République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 28 février 2019 à 20h30
2e législature - 1re année - 9e session - 54e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean Romain, président.
Assistent à la séance: MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Serge Dal Busco et Mauro Poggia, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et M. Anne Emery-Torracinta, Nathalie Fontanet et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Simon Brandt, Beatriz de Candolle, Jennifer Conti, Eric Leyvraz, Cyril Mizrahi, Jean Rossiaud, Stéphanie Valentino et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mme et MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Pierre Bayenet, Patrick Hulliger, Yves de Matteis, Youniss Mussa, Vincent Subilia et Helena Verissimo de Freitas.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de procureurs. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (Les procureurs entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Madame et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme magistrat du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
Mme Béatrice Haidinger et M. Guillaume Zuber.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Mesdames et Messieurs, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
M. Dario Nikolic, Mme Valérie Laemmel-Juillard, Mme Nicole Duchêne, Mme Debora Castagnoli Nizharadze et M. Martin Miguel Carnino.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de la médiatrice administrative suppléante. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance, qui s'est déjà rassise, de bien vouloir se relever ! (La médiatrice administrative suppléante entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame, vous êtes appelée à prêter serment de vos fonctions de médiatrice administrative suppléante. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'exercer ma mission dans le respect des lois, avec honneur, compétence et humanité;
- de sauvegarder l'indépendance inhérente à ma mission;
- de n'exercer aucune pression sur les parties en litige afin d'obtenir leur adhésion à une entente qui ne serait pas librement négociée;
- de veiller à ce que les parties en litige concluent une entente libre et réfléchie;
- de ne plus intervenir d'aucune manière une fois ma mission achevée;
- de préserver le caractère secret de la médiation.»
A prêté serment: Mme Marie-Laure Canosa.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Premier débat
Le président. Nous passons au premier des trois points fixes, que nous traiterons en catégorie II, soixante minutes: l'IN 163-C et le PL 12435. Le rapport de majorité est de la plume de M. André Pfeffer, qui n'oublie pas sa carte en venant à la tribune; je lui cède la parole, s'il veut bien appuyer sur le bouton.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Le très rapide développement de notre aéroport inquiète une grande partie de nos concitoyens et une initiative a été déposée avec 14 450 signatures de Genevois. Même si notre économie et notre prospérité dépendent largement de cet aéroport, il est de notre devoir de répondre à ces inquiétudes. Dans une démocratie comme la nôtre, si une aussi grande partie de notre population s'y opposait, l'activité et surtout le développement de l'aéroport seraient de plus en plus difficiles. Compléter notre constitution n'est pas contesté, mais la majorité de la commission propose un contreprojet en lieu et place de l'IN 163.
Je rappelle les défauts de l'initiative et les reproches qui lui sont faits. Premièrement, le titre est trompeur et induit en erreur. Cet aéroport, tout comme l'aviation civile, est du ressort de la Confédération et la compétence cantonale dans ce domaine est très limitée.
Deuxièmement, il y a un catalogue de tâches dans les alinéas 2 et 3 qui malheureusement sont quasi exclusivement de la compétence de la Confédération. Certes, un article constitutionnel fixe de grands principes et de grandes orientations. Le domaine est complexe; les intérêts et les acteurs sont multiples. Mais ces deux alinéas sont véritablement de la rhétorique anti-aéroport ! En plus, un riverain très engagé contre le bruit juge cette initiative totalement inutile.
Troisièmement, les auteurs de l'initiative oublient complètement les mesures en vigueur contre le bruit. La fiche PSIA fixe des normes strictes et contraignantes. L'étude de cette fiche a duré cinq ans; trois de nos conseillers d'Etat ont collaboré à ces travaux. La fiche PSIA fixe des restrictions et trace également des courbes délimitant une zone de nuisances. A l'intérieur de la première d'entre elles, toute construction de nouveaux logements est interdite alors que la seconde, plus petite, fixe un objectif à atteindre. La rigidité de ces courbes de nuisances aura des effets. Le Conseil d'Etat vient de le réaliser et, malgré son implication depuis cinq ans, il a bloqué en janvier de cette année un projet de quatre cents appartements à Avully ! Plusieurs terrains situés à l'intérieur de cette courbe sont et seront inconstructibles. Autre élément: en été 2018, la limite pour le bruit a été dépassée à Zurich, ce qui a contraint son aéroport à réduire les vols entre 21h et 22h.
Quatrièmement, les auteurs de l'initiative ont aussi oublié les mesures prises contre la pollution. A ce sujet, l'aviation civile est l'unique secteur industriel à s'engager au niveau mondial dans un programme de stabilisation et de réduction des émissions de gaz. En Suisse, les émissions de CO2 seront plafonnées dès 2021.
En lieu et place de cette initiative, la majorité de la commission de l'économie vous propose un contreprojet. Celui-ci propose de prendre des mesures pour limiter les nuisances dans le cadre du droit supérieur et n'oublie pas les outils de gestion en vigueur. Il propose un texte équilibré, conforme à la réalité et applicable. Pour terminer, le contreprojet n'est pas de la rhétorique anti-aéroport qui ne changera rien dans la réalité. Merci.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de première minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, face au défi climatique, nous devons aujourd'hui exiger un développement de notre aéroport maîtrisé et équilibré qui prenne en compte les nuisances sonores, la pollution atmosphérique, la protection de la santé de notre population ainsi que la protection de l'environnement. A l'heure où des milliers de jeunes à travers Genève et la Suisse - des dizaines de milliers, voire plus - et des millions à travers le monde défilent et manifestent pour sauver le climat, pour sauver notre planète, en grand danger à cause de la pollution mondiale, et demandent que nous agissions immédiatement, notamment en tant que politiques, nous devons prendre des mesures claires et courageuses par rapport au trafic aérien. Il est par exemple parfaitement incompréhensible et inadmissible que les billets d'avion ne soient pas taxés. Il est également incompréhensible et inadmissible que le kérosène reste le seul carburant polluant à ne pas être taxé à travers la planète. Et il est incompréhensible et inadmissible que les compagnies d'aviation ne paient pas de TVA sur les liaisons aériennes.
Nous avons une responsabilité en tant qu'élus, Mesdames et Messieurs: la responsabilité de freiner cette fuite en avant du trafic aérien. Je vous rappellerai quelques chiffres. En 2018, il y a eu 17,7 millions de passagers à l'aéroport de Genève, soit 187 000 mouvements d'avions en une année. Selon les prévisions, pour répondre à la demande, il y aura 25 millions de passagers en 2030. Ça correspondrait à 650 vols par jour; ça correspondrait à un vol toutes les nonante secondes, Mesdames et Messieurs, dix-huit heures sur vingt-quatre, tous les jours de l'année. En dix ans, entre 2002 et 2012, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 63% - on se réjouit d'avoir les nouveaux chiffres - et la consommation de kérosène de 75%. Comme je l'ai déjà répété, nous devons agir, et c'est ce que nous demande cette initiative !
L'IN 163 a été signée par 14 450 personnes et déposée en décembre 2016 par la CARPE - Coordination régionale pour un aéroport urbain, respectueux de la population et de l'environnement - qui regroupe, et c'est ça qui est intéressant, beaucoup d'associations environnementales, mais également un certain nombre d'associations de riverains qui n'en peuvent plus du développement de l'aéroport. L'aéroport a connu une croissance fulgurante ces dernières années, je l'ai dit, et les nuisances ont explosé. Je vous rappellerai qu'à Genève, 23% des émissions de CO2 sont dues au trafic aérien. C'est énorme ! Dans le bilan carbone de la population genevoise, il pèse aussi lourd que le chauffage de l'ensemble des bâtiments.
Certes, Mesdames et Messieurs, l'aéroport est important pour l'emploi, l'activité économique et touristique, pour la Genève internationale, mais également pour les Genevoises et les Genevois ou les gens de la région qui souhaitent voyager - c'est ce qu'on va nous dire tout à l'heure. Et c'est vrai que cet aéroport est important ! Mais pour nous, ce n'est pas parce qu'il est important qu'il doit se développer au détriment de la population en la sacrifiant, elle et sa santé, et en sacrifiant en partie notre environnement. Le développement du trafic aérien a un coût pour les collectivités publiques, qui doivent prendre en charge les conséquences de ce trafic aérien sur la mobilité, la santé, la pollution de l'air, le réchauffement climatique, l'aménagement du territoire, le logement et les finances publiques.
Lors de l'étude de cette initiative et du contreprojet, nous avons auditionné un certain nombre de représentantes et représentants des magistrats communaux qui s'opposent au développement prévu pour l'aéroport. Vous vous rappelez que 44 communes riveraines de France, du canton de Vaud et bien entendu genevoises ont adressé en 2015 une lettre au Conseil d'Etat pour lui faire part de leur inquiétude quant au développement de notre aéroport. Je n'ai pas le temps d'aller trop dans le détail de cette audition, qui était édifiante, sachant que des magistrats de gauche comme de droite ont tenu le même discours sur ce sujet. Mais je mentionnerai le conseiller administratif de Satigny Philippe Bossy, qui était maire à l'époque. Il se demandait si, avec la perspective de 25 millions de passagers d'ici 2030, les nouveaux passagers ne coûteront pas plus cher que ce qu'ils rapporteront à Genève. Je préciserai également que, au-delà du trafic aérien, le fait de passer de 17,7 millions à 25 millions de passagers en 2030 signifie aussi que les déplacements terrestres vers l'aéroport vont exploser - ils ont déjà explosé - sachant qu'une majorité de ces déplacements se font aujourd'hui en voiture. Même si un certain développement des transports publics est prévu, ça risque quand même de poser un énorme problème de trafic vers l'aéroport.
Je crois que nous devons déjà voter cette initiative et, j'en ai parlé, réfléchir ensuite à taxer le kérosène et les billets d'avion, ce qui se décide au niveau du Parlement fédéral. Et c'est ce qui est discuté au Parlement fédéral avec la loi sur le CO2; j'espère que les partis, notamment de droite, prendront conscience de l'urgence climatique et de la nécessité de voter une loi sur le CO2 qui aille de l'avant vers la protection de notre environnement.
Je vais prendre sur le temps de mon groupe, Monsieur le président, pour vous parler du contreprojet. Le PLR nous a présenté un contreprojet qui vide tout simplement l'initiative de sa substance. Pourquoi est-ce que le PLR fait ça ? Il faut être clair: ce parti craint le vote populaire sur l'initiative parce que 60 000 riverains et riveraines n'en peuvent plus du bruit de l'aéroport, sans compter que l'ensemble des Genevois se pose aussi des questions sur les nuisances liées à la pollution atmosphérique. (Brouhaha.) Le contreprojet du PLR a l'air tout joli... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, Monsieur le rapporteur. Il y a beaucoup de bruit, ça murmure un peu partout. Mesdames et Messieurs, est-ce que vous pourriez soit regagner vos places soit tout simplement sortir pour discuter ? Je pense par exemple à vous, Monsieur Baud. (Remarque.) Non, bien sûr ! Bien sûr ! (Un instant s'écoule.) Voilà, vous avez de nouveau la parole, Monsieur le député.
M. Thomas Wenger. Merci, Monsieur le président. Je disais donc que ce contreprojet qui nous est présenté par le PLR a l'air tout beau, tout lisse, comme ça, mais il a une différence fondamentale par rapport à l'initiative: celle-ci parle d'un équilibre entre les besoins économiques, sociaux et culturels et la limitation des nuisances pour la population et pour l'environnement. Le contreprojet, lui, l'air de rien, enlève toute notion d'équilibre et ne parle que de la qualité de la desserte aérienne, du fait qu'elle réponde aux besoins de la population, des entreprises et de la Genève internationale. Le contreprojet jette à la poubelle toutes les questions liées à l'environnement, à la pollution, aux nuisances sonores et à la santé de la population.
L'initiative, et je conclurai par là, ne demande pas la fermeture de l'aéroport ni même une réduction drastique du nombre de vols, elle demande un développement maîtrisé et équilibré. Je le répète une dernière fois: 17,7 millions de passagers en 2018, 25 millions prévus en 2030. Mais si on continue avec la croissance que l'on connaît aujourd'hui, ce ne seront pas 25 mais 32 millions de passagers en 2030 ! Face à l'urgence climatique, Mesdames et Messieurs, exigeons l'action immédiate. C'est pourquoi les socialistes et la minorité vous demandent d'accepter l'initiative, que le Grand Conseil a déjà refusée, et de refuser ce contreprojet trompe-l'oeil du PLR et du reste de la droite. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, je vous rappelle que je vous ferai exclusivement voter sur le contreprojet: l'initiative a déjà été refusée en date du 22 février 2018. Il ne s'agit donc pas de voter à nouveau sur l'initiative mais uniquement de vous prononcer sur le contreprojet; c'est de cela que nous parlons. Vous l'accepterez ou vous le refuserez - ça, c'est une autre chose - mais il n'y aura pas deux votes ! Je passe maintenant la parole à Mme la députée Isabelle Pasquier.
Mme Isabelle Pasquier (Ve), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, alors que les discussions en vue de la révision de la loi fédérale sur le CO2 ont débuté au Conseil des Etats et qu'une prochaine mobilisation des jeunes pour le climat est prévue le 15 mars, je me réjouis que cette initiative populaire nous donne l'occasion, à nous aussi, de débattre de la question du trafic aérien. Car si l'infrastructure est située à Genève, l'aviation relève avant tout de la compétence de la Confédération.
De fait, la loi cantonale sur l'Aéroport international de Genève n'accorde finalement au Grand Conseil qu'une compétence de caisse enregistreuse. Ce qui explique sans doute pourquoi les constituants ont omis de mentionner l'aéroport dans la constitution cantonale. Le débat qui se tient aujourd'hui est donc très important: il s'agit d'ancrer dans la constitution la vision que nous voulons pour notre aéroport. Nous avons le choix de proposer l'original seul - une initiative raisonnable, portée par les associations de riverains de tous bords politiques et par des associations de protection de l'environnement soucieuses de renforcer la cohésion entre les politiques publiques cantonales et l'aéroport - ou accompagné d'un contreprojet. Un contreprojet qui n'est pas le fruit d'un compromis, mais est imposé par un parti, élaboré sans vraie concertation et dans une certaine précipitation; un contreprojet qui est trompeur et dangereux. Il n'est porté par aucune vision; son auteur ne croyant pas à la possibilité de réduire les nuisances, il ne vise en fait qu'à pérenniser la doctrine actuelle, à savoir «se développer pour répondre à la demande» sans considération pour l'intérêt de la population riveraine ni pour le climat.
Je souhaite réaffirmer que tous, ici, nous reconnaissons l'importance de l'aéroport pour la Genève internationale, pour la vie économique, sociale et culturelle de la région. Ces éléments sont d'ailleurs déjà inscrits dans la loi sur l'aéroport. C'est l'essor des vols à bas coût qui est questionné. La publication des prévisions de croissance de l'aéroport en 2016, mon préopinant l'a dit, a alarmé la population riveraine: 25 millions de passagers sont annoncés en 2030, soit une augmentation de 78% des passagers et de 85% du fret. Concrètement, cela veut dire 650 vols par jour à l'horizon 2030, soit un vol toutes les nonante secondes, dix-huit heures sur vingt-quatre, 365 jours par an. Des prévisions qualifiées de réalistes, voire de prudentes, par le directeur suppléant de l'OFAC, l'Office fédéral de l'aviation civile - l'autorité pour l'aéroport de Genève - auditionné avant Noël. Les riverains ne veulent pas faire les frais du développement du trafic aérien prôné par l'OFAC.
J'aimerais brièvement rappeler les quatre impacts principaux de l'aéroport sur les riverains. La pollution de l'air, tout d'abord. Elle fait dix fois plus de morts en Suisse que les accidents de la route, mais silencieusement. Selon l'étude d'impact de l'aéroport sur la santé publiée par le canton en 2016, la pollution de l'air engendrée par cette infrastructure cause 21 décès. Avec les prévisions de croissance pour 2030, ce seront 42 décès. S'agissant du bruit, selon cette même étude, 26 000 personnes souffrent de perturbation du sommeil; elles passeraient à 29 000 en 2030. «Le bruit des avions a des effets sur la santé publique. Le bruit stresse et rend malade», il peut «porter atteinte au bien-être physique et psychique»: voilà les propos forts du directeur du service cantonal de l'air et du bruit. Le bruit est d'autant plus pénible qu'il se poursuit jusqu'à minuit, et les auditions ont montré combien l'aéroport a - et aura - de la peine à limiter les mouvements nocturnes. L'impact sur l'environnement et le climat maintenant: cela a été dit, l'aviation contribue pour 18% au réchauffement du climat en Suisse. L'aéroport de Genève sera la source numéro un de CO2 en 2030 puisque les prévisions disent qu'il sera responsable de 40% des émissions du canton. Enfin, les communes et les propriétaires subissent des pertes foncières et financières.
Les initiants ont réfléchi à un texte qui donne plus de voix à la population riveraine tout en respectant le cadre légal contraignant. Comparons donc le texte de l'initiative avec celui du contreprojet en passant en revue les quatre alinéas. Sur l'alinéa 1, tout le monde est d'accord; c'est à peu près le seul point commun. Les deux textes demandent d'ancrer le caractère public de l'aéroport dans la constitution. Aux alinéas 2 et 3, la volonté des initiants est de rechercher un «équilibre entre [l']importance pour la vie économique, sociale et culturelle» de l'aéroport et les «nuisances pour la population et l'environnement». Le contreprojet lui oppose la nécessité de «répondre aux besoins», le besoin étant ici réduit à une nécessité économique ou à un choix du mode de déplacement. Exit la recherche d'équilibre, seul l'aspect économique est souligné. Toute notion de protection de l'environnement est volontairement effacée. A l'alinéa 4, le contreprojet gomme toute référence aux autorités communales. Pour les magistrats communaux, dont des élus de l'Entente qui ont porté cette initiative et sont venus la défendre en commission, c'est un vrai camouflet.
Ainsi donc, le contreprojet proposé n'apporte aucune réflexion sur le cadre du développement de l'aéroport, mais il bétonne son développement actuel et affaiblit nos autorités cantonales, qui cherchent à faire entendre aux fonctionnaires bernois le caractère particulier, urbain, de notre aéroport. C'est donc un contreprojet dangereux. Le PLR s'est appliqué à vider la proposition des initiants de tout contenu. Je l'ai dit, et l'auteur du contreprojet, Jacques Béné, l'a souligné par des propos éclairant sa démarche: «Ce serait mentir à la population que de dire qu'il va y avoir une diminution des nuisances». Le contreprojet fait prédominer dans l'orientation de l'aéroport la demande du marché. Il supprime toute référence à la protection de l'environnement et ne vise aucune amélioration pour la population riveraine. Il fait fi des problèmes vitaux relayés en commission par les représentants des associations environnementales. La demande de cette initiative est légitime, sa formulation a été jugée compatible avec le droit fédéral, elle ne fait absolument pas doublon avec la fiche PSIA. C'est pourquoi les Verts appellent à présenter l'initiative sans contreprojet. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Le président. Merci. La parole est maintenant à Mme Jocelyne Haller, troisième rapporteresse de minorité.
Une voix. Oh !
Une autre voix. Rapporteure !
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de troisième minorité. Non, il semblerait que ce soit rapporteuse, d'après le guide fédéral. (L'oratrice rit.) Ce n'est pas très joli, mais c'est comme ça. (L'oratrice rit.) Je vous remercie de m'avoir donné la parole, Monsieur le président.
J'aimerais revenir sur les propos de M. Pfeffer: il disait en introduction à son intervention qu'il est de notre devoir de répondre aux inquiétudes de la population. Eh bien oui ! C'est précisément ce qu'ont essayé de faire les initiants à travers le texte de l'initiative 163. Il a ensuite évoqué la question de la limite des compétences et notamment le fait que le trafic aérien ressortirait uniquement aux compétences fédérales. Or s'il y a une part de vérité dans cet élément, penser que les autorités cantonales n'auraient pas leur mot à dire sur la gestion de l'aéroport ou sur son développement et que la population locale et environnante n'aurait finalement qu'à subir les conséquences d'un développement incontrôlé est un non-sens et ne correspond sans doute pas au droit supérieur.
De l'avis de l'auteur du contreprojet... Beaucoup de choses ont été dites sur ce contreprojet: il a été passé au scanner et je n'aurai pas à m'appesantir à son propos. Mais j'aimerais quand même insister sur ce tour de passe-passe qui a consisté à déplacer les mots, à en supprimer quelques-uns, à en rajouter d'autres et à finalement laisser croire qu'il s'agirait quasiment du même texte et qu'on l'a juste toiletté pour le rendre plus conforme aux exigences en matière de compétences. On l'a en réalité totalement vidé de sa substance, comme cela a été relevé tout à l'heure. Mme Pasquier l'a dit, c'est simplement une manière d'infliger un camouflet non seulement aux initiants mais aussi aux 14 450 signataires de ce texte.
Sur le fond, j'aimerais quand même relever que le texte de l'initiative est particulièrement modeste. Nous l'avions souligné en février de l'année dernière et nous avions même envisagé la question d'un contreprojet en nous demandant comment en imaginer un qui n'annulerait pas totalement cette initiative puisque les ambitions de celle-ci sont relativement modestes. Eh bien le PLR et l'auteur du contreprojet, M. Béné, ont réussi cet exploit: ils ont réussi à vider de toute sa substance une initiative relativement mesurée, et c'est pourquoi nous refusons ce contreprojet.
Le président. Je vous remercie...
Mme Jocelyne Haller. Finalement...
Le président. Ah, pardon !
Mme Jocelyne Haller. Je n'avais pas terminé ! (L'oratrice rit.)
Le président. Je m'excuse ! J'ai cru que vous repreniez votre souffle et puis que...
Mme Jocelyne Haller. Ah, bien ! Justement, il m'arrive parfois de respirer, Monsieur le président ! (L'oratrice rit. Rires.)
Le président. Je vous laisse.
Mme Jocelyne Haller. Sinon je deviens toute rouge ! (L'oratrice rit. Rires. Commentaires.) J'aimerais aussi revenir sur cet artifice qui a consisté à opposer un instrument de planification, la fiche PSIA, à l'inscription d'un principe constitutionnel, comme si ces deux choses s'excluaient et étaient totalement incompatibles. Or on l'a vu, la fiche PSIA est un instrument de planification qui donne un certain nombre d'indications sur le développement aéroportuaire et le trafic aérien. Si elle indique un certain nombre de projections, il n'y a pas là de passage obligé. Nous pouvons encore user de notre libre arbitre, et surtout veiller aux intérêts de la population en mettant en application ce qui est demandé par l'initiative, à savoir la recherche d'un équilibre entre le développement économique du canton et l'intérêt de la population.
Ce qui apparaît à travers les éléments que nous avons vus lors des travaux de cette commission - ils ont été relevés par M. Wenger et Mme Pasquier - c'est quand même le caractère préoccupant de l'avenir qui nous est annoncé par la fiche PSIA ! Le développement du trafic aérien, la fréquence des vols et les nuisances qu'elle va entraîner vont dégrader à terme, de manière extrêmement importante, la qualité de vie dans notre canton pour toutes les populations qui y seront exposées. Mais ces nuisances vont surtout altérer l'équilibre écologique de Genève, elles vont polluer le canton durablement, et cela n'est pas acceptable. Il est hors de question de sacrifier la population sur l'autel de la défense d'intérêts économiques plutôt mal compris !
Enfin, j'aimerais relever un élément important: on a voulu discréditer les initiants et ceux qui défendent l'initiative en les faisant passer pour des passéistes, pour des gens, finalement, qui veulent réintroduire le train à vapeur. On nous a accusés de vouloir réintroduire les trains de nuit. Eh bien oui ! Les trains de nuit sont des éléments de mobilité extrêmement intéressants et rien ne nous oblige, en matière de déplacements, à prendre l'avion; d'autres types de transport sont tout à fait opportuns. J'aimerais donc relever que l'initiative, contrairement à ce que d'aucuns voudraient faire croire, n'est ni une initiative de gauche ni une initiative de droite. Au travers de l'audition des magistrats des communes directement touchées par les nuisances et l'activité de l'aéroport, il est très clairement apparu qu'il y a autant de magistrats de gauche que de droite pour relever les risques que comporte un développement du trafic aérien non maîtrisé. Ils considèrent unanimement que placer l'intérêt de la population dans la balance s'impose véritablement, ce que les tenants du contreprojet semblent avoir oublié.
J'aimerais terminer en disant que la croissance du trafic aérien n'est pas une fatalité: c'est un choix ! C'est un choix guidé par des intérêts économiques, par des projections à court terme et à courte vue. Nous pouvons aussi orienter autrement le développement du trafic aérien: nous pouvons essayer de le maîtriser et d'en faire quelque chose d'équilibré qui tienne compte des intérêts de la population. C'est ce dont il s'agit au travers de l'initiative et c'est ce qui a été réduit à néant par le contreprojet. C'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche vous invite fermement à rejeter celui-ci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie et m'excuse de ma maladresse de tout à l'heure. La parole va maintenant à M. le député François Lefort.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, analysons un peu ce prétendu contreprojet. Quand l'initiative demande que «l'Etat [tienne] compte du caractère urbain de l'aéroport et recherche un équilibre entre son importance pour la vie économique, sociale et culturelle et la limitation des nuisances pour la population et l'environnement», le contreprojet stipule que l'Etat «veille» à la «qualité de la desserte aérienne» et à ce que celle-ci «réponde aux besoins de la population, des entreprises et de la Genève internationale». Exit le problème des nuisances pour les riverains et pour l'environnement ! Leur réduction est pourtant l'objectif central de l'initiative.
Quand l'initiative propose que «l'Etat prenne [...] toutes les mesures adéquates pour limiter les nuisances dues au trafic aérien, notamment le bruit, les pollutions atmosphériques et les émissions de gaz à effet de serre», dans le respect de notre nouvelle constitution, le contreprojet, lui, indique que «l'Etat prend des mesures adéquates pour limiter les nuisances dues au trafic aérien [...] tout en visant un équilibre entre les enjeux économiques, le développement des emplois et les exigences d'un développement durable [...]». Exit le bruit, les pollutions atmosphériques et les émissions de gaz à effet de serre ! L'initiative nomme ces nuisances, pas le contreprojet. Or ne pas les nommer, c'est en nier la réalité.
Le contreprojet en appelle au sacro-saint équilibre entre les enjeux économiques, le développement des emplois et les exigences d'un développement durable. Alors soyons clairs, soyons réalistes: la priorité est toujours aux enjeux économiques, il n'y a jamais d'équilibre ! Les arbitrages sont systématiquement en leur faveur, et ce partout sur la planète, pas seulement à Genève. Or la crise environnementale actuelle est justement due à ces arbitrages favorables aux enjeux économiques.
Vous l'aurez compris, ce contreprojet est un leurre; on retrouve la méthode habituelle qui consiste à minimiser les faits ainsi que l'inquiétude de la population pour s'assurer que l'arbitrage soit toujours en faveur de ces enjeux économiques qui ne sont jamais décrits, alors qu'une autre économie est possible, elle aussi créatrice d'emplois: une économie écologique. Le choix est simple, il n'y en a qu'un: il faut refuser ce contreprojet ! Dans les urnes, ce sera oui à l'initiative et non au contreprojet. Merci. (Applaudissements.)
Le président. Je vous remercie...
M. François Lefort. Et pour le surplus...
Le président. Encore ?
M. François Lefort. ...les Verts demandent le vote nominal.
Le président. Bien, est-ce que vous êtes soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Vous l'êtes, oui. Puisque vous avez terminé, je passe la parole à M. le député Jean-Marc Guinchard.
M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chères et chers collègues, les promoteurs de notre aéroport ne sont ni des climatosceptiques, ni des dogmatiques, ni des défenseurs aveugles du transport aérien. Nous sommes sensibles aux préoccupations des communiers et de leurs magistrats, en particulier ceux de la rive droite, ces magistrats qui ont été reçus à plusieurs reprises par la commission de l'économie et écoutés avec attention. Nous ne nions pas non plus les problèmes liés à la pollution, qu'elle soit atmosphérique ou sonore, ainsi que ceux concernant la santé, notamment en raison des vols nocturnes.
Cela étant, l'IN 163 n'est pas très claire dans ses objectifs. Reprendre le contrôle démocratique de notre aéroport, qu'est-ce que cela signifie ? A l'heure actuelle, ce contrôle est exercé de trois façons: par le Conseil d'Etat sous la forme d'une convention d'objectifs rigoureuse imposée à l'aéroport, par le Grand Conseil via sa commission de l'économie qui examine et adopte le rapport annuel - et il ne s'agit pas d'une simple formalité exercée par une chambre d'enregistrement - et par les députés membres du conseil d'administration. Les élus assurent un contrôle à trois niveaux, que veut-on de plus démocratique ?
De plus, l'initiative contient un défaut majeur. Inscrire l'aéroport dans la constitution, soit, mais quid de son autonomie ? Ce que l'on oublie, c'est que cet aéroport est international, qu'il doit répondre à des directives de la Confédération et à des normes internationales. Ces règles nationales et supranationales ont pour conséquence que son autonomie doit être mentionnée, préservée, afin de répondre rapidement et avec souplesse à toute contrainte internationale ou fédérale.
Rappel de quelques chiffres: le nombre de vols a diminué de 2% en 2018, notamment en raison de l'augmentation de la capacité des gros-porteurs. Selon la convention d'objectifs imposée par le Conseil d'Etat, les émissions polluantes doivent être ramenées à leur niveau de 2009, et je crois que le Conseil d'Etat marque à la culotte la direction de l'aéroport pour y parvenir. Quant aux 25 millions de passagers évoqués dans la fiche PSIA, ils ne constituent pas un objectif assigné à l'aéroport, comme l'ont martelé le rapporteur et les rapporteresses - ou rapporteuses, ou rapporteures - de minorité, mais une possibilité envisagée s'il continue à enregistrer la même croissance, ce qui ne sera manifestement pas le cas.
Les exigences dictées par le Conseil d'Etat à la direction de l'aéroport représentent ce que M. Thomas Wenger appelle de ses voeux, c'est-à-dire un contrôle et une maîtrise du développement de cet aéroport. Ne perdons pas de vue les efforts consentis par l'AIG en faveur de l'environnement s'agissant des véhicules circulant sur le tarmac, les exigences posées aux compagnies de même que les investissements réalisés afin de mieux isoler les bâtiments situés dans des zones de bruit.
Rappelons enfin que l'aéroport international revêt une importance cruciale pour notre économie et nos entreprises, pour le tourisme de loisir, le tourisme de congrès ainsi que pour les organisations internationales dont nous nous flattons qu'elles soient basées à Genève. A elles seules, ces organisations internationales engendrent à peu près 60 000 vols par année. On ne peut pas revendiquer la conservation de notre tissu économique et de notre vocation internationale et, dans le même temps, réduire leur principal outil au périmètre d'un aérodrome qui serait une Blécherette-sur-Cointrin.
En ce qui concerne le contreprojet, je n'en ai évidemment pas la même lecture que les différents intervenants qui se sont succédé. A mon sens, il faut lire le texte un peu plus attentivement que ce qui a été fait jusqu'à présent, notamment l'alinéa 3 qui précise: «L'Etat prend les mesures adéquates pour limiter les nuisances dues au trafic aérien [...] tout en visant un équilibre» - vous avez contesté la présence de cette notion d'équilibre, Mesdames et Monsieur les rapporteurs de minorité, alors qu'elle figure en toutes lettres dans le contreprojet déposé par le PLR et le PDC - «entre les enjeux économiques, le développement des emplois et les exigences d'un développement durable [...]» Tout cela, vous l'avez soigneusement escamoté dans votre présentation, et ce n'est pas tout à fait correct.
Avec la majorité de la commission, Mesdames et Messieurs, nous vous recommandons d'accepter ce contreprojet sous la forme du projet de loi 12435. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Pierre Vanek (EAG). Quelques rapides observations. Mon préopinant, M. Guinchard, a dit que l'initiative supprime le caractère autonome de l'aéroport; c'est évidemment faux. Nos lois mentionnent que les établissements publics sont des entités autonomes, il n'y a donc aucune manoeuvre de ce type-là. Ainsi, il n'est pas tout à fait correct de laisser entendre ce genre de choses.
Je viens également d'entendre que le volume de 25 000 ou 30 000 passagers ne constitue pas un objectif; peut-être pas, mais il est présenté comme une fatalité ! Tout à l'inverse, il faudrait prendre des mesures volontaristes pour réduire l'impact environnemental de notre aéroport à l'échelle locale, ça a été souligné, mais également du trafic aérien à l'échelle planétaire et des conséquences écologiques induites par celui-ci. Imaginez l'énorme développement que cela représente, c'est insoutenable ! Il n'est pas question ici de La Blécherette - là non plus, ce n'est pas très correct, parce que La Blécherette est un tout petit établissement d'aviation; je ne veux pas vexer les Vaudois qui sont dans cette salle, mais enfin, il ne supporte pas la comparaison.
On peut réduire considérablement le trafic aérien par des mesures volontaristes, on peut faire des efforts sérieux: développement des trains de nuit, réduction des déplacements inutiles. Je vais vous faire une confession, Mesdames et Messieurs: quand j'ai signé cette initiative, parce que je fais partie des 14 000 ou 15 000 signataires, je l'ai trouvée d'une modestie extrême. «L'Etat tient compte du caractère urbain de l'aéroport»: est-ce que tenir compte de quelque chose constitue un objectif précis, clair, définissable ? Pas vraiment. Ensuite: il «recherche un équilibre entre son importance pour»... et qu'est-ce qu'on met en premier ? La vie économique ! A mon avis, les considérations écologiques et de qualité de vie de notre population devraient être citées en premier lieu, mais non, c'est la vie économique. Tout est d'une extrême modération, parce que cette initiative possède précisément les caractéristiques qui ont été décrites de ne pas être un texte de gauche, d'être soutenue par de larges milieux, et il a fallu trouver un consensus.
Pour ma part, évidemment, je refuserai le contreprojet de Jacques Béné et consorts qui met en avant la qualité de la desserte aérienne - qu'est-ce que c'est que cette qualité ? - qui promeut doublement les enjeux économiques, puisqu'on les cite nommément avant d'évoquer le développement durable: or, le développement durable - concept déjà relativement discutable - intègre surtout l'élément économique, donc on l'a deux fois, cette économie. Décidément, quand on veut enfoncer un clou, on tape dessus à coups de marteau, et Jacques Béné s'est trouvé être le marteau dans cette affaire, si vous me passez l'expression ! C'est un hommage que je lui rends là, Monsieur le président, pas une invective à son égard ! L'hommage que je lui rends, c'est qu'avec ce contreprojet, il a réussi à me mobiliser en faveur d'une initiative extrêmement modeste, et je me battrai pour qu'elle passe en votation populaire.
A part ça, même s'il convient d'accepter l'initiative et de rejeter le contreprojet qui est assis sur des arguments spécieux - j'en ai évoqué quelques-uns au début - et qui ne prend aucune espèce de mesure pour répondre à l'ampleur du problème que pose notre aéroport sur le plan environnemental, il faudra revenir à la charge avec des objectifs de contrôle démocratique supérieurs à ceux qui figurent dans l'initiative.
M. François Baertschi (MCG). Fondamentalement, l'initiative et le contreprojet sont très proches. Je sais que je vais décevoir beaucoup de gens dans cette salle, tous ceux qui cherchent à tout prix à trouver un combat homérique, binaire, entre l'initiative et le contreprojet, entre les bons et les méchants, selon où on se place. En fait, c'est très clair. Qu'est-ce qu'on a, que proposent ces deux textes ? Il s'agit de défendre la vie économique, culturelle et sociale - c'est ce que demande aussi l'initiative, pas seulement le contreprojet - et, en parallèle, dans une sorte de grand écart idéologique, de tenir compte des nuisances de l'aéroport pour les habitants. Comme ça, on ne se met personne à dos, on fait plaisir à tout le monde.
On pourrait définir cette manière de concilier deux éléments fondamentalement contradictoires comme de l'«écoloctoralisme» ou de l'écolo-électoralisme, je ne sais pas comment nommer autrement cette attitude hybride qui est une sorte de vin un peu bizarre. Bon, apparemment, ça procure une certaine ivresse, puisque beaucoup de personnes se retrouvent dans une climato-euphorie ! Voilà pour le fond.
Quant à la forme, puisqu'il faut bien trouver des différences, on a analysé chaque mot, chaque virgule, chaque tournure de phrase pour s'assurer qu'on voulait bien exprimer ceci et pas cela. On se regarde, on s'observe, on regarde tous ces éléments... Mais l'un des seuls qui soient véritablement déterminants dans l'initiative, puisqu'il faut comparer les deux textes, c'est l'idée d'un pilotage démocratique de l'aéroport. «Reprenons en main notre aéroport», s'intitule l'initiative, comme s'il était actuellement à l'abandon, que personne n'examinait ses comptes, que personne ne s'occupait de sa gestion.
Mesdames et Messieurs, il y a quand même un conseil d'administration, il y a notre Grand Conseil qui, de manière très régulière - au minimum deux fois par an pour le budget et les comptes - les examine attentivement, à la loupe, sans parler des autres systèmes de contrôle de notre belle République de Genève. En fait, on effectue un contrôle très rigoureux de l'aéroport, le pilotage se fait. Alors je ne sais pas, peut-être que les représentants des partisans de l'initiative qui siègent dans le conseil d'administration ne font rien... Bon, pour notre part, nous avons eu quelques poids morts au sein de ce conseil, mais j'imagine que ce n'est pas le cas de tous les partis qui y sont représentés.
A mon sens, c'est faire un mauvais procès que de prétendre que le conseil d'administration ne sert à rien, que ce Grand Conseil ne sert à rien. Car oui, on en est là ! On se retrouve dans cette situation d'«écoloctoralisme» ou d'écolo-électoralisme - excusez-moi, je dois m'y reprendre à deux fois pour prononcer ce mot - qui est très en vogue avec la grande idée du climat. Ah, c'est sûr qu'on va sauver la planète grâce à cette initiative ou ce contreprojet ! Il y a vraiment de quoi se montrer sceptique.
Quel que soit le résultat de l'un ou l'autre texte, je vous parie tout ce que vous voulez que les effets seront microscopiques, comme l'a d'ailleurs dit mon préopinant d'Ensemble à Gauche. Il n'a pas osé l'énoncer aussi ouvertement, mais il l'a laissé entendre. En même temps, ça vaut mieux que rien, donc le MCG soutiendra le contreprojet de manière tout à fait pragmatique et raisonnable, parce qu'il ne sert à rien de mettre en place une bureaucratie qui sera contreproductive et inutile.
Le président. Je vous remercie. La parole est à Mme Delphine Klopfenstein Broggini pour trois minutes.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames les députées, Messieurs les députés, «démocratique», c'est le maître-mot. Notre aéroport est non seulement un établissement de droit public qui fait partie intégrante du grand Etat, mais il est surtout urbain. Connaissez-vous beaucoup d'autres aéroports auxquels on peut se rendre à pied ou à vélo ? C'est dire s'il est à proximité immédiate des lieux de vie. Ainsi, n'en déplaise à certains, Genève Aéroport ne concerne pas uniquement l'économie et notre rayonnement international, mais il regarde directement... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence ! J'entends des bruissements par là-bas... Merci d'écouter ce que notre collègue est en train de dire sur le déplacement vers l'aéroport à vélo. C'est à vous, Madame.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini. La population est directement concernée, et il s'agit d'une population importante: 100 000 habitants sont des riverains directs. On parle de communes importantes comme Meyrin, Vernier, Versoix. En gros, un résident sur cinq du canton de Genève ! Et ce ne sont pas des écolo-électoralistes, mais bien des gens qui souffrent de différentes nuisances, qu'elles soient liées au bruit ou à la pollution atmosphérique.
La pollution de l'air est de plus en plus présente et entraîne chaque année en Suisse 20 000 hospitalisations et plus de 3000 décès prématurés. A Genève, le nuage de pollution est en train de bouger: il ne recouvre plus le centre-ville, mais se déplace gentiment dans le secteur aéroportuaire et touche de plus en plus de monde. Or à l'aéroport, au lieu d'imiter ce qu'on essaie de réaliser en ville, c'est-à-dire limiter les nuisances liées à la pollution atmosphérique et au bruit, tout à l'inverse, on ouvre les vannes et on fait exactement le contraire, réduisant à néant tous les efforts entrepris en ville pour réduire la pollution !
Si vous habitez à Genthod ou à Bellevue, l'avion, vous l'entendez - quand il passe, vous ne pouvez même plus parler - vous le voyez, vous le sentez peut-être, mais surtout vous avez l'impression que vous pouvez le toucher. C'est vous dire à quel point cet aéroport fait partie intégrante de notre tissu urbain. Voilà pourquoi les Verts ont soutenu l'initiative de la CARPE et vous encouragent vivement à refuser le contreprojet. Il s'agit aujourd'hui de passer de la parole aux actes; à l'heure où de nombreux partis parlent de soutien aux marches pour le climat, que toutes celles et ceux qui soutiennent ces mouvements fassent preuve de conséquence, votent l'initiative et refusent le contreprojet. Je vous remercie.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Jacques Béné (PLR). Mesdames et Messieurs, l'aéroport n'est pas un jouet, l'aéroport n'est pas un jeu de cartes. Quand on lit le titre de l'initiative, on a l'impression que Genève n'a plus d'atouts, a perdu la main sur son aéroport, c'est comme si tout était fini. Ce n'est pas le cas ! Malheureusement pour les initiants, l'article 87 de la Constitution suisse indique clairement que l'aviation civile relève de la compétence fédérale, cela a été mentionné en commission. J'invite donc Mme Mazzone, qui est à l'origine de cette initiative, à déposer un postulat ou une initiative parlementaire à l'attention du Conseil fédéral afin que l'aéroport international de Genève ne soit plus considéré comme un équipement structurant de notre pays, un établissement d'importance nationale qui relève de l'article 87 de la Constitution.
En plein coeur de l'Europe, Genève jouit d'une renommée internationale, d'une situation enviée et enviable à tout point de vue. Le contreprojet vise à maintenir notre canton dans cette position. Puisque beaucoup de chiffres ont été donnés, j'aimerais en citer quelques-uns, moi aussi. L'Aéroport international de Genève, ce sont 34 000 emplois directs et indirects, Mesdames et Messieurs, et 4 milliards de valeur ajoutée pour notre canton. Oui, 4 milliards !
Je ne peux pas laisser M. Wenger n'évoquer que l'augmentation du nombre de passagers; comme cela a été souligné en commission, le taux de remplissage des avions a énormément crû aussi ces dernières années. D'ailleurs, les chiffres fournis ne montrent pas l'évolution du trafic aérien tel qu'elle est. En réalité, le nombre de mouvements d'avions a diminué de 1,9% en 2018, ce qui montre qu'un effort considérable est fourni pour remplir les avions au maximum, et nous partons du principe que cela va se poursuivre dans le futur.
Mesdames et Messieurs, la principale différence entre l'initiative et le contreprojet a trait à l'autonomie de l'aéroport. Je remercie les initiants d'avoir proposé d'ancrer l'aéroport dans la constitution - en effet, il n'y figure pas pour l'heure - mais leur texte n'est malheureusement pas complet, puisqu'il occulte complètement sa dimension autonome. Bien qu'elle soit déjà mentionnée dans la loi sur l'aéroport, le contreprojet vise à l'ancrer dans la constitution, tout comme le fait que l'aéroport répond à un besoin économique flagrant pour Genève. J'en veux pour preuve le sondage réalisé par la Chambre de commerce, d'industrie et des services: deux tiers des entreprises considèrent l'aéroport comme crucial pour leurs activités économiques. Enfin, dans le contreprojet, nous mentionnons aussi la Genève internationale qui n'est pas citée dans l'initiative.
Mesdames et Messieurs, il faut être clair: nous n'avons jamais exprimé la volonté d'atteindre les 25 millions de passagers. Ce n'est un objectif ni pour le Conseil d'Etat, ni pour la direction de l'aéroport, ni pour le PLR et les partis qui ont adopté le contreprojet; il s'agit simplement d'une estimation qui nous a été donnée par l'OFAC, et je comprends que ce chiffre puisse faire peur. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons également ancrer dans la constitution la convention d'objectifs signée en début de législature par le Conseil d'Etat, laquelle tient compte de la fiche PSIA qui a été négociée entre le Conseil d'Etat, les communes et la Confédération - cela n'est pas proposé dans l'initiative. Ces contraintes doivent être évaluées année après année afin que nous atteignions l'objectif fixé pour 2030, c'est-à-dire une diminution des nuisances pour les riverains de l'aéroport.
A la différence de l'initiative, le contreprojet demande une croissance maîtrisée. Nous savons bien que ce n'est pas ce que souhaitent les Verts. Selon certains d'entre eux - on l'a entendu dans le cadre du projet RFFA - si quelques multinationales s'en vont, ce n'est pas grave. Les Verts fustigent les nuisances et surtout la pollution liée au trafic aérien, mais veulent conserver des zones agricoles au Pré-du-Stand, juste à côté de l'autoroute et de l'aéroport, c'est quand même surprenant ! Ce contreprojet, Mesdames et Messieurs, c'est l'occasion de montrer que nous croyons en l'évolution des moyens technologiques qui nous permettront de réduire à la fois le bruit et la pollution atmosphérique ces prochaines années.
De notre côté, nous faisons confiance à la direction de l'aéroport, au sein de laquelle règne une bonne dynamique, pour prendre les mesures nécessaires... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...au respect des contraintes figurant dans la fiche PSIA. Voilà pourquoi nous souhaitons que ce contreprojet soit accepté.
Je conclurai en disant la chose suivante: pour prouver notre bonne foi, notamment auprès de Mme Pasquier, nous allons voter la résolution sur les taxes qui sera peut-être renvoyée à Berne, mais en apportant un élément supplémentaire, à savoir des taxes incitatives.
Le président. C'est terminé, Monsieur le député.
M. Jacques Béné. Nous soutiendrons cette résolution pour bien montrer que nous sommes très sensibles à l'environnement, c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons également intégré...
Le président. Nous vous avons bien compris...
M. Jacques Béné. ...la notion de développement durable dans le contreprojet. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. La parole revient à M. Yvan Rochat pour une minute.
M. Yvan Rochat (Ve). Merci, Monsieur le président. En mars 2018, 62 communes représentant 476 000 habitants ont fait valoir à l'OFAC, puis au canton la nécessité de piloter l'aéroport de manière mesurée et concertée. Ces demandes d'écoute et de considération face à l'impact vertigineux des avions sur notre territoire sont balayées, tant par le Conseil fédéral et la fiche PSIA, qui acte la dégradation de l'environnement, que par les auteurs de ce contreprojet misérable dont la seule vocation est la soumission face au développement de l'aéroport, quels qu'en soient les coûts humains, mais également économiques. Que celles et ceux qui s'apprêtent à ne pas soutenir l'initiative des citoyens riverains de l'aéroport en votant le contreprojet ou en s'abstenant soient sûrs que ces manoeuvres dilatoires contre la population et les communes resteront dans les mémoires. A bon entendeur ! (Quelques applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG), rapporteuse de troisième minorité. Selon plusieurs orateurs, certains à cette table ont prétendu à tort que les 25 millions de passagers constituaient un objectif. Qu'on ne nous prête pas des propos que nous n'avons pas tenus; à aucun moment, en effet, nous n'avons dit qu'il s'agissait d'un objectif: nous savons que ce sont des projections et qu'il ne s'agit pas de les atteindre à tout prix. Cela étant, Mesdames et Messieurs, même s'il ne s'agit pas d'un objectif, si le développement de l'aéroport n'est pas maîtrisé, si on laisse faire les choses, eh bien c'est comme si nous nous fixions cet objectif.
Que demande l'initiative ? L'initiative veut ancrer dans la constitution non seulement le caractère autonome de l'AIG - celui-ci est de toute façon garanti par la LOIDP qui est une vieille connaissance de ce parlement, vous ne devriez donc plus ignorer qu'un établissement public est par définition un établissement autonome - mais surtout, et c'est tout aussi important, son caractère public, de sorte que nous soyons certains que l'aéroport demeure tel... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...et qu'il ne puisse pas tomber en mains privées.
Tout à l'heure, M. Guinchard demandait s'il fallait renoncer à la Genève internationale ou aux nécessités économiques; non, ce n'est pas ce que nous demandons, nous réclamons simplement un équilibre. A vous écouter, on devrait faire l'impasse sur l'intérêt et la santé de la population tout comme sur l'équilibre écologique de ce canton !
Quant à M. Baertschi - vous voudrez bien transmettre, Monsieur le président...
Le président. Non, Madame, je ne peux pas transmettre, il ne vous reste plus de temps !
Mme Jocelyne Haller. ...puisqu'il disait que les deux textes sont équivalents, eh bien qu'il nous fasse la grâce de voter l'initiative... (Le micro de l'oratrice est coupé.)
Le président. Voilà, c'est terminé. La parole va à M. Thomas Wenger.
Mme Jocelyne Haller. S'il me reste un peu de temps du groupe, je le prends volontiers !
Le président. Il n'y en a plus, je suis désolé ! (Un instant s'écoule.) Monsieur Wenger, c'est toujours à vous.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de première minorité. Excusez-moi, j'attendais que mon temps s'affiche à l'écran... Voilà, c'est fait. Merci, Monsieur le président. Pour répondre au PLR et au PDC sur ces fameux 25 millions de passagers, je vais vous lire la déclaration du directeur suppléant, chef de la division stratégie et politique aéronautique de l'OFAC, soit de l'Office fédéral de l'aviation civile, à la commission de l'économie: il «confirme lors de son audition que l'infrastructure genevoise doit répondre à la demande. Il précise que cette demande est un pronostic et non pas un but en soi. Toutefois, il explique qu'il est réaliste de s'attendre, à l'horizon 2030, à avoir environ 25 millions de passagers et 235 000 mouvements d'aéronefs. Par rapport à l'aéroport de Bâle, par exemple, il explique que l'année prochaine on aura atteint la demande telle que pronostiquée à l'horizon 2022. Donc à ce niveau-là, les pronostics sont assez réalistes, voire même conservateurs.» Voilà la réponse de l'OFAC quant aux fameux 25 millions de passagers.
Le représentant du PDC, M. Guinchard - vous transmettrez, Monsieur le président - nous dit avoir écouté avec attention les magistrats, en particulier ceux de la rive droite. Eh bien c'est la moindre des choses ! Evidemment, ça vous embête un peu, parce que parmi ces magistrats, il y en a beaucoup de votre couleur politique, c'est-à-dire soit PDC, soit PLR. Ecouter, Monsieur Guinchard, c'est bien; répondre concrètement à leurs inquiétudes, ce serait mieux ! Dernièrement, j'ai lu que le PDC voulait regrouper les partis autour d'une union sacrée pour le climat, surfant ainsi sur la vague des jeunes qui se mobilisent à travers le monde, en Suisse et à Genève. Alors je suis allé sur votre site et j'ai lu ceci: «La grande traversée du lac: mieux vivre à Genève demain». Et aujourd'hui, vous nous tenez un grand discours sur l'aéroport en disant qu'il faut continuer cette croissance, parce que l'aéroport et le trafic aérien sont tellement importants ? C'est comme ça que vous voulez créer une union sacrée en faveur du climat et de l'environnement ? Pour moi, la droite se fourvoie complètement dans le cadre du débat sur l'urgence climatique.
Certes, l'aéroport est un poumon, Monsieur le président, mais ce poumon est en train de tousser, ce poumon est en train de noircir, ce poumon est en train d'étouffer, et c'est la raison pour laquelle nous devons agir maintenant. Jusqu'à quand allons-nous rester aveugles, jusqu'à quand allons-nous foncer tête baissée vers une croissance aussi fulgurante que non maîtrisée ? Il est temps de se réveiller, il est temps de répondre à cette jeunesse qui s'inquiète, qui n'a plus confiance en ses élus, notamment sur les questions climatiques, et pas uniquement à la jeunesse. Refuser le contreprojet, ce n'est pas seulement un vote pour les générations futures, ce qui serait bien, c'est également un vote pour cette génération-ci qui pâtit déjà des problèmes climatiques et de protection de l'environnement.
On a parlé avant des conséquences du trafic aérien sur la santé de nos concitoyennes et concitoyens... Monsieur le président, j'ai perdu mes notes, mais en gros, l'urgence climatique nécessite une action immédiate. Aujourd'hui, chacune et chacun dans cette salle doit prendre ses responsabilités, répondre à la jeunesse, répondre à cette fameuse Greta Thunberg dont tout le monde parle, et c'est en appuyant sur le bon bouton que vous direz à cette jeunesse et à la population qui nous écoute: «Oui, je prends en compte le climat, votre santé et les nuisances.» Dans le cas contraire, vous direz: «Non, je ne prends pas ça en compte, il n'y a que l'économie et le trafic aérien qui comptent.» Merci, Monsieur le président.
Une voix. Très bien ! (Applaudissements.)
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Au sujet de la croissance tant redoutée par la gauche et les Verts, je rappellerai deux éléments. Tout d'abord, la fiche PSIA fixe des nuisances sonores maximales et a pour objectif de les réduire. Ensuite, les émissions de CO2 seront plafonnées dès 2021. Ces mesures seront prises, quelle que soit l'évolution de l'aéroport. Merci.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat est parfaitement conscient de l'inquiétude qui prévaut au sein de la population, ce qu'illustre le nombre important de signatures pour soutenir cette initiative. Nous ne sommes pas déconnectés de la réalité, nous sentons très bien les préoccupations qui montent de manière générale en matière de climat, de protection de l'environnement, de santé publique.
Mais nous sommes aussi conscients de ce que représente l'Aéroport international de Genève pour notre république: il est tout simplement fondamental pour l'économie, pour la Genève internationale - cela a été magnifiquement dit par certains d'entre vous, notamment par M. Guinchard. Ainsi, aux yeux du Conseil d'Etat, c'est la recherche d'un équilibre, d'une situation d'harmonie qui doit prévaloir, et c'est ce à quoi il s'est attelé.
Le vrai contreprojet, pour nous, celui qui apportera des résultats concrets, c'est le processus de négociation dans lequel nous nous sommes engagés il y a cinq ans avec la Confédération. Les discussions ont été ardues, mais ont abouti à l'élaboration de la fiche PSIA. C'est une nouveauté par rapport au débat qui a eu lieu dans ce Grand Conseil il y a un an - pratiquement jour pour jour ! - et par rapport au sort qu'a réservé votre parlement à l'initiative. Ce qui a changé, c'est que l'automne dernier, plus précisément le 14 novembre de l'année passée, le Conseil fédéral a accepté cette fameuse fiche négociée de haute lutte.
Contrairement à ce qui a été affirmé à plusieurs reprises du côté des partisans de l'initiative, il n'est pas question d'ouvrir les vannes, il n'est pas question d'écarter tout contrôle, il n'est pas question de souscrire entièrement à l'évolution annoncée. Cette fiche, qui constitue maintenant une feuille de route, contient des objectifs extrêmement précis, ambitieux et volontaristes auxquels le Conseil d'Etat va se tenir, qui engagent autant la Confédération que le Conseil d'Etat et qu'il s'agit à présent de traduire dans les faits. Nous allons discuter avec l'Aéroport international de Genève et prendre des mesures ensemble qui seront documentées.
Quel est le but ? Cela a déjà été dit, je m'excuse de le répéter: le but, c'est qu'en 2030, les nuisances générées par l'aéroport s'élèvent au niveau de celles que nous connaissions en 2009, et nous nous engageons à ce que ce chemin soit emprunté progressivement dès maintenant. Ainsi, nous sommes très clairement dans une logique de réduction des nuisances, et pas du tout dans une logique d'ouverture des vannes, comme cela a été dit. Je tiens à le souligner, je tiens à le rappeler.
Ce que je tiens à rappeler également, c'est qu'il ne s'agit pas de vagues promesses, mais de réalités qui vont se concrétiser dans les faits - qui se concrétisent déjà dans les faits, puisque nous travaillons directement avec la direction et le conseil d'administration de l'aéroport - par la mise au point d'un nouveau règlement d'exploitation qui sera transmis à brève échéance - au mois de mars encore - à la Confédération, ainsi que par une convention d'objectifs sur laquelle nous travaillons actuellement, celle à laquelle il est d'ailleurs fait référence dans le contreprojet.
L'objectif, Mesdames et Messieurs, c'est véritablement de réduire les nuisances. Nous y oeuvrons dans un esprit volontariste s'agissant en particulier des vols qui causent beaucoup de désagréments sonores, c'est-à-dire ceux qui ont lieu entre 22h et 6h; il s'agira donc de restreindre les décollages à partir de 22h. Il y aura également des mesures incitatives par le biais de taxes, notamment des taxes contre le bruit qui encourageront les compagnies aériennes à un renouvellement accéléré de leurs flottes. Voilà la stratégie, voilà les actions très concrètes auxquelles nous allons aboutir, voilà l'engagement du Conseil d'Etat qui constitue pour nous le véritable contreprojet à mettre en oeuvre.
L'inscription dans notre constitution des dispositions tant de l'initiative que du contreprojet reste une bonne intention, mais la réalité est celle que je viens de vous décrire, à savoir la mise en place de mesures tangibles afin de concilier les impératifs de protection de l'environnement, de la population et de sa santé et les besoins de Genève en matière économique et de relations internationales.
Il y a une année, le Conseil d'Etat vous avait recommandé de refuser l'initiative - ce fut chose faite - et expliqué qu'il ne voyait pas l'utilité d'un contreprojet; ce que je peux vous dire aujourd'hui, à la lecture du contreprojet issu de la commission de l'économie, c'est que le Conseil d'Etat peut tout à fait vivre avec. Il vous prie donc de prendre dans quelques instants la décision qui s'impose à ses yeux. Merci. (Quelques applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs, je lance le vote sur l'entrée en matière du contreprojet, soit du PL 12435...
Des voix. Vote nominal !
Le président. Le vote nominal a déjà été demandé et enregistré. C'est parti !
Mis aux voix, le projet de loi 12435 est adopté en premier débat par 56 oui contre 41 non et 2 abstentions (vote nominal).
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis de deux amendements de M. Falquet modifiant les alinéas 2 et 3 de l'article 191A. Je lui passe la parole pour qu'il nous en fasse la présentation, puis je les mettrai aux voix l'un et l'autre.
M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Ce contreprojet nous pose un problème de conscience... (Exclamations.) ...même si M. Pfeffer a pris le rapport de majorité - il expliquera peut-être, s'il a le temps, pourquoi il l'a pris. (Exclamations.) Nous sommes dans une réflexion, car tout le monde a bien compris que le contreprojet vide l'initiative de sa substance. Or le but, c'est quand même d'améliorer la qualité de vie des riverains !
Le problème actuel, c'est le modèle économique choisi par l'aéroport: on va chercher artificiellement une clientèle jusqu'à Lyon, on la fait venir quasi gratuitement à Genève. Même le PLR remet en cause ce système, puisque M. Genecand s'est exprimé là contre. Nous fonçons droit dans le mur avec ce modèle économique qui n'a aucun sens, qui est absurde, le low cost, un modèle de surconsommation qui nous mène carrément dans le vide.
Alors j'ai décidé - enfin, nous avons décidé, puisque même M. Pfeffer y a participé - de déposer un amendement qui, à notre avis, est plus puissant que l'initiative, parce qu'il propose une diversification des vols plutôt que de donner la priorité aux vols à bas prix en créant un tourisme stupide, en allant chercher la clientèle dans l'Europe entière, en la faisant venir à Genève pour la renvoyer ailleurs. Il faut absolument sortir de ce système absurde ! Notre amendement à l'alinéa 2 demande ainsi une diversification des destinations. En fait, si l'aéroport affiche une diminution du nombre de vols, c'est parce qu'il a aussi supprimé des long-courriers, ce qui est dommage. Je le répète: l'amendement à l'alinéa 2 vise à diversifier les vols et à stopper le développement du low cost.
J'en viens maintenant à notre amendement à l'alinéa 3. Mesdames et Messieurs, nous devons choisir entre la qualité de vie des Genevois et le développement de l'aéroport, on ne peut pas préserver les riverains, l'atmosphère, la santé - on sait que la santé de la population se dégrade - et, dans le même temps, encourager la vie économique. Le low cost, de toute façon, ce n'est pas la vie économique, ça ne fait pas vivre Genève, comme chacun l'a bien compris maintenant. La priorité est de lutter contre les nuisances, et c'est pourquoi nous avons marqué notre ferme volonté de protéger les riverains en enlevant tout ce qui était ambigu et qui vidait l'initiative de sa substance.
Je vous recommande de voter ces deux amendements. Pourquoi ? Parce que lors d'une votation populaire, s'il y a un contreprojet à une initiative, en général... (Brouhaha.)
Le président. Un instant, s'il vous plaît...
M. Marc Falquet. ...c'est celui-là qui est accepté.
Le président. Monsieur le député !
M. Marc Falquet. Dans le cas présent, s'il est accepté, ça va être... (Commentaires.)
Des voix. Marc !
M. Marc Falquet. Pardon ?
Une voix. Il a dit de t'arrêter deux secondes.
M. Marc Falquet. Ah, excusez-moi !
Le président. Ecoutez, Mesdames et Messieurs, il y a un bruit continuel, c'est vraiment difficile de suivre le débat. Pour ma part, je souhaiterais entendre ce qui se dit de façon à vous présenter les amendements tout à l'heure et que vous soyez au courant de ce que veut le député qui s'exprime. Merci donc de faire silence pour qu'il puisse arriver au bout de son argumentation. Vous avez à nouveau la parole, Monsieur Falquet.
M. Marc Falquet. Merci. En votation, comme je le disais, il y a de fortes probabilités que le contreprojet soit accepté. Voter ces amendements, c'est améliorer considérablement le contreprojet, voire l'initiative. Lisez-les bien, ils rendent le texte plus efficace, parce qu'ils parlent de la qualité de vie des riverains et pas des besoins économiques; la priorité va à la population. Je crois que tout le monde l'a compris, sauf certains. Merci.
Le président. Je vous remercie. Messieurs Wenger et Béné, vous n'avez plus de temps de parole... (Remarque.) Non, c'est comme ça ! Monsieur Pfeffer, si vous souhaitez ajouter quelque chose, le micro est à vous.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci. Cet amendement correspond à la volonté de beaucoup de riverains. Je rappelle les propos d'un conseiller administratif PLR qui a été auditionné: «[...] on ne peut plus considérer les communications aériennes comme une réponse aux besoins. [...] on doit clairement se poser la question d'une certaine qualité du transport aérien». Il dénonce clairement le modèle low cost. Merci de soutenir cet amendement.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote sur le premier amendement qui est projeté à l'écran et que je vais même vous lire:
«Art. 191A, al. 2 (nouvelle teneur)
2 Dans le cadre défini par la Confédération et les limites de ses compétences, l'Etat veille à ce que la qualité de la desserte aérienne réponde aux besoins et intérêts de la population locale et régionale ainsi qu'aux nécessités de la Genève internationale, en privilégiant, dans le respect du droit supérieur, une offre diversifiée et équilibrée.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 88 non contre 7 oui et 1 abstention.
Le président. Voici le second amendement:
«Art. 191A, al. 3 (nouvelle teneur)
3 L'Etat prend toutes les mesures adéquates pour limiter les nuisances dues au trafic aérien, dans le respect du droit supérieur, en limitant au maximum le bruit et la circulation routière aux alentours de Genève Aéroport, afin de préserver prioritairement la qualité de vie des riverains et la santé globale de la population.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 65 non contre 33 oui.
Mis aux voix, l'art. 191A (nouveau) est adopté.
Mis aux voix, l'art. unique (souligné) est adopté.
Troisième débat
Le président. C'est le moment de nous prononcer sur le projet de loi dans son entier... (Remarque.) Monsieur Pfeffer, vous avez encore quelque chose à dire ?
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Oui, Monsieur le président. (Un instant s'écoule.)
Une voix. Vas-y !
M. André Pfeffer. Merci. Plusieurs fois, la gauche et les Verts ont dit avoir une position claire. Au contraire, il faut relever leur approche et leurs actions contradictoires: ils soutiennent des mesures drastiques contre le trafic aérien et, parallèlement, veulent déclasser deux grandes zones villas à proximité de la piste de l'aéroport pour y construire des barres d'immeubles.
Cela est d'autant plus surprenant qu'on ne peut pas construire de logements sur une partie de ces terrains. Que se passera-t-il ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Est-ce qu'il y aura des bureaux à la place des logements ? Le slogan des écolo-bétonneurs pour du logement et des emplois à proximité s'avère totalement faux. Bref, entre écolo-dogmatiques et écolo-bétonneurs, il y a une ligne brumeuse et floue.
Mme Jocelyne Haller. Et vous allez voter, signer le...!?
M. André Pfeffer. Encore une fois, le contreprojet prend en compte la situation réelle ainsi que les outils prévus pour maîtriser et réduire le bruit et la pollution.
Le président. Bien, je vous remercie...
M. André Pfeffer. Contrairement à ce qui a été dit... (Rires.) ...il existe une législation contraignante et stricte en ce qui concerne les nuisances. Je le répète: l'objectif est de diminuer le bruit, tandis que les émissions de CO2 seront plafonnées dès 2021. Je recommande encore une fois l'acceptation du contreprojet. Merci.
Le président. Voilà, merci. Mesdames et Messieurs, nous passons au vote d'ensemble.
Mise aux voix, la loi 12435 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 56 oui contre 42 non et 1 abstention.
Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission IN 163-C.
Débat
Le président. Nous abordons notre deuxième point fixe, l'IN 164-B, que nous traitons en catégorie II, quarante minutes. Le rapport est de Mme Véronique Kämpfen, à qui je passe la parole.
Mme Véronique Kämpfen (PLR), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, l'IN 164 propose l'adoption d'une loi cantonale dont l'objectif serait de permettre un meilleur contrôle de l'expérimentation animale. Malheureusement - et contrairement à ce que laisse entendre le titre de cette initiative - son texte ne suggère aucune amélioration du bien-être ou du contrôle de l'expérimentation animale. En réalité, l'initiative demande l'octroi d'un droit de recours aux candidats à la commission cantonale pour les expériences sur les animaux dont la candidature n'a pas été retenue et qui n'ont donc pas été nommés. Ce droit de recours serait également accordé aux organismes de protection des animaux ayant présenté ces candidatures. L'initiative demande aussi que chaque membre de la commission, à titre individuel et indépendamment des autres commissaires, puisse faire appel à un expert extérieur et recourir contre la décision de l'autorité délivrant une autorisation d'expérimentation animale. L'initiative propose en outre des dispositions dont la majorité est déjà mise en oeuvre à Genève, en vertu de la loi fédérale sur la protection des animaux ou de son règlement cantonal d'application.
Un élément est cependant complètement nouveau. Il s'agit de l'article 4, alinéa 2, libellé comme suit: «Les représentants des associations de protection des animaux au sens de la lettre e sont issus d'organisations actives dans le domaine de l'expérimentation animale. A défaut de candidat adéquat, les autres associations de protection des animaux sont sollicitées.» Cette disposition entraînerait une primauté de fait des représentants de la Ligue suisse contre la vivisection - LSCV - au sein de la commission cantonale, alors qu'il existe quatre associations de défense des animaux à Genève. En effet, à ce jour seule la Ligue suisse contre la vivisection est active dans le domaine de l'expérimentation animale selon ses statuts. Les autres organismes de protection animale ne pourraient donc être sollicités que si la LSCV ne peut pas ou ne veut pas présenter de candidat adéquat.
Alors comment en est-on arrivé à ce texte au titre trompeur ? En 2014, le Conseil d'Etat a nommé au sein de la commission deux membres de la Ligue suisse contre la vivisection comme représentants de la protection des animaux. En 2015, l'un d'entre eux a démissionné. En 2016, la LSCV a proposé la candidature d'une vétérinaire vivant et exerçant en France, candidature qui a été refusée par les autorités au motif que la personne en question n'avait aucun lien avec la vie genevoise et ses institutions. Suite à ce refus, le président de la LSCV, qui représentait la ligue au sein de la commission, ne s'est plus présenté aux séances et a préavisé négativement toutes les demandes qui lui étaient soumises sans pour autant en donner les motifs. En janvier 2017, il a démissionné de la commission, alors qu'il avait déposé l'initiative dont nous parlons en décembre 2016. Cette démarche vise donc clairement à mettre les recherches soumises à la commission pour les expériences sur les animaux sous la tutelle de la Ligue suisse contre la vivisection.
Le canton de Genève a amélioré il y a déjà plus de dix ans les procédures pour la mise en oeuvre de la surveillance de l'expérimentation animale. La commission genevoise pour les expériences sur les animaux est d'ailleurs la seule commission cantonale suisse qui compte en son sein une majorité de représentants sensibles à la cause animale. Elle est indépendante de l'autorité et son fonctionnement est démocratique. En conclusion, l'initiative n'améliorerait en rien le contrôle de l'expérimentation animale - comme cela nous a été confirmé par le président de la commission cantonale pour les expériences sur les animaux - mais conduirait à un fort ralentissement du traitement des dossiers, sans compter qu'elle permettrait à la Ligue suisse contre la vivisection d'imposer ses candidats au détriment des compétences de représentants d'autres associations, cela en privant de facto le Conseil d'Etat de la compétence de désigner les membres de ladite commission, ce qui créerait un dangereux précédent. En outre, l'initiative compliquerait le processus de nomination au sein de la commission puisqu'elle offrirait aux candidats non nommés et à l'association qui les a présentés la possibilité de recourir contre la décision du Conseil d'Etat. Enfin, la mise en oeuvre de l'initiative reviendrait à donner à chaque membre de la commission le pouvoir individuel de retarder voire de paralyser ses travaux, sans qu'il soit tenu compte de l'avis des autres membres, ce qui va clairement à l'encontre du principe de collégialité qui doit prévaloir au sein d'une commission. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission de la santé a refusé le principe d'un contreprojet ainsi que l'initiative dans son ensemble et vous prie, chers collègues, Mesdames et Messieurs les députés, de faire de même ce soir. Je vous remercie, Monsieur le président.
M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien va refuser cette initiative. Lors de son examen, nous avons entendu des représentants de la commission en question et cherché à savoir si elle avait connu des problèmes au niveau notamment de l'expérimentation animale, si les personnes qui la composent avaient eu de nettes différences de vues sur certains sujets, et on nous a chaque fois répondu qu'il n'y avait jamais eu de problème et que les projets qui avaient été refusés par la commission n'avaient été repris ni par le canton ni par la Confédération. Cette commission semblait donc fonctionner de façon parfaitement normale et surtout - car c'était quand même la question que nous nous posions - dans le respect de la cause animale. On a vite compris que l'initiative avait été lancée par un groupe de pression, à savoir la Ligue suisse contre la vivisection - qui s'appelle désormais Ligue suisse contre l'expérimentation animale - et que ces personnes déniaient clairement à toute autre organisation de protection animale le droit de défendre les animaux: ce sont les seules qui savent y faire dans ce domaine. Mais il nous a quand même paru surréaliste qu'on dépose une initiative pour réserver deux postes à une association et qu'on ne laisse pas au canton le choix de ses représentants ! On a bien vu que lorsqu'il a fallu trouver quelqu'un et qu'une personne vivant et exerçant en France a été proposée, le Conseil d'Etat n'a pas accepté cette candidature. Cette initiative donnerait en outre un pouvoir à la Ligue suisse contre la vivisection, dans la mesure où son article 7 prévoit que chaque membre de la commission puisse demander des contre-expertises, lesquelles seraient payées par celui qui les sollicite. Or pour demander des contre-expertises, il faut des moyens financiers, moyens dont la Ligue suisse contre la vivisection dispose probablement. Elle peut donc le faire !
Au vu de ce qui précède, il n'y avait aucune raison de procéder à une quelconque modification de la loi, parce que le respect de la cause animale tient clairement à coeur à l'Etat et aux députés genevois. On sait que les contrôles dans les animaleries ont été critiqués, mais ils sont effectués par le vétérinaire cantonal, qui les fait extrêmement bien et de façon très stricte. De plus, d'énormes progrès ont été réalisés lors des vingt dernières années dans le domaine de l'expérimentation animale, avec une diminution très nette du nombre d'animaux utilisés et l'emploi d'autres méthodes. Nous avons même entendu le spécialiste des méthodes alternatives, puisqu'il existe effectivement des méthodes alternatives qui permettent d'éviter le recours aux animaux. Pour toutes ces raisons, et parce que cette initiative est partiale et vise simplement à soutenir un groupe de pression, nous vous proposons de la refuser et de ne pas lui opposer de contreprojet. Je vous remercie.
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe Ensemble à Gauche est particulièrement attentif à ces questions d'expérimentation animale. Nous sommes sensibles à cette cause, mais suite aux travaux de la commission de la santé, il s'est finalement avéré qu'il n'y avait pas de problème de fonctionnement s'agissant des préoccupations qui avaient été exprimées par le représentant des initiants. La représentante du département de la santé a même relevé qu'au cours des trente dernières années, il n'était jamais arrivé que l'autorité ne respecte pas le préavis de la commission; en revanche, l'autorité a parfois estimé que les décisions de ladite commission n'étaient pas suffisamment sévères et s'est alors montrée plus rigoureuse que cette dernière. De ce point de vue là, il nous a donc semblé qu'il n'y avait pas de problème, d'autant que lorsque nous avons questionné M. Fournier, qui se présentait comme le premier signataire, il a lui-même reconnu que la commission fonctionnait de façon tout à fait satisfaisante depuis que sa composition avait été modifiée et qu'il n'y avait pas de changement à apporter à cet égard.
Concernant les demandes formulées dans l'initiative, je relèverai deux éléments gênants, qui m'ont pour ma part amenée à refuser ce texte en commission - mon groupe quant à lui s'abstiendra ce soir - à commencer par la question de la primauté revendiquée par la Ligue suisse contre la vivisection, dans la mesure où il s'avère qu'elle tente d'obtenir une primauté au détriment des autres organisations de protection des animaux sans qu'on voie bien à quel titre elle s'octroie cet avantage. Voilà pour le premier point relatif à la composition de la commission. Pour ce qui est maintenant de ses compétences, nous étions particulièrement gênés par le fonctionnement proposé, à savoir que chaque membre puisse, à titre individuel, commettre à ses frais un expert indépendant, voire faire recours auprès de la Chambre administrative. De ce point de vue, la commission est perçue uniquement comme une addition d'individus et non pas comme un organe collectif qui alimente sa réflexion grâce aux apports de chacun et délivre une opinion issue d'une concertation et d'une réflexion collectives, ce qui ne nous paraît pas souhaitable. Pour ces motifs, mon groupe s'abstiendra. En revanche, si les initiants revenaient avec certaines préoccupations qui auraient pour leur part trait à la protection des animaux et à un meilleur contrôle de l'expérimentation animale, nous pourrions alors être favorables à un contreprojet, mais tout dépendrait du contenu de celui-ci. Je vous remercie de votre attention.
M. Pierre Nicollier (PLR). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, nous ne sommes pas face à un projet pour ou contre l'expérimentation animale. Il s'agit d'une initiative qui, sous un titre trompeur, cherche à imposer une association au détriment des autres. D'ailleurs, ce sont les initiants eux-mêmes qui nous ont dit que la décision du Conseil d'Etat de faire siéger une autre association avait motivé leur volonté de lancer cette initiative. Le second changement proposé par ce texte serait l'octroi d'un droit de recours pour chaque membre de la commission, ce qui signifie dans les faits que le membre minorisé lors de la prise de position de la commission pourrait bloquer la décision finale. A quoi donc cette commission servirait-elle ? Nous ne pouvons que nous réjouir du fonctionnement de notre démocratie et de la possibilité offerte aux citoyens de lancer des initiatives. Cependant, dans ce cas, nous ne pouvons accepter le mariage de la carpe et du lapin. Genève est un élève reconnu en matière de protection des animaux et de contrôle de l'expérimentation animale, nous vous invitons donc à refuser massivement cette initiative tout comme le principe d'un contreprojet. Merci.
M. Sylvain Thévoz (S). Mesdames et Messieurs les députés, aujourd'hui tous les travaux de recherche impliquant l'utilisation d'animaux doivent être menés dans le respect du cadre légal imposé par la loi fédérale sur la protection des animaux et sous le contrôle des autorités cantonales et fédérales... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, Monsieur le député ! Un peu de silence dans les rangs du PLR ! (Exclamation.) Merci ! Ça nous changera... Vous pouvez poursuivre, Monsieur.
M. Sylvain Thévoz. Merci, Monsieur le président. La législation suisse sur la protection des animaux est l'une des plus poussées au monde et le domaine de l'expérimentation animale est strictement réglementé. Chaque expérimentation est examinée par une commission cantonale pour les expériences sur les animaux et les chercheurs doivent prouver que les bénéfices pour la société sont plus importants que les souffrances infligées aux animaux lors des expériences. L'initiative 164 propose l'adoption d'une loi cantonale dont l'objectif serait de permettre un meilleur contrôle de l'expérimentation animale. Pour atteindre cet objectif, le texte prévoit en particulier l'octroi d'un droit de recours aux candidats à la commission cantonale pour les expériences sur les animaux - CCEA - qui n'ont pas été retenus. Ce droit de recours serait également accordé aux organismes de protection des animaux ayant présenté ces candidatures. L'initiative demande en outre que chaque membre de la CCEA, à titre individuel et indépendamment des autres commissaires, puisse faire appel à un expert extérieur et recourir contre la décision de l'autorité délivrant une autorisation d'expérimentation animale, et qu'il ne soit pas soumis au secret de fonction dans le cadre de l'exercice de ces deux compétences. Pour le groupe socialiste, ce texte va donc à l'encontre du principe de collégialité de la commission, car s'il était accepté, un seul de ses membres pourrait bloquer des décisions. Il serait également problématique pour le secret professionnel qu'un membre de la commission puisse demander un avis externe. Le groupe socialiste est par conséquent défavorable à cette initiative, qui va trop loin. De plus, elle propose des dispositions dont la majorité est déjà mise en oeuvre à Genève.
Aujourd'hui, cette commission fonctionne bien. Pour rappel, elle est composée de sept membres: deux représentants des milieux de la recherche, un spécialiste des méthodes alternatives, un bioéthicien, un représentant de la société genevoise des vétérinaires et deux représentants des associations de protection des animaux. Vous voyez qu'à cet égard elle est assez représentative, notamment en ce qui concerne la défense des droits des animaux. En outre, comme on l'a dit, le canton de Genève a amélioré il y a de nombreuses années les procédures relatives à la protection des droits des animaux. Quand on parle d'expérimentation animale, on a parfois des images de singes trépanés et autres qui nous viennent en tête, et quand on navigue sur le site de certaines entités luttant contre la vivisection, on peut voir des animaux empoisonnés, brûlés, aveuglés, affamés, mutilés, congelés... Cette base-là n'a pas lieu d'être en Suisse, ce n'est pas la réalité qu'on éprouve par exemple à Genève. Du reste, il est intéressant de constater que dans le cadre des recherches menées aujourd'hui à l'université, une grande partie des chercheurs souhaitent pouvoir renoncer à utiliser des animaux et se tourner vers des expérimentations sans ces derniers, mais pour cela il faut que la recherche avance et puisse s'en passer. Or cette initiative ne propose hélas aucune mesure pour développer des solutions alternatives à l'expérimentation animale et dégager des pistes permettant de diminuer la souffrance des animaux; au contraire, elle freinerait justement ces possibilités. Nous vous invitons donc à la refuser. Le groupe socialiste ne soutiendra pas non plus le principe d'un contreprojet, car dans sa nature même cette initiative ne le permet pas: elle n'est pas collégiale et va à l'encontre de cette pratique démocratique. Merci.
Mme Alessandra Oriolo (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, pour nous les Verts il est important de s'assurer que l'expérimentation animale soit réalisée dans les meilleures conditions possible. (Commentaires. L'oratrice s'interrompt.) Vous m'entendez ?
Des voix. Oui !
Mme Alessandra Oriolo. Personnellement, je suis même opposée à l'expérimentation animale en raison de la souffrance qu'elle engendre et du peu de résultats scientifiques fiables qu'elle apporte. Cependant, la teneur de cette initiative est problématique, comme l'ont dit mes préopinants, car cette dernière accorderait un droit de recours à titre individuel aux frais de la personne recourant, ce qui violerait le principe de collégialité de la commission. Cette initiative pourrait donc être contraire au droit supérieur ! Pour ces raisons, les Verts ne pourront pas la soutenir.
Le sujet est toutefois d'importance, nous l'avons dit. Qui est touché par l'expérimentation animale ? En 2017, 615 000 animaux étaient concernés en Suisse, soit une diminution de 2,4% par rapport à l'année précédente. Depuis la révision de la loi sur la protection des animaux en 2008, la baisse totale du nombre d'animaux utilisés dans les laboratoires s'élève à 100 000 unités. On considère d'ailleurs que la Suisse possède la législation la plus stricte au monde, mais faut-il s'en féliciter ? Je pense qu'il reste beaucoup de chemin à parcourir. En lisant la loi fédérale sur la protection des animaux, je réalise à quel point elle est archaïque, puisqu'elle hiérarchise les animaux. Je me réfère notamment à l'alinéa 2 de l'article 20, intitulé «Exécution des expériences», que voici: «Des expériences ne peuvent être exécutées sur des animaux d'un rang élevé du point de vue de l'évolution que s'il n'est pas possible d'atteindre le but visé avec des animaux d'un rang moins élevé [...].» Je crois qu'il faudra donc probablement changer de paradigme si nous voulons améliorer la condition des animaux. Le mouvement antispéciste permet par exemple de remettre en question la séparation que nous avons tendance à faire de façon absolue entre les hommes et les animaux. On se souviendra à ce propos de la célèbre phrase de Bentham: «La question n'est pas: peuvent-ils raisonner ? Ni: peuvent-ils parler ? Mais: peuvent-ils souffrir ?» Je souhaite rappeler qu'en tant qu'instance législative nous avons du pain sur la planche pour améliorer, voire réformer cette loi fédérale sur la protection des animaux, mais ce n'est hélas pas le sujet du jour.
Pour revenir à cette initiative cantonale, je tenais à souligner son intérêt dans la mesure où elle questionne le rôle de la commission cantonale pour les expériences sur les animaux, laquelle n'a pas vraiment de rôle décisionnel. Peut-être serait-il donc intéressant de réfléchir à lui donner plus de force, notamment à travers un droit de recours collégial ou du moins étendu à deux ou trois membres, comme c'est le cas aujourd'hui dans le canton de Zurich. Nous les Verts aurions voulu que la commission propose un contreprojet, mais cette dernière en a malheureusement refusé le principe. Si c'est possible, nous souhaiterions le faire ce soir en plénière, car en l'état nous ne pouvons pas accepter cette initiative qui a été partiellement invalidée par le Conseil d'Etat à cause de son incompatibilité avec le droit supérieur. Nous sommes cependant sensibles à ce thème et pensons qu'il faut rester vigilant, parce que l'expérimentation animale est un sujet qui nous tient à coeur et qui doit être porté. Le message a donc été entendu, et nous continuerons le combat pour améliorer le bien-être des animaux de toutes les manières possibles. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Thierry Cerutti (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, je vais être extrêmement bref: nous refuserons cette initiative. Merci. (Rires.)
M. Pierre Vanek (EAG). Monsieur le président, je fais appel à vos infinies connaissances en matière de LRGC. La députée qui vient d'intervenir a posé une question, je pense donc qu'une clarification est nécessaire ! Nous votons sur l'initiative; si elle est refusée, nous nous prononçons sur le principe d'un contreprojet, sans qu'il faille que la commission en propose un clés en main. Nous votons sur le principe, l'idée, la possibilité de rédiger un contreprojet, ce qui a pour effet - sauf erreur - de retarder d'une année la votation et de laisser un espace dans lequel les initiants, une commission, des députés ou d'autres peuvent s'engouffrer pour proposer à ce parlement un contreprojet. C'est bien comme ça que ça se passe ?
Le président. Oui, c'est exactement ça ! Je ferai voter l'assemblée sur l'initiative elle-même et, si elle est refusée, je mettrai aux voix le principe - et seulement le principe - d'un contreprojet.
M. Pierre Vanek. Seulement le principe ! Alors sur le plan politique, je me permets de préciser l'intervention de ma respectée et vénérée cheffe de groupe Jocelyne Haller, qui a voulu dire que, sur le principe, le groupe Ensemble à Gauche soutenait l'idée qu'il puisse y avoir un contreprojet à cette initiative, que nous ne soutenons pas.
Le président. Je vous remercie. La parole n'étant plus demandée, nous passons au vote sur la prise en considération de cette initiative.
Mise aux voix, l'initiative 164 est refusée par 61 non et 20 abstentions.
Le président. Je mets maintenant aux voix le principe d'un contreprojet, selon la procédure qui vient d'être très bien expliquée par M. Vanek.
Mis aux voix, le principe d'un contreprojet est refusé par 50 non contre 27 oui et 4 abstentions.
Débat
Le président. Nous abordons le dernier point fixe de notre ordre du jour... (Brouhaha.) S'il vous plaît ! (Un instant s'écoule.) ...à savoir la R 872. Chers collègues, nous la traiterons en catégorie II, trente minutes, et je passe immédiatement la parole à M. le député Pierre Vanek qui l'a demandée.
M. Pierre Vanek (EAG). Merci, Monsieur le président. Cette affaire relève du Grand Guignol ! Nous sommes saisis pour la troisième fois en moins d'une année d'une réorganisation des départements, proposée par le Conseil d'Etat pour les raisons que l'on sait ! Pour les raisons que l'on sait, non pas grâce à la lecture de l'exposé des motifs de la proposition de résolution qui nous est soumise, parce qu'il n'y en a pas ! La modification de la composition des départements est décrite puis, «au bénéfice de ce qui précède», le Conseil d'Etat vous invite à voter le texte. Il n'y a donc même pas d'exposé des motifs. Je ne sais d'ailleurs pas si c'est vraiment possible de déposer une proposition de résolution sans exposer les motifs; j'avais essayé de le faire une fois et M. Thorens, ou quelqu'un d'autre, m'a dit que je ne pouvais pas. Ça pose donc un problème, mais c'est un problème de forme.
Sur le fond, la population, les habitants de ce canton et les membres de l'administration perçoivent comme infiniment peu démocratique qu'on joue constamment au bonneteau avec les départements ! Personne ne s'y retrouve, personne n'y comprend plus rien. Ça pose un problème de transparence démocratique et ça pose un autre problème évident: qu'est-ce qui doit s'adapter à quoi ? Pour nous, les personnes qui sont élues doivent s'adapter au cadre légal et administratif et servir l'Etat - et, à travers lui, la collectivité. Or on se trouve ici dans une situation où c'est l'Etat et l'organisation de ses services, la répartition en services et en départements de dizaines de milliers de fonctionnaires qui doivent s'adapter aux...
Une voix. Turpitudes !
M. Pierre Vanek. ...particularités, disons - on me souffle turpitudes, mais vous connaissez ma modération - de cette personne ! Ce n'est pas très très sérieux ! Alors sur le principe, vous me direz qu'il a bien fallu faire face à une situation qui, que, etc. Nous vous avons proposé des alternatives, Mesdames et Messieurs, et nous vous proposons des alternatives pour nous débarrasser de qui vous savez et ne pas être obligés de créer un pseudo-département de quinze personnes pour l'occuper ! Il y a donc des solutions, des solutions légales, et le fait de réorganiser les départements est problématique. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Au fond - je conclurai par là, Monsieur le président - ce dont nous avons besoin, ce n'est pas que le Conseil d'Etat, à la tour Baudet ou ailleurs, se réunisse et se réorganise tous les trois ou six mois et propose des modifications de départements, qui ont par ailleurs aussi un coût. Il faut une loi sur le découpage pérenne des départements et de l'administration, soumise à un contrôle démocratique par la voie référendaire, et nous proposerons sous peu...
Le président. Voilà, Monsieur Vanek.
M. Pierre Vanek. ...non pas une loi qui aille dans ce sens, mais d'en élaborer une dans le cadre de la commission de contrôle de gestion...
Le président. Vous avez terminé, Monsieur Vanek, je vous remercie infiniment de votre célérité...
M. Pierre Vanek. C'est moi qui vous remercie, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Le président. ...et passe la parole à M. Stéphane Florey.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. La solution qui nous est proposée aujourd'hui - créer un département du développement économique - n'est tout simplement pas acceptable; pour nous, ce n'est simplement pas un département ! Je ne sais pas si certains offices comme on en connaît - l'office cantonal de la population par exemple - ne sont pas même plus importants que ce petit département qui ressemble plus à une activité pour un préretraité... (Rires.) ...et qui sent franchement le sapin... (Rires. Commentaires.)
Des voix. Oh !
M. Stéphane Florey. ...sans dire qu'il sent clairement le formol, mais bon !
Des voix. Oh !
M. Stéphane Florey. Au-delà de ça, il aurait été beaucoup plus simple pour le collège et plus correct vis-à-vis de lui-même de faire une rocade, comme nous l'avions déjà dit lors des précédents débats concernant les changements de départements. Une rocade aurait été largement suffisante et aurait été possible. Créer non seulement un office en disant que c'est un département, mais créer par ailleurs trois départements mammouths ! Voilà finalement de quoi il s'agit.
Je ne mets pas en doute les compétences de ceux qui récupèrent la police, l'office cantonal des poursuites ou même la surveillance des communes. On ne remet pas en cause le fait que vous pouvez gérer ça, mais est-ce que vous arriverez à tout gérer ? Eh bien moi, personnellement, j'en doute ! Parce qu'un conseiller d'Etat n'est pas un superhéros tels qu'on les voit au cinéma; c'est tout simplement un être humain qui a une charge de conseiller d'Etat et, au bout d'un moment, il ne peut tout simplement plus assumer une charge qui serait trop importante. Il faut rester réaliste, je vous invite à garder les pieds sur terre, Messieurs les conseillers d'Etat ! Arrêtez de vous prendre pour des surhommes qui pourraient tout gérer: ce n'est tout simplement pas possible ! Ce n'est tout simplement pas crédible ! Pour ces raisons, le groupe UDC refusera cette proposition de résolution et vous invite fortement à la refuser, Mesdames et Messieurs les députés. Que le Conseil d'Etat revienne vers nous avec une proposition crédible. Je vous remercie.
Une voix. Très bien, bravo !
M. Pierre Eckert (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, voilà qu'un nouveau tour de magie nous est publiquement présenté. Et comme dans Harry Potter, on ne doit pas prononcer le nom du personnage principal ! (Rires. Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Pierre Eckert. Je me suis d'ailleurs laissé dire à l'oreille que, dans son propre parti, une obole substantielle était due si son nom était articulé. (Rires.) Bref, ce personnage n'a pas su prendre ses responsabilités en vue d'une gestion saine de l'Etat, ce que nous ne pouvons que regretter une fois de plus. Car ne nous trompons pas: malgré ce que veut bien en dire le Conseil d'Etat, son fonctionnement et la répartition des départements sont devenus boiteux. Ça ne date pas de ce tour de magie mais du précédent déjà, que nous avons pu admirer en automne dernier.
De notre côté, nous félicitons le grand Dumbledore vert qui revêt maintenant de façon plus durable la cape présidentielle. Nous pensons toutefois que les défis liés au département du territoire sont importants, que cela concerne l'aménagement, l'environnement ou la mobilité, et nous espérons que le cumul avec la charge présidentielle ne perturbera pas trop l'action dans ces domaines. Ce qui nous paraît plus problématique, c'est la fusion de toute la sécurité avec un bouillon qui était déjà peu lié - je veux parler de l'emploi et de la santé - rendant le tout incohérent. Même le public le plus crédule a remarqué qu'il y avait un truc ! Nous eussions largement préféré que l'emploi soit rattaché à la cohésion sociale. Cela dit, nous sommes conscients du fait que la situation inédite à laquelle le Conseil d'Etat est confronté oblige à des décisions suboptimales.
M. Pierre Vanek. Oh, ça, c'est élégamment dit !
M. Pierre Eckert. C'est élégamment dit, hein ! (Rires.) Nous souhaitons également apporter une certaine stabilité au personnel rattaché à ces départements et ne pas changer une nouvelle fois de structure. Un refus de la résolution conduirait également à conserver la répartition précédente et à conserver ainsi au personnage dont nous tairons le nom un certain nombre de prérogatives incompatibles avec les procédures judiciaires en cours. Le groupe des Verts sortira donc sa baguette magique et acceptera cette nouvelle répartition, en espérant qu'aucun sort maléfique ne lui sera jeté par la suite. (Applaudissements.)
M. Jean-Luc Forni (PDC). Si au sortir de Saint-Pierre le train gouvernemental avait fière allure, il est vrai qu'il a vite fallu déchanter pour les raisons que l'on sait, ce train perdant sa principale locomotive. Le groupe démocrate-chrétien a toujours soutenu qu'il fallait un Conseil d'Etat fort pour relever les nombreux défis auxquels cette législature est confrontée. Nous avons clairement soutenu le programme de législature - je crois que nous sommes le seul parti à l'avoir soutenu après le discours de Saint-Pierre. Comme d'autres dans cette salle, nous sommes aujourd'hui un peu inquiets face à certains départements mammouths. Non que nous mettions en cause les capacités des magistrats à les gouverner et à les gérer ou la capacité des hauts fonctionnaires à les administrer correctement. Mais nous pensons que cette nouvelle organisation, la troisième, n'est pas forcément durable sur l'ensemble d'une législature.
Nous mesurons cependant la situation exceptionnelle à laquelle nous sommes confrontés. Nous pensons que notre république doit quand même être administrée, que des décisions doivent être prises, notamment s'agissant de la préparation d'un nouveau budget, et qu'il faut bien accepter ce nouveau fonctionnement. S'il émet quelques doutes sur sa durabilité, le groupe démocrate-chrétien acceptera néanmoins cette nouvelle organisation.
M. Thomas Wenger (S). Mesdames les députées, Messieurs les députés, chers collègues, on l'a dit: nous en sommes à la énième réorganisation et répartition des départements en l'espace de quelques années. Cette énième répartition est due à la crise de l'affaire Pierre Maudet - contrairement à mon préopinant Vert, je le cite. Celle-ci a obligé le Conseil d'Etat à prendre des décisions très claires en enlevant d'abord à M. Maudet la présidence, puis l'aéroport, puis une partie de la sécurité, puis l'ensemble de la sécurité pour lui laisser un microdépartement, parce que, contrairement à ce qui se passe dans Harry Potter, il n'a pas été possible de tout faire disparaître.
Nous ne sommes pas, au parti socialiste, très contents de l'ensemble de cette répartition, notamment en ce qui concerne la création d'un département mammouth: celui de la sécurité, de l'emploi et de la santé, dirigé aujourd'hui par M. Poggia. Ce n'est pas contre M. Poggia; simplement, ce dicastère est tellement important et chronophage que M. Poggia, qui, contrairement à Harry Potter, n'a pas le don d'ubiquité, va se retrouver noyé dans son propre département. Cela va tôt ou tard amener un certain nombre de dysfonctionnements. Il aurait été effectivement mieux de rattacher l'emploi au département de la cohésion sociale. Cela aurait déjà été plus cohérent, mais aussi plus équilibré.
Le parti socialiste votera néanmoins cette résolution, parce qu'il veut ramener de la stabilité - c'est le maître mot - dans l'organisation de l'Etat. Il veut ramener de la stabilité pour les employées et les employés de la fonction publique, c'est extrêmement important. Des dizaines de milliers de personnes, des femmes et des hommes, travaillent aujourd'hui pour l'administration cantonale afin de répondre aux besoins des citoyennes et des citoyens, afin de leur délivrer des prestations. Il est donc extrêmement important qu'on arrête de trimballer cette fonction publique d'un département à un autre, afin qu'elle puisse retrouver confiance dans l'exécutif ainsi que dans l'organisation des départements et l'organisation générale de l'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je voudrais juste préciser ce sur quoi nous allons voter. L'article 65A, alinéa 2, de la LRGC, relatif aux départements, dit ceci: «Le Grand Conseil approuve ou refuse la résolution lors de la séance qui suit la proposition du Conseil d'Etat.» Nous n'avons donc pas à faire de propositions, nous n'avons pas à renvoyer le texte à une quelconque commission pour en discuter nous-mêmes. Nous refusons ou nous acceptons la résolution telle qu'elle nous est proposée, et c'est là-dessus seulement que je vous ferai voter. Je passe maintenant la parole à M. le député Daniel Sormanni.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le MCG salue la quatrième réorganisation du Conseil d'Etat: effectivement, les mesures s'imposaient. Il fallait le faire ! On parle de département mammouth mais, pour ceux qui ne le savent pas, le mammouth est un animal qui a disparu. (Brouhaha.) «Mammouth écrase les prix», ça fera donc peut-être baisser les prix à Genève. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)
Le président. Une seconde, s'il vous plaît, une seconde ! (Un instant s'écoule.) C'est vraisemblablement le dernier orateur; c'est en tout cas le dernier orateur inscrit. J'aimerais bien pouvoir l'entendre jusqu'au bout. Vous avez la parole dans le silence ainsi retrouvé, Monsieur le député !
M. Daniel Sormanni. Je vous en remercie, Monsieur le président ! Je reviens au mammouth, animal disparu. Certains traitent ces départements de départements mammouths. Eh bien ma foi, allons-y pour les mammouths ! Mais comme ils ont disparu, ça ne va pas changer grand-chose à la répartition; je crois qu'une cohésion nouvelle a été trouvée. Pour revenir aux mammouths, comme «Mammouth écrase les prix», ça fera peut-être baisser les prix de l'assurance-maladie à Genève ! Voilà, Mesdames et Messieurs. Je salue encore cette répartition qui a permis et va permettre une nouvelle cohésion du Conseil d'Etat. Le MCG la soutiendra et je vous invite à en faire de même.
M. Serge Dal Busco, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat a écouté avec beaucoup d'attention les personnes qui se sont exprimées. Nous avons entendu de l'incompréhension, du mécontentement, mais c'est in fine quand même un soutien qui semble transparaître des propos, ce dont nous vous remercions par avance. Bien sûr, la situation que nous vivons est exceptionnelle, ce n'est donc évidemment pas idéal. En sortant de Saint-Pierre le 31 mai dernier, nous ne pensions assurément pas nous retrouver dans cette situation quelques mois plus tard.
Ce qui compte néanmoins pour nous maintenant, étant donné les circonstances, c'est en premier lieu de donner une certaine stabilité à notre organisation, tout simplement parce que nos collaboratrices et nos collaborateurs le méritent. Ils ont vécu des mois pénibles, je dois le rappeler - je dois vraiment le dire - et cette stabilité est absolument indispensable. C'est pourquoi un vote positif de votre part ce soir est plus que souhaitable. Deuxième élément: les défis qui nous attendent sont nombreux. La répartition des tâches peut sembler difficile pour certains d'entre nous, mais je peux vous dire que le Conseil d'Etat fait preuve d'une grande solidarité interne dans la gestion des dossiers. Les différents collègues ne sont pas esseulés dans l'accomplissement des tâches, et en particulier des tâches supplémentaires qu'ils se voient confier. Enfin, nous espérons évidemment que cette situation nous permette de travailler concrètement, sereinement avec votre parlement. Seul l'avenir nous dira si ça marchera, mais la volonté de notre gouvernement est en tout cas d'aller dans ce sens-là. Merci de votre attention.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Nous passons au vote sur la prise en compte de cette proposition de résolution.
Mise aux voix, la résolution 872 est adoptée par 55 oui contre 17 non et 22 abstentions.
Le président. Chers collègues, je lève la séance jusqu'à demain à 14h.
La séance est levée à 22h40.