République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12304-A
Rapport de la commission de l'enseignement, de l'éducation, de la culture et du sport chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur l'accueil à journée continue (LAJC) (J 6 32)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session X des 21 et 22 mars 2019.
Rapport de Mme Marjorie de Chastonay (Ve)

Premier débat

Le président. Nous abordons à présent le PL 12304-A. Le rapport est de Mme Marjorie de Chastonay, qui va venir s'installer à la tribune. (Un instant s'écoule.) Vous avez la parole, Madame la rédactrice du rapport.

Mme Marjorie de Chastonay (Ve), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, en tant que rapporteuse de commission, je me permets de prendre la parole quelques minutes afin de mettre en lumière les principales avancées contenues dans ce projet de loi. Neuf ans se sont écoulés depuis le plébiscite, en novembre 2010, d'un contreprojet du parlement à une initiative de feu le parti radical. Les travaux ont été gelés à un moment donné en raison de la préparation de la loi sur la répartition des tâches, puis nous avons pu reprendre l'étude du dossier en commission, et au bout de neuf séances nous sommes parvenus à un compromis, à savoir le projet de loi que vous allez, j'espère, voter aujourd'hui.

Durant ces neuf séances, plusieurs acteurs et actrices gravitant autour de l'accueil parascolaire ont été auditionnés. Le projet de loi que vous avez sous les yeux est le fruit d'un compromis trouvé en commission afin de prendre en considération les préoccupations des communes, notamment sur la question - et c'est la grande nouveauté de ce texte - de la garantie d'un accueil pour les élèves à besoins spécifiques. Il s'agit d'une plus-value notable, et personnellement je la considère comme une grande avancée juridique, car à l'heure actuelle ces élèves sont pris en charge au cas par cas et en fonction des possibilités, que ce soit en termes de locaux ou de personnel formé. Ce fonctionnement arbitraire prendra fin, je l'espère, avec la mise en oeuvre de la loi que vous allez voter aujourd'hui, mais cela n'a pas été simple. Lors des auditions, l'ACG a proposé plusieurs amendements à la commission; dans un premier temps, elle a demandé aux députés que l'accueil ne soit garanti que pour les élèves à besoins spécifiques scolarisés dans l'enseignement régulier, ce qui revenait à exclure les élèves en intégration dans l'enseignement régulier, mais appartenant à l'enseignement spécialisé. Or comment est-il possible d'exclure des élèves alors que nous sommes dans un contexte d'école inclusive ? A ce titre, je me permets de rappeler le cadre légal, comme l'a fait la FéGAPH - la Fédération genevoise d'associations de personnes handicapées et de leurs proches - lors des auditions, à savoir l'article 8, alinéa 2, de la Constitution fédérale concernant l'interdiction des discriminations, la convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées, adoptée par la Suisse en 2014, qui comprend également une interdiction des discriminations et dont l'article 24 traite du droit à l'éducation, ainsi que les articles 15 et 16 de notre constitution cantonale. Dès lors, les prestations fournies par l'Etat doivent être organisées de façon inclusive. Il s'agit de tendre vers une accessibilité universelle, moyennant en effet quelques aménagements. La solution idéale serait que l'accueil parascolaire soit conçu de manière inclusive et que la structure puisse accueillir des personnes avec des besoins différents en ayant suffisamment de personnel pour le faire. Et si l'accueil est impossible dans certains locaux, des solutions alternatives doivent être proposées. Aujourd'hui, dans la réalité, ce n'est pas le cas. Or dans ce contexte il convient bien sûr de soulager les familles, en particulier les femmes et les mères qui doivent se rendre au travail. L'ACG est revenue avec un amendement plus modéré en faisant part de ses préoccupations, qui concernaient notamment la hausse de fréquentation de 6 à 8% par an et les contraintes auxquelles elle doit obéir en termes de locaux et de personnel formé.

Au final - et je vais bientôt conclure - suite à un amendement du département et au travail des commissaires, que je remercie, le projet de loi a été voté par la commission. Les préoccupations des communes ont également été entendues, puisque le texte précise qu'elles devront être consultées pour les modalités d'application de l'accueil de ces enfants. En résumé, il s'agit d'un projet dont les principales nouveautés sont l'inclusion des élèves à besoins spécifiques dans les principes ainsi que la possibilité pour les élèves du cycle d'orientation de se restaurer au sein des établissements scolaires. Je vous prie dès lors, Mesdames et Messieurs les députés, d'accepter ce projet de loi qui a été adopté à l'unanimité et qui est le fruit d'un compromis délicat entre les communes et l'Etat. Il conviendra aussi de développer des alternatives d'accueil pour tous les élèves, qu'ils appartiennent à l'enseignement régulier ou spécialisé, et cela sans discrimination, en élaborant des protocoles d'intégration. Merci. (Applaudissements.)

M. Olivier Baud (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Ensemble à Gauche votera ce projet de loi, mais j'aimerais quand même rappeler que l'initiative du parti radical de l'époque n'était pas une excellente idée - je le dis ainsi pour être gentil. Il y a eu beaucoup de malentendus, mais heureusement il n'en reste plus rien. L'idée initiale, soit l'accueil à journée continue voulu par le parti radical, a été totalement évacuée, et tant mieux. Cela dit, Ensemble à Gauche s'inscrit en faux contre les propos de la rapporteure, parce qu'il y a un paradoxe: en réalité, il n'a jamais été question d'exclure les élèves de l'enseignement spécialisé, les enfants à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Ce qui est un peu anormal, c'est qu'à cause de ce texte, d'une certaine manière, d'aucuns ont effectivement essayé de les exclure, si bien qu'un projet de loi est devenu nécessaire afin qu'il soit inscrit qu'ils ont leur place dans les structures parascolaires. Il s'agit donc en quelque sorte d'une inversion des choses: on en vient à se féliciter de ce projet, qui ne constitue pas une avancée, mais permettra d'empêcher une régression certaine. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Mme Anne Emery-Torracinta, conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, il arrive parfois que les montagnes accouchent d'une souris, mais il est quand même important que les montagnes puissent accoucher... Ce projet de loi est effectivement issu d'un contreprojet qui a été voté par votre parlement en 2010, il a donc fallu huit ans de travaux pour qu'on aboutisse à un texte qui, en définitive, à part une ou deux avancées - j'y reviendrai - ne change pas grand-chose à la situation existante, et je vais vous expliquer pourquoi. Historiquement, vous le savez, l'essentiel du parascolaire était aux mains des communes, et c'est d'ailleurs toujours le cas. Dans le cadre de la répartition des tâches entre le canton et les communes, on a même attribué l'entier du parascolaire du primaire aux communes, sachant qu'auparavant ce domaine était financé à 90% par les communes et à 10% par le canton. Le Conseil d'Etat a du reste bloqué les travaux le temps que la répartition des tâches soit confirmée, ce qui explique en partie le retard pris par la commission.

Ce qui a été extrêmement compliqué, c'est qu'au sein du groupe de travail auquel participaient les communes et des représentants du canton, on s'est vite rendu compte que moins il y aurait de nouveautés, plus on aurait de chances d'obtenir un consensus avec ces mêmes communes, c'est-à-dire un projet de loi qui puisse satisfaire les uns et les autres. Ainsi, après sept à huit ans de travaux, nous sommes parvenus à un texte proposant des évolutions dans trois domaines. La première concerne l'école primaire; il s'agit de la possibilité pour les élèves de réaliser leurs devoirs hors de ce qu'on appelle les études surveillées, qui restent aux mains du DIP, à savoir dans le cadre du parascolaire. Aujourd'hui ce n'est pas le cas, car en principe il n'existe pas de lieu dédié à cette tâche. Le projet prévoit en outre - toujours à l'école primaire - la possibilité pour les enfants de participer à des activités collectives d'initiation sportive, artistique, culturelle et citoyenne, soit de faire autre chose que ce qui est proposé en ce moment. Actuellement, des activités de ce type sont offertes par trois communes, dont la Ville de Genève.

Pour ce qui est maintenant du cycle d'orientation - et c'est la vraie nouveauté, mais il faut dire que cela se fera aux frais du canton, les communes avaient donc peu de raisons de s'y opposer - il y aura désormais la garantie que les élèves puissent se restaurer à midi soit dans le cycle même, soit à proximité de celui-ci, en fonction des organisations locales, qui peuvent varier d'un cycle à l'autre. Cette prestation sera effective d'ici quelques mois, voire un ou deux ans. Les élèves auront de plus la possibilité de réaliser leurs devoirs de manière autonome, ce qui sous-entend l'ouverture à midi, ou en tout cas durant une partie de la pause de midi, de ce qu'on appelle les médiathèques scolaires - les bibliothèques, si vous préférez.

J'en viens à la troisième nouveauté, sur laquelle la rapporteure a insisté à juste titre; il s'agit du principe qui veut que l'accueil des élèves à besoins particuliers se fasse aussi hors de l'école. En effet, on ne peut pas imaginer que les parents subissent une double peine: celle d'avoir un enfant handicapé ou qui présente des difficultés - c'est-à-dire en règle générale un enfant plus difficile à garder en famille qu'un enfant «ordinaire», entre guillemets - et celle de constater qu'au moment où l'école ou l'accompagnement spécialisé se termine, il n'y a pas de prise en charge au parascolaire. C'est donc un principe important, qui a d'ailleurs constitué la principale pierre d'achoppement avec les communes. D'où ma volonté de parvenir à un consensus, à savoir que c'est le règlement d'application qui déterminera la façon dont ces enfants seront pris en charge et que les communes seront bien évidemment consultées.

Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est important, non seulement parce qu'il est issu d'un contreprojet à une initiative, mais aussi parce qu'il met en avant des articles constitutionnels. Il a mis du temps à être adopté par la commission de l'enseignement, je l'ai dit, mais je suis persuadée que vous l'accepterez aujourd'hui de manière unanime. Merci.

Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. La parole n'étant plus demandée, j'appelle l'assemblée à se prononcer sur ce texte.

Mis aux voix, le projet de loi 12304 est adopté en premier débat par 76 oui (unanimité des votants).

Le projet de loi 12304 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 12304 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 78 oui (unanimité des votants).

Loi 12304