République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 21 mars 2019 à 20h30
2e législature - 1re année - 10e session - 59e séance
M 2534
Débat
Le président. Le traitement de nos deux points fixes étant terminé, nous pouvons passer aux urgences, à commencer par la M 2534, classée en catégorie II, trente minutes. Je donne immédiatement la parole à M. Pierre Conne.
M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, je m'exprime au nom de la commission judiciaire qui a rédigé cette motion - signée par la totalité des groupes - laquelle demande au Conseil d'Etat de présenter un rapport détaillé sur le dispositif sécuritaire du CEVA en lien avec sa mise en service prévue le 15 décembre prochain. J'aimerais apporter quelques éclaircissements pour expliquer pourquoi nous en sommes arrivés à vous proposer cet objet. La commission judiciaire a été saisie d'une motion, présentée par M. Baertschi, qui portait sur des questions de sécurité essentiellement liées à la délinquance et à la criminalité. L'ensemble de la commission a rejeté ce texte, considérant que cette approche ciblait un aspect trop étroit. Lors de ses débats, elle a cependant estimé que sur le fond il était tout à fait pertinent de vouloir éclaircir les questions de sécurité et de sûreté relatives au déploiement de cette nouvelle ligne ferroviaire. Du reste, en creusant le sujet, on s'est aperçu que depuis 2015, tout au long de la construction du CEVA, le Conseil d'Etat avait été interpellé à trois reprises par divers groupes de ce Grand Conseil - sous forme de question ou de motion - à propos de différents aspects liés à la sûreté et à la sécurité. Notre parlement, conscient de l'importance de ces enjeux, a donc jugé qu'il était nécessaire de demander au Conseil d'Etat de présenter un rapport d'ensemble sur les questions sécuritaires franco-suisses - c'est le but de cette motion - notamment sur la manière dont la sécurité et la sûreté allaient être garanties lors de la mise en oeuvre du CEVA. L'ensemble de la commission judiciaire a par ailleurs souhaité demander le traitement en urgence de cette motion afin de laisser au Conseil d'Etat le temps de nous rendre réponse dans un délai raisonnable, c'est-à-dire avant l'ouverture du CEVA, bien sûr. Ce rapport permettra probablement aussi de répondre à une série de questions que pourraient se poser les citoyens en tant que futurs usagers de cette infrastructure. Ce texte a donc vraiment pour objectif de fournir des éclaircissements et des informations, mais également de rassurer les futurs passagers quant à l'utilisation de cette nouvelle ligne ferroviaire. Je précise encore, Mesdames et Messieurs les députés, que cette motion a été déposée par la commission dans le but d'être renvoyée directement au Conseil d'Etat. Je vous remercie.
Mme Xhevrie Osmani (S). Je vais probablement être redondante, car l'intervention du député Pierre Conne, qui s'inscrit dans une démarche unanime de la commission, a été plus que complète. J'aimerais peut-être juste ajouter que nous attendrons avec impatience ce rapport, parce que nous sommes à un tournant majeur avec l'ouverture du CEVA. Comme vous l'avez compris, les diverses interpellations sous forme de question et de motion reprises dans les considérants de cet objet avaient toutes pour but de savoir comment la sécurité de ce nouveau réseau ferroviaire allait être garantie. Sa fréquentation ne sera pas des moindres, il est donc important de rassurer la population, ses futurs usagers et usagères, quant aux craintes liées aux incivilités, à la délinquance et à la criminalité potentielles sur ce réseau, mais aussi dans les lieux qu'il desservira. Nous attendons ces informations concernant les garanties de sécurité afin que tout un chacun soit rassuré, et c'est d'ailleurs pour cela que la commission unanime a présenté cette motion. Merci. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Je me réjouis que cette motion de commission ait été déposée suite à une motion du MCG renvoyée à la commission judiciaire, parce qu'il y a effectivement une problématique en lien avec le CEVA qui nous attend, celle de l'insécurité liée aux incivilités, et principalement à la criminalité. En effet, il faut savoir que l'une des futures gares du CEVA se trouvera près d'un quartier reconnu à risque, soit le quartier du Perrier, où il existe quand même un risque potentiel, envisageable. Chacun se souvient en outre des actes de barbarie commis en Vieille-Ville l'été dernier, sauf erreur, dont les auteurs venaient de la région de Thonon. Il y a donc inévitablement un risque, il ne faut pas se cacher la vérité ! Les médias français nous cachent d'ailleurs une certaine réalité, celle du développement de la violence et de l'extrême violence en France, un phénomène qui n'épargne malheureusement pas la région frontalière genevoise. Cette insécurité est présente, et je vais vous citer quelques chiffres: selon les statistiques officielles, 13 000 vols, 2000 agressions et 200 viols sont commis chaque jour en France. Ce sont des chiffres énormes ! Et je conseille aux téléspectateurs qui auraient envie d'en savoir plus de lire l'excellent livre-enquête de Laurent Obertone appelé «La France Orange mécanique»: il donne tous les détails concernant l'augmentation de l'insécurité - et de l'insécurité de très haut niveau, malheureusement - qui embrase la France. Merci, Monsieur le président.
Mme Marjorie de Chastonay (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, si j'ai bien compris, nous sommes en train de parler de la motion de commission 2534 et non pas de la M 2500 dont je suis la rapporteuse de majorité, puisque cet objet se trouve plus loin dans l'ordre du jour. C'est exact, Monsieur le président ?
Le président. Tout à fait, Madame la députée !
Mme Marjorie de Chastonay. D'accord, merci ! Je vais donc me concentrer sur cette motion de commission, qui représente quand même l'aboutissement d'un compromis. On l'a dit, elle a été déposée suite aux discussions centrées sur la M 2500 - que nous traiterons sans doute prochainement - qui a été refusée par la majorité de la commission. Les commissaires ont cependant trouvé cette solution de compromis pour demander au Conseil d'Etat un rapport sur les aspects sécuritaires du CEVA, afin d'obtenir un état des lieux de l'avancement des travaux qui concernerait la sécurité en général et qui ne serait donc pas uniquement focalisé sur la criminalité et la délinquance. Et cela le plus vite possible, puisque l'ouverture du CEVA est prévue le 15 décembre de cette année et que les délais sont courts. Nous les Verts avions refusé cette motion pour les raisons que j'ai évoquées, mais aussi parce qu'elle contenait des propos délicats et stigmatisants, qu'elle associait la pauvreté à la criminalité et qu'elle instrumentalisait la violence faite aux femmes. Il aurait dès lors été inadéquat d'accepter une motion rédigée dans de tels termes, et comme il n'était pas possible de changer l'exposé des motifs, nous avons opté pour la solution compromissoire de la motion de commission. Concernant la violence faite aux femmes, je rappelle quand même que deux femmes sur trois sont violentées dans le cadre familial, il s'agit donc d'une question importante. Pour ce qui est de la sécurité liée au CEVA, nous souhaitons ce rapport du Conseil d'Etat pour disposer d'une vision globale, et nous soutiendrons évidemment cette motion de commission que nous avons cosignée. Merci.
M. Christo Ivanov (UDC). Comme mes préopinants l'ont relevé, cette motion de commission fait en quelque sorte la synthèse de plusieurs objets déposés par le passé. En effet, le député MCG François Baertschi avait présenté la M 2500 intitulée «Protégeons les Genevois de la criminalité véhiculée par le CEVA», j'avais moi-même rédigé une question écrite urgente - la QUE 577 - qui demandait, dans le cadre de la mise en service du CEVA, une évaluation des risques sécuritaires liés à l'accroissement prévisible du nombre d'usagers et du trafic, et notre ancienne collègue Lydia Schneider Hausser avait déposé la M 2146 ayant pour titre «Le CEVA à quel prix salarial et de sécurité ?» Le groupe UDC soutiendra donc bien évidemment cette motion de commission. Je vous remercie.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti démocrate-chrétien, la notion de sécurité constitue ce qu'on peut appeler le quatrième pilier du développement durable. Il ne suffit pas que l'économie, l'environnement et le social soient garantis, il faut effectivement que la sécurité le soit aussi, mais il ne s'agit pas de la sécurité hystérique telle qu'elle est vue par le MCG: c'est la sécurité telle qu'elle est parfaitement décrite dans la motion de commission, et c'est dans cet esprit que nous soutenons ce texte et approuvons son renvoi immédiat au Conseil d'Etat. Nous remercions d'ailleurs M. Conne d'avoir si bien exposé le travail raisonné et raisonnable de la commission. Merci beaucoup, Monsieur le président.
M. François Baertschi (MCG). J'aimerais juste répondre à ma préopinante. Je crois qu'il y a malheureusement certaines réalités qu'il faut voir, même si elles nous déplaisent. Ce n'est pas de l'hystérie: il s'agit seulement de faire preuve d'un peu de réalisme, d'ouvrir les yeux et de ne pas mettre la tête dans le sable. Merci, Monsieur le président.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames les députées, Messieurs les députés, le Conseil d'Etat accueille avec beaucoup de bienveillance cette motion de commission, car il est parfaitement légitime que le parlement se préoccupe de la sûreté et de la sécurité de cette grande infrastructure. Nous sommes bien évidemment à l'oeuvre pour assurer qu'elles soient garanties, et c'est avec plaisir que nous documenterons tout ce que nous faisons actuellement pour que le sentiment d'une sûreté et d'une sécurité assurées, qui doit être le vôtre et celui de la population, puisse être avéré. Nous détaillerons bien sûr tout cela dans le rapport que vous nous demandez.
Je voudrais par ailleurs faire une petite remarque, si vous le permettez, Monsieur le président, s'agissant des propos largement stigmatisants qu'a tenus le député François Baertschi, qui laissent supposer que les problèmes surviendraient uniquement de l'autre côté de la frontière. Je crois que l'actualité criminelle et judiciaire récente de notre canton donne à penser que les problèmes ne se situent pas seulement à l'extérieur de nos frontières, mais également chez nous. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous allons maintenant nous prononcer sur la prise en considération de cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2534 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 83 oui (unanimité des votants).