République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12204-B
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le projet de loi constitutionnelle de Mmes et MM. Bertrand Buchs, Guy Mettan, Jean-Luc Forni, Anne Marie von Arx-Vernon, Marie-Thérèse Engelberts, Olivier Cerutti, Christina Meissner, Delphine Bachmann, François Lance modifiant la constitution de la République et canton de Genève (Cst-GE) (A 2 00) (Pour une limitation drastique des produits phytosanitaires à Genève)

Premier débat

Le président. Nous examinons maintenant le PL 12204-B. Le rapport est de Mme Simone de Montmollin, à qui je donne la parole.

Mme Simone de Montmollin (PLR), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je sais bien que nous sommes à la séance des extraits, mais comme il s'agit d'un projet de loi constitutionnelle, il m'apparaît utile de vous tenir informés de l'aboutissement des travaux de commission, commission qui s'est réunie suite à un deuxième renvoi de cet objet, le Conseil d'Etat n'ayant pas demandé le troisième débat. Des amendements ont été déposés, étudiés en commission, et je vais vous présenter le résultat des travaux.

Pour rappel, le projet de base visait d'une part à interdire l'importation, la vente et l'utilisation à titre privé de produits phytosanitaires, d'autre part à créer une instance cantonale habilitée à décider du retrait d'agents phytosanitaires à usage professionnel. Ces deux propositions étant contraires au droit fédéral, la commission avait d'abord refusé l'entrée en matière sur ce texte, et c'est la raison pour laquelle il est reparti en commission lors du premier traitement en plénière.

Les travaux ont ensuite permis de réunir une majorité - voire une unanimité, moins une voix - autour d'une version compatible avec le droit supérieur et la réalité du terrain. Cette nouvelle mouture ne cible que l'usage professionnel des produits phytosanitaires, dans une perspective de durabilité, et privilégie une approche de gestion des risques. Enfin, elle demande à l'Etat de jouer un rôle conforme à ses compétences cantonales, c'est-à-dire par le biais de la promotion et de l'encouragement. Ainsi, le texte adopté ne complète pas l'article de la constitution relatif à la santé, mais celui dédié à l'agriculture - c'est l'article 187 - en soutenant l'Etat dans sa stratégie de gestion des risques concernant les produits phytosanitaires; il s'agit précisément de diminuer les risques et de favoriser le développement d'alternatives.

Si l'ensemble des groupes se rallient au but du projet et à la formulation proposée, certains députés - dont je fais partie - estiment que le rang constitutionnel n'est pas le bon niveau pour ce type d'objet; le rang législatif aurait été tout à fait adéquat, compatible et similaire avec ce qui se fait au niveau fédéral. Toutefois, nous comprenons qu'à l'échelle cantonale, l'enjeu soit de fournir des moyens appropriés, tant au niveau de la recherche que de la pratique, afin de rendre la transition possible. Ce texte permet au Conseil d'Etat de mettre en oeuvre des moyens techniques et financiers pour accompagner cette évolution, et c'est pourquoi nous vous encourageons à l'accepter. Je vous remercie.

Mme Delphine Bachmann (PDC). Alors oui, Monsieur le président, nous sommes aux extraits, mais ce sera l'exception qui confirme la règle selon laquelle c'est le seul moment où je ne cause pas ! Mesdames et Messieurs les députés, je suis fière de notre parlement aujourd'hui, car il accomplit un acte courageux. Dans un contexte tendu, il ose se positionner et accepter un projet de loi constitutionnelle sur une question dont la population s'est emparée et qui enflamme l'opinion publique, et il ne cessera pas de le faire avec les initiatives à venir.

Je tiens à relever trois points importants qui ont fait l'objet de discussions en commission. Le premier, le plus important, c'est que ce texte vise avant tout à fournir les moyens nécessaires pour sortir durablement des produits phytosanitaires. On ne peut pas interdire sans avoir d'abord trouvé des solutions avec les milieux concernés, ce serait irresponsable. Nous devons faire les choses dans l'ordre, nous devons être constructifs. Le système ne doit pas être punitif, mais collaboratif, car le monde agricole souffre déjà trop sur le plan économique.

Deuxièmement, ce projet de loi ne met pas en opposition les différents modes de production, qu'ils soient biologiques ou non; chacun et chacune prend déjà de nombreuses mesures pour réduire au maximum l'emploi de ce type de produits, mais ils sont hélas encore utilisés partout à l'heure actuelle.

Enfin, nous démontrons avec cet objet que dans notre canton, nous prenons en main la santé de nos concitoyens. Aujourd'hui, Mesdames et Messieurs, Genève ose faire un pas de plus vers la santé environnementale, et c'est une démarche à saluer. Nous nous sommes montrés courageux et j'espère que ce sera un exemple pour le reste des cantons suisses. Je vous remercie.

Mme Salika Wenger. Je trouve ça triste !

M. Jean Burgermeister (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, vous connaissez tous ces publicités qui montrent l'aspect avant et l'effet après tel ou tel produit; ici, nous avons une bonne illustration du PDC avant et après les élections ! (Rires.) Voyez-vous, à quelques semaines des élections cantonales, le PDC dépose un projet de loi constitutionnelle qui stipule: «L'importation, la vente et l'utilisation à usage non professionnel de produits phytosanitaires dans le cadre d'activités privées est interdite. [...] l'Etat fixe un délai de transition et définit les produits à exclure.» Des mesures fortes qui lui assurent naturellement de gros titres dans la presse.

Puis, les élections passent et le PDC réalise que ce n'est pas conforme au droit fédéral et qu'il faut être raisonnable, constructif; il nous propose donc, avec le PLR, un texte remanié qui indique: «L'Etat prend des mesures afin de réduire les risques liés à l'utilisation de produits phytosanitaires. Il encourage le développement de méthodes alternatives permettant d'en limiter l'usage, notamment par un soutien économique ou technique.» A peu de choses près, Mesdames et Messieurs, c'est ce qui se fait déjà aujourd'hui !

Bon, c'est un peu malheureux, mais nous ne sommes plus dans la minorité, nous voterons ce projet de loi dans la mesure où il va dans la bonne direction, mais tout doucement. Ce n'est plus la politique des petits pas, c'est la politique des micropas, non pas les pas de fourmis, mais ceux des collemboles - vous savez, ces tout petits arthropodes sur le sol qui souffrent massivement des agents phytosanitaires pendant que nous discutons la formule qui sera la moins contraignante. Ce qui est fâcheux avec cette politique des micropas, Mesdames et Messieurs, c'est que quand on prend un peu de recul et qu'on abandonne sa loupe grossissante, elle nous donne l'impression de faire du surplace !

Alors je ne me gargariserai pas de ce projet de loi, comme on vient de l'entendre, car il est largement insuffisant. Je regrette que la volonté forte affichée au départ ait disparu une fois passés les travaux de commission. Nous le soutiendrons par principe, mais nous regrettons de ne pas pouvoir aller plus loin. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Isabelle Pasquier (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, je m'inscris dans la ligne de ce qui vient d'être dit. Nous sommes un peu dans la même situation qu'en matière d'égalité, c'est-à-dire qu'on part avec un projet ambitieux, on le retravaille dans une volonté de consensus et il en ressort finalement quelque chose de nettement moins audacieux, juste le minimum légal de ce qu'on peut prévoir. Il s'agit ici de «réduire les risques»; mais j'espère bien qu'on cherche à diminuer les risques pour tout le monde, pour les familles paysannes comme pour les consommatrices et consommateurs !

En commission, les Verts ont proposé des amendements complémentaires pour agir non seulement sur la diminution des risques - c'est noble, toutefois extrêmement difficile à évaluer - mais surtout sur les quantités de produits utilisées, ce qui nous paraissait une promesse nettement plus intéressante. Mais voilà, nous nous rallierons à la majorité, parce qu'il faut faire un petit pas après l'autre, c'est le sens de la concertation suisse.

Je voudrais revenir sur un dernier point. Il a été indiqué en commission que l'usage d'agents phytosanitaires diminue globalement en Suisse, mais augmente dans le domaine du bio... (Brouhaha. Le président agite la cloche.) Dit comme ça, c'est facile, on peut sortir de son contexte cette phrase d'un communiqué de l'Office fédéral de l'agriculture selon lequel les ventes de substances actives utilisables en agriculture biologique ont crû de 40% depuis 2008; mais cela signifie-t-il pour autant que les producteurs bio traitent beaucoup plus ? Non, absolument pas ! Cette progression s'explique d'un côté par la hausse des surfaces consacrées à l'agriculture biologique - +33% ces dix dernières années - de l'autre par le fait que l'agriculture conventionnelle emploie de plus en plus de produits homologués bio. Ainsi, les plus gros consommateurs de soufre et de cuivre sont l'arboriculture et la viticulture conventionnelles, et ce depuis toujours. L'OFAG indique et reconnaît la nécessité de... Bon, je ne vais pas m'étaler, nous accepterons ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)

M. Patrick Dimier (MCG). J'aimerais juste mentionner qu'il y a procès sur procès au plan international s'agissant des produits phytosanitaires et que chaque fois, dans le passé le plus récent, les firmes en question ont été condamnées - l'une d'entre elles à plus de 2 milliards de dommages.

Ne devons-nous pas nous réveiller, Mesdames et Messieurs ? Ne devons-nous pas aller plus loin que ce qui est proposé ? C'est un premier pas, franchissons-le, allons-y; cela étant, restons non seulement à la veille, mais surtout à l'action quant à ces produits qui sont clairement nocifs pour tout le monde, pas uniquement pour les agriculteurs. C'est quelque chose que le PDC devrait savoir; d'ailleurs, peut-être que PDC signifie aujourd'hui «parti des champs» ?

M. Marc Fuhrmann (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, je souhaite ajouter un élément fondamental. Qu'il s'agisse d'agriculture traditionnelle ou biologique, il est inévitable qu'un certain nombre de produits soient répandus dans nos campagnes. Mais l'une des raisons principales de la faiblesse de notre production, c'est la densification et surtout la culture intensive, qu'elle soit biologique ou non ! Il est fondamental pour notre canton, pour la qualité de ses sols et de son air, de ne pas densifier davantage, de ne pas supprimer d'autres terres arables, car ça ne nous mènera que vers plus de culture intensive et polluera encore plus notre air, notre territoire et notre eau. Je le répète: agriculture biologique ou non, il s'agit d'un problème de densification et de culture intensive ! Merci.

Une voix. Bravo !

Une autre voix. Bien dit !

Le président. Merci, Monsieur. A présent, je mets cet objet aux voix.

Mis aux voix, le projet de loi 12204 est adopté en premier débat par 70 oui et 1 abstention.

Le projet de loi 12204 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 12204 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 77 oui et 1 abstention.

Loi 12204