République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du mercredi 10 avril 2019 à 17h
2e législature - 1re année - 11e session - 65e séance
PL 12136-B et objet(s) lié(s)
Suite du premier débat
Le président. Nous allons reprendre le débat très exactement là où nous nous sommes arrêtés hier à 22h30. Je vois que M. Yvan Rochat demande la parole, mais trois personnes étaient déjà inscrites et c'est dans cet ordre qu'elles s'exprimeront: MM. Blondin, Dimier et Zweifel. A la suite de quoi je prendrai les prochains à s'inscrire.
M. Stéphane Florey. Est-ce qu'on peut avoir les temps de parole ?
Le président. Les temps de parole sont donnés au fur et à mesure, mais les voici déjà: il reste deux minutes trente à Ensemble à Gauche, une minute dix aux socialistes, six minutes aux Verts, six minutes au PDC, six minutes au PLR, une minute dix à l'UDC et cinq minutes vingt au MCG. Le rapporteur de majorité a encore une minute trente, le rapporteur de première minorité n'a plus de temps et le rapporteur de deuxième minorité, pour le PL 12136-B, a trois minutes vingt.
Pour continuer le débat que nous avons commencé hier, je passe maintenant la parole, dans le silence qui vous caractérise, à M. le député Blondin.
M. Jacques Blondin (PDC). Merci, Monsieur le président. Il est donc question des nouvelles zones de développement de Cointrin-Est et de Cointrin-Ouest, à propos desquelles divers éléments ont été évoqués hier. (Brouhaha.) Je tiens juste à rappeler que nous avons un aéroport périurbain et que c'est une contrainte avec laquelle il faut vivre. (Brouhaha.) Il est évident que dans le cadre du plan directeur cantonal, dont nous parlerons tout à l'heure, il y a aussi un certain nombre de... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, une seconde: il y a beaucoup trop de bruit. Je peine même à vous entendre et vous êtes pourtant un ténor du PDC ! (Rires. Exclamations.)
M. Jacques Blondin. Je me méfie ! (L'orateur rit. Rires. Commentaires.)
Le président. Ceux qui arrivent en retard ne sont pas obligés de saluer tout le monde ! Je vous repasse la parole, Monsieur le député.
M. Jacques Blondin. Merci, Monsieur le président. Je disais que le plan directeur cantonal donne un certain nombre de directives pour cette région. On l'a rappelé hier, ces deux périmètres sont effectivement gigantesques: 22,5 hectares. Il est évident que c'est grand. C'est près de l'aéroport; il y a un certain nombre de contraintes et des nuisances. La commission en a bien évidemment longuement discuté, avec des avis d'experts autorisés.
Il faut, bien sûr, construire le long des axes de transport et près du centre. C'est typiquement le cas ici et c'est ce qui devrait se faire. Vu le contexte, comme l'ont dit plusieurs préopinants, il faut également respecter l'article 4A LGZD actuel, même s'il fera aussi l'objet de discussions, de manière à répartir les catégories de logements. J'y reviendrai tout à l'heure par rapport à la motion.
Il est évident qu'il faudra traiter de manière optimale la problématique de la réverbération du bruit des avions - on l'a dit, le SABRA a fait son rapport - et c'est une contrainte qu'il faudra prendre en compte dans les PLQ à venir. Il faudra aussi tenir compte des besoins futurs en matière de transports publics et de mobilité douce.
Je tiens à dire aussi que ce grand périmètre permettra de parler d'urbanisme, d'aménagement et de paysagisme, et on peut espérer que ça n'aboutira pas à un simple bétonnage de ce grand secteur, mais à un aménagement intelligent. Suite à la discussion d'hier sur les liaisons L1 et L2 et à ce qui se passe aujourd'hui dans les villages de Genève-Sud, je pense qu'au niveau des transports et de la mobilité, ce sera peut-être plus calme dans ces nouveaux secteurs que dans les villages du canton.
Il y a bien évidemment le problème du prix de ces parcelles: il se discute - le chef du département n'est pas là, mais ça a été dit en commission. Nous espérons que le département aura la souplesse d'en discuter au cas par cas lorsque ce sera nécessaire.
La M 2518, qui accompagne ces deux projets de lois, est très importante. Elle invite le Conseil d'Etat à assurer la construction d'au moins 15% de PPE pour la vente sur les deux périmètres. Cette approche de mixité sociale est très importante sur un périmètre aussi vaste. Elle contient aussi une invite pour que deux tiers des surfaces brutes de plancher, dans les PLQ, soient destinés au logement.
Sur ces bases-là, et conformément au plan directeur cantonal dont nous discuterons tout à l'heure, le parti démocrate-chrétien vous invite à voter en faveur des deux projets de lois et de la motion qui les accompagne. Merci.
M. Patrick Dimier (MCG). Nous voici confrontés à la même problématique - exactement la même problématique - que lors du débat d'hier sur les liaisons L1 et L2 ! Nous avons longuement débattu de la création de nouveaux axes routiers à travers la nature pour permettre au trafic le plus néfaste de passer, c'est-à-dire le trafic pendulaire en provenance de l'étranger. Aujourd'hui, on nous demande de créer encore plus de logements, ce qui, comme les routes avec les voitures, va attirer encore plus de monde à Genève. Cela créera donc une autre spirale, celle de la surpopulation, comme l'a très justement souligné hier le rapporteur de minorité.
La question se pose: pour quelle raison les Genevois nous ont-ils confié leur destinée ? Pour que nous leur offrions la meilleure des destinées possible. Quelle est la situation devant laquelle... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, s'il vous plaît. Est-ce qu'il vous serait possible d'aller discuter dehors, Messieurs ? Parce qu'il y a des gens, qu'on appelle des journalistes, qui travaillent de ce côté-là. Je vous remercie, et je repasse la parole à M. Dimier.
M. Patrick Dimier. Merci, Monsieur le président. Quelle est la situation à laquelle l'ensemble de ces textes nous expose, si ce n'est une dégradation majeure de la qualité de vie de celles et ceux qui demain, tels des poulets en batterie, seront soumis au stress majeur du bruit infernal du trafic aéronautique ?
Afin que tout le monde prenne conscience de l'enjeu, il convient de se souvenir que la création de ces logements entraînera des réflexions de bruit 5000 fois supérieures à celles que l'on constate à Schiphol; Genève-Cointrin et Amsterdam-Schiphol sont, dans les tabelles, deux aéroports comparables. Avez-vous sincèrement - sincèrement - le sentiment de respecter le mandat qui vous a été confié en tolérant une telle situation ? Nous entendons souvent parler, notamment sur les bancs des Verts, du principe de précaution. Celui-ci ne serait-il pertinent que lorsqu'il s'agit de s'attaquer à la voiture ?
Ce n'est pas en envoyant à la table des rapporteurs son «Lance-flammes» que le PDC...
Des voix. Oh !
M. Patrick Dimier. ...améliore sa crédibilité, alors qu'il propose une construction qui n'est tout simplement pas compatible avec le type de zone qu'implique ce déclassement, pas plus d'ailleurs qu'en «Mettant Guy» à l'écart du discours ! Il n'y a guère qu'un dandy marxiste... (Exclamations. Rires.) ...pour oser venir parler d'équité territoriale et tenter de rendre pertinent un déclassement qui ne fera rien de mieux que de créer un ghetto animé par le bruit incessant des avions. Avions dont il affectionne, c'est vrai, la fréquentation - aux frais de la princesse, s'entend.
«Last but not least», l'Etat nous ment lorsqu'il assène des affirmations relatives au bruit, et l'écouter serait aussi dangereux que de se laisser séduire par les sirènes, dont le seul but est de noyer le marin égaré dans les abysses de la désinformation.
Ce projet est Vert, Mesdames et Messieurs, mais il est vert parce qu'il n'est pas mûr ! La première urgence est que la commission ad hoc lui trouve un nouveau capitaine pour reprendre les travaux. Nous demandons donc le renvoi en commission. Si ce renvoi n'est pas accepté, j'invite la majorité de cette assemblée à rejeter des textes qui vont à l'encontre des intérêts des citoyennes et citoyens qui nous ont confié leur destinée.
Permettez-moi d'ajouter, en une phrase, que nous avons un problème d'article 24: un député de cette assemblée, qui se trouve au PS, a des liens très, très, très serrés - trop - avec l'étude de ces dossiers.
Le président. Je vous remercie. Nous avons une demande de renvoi en commission de ces trois objets, je passe donc la parole aux rapporteurs qui le désirent. (Remarque.) Monsieur Lance, c'est à vous.
M. François Lance (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme je l'ai déjà dit hier soir, la majorité n'est pas favorable à un renvoi en commission: ça fait plus de deux ans que nous étudions ces dossiers de modifications de zones, il n'est pas nécessaire de retourner en commission.
M. Francisco Valentin (MCG), député suppléant et rapporteur de deuxième minorité ad interim. Notre groupe souhaite ardemment le renvoi en commission, et je demanderai le vote nominal pour tous ces objets à partir de maintenant. Merci.
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, le vote sera donc nominal.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12136, le projet de loi 12137 et la proposition de motion 2518 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 67 non contre 19 oui et 1 abstention (vote nominal).
Le président. Nous continuons notre débat et la parole va à M. le député Yvan Zweifel.
M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Monsieur le président. Lorsque nous avons étudié ces objets en commission, je vous avoue que le PLR était un peu sceptique, dubitatif. Vous le savez, construire des logements dans ce canton, pour nos habitants, est à nos yeux une priorité; des logements en suffisance et de qualité. Votation après votation, élection après élection, le peuple genevois s'est maintes fois prononcé pour que l'on résorbe la crise du logement et que l'on construise à Genève. Néanmoins, le groupe PLR se pose toujours la question de l'endroit où l'on doit construire et de la qualité de vie, et donc de la qualité des logements, que l'on souhaite offrir à nos habitants. Ce sont des points qui pour nous sont importants.
Du reste, en commission, nous nous sommes retrouvés à nous interroger sur des questions de santé, en l'occurrence sur le bruit et la réverbération du bruit. Les débats ont été extrêmement intéressants. Nous avons reçu un spécialiste du CERN, par ailleurs président de l'association des habitants du quartier, qui nous a expliqué, ma foi de manière assez convaincante, les enjeux qui existent à ce propos. Et nous avons été assez convaincus. Nous avons ensuite reçu le SABRA, qui nous a dit à peu près le contraire, et nous avons été tout aussi convaincus ! La réalité, Mesdames et Messieurs, c'est que ni le PLR ni aucun groupe ici n'est capable de les départager et de trancher cette question extrêmement technique. S'agissant de ce qui va être construit, nous ne pouvons pas dire s'il y aura plus ou moins de bruit, plus ou moins de réverbération; nous ne pouvons pas trancher ce débat d'experts. En l'occurrence, nous ne le ferons donc pas sur ce point-là.
Quelles sont les préoccupations du PLR qui nous ont amenés à vous appeler à voter ces déclassements ? Elles sont de trois ordres. Premièrement, il s'agit de penser au dédommagement des propriétaires actuels. Le débat est récurrent, et je m'adresse au conseiller d'Etat chargé du dossier - je sais qu'il aime parfois un peu éluder la question: on nous explique que, en général, il n'y a pas de problème parce que le propriétaire est forcément bien rémunéré. La réalité, Mesdames et Messieurs, c'est qu'on a voté beaucoup de déclassements dans ce canton, notamment en zone de développement. Mais en fin de compte, malgré ces déclassements, il ne se construit pas nécessairement quelque chose: tant que le propriétaire ne vend pas, il ne peut rien se passer !
Bien sûr, certains propriétaires ne vendent pas simplement parce qu'ils sont attachés à leur propriété, à leur villa - c'est tout à fait compréhensible. Mais un certain nombre de propriétaires ne vendent pas pour une autre bonne raison: ils ne s'y retrouvent pas financièrement. Pour que ces déclassements soient utiles, c'est-à-dire pour que les constructions démarrent, il est donc important de trouver une rémunération juste, qui permette à ces propriétaires de vendre. Ces dédommagements ne sont pas seulement un geste fait en direction des propriétaires. C'est aussi un geste fait en direction de la construction de logements puisque, je le répète, si on déclasse mais que le propriétaire ne vend pas parce qu'il n'y trouve pas d'intérêt, eh bien rien ne se passe. C'est donc important de faire quelque chose à cet endroit.
Le deuxième point a été évoqué, à juste titre, hier soir, dans la première partie de ce débat, par Mme Valiquer: si l'on veut construire, il faut d'abord construire à côté d'axes de communication. L'histoire de l'aménagement du territoire nous démontre qu'il existe d'abord des axes de communication et qu'ensuite se développent des logements, des bureaux, j'en passe et des meilleures. Or, à cet endroit-là, ils existent déjà; c'est donc effectivement un bon emplacement pour un déclassement.
Enfin, et c'est le point important qui nous amène à la motion jointe aux deux projets de lois: le besoin de mixité, évidemment. Puisque l'on prévoit d'un côté 15% de LUP, c'est-à-dire de logements sociaux, le PLR a clairement dit en commission qu'il votera ces déclassements à la seule et unique condition qu'il y ait une réciprocité, soit également un minimum de 15% de PPE pour garantir une mixité sociale.
Mesdames et Messieurs, la motion a été signée par l'intégralité des groupes, sauf un. Elle sera votée après les projets de lois; ces derniers temps, le PLR a l'habitude d'être trahi... (Exclamations. Commentaires.) Oui, je le dis avec émotion et avec une petite larme ! ...mais nous espérons que les groupes qui ont signé ce texte et qui, tout comme nous, souhaitent les déclassements voteront la motion le moment venu. Nous leur faisons confiance et nous espérons que, cette fois-ci, nous ne serons pas trahis. Mesdames et Messieurs, le PLR vous appelle à voter la motion qu'il a proposée - il votera ces déclassements et vous appelle à faire de même. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Yvan Rochat (Ve). Mesdames et Messieurs, chers collègues, les Verts ont largement débattu de ces deux déclassements, ce qui nous a permis de mettre à jour les enjeux essentiels à nos yeux dans ce périmètre. Une majorité d'entre nous estime que ces déclassements doivent se faire, car tant Cointrin-Ouest que Cointrin-Est sont des secteurs où l'on peut - où l'on doit - construire la ville en ville et faire l'effort de bâtir «vers l'intérieur» afin de protéger nos zones naturelles, nos bois et forêts, et notre agriculture.
Depuis plusieurs décennies, la ville organique s'étend petit à petit au-delà de la deuxième couronne et transforme l'espace suburbain, appelé à devenir un espace urbain - une continuité de la ville, en d'autres termes. Les Avanchets, le Mervelet, l'Etang, les Corbillettes, la densification du Grand-Saconnex, notamment au Pommier, sont autant de signes tangibles de cette transformation. Transformation que nous appelons de nos voeux pour autant qu'elle se fasse dans le respect des habitants déjà installés et qu'elle offre aux nouveaux arrivants un habitat et une qualité de vie urbaine exemplaires, sur le plan tant de l'accès au logement que de la protection de l'environnement.
A cet égard, les Verts saluent le travail fourni par le canton et les communes de Meyrin et de Vernier, notamment dans le cadre du grand projet Vernier-Meyrin-aéroport, pour donner à l'ensemble de ce secteur une image directrice ambitieuse. Celle-ci jette les bases d'une transformation urbaine revitalisée, ouverte aux transports publics et à la mobilité douce, offrant de nouveaux espaces publics, avec un parc linéaire et la requalification d'une avenue. Et c'est bien grâce à la densification de ce secteur qu'une telle transformation est possible.
Pour autant, les Verts ne céderont pas à une béatitude bétonnée s'agissant de l'urbanisation d'un secteur fortement contraint par les nuisances environnementales. Au Conseil d'Etat, nous disons que ce n'est qu'au prix d'un assainissement à la source des nuisances que nous accepterons que ces modifications de zones se transforment concrètement en droits à bâtir par le biais de PLQ et en chantiers de construction grâce aux autorisations délivrées. Pollution par le bruit aéroportuaire et autoroutier, pollution de l'air venant du trafic individuel motorisé qui écrase ce quartier sont autant de difficultés auxquelles il faudra répondre avec rigueur et ténacité pour qu'elles diminuent rapidement !
Les Verts sont aux côtés de celles et ceux qui veulent une ville de qualité, avec des quartiers sans voitures et zéro carbone, avec des espaces verts et naturels - financés notamment grâce au pour-cent nature présenté par nos amis du PDC - et une mixité sociale et fonctionnelle intelligemment agencée. Pour ces raisons, nous sommes déterminés à soutenir la ville de Meyrin, qui sera au front ces prochaines décennies lorsque les PLQ seront élaborés puis validés, lorsque les autorisations de construire seront âprement discutées afin que les promesses d'une ville dense et verte ne se transforment pas en un cauchemar entassé et gris.
Ainsi, tout en demandant au Conseil d'Etat de lutter avec vigueur contre la pollution sonore et atmosphérique actuelle de ce secteur, et d'apporter un soin particulier à la qualité environnementale des PLQ qui y seront développés, nous vous invitons, Mesdames et Messieurs, chers collègues, à accepter ces projets de déclassements et la motion qui les accompagne. Ils permettront à terme de créer 2300 logements en ville. Merci.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs, chers collègues, hier, j'ai parlé de la justice sociale et de la justice territoriale. Aujourd'hui, j'aimerais rendre cette assemblée attentive au fait que les habitants de cette ville ont besoin de ne pas être entassés ! Ce qui est notamment le cas aux Pâquis; c'est l'un des quartiers les plus denses d'Europe et nous avons dû, dernièrement, surélever une crèche, celle de Chateaubriand. Prenons les quartiers de la Jonction, de Plainpalais: tous deux subissent la densification. C'est ce qu'on appelait, historiquement, construire la ville sur la ville; un concept complètement stupide.
Il s'agit aujourd'hui d'encadrer le développement de notre agglomération. Celle-ci, qu'on le veuille ou pas, se développe, et ceux qui comme l'UDC veulent essayer de jouer les... Enfin, il y en a un qui a essayé, c'était Néron, en mettant le feu à Rome. Ceux qui veulent essayer de contraindre et de détruire la ville doivent passer leur tour parce qu'une ville a sa propre dynamique. Cette région compte plus d'un million d'habitants, et la ville se développe, quoi qu'on dise et quoi qu'on veuille faire.
Il s'agit aujourd'hui d'encadrer ce développement, et je rassure certains ou certaines qui verraient dans la décision de ce soir la mise en oeuvre immédiate de constructions: ça va prendre dix ou quinze ans minimum, maximum trente ans ! Pour le droit à la ville, pour que les quartiers qui sont déjà largement densifiés et les habitants qui subissent cette densification puissent enfin prendre l'air, si j'ose dire, pour que d'autres puissent habiter dans des zones de la couronne urbaine qui les accueilleront convenablement, dans des quartiers où il fera bon vivre, je vous invite donc à faire ce geste historique. On en aura un autre à faire, Monsieur le président: les Corbillettes, qui reviendront à la séance suivante. Je vous remercie de votre attention.
M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de première minorité. Pour conclure ce débat, j'en appellerai simplement à un sursaut de bon sens du PLR - et de ce qu'il reste de la droite au PDC. Je les appelle à revenir à leurs fondamentaux, aux promesses qu'ils ont faites au peuple, à savoir la sauvegarde de la zone villas et la défense de la propriété individuelle. Il me semble que ça faisait partie de leur programme, mais ils l'ont peut-être oublié. Je les invite simplement à refuser l'entrée en matière sur les deux projets de lois et à retirer leur motion afin de respecter la promesse qu'ils ont faite à la population. Je vous remercie. (Remarque. Rires.)
M. Francisco Valentin (MCG), député suppléant et rapporteur de deuxième minorité ad interim. Nous avons à peu près tout entendu entre ce soir, cette fin d'après-midi, et hier; c'était très intéressant. Il est clair que la ville a besoin de s'agrandir. Pour recevoir qui ? Personne ne veut répondre à cette question. Ce n'est certainement pas pour ceux qui habitent Genève et qui aimeraient déménager.
Bien sûr, il faut donner du travail à tous les gens de la construction, il faut développer des quartiers, il faut, il faut, il faut ! Il faut déclasser de la zone agricole parce que tout le monde sait que lorsqu'on coupe un arbre dans la zone de forêt, il faut le replanter. Mais alors où ? Sur la zone agricole, on va en plus faire des talus de déchets organiques pour les excavations du CEVA. On nous promet que ce sera rendu à la zone agricole; on se réjouit de voir ça.
Une chose m'interpelle et j'ai juste une petite question: combien de personnes, ici, vont prendre un bail dans ce quartier ? Je serais vraiment surpris d'apprendre que des gens seraient intéressés à aller habiter là-bas, sous le nez des avions, au bord de l'autoroute, dans un quartier qu'on nous a vendu comme merveilleux. Ça me rappelle un petit peu la votation sur les Cherpines: on a promis au peuple genevois que le déclassement servirait à construire un superbe écoquartier de 3000 habitants et on s'aperçoit maintenant que le magnifique écoquartier s'est transformé en une ville de plus de 10 000 habitants - et ce n'est pas terminé.
Les belles promesses rendent les foules joyeuses; c'est très intéressant de voir que tout le monde montre une volonté absolue de s'enfiler là-dedans. S'agissant des belles promesses de 15% qui ont été faites, je rappelle simplement, pour le PLR également, que l'on voit très bien ce qui se passe aux Cherpines et partout ailleurs: ce sont simplement des arguments fallacieux, qui peuvent être remplacés à tout instant. Et une fois que le déclassement aura été ordonné, bien malin celui qui pourra le modifier !
Si ces objets devaient passer, certainement qu'un référendum, qui est déjà prêt, sera lancé. Parce que ce parlement est très doué pour faire de belles promesses aux Genevois, mais quand il s'agit de les tenir, par contre, il n'y a plus personne. Pour ces raisons, je vous demande de renvoyer ces objets en commission et, si ce renvoi est refusé, de refuser les trois objets. Merci.
Le président. Nous sommes à nouveau saisis d'une demande de renvoi en commission. L'un des rapporteurs souhaite-t-il s'exprimer ? (Remarque.) Ce n'est pas le cas, nous passons au vote.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 12136, le projet de loi 12137 et la proposition de motion 2518 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 72 non contre 20 oui (vote nominal).
Le président. La parole est maintenant à M. François Lance.
M. François Lance (PDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais réagir à quelques interventions. Je remercie déjà M. Dimier pour sa remarque sur le «Lance-flammes», que j'entends depuis l'école primaire. (Rires.) Ce n'est donc pas nouveau ! (L'orateur rit.)
Ensuite, pour revenir sur certaines interventions entendues hier, je pense qu'il n'est pas correct de dire que si ces modifications de zones sont acceptées, les petits propriétaires seront chassés. Encore une fois, ils n'ont aucune obligation de vendre leur parcelle; ils pourront encore en profiter pendant des années s'ils le désirent. J'en veux pour preuve le quartier des Semailles-Rambossons à Lancy, qui est en zone de développement depuis 1957 et qui commence maintenant à se développer - après soixante-deux ans ! En plus de cela, procéder à ces modifications de zones clarifie la situation des propriétaires, qui se retrouvent en position de force face aux opérateurs.
Contrairement à ce qu'affirme le rapporteur de première minorité, il n'y aura pas de pertes fiscales. Les propriétaires de PPE ou les locataires de logements subventionnés ou non produisent de la substance fiscale pour les impôts des personnes physiques. La motion du PLR, qui demande un minimum de 15% de PPE - acceptée par l'ensemble des commissaires sauf l'UDC et le MCG - en est la preuve. Déclasser en zone de développement permet aussi de construire en nombre pour la classe moyenne de la PPE et du locatif non subventionné, comme l'affirme d'ailleurs la campagne publicitaire de la Chambre immobilière.
Ces projets n'amèneront pas plus de circulation, car les futurs habitants utiliseront moins leur voiture: ces quartiers sont effectivement proches des transports publics, du centre-ville, de l'aéroport et même de la ZIMEYSA.
M. Pfeffer affirmait hier soir que si ce parlement modifiait l'article 4A LGZD ces prochains mois, cela remettrait en question la répartition des logements sur ces deux périmètres. C'est pour cette raison que l'amendement proposé par le PDC en commission - et voté par l'ensemble des groupes, sauf l'UDC - prévoit justement de conserver dans ces deux projets de lois la teneur actuelle de cet article. Il est également appuyé par la motion du PLR, qui demande un minimum de 15% de PPE. Enfin, je ne comprends pas les propos de M. Pfeffer...
M. Stéphane Florey. En fait, tu n'as rien compris !
M. François Lance. ...qui affirme qu'il y aura un référendum si ces modifications de zones sont acceptées. Peut-être !
M. Stéphane Florey. Oui, il y en aura un.
M. François Lance. Et qu'on ne pourra par conséquent plus rien déclasser dans ces zones avant plusieurs années. J'interprète, de ces propos, qu'à terme vous envisagez tout de même un déclassement. Encore une fois, procéder maintenant à ces modifications de zones clarifie la situation des propriétaires, et ça ne les empêche pas de rester sur le périmètre pendant de nombreuses années encore. J'ai terminé, Monsieur le président.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, évidemment, lorsque l'on veut lutter contre la crise du logement à Genève se pose immédiatement la question de savoir où on construit. Ce matin, le Conseil fédéral a encore sèchement rappelé aux cantons qu'il a la haute main sur la zone agricole et que le non-respect de ses directives, même à vrai dire pour des points de détail - je reviendrai très prochainement sur la loi sur la taxation de la plus-value - pouvait permettre à Berne de refuser tout déclassement de cette zone. Il y aura donc un gel effectif à partir du 1er mai. Notre belle Confédération est quand même bien centralisée sur certains aspects.
Puisque le rapporteur de minorité l'a évoqué, Mesdames et Messieurs, s'agissant de la zone agricole, il ne faut pas rêver: avec les grands projets que sont les Cherpines, les Grands-Esserts, Bernex, le Pré-du-Stand, nous atteignons globalement la fin de l'emprise de l'urbanisation sur la zone agricole. Je fais partie de ceux qui s'en réjouissent - on peut avoir des avis divers - mais il se trouve que cette limite-là, posée par la Confédération, est forte. Que nous reste-t-il ? Les zones naturelles, hors de question. Les zones industrielles, hors de question: le PAV a déjà sacrifié une énorme zone industrielle alors qu'il s'agit de périmètres fortement demandés. Il est important de garder un secteur secondaire sur notre canton.
Il nous reste par conséquent certains périmètres pour l'extension urbaine qui se trouvent, la députée Valiquer l'a dit, dans la continuité urbaine. Ils sont bien desservis par les transports publics et déjà proches de toute une série de services, dont des espaces de travail: on essaie de rapprocher les domiciles des lieux de travail. C'est donc un endroit où il est pertinent de construire, qui comprendra 2300 logements contre 200 ou 250 villas aujourd'hui, soit un potentiel de 4600 personnes que l'on pourra loger.
J'aimerais répondre très clairement à l'UDC et au MCG: ces dernières années, vous vous êtes continuellement plaints de l'afflux croissant de frontaliers. Statistiquement, c'est vrai, Genève a multiplié par quatre le nombre de ses frontaliers. Mais pourquoi ? Parce que notre économie est florissante, et nous souhaitons - et vos partis, qui soutiennent notamment la RFFA, également - maintenir notre modèle de prospérité économique. Mais ce modèle est basé sur la démographie; il a pour corollaire immédiat la population. Comme on continuera à procurer de l'emploi, les gens seront là ! Et si l'on ne construit pas sur notre canton, s'il n'y a pas ces 2300 logements, ils habiteront dans des logements en dehors de nos frontières ! Soit du côté vaudois, avec une perte complète de la substance fiscale, soit du côté français, en faisant subir les mouvements pendulaires aux Genevoises et aux Genevois. Il est donc totalement contradictoire à mes yeux de critiquer l'évolution du nombre de mouvements pendulaires transfrontaliers et de refuser de construire des logements plus proches du lieu de travail, à savoir sur le territoire genevois.
Et puis j'entends que ces logements ne sont pas pour les Genevois. Mais, Mesdames et Messieurs de l'UDC et du MCG, allez voir les Vergers ! Allez voir La Chapelle-Les Sciers ! Allez voir les nouveaux quartiers qui sont déjà sortis de terre et parlez avec les habitants. Demandez-leur où ils résidaient avant et vous verrez qu'il s'agit pour l'essentiel de citoyennes et de citoyens suisses. Pour le reste, ce sont en grande partie des personnes qui habitaient Genève auparavant. Des gens qui espéraient devenir propriétaires - et qui ont pu le devenir - ou des gens mal logés, de jeunes couples, des personnes dont la situation personnelle a évolué. Ces quartiers récents représentent des exemples concrets; cessez de prétendre qu'ils sont destinés à de nouveaux arrivants, à des gens qui ne savent même pas placer Genève sur une carte.
Ces nouveaux quartiers s'adressent en priorité aux Genevoises et aux Genevois, notamment, on l'a dit à plusieurs reprises, à celles et ceux qui attendent d'accéder à la propriété. Dans ce périmètre, nous aurons très certainement plus de mille nouvelles PPE, soit quatre fois plus de propriétaires qu'à l'heure actuelle ! Si vous défendez l'accès à la propriété, eh bien il faut évidemment défendre ces déclassements en zone de développement, comme le dit d'ailleurs la campagne de la Chambre immobilière.
Construire, oui. Mais construire des édifices de qualité. M. Florey évoquait les gens des Avanchets, qui vont se promener, comme ça, dans cet îlot vert qu'est la zone villas. Mais vous pensez que les enfants des Avanchets vont jouer au foot dans les villas ? Vous pensez qu'il y a des parcs avec des balançoires ? Qu'on peut faire des pique-niques chez les gens ? Non ! Ces jardins sont privés, Monsieur ! Or à travers l'aménagement du territoire et les PLQ, nous construisons 50% d'espaces publics ouverts à tous, dans leur grande majorité des espaces verts. C'est ça, la réalité de la mutation urbaine: nous créons beaucoup plus d'espaces publics ouverts aux gens qui souhaitent justement se promener dans des espaces de nature - et cette nature est importante. Le signal que nous envoyons, pour finir là-dessus, Mesdames et Messieurs, est juste.
Nous construisons à proximité de l'aéroport. Ce que je vais dire est contre-intuitif, mais il s'agit de l'un des rares périmètres où le bruit, ces dernières années, a reculé. Si nous sommes à proximité de ce lieu aéroportuaire, nous sommes à vrai dire plus proches de l'autoroute, qui est une source de nuisances permanente. Nous devrons par conséquent opter pour un urbanisme qui protège les futurs habitantes et habitants, grâce notamment à ce qu'on a appelé la «vitrine économique». Ce front de rue, d'autoroute, sera exclusivement dédié aux bureaux: il est hors de question que des gens habitent à proximité immédiate de cette nuisance. Cela a été démontré, le front de rue aura l'avantage d'offrir une protection acoustique, notamment aux immeubles et aux espaces que nous créerons derrière. Il constituera un premier niveau de protection contre le bruit autoroutier.
Une chose est sûre: aucune autorisation de construire ne sera délivrée si les normes de bruit ne sont pas respectées. L'aéroport devra réduire son empreinte sonore. S'il s'en tient aux directives données par le Conseil d'Etat et la Confédération à travers la fiche PSIA, le bruit devra reculer. Légalement, nous ne pourrons pas délivrer une autorisation de construire avant de constater que le bruit a effectivement reculé. Nous ne pouvons pas bâtir des logements là où les normes sont dépassées, et l'initiative que vous avez approuvée hier soir l'appuie encore.
Qui dit respect des normes de bruit ne dit pas silence absolu: nous sommes en milieu urbain et il y a des nuisances. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) On parle beaucoup de l'aéroport et de la route, mais il y a bien évidemment les nuisances de la vie, liées à ce que l'on va construire: des bars, des restaurants et, on l'espère, de belles terrasses. Ce quartier, comme d'autres, a pour maître mot «la qualité sinon rien», et je pense que cette formule est juste.
Pour finir, Monsieur le président, vous me permettrez de répondre à la question du PLR en disant que je partage totalement l'opinion exprimée par M. Zweifel: il est juste que les propriétaires aient au moins droit à une pleine indemnité dans le cadre de la mutation urbaine. Nous devons tomber d'accord là-dessus. Je crois comprendre - et je suis prêt à entrer en matière - que la pleine indemnité ne suffit pas et qu'il faudrait donner un peu plus pour inciter les gens à partir. C'est certainement vrai, et nous y travaillons avec les associations professionnelles de la construction pour essayer de mettre sur pied des mécanismes qui permettraient de mieux indemniser les petits propriétaires de villas.
Enfin, la demande de 15% de PPE est totalement justifiée. C'est un minimum: il faudrait à mon sens arriver à au moins un tiers de PPE. Vous savez qu'on ne maîtrise pas complètement ce dossier-là parce que la liberté individuelle de chaque propriétaire s'exerce, mais il est certain que l'Etat s'investira pour obtenir cette mixité sociale. Merci, Mesdames et Messieurs, de voter ces deux modifications de zones ainsi que la motion y relative.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous avons donc à nous prononcer sur trois objets. Je vous ferai voter sur chacun d'eux, l'un après l'autre - je vous rappelle que le vote nominal a été demandé. Nous commençons par le PL 12136.
Mis aux voix, le projet de loi 12136 est adopté en premier débat par 69 oui contre 23 non et 2 abstentions (vote nominal).
Le projet de loi 12136 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12136 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 69 oui contre 22 non et 2 abstentions (vote nominal).
Le président. Je vous invite maintenant à vous exprimer sur le PL 12137.
Mis aux voix, le projet de loi 12137 est adopté en premier débat par 70 oui contre 23 non et 2 abstentions (vote nominal).
Le projet de loi 12137 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 12137 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 70 oui contre 23 non et 2 abstentions (vote nominal).
Le président. Enfin, nous passons au vote sur la M 2518.
Mise aux voix, la motion 2518 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 77 oui contre 2 non et 16 abstentions (vote nominal).