République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 novembre 2018 à 20h30
2e législature - 1re année - 6e session - 34e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de M. Jean Romain, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat, Pierre Maudet, Mauro Poggia et Nathalie Fontanet, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco et Thierry Apothéloz, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Antoine Barde, Patrick Dimier, Eric Leyvraz, Simone de Montmollin, Philippe Morel, Romain de Sainte Marie, Stéphanie Valentino et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mme et MM. Jacques Apothéloz, Olivier Baud, Pierre Bayenet, Natacha Buffet-Desfayes, Patrick Hulliger, Youniss Mussa et Francisco Valentin.
Annonces et dépôts
Néant.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment d'une procureure. Je prie le sautier de la faire entrer et l'assistance de bien vouloir se lever. (La procureure entre dans la salle et se tient debout, face à l'estrade.)
Madame, vous êtes appelée à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyenne et comme magistrate du Ministère public;
- de constater avec exactitude les infractions, d'en rechercher activement les auteurs et de poursuivre ces derniers sans aucune acception de personne, le riche comme le pauvre, le puissant comme le faible, le Suisse comme l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
A prêté serment: Mme Sara Garbarski.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, l'ordre du jour appelle la prestation de serment de magistrats du pouvoir judiciaire. Je prie le sautier de les faire entrer et l'assistance de bien vouloir rester debout. (Les magistrats entrent dans la salle et se tiennent debout, face à l'estrade.)
Madame et Monsieur, vous êtes appelés à prêter serment. Je vais vous donner lecture de la formule du serment. Pendant ce temps, vous tiendrez la main droite levée et, lorsque cette lecture sera terminée, à l'appel de votre nom, vous répondrez soit «je le jure», soit «je le promets». Veuillez lever la main droite.
«Je jure ou je promets solennellement:
- d'être fidèle à la République et canton de Genève, comme citoyen et comme juge;
- de rendre la justice à tous également, au pauvre comme au riche, au faible comme au puissant, au Suisse comme à l'étranger;
- de me conformer strictement aux lois;
- de remplir ma charge avec dignité, rigueur, assiduité, diligence et humanité;
- de ne point fléchir dans l'exercice de mes fonctions, ni par intérêt, ni par faiblesse, ni par espérance, ni par crainte, ni par faveur, ni par haine pour l'une ou l'autre des parties;
- de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de mes fonctions.»
Ont prêté serment:
M. Benaouda Belghoul et Mme Maëlle Kolly.
Veuillez baisser la main. Le Grand Conseil prend acte de votre serment et vous souhaite une heureuse carrière. La cérémonie est terminée. Vous pouvez vous retirer. (Applaudissements.)
Premier débat
Le président. Nous passons à la première urgence, le PL 12403, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Je cède la parole à qui la demande. (Remarque.) Monsieur le député Alberto Velasco, c'est à vous.
M. Alberto Velasco (S). Merci, Monsieur le président. Ce projet de loi est d'actualité, et même très d'actualité, puisqu'il est en lien avec le budget qu'on nous a présenté, lequel, malgré certains avancements, a été refusé par la majorité composée du PLR, du PDC et de l'UDC, comme vous le savez.
Une voix. Et d'Ensemble à Gauche !
M. Alberto Velasco. Et aussi d'Ensemble à Gauche, effectivement. (L'orateur rit.) Et d'Ensemble à Gauche ! C'est dommageable. Cette majorité trouvait qu'il n'y avait pas assez de coupes; là, on a en principe une recette, mais vous refusez ce projet de loi déposé par le Conseil d'Etat dans le cadre de la revalorisation des estimations fiscales de certains immeubles. Il est logique que cette revalorisation ait lieu puisque aucune estimation n'a été faite depuis 1964 et que la Confédération exige qu'on respecte la loi. Et donc l'amendement qu'on nous présente ici nous demande en réalité d'essayer de contourner la loi ! C'est vraiment dommageable.
C'est d'autant plus dommageable que les loyers, vous le savez, ont continué à augmenter pendant toute cette période qui va de 1964 jusqu'à aujourd'hui ! Le référentiel est basé sur la valeur vénale de ces immeubles mais aussi sur la valeur locative et le loyer, qui n'ont, eux, pas été bloqués; disons qu'en l'espace de dix ans, ils n'ont pas été non revus. C'est dommage, parce que nous avons estimé, à l'ASLOCA, que les locataires ont payé environ 18 milliards en trop, et cette somme ne leur a jamais été reversée.
On nous demande de surseoir une nouvelle fois à la revalorisation de ces actifs. Je trouve vraiment scandaleux que le parti auquel la conseillère d'Etat chargée des finances appartient - c'est elle qui nous présente ce texte, et elle doit le présenter: elle doit respecter la loi ! - propose justement cet amendement et refuse de voter le projet de loi tel quel. Mesdames et Messieurs, vous savez que la diminution de l'assiette fiscale de ce canton a engendré une perte d'environ 1 milliard - 1 milliard ! - depuis l'an 2000. Eu égard aux intérêts de la République et canton de Genève, à l'ensemble des prestations que l'on doit assurer, je vous demande donc, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir voter l'entrée en matière sur ce projet de loi et de refuser l'amendement qui nous est proposé. Merci.
M. Yvan Zweifel (PLR). M. Velasco l'a très justement dit: la dernière estimation générale sur les biens immobiliers a été faite en 1964, puis il s'est ensuivi un certain nombre de prorogations, avec des augmentations de 20% ou sans augmentation ces dernières années.
M. Velasco dit aussi - et cette fois-ci à tort - que l'on ne respecterait pas la loi avec l'amendement qui vous est proposé par le groupe PLR. Que dit la loi ? Elle a changé en 2001, puisque la loi aujourd'hui en vigueur, c'est la LHID: la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes. Que dit-elle, Mesdames et Messieurs ? Elle prévoit que les biens immobiliers doivent être évalués à la valeur vénale. Or une augmentation linéaire de 20%, comme le propose ici le Conseil d'Etat, ne respecte tout simplement pas la loi puisqu'elle ne repose pas sur une estimation de la valeur vénale des biens immobiliers ! Depuis 2001 - depuis maintenant dix-sept ans - le Conseil d'Etat, ou plutôt les Conseils d'Etat successifs auraient dû mettre en place une réévaluation de ces biens immobiliers respectant le principe de la valeur vénale, mais rien n'a jamais été fait !
En réponse, on voudrait aujourd'hui dire aux propriétaires de villas qu'on va non pas respecter la loi, mais augmenter la valeur fiscale de leur bien de 20% dans le canton où l'impôt sur la fortune est le plus élevé, avec un taux maximum de 1%. Ça s'appelle du matraquage fiscal, et cela, on ne peut pas le tolérer ! Le but de cet amendement est de respecter ce à quoi contraint la loi, c'est-à-dire de donner une base légale au Conseil d'Etat et à l'administration pour pouvoir imposer ces biens, tout en refusant un matraquage fiscal, et de proroger pour dix ans comme ça s'est toujours fait dans le passé, mais sans augmentation de la valeur fiscale. On laisse ainsi le temps au Conseil d'Etat de revenir avec un projet concret qui tienne compte de la LHID, c'est-à-dire une estimation de la valeur vénale.
Or, le gouvernement est en train de s'en occuper, Mesdames et Messieurs; on peut remercier la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet pour le travail qu'elle accomplit. Nous avons en effet appris mercredi que l'exécutif a déposé un projet de loi portant sur un crédit d'investissement pour justement mettre ça en place. Laissons donc le Conseil d'Etat mettre ça en place et laissons l'administration faire son travail - donnons-leur la base légale nécessaire mais refusons ce matraquage des petits propriétaires. Je vous appelle à voter, en deuxième débat, l'amendement que nous avons déposé. Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
M. Christo Ivanov (UDC). Comme l'a dit mon préopinant, ce projet de loi 12403 est inique ! En effet, une augmentation linéaire et unilatérale de 20% de la valeur fiscale des immeubles, en cas d'aliénation ou de dévolution entre 2005 et 2008, sera actée. Il y aura donc une majoration de 20% pour les immeubles précités et on refuse de les réévaluer à leur valeur vénale. Ce projet de loi assomme les petits propriétaires de villas qui dans bien des cas ont hérité de ces biens de famille, ne vivent qu'avec l'AVS et ne touchent même pas l'aide complémentaire. Ceci est purement scandaleux, sans compter le fait qu'ils paient bien évidemment à plein pot l'impôt sur la fortune ! Le groupe UDC vous demande donc d'accepter l'entrée en matière sur ce projet de loi, et soutiendra l'amendement déposé par le PLR. Je vous remercie.
M. Vincent Maitre (PDC). Le PDC acceptera bien entendu ces amendements pour des considérations juridiques quant à la valeur vénale que mon collègue Zweifel a parfaitement expliquées. Je m'étonne toutefois d'entendre le député Velasco s'offusquer - à raison sur le fond mais en l'occurrence de façon inopportune - sur le fait que les loyers aient sans cesse augmenté ces dernières années alors que l'impôt immobilier est, lui, resté le même. Si par là il veut dire que l'augmentation de l'impôt immobilier contribuerait à faire baisser les loyers, il se trompe lourdement. C'est précisément le contraire qui se passera: en augmentant aussi abruptement et aussi drastiquement l'impôt immobilier, il va sans dire que les répercussions sur les loyers ne se feront pas attendre.
Mon collègue Ivanov a évidemment aussi parlé avec raison lorsqu'il évoquait la situation de personnes ayant acquis leur bien immobilier il y a plusieurs décennies et qui vivent aujourd'hui avec des moyens modestes, pour ne pas dire limités; des gens à la retraite. Eh bien, avec une augmentation telle que celle-ci, ces gens-là risquent de se retrouver du jour au lendemain dans la panade simplement pour répondre à leurs obligations fiscales. Je crois que l'Etat ne souhaite pas, tout libéral qu'il soit au département des finances, mettre les gens à l'assistance sociale par des augmentations d'impôts. (Quelques applaudissements.)
M. Yvan Rochat (Ve). Mesdames et Messieurs, ce projet de loi est une nécessité: la valeur fiscale des immeubles n'a fait l'objet d'aucune majoration depuis 1995. Il est normal que, dans le cadre de la prorogation des estimations fiscales de certains immeubles, cela se fasse enfin. Le vote de ce texte permettra une recette de 28 millions au budget de l'Etat; il ne me semble pas que ce soit un luxe. Son refus créera par contre une inégalité de traitement quant aux valeurs fiscales.
Mais ce n'est pas tout. Ce projet de loi permettra surtout aux propriétaires de présenter une réclamation et de faire recours auprès de l'administration pour demander que ces 20% ne leur soient pas imputés s'ils estiment que l'augmentation est trop importante, injuste, et qu'elle ne correspond pas à la réalité de l'évolution de leur bien. Ça permettra par exemple à bon nombre de propriétaires qui voient leurs biens immobiliers régulièrement dévalorisés par des conditions environnementales qui s'aggravent, notamment aux propriétaires de villas aux environs de l'aéroport - à Versoix, Genthod, Collex-Bossy, Meyrin, Vernier, Satigny également, et j'en oublie - de dire au canton comment cette politique aéroportuaire les démunit et dévalorise leurs biens immobiliers. Grâce à ce projet de loi, ils pourront le faire; à cause des amendements, ils ne pourront pas. Les Verts accepteront bien entendu ce projet de loi et rejetteront les amendements. Merci. (Quelques applaudissements.)
M. Sandro Pistis (MCG). Vous l'aurez compris, ce projet de loi proposé par le Conseil d'Etat est un coup d'assommoir pour les personnes âgées qui ont économisé et acquis un bien immobilier, qui l'ont gardé pendant un certain nombre d'années et à qui l'on demande du jour au lendemain de payer une augmentation de 20%. Cette logique, pour le MCG, n'est pas acceptable. Toutefois, nous ne pourrons malheureusement pas accepter l'amendement proposé par le groupe PLR, puisqu'il vise une réévaluation fiscale de 0%, ce qui pose problème avec le droit fédéral. C'est pour cela que le groupe MCG dépose un amendement tout à fait acceptable, prévoyant un taux de 7%. C'est une revalorisation de la valeur des biens, et je vous parle de biens qui ont été achetés il y a passablement d'années. Cette revalorisation permettra d'être en accord avec le droit fédéral; cela permettra également au Conseil d'Etat d'éviter une réestimation à 0% - réestimer à 0% reviendrait à dire que le projet de loi ne serait pas viable. Afin de protéger celles et ceux qui sont visés par la présente loi, eh bien, limitons cette hausse à 7%, ce qui est tout à fait raisonnable et en phase avec le droit fédéral. Mesdames et Messieurs, je vous invite dès lors à accepter l'amendement du groupe MCG et bien évidemment à refuser l'amendement du PLR qui vise 0% et n'est pas praticable. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Quelqu'un a appuyé pour demander la parole mais je ne vois pas qui c'est: il faut mettre la carte, s'il vous plaît.
Une voix. Il n'a pas mis sa carte ! (Commentaires. Un instant s'écoule.)
Le président. Alors c'était vous, Monsieur Batou ? (Exclamations.) Un crypto-député ! (Rires.) Je vous passe la parole.
M. Jean Batou (EAG). Merci ! Vous n'êtes pas un cryto-président ! Ça se voit !
Dès qu'il est question de toucher à l'impôt immobilier de manière homéopathique, il y a dans ce Grand Conseil une levée de boucliers - certes majoritaires - comme si la population de Genève était formée de propriétaires. Nous sommes une écrasante majorité de locataires ! (Commentaires.) Nous sommes une écrasante majorité de salariés... (Commentaires.) ...qui voient tous les jours les prestations... (Le président agite la cloche.)
Le président. Une seconde, s'il vous plaît. Mesdames et Messieurs, du temps de bavardage, vous n'en avez plus: il a été épuisé cet après-midi, lors de la précédente séance. Nous allons... (Remarque.)
Des voix. Chut !
Le président. ...laisser parler notre collègue à qui je repasse la parole ! (Le président agite la cloche.)
M. Jean Batou. Merci, Monsieur le président. Je le répète, vous n'êtes pas un crypto-président ! Néanmoins, vous l'aurez remarqué, dès qu'on parle de questions immobilières et notamment d'impôt immobilier, un bruit - un brouhaha ! - s'empare de l'autre partie de la salle. Comme si ce Grand Conseil avait été élu essentiellement pour défendre les intérêts des propriétaires. Et voilà que même le MCG, censé représenter les petites gens de ce canton, se met à défendre systématiquement la propriété et la baisse ou la stagnation de son imposition.
Les propriétaires immobiliers ne sont pas tous des personnes âgées en difficulté. Dès qu'on parle des propriétaires, ce sont tous des personnes âgées en difficulté; je vous assure que j'en connais qui ne sont pas en difficulté ! Il nous semble, à Ensemble à Gauche, qu'il est tout à fait normal - tout à fait normal - qu'ils contribuent de manière minimale à l'effort collectif pour assurer les prestations que nous voulons offrir à l'ensemble de la population. Un peu de décence, chers collègues ! Votons ce projet de loi alors qu'on s'apprête - pas nous, mais d'autres - à baisser massivement l'imposition des grandes entreprises et à relever la taxe personnelle dont doivent s'acquitter les plus pauvres d'entre nous de 25 F à 100 F par année ! C'est la moindre des choses, et je vous invite donc à voter ce projet de loi en l'état.
M. François Baertschi (MCG). Le MCG n'a pas de leçon à recevoir, nous défendons tous les Genevois ! En ne défendant pas les prestations aux Genevois, en refusant de voter le budget, Ensemble à Gauche est en train de se tirer une balle dans le pied et de tirer une balle dans le pied des Genevois.
M. Yvan Zweifel (PLR). Monsieur le président, je me dois de réagir lorsque j'entends mon estimé collègue Jean Batou dire que les plus fortunés de ce canton devraient faire un effort alors que 1% - 1% seulement ! - des contribuables paient 70% de l'impôt sur la fortune ! Oser dire... Entendre M. Batou dire que ces gens-là devraient faire plus d'efforts alors que ce sont eux qui en font le plus, c'est se moquer du monde, Monsieur le président !
M. Jean Burgermeister (EAG). Monsieur le président, ce n'est pas directement lié à ce débat, j'en conviens, mais je suis obligé de répondre aux arguments du MCG. Quand j'entends que nous ne défendons pas les prestations à la population alors que nous avons insisté en commission sur des ressources supplémentaires pour l'Hospice général ou pour les HUG - la situation y est désastreuse - et que la majorité de droite et le MCG ont catégoriquement refusé ! J'ai un peu de mal à entendre ce genre d'argument ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Alberto Velasco (S). Je tiens à rectifier un élément annoncé par M. Zweifel: le projet de loi que vous avez mentionné, Monsieur, qui consistait à mettre en place un logiciel...
Le président. Voilà, c'est terminé, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. ...a été refusé par votre parti !
Le président. C'est terminé.
M. Alberto Velasco. Il a été refusé hier soir par votre parti !
Le président. Je vous remercie, c'est terminé. La parole est maintenant à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Le Conseil d'Etat est ce soir satisfait sur un point: la prise de position de M. Yvan Zweifel relative à la bienveillance avec laquelle le PLR va accueillir le projet de loi... (Remarque.) ...le projet de loi, Monsieur Aellen, qui vise à accorder un crédit pour mettre en place la taxation informatique de la nouvelle estimation du parc immobilier. Le PLR s'en réjouit... (Rires.) ...excusez-moi, le Conseil d'Etat ! (Rires.) Le Conseil d'Etat ! (Rires.) Je vous l'ai dit, c'est très compliqué pour moi - je fais d'énormes efforts, alors encouragez-moi et ne riez pas quand je me trompe ! (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Mme Nathalie Fontanet. Le Conseil d'Etat est effectivement très satisfait d'apprendre le revirement du PLR en faveur de la RPI.
Plus sérieusement, Mesdames et Messieurs, ce projet de loi, tel qu'il vous est proposé ce soir, est évidemment insatisfaisant. Il est insatisfaisant parce qu'il ne permet pas de mettre en place les mesures d'accompagnement en faveur des propriétaires qui, pour certains, sont effectivement âgés et ne bénéficient pas d'un autre revenu que l'AVS. Mais - mais ! - Mesdames et Messieurs, nous ne traitons pas aujourd'hui d'une réestimation du parc immobilier à la valeur vénale ! Nous traitons d'une augmentation linéaire de 20%. Je peux vous assurer que l'augmentation de 20% ne va absolument pas rapprocher d'une valeur vénale les biens des personnes qui sont propriétaires depuis des années, voire depuis trente, quarante ou cinquante ans. L'augmentation sera supportable pour ces personnes-là, et si elles ont acheté leur bien immobilier il y a quelques années, cette augmentation ne s'applique pas. Elle concerne les propriétaires qui ont acheté avant le 31 décembre 2008, soit lorsque les temps étaient autres; la valeur vénale des biens immobiliers a depuis augmenté. Par ailleurs, ceux qui considéreraient que cette augmentation de 20% est susceptible d'entraîner le dépassement de la valeur vénale de leur bien pourront évidemment faire immédiatement recours sur la base d'une estimation qui le démontrerait.
Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat n'est effectivement pas pleinement satisfait du projet qu'il vous présente ce soir. Il se trouve que le gouvernement attend d'avoir un projet de réestimation du parc immobilier depuis l'ère Hiler; je travaille actuellement dessus et je viendrai vous le présenter pour qu'il entre en vigueur en 2021 avec des mesures d'accompagnement. Ces mesures permettront également - et je m'adresse là au député Zweifel - de tenir compte de la question de l'impôt sur la fortune, car nous ne devons effectivement pas nous mentir: Genève est aujourd'hui le canton où l'imposition sur la fortune est la plus élevée. Cela n'empêche pas le Conseil d'Etat de vous encourager à adopter le projet de loi tel qu'il vous est présenté et à refuser les deux amendements qui vous sont proposés. Merci, Mesdames et Messieurs. (Quelques applaudissements.)
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Nous passons au vote sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12403 est adopté en premier débat par 95 oui et 2 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis de deux amendements à l'article 1, l'un émanant du PLR et l'autre du MCG. Le plus éloigné du texte étant celui du PLR, c'est sur celui-ci que nous allons nous prononcer en premier:
«Art. 1 Principe (nouvelle teneur)
La durée de validité des estimations de la valeur fiscale des immeubles visés à l'article 50, lettres b à e, de la loi sur l'imposition des personnes physiques, du 27 septembre 2009, est prorogée jusqu'au 31 décembre 2028; est reconduite jusqu'à cette date la valeur fiscale actuelle de ces immeubles au 31 décembre 2018, sans nouvelle estimation par la commission d'experts.»
Je passe la parole à M. Cyril Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR). Merci, Monsieur le président. Cet amendement porte sur le taux. J'aimerais juste rappeler, puisque le Conseil d'Etat se réfère à l'époque Hiler, qu'il doit se référer à cette époque dans son intégralité: il a demandé des documents à l'ensemble des propriétaires pour faire une réévaluation des biens immobiliers...
Le président. C'est terminé.
M. Cyril Aellen. ...dans le cadre d'une neutralité fiscale. Si vous venez avec ça, nous l'approuverons !
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de vous prononcer sur l'amendement que je vous ai lu il y a quelques instants.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 52 non contre 45 oui. (Commentaires pendant la procédure de vote.)
Le président. Je vous fais maintenant voter... (Brouhaha.) S'il vous plaît, soyez attentifs ! Je vous fais maintenant voter sur l'amendement du MCG:
«Art. 1 Principe (nouvelle teneur)
La durée de validité des estimations de la valeur fiscale des immeubles visés à l'article 50, lettres b à e, de la loi sur l'imposition des personnes physiques, du 27 septembre 2009, est prorogée jusqu'au 31 décembre 2028.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 57 oui contre 27 non et 14 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 1 ainsi amendé est adopté.
Le président. Nous passons à l'article 2 pour lequel nous avons également deux amendements. Le plus éloigné est celui du PLR: il s'agit d'abroger l'article. Nous commençons par celui-ci.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 52 non contre 46 oui.
Le président. Le deuxième amendement à l'article 2 émane du MCG:
«Art. 2 Majoration (nouvelle teneur)
La valeur fiscale actuelle de ces immeubles au 31 décembre 2018 est majorée de 7% et reconduite jusqu'au 31 décembre 2028, sans nouvelle estimation par la commission d'experts.»
Je passe la parole à M. Yvan Zweifel. (Remarque.) Il ne la veut pas, je vous fais donc voter tout de suite sur cette proposition.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 56 oui contre 29 non et 12 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 2 ainsi amendé est adopté.
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement du PLR à l'article 3:
«Art. 3 Valeur fiscale actuelle (nouvelle teneur)
La valeur fiscale actuelle au sens de l'article 1 est celle qui est déterminante au 31 décembre 2018. Elle comprend, le cas échéant, la majoration prévue par la loi prorogeant jusqu'à fin décembre 1984 la durée de validité des estimations actuelles de certains immeubles, du 21 mars 1974, et celles figurant dans les lois sur les estimations fiscales de certains immeubles, du 12 mars 1981 et du 14 janvier 1993.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 52 non contre 46 oui.
Mis aux voix, l'art. 3 est adopté.
Le président. Nous passons à l'article 4. L'amendement proposé par le PLR abroge cet article. Il y a une demande de parole de M. Yvan Zweifel - cette fois-ci, c'est la bonne !
M. Yvan Zweifel (PLR). Monsieur le président, je retire mon amendement, de même que celui à l'article 5: ils n'ont évidemment plus lieu d'être, au vu du vote de la majorité.
Le président. Je vous remercie.
Mis aux voix, l'art. 4 est adopté, de même que les art. 5 et 6.
Le président. Chers collègues, nous sommes à l'article 7 et je passe la parole à M. le député Cyril Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR). Monsieur le président, vous avez oublié l'amendement PLR qui ne comporte qu'un seul alinéa dans l'article neuf au lieu de deux. Il est indispensable, même avec l'amendement du MCG.
Le président. Je crois qu'il y a une erreur: j'ai parlé de l'article 6, pour lequel il n'y a pas d'amendement. Il y en a un pour l'article 7, mais je ne vois pas d'article 9. (Remarque.) Nous parlons bien de l'article 7, c'est ce que je dis. (Remarque.) Monsieur Selleger, je vous remercie. Nous sommes donc à l'article 7 et nous sommes saisis d'un amendement du PLR:
«Art. 7 Entrée en vigueur (nouvelle teneur)
La présente loi entre en vigueur avec effet au 1er janvier 2019.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 57 oui contre 41 non.
Mis aux voix, l'art. 7 ainsi amendé est adopté.
Mis aux voix, l'art. 8 (souligné) est adopté.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12403 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 70 oui contre 3 non et 19 abstentions.
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous abordons notre deuxième urgence. Il s'agit des objets liés suivants: PL 12226-A, PL 12250-A, PL 12251-A, PL 12252-A, PL 12253-A, PL 12254-A, PL 12255-A, PL 12256-A, PL 12257-A, PL 12258-A, PL 12351-A et PL 11393-B. Le débat est classé en catégorie II, cinquante minutes, et non quarante minutes, ainsi que cela figure dans l'ordre du jour. Le rapport de majorité est de M. Alexandre de Senarclens, celui de première minorité de M. Jean Batou et celui de deuxième minorité de M. Romain de Sainte Marie, remplacé ce jour par M. Thomas Wenger. La parole échoit tout d'abord à M. de Senarclens.
M. Alexandre de Senarclens (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. L'année dernière, nous avons été saisis d'un feu d'artifice de projets de lois sur le bouclier fiscal: dix du côté de la gauche et deux de l'autre bord. Je vais les passer rapidement en revue, parce qu'à quelques petites distinctions près, ils se ressemblent tous.
Le PL 12226 vise à suspendre le bouclier fiscal sur une période de deux ans, le PL 12250 demande la suspension du bouclier fiscal tant que l'endettement est supérieur aux revenus annuels de l'Etat, le PL 12251 entend suspendre le bouclier fiscal pour la durée du plan financier quadriennal 2018-2021, le PL 12252 vise tout simplement l'abrogation du bouclier fiscal, le PL 12253 requiert la suspension du bouclier fiscal en cas de budget déficitaire, le PL 12254 adapte le bouclier fiscal pour qu'il ne touche que les fortunes supérieures à 2 millions, le PL 12255 sollicite la suspension du bouclier fiscal dès l'activation du frein à l'endettement, le PL 12256 aussi, mais dès l'activation du frein au déficit, le PL 12257 vise la suspension du bouclier fiscal tant que les déficits budgétaires conséquents à RIE III / PF17 - on pourrait ajouter RFFA - ne sont pas nuls, le PL 12258 a pour objectif l'adaptation du bouclier fiscal à 75% du revenu net imposable, le PL 12351 le fixe à 50% du revenu net imposable au lieu de 60%, et enfin, le PL 11393 veut supprimer le revenu minimal de la fortune, fixé à 1% dans la loi actuelle.
L'ensemble de ces projets de lois concernent l'impôt sur la fortune. Comme vous le savez, nous subissons un environnement concurrentiel très important dans ce domaine, tant à l'échelle nationale, par rapport aux autres cantons, qu'au niveau international. L'impôt sur la fortune a été aboli dans le monde entier, à l'exception de la Suisse et de la Norvège; il est considéré comme inconstitutionnel et pose grandement problème, puisqu'il s'agit de soumettre à l'impôt des avoirs qui ont déjà été fiscalisés à plusieurs reprises.
Dans notre canton, on se démarque par une énième Genferei avec le taux le plus élevé du pays, à savoir 1% - il est de 0,17% à Schwytz et de 0,46% en moyenne helvétique. A Genève, le bouclier fiscal n'existe que parce que le taux de l'impôt sur la fortune est le plus élevé de Suisse. Souvent, l'impôt sur la fortune touche les PME, les entrepreneurs qui créent des emplois: on taxe leur outil de travail et on les force soit à vendre des actions, soit à distribuer des dividendes très importants pour leur permettre de s'acquitter de l'impôt sur la fortune. Cela vide la société et l'empêche d'investir et d'innover. Voilà pour le principe de l'impôt sur la fortune.
Quant au bouclier fiscal, comme je l'ai dit, il permet justement de limiter ces effets néfastes. C'est un instrument correcteur de la charge d'impôts, qui vise à la rendre supportable, à éviter qu'une personne paie plus que 71,5% d'impôt sur la fortune, qu'elle puisse au moins conserver 28,5% de ses revenus. Nous avons mené des auditions très intéressantes, et il en est notamment ressorti que si on abolit ce bouclier, on risque de voir deux gros contribuables quitter notre territoire. Or, vous le savez, la pyramide fiscale est très pentue à Genève... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...puisque 4% des contributeurs financent 50% des recettes fiscales.
Mesdames et Messieurs, le bouclier fiscal est essentiel pour rendre la fiscalité supportable à Genève, et c'est la raison pour laquelle la majorité vous demande de rejeter l'ensemble de ces projets de lois. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur. Vous auriez pu prendre sur le temps de votre groupe, vous le savez ? Je passe maintenant la parole au rapporteur de première minorité, M. Jean Batou.
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Pour notre groupe, c'est évident: il s'agit là de projets de bon sens, de projets de décence. A Genève, la concentration de la fortune a atteint des proportions absolument inacceptables: en 2017, elle a augmenté de 10 milliards de francs. Je parle bien de la seule augmentation, pas de la fortune totale. 10 milliards de francs, c'est plus que l'ensemble du budget cantonal ! Or cette augmentation concerne un nombre restreint de personnes.
D'où l'argument que j'entends à satiété à la commission fiscale ou dans cette enceinte, à savoir que le nombre de contribuables extrêmement fortunés étant réduit, il faut leur faire cadeau fiscal sur cadeau fiscal, faute de quoi ils s'en iront. Mais réfléchissez, Mesdames et Messieurs: c'est précisément parce que la fortune se concentre de plus en plus et que la polarisation sociale augmente dans ce canton qu'il faut demander un effort croissant aux plus riches; ils en ont les moyens, c'est leur devoir de contribuer. Sinon, c'est toute la progressivité de l'impôt qui est remise en cause.
Je vais citer juste deux chiffres pour ne pas vous assommer. Entre 2000 et 2014 - période pour laquelle nous disposons de statistiques - ce sont les millionnaires déclarant une fortune supérieure à 5 millions qui ont bénéficié pour la quasi-totalité du bouclier fiscal. Cela représente 350 millions d'impôts en moins ! Pour ceux qui déclarent moins de 5 millions, ce sont 14 petits millions de moins d'impôts, c'est-à-dire qu'ils sont vingt fois moins privilégiés que les grosses fortunes de plus de 5 millions.
Ce bouclier fiscal est une honte: c'est un dispositif dédié aux multimillionnaires qui ne protège absolument pas les petits propriétaires que la droite se gargarise de défendre. Naturellement, il est difficile pour la population de s'identifier aux multimillionnaires, contrairement aux petits propriétaires en difficulté qui possèdent une modeste maison et ne touchent que l'AVS... Or ceux-là ne profitent pas du bouclier fiscal, c'est un mythe ! Le bouclier fiscal bénéficie aux multimillionnaires qui ont largement les moyens de payer des impôts.
Dernière remarque: après avoir fait ce cadeau formidable aux multimillionnaires qui coûte plus de 100 millions par année aux recettes de l'Etat - je le répète et je ne cesserai de le répéter - nous nous apprêtons à faire un cadeau de 400 à 500 millions aux plus grandes entreprises de ce canton, non pas pour conserver la compétitivité de Genève, comme l'a montré le Crédit suisse, mais pour accroître massivement son attractivité, puisque le canton passera alors du treizième au quatrième rang. Je le répète: après ce cadeau de plus de 100 millions par année, nous nous apprêtons à faire un cadeau de 400 à 500 millions, et ce toujours en faveur d'une petite crête d'ultra-privilégiés, pas du tout de contribuables à revenus modestes et à petite fortune.
Je vous appelle donc à soutenir l'ensemble de ces projets de lois. Le mieux, évidemment, serait la suppression totale du bouclier fiscal, mais toute forme de recul temporaire, provisoire ou partiel est bonne à prendre. Merci. (Applaudissements.)
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de deuxième minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je vais commencer par répondre à la question du rapporteur de majorité: pourquoi les socialistes ont-ils tiré un feu d'artifice de projets de lois sur le bouclier fiscal - feu d'artifice digne de celui des Fêtes de Genève, mais sans les millions de pertes qui l'accompagnent ? A la base, nous avions déposé un seul projet de loi pour examiner cette question en commission, mais la droite élargie s'est mise d'accord pour demander la discussion immédiate et l'urgence afin de le dégager rapidement - excusez-moi pour le terme utilisé. Aussi, la seule manière pour que nous puissions discuter de cet aspect important de la fiscalité genevoise était de déposer dix projets de lois, ce qui empêchait toute demande de discussion immédiate et donc tout shoot direct.
Nous avons ainsi pu étudier la question du bouclier fiscal en commission. A nouveau, je répondrai au rapporteur de majorité. Quand vous dites que la plupart des pays ont supprimé l'impôt sur la fortune, vous ne rapportez que la moitié de la vérité. En effet, pourquoi la majorité des Etats ont-ils aboli cet impôt ? Parce qu'ils ont à la place un impôt sur le gain en capital. Alors dites-nous, Mesdames et Messieurs de la droite, si vous êtes prêts à introduire un impôt sur le gain en capital à Genève, et on en débattra à la commission fiscale.
Comme le rapporteur de première minorité l'a souligné, le bouclier fiscal est plus qu'intéressant pour les très grandes fortunes. S'agissant des fortunes imposables de 500 000 F à 1 million, il touche - tenez-vous bien - 64 contribuables sur 11 873, ce n'est rien ! Par contre, dans la tranche de fortune de plus de 5 millions, 45% des contribuables ont tout intérêt à bénéficier du bouclier fiscal - et ils en bénéficient d'ailleurs. Si on se penche sur les revenus, on constate que les salariés sans fortune importante, mais qui touchent des rétributions très élevées, c'est-à-dire des centaines de milliers de francs, voire plus, ne gagnent quasiment rien avec un bouclier fiscal. Pour que celui-ci soit utile, il faut avoir une très grande fortune et des revenus relativement bas.
Le manque à gagner, on l'a aussi dit, est de 113 millions. C'est un calcul du Conseil d'Etat: 113 millions de pertes en raison du bouclier fiscal ! C'est dire à quel point c'est important pour le budget du canton - si important que le Conseil d'Etat de la législature 2009-2013, Conseil d'Etat à majorité de droite, avait proposé une suspension du bouclier fiscal. Or il a été désavoué par le Grand Conseil, également à majorité de droite.
Lors des discussions à la commission fiscale, on nous parle souvent d'exode des riches; on l'a entendu ici aussi de la part du rapporteur de majorité: si on supprime, suspend ou adapte le bouclier fiscal, les plus grandes fortunes vont quitter Genève, s'en aller de l'autre côté de la Versoix ou dans d'autres cantons, voire sous d'autres cieux fiscaux plus intéressants. Mais les chiffres démontrent le contraire ! Nous avons reçu beaucoup de chiffres de la part de l'administration, que nous remercions au passage, et ces chiffres montrent une quasi-stabilité des départs des grandes fortunes, lesquels sont de toute manière compensés par l'arrivée d'autres riches. Aussi, on ne peut pas considérer Genève comme un enfer fiscal, en tout cas les chiffres que nous avons reçus montrent le contraire.
Pour nous, la minorité, pour nous, les socialistes, à quoi doit servir un bouclier, et surtout à qui doit-il profiter ? Un bouclier doit servir à protéger les personnes les plus faibles, pas ceux qui possèdent déjà le plus de choses; dans les batailles, les boucliers sont pour les plus faibles, pas pour ceux qui ont déjà cheval, armure, château, ripailles et autres. Nous, les socialistes, voulons un bouclier social, pas un bouclier fiscal.
Notre canton connaît une augmentation extrêmement inquiétante des inégalités, Mesdames et Messieurs. De plus en plus de personnes sont à l'aide sociale, de plus en plus de familles n'arrivent pas à payer leurs primes d'assurance-maladie. Et comment combat-on ces inégalités ? Par la redistribution des richesses, laquelle se fait via l'impôt. Les plus fortunés doivent faire un effort supplémentaire aujourd'hui pour combler les inégalités sociales qui menacent la cohésion genevoise, et c'est pour ça - je terminerai par là, Monsieur le président - que nous vous demandons de suspendre, d'adapter ou de supprimer le bouclier fiscal. Merci. (Applaudissements.)
M. Christo Ivanov (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette pluie de projets de lois - digne des Fêtes de Genève, en effet - au nombre de douze n'avait qu'un seul but: la suspension du bouclier fiscal pour une plus grande solidarité, ou alors son adaptation sous toutes les formes possibles. Or le bouclier fiscal est vital pour Genève et son économie, car il corrige l'imposition inique sur la fortune: si l'on additionne la totalité des impôts, ceux-ci s'élèvent à 71,5% ! Sans ce bouclier fiscal, cela a été dit par le rapporteur de majorité, bon nombre de gros contribuables quitteraient notre canton, n'en déplaise à certains.
Pour le groupe UDC, la priorité doit être donnée aux projets de lois liés à la réforme de la fiscalité des entreprises, dite RFFA. Il s'agit tout de même de préserver 80 000 emplois à Genève, ce n'est pas rien. Il convient donc de refuser ces douze objets dont le seul objectif est de faire mousser le débat et de combattre les projets de lois liés à la réforme des entreprises. Le groupe UDC vous recommande de rejeter l'ensemble de ces projets de lois. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, le bouclier fiscal, c'est véritablement ce qu'on appelle une niche fiscale, et une très large niche fiscale, puisqu'il prive de 113 millions par année le budget de l'Etat. Ainsi que les deux rapporteurs de minorité l'ont rappelé, cette niche fiscale profite aux contribuables les plus aisés. Ce sont en effet les grandes fortunes aux revenus relativement restreints qui en bénéficient.
Or, au sens de la minorité et du parti socialiste, ce sont précisément ces contribuables qui devraient être solidaires des autres, solidaires des prestations à offrir à notre population, notamment quand la situation budgétaire devient tendue. C'est d'ailleurs le constat qu'avait fait le Conseil d'Etat lors de la législature 2009-2013, puisqu'il avait de lui-même proposé la suspension du bouclier fiscal pendant deux ans.
Mais qu'a fait la majorité de droite du Conseil d'Etat lors de la précédente et de la présente législature ? Qu'a fait durant la même période le parlement à majorité de droite ? Eh bien le Conseil d'Etat et le Grand Conseil ont d'abord exigé des efforts de la part des classes moyennes et populaires. J'en veux pour preuve la proposition de baisser les subventions, les allocations logement, les prestations complémentaires cantonales, le complément d'intégration de l'aide sociale et le soutien aux entités subventionnées, ainsi que de réduire le personnel de la fonction publique, ce qui a détérioré les différents services publics à la population. Dans un second temps, le Conseil d'Etat nous propose une augmentation de la taxe personnelle, qui est une taxe linéaire que l'ensemble des citoyens doivent payer, quel que soit leur revenu, ce qui est parfaitement inégalitaire et va à l'encontre de tout principe de solidarité.
Aujourd'hui, nous sommes à l'aube d'une réforme extrêmement importante qui va avoir des conséquences graves sur les prestations à la population. La RFFA, selon les modalités qui sont présentées par le Conseil d'Etat, coûtera des centaines de millions à l'Etat et amoindrira très fortement ses capacités à garantir le maintien des services publics. Dans cette configuration financière, budgétaire et fiscale spécifique, il revient aux plus fortunés de fournir un effort supplémentaire, et c'est pour soutenir le principe de justice fiscale et de solidarité entre les contribuables que le parti socialiste vous invite à accepter ces différents projets de lois de suspension et de diminution du bouclier fiscal. Je vous remercie.
M. Marc Fuhrmann (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, on parle aujourd'hui des ultra-riches et des plus nécessiteux, mais on ne dit rien ou presque sur la classe moyenne qui souffre chaque jour un peu plus, notamment en raison des impôts. En taxant de plus belle les ultra-riches - effectivement, il y en a encore à Genève - on accélère un exode fiscal qui a déjà commencé et qui, selon nous, ne débouchera que sur une plus grande pauvreté du canton dans son ensemble.
Il y a quelque chose que je ne comprends pas, et je m'adresse ici à notre gauche: qu'avez-vous créé comme richesse dans ce canton ? Je serais d'accord avec vous de taxer cette richesse, mais alors créez-la ! Le but, ce n'est pas de faire partir ceux qui précisément gagnent de l'argent et en rapportent à Genève. N'oublions pas que les plus grands voleurs de la planète, ce ne sont pas les Al Capone et consorts, mais bien des gouvernements. Relisez vos livres d'histoire et vous verrez. Eh bien Genève ne doit justement pas faire partie de ces gouvernements ponctionneurs et voleurs, donc je vous enjoins de rejeter l'ensemble de ces projets de lois.
Des voix. Bravo !
M. Yvan Zweifel (PLR). Mesdames et Messieurs, à quoi sert un bouclier fiscal ? A protéger, comme tous les boucliers. Et à protéger qui ? Les contribuables victimes de la voracité fiscale d'un Etat visant à entamer la propriété privée qui, je le rappelle, est protégée à la fois par la Constitution fédérale et notre constitution cantonale.
Ainsi que le rapporteur de majorité l'a indiqué, Mesdames et Messieurs, il n'y aurait pas de bouclier fiscal s'il n'y avait pas d'impôt sur la fortune. Les contribuables seraient alors imposés sur le revenu, revenu imposé à hauteur de 46% au maximum à Genève. Cela peut déjà paraître conséquent, et je trouve que ça l'est en effet, mais on peut admettre que ce n'est pas confiscatoire; non, 46%, ce n'est pas confiscatoire. En revanche, l'impôt sur la fortune l'est pour les grandes fortunes.
M. Batou a raison de dire que parmi les 3000 personnes concernées par le bouclier fiscal, il y a des grandes fortunes. Mais, Monsieur le député, cher collègue, il y a aussi un certain nombre de petits propriétaires, ce n'est pas un mythe. Comme vous êtes vous-même un gros propriétaire, vous ne les connaissez pas ! Les petits propriétaires, ce sont des retraités qui ont acquis leur maison dans les années cinquante, soixante ou septante - ces propriétés n'ont pas été réévaluées, effectivement, mais ce n'est pas le débat du moment, on en a parlé avant - et dont le revenu consiste simplement en leur rente AVS, parfois leur rente LPP. Ainsi, lorsqu'on réévalue leur bien immobilier, ils se retrouvent parfois avec un taux d'impôt dépassant les 100%, ce qui devient largement confiscatoire. Il y a aussi les petits patrons de PME, ceux-là même que vous prétendez - à tort, évidemment - défendre, lesquels sont imposés sur leur outil de travail. Il faut défendre ces gens ! Oui, c'est vrai, il y a des grandes fortunes, mais il y a également de petits propriétaires, de petits entrepreneurs, et il faut défendre ces personnes.
Le rapporteur de majorité l'a aussi évoqué, l'impôt sur la fortune a été supprimé dans de nombreux pays: le Japon l'a aboli en 1950, l'Italie en 1992, l'Autriche en 1994, l'Irlande en 1997, le Danemark en 1997, l'Allemagne en 1997 - sa Cour suprême l'a jugé inconstitutionnel - le Luxembourg en 2006, la Finlande en 2006, la Suède en 2007, la France en 2017. La France, Mesdames et Messieurs, ce gigantesque enfer fiscal, a réformé son impôt sur la fortune, qui ne tient plus compte que des biens immobiliers - et auparavant, elle ne taxait même pas l'outil de travail, ce que l'on fait pourtant à Genève.
Quand bien même on estimerait que cet impôt a une justification, Mesdames et Messieurs, alors jugeons-le à l'aune de son taux. A Genève, évidemment, nous sommes les champions en la matière avec 1% au maximum; il est de 0,13% à Nidwald, 0,17% à Schwytz, 0,65% à Zurich, 0,72% dans le canton de Vaud, tandis que la moyenne suisse s'élève à 0,46%.
Prétendre que les riches ne participent pas suffisamment, je l'ai déjà rappelé précédemment, c'est oublier que 1% de ces contribuables - oui, 1% ! - paient 70% de l'impôt sur la fortune ! Mme Marti et M. Batou nous disent que le bouclier fiscal coûte 113 millions aux recettes de l'Etat; mais non, Mesdames et Messieurs, il ne s'agit pas d'un coût, mais d'un revenu qui nous permet de conserver ici une substance fiscale de 710 millions par année ! Je le répète: il ne s'agit pas d'un coût de 113 millions, mais d'un revenu de 710 millions. Je rappelle enfin que le bouclier fiscal a été voté le 27 septembre 2009 par 70,1% de la population: ça s'appelle la démocratie, n'en déplaise aux révolutionnaires à l'extrême gauche.
Mesdames et Messieurs les députés, on peut naturellement tenir ce discours qui consiste à dire que si on augmente les impôts, les riches quitteront le territoire. La gauche rétorquera que non, ils aiment tellement le lac de Genève, ils aiment tellement le Salève qui est en face, ils aiment tellement l'animation extraordinaire de notre ville qu'ils resteront, quand bien même on les matraque fiscalement. Ma foi, je n'ai pas de boule de cristal, je ne peux pas vous dire s'ils vont partir ou rester.
Cela dit, Mesdames et Messieurs, cette politique casino qu'essaie de nous imposer le parti socialiste avec ses projets de lois... (Exclamations.) Politique fiscale casino, parfaitement ! ...c'est un peu comme si vous entriez dans une pièce sombre où aucune lumière n'est allumée et où on a ouvert des bonbonnes de gaz, et que vous décidiez de craquer une allumette pour y voir clair. Va-t-il y avoir explosion ? Nous n'en sommes pas sûrs, je vous le concède. Mais si explosion il y a, Mesdames et Messieurs, alors ce sera catastrophique.
Eh bien c'est exactement la même chose avec ce que vous proposez. Peut-être qu'ils ne partiront pas, mais s'ils partent, ce ne sont pas 113 millions que vous récupérerez, mais 710 millions que vous perdrez ! C'est ce que nous voulons éviter et c'est pourquoi je vous propose, Mesdames et Messieurs, de refuser en bloc l'ensemble des propositions du parti socialiste. (Applaudissements.)
M. Vincent Maitre (PDC). Mon collègue Wenger justifiait tout à l'heure le dépôt de cette multitude de projets de lois, expliquant qu'il s'agissait de forcer le débat, de susciter la discussion au sein de ce Grand Conseil. Ce procédé me surprend quelque peu, parce que jusqu'à preuve du contraire, notre parlement prend ses décisions démocratiquement. Je constate que le parti socialiste n'est attaché à la démocratie que lorsqu'elle va dans son sens, ce qui est navrant. Monsieur Wenger, la majorité de ce parlement qui a été élue comme vous, aussi bien que vous, parfois même mieux que vous, a décidé qu'elle n'était pas d'accord avec votre projet de loi. Je m'étonne que vous ne l'acceptiez pas et que vous tentiez de faire le forcing dans ce parlement.
Sur le fond, eh bien il n'y a définitivement pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. En effet, les experts fiscaux que nous avons auditionnés en commission ont nuancé le discours des uns, certes, mais surtout celui des autres, et nous ont indiqué qu'on n'est pas forcément multimillionnaire lorsqu'on a une fortune qui dépasse le million, voire de plusieurs millions.
Je reprendrai l'exemple qui revient systématiquement: on taxe de multimillionnaires, en les caricaturant, les gens qui accumulent une fortune de 3, 4 ou 5 millions. Pourtant, ainsi qu'on nous l'a expliqué encore tout récemment, parmi ces fortunes de quelques millions se trouvent notamment des propriétaires d'exploitation agricole, parce qu'ils cultivent des terrains de plusieurs hectares, parce qu'ils possèdent des machines dont on sait qu'elles coûtent extrêmement cher.
Il y a également les retraités qui ont acquis un petit bien immobilier dans lequel ils vivent, une maison qu'ils ont pu acheter dans les années cinquante, soixante ou septante et dont la valeur a probablement quintuplé, voire décuplé. Il n'en demeure pas moins que cette fortune est on ne peut plus virtuelle, ils ne se retrouvent pas concrètement avec 3, 4 ou 5 millions sur leur compte en banque. Ajoutez-y le fait qu'ils ont peut-être un capital retraite de 1 million - ou de 2 millions s'ils ont extraordinairement bien travaillé toute leur vie et cotisé chaque mois en suffisance; alors, sur leur feuille d'impôts, ces gens sont peut-être qualifiés de propriétaires d'une fortune de 5 millions, mais ils vivent avec une rente de quelques milliers de francs par mois seulement. Ce ne sont pas exactement ce que j'appelle des ultra-riches.
De mon point de vue, ceux qui sont protégés en priorité par le bouclier fiscal, ce sont les deux catégories de la population que je viens de décrire. Bien entendu, c'est indéniable, il y a des gens très fortunés, mais comme l'a rappelé et le rappelle régulièrement mon collègue Zweifel, ces personnes financent 70% des recettes fiscales à Genève, et il convient de ne pas les faire fuir, il s'agit au contraire de tout faire pour les préserver. Un récent article du «Temps» démontre exactement le contraire de ce que vous avez dit, Monsieur Wenger - vous transmettrez, Monsieur le président: aujourd'hui, il y a deux fois plus de départs de contribuables à Genève que de nouvelles arrivées. Voilà qui contredit toutes les théories que vous voulez bien nous exposer à longueur de séance.
Ce qui me navre le plus, Mesdames et Messieurs, c'est que nous avons beau disposer des meilleurs experts fiscaux, vous refusez systématiquement de croire en leurs connaissances, en leur science, en leur pratique, vous restez définitivement englués dans vos dogmes. Ce n'est pas comme ça que nous pourrons raisonnablement faire avancer les choses et - pourquoi pas ? - parvenir à une politique fiscale qui serait plus égalitaire à vos yeux. Ces projets de lois sont parfaitement toxiques pour la santé économique de notre canton, et il est évident que le PDC les refusera en bloc.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon. Bravo !
M. Jean Rossiaud (Ve). Mesdames et Messieurs, nous traitons ensemble douze projets de lois, cela a été dit: dix textes qui visent à abroger, suspendre ou adapter le bouclier fiscal mis en place en 2009, et deux autres projets de M. Zacharias qui sont assez insignifiants, raison pour laquelle nous ne nous exprimerons que sur les premiers. Il faut rappeler que M. Zacharias, à peine désavoué par ses électeurs et privé de son siège de député, a choisi l'exil fiscal en Valais en compagnie de son ineffable acolyte Eric Stauffer. Nous ne les regrettons pas, vous pourrez le leur transmettre par courrier, Monsieur le président. (Rires.)
La république paraît être bien peu de chose quand on voit comment la droite qualifie ces projets. J'aime bien le mot de bouclier, et M. Zweifel l'a très bien illustré. Le bouclier fiscal est un mécanisme qui permet aux plus riches de ne pas payer d'impôts du tout au-delà d'un certain seuil de fortune. Le bouclier protège de l'impôt, en quelque sorte, afin qu'ils n'aient pas à contribuer à l'effort collectif en proportion de leur fortune, comme les autres contribuables, afin qu'ils n'aient pas à participer de manière juste et équilibrée à la construction des écoles, aux salaires des enseignants, à la qualité de l'hôpital, aux salaires des médecins, à notre politique de sécurité et aux fonctionnaires nécessaires à son maintien, au plan climat ou à la mobilité. Tout ce qui fait notre qualité de vie, en somme, et dont ils profitent en première ligne.
Le bouclier fiscal est une garantie pour les plus riches contre l'égalité de traitement, c'est l'instrument pour maintenir et accentuer les inégalités sociales. Le bouclier fiscal est même l'une des causes les plus importantes de l'augmentation des inégalités sociales, à Genève comme partout ailleurs, inégalités qui minent à la fois notre cohésion sociale et le sentiment commun d'appartenance à un système démocratique.
Les Verts, vous l'aurez compris, sont très favorables à l'abolition du bouclier fiscal telle que prévue par le PL 12252. Cependant, nous aurions pu entrer en matière sur sa seule suspension au moment où la droite cherche à faire voter la diminution de l'impôt sur le bénéfice des entreprises, qui fera perdre plus de 400 millions de recettes fiscales au canton et aux communes. Adopter une suspension du bouclier fiscal pour les personnes physiques les plus aisées pendant cinq ans, c'est-à-dire leur demander de renoncer provisoirement à leur privilège le temps que nous jugions de l'impact de cette baisse - positif, selon vous - tout en maintenant le niveau des prestations, cela aurait été une position raisonnable pour la droite et l'extrême droite. Vous ne l'avez pas voulu, vous ne le voulez pas, c'est dommage. Cela ne nous encourage pas non plus à négocier la nouvelle réforme de l'imposition des entreprises qui semble si importante pour la majorité de ce Grand Conseil et celle du Conseil d'Etat. (Remarque.) Vous ne nous convainquez pas de votre bonne foi, Monsieur Zweifel - vous transmettrez, Monsieur le président.
Pour finir, et plus techniquement, sur le plan du vote, Mesdames et Messieurs les députés, parmi les douze projets de lois qui nous sont soumis aujourd'hui, les Verts vous invitent tout d'abord à refuser les deux de Zacharias. Ensuite, il conviendrait de voter en faveur du PL 12252 sur l'abrogation du bouclier fiscal. Si, par obstination idéologique, ce parlement devait rejeter ce projet, les Verts vous appelleraient alors à soutenir les PL 12254 et 12258 pour une adaptation du bouclier fiscal, ce serait un moindre mal.
Et en cas de refus réitéré, par défaut encore, les Verts vous recommanderaient de vous prononcer en faveur des PL 12226, 12250, 12251, 12253, 12255, 12256 et 12257 qui visent uniquement la suspension du bouclier fiscal. Par là même, vous feriez montre de votre ouverture à poursuivre les négociations et à sortir enfin d'une lutte des classes stérile et désuète que vous menez obstinément en faveur des plus riches. (Applaudissements.)
M. Jean Burgermeister (EAG). Avant d'intervenir sur le fond, j'aimerais corriger quelques approximations de la droite pour que nous soyons bien sûrs de parler de la même chose. D'abord, j'ai entendu un député parler de création de richesse; il faut tout de même rappeler qu'être riche, Mesdames et Messieurs, ça ne signifie pas créer de la richesse. Malgré toute l'admiration, malgré tout l'amour que vous portez aux plus fortunés de ce canton, c'est le travail qui crée la richesse...
Une voix. Bravo !
M. Jean Burgermeister. ...ce sont donc les travailleuses et les travailleurs qui créent la richesse... (Applaudissements.) ...pas les multimillionnaires !
Ensuite, M. Zweifel - vous transmettrez, Monsieur le président - nous dit que le bouclier fiscal est motivé par l'existence d'un impôt sur la fortune et qu'il faudrait simplement un impôt sur le revenu, mais il oublie de préciser que tous les revenus ne sont pas taxés de la même manière. Les dividendes, par exemple, sont bien moins imposés que les salaires, c'est dire tout ce qui est prévu pour défendre les plus grosses fortunes dans ce canton. Il est lamentable d'entendre ce parlement pleurer sur les plus aisés à l'heure où la précarité explose à Genève.
Mesdames et Messieurs, vous savez que la situation est de plus en plus difficile pour la majorité des citoyens. Vous défendez ici une petite minorité d'entre eux, mais la grande majorité souffre de plus en plus en raison de vos politiques néolibérales. Aujourd'hui, on ne donne plus les moyens à l'Etat de répondre aux besoins prépondérants de la population: il y a par exemple un sous-effectif monstrueux à l'Hospice général qui empêche les salariés de mener à bien un travail basique de réinsertion sociale en faveur des plus précaires, et qu'est-ce que coûterait la résorption de ce sous-effectif ? Quelques millions, sept ou huit à tout casser. C'est la proposition que nous avons faite à la commission des finances, mais elle a été balayée par la droite qui défend à l'opposé un bouclier fiscal coûtant plus de 100 millions par an à l'Etat.
Il y a aussi des manques criants au sein des EMS et des Hôpitaux universitaires de Genève: sous-effectif, salariés qui se plaignent de souffrance au travail, personnes qui ne trouvent pas de place dans les EMS et sont obligées de rester des nuits entières à l'hôpital alors qu'elles n'en ont pas le besoin médical... On nous a reproché de ne pas défendre les prestations publiques parce que nous avons voté contre le budget, mais l'entier des amendements d'Ensemble à Gauche s'élevait à 20 millions de francs à peine, tandis que le bouclier fiscal représente plus de 100 millions ! Ce que nous proposons, quant à nous, c'est simplement de développer les services en faveur des plus fragiles du canton.
La situation sociale est de plus en plus difficile, il est normal que les grandes fortunes participent à l'effort, après qu'on a demandé à la population d'y contribuer via les coupes dans les prestations, après qu'on a usé les salariés de la fonction publique en rognant chaque année un peu plus sur leurs conditions de travail; il est normal d'exiger une contrepartie de la part des personnes les plus aisées. Je connais évidemment le refrain de la droite sur la pyramide fiscale, mais si celle-ci est aussi aiguë, c'est justement parce que de plus en plus de personnes n'ont simplement pas assez de revenus pour s'acquitter de l'impôt. Il s'agit donc d'un symptôme de l'augmentation de la précarité, ni plus ni moins.
Alors que les inégalités sociales augmentent, alors qu'il serait grand temps que l'Etat joue son rôle fondamental de redistribution des richesses, on se prépare à la place à faire des cadeaux massifs aux plus grandes entreprises et à leurs actionnaires, on s'apprête à multiplier par quatre la taxe individuelle, augmentation qui touchera en tout premier lieu les plus précaires, et c'est pour cette raison qu'Ensemble à Gauche soutient son rapporteur de minorité et vous appelle à accepter la totalité de ces projets de lois, en particulier le PL 12252 pour l'abrogation du bouclier fiscal. Je vous remercie. (Applaudissements.)
Mme Françoise Sapin (MCG). Pour le MCG, c'est surtout l'économie genevoise qui est importante. Vous transmettrez à M. Burgermeister, Monsieur le président, que les grandes fortunes contribuent déjà énormément à l'impôt. Si elle est florissante, l'économie genevoise assure le maintien de nombreux emplois dans ce canton, elle permet aux PME de se développer et d'avoir un futur, elle absorbera également les pertes liées aux grandes réformes actuellement en discussion, soit la RFFA et la CPEG.
Nous sommes persuadés que la suppression du bouclier fiscal provoquera un exode des personnes aisées qui supportent la majeure partie de l'impôt dans ce canton. Comme cela a été souligné à plusieurs reprises, je répète que plus de 30% des contribuables ne paient aucun impôt, ne contribuent en rien aux dépenses de l'Etat. Ne scions pas la branche sur laquelle nous sommes assis !
Cela étant, nous sommes également d'avis que l'ensemble de la taxation devrait être revue, mais dans une période beaucoup plus calme que celle que nous traversons maintenant. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, le MCG vous demande de refuser les douze projets de lois soumis au vote aujourd'hui. Merci.
Une voix. Bravo ! (Quelques applaudissements.)
Le président. Je vous remercie et cède la parole à M. Yvan Zweifel pour vingt secondes.
Une voix. Oh non !
M. Yvan Zweifel (PLR). Je sais, vous n'avez pas envie de m'entendre à nouveau. Bon, j'aurais beaucoup de choses à dire au nouveau Georges Marchais de ce Grand Conseil... (Rires.) ...mais je me contenterai d'indiquer au rapporteur de minorité Thomas Wenger - vous transmettrez, Monsieur le président - que l'impôt sur le gain en capital ne touche que la fortune privée, pas la fortune commerciale, et que la plupart des propriétaires immobiliers et des commerçants de titres sont imposés sur leur gain en capital - mais peut-être ne le saviez-vous pas, Monsieur le député !
M. Jean Batou (EAG), rapporteur de première minorité. Je voudrais juste adresser un petit mot à mon collègue Yvan Zweifel - vous transmettrez, Monsieur le président. S'il a peur de la suspension du bouclier fiscal, il n'a qu'à se rapporter aux périodes où il n'existait pas: dans les cinq années qui ont précédé son introduction, les fortunes déclarées de plus de 5 millions ont augmenté de 3,3% par an. Alors nous pouvons tranquillement gratter notre allumette, Monsieur Zweifel, il n'y aura pas d'explosion ! (Rires. Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur. La parole revient maintenant à Mme la conseillère d'Etat... (Remarque.) Ah, pardon: elle va à M. Thomas Wenger, rapporteur de seconde majorité.
M. Thomas Wenger (S), rapporteur de deuxième minorité ad interim. De seconde minorité, Monsieur le président ! Je répondrai à mon collègue en citant un document d'une entreprise de consulting: «L'une des problématiques principales du système fiscal suisse est la distinction entre gain en capital exonéré et rendement de fortune imposable. En effet, celui qui réalise un gain en capital sur un bien provenant de sa fortune privée ne paie pas d'impôt sur le revenu.» Voilà la problématique, Monsieur Zweifel, et donc je me réjouis de parler de l'impôt sur le gain en capital avec vous à la commission fiscale quand nous aurons déposé une dizaine de projets de lois sur cette thématique.
Le président. Merci. Cette fois-ci, la parole est à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.
Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Merci, Monsieur le président. Au cours de ce débat, on a entendu beaucoup de choses: solidarité devant l'impôt, responsabilité. Mesdames et Messieurs, le bouclier fiscal est un instrument correcteur qui vise à ce que personne ne se retrouve face à un impôt confiscatoire. Naturellement, lorsqu'on entend cela, on se dit: mon Dieu, est-ce que cela signifie que les ultra-riches ne vont payer que 20% ou 30% d'impôts avec ce bouclier fiscal ? Pas du tout, Mesdames et Messieurs, le seuil est à 71% ! Certes, les riches ont des moyens, mais 71% d'impôts, Mesdames et Messieurs ! Au-delà, ce n'est même plus confiscatoire, c'est tout bonnement insoutenable.
Dans notre canton, et le Conseil d'Etat en est conscient, la pyramide fiscale est inversée, c'est-à-dire qu'une minorité de contribuables versent la majeure partie de l'impôt. C'est dire si ces personnes sont importantes pour nous: c'est précisément par ce biais que la solidarité peut s'exercer, c'est parce que ces contribuables résident à Genève - et nous formons le voeu qu'ils y restent - que nous pouvons financer les prestations sociales, que nous avons les moyens d'offrir aux Genevois un budget tel que celui qui a été refusé hier à la commission des finances - mais je ne perds pas espoir !
Et c'est justement parce que les contributions fiscales de cette minorité financent 80% des revenus de l'Etat que le gouvernement recommande le rejet de ces projets de lois susceptibles d'introduire une insécurité juridique. Lorsqu'ils ont été déposés, ils ont créé un immense mouvement d'inquiétude au sein des gros contribuables de notre canton, or ceux-ci sont précieux si nous voulons financer les prestations publiques. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous invite à refuser l'ensemble de ces textes. Merci.
Le président. Je vous remercie, Madame la conseillère d'Etat. Mesdames et Messieurs, je mets aux voix successivement ces douze objets.
Mis aux voix, le projet de loi 12226 est rejeté en premier débat par 56 non contre 41 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12250 est rejeté en premier débat par 57 non contre 41 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12251 est rejeté en premier débat par 57 non contre 41 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12252 est rejeté en premier débat par 57 non contre 41 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12253 est rejeté en premier débat par 57 non contre 41 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12254 est rejeté en premier débat par 57 non contre 41 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12255 est rejeté en premier débat par 57 non contre 41 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12256 est rejeté en premier débat par 57 non contre 41 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12257 est rejeté en premier débat par 57 non contre 41 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12258 est rejeté en premier débat par 56 non contre 41 oui.
Mis aux voix, le projet de loi 12351 est rejeté en premier débat par 90 non contre 1 oui et 5 abstentions.
Mis aux voix, le projet de loi 11393 est rejeté en premier débat par 82 non contre 1 oui et 14 abstentions.
Premier débat
Le président. Nous passons à notre urgence suivante, que nous traiterons en catégorie II, trente minutes. Je cède immédiatement la parole à M. Rolin Wavre.
M. Rolin Wavre (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, la commission des droits politiques a consacré une seule séance à cet objet. Je rappelle qu'il s'agit d'ajouter au serment prêté par les membres du Conseil d'Etat une clause dont je vous donne lecture pour la clarté des débats. (Brouhaha.) «Je jure ou je promets [...] de ne solliciter, ni d'accepter, pour moi ou pour autrui, ni directement, ni indirectement»... (Brouhaha.)
Le président. Une seconde, s'il vous plaît. Il y a beaucoup trop de bruit ! On avance bien plus vite et de manière bien moins confuse si on écoute ceux qui parlent. (Le silence revient.) Je vous remercie et je repasse la parole à M. Wavre.
M. Rolin Wavre. Merci, Monsieur le président. Je recommence: «de ne solliciter, ni d'accepter, pour moi ou pour autrui, ni directement, ni indirectement, aucun don, avantage ou promesse en raison de ma fonction et de ma situation officielle». Mesdames et Messieurs, cet ajout ressemble à la formule prononcée par les magistrats du pouvoir judiciaire et n'est donc pas totalement étranger aux oreilles genevoises. J'ai relevé lors des prestations de serment que nous avons eues à 20h30 les termes de «présent», «faveur» et «promesse». Mais le fait que cet objet soit visiblement inspiré par une affaire précise, qui occupe actuellement les gazettes, a semblé particulièrement opportuniste à une grande partie de la commission. Il fait un peu penser aux modifications législatives initiées en son temps par le président Nicolas Sarkozy, souvent inspirées par un fait divers.
Cette clause ne fait pas partie du serment des députés, ce qui est logique. Il serait en effet difficile de définir ce qu'est un avantage. Un parlement de milice est forcément représentatif de milieux intéressés à l'action des députés de tout bord, et certains sont même salariés de ces milieux.
La disposition transitoire exigeant que le Conseil d'Etat en fonction prête à nouveau serment dans un délai d'un mois selon la formule proposée dans le projet de loi - retirée par un amendement que vous avez reçu ce jour - a semblé étrange et a largement déplu à la majorité de la commission. Elle était d'ailleurs douteuse au vu du principe de la non-rétroactivité.
Présenter cet ajout comme relevant de la «salubrité publique», selon l'exposé des motifs, a quelque chose de choquant. Les plus bienveillants d'entre nous - et d'entre vous - pourront attribuer cette formulation au tempérament du député Vanek, auteur du projet de loi et rapporteur de minorité.
La majorité a considéré que le pouvoir de décision d'un juge était nettement plus personnel que celui d'un conseiller d'Etat, puisqu'il est souvent appelé à décider seul de l'issue d'un litige. Dans ce sens, la différence de serment se justifie aux yeux de la commission. Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission vous recommande de refuser ce projet de loi.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs, mon voisin a parlé de fait divers, disant que ce projet de loi aurait été inspiré par un fait divers. Vous savez toutes et tous qu'il ne s'agit pas d'un fait divers mais de l'affaire Maudet, dont je ne saurais résumer que le quart du tiers du cinquième du huitième dans les trois minutes que j'ai à disposition pour vous parler ! Ce n'est pas un fait divers, c'est une crise; une succession d'événements qui crée une crise politique dans cette république ! Cette crise a une dimension morale, et il est réellement problématique qu'on vienne nous dire: «Il n'y a pas de problème ! Circulez, il n'y a rien à voir !»
Avec ce projet de loi, nous bouchons un trou. Nous bouchons un trou dans le serment du Conseil d'Etat: comme l'a dit Rolin Wavre, nous demandons simplement que les conseillers d'Etat jurent ou promettent solennellement de ne solliciter, ni d'accepter, pour eux-mêmes ou pour autrui, ni directement, ni indirectement, aucun don, avantage ou promesse en raison de leur fonction et de leur situation officielle. Ceux qui sont favorables à ce que ce précepte s'applique aux membres du gouvernement, comme les autres éléments du serment - ils promettent de respecter la constitution, de maintenir l'indépendance et l'honneur de la république, d'être assidus aux séances, etc. - doivent voter ce projet de loi ! On m'a fait des objections sur la rétroactivité, on m'a dit que ce n'était pas correct: je supprime bien volontiers la disposition transitoire.
Il est insupportable qu'il y ait des règles qui s'appliquent aux petits mais pas aux grands, aux gens qui travaillent mais pas aux chefs. Or s'il est vrai qu'il y a une référence au serment des juges, l'article 25 du règlement qui régit le personnel de l'administration et des établissements publics de cette république dit aussi qu'«il est interdit aux membres du personnel», soit à tous ceux qui, quelque part, travaillent sous les ordres du Conseil d'Etat, «de solliciter ou d'accepter pour eux-mêmes, ou pour autrui, des dons ou d'autres avantages». On ne fait que demander l'égalité de traitement entre ce qui est imposé à ceux d'en bas et les règles que s'engagent à respecter ceux d'en haut.
On nous a dit que les juges, c'était autre chose. Un député PLR que je ne nommerai pas a considéré que ça allait bien pour la formule de serment d'un juge qui promet, je cite le PV, «de n'écouter, enfin, aucune sollicitation et de ne recevoir, ni directement ni indirectement, aucun présent, aucune faveur, aucune promesse à l'occasion de [ses] fonctions». Il a dit que c'était adéquat, mais il a affirmé qu'il en allait tout autrement pour le Conseil d'Etat en disant que la formule rappelle qu'on n'achète pas un juge, mais qu'il en va tout autrement du Conseil d'Etat ! J'espère que ce n'est pas vrai.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai été interpellé, frappé, par une citation de Pierre Bourdieu qui dit que «dans l'intervalle de temps qui sépare don et contre-don, le donataire entre dans la dépendance du donateur, devient son obligé». Je dois dire que cette citation éclaire à mon avis la nécessité d'adopter la modification du serment des magistrats. Au-delà des questions de corruption et d'acceptation d'un avantage, qui sont des notions juridiques assez difficiles à prouver et s'appliquent vraiment à la situation où on donne quelque chose pour obtenir quelque chose, on se rend bien compte qu'il y a aujourd'hui toute une série d'autres situations dans lesquelles les conseillers d'Etat peuvent recevoir un cadeau, une invitation à aller voir un concert ou un repas au restaurant. Et les magistrats deviennent, sans même forcément le vouloir, sans même forcément le savoir, sans même forcément en avoir conscience, les obligés de la personne qui leur a offert ce cadeau.
On a pu constater cette absence de conscience en lisant dans les journaux certaines interviews de conseillers d'Etat qui ont dit: «Une fois, je me suis effectivement senti bizarre, parce que j'étais invité dans une villa et tout à coup je me suis demandé: mais si je n'étais pas conseiller d'Etat, est-ce que je serais aussi invité ? Et puis un jour, on me demande finalement quelque chose; je ne le donne pas et on me dit que, quand même, il y a eu une invitation !» Il est nécessaire, impératif, Mesdames et Messieurs les députés, que nos magistrats ne soient les jouets de personne ! Et pour qu'ils ne soient les jouets de personne, il n'y a qu'une solution: qu'ils n'acceptent aucun cadeau. Il est indispensable qu'ils aient l'obligation de n'en accepter aucun et que la population genevoise sache que lorsqu'on fait un cadeau à un conseiller d'Etat, c'est un cadeau empoisonné qui ruinera sa carrière ! Il faut que cela se sache, il faut que cela se fasse ! Ensemble à Gauche vous invite à accepter ce projet de loi tout en précisant qu'un autre texte est dans le pipeline, si vous me passez l'expression: le PL 12368. Ce texte vise à modifier la LECO pour qu'il n'y ait pas seulement une modification du serment mais également une modification de la loi et que celle-ci interdise au Conseil d'Etat d'accepter des cadeaux. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, comment trier le bon grain de l'ivraie quand on sombre dans la précipitation ? Je n'oserai pas dire que les propos tenus par M. Pierre Vanek sont indécents, à côté de la plaque. Pas du tout ! Disons peut-être juste que le projet de loi est prématuré. L'UDC était une des premières à trouver paradoxal ce qui s'est passé. Qu'on le nomme fait divers ou autre, ce n'est pas le problème. Le problème, c'est que bien des choses se sont passées depuis que nous avons étudié le projet de loi à la commission des droits politiques. Pour le moment, la position de l'Union démocratique du centre est de dire qu'il faut attendre les conclusions de la justice. Le législateur aura à ce moment-là tout le loisir et l'opportunité, en fonction de conclusions avérées - que personne ne contestera, j'espère - de modifier la législation. Il y a certainement des manquements, mais n'en faisons pas pour le moment une vindicte personnelle, pour nous faire plaisir et faire de la politique. Soyons conséquents, soyons corrects: nous sommes des législateurs et non des exécuteurs - testamentaires ou autres. L'UDC refusera donc ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.
M. Pierre Eckert (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous avons étudié ce projet de loi à la commission des droits politiques et nous ne nous sommes pas vraiment appuyés sur cette affaire particulière. Nous avons constaté qu'il y avait un vide puisque les conseillers d'Etat ne sont pas du tout soumis à une règle sur l'acceptation de cadeaux. Comme nous n'avons pas la possibilité - le pouvoir - d'introduire une règle sur le Conseil d'Etat, nous avons pensé introduire une règle à travers le serment que prêtent les magistrats, et c'est la proposition d'Ensemble à Gauche. Ça nous a paru légitime. Nous avons également discuté pendant un moment de ce que cela signifie de n'accepter aucun avantage, et il est clair qu'une limitation totale est difficile à mettre en place.
Je voulais aussi dire à M. Wavre qu'il n'est pas du tout question ici de considérer les députés. Les députés, c'est une autre question, ils ont un autre statut: ce ne sont pas des professionnels de la politique. Ce projet de loi s'adresse uniquement aux conseillers d'Etat - j'aimerais le répéter: uniquement aux conseillers d'Etat. Nous avons parlé des avantages et nous avons été rassurés par le fait qu'on peut en recevoir un certain nombre, comme peut-être un repas, pour ce qui reste dans les limites du raisonnable. Etant rassuré sur la question, je vous propose, avec les Verts, d'accepter ce projet de loi.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, à plusieurs reprises, la tentation a été grande dans ce parlement de faire des lois spéciales, comme la lex Stauffer. Aujourd'hui, il y a une certaine émotion, prétexte pour faire la loi Maudet. Et on sait bien que dans l'émotion, certains ne sont pas loin d'actionner la guillotine ! Beaucoup se prennent pour Torquemada - nous vivons une bien curieuse période - mais c'est aux yeux du parti démocrate-chrétien une vaste récupération politique malsaine, et le parti démocrate-chrétien ne mange pas de ce pain-là. C'est donc non, non et non à ce genre de loi ! Je vous remercie.
M. Diego Esteban (S). J'aimerais répondre à Mme Anne Marie von Arx-Vernon - vous transmettrez, Monsieur le président - que parfois les cas particuliers nous révèlent les lacunes qui existent dans notre système et qui appellent une réaction. Ici, la réaction prend la forme d'une modification d'un serment. Ce serment n'a rien de juridiquement contraignant: il s'agit d'un engagement symbolique à respecter une série de principes éthiques considérés comme fondamentaux pour la charge de conseillère ou de conseiller d'Etat. Ces principes éthiques, nous y adhérons et nous les appliquons à 99% des personnes présentes dans cette salle - c'est une très bonne chose. Malheureusement, certains critères importants qui semblent évidents pour les uns ne le sont pas forcément pour les autres. C'est pourquoi le projet de loi qui vous est soumis ce soir a dû être déposé. Pour toutes ces raisons, le parti socialiste vous recommande d'entrer en matière sur ce projet de loi. Merci. (Applaudissements.)
M. François Baertschi (MCG). Pour le MCG, affairisme et politique n'ont rien à faire ensemble. Hélas, hélas, nous avons vu ces derniers temps qu'il y a des dérives graves, autant au Conseil administratif de la Ville qu'au Conseil d'Etat. Nous sommes face à des dérives institutionnelles inquiétantes pour l'avenir de Genève, et nous avons là un projet de loi qui nous est soumis. Cette proposition est en soi intéressante et mérite d'être étudiée avec attention, d'être examinée, d'être approuvée, même ! D'être approuvée rapidement, parce qu'il y a urgence ! Il y a urgence face à la dégradation de nos institutions, ce que nous ne pouvons pas tolérer. Comment peut-on accepter que des fonctionnaires soient sanctionnés pour des fautes bénignes et que certains chefs ne reçoivent, eux, aucune sanction ni rien du tout ? Qu'ils n'aient à prendre aucun engagement, qu'ils puissent faire tout et n'importe quoi ? C'est intolérable ! Le chef doit montrer l'exemple; c'est un principe de vie. C'est un principe qui dépasse la gauche et la droite, qui dépasse aussi toutes nos petites différences. C'est pour cela que nous devons être impeccables, et le MCG vous demande de manière insistante de voter ce changement pour que les conseillers d'Etat prennent un engagement nécessaire. Et, je vous le rappelle encore, pour le MCG, cette dérive est inacceptable ! (Quelques applaudissements.)
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat peut vivre avec ce projet de loi et peut vivre sans. Il s'agit d'un élément déclaratif: le directeur des affaires juridiques de la chancellerie d'Etat a indiqué en commission qu'il n'a pas de portée légale. Maintenant, je n'aimerais pas que l'on pense, à travers ce débat ou d'autres autour des différentes affaires qui agitent notre petite république, que nos institutions dysfonctionnent - que les fautes, potentielles ou avérées, d'individus qui ont des charges exécutives soient assimilées à des fautes des institutions. Ce n'est pas le cas.
Le Conseil d'Etat est soumis à différentes autorités de surveillance. La vôtre, tout d'abord, à travers la commission de contrôle de gestion - et l'exécutif se pliera à ses demandes, notamment en ce qui concerne la transparence de ses frais de représentation. Les conseillers d'Etat sont soumis, comme tout citoyen, au code pénal, et c'est bien le sens de votre vote récent sur la levée de l'immunité de l'un d'entre eux, suite à une demande du ministère public, en vue de l'action de la justice. La Cour des comptes, enfin, a pu travailler et rendre son rapport. Dans toutes ces affaires, Mesdames et Messieurs, il y a certainement eu des fautes individuelles. Les êtres humains - les hommes et les femmes - ne sont pas parfaits. Mais dans toutes ces affaires, les institutions ont fonctionné.
Les contre-pouvoirs - y compris la presse, que je n'ai pas mentionnée - ont à chaque fois fonctionné dans leur logique et dans la logique des équilibres démocratiques vus selon Montesquieu ou plus largement, puisque, je l'ai évoqué, il y a non seulement la Cour des comptes, mais aussi la presse aujourd'hui. Il n'y a pas que trois pouvoirs; il y en a plus que ça dans notre pays. Donc, à nouveau, nous pouvons vivre avec cette petite modification et nous pouvons vivre sans. L'essentiel n'est pas là: l'essentiel est que nos institutions soient plus fortes que les hommes et les femmes qui les incarnent et occupent les différentes charges que nous savons, et que par là même les prestations à la population puissent être assurées. (Quelques applaudissements.)
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons voter sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12367 est adopté en premier débat par 49 oui contre 42 non et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'art. 19, al. 1, lettre e (nouvelle teneur).
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 234, alinéa 6, qui demande de biffer cet alinéa. Vous en avez déjà parlé, Monsieur le rapporteur, mais vous pouvez dire un mot si vous le souhaitez.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Pour mettre tout le monde sur le même niveau, je proposais que tout le monde prête à nouveau serment selon la nouvelle formule. Ce n'est pas important; cette disposition a suscité des réserves chez certains et je l'ai donc bien volontiers retirée.
Le président. Très bien. Nous votons donc sur l'amendement consistant à biffer l'article 234, alinéa 6.
Mis aux voix, cet amendement (biffage de l'art. 234, al. 6) est adopté par 80 oui contre 2 non et 12 abstentions.
Mis aux voix, l'art. 1 (souligné) est adopté, de même que l'art. 2 (souligné).
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12367 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 50 oui contre 41 non et 4 abstentions.
Débat
Le président. Nous abordons la M 2512 en catégorie II, trente minutes. Je passe immédiatement la parole pour trois minutes à M. Baertschi.
M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Au début de l'année 2018, une motion a été acceptée par ce Grand Conseil pour demander un moratoire pour l'impôt sur la valeur locative. Cela a été obtenu et le Conseil d'Etat y a donné une suite favorable en bloquant cette valeur pour 2018 ou plutôt pour l'année fiscale 2017. Malheureusement, pour cette année, nous aurons droit à une révision et à une augmentation qui n'est pas celle qui était prévue et qui ne nous convient pas.
Pourquoi ne nous convient-elle pas ? Parce qu'entre-temps, les Chambres fédérales ont indiqué qu'elles allaient revoir le principe même de l'impôt sur la valeur locative. Il convient véritablement d'attendre et de ne pas interrompre cette politique du moratoire. Ce que nous proposons avec cette motion, c'est de proroger ce moratoire pour l'année fiscale 2018, mais également pour les années suivantes.
Il faut quand même rappeler que cet impôt est très contesté, pour plusieurs raisons. D'abord parce qu'il s'agit d'un revenu fictif. Par définition, un propriétaire n'est pas un locataire; infliger un loyer à un propriétaire, même si c'est de manière fiscale, est quelque peu absurde. En plus, il est certain que cet impôt peut faire entrer dans une spirale de surendettement - un certain nombre de personnes décident de s'endetter pour s'y retrouver fiscalement - alors que les Chambres fédérales nous demandent d'entrer dans un cercle plus vertueux. Pour cette raison, comme nous n'avons pas la possibilité d'intervenir directement sur cet impôt, nous vous demandons de soutenir cette motion pour inciter le Conseil d'Etat à ce qu'il prenne lui-même les décisions réglementaires qui s'imposent.
Le président. Je vous remercie. La parole n'étant pas demandée... Si ! La parole est demandée par M. le député Christian Dandrès.
M. Christian Dandrès (S). Oui, in extremis, Monsieur le président ! Je vous remercie. La motion du MCG va en quelque sorte à l'encontre de la volonté populaire. Certes, le Conseil national et le Conseil des Etats ont souhaité revoir cette question de l'imposition de la valeur locative, mais le peuple s'est prononcé en 2012 et a refusé l'initiative intitulée «Sécurité du logement à la retraite» qui était pourtant bien plus modeste que la proposition du MCG. Le refus était assez clair, je suis surpris que le MCG revienne avec cela aujourd'hui, ce d'autant plus qu'il y a quand même un principe d'égalité en jeu: l'imposition de la valeur locative va de pair avec la déduction des intérêts hypothécaires. Si vous limitez la valeur locative et que vous permettez des déductions importantes, on va casser cette égalité et on va creuser l'écart avec les locataires. Certes, j'imagine que le PLR va nous indiquer tout à l'heure que les taux d'intérêt hypothécaire ont baissé et que, du coup, les déductions seront aussi plus faibles. En parallèle, les loyers ont nettement augmenté ces dernières années, et les loyers ne sont pas déductibles pour les locataires. Or, la valeur locative correspond à peine à la moitié des prix pratiqués aujourd'hui sur le marché locatif. Je crois qu'on ne doit pas creuser encore plus cette inégalité de traitement déjà manifeste aujourd'hui.
M. Baertschi a utilisé tout à l'heure l'argument de la situation des retraités, mais les retraités sont quand même favorisés sous l'angle de la fortune immobilière, puisqu'on a refusé tout à l'heure la LEFI dans sa version déposée par le Conseil d'Etat. En ce qui concerne les personnes retraitées, si elles sont propriétaires de longue date, l'impôt est calculé sur des valeurs très inférieures à la valeur vénale actuelle des immeubles; on va donc creuser aussi une inégalité de traitement entre anciens et nouveaux propriétaires. C'est la raison pour laquelle je vous invite à refuser cette motion. Si elle est acceptée, j'espère que le Conseil d'Etat maintiendra un cap, puisque, rappelons-le, il s'agit ici de directives fédérales et qu'il n'a pas beaucoup de marge de manoeuvre.
M. David Martin (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, «la valeur locative est le montant que les propriétaires d'appartements et de villas habitant dans leur logement doivent ajouter à leurs revenus imposables. Elle correspond au loyer dont les propriétaires pourraient bénéficier s'ils louaient leur bien. En contrepartie, ceux-ci peuvent déduire de leurs impôts les intérêts versés sur leur emprunt immobilier, ainsi que les frais d'entretien.» Je cite ici la description très pédagogique donnée par Mme Fontanet dans la «Tribune de Genève» récemment.
Le 29 août dernier, le Conseil d'Etat répondait à une motion MCG quasiment identique en déclarant accepter le gel de l'indexation de la valeur locative. Le Conseil d'Etat proposait alors de revenir avec un règlement prévisible doté de critères d'indexation annoncés. Or, ce nouveau règlement a été livré fin octobre. Il se base sur la statistique cantonale officielle intitulée «Evolution des loyers des logements non neufs, selon la nature du logement, depuis 1995». Ainsi, pour 2018, l'augmentation sera de 4,7%, soit près de la moitié des 7,9% initialement annoncés en janvier, ce qui semble raisonnable.
Il ne s'agit pas ici d'avoir un débat sur la pertinence de l'imposition de la valeur locative, puisque cette règle est imposée par le droit fédéral. En effet, comme l'évoque la motion MCG, les Chambres fédérales étudient actuellement une refonte des règles fiscales liées à la propriété. Ces discussions sont en cours depuis des années à Berne et rien ne nous assure qu'elles aboutiront dans un avenir proche: cela peut parfaitement prendre six mois comme dix ans, selon l'évolution des discussions. En attendant, nous sommes tenus de respecter le droit fédéral, et ce dernier exige en particulier que la valeur locative corresponde aux prix du marché. Or, cette dernière n'a pas été réévaluée depuis maintenant cinq ans.
Par ailleurs, le débat soulevé par cette motion n'est pas un débat pour ou contre l'accession à la propriété, puisque l'indexation de la valeur locative touchera surtout les anciens propriétaires et non pas les primo-accédants, dont la valeur du bien est de toute façon estimée au moment de l'acquisition. Dans ce contexte, et dans la mesure où il s'agit d'appliquer une disposition fédérale qui permet une certaine équité fiscale entre propriétaires et locataires, les Verts vous invitent à rejeter cette motion. (Applaudissements.)
M. Yvan Zweifel (PLR). Monsieur le président, M. Baertschi l'a parfaitement rappelé, la valeur locative est un revenu totalement fictif et l'imposition de la valeur locative est donc une imposition sur un revenu qui n'existe pas: il s'agit de se facturer à soi-même un loyer, ce qui est évidemment une immense ineptie.
Le PLR regrette d'abord le timing qui nous est proposé. Au début de l'année, nous le regrettions déjà, puisqu'on était venu avec une augmentation de la valeur locative alors que l'année fiscale était déjà passée. Ici, au moins, on est dans la bonne année fiscale, mais on vient en fin d'année, sans qu'il soit possible de prendre des mesures par hypothèse correctrices, par exemple avec le projet de loi du PLR aujourd'hui gelé à la commission fiscale, qui vise à augmenter la déduction forfaitaire sur les biens immobiliers concernant la valeur locative. Or, on n'a pas le temps de s'en occuper. Le PLR avait été d'accord de geler ce projet de loi en commission en attendant de voir ce qu'allait faire le Conseil d'Etat. Mais il vient en fin d'année, sans que l'on puisse en discuter: le PLR regrette vraiment cela.
J'aimerais m'inscrire en faux contre les propos de M. Dandrès, vous lui transmettrez, Monsieur le président. La valeur locative n'est pas le pendant de la déduction hypothécaire. Les intérêts hypothécaires sont fiscalement déductibles parce que ce sont des intérêts. Et tous les intérêts sont fiscalement déductibles. Si vous avez des intérêts débiteurs sur votre carte de crédit ou en fin d'année sur votre compte bancaire, si vous avez un prêt privé sur lequel vous payez des intérêts, ces intérêts sont déductibles. Les intérêts hypothécaires sont donc déductibles parce que ce sont des intérêts et pas parce qu'il y a une valeur locative ! Le pendant de la valeur locative, c'est que les propriétaires peuvent déduire d'autres frais: notamment les frais de travaux, pour autant qu'ils n'augmentent pas la valeur du bien immobilier. C'est ça, le pendant ! Ce que dit M. Dandrès à ce titre-là n'est pas correct. Si on voulait une égalité de traitement, la solution serait simple, Mesdames et Messieurs: il faudrait pouvoir déduire les loyers ! Ainsi, on supprimerait la valeur locative qui est un revenu fictif et on permettrait aux locataires de faire des économies fiscales importantes. Je suis sûr que les tenants de l'ASLOCA, présents en nombre dans cette salle, seront d'accord avec cette solution-là. C'est ça, la contrepartie à la suppression de la valeur locative. Pour toutes ces raisons, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le PLR soutiendra la motion du MCG.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Monsieur le président, on vient d'entendre quelque chose qui mérite une réponse. Effectivement, on peut déduire les frais hypothécaires des impôts, non pas parce que c'est une charge servant à se fournir un logement - sinon, on devrait pouvoir déduire également les loyers des impôts, ce qui n'est pas le cas puisque les locataires, et nous en sommes un certain nombre dans cette salle, doivent payer des impôts, y compris sur le montant de leur loyer - mais fonctionnellement, il est évident que le propriétaire qui paie à sa banque des frais hypothécaires est dans la même situation que le locataire qui paie un loyer à son propriétaire. Ce versement a la même fonction, c'est-à-dire qu'il sert à assurer un logement au citoyen, à celui qui paie. Il y a donc une inégalité de traitement, compensée, il est vrai, par l'existence d'une valeur locative.
Cela a déjà été dit par plusieurs de mes préopinants de gauche, nous ne sommes pas ici pour discuter de la pertinence de l'existence de l'impôt sur la valeur locative, pour décider s'il est bien ou mal d'avoir cet impôt. Le droit fiscal est un édifice complexe et fragile qui prévoit des équilibres, et il y a ici un équilibre très important à l'oeuvre. D'un côté, les propriétaires peuvent déduire de leurs impôts les frais hypothécaires dont ils doivent s'acquitter. D'un autre côté, ils sont taxés sur la valeur locative de leur logement. C'est un équilibre auquel on ne peut pas toucher en diminuant simplement d'un côté sans ajouter de l'autre. Aujourd'hui, cet équilibre est prévu pour que les locataires soient traités sur le plan fiscal à peu près de la même manière que les propriétaires. Si on permet simplement d'abaisser les impôts que paient les propriétaires, qui subira un préjudice ? Les locataires ! Telle que proposée, cette modification crée un déséquilibre fiscal inadmissible. Il faut donc rejeter cette motion ! (Applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes en pleine gageure, parce que nous avons tous les mêmes mots. Chacun vient avec une argumentation étayée et une connaissance des lois sans défauts. De qui parlons-nous, Mesdames et Messieurs les députés ? Nous parlons de celui à qui on a dit toute sa vie qu'il fallait qu'il accède à la propriété. Ce sont plus les gens de ma génération que celle des locataires camping d'aujourd'hui. C'était encore une époque où nous pouvions trouver quelques villas avec des terrains suffisamment grands, chose absolument impossible maintenant ! Or, que se passe-t-il ? Vous arrivez en fin de vie, après avoir eu le bonheur de travailler quand même, d'avoir payé toute votre dette, vous ne pouvez donc plus déduire ces fameux intérêts hypothécaires. Je m'étonne d'entendre le parti socialiste parce qu'ils font une ovation aux banques: vous payez, nous leur payons ceci ! Après, vous devez quand même payer cette valeur locative qui est une taxe en supplément. Il me semble que là, nous marchons sur la tête !
Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'il faut être logique: cette motion du MCG est empreinte de sagesse, empreinte de respect surtout pour ce qui s'est passé auparavant. C'est vrai que les conditions économiques changent, mais, de grâce, ayez un peu de considération pour vos prédécesseurs qui sont devenus propriétaires, ce qui est presque devenu une gageure maintenant. L'Union démocratique du centre acceptera cette motion.
M. Bertrand Buchs (PDC). Monsieur le président, le parti démocrate-chrétien votera cette motion. Je ne vais pas revenir sur ce débat entre les plus riches ou les plus pauvres. J'aimerais simplement remarquer ici qu'il y a actuellement une très grande fragilité d'une certaine classe moyenne. D'abord, on ne sait pas ce qu'est la classe moyenne, tout le monde se pose la question de ce qu'elle est, mais cette classe moyenne est probablement en train de disparaître. L'augmentation des charges fiscales de la classe moyenne qui n'est pas une classe privilégiée, qui n'est pas une classe qui a beaucoup d'argent, va la faire disparaître. Il faut faire extrêmement attention: les personnes qui ont entre 55 et 65 ans ou plus ont fait des économies pour bien vivre leur retraite. Or, avec les augmentations de la charge fiscale chaque année, elles ne pourront pas utiliser cet argent prévu pour leur retraite. C'est extrêmement compliqué et c'est pour nous, démocrates-chrétiens, un immense souci: on est en train de tuer une certaine catégorie de la population. Faites extrêmement attention, ne touchez pas à ça ! Nous voulons avoir une symétrie des efforts au niveau des charges; nous voulons une symétrie des efforts au niveau du budget, nous l'avons dit. Nous sommes en train de vouloir récupérer de l'argent sur une classe fragile que nous allons tuer.
Le président. Je vous remercie. La parole n'étant plus demandée, je lance le vote sur la prise en considération de cette proposition de motion.
Mise aux voix, la motion 2512 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 56 oui contre 41 non.
Premier débat
Le président. Nous abordons le PL 12243-A en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de majorité est de M. Yvan Zweifel, à qui je laisse la parole.
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, comme vous avez pu le lire dans le rapport, ce projet de loi fait suite à d'autres lois du même type qui ont été votées par notre Grand Conseil. Son dépôt se justifie avant tout parce que le crédit d'investissement accordé par la dernière loi votée - la L 10775 - est totalement épuisé, il faut donc le renouveler.
En substance, Mesdames et Messieurs les députés, de quoi est-il question ? Ce projet de loi vise à ouvrir une ligne de crédit de 50 millions sans durée précise - qui a été réduite à 30 millions par la majorité en commission - pour mettre en oeuvre une politique foncière proactive, puisqu'elle permet l'acquisition de terrains et de bâtiments s'inscrivant dans l'une ou l'autre des politiques publiques. Il s'agit pour l'Etat de se montrer réactif en cas d'opportunité intéressante, notamment via l'exercice du droit de préemption.
Pour la majorité de la commission des travaux, ce crédit est tout à fait nécessaire et personne ne s'y oppose, nous en comprenons évidemment l'utilité pour le Conseil d'Etat et l'administration: il leur offre une marge de manoeuvre financière à la fois pour la mise en oeuvre d'une politique foncière proactive, mais aussi pour se montrer réactifs, comme je le disais, face à des opportunités.
Néanmoins, Mesdames et Messieurs, voter un crédit de 50 millions qui n'est destiné à aucun projet spécifique, ça consiste tout simplement à donner un chèque en blanc au Conseil d'Etat ! Alors on peut comprendre qu'il n'existe pas de liste établie de projets aujourd'hui - en l'occurrence, cette demande a été formulée à la commission des travaux - mais il est tout de même étonnant qu'on vienne nous demander un crédit de 50 millions - ce n'est pas rien - sans l'ombre d'une acquisition en vue à court ou moyen terme. Je le répète: sans l'ombre d'une acquisition en vue à court ou moyen terme !
De plus, vous l'aurez sans doute noté, le montant souhaité est bien supérieur à celui des précédents crédits votés ou encore à la moyenne annuelle des investissements effectivement consentis. La majorité de la commission des travaux a donc décidé d'accepter ce crédit sur le principe, parce que nous en comprenons l'utilité et le soutenons, mais d'en diminuer le montant pour le ramener au niveau des crédits précédents. Ainsi, on ne fait que poursuivre ce qui se faisait jusqu'à présent. Cela n'enlève aucune marge de manoeuvre au Conseil d'Etat ou à l'administration, contrairement à ce que diront certainement les rapporteurs de minorité tout à l'heure. En effet, si d'importantes opportunités venaient à se présenter et que le crédit était épuisé, le Conseil d'Etat pourrait à tout moment revenir devant notre parlement pour demander un nouveau crédit d'investissement.
Enfin, la majorité de la commission a souhaité qu'un rapport annuel soit établi sur l'utilisation de cet argent, ce qui nous permettra de déterminer si une marge supplémentaire est nécessaire. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, la majorité de la commission vous invite à voter le crédit tel que modifié par elle, c'est-à-dire à hauteur de 30 millions. Je vous remercie.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de première minorité. Ce projet de loi ne constitue pas une nouveauté, puisqu'il s'agit de la sixième loi similaire proposée depuis 1993. Ces 50 millions sur cinq ans, soit 10 millions par an, serviront à financer des achats imprévus, principalement des terrains et des bâtiments, pour des besoins urgents. Je le répète: ce n'est pas nouveau, puisqu'il s'agit de la sixième loi allant dans ce sens.
Ce qui est nouveau, c'est la crise printanière à laquelle nous avons assisté à la commission des travaux, crise printanière et certainement électoraliste de la majorité, puisque c'était en avril. Le seul argument valable qui transparaît dans le rapport de majorité, c'est que ce projet n'offre pas de visibilité, puisqu'il ne contient aucune liste précise d'achats, ce que voudrait la majorité. Or il sera difficile de la satisfaire et de présenter une liste d'objets à un horizon de quelques années, puisque ce type de projet de loi sert précisément à financer des achats imprévus et urgents. On ne pourra pas satisfaire la curiosité de cette majorité, mais on peut lui rappeler à quoi a servi la précédente loi - cela figure dans le rapport.
Qu'a-t-on acheté avec le crédit de la dernière loi ? On a acheté des locaux destinés à l'administration - un poste de police et un centre médico-pédagogique - un bâtiment industriel dans la ZIPLO, des locaux qui faisaient l'objet d'une mesure de classement - il s'agit de l'immeuble Clarté - des terrains et des bâtiments nécessaires à la réalisation de l'une des gares CEVA, des constructions et une parcelle dans le domaine scolaire. Voilà à quoi a servi ce crédit.
J'entends dire qu'il suffit au Conseil d'Etat de revenir devant le Grand Conseil avec des demandes de crédits supplémentaires, mais cela ne garantit pas un fonctionnement rapide en cas d'urgence. Imaginez le processus: crédit d'étude, crédit d'investissement, satisfaction ou non de la commission... A titre d'exemple, le poste de police mentionné a coûté 11,7 millions; vous me direz que cette dépense aurait pu faire l'objet d'un crédit d'investissement, mais il s'agissait d'une urgence qui n'a pas pu attendre de passer par un crédit d'investissement.
Contrairement à ce que pense le rapporteur de majorité, la première minorité estime que réduire le crédit de 20 millions, comme cela a été fait en commission, revient à ralentir le fonctionnement de l'Etat, c'est lui rendre la tâche plus difficile, c'est rendre son action moins rapide quand il y a urgence.
S'agissant de l'amendement demandant un rapport annuel, nous jugeons cette proposition tout à fait rationnelle et nous l'acceptons, nous n'allons pas la combattre. Pour notre part, nous avons redéposé l'amendement que nous avions déjà présenté en commission et qui vise à modifier le titre, l'article 1 et l'article 2, alinéa 2: il s'agit de remplacer le montant actuel de 30 millions par celui de 40 millions. Voilà ce que propose la première minorité. Je vous remercie, Monsieur le président.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de deuxième minorité. Mesdames les députées, Messieurs les députés, il convient de rappeler que ce projet de loi a été initié suite à une adaptation des autorisations de dépenser telles que définies par le département des finances; auparavant, il y avait un principe de clauses de remploi. Qu'est-ce que c'est ? Chaque fois que l'Etat vendait un bien, le produit de la vente venait alimenter un crédit prévu dans la loi. Ainsi, l'Etat a acheté pour un peu plus de 70 millions sur la base de la loi 8552 portant sur un montant d'environ 35 millions, que nous avons modifiée via ce projet de loi.
Le département a expliqué que les 50 millions demandés initialement correspondaient à la pratique de l'office des bâtiments qui s'est fondé sur les achats réalisés avec cet argent par le passé - mon collègue en a cité quelques-uns tout à l'heure. Il faut donner à l'OBA les moyens d'être proactif, de réagir rapidement et avec intelligence pour acquérir des terrains ou des bâtiments, il s'agit de répondre aux besoins prépondérants de l'Etat pour des locaux utilisés ou la construction de logements.
J'ai déposé ce rapport de minorité, parce que j'ai trouvé tout à fait indécente la manière dont la commission a interrogé les fonctionnaires venus présenter ce projet, sous-entendant qu'ils demandaient 50 millions pour en obtenir peut-être 30, voire moins. Ces agents de l'Etat ont été traités de façon méprisante, comme si tout à coup ils ne représentaient plus la volonté du Conseil d'Etat. On était en période électorale, certes, et on croyait attaquer Antonio Hodgers jusqu'au moment où on s'est aperçu que l'office des bâtiments dépendait de M. Dal Busco.
A gauche, nous avons proposé l'audition du conseiller d'Etat Dal Busco pour qu'il puisse détailler le mécanisme que je viens d'évoquer - un mécanisme avant tout financier - mais non, il n'en a rien été. Nous sommes passés d'une proposition de diminution de crédit à une autre: 10 millions, 20 millions, 30 millions, le montant finalement retenu étant celui de 30 millions, mais ça aurait pu en être un autre. Aujourd'hui, notre collègue présente un amendement que je vous conseille à tout le moins d'accepter, mais je reste convaincue que ce n'est pas comme ça qu'on travaille, c'est un manque de respect vis-à-vis des départements. Je vous remercie.
M. Guy Mettan (PDC). Chers collègues, il faut être sérieux quand on débat de ce type de sujet. Vous transmettrez à Mme Valiquer Grecuccio, Monsieur le président, qu'elle se trompe en parlant du changement dans le calcul: la loi 8552 a été votée en 2002, et c'est en 2002 que cette adaptation a eu lieu, pas lors du vote de la dernière loi qui est la L 10775 et qui a été adoptée en 2011 en incluant le nouveau changement.
Une voix. Bravo !
M. Guy Mettan. Pourquoi avons-nous proposé 30 millions au lieu de 50 ? Pour une raison très simple: le montant de la loi 10775 votée en 2011 et qui concernait une période de six ans s'élevait à 25 millions. Durant ces six dernières années, le Conseil d'Etat a utilisé en moyenne 4 millions par an pour acquérir des bâtiments ou des terrains. Il vient aujourd'hui avec le double de ce montant - c'est même plus que le double, c'est 150% de plus - lequel est passé de 4 à 10 millions par année. Très logiquement, la commission s'est demandé: pourquoi une telle augmentation alors que, comme l'a expliqué le rapporteur de majorité, il n'y a pas d'important projet d'acquisition dans le pipeline ? Rien ne justifie pareille croissance du montant.
Soucieuse du bon usage de l'argent public, une majorité de la commission a estimé qu'on pouvait naturellement accorder au Conseil d'Etat les moyens d'acquérir des terrains et des immeubles, qu'on pouvait même augmenter le crédit alloué, ce que nous avons fait, en le portant à 30 millions, soit 6 millions par an sur cinq ans. Il s'agit d'une hausse de 50% par rapport à la moyenne de ces dernières années, donc il ne faut pas venir nous dire qu'on bloque le Conseil d'Etat, on lui a octroyé un budget supplémentaire. Mais de là à doubler ou tripler la somme, il y a un pas que nous ne voulons pas franchir.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs, je vous invite à voter ces 30 millions. C'est le PDC qui a fait cette proposition, et nous nous y tenons, sachant aussi - deuxième élément - que nous n'avons pas fixé de date butoir, nous n'avons pas restreint ces 30 millions à une durée précise. Si, pour une raison valable, le Conseil d'Etat dépense 20 millions demain, rien ne l'empêche de revenir vers nous dans un an ou deux nous demander un supplément, puisque aucun délai n'a été indiqué. Il s'agissait justement de laisser une plus grande marge de manoeuvre au Conseil d'Etat. Pour ces différentes raisons, il faut accepter le projet de loi sans les amendements, cela permettra à notre république de fonctionner correctement avec la marge de manoeuvre qui lui est nécessaire. Merci.
M. Rémy Pagani (EAG). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, je m'étonne de ne pas avoir entendu le Conseil d'Etat nous exprimer ce soir sa volonté de mener une politique proactive en matière d'acquisition de terrains. Ces dernières années, en effet, ses efforts ont été relativement modérés. Heureusement, il nous propose aujourd'hui, par une action déterminée, d'augmenter de manière conséquente sa marge de manoeuvre et, partant, sa flexibilité pour saisir des opportunités. Je vous rappelle que les collectivités disposent de deux méthodes pour acquérir des terrains afin d'y développer du logement social ou de l'industrie - ce qui est une manière de soutenir les petites et moyennes entreprises: d'une part le droit de préemption, d'autre part l'achat de gré à gré.
Or l'Etat n'a pas eu beaucoup recours au droit de préemption en zone de développement 3 ces dernières années, et j'espère qu'avec cette somme de 50 millions qu'Ensemble à Gauche votera, on assistera enfin à de réelles politiques offensives en ce qui concerne l'acquisition de terrains et l'exercice du droit de préemption, y compris en proposant à des particuliers d'acheter leur bien en cas d'hoirie, de difficultés passagères ou importantes. Il s'agit maintenant d'acheter des terrains très rapidement, soit en zone industrielle, soit en zone de développement.
Bon an mal an, nous avons construit environ 2000 logements ces trois dernières années, mais il faut à présent accélérer le rythme et viser les 2500, voire 3000 logements en zone de développement, et ce n'est pas en traînant comme un escargot qu'on y arrivera, mais bien en octroyant réellement des moyens ainsi que ce projet de loi nous le demande. Certains ici jouent les marchands de tapis en diminuant le montant de 30 millions, puis branlent dans le manche en en proposant 40...
Pour ma part, je trouve qu'il est tout à fait responsable de voter ce crédit demandé et argumenté par le Conseil d'Etat, d'autant plus que nous recevrons chaque année un rapport sur l'utilisation des deniers. Ensemble à Gauche espère que l'Etat mènera désormais une politique offensive en matière d'achat de gré à gré ou par préemption de terrains, car il s'agit de construire des logements bon marché et surtout de soutenir les petites et moyennes entreprises en acquérant des bâtiments dans les zones industrielles. Je vous remercie de votre attention.
M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, vu l'heure avancée, je serai bref, je ne traînerai pas comme un escargot, ainsi que le craint notre ami Pagani. Le groupe MCG et la majorité de la commission des travaux vous encouragent à refuser les amendements proposés, c'est-à-dire à maintenir la ligne de crédit à 30 millions sur cinq ans, et à voter le texte de loi tel que sorti de commission. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je cède maintenant la parole à M. Yvan Zweifel. (Un instant s'écoule.) Il n'est pas là ?
M. Yvan Zweifel. Si, Monsieur le président - je sais que je ne suis pas bien grand, mais tout de même ! (Rires.)
Le président. Excusez-moi, Monsieur Zweifel, je donne d'abord la parole aux deux rapporteurs de minorité, vous l'aurez en dernier. Madame Valiquer Grecuccio, c'est à vous.
Mme Nicole Valiquer Grecuccio (S), rapporteuse de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. Nous partageons l'opinion que vient d'exprimer M. Pagani: l'Etat se doit d'être proactif, il faut lui garantir des moyens. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle ce sont les minoritaires qui ont demandé l'urgence sur ce projet de loi - je l'ai fait moi-même tout à l'heure - afin que l'Etat dispose au moins de 30 millions pour fonctionner, et nous ne manquerons pas de revenir à la charge pour obtenir davantage en cas de besoin, car nous faisons confiance aux chiffres fournis par les collaborateurs qui sont sur le terrain, qui ne se perdent pas dans des positions idéologiques, comme c'est le cas actuellement. Merci beaucoup.
M. François Lefort (Ve), rapporteur de première minorité. Nous avons pris M. Mettan en flagrant délit de mauvaise foi: il prétend allouer des moyens supplémentaires au Conseil d'Etat, mais supprime 40% du montant demandé ! Couper les ailes au Conseil d'Etat, voilà une drôle de façon de l'aider... Enfin, ce n'est pas vraiment lui couper les ailes, mais le déplumer et ralentir son activité.
Par égard pour le PDC, j'ai omis de mentionner tout à l'heure que les amendements élaguant le crédit de 20 millions avaient été présentés par M. Mettan lui-même, seul député PDC dans cette commission à l'époque. Mme Valiquer Grecuccio a indiqué que l'audition du Conseil d'Etat avait été sollicitée, mais n'a pas précisé ce que j'ai également oublié de souligner, par égard pour la majorité cette fois, à savoir que cette audition a été refusée par cette même majorité. M. Dal Busco n'a pas été autorisé à présenter son projet de loi devant la commission ! C'est une pratique tout à fait inconcevable, contraire à la politesse politique minimale qui est d'entendre le Conseil d'Etat lorsqu'il présente un texte de loi.
Nous constatons que la majorité, donneuse de leçons habituelle, se complaît dans sa mauvaise humeur. Toutefois, nous espérons que dans cette majorité se trouveront suffisamment de députés pour voter l'amendement établissant le crédit à 40 millions, ce qui représente 10 millions supplémentaires sur une période de cinq ans et donnera un peu d'aisance au Conseil d'Etat s'agissant d'achats urgents et nécessaires en faveur de la population. Merci.
Le président. Je vous remercie, Monsieur. A présent, la parole est à M. Yvan Zweifel, avec mes excuses !
M. Yvan Zweifel (PLR), rapporteur de majorité. Excuses acceptées, Monsieur le président ! Mesdames et Messieurs, on ne peut pas tout dire et surtout pas n'importe quoi. On parle de mauvaise humeur de la majorité, mais elle se situe plutôt du côté de la minorité. Prétendre que nous avons refusé ce projet de loi en commission est faux; la preuve, je vous appelle ce soir à le voter - peut-être pas tel que le souhaitait le Conseil d'Etat, mais à le voter tout de même. Je le répète: prétendre qu'on ne voulait pas le voter, comme l'a fait Mme Valiquer, n'est pas correct. Dire que du mépris aurait été manifesté à l'encontre des employés de l'Etat ne me paraît pas correct non plus: nous avons reçu les fonctionnaires qui nous ont fourni leurs explications, personne n'a été méprisant.
Mesdames et Messieurs, nous sommes les députés de la République et canton de Genève, nous sommes le législateur, il nous revient de prendre des décisions. Investir 30, 40 ou 50 millions constitue une lourde responsabilité, et nous devons la prendre en toute connaissance de cause. Naturellement, Monsieur le rapporteur de première minorité, j'ai bien compris qu'on ne pouvait pas obtenir de liste exhaustive des achats envisagés avec ces 50, 40 ou 30 millions, j'ai bien compris le pourquoi du comment, mais venir nous dire qu'on n'a même pas l'ombre du début d'une petite idée sur la question...! En tant que députés membres de la commission et comme législateur, nous sommes en droit de nous poser des questions. Ce n'est pas de la mauvaise humeur, ça signifie simplement prendre nos responsabilités.
M. Pagani parle de marchandage de tapis, ce n'est en tout cas pas nous qui nous y adonnons. Sur quels éléments nous sommes-nous basés pour arriver à la somme de 30 millions ? M. Mettan l'a dit très parfaitement - enfin, il l'a dit parfaitement, parce que «très parfaitement», ce n'est pas français: nous nous sommes basés sur les projets de lois précédemment votés d'une part, sur la moyenne annuelle des investissements effectivement consentis d'autre part. Il ne s'agit pas de marchandage de tapis, mais d'un montant parfaitement estimé. Ce sont précisément ceux qui proposent aujourd'hui 40 millions à la place de 50 ou de 30 qui font du marchandage de tapis.
Enfin et pour conclure, Mesdames et Messieurs, Monsieur le président, la majorité a souhaité qu'un rapport annuel soit établi pour que nous puissions déterminer chaque année où en est le crédit et anticiper; si, dès la première année, nous constatons que la moitié du montant a déjà été mangée, nous voterons alors un crédit supplémentaire. Cela nous permet simplement d'avoir une visibilité, c'est la seule et unique chose que souhaite la majorité de la commission. Il n'y a pas de mauvaise humeur, pas de mépris, pas d'électoralisme, juste un pragmatisme raisonnable. Je vous remercie de voter le projet de loi tel qu'il ressort des travaux de commission.
Le président. Merci. Je passe la parole à M. Lefort qui la sollicite à nouveau. (Exclamations.)
M. François Lefort (Ve), rapporteur de première minorité. M. Lefort a encore un peu de temps, Mesdames et Messieurs ! (Commentaires.)
M. Yvan Zweifel. M. Zweifel aussi !
Le président. Allez-y, Monsieur le député, allez-y.
M. François Lefort. Notre règlement me permet de prendre la parole jusqu'à ce que mon temps soit épuisé, donc je vous prierai de ne pas grommeler comme ça, là-bas au fond.
Je voulais juste faire un petit commentaire, d'ailleurs, et relever que M. Zweifel, tout comme les gens qui vont le suivre ce soir, planifie nos besoins futurs en regardant vers le passé. Cette méthode va nous permettre de faire face à nos besoins, c'est clair ! Regardons vers le passé, c'est comme ça que nous allons satisfaire les besoins de la population dans le futur. Non, évidemment, ce n'est pas la méthode que nous préconisons, c'est plutôt celle que nous combattrons. Merci.
M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je peux comprendre que pour le législateur, ce genre d'enveloppe interroge. D'un autre côté, on le voit, ce système existe dans notre république depuis des années et permet à l'Etat d'agir sur le marché foncier - qui est un marché essentiellement privé, où les acteurs ont besoin d'une réponse rapide et d'une disponibilité financière immédiate - et d'acquérir des locaux. Il ne s'agit pas de logements, contrairement à ce qu'évoquait M. Pagani...
M. Rémy Pagani. J'ai confondu !
M. Antonio Hodgers. ...qui confond sans doute avec le fonds LUP d'acquisition de logements. Ici, on parle de locaux destinés aux besoins de l'administration, de bâtiments en zone industrielle - on a entendu l'exemple de la ZIPLO - d'immeubles patrimoniaux, comme Clarté, de terrains pour réaliser des gares du CEVA, autant d'infrastructures publiques qui touchent assez peu la politique du logement.
Le Conseil d'Etat, Monsieur le rapporteur de majorité, ne peut pas venir devant le parlement déposer un projet de loi, attendre les travaux parlementaires en commission, attendre que l'objet soit de nouveau porté à l'ordre du jour et espérer que l'urgence soit votée, comme ça a été le cas ce soir. Je suis désolé de le dire, mais le temps des travaux parlementaires n'est pas compatible avec les attentes des propriétaires privés qui, dans l'essentiel des cas, sont d'accord de vendre, mais ont besoin d'une réponse rapide. C'est donc cette marge de manoeuvre que le Conseil d'Etat sollicite.
On peut se demander, comme l'a fait M. Zweifel, pourquoi 50 millions. Eh bien pour obtenir une réponse, Monsieur le rapporteur de la majorité, il aurait fallu que vous acceptiez l'audition du magistrat concerné, à savoir Serge Dal Busco ! Je trouve un peu cavalier qu'une commission refuse d'entendre le conseiller d'Etat chargé d'une politique publique et qu'on vienne ensuite se plaindre en plénière qu'on ne sait pas exactement à quoi va servir l'argent.
Cet argent, Mesdames et Messieurs les députés, est lié à un volume de mutation urbaine plus important que par le passé. Nous vivons aujourd'hui l'avènement de plusieurs grands quartiers qui vont mobiliser des infrastructures publiques, des postes de police, des écoles, et pour cela, nous avons besoin d'un crédit plus conséquent. Certes, nous pourrons aller de l'avant avec 30 millions, mais la conséquence, c'est que nous reviendrons plus vite devant vous et qu'il y aura, ma foi, un processus politique et administratif supplémentaire. A Genève, on se plaint de la densité normative, mais quand la possibilité de faire preuve d'un peu plus de souplesse s'offre à nous, on la refuse !
Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat s'en tient à son enveloppe qui est justifiée, qui aurait pu être détaillée en commission si la majorité avait eu la curiosité d'aller plus loin dans les travaux, et vous prie d'accepter le projet de loi à 50 millions tel qu'il l'a déposé.
Le président. Je vous remercie. Mesdames et Messieurs, c'est le moment de voter sur l'entrée en matière.
Mis aux voix, le projet de loi 12243 est adopté en premier débat par 94 oui et 1 abstention.
Deuxième débat
Le président. Nous sommes saisis d'un amendement de M. Lefort au titre visant à remplacer le montant du crédit d'investissement de 30 millions par celui de 40 millions.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 56 non contre 41 oui.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Une voix. Pas sympa pour votre magistrate !
Le président. Puisque le premier amendement a été rejeté, les deux modifications suivantes proposées à l'article 1 et à l'article 2, alinéa 2, tombent.
Mis aux voix, l'art. 1 est adopté, de même que les art. 2 à 5.
Troisième débat
Mise aux voix, la loi 12243 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 96 oui contre 1 non.
Le président. Merci, Mesdames et Messieurs, et à demain !
La séance est levée à 23h05.