours d'enfants, Mesdames et Messieurs les députés ! Des enfants qu'il faut reconnaître comme des mineurs ayant des droits et faire entrer dans le cadre légal de la protection de l'enfance, malgré l'absence de statut juridique. Les contraintes de leurs errances les amènent à s'affranchir des règles et des cadres; leur mobilité rapide dans toute l'Europe, leur recherche de liberté révèlent l'inadaptation des dispositifs actuels pour répondre à leurs besoins d'enfants.

En Catalogne, les éducateurs soulignent la nécessité d'un encadrement strict opéré par des professionnels expérimentés, capables de faire accepter un cadre a priori rejeté et de se mesurer aux débordements des jeunes, tout en maintenant intacte une posture bienveillante à leur égard. En Suède, ce sont souvent des centres spécifiques qui répondent aux besoins propres à ces jeunes et où ils peuvent bénéficier de soins, de formations et d'un encadrement adéquat, prenant en compte les questions de sécurité, la psychologie de l'enfant et son insertion dans la société.

Il est urgent, à Genève, d'inventer pour ces enfants une prise en charge de proximité et de qualité, coordonnée par l'Etat, et de s'appuyer pour cela sur les expériences déjà faites ici mais également sur celles d'autres pays confrontés aux mêmes questionnements. Ces jeunes, en errance à travers l'Europe, bougent et leur nombre a fortement augmenté ces dernières années. De ce fait, le groupe socialiste soutiendra cette motion. (Applaudissements.)

La présidente. Je vous remercie, Madame la députée. Madame la députée Anne Marie von Arx-Vernon, vous avez la parole pour une minute trente-huit.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Madame la présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il faut quand même rectifier quelques points et parler de la réalité, s'agissant de la délinquance et de la prostitution de ces migrants mineurs non accompagnés. Pensez-vous que vos filles et vos fils, en situation de migration, seraient joyeux et enthousiastes s'ils devenaient les proies de trafiquants d'êtres humains ? Ils seraient contents ? Formidable - ils font exprès d'être exploités !

Vous savez, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, la seule chose à leur apporter, c'est un quotidien digne fait de soins, de sensibilité sociale et de formation. De formation, Mesdames et Messieurs ! Le seul moyen de faire sortir un migrant mineur de sa dépendance à des adultes qui l'exploitent, c'est de lui apporter une formation ! Sinon on en fait, au pire, une bombe à retardement, au mieux, un être humain sacrifié. Alors oui à cette motion ! Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Marc Falquet (UDC), rapporteur de minorité. Je rappelle pourquoi ces jeunes ne demandent pas l'asile: ils veulent être libres et ne veulent surtout pas être identifiés. Ils ne veulent surtout pas être identifiés pour qu'on ne puisse pas les rapatrier dans le pays où ils ont demandé l'asile. C'est la seule raison pour laquelle ils ne le demandent pas en Suisse. Alors je souhaite bonne chance aux services sociaux pour trouver des solutions pour ces jeunes !

Je rappelle que l'immense majorité des gens respecte les lois: les mineurs respectent les lois, les gens qui viennent chez nous respectent les lois. Il s'agit ici d'une petite minorité de voyous qui ne respecte rien ! S'adonner à la prostitution en tant que mineur, je m'excuse, c'est très grave ! Ce sont des gens... Alors je suis d'accord pour qu'on leur donne une formation - pour commencer, une formation sur les valeurs à respecter, mais je doute que les services sociaux les leur inculquent.

Je rappelle que la Suisse a été accusée de placements forcés de dizaines de milliers d'enfants par les services sociaux - qui ont abusé - pendant septante ans. Et nous assistons aujourd'hui à l'acte II de ces placements forcés: 800 enfants sont actuellement en foyer alors que leurs parents n'ont commis aucun délit ! C'est donc ça votre politique sociale, et c'est ça que vous voulez encore amplifier: manipuler et prendre la main sur des mineurs dont vous n'arriverez à faire absolument rien vu leur mentalité ! Ce qu'il faut, c'est les rapatrier, les rendre à leurs parents... (Exclamations. Huées.) ...les rendre à leurs familles... (Huées.)

La présidente. Monsieur le député, je vous prie de vous adresser à moi !

M. Marc Falquet. Ce n'est pas à Genève de gérer ces mineurs étrangers, mais à leurs familles ! Nous devons rendre ces enfants à leurs familles... (Huées.)

La présidente. Monsieur Falquet !

M. Marc Falquet. ...et non pas les confisquer ! Merci ! (Huées.)

La présidente. Chers collègues, laissons la diversité des opinions s'exprimer dans notre Conseil. (Exclamations.) Mme la députée Céline Zuber-Roy va déployer des talents de concision en dix secondes.

Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse de majorité. Merci, Madame la présidente de séance. Je voulais surtout souligner la complexité de la situation: il n'y a pas de solution facile d'un côté ou de l'autre. Le but ici est de soutenir les efforts du Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Madame la présidente de séance, Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut certes pas être angélique dans ce dossier. Cependant, le Conseil d'Etat ne peut en aucun cas soutenir les propos du rapporteur de minorité, qui vont à mon sens beaucoup trop loin.

C'est un dossier complexe et je ne peux que regretter que le PV de commission ait été un peu réducteur quant à mes propos. J'avais essayé d'expliquer qu'il ne faut pas être angélique et penser que ce sont de pauvres enfants qui sont dans la rue, qu'il suffit de s'en occuper avec bienveillance, de leur donner un toit pour que la solution soit trouvée. En réalité, et c'est cela qui est très triste, nous avons affaire à des dizaines de jeunes qui sont en errance - j'ai envie de dire en déshérence - à travers toute l'Europe. Ils passent quelques semaines ici, quelques semaines à Marseille, à Paris, à Bruxelles et dans d'autres régions d'Europe. Et tristement - c'est cela que je voulais dire, Monsieur le député d'Ensemble à Gauche - ce sont des jeunes dont personne ne veut.

Vous savez, on se doute bien qu'on a un problème quand on reçoit une lettre de la grande commune qui accueille ces jeunes dans un abri PC, qui vous annonce du jour au lendemain: «Nous ne les prendrons plus !» Pourquoi est-ce que la commune en question a décidé de ne plus les héberger ? Parce que, justement, il n'y a pas de solution facile ! Que trouver pour des jeunes qui, pour la majorité d'entre eux - ça ne veut bien sûr pas dire tous - ne rentrent très souvent pas dans un cadre ?

Ce dossier concerne à vrai dire plusieurs départements. Celui que je préside est chargé de la protection des mineurs, et le rôle du SPMi est de leur trouver un lieu d'accueil. Mais si ce lieu n'existe pas ? Le DIP ne gère pas de foyers de jeunes, de lieux pour héberger ces jeunes, nous devons donc collaborer avec d'autres départements. Toutefois, lorsque nous travaillons avec le DCS et l'Hospice général, ce dernier nous dit, à juste titre, qu'il s'occupe de l'asile ! Et ces jeunes-là ne relèvent pas de l'asile.

Et puis il y a quand même toute la question de la sécurité. Si un jeune en déshérence, un jeune qui ne va pas bien n'a pas de solution, il va peut-être aussi être amené par la force des choses à commettre des délits. Si je disais tout à l'heure qu'il ne faut pas être angélique, c'est que certains jeunes ont été identifiés ici sous un nom, une date de naissance, alors qu'on sait par leurs empreintes qu'ils l'ont été sous un autre nom et une autre date de naissance ailleurs en Europe. Ça complique un peu les choses.

Voilà néanmoins plus d'une année que le Conseil d'Etat s'est saisi de ce dossier à mon instigation. Cela a abouti, après plusieurs tentatives - nous n'avons pas trouvé immédiatement la solution - à la création d'une délégation aux migrations qui s'est réunie à deux reprises, dont la dernière fois il y a deux jours. Et nous étudions actuellement la possibilité de mettre en place un dispositif d'urgence pour ces jeunes: l'idée est qu'il faut peut-être un tel dispositif pendant quelques semaines. Puis, s'ils restent plus longtemps, on passerait à quelque chose de plus conséquent.

Cela dit, la première difficulté sur laquelle nous butons, c'est le lieu, Mesdames et Messieurs les députés. Il n'est pas simple de trouver un lieu à disposition pour des mineurs - il y a des règles pour le placement des mineurs en matière de sécurité, etc. - qui ne soit pas un abri PC ou qu'un propriétaire, par hypothèse, veuille bien nous louer. Mais sachez que le Conseil d'Etat a beaucoup de compassion au regard de cette situation, à laquelle il convient de trouver rapidement une solution, ce à quoi il oeuvre quotidiennement. Je vous remercie de votre attention.

La présidente. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous sommes au terme du débat et nous entrons dans la procédure de vote.

Mise aux voix, la motion 2487 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 67 oui contre 11 non et 2 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 2487

La présidente. Je laisse notre bien-aimé président reprendre sa place.

PL 12405-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat accordant des indemnités monétaires et non monétaires aux écoles mandatées pour les enseignements artistiques de base délégués pour les années 2019 à 2022
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 6 et 7 juin 2019.
Rapport de M. Alberto Velasco (S)

Premier débat

Présidence de M. Jean-Marie Voumard, président

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons le PL 12405 en catégorie II, quarante minutes. Le rapport est de M. Alberto Velasco; Mme Caroline Marti, à qui je passe la parole, le remplace.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse ad interim. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi n'a pas fait l'objet d'oppositions en commission et il aurait dû passer à la séance des extraits. Par conséquent, je vous rappelle rapidement que l'enseignement artistique délégué regroupe à Genève plus de mille élèves. Au cours du dernier contrat de prestations, le nombre de prestations a d'ailleurs augmenté de 5% tandis que les subventionnements restent stables, voire diminuent.

Je rappelle également qu'il est bien question d'un enseignement artistique délégué: il s'agit d'une tâche publique, imposée par la loi sur l'instruction publique, déléguée à différentes écoles de musique et d'enseignement artistique. La satisfaction quant à l'enseignement délivré par ces écoles est grande: une enquête commandée durant le dernier contrat de prestations a montré que 80% des bénéficiaires en étaient satisfaits.

Je rappelle enfin, Mesdames et Messieurs les députés, qu'un certain nombre de tâches principales sont évoquées dans le cadre du présent contrat de prestations qui couvre les années 2019 à 2022, notamment les prestations liées aux enseignements de base. Il est également demandé aux écoles d'être particulièrement attentives à ce que l'ensemble des milieux socioculturels puissent accéder à ces enseignements, en particulier les enfants issus de milieux défavorisés. Elles doivent par ailleurs être attentives à la sensibilisation et à la formation artistiques du plus grand nombre, et, finalement, développer le mieux possible la formation préprofessionnelle. Je vais m'arrêter là pour ces premiers propos et je reprendrai volontiers la parole dans la suite du débat. Je vous remercie.

M. Jacques Béné (PLR). Nous avons demandé de retirer ce projet de loi des extraits pour la simple et bonne raison qu'un rapport de la Cour des comptes sur ces écoles mandatées pour les enseignements artistiques de base vient de sortir. Cependant, les quelques commentaires que j'ai à faire portent non pas sur ce rapport mais sur ce qui a été dit, notamment en commission.

Initialement, Mesdames et Messieurs, trois écoles étaient subventionnées - le Conservatoire de musique, le Conservatoire populaire de musique, danse et théâtre et l'Institut Jaques-Dalcroze - tandis qu'il y en a aujourd'hui une dizaine. Le problème, c'est que depuis le moment où ces écoles ont été subventionnées, l'Etat, et donc le département, leur a demandé de faire passer leurs enseignants de classes salariales comprises entre 8 et 11 à la classe 17. La classe 17, Mesdames et Messieurs, c'est celle qui correspond aux enseignants du primaire. Elle se situe entre 7000 et 9600 francs, en fonction des annuités, entre le début et la fin de la carrière; ce ne sont évidemment pas du tout les tarifs qui sont appliqués dans le privé. Il y a par ailleurs le cas d'une école qui continue à payer ses enseignants en classe 12, c'est-à-dire entre 5700 et 7700 francs par mois, alors qu'elle est subventionnée à hauteur de 30%.

Qu'on demande aux écoles subventionnées d'appliquer les grilles salariales de l'Etat pose problème non seulement parce que celles-ci supposent des salaires largement supérieurs à ceux qui se pratiquent dans le privé, mais aussi parce qu'on exige en plus de ces enseignants un temps de travail différent de celui en usage dans le privé. J'en veux pour preuve une comparaison intercantonale qui nous a d'ailleurs été citée dans le cadre des débats sur les prestations des HES: les enseignants HES dans le canton du Valais, qui ont des salaires plus bas qu'à Genève, doivent 1920 heures par année. Je ne parle pas uniquement d'enseignement, je parle globalement: sont compris la préparation, les cours, la formation professionnelle, etc. A Genève, ils font 1800 heures ! Eh bien s'agissant du cas qui nous occupe, c'est exactement la même chose: on demande aux enseignants du secteur subventionné 1800 heures de prestations alors que dans le privé on en demande beaucoup plus. On paie donc mieux, on demande moins et on exige de ces écoles qu'elles aient des classes salariales supérieures à la pratique du privé !

Je relève que Mme Marti a évoqué 1000 élèves; non, ce ne sont pas 1000 élèves mais 10 000 ! Et on parle quand même d'une subvention par élève de plus de 3000 francs en moyenne. Ce n'est pas rien !

Pour contrer ce qui a été dit sur l'enquête de satisfaction, si les gens qui participent sont très contents - et je pense que c'est effectivement le cas - les besoins du public cible ne sont pas pris en considération, selon le rapport de la Cour des comptes; c'est pourquoi je vous ferai une proposition par la suite. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Il faut démocratiser les pratiques artistiques, il faut soutenir les trajectoires des jeunes talents. La Cour des comptes termine en recommandant au DIP de revoir l'ensemble du dispositif en dissociant notamment les accréditations et les contrats de prestations ainsi qu'en procédant à un meilleur suivi desdites prestations. Pour toutes ces raisons, il est absolument indispensable, et c'est la proposition que je vous fais...

Le président. Monsieur Béné, il vous faut terminer.

M. Jacques Béné. ...de renvoyer ce projet de loi à la commission des finances. Je vous remercie.

Le président. Merci. Concernant cette demande de renvoi, je passe la parole à Mme la députée Marti Caroline.

Mme Caroline Marti (S), rapporteuse ad interim. Je vous remercie, Monsieur le président. J'entends la demande du député Béné; le rapport de la Cour des comptes met effectivement en lumière différents éléments. Il fait des recommandations sur la manière de revoir une partie de ce dispositif; des mesures devront donc être prises sur le long terme puisqu'il faudra un certain nombre de mois, voire peut-être d'années, pour les mettre en place.

Les écoles de musique, je le répète, effectuent une tâche publique, comprise et prévue dans la loi sur l'instruction publique, qui leur est déléguée par l'Etat. Elles ont besoin de ces financements: ils sont indispensables pour leur permettre de délivrer leurs prestations. Et elles doivent les avoir dès cette année, dès 2019, puisque le présent objet correspond au contrat de prestations pour la période 2019 à 2022. Il est donc nécessaire de voter aujourd'hui ce projet de loi.

Il faudra effectivement revoir le dispositif de ces enseignements délégués dans les années à venir pour que les modifications nécessaires entrent en vigueur et soient mises en oeuvre dans le cadre du prochain contrat de prestations. En attendant cela, je vous recommande de refuser le renvoi en commission. Je vous remercie.

Le président. Merci. Nous passons au vote sur cette demande de renvoi à la commission des finances.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12405 à la commission des finances est rejeté par 53 non contre 27 oui.

Le président. Nous continuons la discussion, et la parole va à Mme la députée Salima Moyard.

Mme Salima Moyard (S). Merci, Monsieur le président. N'en déplaise à M. Béné, ce projet de loi ne concerne pas l'avis du Grand Conseil sur l'harmonisation des conditions salariales des enseignants. Il ne s'agit pas non plus de l'analyse par le Grand Conseil du récent rapport de la Cour des comptes, mais simplement de la reconduction d'un contrat de prestations; il ne faut pas mélanger tous les débats.

D'un montant annuel de 33 millions, ce contrat de prestations est destiné - la rapporteure l'a indiqué - à l'enseignement artistique délégué de musique, danse, rythmique Jaques-Dalcroze et théâtre dispensé par dix écoles accréditées. Il n'est pas nécessaire d'essayer de faire perdre encore du temps: nous sommes déjà à la moitié de l'année 2019 alors que celle-ci est concernée par le contrat de prestations.

On l'a dit: 10 000 élèves, soit presque 10% du total, bénéficient de ces dispositions. Le parti socialiste soutient ces institutions et, bien entendu, leurs prestations, parce qu'elles permettent une ouverture à l'art pour toutes et tous, sans distinction basée sur le revenu des parents. Elles garantissent également une grande diversité et une grande qualité - cela a été reconnu en commission, même par les plus critiques, ainsi que par la Cour des comptes. De plus, des efforts de mutualisation entre les entités sont faits, notamment pour les moyens informatiques et de coordination; il y a donc un travail qui est effectué en la matière.

En ce qui concerne l'harmonisation des salaires des enseignants, puisque M. Béné en a fait son cheval de bataille en commission - et visiblement en plénière aussi - elle ne date pas de ce contrat de prestations ! Nous avons déjà accepté plusieurs budgets dans ce sens; nous sommes en queue de comète sur cette question. Le plus gros a été fait, et tant mieux ! Je rappellerai également à M. Béné que les enseignants du primaire ne sont pas en classe 17 mais en classe 18, et c'est fort bien ainsi. Ce travail d'harmonisation était extrêmement souhaitable, car quand l'Etat délègue une tâche, il délègue les moyens qui vont avec; il n'organise pas de sous-enchère salariale en permettant que les prestations déléguées soient fournies à des salaires beaucoup trop bas ! Nous sommes, par exemple, encore loin des salaires des enseignants de musique du secondaire, qui sont en classe 20. On peut donc rassurer M. Béné sur ce point-là, mais, encore une fois, il n'est pas question de faire le procès de l'harmonisation via ce contrat de prestations; ce n'est pas le débat.

Concernant le rapport de la Cour des comptes, que j'ai également lu, il faut le voir comme une intéressante contribution à la réflexion. Chaque fois qu'elle s'intéresse à une entité - ce qui est fort bien, c'est un peu son rôle ! - la Cour des comptes trouve des choses à redire, et c'est normal. Elle fait des recommandations qui sont la plupart du temps acceptées, comme c'est le cas ici pour les cinq qui ont été mentionnées. Mais je tiens à le répéter: en préambule, elle insiste sur le fait que c'est un excellent dispositif et qu'il est globalement extrêmement positif. Elle propose plusieurs améliorations, et M. Béné en a souligné certaines; on peut toujours faire mieux. Bien malin celui qui pourrait ressortir d'une évaluation par la Cour des comptes sans aucune recommandation de cette Cour - je ne connais pas encore d'entité qui soit dans ce cas !

Je pense que c'est un encouragement, et je pense que le DIP travaillera dans ce sens. Mais il faut comprendre que ces recommandations vont vers un renforcement, un élargissement des prestations: mieux entendre les souhaits des publics cibles et se diversifier davantage requiert évidemment du temps et de l'argent. Mieux se faire connaître des élèves les plus fragiles, notamment dans les regroupements avec les plus grandes difficultés, demande également des moyens supplémentaires, de même que le renforcement du dispositif intensif pour les talents.

Nous soutenons donc le DIP sur ce travail stratégique qui devra être mené, conformément aux recommandations. Pour le reste, nous saluons le travail déjà exécuté et nous soutenons bien entendu l'adoption de ce projet de loi ce soir afin d'approuver ce contrat de prestations. Je vous remercie.

M. François Baertschi (MCG). Je ne comprends pas - vous transmettrez, s'il vous plaît, Monsieur le président - pourquoi le PLR freine, de manière sournoise, le financement des écoles de musique en retirant ce point des extraits, en faisant tout pour retarder le vote sur ce sujet. De nombreuses familles, de nombreuses écoles, de nombreux enseignants attendent pourtant cette décision pour y voir un peu plus clair et savoir dans quelle direction nous irons. Je le comprends d'autant moins que l'éducation musicale est un élément essentiel dans la formation des jeunes. S'il fallait faire des économies, sans doute faudrait-il les faire en dernier dans ce domaine-là. Et il n'y a pas d'urgence actuellement, comme nous le verrons lors des comptes, que nous allons bientôt examiner: s'agissant de la situation générale des finances de l'Etat, nous sommes véritablement à l'aise. Il n'y a donc aucune urgence, il n'est aucunement nécessaire de s'attaquer à cet élément - encore moins à celui-ci qu'à d'autres.

On a également parlé de l'intéressant rapport de la Cour des comptes qui traite des écoles de musique. Le document nous indique qu'il y a actuellement un certain élitisme et qu'il faudrait démocratiser davantage ces écoles de musique. Or retirer une part du financement public ou faire des difficultés quant à ce financement, c'est justement ne pas s'attaquer à cet élitisme. Au contraire: on le favoriserait par ce type de pratique et il faut donc à tout prix y renoncer.

On nous a par ailleurs dit que les enseignants genevois sont plus payés que les valaisans. C'est un peu la vieille rengaine ! C'est vrai que les salaires, à Genève, sont plus élevés que dans d'autres cantons; les avocats y sont plus payés, beaucoup de professions y ont des conditions plus favorables. Il faut savoir également - je ne l'apprendrai à personne - que le coût de la vie est globalement plus élevé à Genève que dans d'autres cantons ! C'est donc véritablement un mauvais procès qu'on fait à ces écoles.

Il convient de soutenir très nettement ce contrat de prestations: il va aider de nombreuses écoles de musique, des écoles de musique variées qui s'adressent à toutes les parties de la population. S'il y a véritablement un effort à faire, ce n'est pas celui qui consiste à réduire ni à ergoter: il faut éventuellement optimiser, tout en faisant preuve de réalisme, bien évidemment, et en tenant compte des réalités économiques et financières du canton de Genève. Je vous demande donc de soutenir avec enthousiasme le présent contrat de prestations.

M. Olivier Cerutti (PDC). Mesdames et Messieurs, si les temps politiques sont souvent longs, la volonté populaire est présente. Nous avons voté il y a deux ou trois semaines une initiative qui nous disait très clairement que le peuple genevois veut défendre la culture. La culture telle qu'elle est vécue à Genève passe aussi par le désenchevêtrement des tâches avec les communes, ce qui représente un travail lourd. Ce contrat de prestations concerne des écoles à qualification académique, qui distribuent des diplômes et dont les enseignants sont peut-être payés en classe 17 ou 18 - cela est peut-être légitime. Mais nous avons également des écoles de musique d'un standard plus bas, des écoles élémentaires soutenues par certaines communes de notre canton, dont la mienne, Collonge-Bellerive. Il faut donc effectuer ce désenchevêtrement, Mesdames et Messieurs; c'est l'un des points sur lesquels le Conseil d'Etat va devoir se pencher et trouver des solutions.

Si les temps politiques sont longs, la volonté populaire est là. Les délais administratifs nous demandent de voter ce soir ce contrat de prestations. Nous ne pouvons pas prendre en otage l'ensemble de ces écoles, que nous avons accréditées et qui font un excellent travail. Le parti démocrate-chrétien vous propose donc de voter ce projet de loi. Il vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à être influents dans les différentes commissions, à contrôler le travail du Conseil d'Etat et à mener à bien ce désenchevêtrement. Je vous remercie.

Une voix. Bravo !

Le président. Merci. La parole est à Mme Françoise Sapin pour trente secondes.

Mme Françoise Sapin (MCG). Je vous remercie, Monsieur le président. Je vais simplement dire que nous avons, à la commission des finances, auditionné plusieurs de ces organismes et qu'ils font un travail remarquable, en grande partie bénévole pour certains d'entre eux. Pour toutes ces raisons, le MCG, qui soutient la jeunesse et la musique, votera ce contrat de prestations.

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, quelques mots sur ce rapport de la Cour des comptes, puisque c'est apparemment l'élément qui a amené un groupe à faire retirer ce projet de loi des extraits. Il ne s'agit pas d'un audit de gestion mais de l'évaluation d'une politique publique; je vous rappelle qu'une des missions de la Cour des comptes, qui a remplacé l'ancienne commission d'évaluation des politiques publiques, est d'évaluer celles-ci.

Près de dix ans après son entrée en vigueur, en 2010, l'institution a souhaité évaluer une loi, votée par votre Grand Conseil en 2009, et sa mise en oeuvre. Cette loi avait deux objectifs majeurs: d'une part, pousser le maximum d'enfants et de jeunes à faire de la musique, et, d'autre part, favoriser les filières dites intensives, préprofessionnelles, etc. La Cour des comptes a abouti à des constats que le DIP partage; c'est toujours bien d'avoir un oeil extérieur pour le confirmer.

Le premier constat est que malheureusement, les jeunes qui font de la musique, du théâtre, de la danse, qui pratiquent un art en général, sont issus de milieux favorisés. Si l'on souhaite démocratiser cela, peut-être faut-il autre chose que de simples subventions aux écoles comme cela se fait aujourd'hui. Ainsi, la Cour des comptes énonce une proposition qui me ravit particulièrement, parce que j'ai développé cette prestation durant les dernières années: elle propose de s'inspirer de ce qu'on appelle les orchestres en classe. Ceux-ci donnent la possibilité à des élèves de l'école primaire de participer pendant deux ans à un orchestre et de faire de la musique. Je peux vous dire que c'est assez émouvant de voir un élève d'un quartier défavorisé jouer du violoncelle et donner une représentation alors qu'il n'avait jamais touché à un instrument avant. Voilà donc une piste intéressante et sur laquelle nous allons travailler.

La deuxième piste concerne le préprofessionnel et les filières intensives notamment. Je peux déjà vous le dire: un effort va être fait s'agissant du dispositif sport-art-études - la Cour des comptes en parle - puisqu'un nouveau dispositif sera mis en oeuvre à la rentrée 2020. Nous communiquerons à ce propos d'ici quelques semaines ou quelques mois.

En résumé, nous avons donc accueilli avec bienveillance ce rapport de la Cour des comptes, mais, comme l'a très bien rappelé Mme Moyard, on ne change pas des éléments aussi importants en deux temps trois mouvements ! Si on veut qu'il y ait des orchestres en classe dans toutes les écoles du canton, il ne suffit pas de le décréter, il faut trouver les moyens ! Je ne sais pas si votre parlement décidera d'allouer des moyens supplémentaires; j'imagine qu'on va plutôt tendre soit vers des réallocations, soit vers une discussion avec les écoles de musique pour redéfinir notre manière de faire. Cela prend du temps, et nous avons par conséquent fixé comme échéance pour toutes les recommandations de cette envergure le 1er janvier 2023.

Ce contrat de prestations, Mesdames et Messieurs les députés, va jusqu'en 2022. Laissons nos écoles de musique, nos écoles de danse, nos écoles de théâtre travailler aussi bien qu'elles le font aujourd'hui: nous construirons un dispositif qui n'en sera que meilleur en collaboration et en concertation avec elles. Je vous remercie donc de voter ce projet de loi.

Le président. Bien, nous passons au vote.

Mis aux voix, le projet de loi 12405 est adopté en premier débat par 70 oui contre 1 non et 11 abstentions.

Le projet de loi 12405 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 12405 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 67 oui et 17 abstentions.

Loi 12405

PL 12533
Projet de loi de Mmes Jocelyne Haller, Caroline Marti, Delphine Klopfenstein Broggini ouvrant un crédit extraordinaire, au titre de subvention cantonale de fonctionnement, pour l'Association Viol-Secours de 95 600 F pour l'année 2019
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 6 et 7 juin 2019.

Premier débat

Le président. Nous enchaînons avec la prochaine urgence: le PL 12533. Nous sommes en catégorie II, trente minutes. La parole est sollicitée par Mme Delphine Bachmann.

Mme Delphine Bachmann (PDC). Merci, Monsieur le président. Je demande le renvoi de ce projet de loi à la commission des finances afin qu'il y soit étudié et qu'il ne reste pas indéfiniment dans l'ordre du jour sans être traité. Je vous remercie.

Le président. J'en ai pris bonne note, merci. La parole est à Mme Jocelyne Haller... (Remarque.) Vous renoncez, d'accord. Alors nous passons au vote, Mesdames et Messieurs.

Mis aux voix, le renvoi du projet de loi 12533 à la commission des finances est adopté par 85 oui contre 1 non.

M 2481-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Isabelle Brunier, Thomas Wenger, Jean-Charles Rielle, Salima Moyard, Roger Deneys, Lydia Schneider Hausser, Christina Meissner, Marc Falquet, Caroline Marti pour mieux soutenir la production de lait genevois
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 6 et 7 juin 2019.
Rapport de Mme Simone de Montmollin (PLR)

Débat

Le président. Nous continuons nos urgences avec la M 2481-A. Le rapport est de Mme Simone de Montmollin, à qui je passe la parole.

Mme Simone de Montmollin (PLR), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion a été déposée à la fin de la précédente législature, soit il y a quelque temps déjà. Il s'agit du dernier objet présenté par notre collègue Isabelle Brunier. Il traite de la question de la filière du lait à Genève et demande de mieux soutenir cette production. L'examen de cette motion a permis à la commission de bien cerner la problématique de la filière du lait à Genève, mais aussi plus largement celle de l'écoulement des produits issus de l'agriculture locale et des outils législatifs disponibles pour le favoriser.

Le bilan dans les deux cas est assez contrasté pour qui est favorable au maintien d'une agriculture de proximité. En résumé - car pour le surplus, je vous laisserai vous référer au rapport - s'agissant de la filière du lait, seuls quatre producteurs courageux restent actifs à Genève, alors qu'on en dénombrait vingt en 2000 et quarante-quatre en 1980. Si la situation continue à évoluer à ce rythme, dans deux ans il n'y aura plus de producteur de lait... Ceux qui arrêtent ne le font pas parce qu'ils sont dégoûtés de la profession, mais tout simplement par manque de perspectives, ce qui est paradoxal dans une agglomération qui compte 500 000 habitants au niveau cantonal, et un peu plus si on dépasse les frontières.

Il règne une guerre des prix du lait depuis dix ans. Les prix sont fixés par l'Interprofession suisse du lait, mais à l'heure actuelle ils ne couvrent pas les frais de production, et certainement pas les frais de production à Genève. L'opérateur genevois, soit les Laiteries Réunies Genève - LRG - subit une concurrence exacerbée de la part de groupes provenant d'ailleurs en Suisse, mais aussi en raison des produits importés et du tourisme d'achat. Cet opérateur est cependant très réactif et innovant: il a su s'adapter continuellement pour offrir des produits de qualité reconnus et appréciés des consommateurs. La grande distribution, quant à elle, remplit son rôle en assurant l'écoulement de l'essentiel des volumes.

Les résultats sont toutefois encore un peu contrastés s'agissant de l'Etat. Ce dernier s'est pourtant doté d'un outil performant, la loi sur la promotion de l'agriculture, qui intime de promouvoir les produits agricoles genevois et de favoriser leur consommation dans la restauration et les collectivités publiques. Il a en outre créé la marque GRTA afin de défendre la qualité et la traçabilité, de même que le respect des normes sociales et environnementales. Il dispose également d'un office de promotion des produits agricoles, qui a élargi ses activités depuis un certain nombre d'années. Malgré cela, on observe après quinze ans qu'au sein de l'Etat on a encore et toujours des difficultés à faire valoir cet avantage qu'est la production de proximité.

Dans la pratique des AIMP, l'estimation de la qualité globale de l'offre doit pouvoir bénéficier d'une marge d'appréciation plus importante. Celle-ci doit être systématiquement utilisée en faveur d'une production locale afin de maintenir ces filières, qui sont profitables à la fois pour l'économie locale et notre environnement.

Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, nous vous encourageons à soutenir cette motion en la renvoyant au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

M. Eric Leyvraz (UDC). En ma qualité de producteur genevois, je remercie la commission de l'environnement et de l'agriculture d'avoir accepté cette motion à l'unanimité. Comme l'a dit Mme de Montmollin, il ne reste que quatre producteurs de lait à Genève - le cinquième vient de lâcher la rampe... Ils sont donc peu nombreux, mais ce n'est pas lié à la qualité de leurs produits. Ils sont au top niveau pour ce qui est de leur travail, ce sont vraiment d'excellents paysans ! Cette situation est simplement due à une politique agricole mondiale aberrante. En Suisse, les paysans disparaissent - mille exploitations ferment chaque année - et le prix du lait est toujours trop bas. Si on leur donnait 10 centimes de plus - ce n'est quand même pas grand-chose ! - ils pourraient s'en sortir, mais on ne le fait pas... Pourquoi ? Parce que le prix en Europe est encore bien plus bas ! Est-ce que les paysans français sont mieux lotis ? Pas du tout ! C'est une chaîne infernale. Les paysans du Pérou ont eux aussi de la peine à s'en sortir, car les prix de la Nouvelle-Zélande sont imbattables.

L'agriculture est un secteur essentiel à la vie, mais un système économique dévoyé a pris le dessus. On dit que l'agriculture de proximité est nécessaire pour éviter des transports inutiles et faire face aux problèmes climatiques. On est pourtant en plein délire ! Je vous cite deux exemples - je pense que vous connaissez le premier: dans notre pays, qui est le château d'eau de l'Europe, on importe du sud de l'Espagne, où il n'y a plus d'eau - on va la chercher à plusieurs centaines de mètres de profondeur - des tomates, qui contiennent 90% d'eau. Le deuxième cas a trait à un secteur différent, mais toujours en lien avec la nourriture: savez-vous qu'une bonne partie des cabillauds de Norvège est envoyée en Chine pour être empaquetée et transformée ? On en profite d'ailleurs pour injecter dans les cellules de l'eau ainsi que des produits chimiques pour que cette eau soit gardée. Ces poissons parcourent donc 15 000 kilomètres... On est véritablement en plein délire !

Malgré les efforts, il faut le dire, de la grande production et des Laiteries Réunies, qui font vraiment un bon travail - on peut les en remercier - je ne pense pas que cette motion va sauver nos producteurs laitiers. Mais si au moins elle pouvait mener à une prise de conscience de notre manière de fonctionner et que l'on pouvait tenir compte de tous les paramètres lorsqu'on évalue nos produits par rapport à ceux qui proviennent de l'étranger... On a déjà parlé du transport, des problèmes de pollution, de l'énergie grise. On touche là un peu aux problématiques liées aux AIMP.

Mesdames et Messieurs, quand un litre de lait coûte moins cher qu'un litre de Coca-Cola, il y a un grave problème de fond sur lequel il faut se pencher. Et je pense que tant que l'Organisation mondiale du commerce s'occupera d'agriculture, on ne s'en sortira pas. (Exclamations.) Je vous remercie donc de soutenir toutes et tous cette motion en la renvoyant au Conseil d'Etat. (Applaudissements.)

Une voix. C'est bien dit !

Mme Claude Bocquet (PDC). Mesdames et Messieurs, cette motion a été adoptée à l'unanimité de la commission. Elle vise à ce que l'Etat incite fortement les collectivités publiques - telles que les communes pour leurs cantines scolaires et institutions de la petite enfance, les EMS, les HUG, les cliniques et écoles privées, les prisons, etc. - «à privilégier lors de l'achat des produits laitiers ceux produits dans le canton et labellisés GRTA». On dénombrait quarante-quatre producteurs en 1980, vingt en 2000, et il n'en reste que quatre aujourd'hui. Ces quatre producteurs fournissent 2,3 millions de kilos de lait par an, dont la moitié est vendue sous la marque GRTA, ce qui représente seulement 2% de la consommation locale. Ce sont les Laiteries Réunies qui achètent ce lait, et la partie vendue sous la marque GRTA est payée 10% de plus que le lait de base.

Lors des auditions, la commission a insisté auprès des HUG pour que le prix ne soit pas le seul élément qui dicte leurs choix, mais qu'ils tiennent compte également de la proximité, de la durabilité et de l'importance de favoriser par leurs achats auprès des LRG la survie des derniers producteurs de lait de notre canton. De la même façon, la commission souhaiterait que, dans le cadre des AIMP, on ne regarde pas seulement le prix, mais que l'on prenne aussi en considération les critères de proximité, de qualité, d'écologie, de durabilité et de soutien à l'économie locale. Pour toutes ces raisons, le PDC appuiera bien entendu cette motion. (Applaudissements.)

Mme Marion Sobanek (S). Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai pas grand-chose à ajouter, car mes excellents préopinants ont déjà présenté tous les arguments. La prochaine fois, je n'aurai qu'à appuyer plus tôt pour demander la parole !

S'agissant des règles relatives aux marchés publics, j'insiste sur le fait que le prix ne doit pas être le seul critère. D'autre part, j'insiste pour que nous aussi commencions à consommer genevois. Le lait GRTA, c'est celui qui est conditionné dans un tout petit carton jaune que vous devez habituellement aller chercher chez les gros distributeurs. Ce qui n'a pas été dit, c'est que ces gros distributeurs utilisent souvent les produits de proximité pour attirer un peu le chaland, mais qu'il arrive qu'ils les copient et vendent ensuite leurs propres produits.

Un autre argument n'a pas encore été invoqué: la Chine a commencé à produire du lait et, depuis 2019, son offre est excédentaire. Quand je vois la mondialisation ainsi que l'aberration du commerce des produits agricoles telle que notre collègue l'a décrite précédemment, je me pose la question: voulez-vous sérieusement consommer du lait chinois à Genève, alors que nous pouvons boire du lait provenant de vaches qui paissent sur le Salève ? Eh bien non ! Ce qui est juste, c'est de consommer local, c'est-à-dire d'acheter des denrées qui sont produites sur place et qui n'ont pas nécessité de long transport. Il y a en outre la question du prix, et j'ai surtout parlé de la production de lait, parce que c'est là-dessus que le producteur peut recevoir un petit surplus. En effet, sur les produits transformés tels que les fromages, la marge est bien moindre.

J'aimerais moi aussi souligner que nous avons la grande chance d'avoir à Genève les Laiteries Réunies, qui font tout pour produire et promouvoir les produits laitiers dans notre canton, notamment grâce à la Journée du lait, que nous connaissons tous... Monsieur le président, mon temps de parole est déjà épuisé ? (Remarque.) Non, il me reste encore deux secondes, qui vont me servir à vous dire ceci, Mesdames et Messieurs: achetez des produits locaux ! Cette motion a reçu le soutien de l'unanimité de la commission, et je ne comprends d'ailleurs pas du tout pourquoi on l'a retirée de l'ordre du jour des extraits. Pour conclure, je vous souhaite d'ores et déjà un très bon week-end, en espérant que vous consommerez des produits GRTA ! Merci. (Exclamations. Applaudissements.)

Mme Isabelle Pasquier (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, les Verts soutiendront évidemment cette motion. Si je dis «évidemment», c'est parce que la loi sur la promotion de l'agriculture a été développée, adoptée et mise en oeuvre sous l'ère du Vert Robert Cramer. Cette loi vise notamment à «soutenir la promotion et l'écoulement des produits agricoles genevois» - le sujet de cette motion - et ancre la mise en valeur des produits dans la restauration publique. Je cite l'article 13, alinéa 2: «La consommation de produits agricoles genevois dans la restauration est encouragée. Le canton veille, en particulier, à ce que ces derniers soient proposés prioritairement par les collectivités publiques, ainsi que lors de manifestations ayant bénéficié de subventions cantonales.» La base légale existe donc, reste la question de la volonté. Il s'agit ici à nouveau de la problématique de la pondération des critères dans l'attribution des marchés publics, mais je n'y reviendrai pas, parce que j'ai déjà abordé ce thème lors du débat sur la résolution relative au dépôt d'En Chardon.

La volonté politique d'augmenter les parts de marché des produits locaux existe, c'est en tout cas le message clair qu'a délivré la maire de Genève Sandrine Salerno lors de son audition. 37% des produits laitiers consommés dans les restaurants scolaires de la Ville de Genève sont locaux, et la maire vise encore une augmentation. La volonté politique doit donc être cultivée.

Le label GRTA a notamment pour but de mettre en valeur les produits régionaux. Le directeur des Laiteries Réunies genevoises, M. Charvet, a expliqué que son entreprise s'était lancée dans la fabrication de produits laitiers GRTA, à nouveau sous l'impulsion de Robert Cramer, alors qu'avant elle ne valorisait pas le lait local, mais le coulait avec les laits vaudois et ceux des zones franches, ce qui atteste de la force de ce label.

Le label GRTA vise aussi à améliorer la rémunération des productrices et producteurs. Dans le cas du lait, cette question est particulièrement importante, car le marché rémunère très mal le produit conventionnel. Les producteurs auditionnés nous ont confirmé que la rémunération était meilleure pour le lait valorisé sous ce label, avec toutefois une différenciation étonnante entre les produits, puisque le lait vendu en outre ou en brique est mieux rémunéré que le lait utilisé pour les fromages.

Il ne reste que quatre producteurs laitiers à Genève, on l'a dit. Leur production est minime comparativement à la consommation du canton, puisqu'elle ne représente que 4%. Pourtant, seule la moitié de ce lait peut être valorisée sous le label. Et une moindre part encore aux prix rémunérateurs. Alors s'il faut se réjouir que l'outil GRTA ait permis de redévelopper une filière pour le lait produit dans le canton et contribué à fixer un prix rémunérateur, une étape de plus doit être franchie pour que toute la production puisse être valorisée à de telles conditions. Il convient donc vraiment de soutenir cette motion. Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Jean Burgermeister (EAG). Mesdames et Messieurs, je vais essayer de ne pas trop répéter ce qui a été dit auparavant. Effectivement, la situation des producteurs de lait en Suisse et dans le canton de Genève est difficile... (Brouhaha. L'orateur s'interrompt.) ...et mérite un soutien de la part de l'Etat, conformément à la loi sur la promotion de l'agriculture. On ne peut pas se permettre de laisser tout cela au bon vouloir des directions de tel ou tel institut subventionné ou public: il faut exprimer ici un choix politique fort et cohérent pour le développement des produits GRTA, qui entre selon moi en résonance avec les préoccupations d'une grande partie de la population, comme nous avons pu le voir notamment lors des dernières votations sur les productions agricoles bio ou locales.

La production de lait ainsi que l'élevage de vaches en Suisse et à Genève ont une réelle utilité écologique en termes de maintien des écosystèmes. Cela a aussi un impact sur notre qualité de vie, évidemment, dans la mesure où l'on sait ce que l'on consomme et comment les aliments sont produits. Je salue à ce titre la belle unanimité qui se dégage dans ce parlement pour soutenir les produits GRTA. Je rappelle malgré tout que leur coût est un peu supérieur à ce qu'on peut trouver ailleurs, mais c'est le coût nécessaire pour offrir de bonnes conditions de travail, avoir un élevage respectueux de l'environnement et obtenir un produit de qualité. Mesdames et Messieurs, cette volonté politique que nous affichons toutes et tous de manière unanime aujourd'hui, il faudra s'en souvenir et l'exprimer pareillement à l'heure de voter les subventions. Je vous remercie.

Mme Patricia Bidaux (PDC). Je remercie la commission de son vote unanime sur cette motion. Ce soir, c'est à notre tour de nous prononcer sur ce texte, et je tenais simplement à souligner les conséquences du maintien d'une production liée à... j'allais dire à la production d'intrants naturels, donc de fumier, parce qu'il faut appeler un chat un chat. En effet, ce maintien va aussi permettre d'apporter... (Commentaires.) Il s'agit là vraiment d'une notion écologique importante ! Cela permet d'apporter aux terrains la valeur qu'ils devraient trouver en eux-mêmes pour assurer une production végétale adéquate. Ce que vous soutenez au travers de cette motion, c'est donc bien plus que la production de lait, c'est l'agriculture genevoise, et je voulais vous en remercier. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Georges Vuillod (PLR). Je m'associe aux remerciements adressés par mes collègues qui sont également producteurs. Je voulais juste en profiter pour relever deux phrases mentionnées dans le rapport, qui viennent de la bouche du directeur général de l'agriculture: «Genève produit 15% de ce que Genève mange et on n'est pas fichu de vendre ce 15% localement. [...] La valorisation locale des trois grandes productions du canton que sont les céréales, les légumes et le vin n'atteint que 50%.» Il y a donc encore beaucoup de travail, mais nous vous remercions du soutien que vous affichez manifestement ce soir. (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG). Une fois de plus, ce n'est pas la qualité du travail fourni ou des produits créés ici qui est en cause. Nous avons une agriculture, une viticulture de première catégorie, avec des gens dévoués, qui accomplissent un travail exceptionnel. Là où le bât blesse, c'est bien évidemment sur les marges bénéficiaires. Ce sont ces marges de la grande distribution, outrancières en matière de produits laitiers, qui posent les vrais problèmes, et en aucun cas la qualité de ce qui est produit sur notre territoire. Nous remercions d'ailleurs nos agriculteurs et nos viticulteurs pour ce qu'ils font !

Le président. Merci. La parole n'étant plus demandée, j'ouvre la procédure de vote sur cette motion.

Mise aux voix, la motion 2481 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 75 oui (unanimité des votants). (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 2481

PL 12402-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat accordant une aide financière à l'association Genève Futur Hockey pour les années 2018 à 2021
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 6 et 7 juin 2019.
Rapport de M. Serge Hiltpold (PLR)

Premier débat

Le président. Notre dernière urgence est le PL 12402-A. Le rapport est de M. Serge Hiltpold, à qui je passerai la parole dès qu'il sera installé... (Un instant s'écoule.) Voilà, Monsieur, allez-y.

M. Serge Hiltpold (PLR), rapporteur. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi a été retiré des extraits, puis repêché in extremis, donc je présenterai le rapport assez brièvement. Dans les grandes lignes, il s'agit surtout du fait que le contrat de prestations couvre la période 2018-2021. Pourquoi ?

A l'époque, la commission des finances avait souhaité une seule année de convention pour clarifier un certain nombre de choses, notamment les tâches et compétences qui relèvent de l'association Genève Futur Hockey. Il y avait eu quelques problèmes, et la Cour des comptes avait émis des recommandations. Je me permets de citer le rapport - vous trouvez cela à la page 2: «Il s'agissait de modifier les statuts pour réduire les buts de l'association à ses buts spécifiques autour de la formation de la relève de l'élite. Cet élément de recommandation a été adopté par l'assemblée générale au mois de mai 2018.» Après l'application de ces recommandations, on s'est mis d'accord sur un contrat de prestations portant sur la période 2018-2021.

Que vous dire de plus pour finaliser cette synthèse ? Avec la LRT, soit la loi sur la répartition des tâches, il revient désormais au canton d'assumer la politique du sport. Les contrats de prestations sont capitaux pour la relève de l'élite, et tous les clubs formateurs sont maintenant membres de cette association, ce qui permet de travailler avec l'ensemble des structures sportives. Voilà, je ne vais pas m'étaler davantage. Le projet de loi, qui devait normalement passer aux extraits, a été voté à l'unanimité des commissaires aux finances. Mesdames et Messieurs, je vous invite à suivre le rapport. Merci.

Le président. Je vous remercie et mets aux voix ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 12402 est adopté en premier débat par 64 oui et 4 abstentions.

Le projet de loi 12402 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 12402 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 65 oui et 5 abstentions.

Loi 12402

M 2341-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Pascal Spuhler, Daniel Sormanni, Thierry Cerutti, François Baertschi, Henry Rappaz, Florian Gander, Sandra Golay, Sandro Pistis, Jean-Marie Voumard, André Python, Jean-François Girardet, Danièle Magnin, Christian Flury, Francisco Valentin, Françoise Sapin : Faisons sauter le bouchon
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 21 et 22 septembre 2017.
Rapport de majorité de M. François Baertschi (MCG)
Rapport de première minorité de M. Christo Ivanov (UDC)
Rapport de deuxième minorité de M. Vincent Maitre (PDC)

Débat

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons notre ordre du jour ordinaire, qui appelle le traitement de la M 2341-A. Le débat est classé en catégorie II, quarante minutes. Je cède la parole à M. François Baertschi, rapporteur de majorité.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chacun connaît les problèmes de circulation qui affectent le canton de Genève de manière endémique. Ce texte traite le problème à la racine à l'aide d'une méthode pragmatique et efficace. Il ne faut pas se concentrer sur les seules infrastructures de transport publiques et privées, mais trouver des solutions complémentaires.

Environ 130 000 pendulaires circulent quotidiennement à Genève, et on compte 550 000 mouvements de véhicules par jour. L'idée de la motion est de diminuer le nombre de pendulaires qui se rendent sur leur lieu de travail en voiture privée - bien évidemment, la mesure doit s'inscrire dans le libre choix du mode de transport. A cet effet, elle propose d'instaurer une taxe sur les places de stationnement mises à disposition par les entreprises et laisse au Conseil d'Etat le soin de présenter au Grand Conseil un projet de loi adéquat. Les sociétés doivent inciter leurs collaborateurs à emprunter les transports publics et à faire du covoiturage, l'objectif étant de diminuer le nombre des pendulaires, qui viennent de plus en plus loin, depuis la France ou la Suisse, pour travailler dans notre canton.

Il suffit de voir notre autoroute de contournement bouchée et nos villages, comme Soral et Chancy, défigurés par le trafic frontalier, pour comprendre qu'il s'agit d'une mesure de salubrité publique. Quant aux firmes, elles subissent la situation actuelle à travers la durée des trajets pour les livraisons et le stress pour les employés ou les clients. Comme l'indique le titre de cet objet, il est vraiment temps de faire sauter le bouchon, car en matière de circulation, les Genevois ne sont pas à la fête !

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs, la motion qui vous est proposée invite le Conseil d'Etat à élaborer un projet de loi sur la taxation des personnes morales visant à instaurer un impôt sur les places de stationnement... (Un instant s'écoule.) Il s'agit de dissuader la mise à disposition de parkings par les entreprises pour les quatre-roues des employés travaillant entre 6h30 et 19h les jours ouvrés. Si nous ne nions pas la réalité du constat, la solution consistant à taxer des places offertes aux collaborateurs par leur propre employeur n'est pas la bonne.

Suite à une proposition de motion provenant du même groupe politique, le peuple genevois a déjà accepté en 2016 de diminuer la déduction des frais de déplacement. On assiste donc à un nouveau renchérissement du coût du travail qui frapperait sans doute les employés, mais surtout les employeurs privés et publics. De plus, le texte concerne l'ensemble des pendulaires, pas seulement les frontaliers; il faudra expliquer aux Genevois qui habitent dans la périphérie du canton et qui utilisent leur voiture qu'ils devront, eux aussi, s'acquitter de la taxe.

La motion met en exergue le principe du pollueur-payeur. Or, en l'occurrence, le pollueur est l'utilisateur du véhicule, et le payeur l'entreprise, ce qui ne correspond pas tout à fait au système en question. Enfin, on peut se demander si la LGAF est respectée, car elle interdit d'avoir des fonds affectés pour les impôts ou les taxes. J'ai dit, Monsieur le président.

M. Vincent Maitre (PDC), rapporteur de deuxième minorité. En substance, le député Ivanov a quasiment tout dit. J'ajouterai seulement qu'en ce qui nous concerne, cet objet est à rejeter parce qu'il renchérit le coût du travail - les charges des entreprises se retrouveraient en effet augmentées - ce qui diminue d'autant la compétitivité.

Nous sortons d'une votation sur la fiscalité générale des personnes morales, que le peuple a voulue plus légère, plus compétitive, plus agile, et cette motion va précisément dans le sens inverse. Ce n'est pas le signal donné par la population il y a quelques jours à peine, ce n'est pas non plus ce que nous voulons au PDC comme dynamique économique. En effet, même s'il revient aux sociétés de supporter cette charge supplémentaire, il y a de grandes chances pour que celle-ci soit finalement reportée sur le dos des employés, ce qui ne nous paraît pas opportun. Voilà pourquoi, Mesdames et Messieurs, en plus de toutes les raisons précédemment évoquées, le PDC vous invite également à rejeter cet objet.

Mme Marion Sobanek (S). Cette fois-ci, j'ai appuyé sur le bouton de mon micro suffisamment tôt, n'est-ce pas ? Mesdames et Messieurs, trouver la solution miracle pour désengorger le trafic à Genève, surtout aux heures de pointe, n'est pas simple, si ce n'est quasiment impossible, même pour un ministre des transports PDC, peut-être plus enclin à croire aux miracles que les simples laïcs que nous sommes.

Il faut tabler sur l'addition de plusieurs mesures: attractivité des transports publics grâce à un service confortable, ponctuel, avec des arrêts proches entre eux et une acceptation des minorités qui se déplacent avec des poussettes, fauteuils roulants ou autres aides, incitation à pratiquer la marche et à utiliser le vélo, application de l'initiative 144 qui a été votée mais jamais réalisée, mise en place d'un réseau de pistes cyclables sûres - des bandes qui s'interrompent quand la route devient vraiment dangereuse, ce n'est pas idéal et ça n'incite pas les gens à emprunter leur bicyclette - promotion du covoiturage, coordination des efforts avec les départements de France voisine... (Un instant s'écoule.) J'adore entendre les Verts rigoler quand je tiens des propos qui vont dans leur sens ! ...et enfin intervention sur le prix et la durée de l'occupation licite des parkings, du moins au centre-ville, sans oublier les gens qui ont réellement besoin d'un véhicule - je pense aux personnes en situation de handicap et aux professionnels.

J'en reviens à ce que demande la motion, à savoir taxer les places de stationnement mises à disposition des employés par les entreprises. Alors j'ai bien compris que la définition du mot «entreprise» n'est pas très claire et qu'il y a une crainte, Messieurs les rapporteurs de minorité, de voir le coût du travail renchéri. Or, de toute façon, en concrétisant cette invite, on touchera 8500 véhicules tout au plus, ce qui ne suffira pas à désengorger la ville. Mais je répète ce que j'ai dit au début: si nous voulons obtenir un résultat, nous devons additionner plusieurs mesures différentes. En tant que femme - nous manifestons déjà pour les droits des femmes aujourd'hui, non ? - je pense à un bouquet de fleurs: un bouquet de mesures serait bien plus efficace qu'une seule mesure.

Quant à la motivation profonde de la motion, que l'on doit probablement chercher dans un sentiment anti-frontaliers si cher à bon nombre de mes collègues MCG, nous ne la partageons évidemment pas. Pour ma part, je regarde surtout de manière pragmatique le résultat possible: d'une part une diminution du nombre de véhicules, d'autre part des rentrées fiscales supplémentaires pour l'Etat dont il aura bien besoin après l'entrée en vigueur de la RFFA et la réduction des recettes qui ira de pair. N'oublions pas: Christophe Colomb a voulu aller en Inde, il a découvert les Amériques ! A l'origine, cette motion caressait sans doute un autre objectif, mais peu importe; au final, le résultat peut être bénéfique.

L'argument selon lequel une taxe compliquerait la vie ne tient pas debout. Lors des auditions, l'ancien conseiller d'Etat, M. Barthassat, avait indiqué que l'Etat a déjà commencé à réfléchir à la situation, et je fais entièrement confiance à notre excellente argentière, Mme Nathalie Fontanet, pour trouver des solutions convenables qui ne pénaliseront pas les PME. Il faut tenir compte des situations réelles, un texte n'a pas besoin d'être réalisé exactement tel que formulé. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, le parti socialiste vous invite à adopter cette motion. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, voilà une excellente motion ! J'espère que vous allez l'adopter, parce que le meilleur moyen pour que les gens utilisent les transports publics que vous privilégiez tous ici, comme le Léman Express, c'est de ne pas mettre à disposition des places de stationnement en ville ! Il faut faire en sorte que les pendulaires restent à la frontière où il y a des parkings et qu'ils empruntent ensuite les transports collectifs ! Il s'agit vraiment d'une bonne motion ! Pour répondre... (Commentaires.) Oui, c'est pour vous réveiller un peu ! (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! Baissez d'un ton, Monsieur Sormanni ! On va attendre que ça se calme... (Un instant s'écoule.) Voilà, poursuivez.

M. Daniel Sormanni. Merci. Ce n'est pas un problème de coût, il suffit de ne plus donner ces places, à l'aéroport et ailleurs, qui sont aujourd'hui majoritairement attribuées à ceux qui viennent de loin. Si les employeurs ne les octroient plus, eh bien il n'y aura pas de taxe, donc pas de coût supplémentaire.

Au bout d'un certain temps, on parviendra à la situation que vous souhaitez et que nous souhaitons aussi: tous ces véhicules ne viendront plus jusqu'en ville, n'entreront plus dans le canton, resteront à l'extérieur. Vous verrez qu'on circulera bien mieux à Genève, que les vélos et les trottinettes auront beaucoup plus de place sur la route. Il n'y aura pas de coût supplémentaire pour les sociétés, puisqu'elles renonceront à privilégier les frontaliers, à offrir leurs parkings à ceux qui viennent de loin. C'est la bonne méthode, et je vous invite à soutenir cette motion; je fais confiance au Conseil d'Etat pour qu'il la mette en oeuvre de manière harmonieuse. Merci.

Mme Danièle Magnin. Bravo, Dani !

M. Yvan Zweifel (PLR). Mesdames et Messieurs, cette motion part d'une bonne intention: elle vise à décongestionner le centre-ville, ce qui est évidemment une bonne chose. Cependant, la solution proposée non seulement ne règle pas le problème, mais en crée d'autres.

Tout d'abord, les entreprises situées au centre-ville ne sont majoritairement pas propriétaires de leurs places de parking, elles les louent et les mettent à disposition de leurs employés. Par conséquent, elles ne seraient pas concernées par ce texte du MCG. En revanche, vous allez pénaliser toutes les firmes industrielles, celles qui se trouvent à la périphérie, là où il n'y a pas de transports publics suffisamment efficaces - je pense par exemple aux sociétés actives dans la construction. Demandez aux employés qui travaillent sur le site du Bois-de-Bay à quel point cela peut être compliqué de s'y rendre en transports publics quand le bus passe toutes les demi-heures, voire toutes les heures ! Si par hasard ils ont le malheur de terminer un peu tard le soir et ratent leur bus pour deux minutes, ils doivent attendre une heure de plus. C'est leur situation, Mesdames et Messieurs, que vous allez péjorer avec cette motion.

Ensuite, Mesdames et Messieurs, vous pensez pénaliser les entreprises, mais quelle sera la conséquence de cette taxation ? La société qui, par hypothèse, est propriétaire de sa place de stationnement ne va tout simplement plus la mettre à disposition gratuitement, mais la louer à ses collaborateurs; en contrepartie, elle va augmenter leurs salaires. Ainsi, l'entreprise aura un revenu supplémentaire, celui d'avoir loué la place de parking, ainsi qu'une charge supplémentaire, l'augmentation salariale, donc cela ne changera rien du tout.

Par contre, pour l'employé, cela change tout: aujourd'hui, il dispose d'une place de parc gratuite, et si la motion est acceptée, il aura quoi ? Une charge supplémentaire - il devra payer un loyer - et un revenu supplémentaire. Mais l'immense différence, c'est que la charge sera non déductible, puisque le loyer n'est pas déductible fiscalement, tandis que le revenu supplémentaire, lui, sera imposé. Mesdames et Messieurs, la mise en place de cette taxation ne fera aucune différence pour les employeurs, mais pénalisera les employés.

Je m'adresse maintenant à mes collègues de gauche: si, Mesdames et Messieurs, c'est ce que vous souhaitez, alors dites-le ! Sinon, cette motion est inutile: elle ne touchera pas les sociétés, mais alourdira en revanche le coût du travail tout en pénalisant les collaborateurs, en particulier ceux qui travaillent dans la périphérie et les zones industrielles. Et ça, Monsieur Sormanni, ça s'appelle un autogoal ! (Applaudissements.)

M. Jean Batou (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, cette question n'est pas centrale. Néanmoins, l'idée de taxer très modérément les entreprises pour les dissuader de mettre à disposition de leurs employés des places de parking me paraît aller dans la bonne direction. Evidemment, le fait que le MCG propose un impôt sur les personnes morales est assez piquant et désarçonne, je le comprends bien, à la fois M. Maitre et M. Zweifel - vous transmettrez, Monsieur le président - qui se lèvent tous deux en s'écriant que ce sont les travailleurs qui seront victimes de cette mesure fiscale. Bon, on les remercie pour leur compassion à l'égard des salariés. Toutefois, il me semble que leur réaction tient plutôt d'une position dogmatique, d'un réflexe automatique: enfer et damnation, un impôt sur les entreprises ! Voilà l'origine de toutes ces explications extrêmement convaincantes de mon collègue Zweifel qui démontre que cela va surtout impacter les employés.

C'est faux, il s'agit en réalité d'un léger effort pour décourager la mise à disposition gratuite de places de stationnement et favoriser les transports publics, c'est un petit pas dans la bonne direction, une mesure que le Conseil d'Etat avait d'ailleurs défendue dans sa première mouture de la RIE III sous la forme d'une petite taxe sur les entreprises afin qu'elles contribuent modiquement aux coûts supplémentaires pour les TPG occasionnés aux heures de pointe, ceci dans l'intérêt prioritaire et prépondérant des entreprises.

Si cela pouvait encourager le MCG à reprendre avec la gauche le projet de loi 12011, soit cette petite taxe sur les personnes morales pour contribuer au financement des TPG aux heures de pointe, on réunirait les deux aspects sans tomber dans la contradiction: d'un côté, on dissuade la mise à disposition de places de stationnement pour les quatre-roues, de l'autre on prélève un modeste impôt affecté au financement des TPG. Là, ça commencerait à être cohérent, on abandonnerait cette obsession des frontaliers qui a sans doute inspiré le MCG au départ. Cela étant, il a fait un pas dans la bonne direction, et comme j'ai confiance dans la capacité de réflexion de tous mes collègues, eh bien ajoutons à cette petite taxe sur les places de parking une autre pour favoriser le financement des TPG et on ira dans la bonne direction du point de vue de la défense de l'environnement dans notre canton. Merci. (Applaudissements.)

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Mesdames et Messieurs, chers collègues, beaucoup de choses ont été dites, notamment par le rapporteur de deuxième minorité, donc je ne vais pas les répéter. J'aimerais juste indiquer que la motion qui nous est soumise aujourd'hui consacre plusieurs inégalités de traitement. D'abord, elle propose de taxer les places de parking pour les quatre-roues uniquement. Pourtant, les deux-roues motorisés constituent une source de pollution proportionnellement plus importante et ne sont pas moins encombrants sur la voirie, et on ne les taxe pas.

D'autre part, ce sont les PME des secteurs primaire et secondaire - qui se situent par définition en périphérie, dans les zones industrielles et artisanales, mal ou peu desservies par les transports publics - qui possèdent et ont le plus besoin de places de stationnement pour leurs salariés. Elles n'ont d'autre choix que d'employer des travailleurs pendulaires et se trouveraient alors pénalisées du simple fait de leur activité économique. Et là, on parle essentiellement de l'agriculture, de l'industrie et des constructions.

Il faut rappeler que les entreprises du secteur tertiaire, qui sont suffisamment prospères pour s'établir au centre-ville, payer des loyers et mettre à disposition des places de parc bien que l'offre des transports publics y soit excellente, ne sont que très exceptionnellement propriétaires desdites places; elles n'auraient aucun impôt supplémentaire à payer alors que leurs moyens financiers le leur permettraient bien plus aisément.

Cette proposition est inapplicable tant sa mise en oeuvre semble problématique. Elle vise les véhicules privés des collaborateurs, mais comment l'administration pourra-t-elle concrètement les distinguer des véhicules professionnels, d'un indépendant ou d'un actionnaire ? Opérer tous les ans un tel recensement auprès de chaque société pour l'imposer efficacement représente à l'évidence une complication extrême pour l'administration et des surcoûts en temps et en argent probablement supérieurs aux recettes qu'on nous fait miroiter.

Enfin, Mesdames et Messieurs, la présente motion est manifestement contraire au droit fédéral et notamment aux dispositions du guide d'établissement du certificat de salaire. C'est pourquoi le groupe démocrate-chrétien vous encourage à la rejeter. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC). Jusqu'à présent, on n'a entendu que de fausses bonnes idées, comme le fait qu'on pourrait affecter le produit de cet impôt à la promotion des transports publics. On imagine tout plein de pistes, et même le département de l'époque, lors de son audition, émettait des hypothèses. Or, Mesdames et Messieurs, toute proposition formulée ici, quelle qu'elle soit, est nulle et non avenue, car la LGAF ne permet pas de consacrer ne serait-ce qu'un centime à un fonds prévu à une tâche, c'est interdit. La deuxième invite de cette motion est donc parfaitement inapplicable.

Pour le reste, on va pénaliser les travailleurs locaux plutôt que ceux qui sont clairement visés par le texte, à savoir les frontaliers. On vise les pendulaires, mais beaucoup de Suisses ont malheureusement dû émigrer de l'autre côté de la frontière, parce qu'ils n'ont pas trouvé de logement correspondant à leurs besoins à Genève, et vous allez aussi les désavantager ! En fonction de leurs horaires, certains salariés seront fortement pénalisés.

Pour ma part, je ne crois pas que le patron va continuer à mettre des places de parking à disposition ou rembourser ses employés; non, si ça commence à lui coûter cher et qu'il se retrouve avec de nouvelles charges, ce sont tout simplement les salaires qui seront baissés pour compenser les pertes. Cette motion rate triplement sa cible, donc l'UDC la refusera. Je vous remercie.

Mme Paloma Tschudi (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, nul besoin d'être un spécialiste de la politique genevoise pour savoir que les Vertes et les Verts, en général, ne souscrivent pas à la politique du MCG sur la mobilité, ni d'ailleurs à celle concernant la fiscalité. Toutefois, la proposition de motion 2341 demandant au Conseil d'Etat de mettre en place un impôt pour les personnes morales sur les places de stationnement visant à dissuader la circulation pendulaire est indéniablement porteuse de nombreuses vertus.

Dans un canton comme le nôtre dont l'économie a une forte capacité d'attraction sur les travailleurs et travailleuses des régions voisines, mener une réflexion quant à la diminution du trafic individuel motorisé pendulaire est fondamental. Pour cela, les pistes sont claires et énoncées depuis longtemps par les Vertes: développement d'un réseau de transports publics dense et efficace, fortement articulé à des P+R suffisamment éloignés des zones d'activités, développement de secteurs d'activités proches, bien connectés aux habitations et atteignables par des modes de transport doux, mise en place d'une politique de stationnement ayant pour objectif le transfert effectif du TIM vers la mobilité douce et les transports en commun.

La présente motion répond de manière concrète à ce troisième volet de la politique de mobilité que nous, les Vertes et les Verts, appelons de nos voeux. A celles et ceux qui verseront quelques larmes en raison d'une légère augmentation de la fiscalité des personnes morales, les Verts rappellent l'immense cadeau fait à ces mêmes entreprises via la RFFA. Comme le dirait mon collègue Yvan Rochat, vos larmes de crocodile ne nous émouvront pas !

Le trafic dû aux déplacements des pendulaires employés dans les sociétés genevoises constitue un facteur prépondérant non seulement de l'engorgement de nos rues, mais également de la dégradation de notre environnement et de la qualité de vie des habitantes et habitants de notre canton. Une récente étude de l'EPFL montre qu'à Genève, Carouge, Lancy, Meyrin, Onex et Vernier, près de 80 000 places de parking sont mises à disposition des collaborateurs. Partant de ce constat... (Remarque. Un instant s'écoule.)

Une voix. Ce n'est rien, continue !

Mme Paloma Tschudi. ...il est important que l'Etat encourage la réduction de cette offre astronomique qui a des conséquences néfastes en matière tant environnementale que de mobilité. Dans le cas d'espèce, l'outil fiscal constitue un incitateur efficace pour parvenir à notre but. La mise à disposition gratuite et en grande quantité de places de stationnement relève d'une conception totalement dépassée qu'il est urgent de modifier.

Pour conclure, rappelons qu'en matière de déplacements, la dissuasion telle que visée par cette motion fonctionne particulièrement bien lorsqu'elle est accompagnée d'une forte incitation à des alternatives, en l'occurrence d'une augmentation des prestations des TPG. C'est exactement ce que Genève va connaître à la fin de l'année 2019 avec la mise en service du CEVA, véritable big bang de la mobilité genevoise. L'opportunité est là, et le groupe des Vertes et des Verts appelle le Conseil d'Etat à agir rapidement dans le sens demandé par la motion en traduisant en projet de loi le vote de ce soir. Merci.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je rappelle que nos régies publiques se prêtent déjà à l'exercice, non pas en taxant les employés ou en augmentant leurs salaires, mais en privilégiant la mise à disposition des places aux personnes qui en ont réellement besoin. Aujourd'hui, l'institution que vous avez décrite plus tôt, lorsque nous traitions la résolution sur le chantier d'En Chardon - les TPG, pour ne pas les nommer - promeut exactement cette pratique: offrir des places de stationnement gratuites aux salariés, c'est terminé, même si ceux-ci viennent de l'autre côté de la frontière.

On doit bien naturellement revaloriser les P+R, et pour que ceux-ci soient occupés, il faut des utilisateurs, ceux-là mêmes dont M. Zweifel disait qu'ils viennent au centre-ville pour les parkings offerts par leurs employeurs. Même si les entreprises louent ces places, du moment qu'elles les mettent à disposition de leurs collaborateurs, elles devront s'acquitter de la taxe, qu'elles en soient propriétaires ou pas. C'est le but de notre projet qui devrait générer un effet dissuasif et encourager les sociétés à proposer toutes sortes d'alternatives qui vont dans le sens des Verts, par exemple offrir des abonnements TPG ou P+R.

Je vous recommande de voter cette motion qui va tout simplement dans la bonne direction. La majorité veut moins de circulation dans notre canton et que nos amis pendulaires, puisque vous les avez mentionnés tout à l'heure, prennent le bus à partir de la frontière. Merci.

Une voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie et passe la parole à M. Sormanni pour trente secondes.

M. Daniel Sormanni (MCG). Merci... (Le micro de l'orateur ne fonctionne pas. Ses propos sont inaudibles. Le micro s'enclenche à nouveau.) ...et les employeurs pourront aussi répercuter cette taxe, parce que si on veut encourager les gens à utiliser le Léman Express, il faut les pousser quelque peu, et cette motion constitue une bonne incitation. Les 40 à 50 millions de déficit de fonctionnement du Léman Express, c'est le contribuable genevois qui va les payer, alors je pense qu'on a tout intérêt à ce que les wagons ne circulent pas vides, mais bien remplis. Pour les entreprises...

Le président. C'est terminé, Monsieur Baertschi... (Exclamations.)

M. Daniel Sormanni. ...dont la fiscalité va passer de 24%...

Le président. Euh, Monsieur Sormanni, excusez-moi ! C'est terminé !

M. Daniel Sormanni. ...à 14% au 1er janvier, cette taxe ne représente pas une augmentation, mais une diminution d'impôts !

Le président. Merci...

Mme Danièle Magnin. Bravo, Dani !

Le président. La parole est à M. le député Vincent Maitre.

M. Vincent Maitre (PDC), rapporteur de deuxième minorité. Ah bon ? Je ne pensais pas que ce serait mon tour, mais si vous le dites ! Je crois rêver quand j'entends les propos de M. Sormanni qui loue maintenant les vertus du CEVA pour accueillir nos travailleurs frontaliers alors qu'il y a encore six mois ou même moins, c'était un vecteur d'invasion de racaille. On croit vraiment rêver !

Pour ce qui est de M. Batou, je dois avouer que j'ai une certaine tendresse pour ses exercices oratoires répétés, lui qui ne cesse de marteler que toute taxe supplémentaire ou augmentation fiscale n'est jamais que modeste et indolore pour les entreprises. Notre canton est celui qui taxe le plus lourdement en Suisse et cumule le nombre le plus important de taxes différentes; citons la taxe professionnelle communale que nos amis vaudois ne connaissent pas, malgré un taux d'imposition des personnes morales désormais bien inférieur au nôtre, citons l'impôt sur la fortune que même notre voisin français, pourtant pas franchement réputé pour être un paradis fiscal, a largement aboli pour des raisons évidentes. Nous sommes littéralement parmi les derniers des Mohicans au monde à pratiquer l'impôt sur la fortune !

Et aujourd'hui, alors que l'élan mondial est celui d'une diminution des impôts, d'une simplification du système fiscal - à tort ou à raison, mais c'est un fait - eh bien nous, à Genève, puisque nous sommes toujours plus savants que les autres, nous allons exactement dans le sens contraire, nous ajoutons des taxes supplémentaires - pour le bien de nos entreprises qui, ainsi, pourront bien entendu se montrer encore plus compétitives sur le plan international !

Non, Mesdames et Messieurs, nous allons droit dans le mur avec ce genre de politique. A ce rythme-là, l'érosion économique poursuivra sa lente, mais insidieuse progression. On l'a vu tout récemment, un gros groupe international a quitté Genève avant même les résultats de la RFFA, las d'une incertitude juridique et fiscale qui l'empêchait de planifier ses investissements sur le long terme. C'est pour cette raison que je vous incite fortement à ne pas ajouter de couche à ce mille-feuille fiscal définitivement indigeste dont nous sommes les spécialistes à Genève.

Une voix. Et la taxe sur les employés ?

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de première minorité. Comme l'a dit mon préopinant, cette motion va ajouter une nouvelle couche au mille-feuille fiscal, péjorant les employés dans les secteurs de l'agriculture, de l'industrie et des constructions. Mais surtout, il y a une violation manifeste de la LGAF tout comme il y aura, à mon avis, un problème avec le droit supérieur. Par conséquent, Mesdames et Messieurs, la première minorité vous demande de refuser cette motion.

M. François Baertschi (MCG), rapporteur de majorité. En ce moment, la mode est décidément à la politique climatique, on en parle beaucoup, c'est d'une chaude actualité. Cette motion, certains préopinants l'ont dit, représente un pas modéré - très modéré - mais utile, qui nous permet d'aller dans la bonne direction. Rappelons qu'il s'agit d'une taxe incitative sur les pendulaires payée par les employeurs, pas par les employés.

Puisque ces deux points viennent d'être mis en évidence, j'indique que le MCG maintient ses positions en ce qui concerne le CEVA - nous n'allons pas argumenter sur cet élément - et s'agissant du catastrophisme économique, chacun comprendra que ce n'est pas du tout d'actualité... (Commentaires de Mme Salika Wenger.)

Le président. Madame Wenger, s'il vous plaît !

Une voix. Elle a raison !

M. François Baertschi. Apparemment, l'urgence climatique laisse insensible une députée dans la salle; c'est son choix, c'est son droit personnel, Mesdames et Messieurs, mais nous vous prions quant à vous de soutenir cette motion et vous en remercions par avance.

M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, pendant presque cinq ans, j'ai eu coutume de dire - et je continue à le faire, même si nous avons fort heureusement réglé cette question récemment - qu'une fiscalité attractive et sûre constitue une condition-cadre fondamentale pour l'économie et les entreprises.

Il en est une autre, qui coïncide d'ailleurs avec les nouvelles responsabilités qui sont les miennes dans cette deuxième législature, c'est la mobilité. (Commentaires de Mme Salika Wenger.) Force est de constater qu'il n'est pas dans l'intérêt des sociétés que Genève souffre d'un trafic engorgé, d'une mobilité chaotique: ce sont des milliers et des milliers d'heures de travail perdues. Le Conseil d'Etat est tout à fait sensible à ce problème et fait même de sa résolution une priorité.

Je suis pour ma part convaincu, à l'instar de beaucoup d'autres, qu'à la fin de cette année, nous allons entrer dans le XXIe siècle, nous allons changer d'échelle en matière de déplacements: la population aura à disposition - il s'agit d'une condition sine qua non - une offre en transports publics efficace, confortable, attractive. (Commentaires de Mme Salika Wenger.) Il est également très important de soutenir le développement urbain, d'encourager l'utilisation de modes de locomotion plus respectueux de l'environnement et surtout d'appliquer des mesures d'accompagnement que le Conseil d'Etat a déjà prises; il les a annoncées, il a communiqué à ce sujet.

Vous le savez certainement, le Conseil d'Etat considère la question du stationnement comme essentielle - le constat émis par les auteurs de la motion est juste - pour faire évoluer notre politique de mobilité. A cet égard, l'offre en matière de places de parc, en particulier sur les lieux de travail, constitue un facteur déterminant. Que les prestations des transports en commun soient de qualité ou non, 50% des gens en moyenne, selon des études très sérieuses... (Commentaires de Mme Salika Wenger.)

Le président. Madame Wenger ! Si vous souhaitez sortir, allez-y, mais ne criez pas comme vous le faites depuis dix minutes !

Mme Salika Wenger. Non, Monsieur le président, je ne veux pas sortir !

Le président. Alors je vous prie de vous calmer !

M. Serge Dal Busco. Je reprends, Mesdames et Messieurs. Je ne veux pas vous assommer de chiffres, mais sachez que s'il y a une place de parking gratuite à disposition sur leur lieu de travail, 50% des salariés en moyenne utilisent leur voiture pour s'y rendre; si cette place est payante, le taux diminue à peu près d'un tiers, et si elle est inexistante, 5% à 10% seulement trouvent des alternatives pour prendre tout de même leur voiture. Je le répète: il s'agit d'un dispositif dissuasif très efficace.

On parlait tout à l'heure des pendulaires qui ne bénéficient pas d'offre attractive en transports publics pour venir à Genève - heureusement, ce sera bientôt le cas avec le Léman Express. Eh bien aujourd'hui, 87% de ceux qui vivent en dehors des frontières cantonales, et en particulier des frontières nationales, prennent leur véhicule individuel motorisé, et 85% d'entre eux disent ne rencontrer aucune difficulté pour garer leur voiture à destination. C'est bien la preuve qu'une politique du stationnement responsable constitue un aspect extrêmement important pour le transfert modal.

Comment y parvenir ? Je salue le grand nombre d'entreprises qui ont mis en place des plans de mobilité efficaces, qui sont très sélectives dans la mise à disposition des places de parc, par exemple en les réservant aux seuls covoitureurs, ce qui est fort intéressant, qui ont établi une tarification et font payer les personnes souhaitant stationner leur véhicule - je parle bien des personnes. Ce sont des effets de levier puissants.

La motion demande de taxer les entreprises. Personnellement, cette mesure me gêne un peu sur le fond, mais j'admets qu'elle peut avoir des effets tout à fait vertueux... (Exclamations.) Ce qui serait problématique, ce serait un impôt qui ne serve qu'à alimenter les caisses de l'Etat. Mais cette taxe, si nous devions être amenés à examiner son instauration, serait évidemment de nature incitative afin d'impacter l'utilisateur, la personne physique qui utilise son véhicule pour se rendre sur son lieu de travail.

Aussi, Mesdames et Messieurs, si vous renvoyez cette motion au Conseil d'Etat, comme cela semble se profiler, celui-ci s'engage à étudier la question de manière attentive, à faire en sorte que le dispositif proposé ne soit pas de nature à alourdir les charges des entreprises mais, au contraire, constitue un instrument incitatif pour mener une politique de mobilité rationnelle et cohérente avec les actions que nous sommes en train de mettre en place à Genève.

Naturellement, nous le ferons dans le respect de la législation, dans le respect des dispositions fiscales. Je vous rends attentifs au fait qu'un projet analogue a été lancé dans le canton du Tessin qui, à ma connaissance, est aujourd'hui contesté jusqu'au Tribunal fédéral. Juridiquement, les choses sont donc compliquées, mais nous pourrions examiner les moyens à déployer pour aboutir à cet objectif. Merci de votre attention.

Le président. Merci. Nous passons au vote.

Mise aux voix, la motion 2341 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 49 oui contre 38 non et 1 abstention. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Motion 2341

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, trois petites informations avant que vous quittiez la salle. Tout d'abord, le Grand Conseil félicite notre collègue Beatriz de Candolle, qui n'était pas là aujourd'hui, devenue grand-maman pour la troisième fois, d'un petit Roger Henri Lucien ! (Applaudissements.)

Ensuite, puisque c'était notre dernière session avant les vacances d'été, je vous rappelle le délai de dépôt pour les prochains textes: mardi 13 août.

Troisième et dernière chose, à tous les sportifs, footballeurs et pétanqueurs, n'oubliez pas notre fameux tournoi samedi 15 juin prochain à 13h à Vernier, c'est un rendez-vous important. Bonne rentrée à tous, bonne soirée, au revoir !

La séance est levée à 20h.