République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du mercredi 10 avril 2019 à 21h
2e législature - 1re année - 11e session - 66e séance
M 2491-A et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous nous penchons sur les objets liés M 2491-A et M 2541. Le rapport est de Mme Céline Zuber-Roy, qui ne prend pas la parole; mais elle est demandée par M. Jean Burgermeister.
M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il s'agit d'un sujet très important et il est urgent que le Grand Conseil remplisse son devoir, un devoir notamment historique.
Normalement, lorsque nos conceptions ne collent pas avec la réalité, le bon sens nous dicte de les modifier. Or en matière de détermination des sexes, c'est l'inverse qui s'est produit. La nature n'est pas toujours conforme à nos représentations, il n'y a pas de cadre aussi distinct que ce que l'on voudrait parfois croire - hommes d'un côté, femmes de l'autre - il existe de nombreuses de morphologies différentes. Pendant des années, pendant des décennies, nous avons pratiqué des opérations, y compris sur des enfants et des nouveau-nés, pour obtenir des anatomies sexuelles correspondant à nos conceptions; nous avons cherché à modifier la réalité pour la faire coïncider avec des idées arrêtées au lieu de l'inverse; cela, évidemment, sans le consentement des personnes intéressées - par définition, des nouveau-nés ne peuvent pas donner leur avis - et avec des répercussions graves sur celles-ci, sur les plans tant physique que psychologique.
Aujourd'hui, il faut reconnaître que des torts ont été causés à des personnes à Genève, notamment au sein des HUG. Je ne veux pas faire le procès de tel ou tel médecin, il n'y avait pas de base légale et aucune volonté de clarifier la situation. D'ailleurs, Genève et la Suisse se sont fait épingler à plusieurs reprises par différents organes de l'ONU s'agissant de ces pratiques qui sont considérées comme de véritables mutilations - c'est bien comme ça qu'il faut les appeler. Nous avons le devoir de reconnaître la souffrance des gens qui ont subi des interventions non consenties, qui ont été des victimes; ils doivent obtenir une reconnaissance de la part de l'Etat.
Surtout, il est urgent de mettre fin à ces pratiques inacceptables. Bien souvent, la Suisse et Genève donnent des leçons au monde entier quant à la manière dont il faut traiter telle ou telle personne; commençons par balayer devant notre porte ! Des exactions sont commises ici même, à Genève, et il est temps d'y mettre fin. Je suis ravi que la commission des Droits de l'Homme qui s'est penchée sur le sujet de façon sérieuse ait soutenu cette motion... Enfin, que la commission, dans son unanimité, ait décidé de peaufiner le travail initié par Ensemble à Gauche en déposant un texte très proche auquel nous nous rallierons évidemment pour obtenir une majorité large, ce à quoi je vous invite aussi. Merci. (Applaudissements.)
M. Diego Esteban (S). Mesdames et Messieurs, j'aimerais remercier chaleureusement l'ensemble des membres de la commission qui, par leur participation respectueuse et constructive aux travaux sur la M 2491, ont permis d'atteindre un accord politique - sans précédent en Suisse, à ma connaissance - autour d'un sujet pourtant grave. Nombre de personnes ici découvrent peut-être ce soir l'existence des personnes intersexes, des discriminations dont elles font l'objet et de l'indifférence dans laquelle elles les subissent.
La commission a procédé à des auditions qui ont permis d'affiner les contours de la proposition initiale dans un nouvel objet de commission. De fait, la M 2541 a été approuvée à l'unanimité de la commission. Cette unanimité est capitale pour deux raisons: d'une part, il s'agit d'une rare reconnaissance publique par les pouvoirs politiques du caractère insoutenable des discriminations subies par les personnes intersexes; d'autre part - et surtout ! - une position forte du Grand Conseil enverra un signal tout aussi fort au Conseil d'Etat, à savoir que le sujet préoccupe l'ensemble des partis et que des accords politiques sont possibles. Ce signal tombe au bon moment: notre gouvernement est justement en train de préparer un projet de loi novateur, de concert avec le BPEV. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, je vous encourage à appuyer de vos voix la M 2541. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Céline Zuber-Roy (PLR), rapporteuse. Je ne jugeais pas utile de prendre la parole, mais il me semble maintenant important d'apporter quelques corrections aux propos de M. Burgermeister. Sa motion de départ a mis en lumière une problématique qui a existé à Genève et en Suisse, c'est vrai, mais nous avons mené plusieurs auditions et nous nous sommes profondément plongés dans l'étude afin d'être sûrs que ces pratiques n'existent plus, en tout cas depuis 2012. Cela a été confirmé, il est important de le souligner: depuis 2012, les HUG ne pratiquent plus d'opérations, qui sont effectivement à considérer comme des mutilations. Il y en a eu à Genève, c'est regrettable, mais je pense que c'est une erreur de laisser planer le doute, je voulais donc ajouter cette précision.
M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je remercie Mme Zuber-Roy pour sa précision. Moi aussi, j'ai été choqué d'entendre des propos qui peuvent légitimement créer de l'émoi au sein de la population. On laisse entendre que ces pratiques auraient toujours cours dans notre république. On dit que le canton de Genève serait bien inspiré de balayer devant sa porte au lieu de donner des leçons à l'échelle internationale...
Il faut rappeler ici que le Conseil d'Etat soutient la motion 2541 qui lui est adressée. Les opérations effectuées sans une nécessité médicale urgente sur des bébés ou des enfants en bas âge présentant des variations de l'anatomie sexuelle sont considérées de manière unanime comme des mutilations sexuelles, et de telles interventions n'ont plus lieu à Genève. Il faut le dire, il faut le répéter, et il n'est pas question d'admettre une quelconque exception à ce principe. Pour ce motif, après s'être convaincue que tel n'est plus le cas, contrairement à ce qu'indiquait la motion 2491, la commission des Droits de l'Homme a rejeté ledit texte et proposé une motion de commission, qui est la 2541 à laquelle souscrit le Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix successivement ces deux textes.
Mise aux voix, la motion 2491 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 43 oui contre 32 non et 3 abstentions.
Mise aux voix, la motion 2541 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 80 oui (unanimité des votants).