République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 novembre 2018 à 17h
2e législature - 1re année - 6e session - 33e séance
PL 12102-A
Premier débat
Le président. Nous commençons avec le premier objet figurant à notre ordre du jour. Ce projet de loi est classé en catégorie II, quarante minutes de temps de parole. Je passe immédiatement la parole à M. le député Cyril Aellen.
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Monsieur le président, j'ai le redoutable privilège de remplacer M. Christophe Aumeunier, rédacteur du rapport, qui me laisse l'immense plaisir de pouvoir dire quelques mots à ce sujet. Ce projet de loi fait le constat que les lois votées par le parlement - dans sa majorité de gauche bien souvent - sont bien souvent extrêmement rigoureuses, extrêmement contraignantes et problématiques dans leur application. Il y a des problèmes avec les taux d'occupation, avec les taux d'effort, avec les programmes de rocade en cas d'appartement en sous-occupation. J'ai donc le plaisir de voir que les promoteurs de ce type de loi se plaignent de ce qu'ils souhaitent !
Mon deuxième plaisir réside dans l'argumentation développée par les diverses personnes auditionnées. J'ai le privilège de citer quelques auditionnés. D'abord, M. Antonio Hodgers, avec qui je ne peux qu'être d'accord: «Si l'on pousse le raisonnement, s'agissant de ce projet de loi, l'on parviendrait à diminuer le nombre de LUP sur l'ensemble du canton, ce qui n'est pas l'objectif du Conseil d'Etat.» Je m'en félicite et je le remercie !
Je citerai ensuite une autre personne avec laquelle je ne peux qu'être d'accord au sujet de ce projet de loi, Mme Carole-Anne Kast, qui venait représenter le RPSL: «Selon Mme Kast, deux autres mesures seraient bien plus susceptibles d'apporter des réponses utiles à la problématique évoquée.» Voilà, Mesdames et Messieurs, toutes les autres personnes auditionnées étaient d'accord avec ces deux personnes-là: je ne peux évidemment que vous demander de refuser, avec elles, ce projet de loi.
Mme Caroline Marti (S), rapporteuse de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, aussi nécessaire et bon que soit le système de logements subventionnés, il est perfectible; comme tout bon système, il peut être amélioré. C'est l'objectif de ce projet de loi, qui part du constat que, dans certaines situations particulières, le système actuel peut plonger un certain nombre de familles dans une situation délicate. Notamment, les groupes familiaux dont le revenu augmente peuvent sortir des barèmes admis, même en cas de très légère augmentation. Cela les amène à devoir payer soit une surtaxe importante soit à subir la résiliation de leur bail. Il en va de même lorsque le groupe familial évolue, notamment lorsqu'un enfant part du foyer; le ménage se retrouve ainsi en situation de sous-occupation de son logement, ce qui le conduit à la même situation.
Ce projet de loi a le mérite de formuler une proposition effectivement audacieuse, qui nous demande de penser un peu en dehors du cadre et d'être créatifs. Malheureusement, la majorité de la commission n'a pas souhaité faire ce pas. Le système part d'un principe louable: les logements d'utilité publique doivent être réservés aux personnes qui en ont le plus besoin. Or, aujourd'hui, nous nous retrouvons dans une situation de pénurie de logements qui doit nous faire évoluer dans notre manière de penser, dans la mesure où certaines personnes, certaines familles, sortent des barèmes prévus pour les logements d'utilité publique et se retrouvent dans une situation relativement précaire, étant donné que les logements du marché libre sont non seulement trop peu nombreux, donc difficiles à trouver, mais aussi proposés à des loyers très élevés. De ce fait, une bonne partie de ces familles qui dépassent les barèmes se retrouve à devoir payer une surtaxe importante ou à affronter une situation encore plus difficile lorsqu'elles se voient résilier leur bail parce qu'elles ne trouvent tout simplement pas d'autre logement.
La réponse apportée par ce projet de loi est somme toute assez simple, même si, je le répète, elle demande de penser un peu autrement et en dehors du cadre. Il s'agit simplement de construire des immeubles qui comportent plusieurs catégories de logement en leur sein. Cela permettrait aux personnes dont le revenu évolue de rester dans leur appartement grâce à un changement de sa catégorie, avec forcément une contrepartie pour éviter que les logements de certaines catégories ne se raréfient. A la vacance suivante, le logement en question retournerait d'une catégorie à l'autre.
Ce texte permet d'accroître la mixité à l'intérieur même des immeubles, ce qui, aux yeux de la minorité de la commission, est un projet tout à fait louable. Pour les cas de sous-occupation, il prévoit de renoncer à toute résiliation de bail avant d'avoir proposé au préalable un logement, dans le même immeuble, qui réponde aussi à la situation de la famille en question.
La minorité de la commission avait proposé un amendement lors des travaux de commission. Nous le déposerons à nouveau si ce Grand Conseil décide d'entrer en matière sur ce projet de loi.
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi part d'une constatation juste, mais il est difficilement réalisable dans la situation actuelle et dans le cadre de la LGL qui est complexe. Il vise deux objectifs: d'abord, autoriser plusieurs catégories de logements au sein d'un même immeuble; ensuite, interdire de résilier le bail du locataire en cas de dépassement du barème de sortie, avec un système d'échange d'appartements qui serait mis en oeuvre notamment en cas de sous-occupation, ce qui est problématique. Pour ce qui concerne les fondations immobilières de droit public, ce projet de loi conduirait en définitive à créer des logements qui sortent des catégories HBM et, le cas échéant, des catégories LUP. Or, les fondations n'ont pas pour mission de créer des logements qui ne sont plus des logements sociaux.
Concernant la mixité au sein d'un même immeuble, les fondations pratiquent déjà une forme de mixité avec des catégories de logements à loyers «étirés»; il existe depuis une année une directive qui promet de répondre à cette préoccupation. La seule catégorie de logement qui réponde aux préoccupations du rédacteur de ce projet de loi est la catégorie HM puisque cette catégorie permet aux loyers d'évoluer. Ce projet de loi n'est pas applicable puisque les loyers admissibles sont fixés par l'Etat en fonction des coûts de construction. Pour les raisons évoquées, le groupe PDC ne votera pas l'entrée en matière sur ce projet de loi.
M. Daniel Sormanni (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, a priori, ce projet de loi partait d'une bonne intention. Dès qu'on a commencé à l'étudier, on a tout de suite vu qu'il était quasiment irréalisable ! C'est trop compliqué. Ça va d'abord entraîner des difficultés pour les fondations HBM, parce qu'il y aura des logements qui échapperont au contrôle de l'Etat. Ensuite, c'est complexe de changer la catégorie de l'appartement même d'une personne touchée par une éventuelle surtaxe ou un congé. Les statistiques ont été demandées et elles sont claires: les quantités sont homéopathiques, il y a extrêmement peu de cas. Pratiquement personne ne se retrouve à la rue suite à cela.
La deuxième chose, c'est que faire plusieurs catégories dans un même immeuble, c'est possible, ça existe déjà ! Mais pas de changer la catégorie d'un logement individuel chaque fois qu'un foyer voit son revenu augmenter ou baisser ! Ça deviendrait complètement ingérable, c'est impossible ! C'est la raison pour laquelle cette idée a priori bonne n'est pas réalisable, il faut la rejeter. L'amendement proposé est encore pire, puisqu'on aboutit au fait que ces familles qui voulaient voir leur appartement changer de catégorie devenaient prioritaires par rapport aux urgences sociales, ce qui est inacceptable ! Ce n'est même pas digne de la part du parti socialiste d'avoir présenté cela. Par conséquent, il faut rejeter ce projet de loi: bonne idée irréalisable, à jeter aux orties !
M. Alberto Velasco (S). Monsieur le président, pour les milieux immobiliers et pour la droite, la mixité, c'est la PPE. La véritable mixité, avec des locataires de revenus différents, c'est pour eux une quasi-étatisation du logement ! Je m'en étais ouvert à M. Aellen pour savoir ce qu'il pensait de ce projet de loi et il m'a dit que si on l'appliquait, c'était l'étatisation du logement. Ça montre qu'ici, en matière de logement, on est extrêmement idéologique. Mesdames et Messieurs les députés, vous savez très bien que ce sont toujours les communes pauvres qui reçoivent les HBM, et elles sont touchées dans leur fiscalité. Voilà ce que nous essayons de combattre aujourd'hui, voyez-vous.
Avant, quand les gens faisaient des études, universitaires ou autres, ils commençaient déjà la vie active avec un salaire conséquent. Aujourd'hui, il se trouve que cette classe moyenne qui s'élèvera peut-être plus ou moins socialement commence avec de petits revenus. Si une personne de cette classe vit dans un logement social, elle doit le quitter quand son revenu s'élève. Dans certaines communes, malheureusement, on a un regroupement de certaines catégories sociales qui ne sont pas diversifiées.
Ce projet de loi a peut-être des défauts, mais c'est à la commission de les corriger et de donner des idées pour aller de l'avant. Ce que j'entends, c'est qu'à l'époque du 4.0 - parce que tout le monde parle d'industrie 4.0 maintenant - on est incapable de faire des plans financiers différenciés. Des excuses pareilles sont lamentables ! A la page 7 du rapport, un député du MCG interroge M. Nagy qui «confirme que de rares cas existent de mixité au sein d'un même immeuble. Dans ces cas, la distinction s'est faite dès l'origine et à la construction de l'immeuble avec un plan financier qui différencie très nettement les deux "paniers"». Voilà, ça a été fait, dans des immeubles tout neufs ! Pourquoi ne pourrait-on pas envisager cette expérience dans des immeubles futurs ? Cela permettrait à certaines communes d'avoir des logements différenciés. L'idée derrière ce projet était de dire qu'on aurait très bien pu constituer un parc locatif social sur la base de la somme cantonale des appartements locatifs sociaux au lieu d'un pourcentage d'immeubles. Ça veut dire qu'on pourrait très bien avoir une dispersion dans le canton puisqu'on parle de LUP. Mais non, l'ouverture de ce Grand Conseil est extrêmement limitée en matière de logement. On ne bouge pas, il ne faudrait surtout pas permettre à certaines populations d'arriver dans le quartier de Champel avec des revenus bas, les écoles se retrouveraient trop mélangées: ce raisonnement a quand même parcouru certains membres de la commission.
Mesdames et Messieurs les députés, il est regrettable de voir ce qui se passe quand on dépose un projet de loi avec un esprit ouvert dans ce Grand Conseil, surtout pour moi, qui suis à l'ASLOCA. Nous avons proposé là une ouverture, mais, à chaque fois, les ouvertures sont impossibles. Nous reviendrons donc à un combat beaucoup plus strict. Mesdames et Messieurs les députés, moi, je vous propose de voter ce projet de loi.
Mme Katia Leonelli (Ve). Mesdames les députées, Messieurs les députés, ce projet de loi part d'une bonne idée: répondre au problème des locataires expulsés de logements subventionnés en raison d'un changement de leur situation financière. Nous soutenons ce dessein et nous serons favorables à ce projet de loi, même si nous admettons quelques réserves concernant les potentielles difficultés administratives qu'il pourrait engendrer.
En ce qui concerne le principe de mixité - plusieurs catégories de logements au sein d'un même immeuble - nous y sommes bien sûr favorables. Nous le savons, une hétérogénéité socioculturelle, un mélange des classes permettent de favoriser le vivre-ensemble et la cohésion sociale. Quant au changement de la catégorie d'un logement lorsqu'un habitant dépasse le taux d'effort ou le taux d'occupation, nous sommes inquiets que cela soit trop compliqué d'un point de vue administratif. Une solution consisterait peut-être, selon nous, à simplement augmenter la part de la catégorie de logements HM au sein du parc: c'est un outil plus flexible et qui s'adapte à chaque locataire de manière personnalisée.
Rappelons que le contrôle des taux d'effort et d'occupation a été prévu pour permettre de réserver les logements subventionnés aux personnes qui en ont le plus besoin en raison de leur situation financière. Malheureusement, en ces temps de pénurie et de crise du logement, les locataires habitant des logements subventionnés qui voient leur situation personnelle changer sont brutalement expulsés de leur appartement. Ces personnes ont souvent vécu plusieurs dizaines d'années dans une commune, elles ont créé de forts liens communautaires et ont un attachement particulier à la vie de leur quartier. C'est pourquoi il est selon nous primordial que les fondations assurent un suivi au cas par cas, une vraie gestion personnalisée en cas de changement de situation économique d'un locataire de logement subventionné. Il faut que le déménagement soit accompagné pour amener ces personnes à un logement mieux adapté à leurs besoins, au sein d'un système plus souple qui n'entraîne pas de déménagement insupportable. De plus, il faudrait les assurer de trouver un logement qui les satisfait, si possible dans le même quartier.
Malgré ces quelques réserves et afin de répondre au problème des déménagements forcés, le parti des Verts soutiendra le projet de loi tel que la minorité propose de l'amender, car il permettrait de trouver des solutions rapides de relogement pour toutes ces personnes. Nous espérons que cette question nous permettra d'avoir par la suite une réflexion approfondie sur les différentes catégories de logement prévues par la LGL.
M. Marc Falquet (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, tout le monde est d'accord pour favoriser la mixité sociale. Je n'ai pas participé aux travaux, mais en lisant le rapport, je me pose la question de savoir si ce projet de loi permet d'atteindre ce but. En tout cas, ce n'est pas ce que dit le conseiller d'Etat, notamment par rapport aux résiliations pour dépassement de barème qui sont finalement très peu nombreuses. En ce qui concerne la sous-occupation, il ne faut pas oublier qu'il s'agit de logements subventionnés, et ce serait bien de respecter un peu l'intérêt public en occupant ces logements.
Le rapporteur de majorité a parlé du RPSL: qu'est-ce que c'est que le RPSL ? C'est le Rassemblement pour une politique sociale du logement qui défend les intérêts des locataires. L'ASLOCA fait partie de ce groupement dont la présidente est socialiste. Que dit ce rassemblement ? Lors de son audition, la présidente a proposé autre chose: prioriser les locataires déjà surtaxés dans l'attribution de logements. C'est une des propositions qu'elle a faites. L'autre serait de baisser le barème maximal du taux d'effort. Je pense que les professionnels ont parlé; on ne peut malheureusement que refuser cette bonne idée qui ne correspond toutefois pas aux besoins.
Le président. Merci, Monsieur le député. Vous n'avez pas besoin de toucher votre micro: laissez-le tranquille, il aura une longue et saine vie en face de vous. Je passe maintenant la parole à M. le député Pablo Cruchon.
M. Pablo Cruchon (EAG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, deux choses pour commencer. D'abord, je me félicite que le RPSL et l'ASLOCA soient si brillamment cités ce soir et je vous invite à le faire également sur d'autres objets qui vous arrangent un peu moins ! Il y aurait là une expertise bonne à prendre sur d'autres objets, notamment sur les logements sociaux.
Cela étant dit, le projet de loi 12102 présenté par nos collègues socialistes cherche à répondre de manière claire et précise à un problème spécifique, celui de la résiliation de bail en cas de changement de situation des locataires de logements subventionnés. C'est un problème d'autant plus difficile qu'il y a une grave pénurie actuellement. Je rappelle qu'il s'agit d'une pénurie savamment organisée par les milieux immobiliers et leurs dignes représentants ici présents ! En effet, nous avons pu constater que les résiliations de bail se multipliaient pour les occupants de logements sociaux dont le revenu augmente ou en cas de sous-occupation. Cela pose de plus en plus de problèmes sociaux et familiaux aux locataires. Ce constat est partagé par l'ASLOCA et le RPSL.
Ces situations se multiplient car la société change; les parcours professionnels sont de moins en moins linéaires et les périodes de chômage ponctuent de plus en plus des contrats à durée déterminée; le travail sur appel se développe également. Tout ça fait que la situation financière des ménages est de plus en plus imprévisible ou varie fortement, parfois durant des années. Sur un laps de temps de cinq ans, des gens sortent des barèmes, y entrent à nouveau, puis en ressortent, en fonction de leur insertion professionnelle ou de leur capacité à négocier de bons contrats. Or, les personnes qui occupent des logements sociaux actuellement sont déjà les personnes les plus fragiles sur le marché du travail; elles sont les plus vulnérables à la conjoncture économique et les premières à se retrouver au chômage quand l'économie va moins bien. Il y a donc un manque de prévisibilité.
Deuxième chose, il y a des changements sociétaux, comme l'arrivée tardive des enfants ou les recompositions familiales qui viennent changer la prévisibilité de l'occupation des logements. Par exemple, dans des familles séparées, on veut quand même une chambre pour un enfant dont on n'a pas la garde, pour que l'enfant puisse voir son papa ou sa maman, mais ces enfants ne sont pas considérés comme locataires et ne sont donc pas inclus dans le calcul du taux d'occupation du logement. Il y a donc un problème avec cette loi qui ne prend pas en compte l'époque à laquelle on vit. Ces changements sociétaux rendent les locataires plus fragiles face aux règles en place et, surtout, ils génèrent une concurrence entre les très pauvres et les un tout petit peu moins pauvres. Dès qu'on dépasse le seuil du barème, on est un peu moins pauvre et on est mis en concurrence avec les plus pauvres. La concurrence devrait avoir lieu sur le marché libre, un marché libre pourtant absolument inaccessible.
Monsieur le président, vous transmettrez à notre collègue Mme Barbier-Mueller, sa régie propose depuis hier sur Facebook un appartement de quatre pièces à Champel à 4000 F: 4000 F par mois ! Quelle est la personne sortant du barème HBM qui peut se payer un appartement à 4000 F par mois à Champel ? Je peux vous le dire, j'ai quand même regardé par curiosité: pour 4000 F, ce n'est pas comme s'il y avait chauffeur et cuisinier inclus !
Donc, la sortie du barème et un passage aux loyers libres peuvent conduire à doubler voire tripler le loyer pour la personne concernée, ce qui est tout bonnement inadmissible ! Certains exemples sont frappants, comme lors du décès d'une personne âgée dont le conjoint se retrouve seul, en situation de sous-occupation, avec un bail qui devrait être résilié. Avec ce projet de loi, nous avons l'occasion d'oeuvrer à une meilleure mixité sociale, mais surtout nous pouvons offrir une plus grande souplesse au département afin de limiter au maximum les résiliations et de favoriser les échanges d'appartements. Le groupe Ensemble à Gauche vous invite donc à le soutenir. (Applaudissements.)
Mme Diane Barbier-Mueller (PLR). Je trouve ce débat très intéressant. Je découvre avec surprise que les milieux immobiliers ont un immense pouvoir à Genève, puisqu'ils peuvent artificiellement contrôler les loyers pour plus de 500 000 habitants. Chapeau !
Par rapport à ce projet de loi, je trouve quand même assez ironique que la gauche vienne remettre en question la souplesse des barèmes des logements subventionnés: je vais dans ce sens aussi, mais c'est une autre histoire.
Quant aux locataires brutalement expulsés parce qu'ils ne remplissent plus les critères, pour défendre un peu les fondations, les locataires ne sont jamais brutalement expulsés: il y a toute une procédure qui prend quand même un petit moment !
Je ne vais pas répéter ce qu'on dit mes préopinants, mais ce texte demande en résumé un changement de catégorie LGL. Ça concerne principalement les deux catégories HBM et HLM, mais ne tient pas compte de la catégorie HM, puisque cette dernière permet déjà une mixité et la souplesse demandée par ce projet de loi. J'aimerais mettre en avant des statistiques figurant dans le rapport de majorité: sur les 11 194 logements que comptaient les catégories subventionnées HLM et HBM - donc les deux catégories visées - au moment de l'élaboration de ce rapport, 57 résiliations en moyenne ont eu lieu par année pour le motif de dépassement du barème et une trentaine de personnes n'habitaient déjà plus leur logement. Donc se pose la question de la proportionnalité: est-ce qu'on doit vraiment faire un projet de loi pour une vingtaine de cas dans les catégories HBM et HLM ? Que l'on soit pour ou contre le projet, à gauche ou à droite, on sait qu'il existe des mesures plus modérées qui permettent aux personnes dont le revenu augmente de se sortir de cette situation: le logement libre, qu'on soit contre ou pour; les logements HM; les mesures d'accompagnement comme le système de la surtaxe qui existe déjà pour les logements HM et qu'on pourrait peut-être envisager d'élargir. En conclusion, pour toutes ces raisons, le PLR s'opposera à ce projet de loi et vous invite à faire de même.
Le président. Je vous remercie. La parole est de nouveau à M. Daniel Sormanni, pour deux minutes, pas plus.
M. Daniel Sormanni (MCG). Ce sera beaucoup plus court, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, on nous dit qu'il peut y avoir plusieurs catégories de logements dans un immeuble. C'est déjà le cas ! Mais apparemment, ça n'a pas été compris ! C'est déjà possible, simplement cela doit être défini dès le départ, ça ne peut pas changer au jour le jour, en fonction du locataire d'un appartement et de son évolution sociale. Car cela n'est tout simplement pas praticable ! Par contre, des immeubles dans lesquels il y a plusieurs catégories de logement, c'est possible; ça existe déjà et ça fonctionne très bien. C'est avec ça qu'on fait jouer la mixité, pas avec des mesures individuelles et des changements perpétuels de logement pour quelques personnes, comme vient de le relever Mme Barbier-Mueller. C'est une réalité, je crois donc que c'est là-dessus qu'il faut tabler. Soit ce projet est totalement inutile, soit il enfonce des portes ouvertes; à mon avis, c'est même les deux et c'est pour ça qu'il faut le rejeter.
M. André Pfeffer (UDC). Monsieur le président, il a déjà été dit que cette loi serait difficilement applicable. Le changement de catégorie d'un logement dans un immeuble LUP poserait d'énormes problèmes. Les loyers des HLM et HBM sont fixés par l'Etat et les subventions y sont différentes, tout comme les engagements et les contrats qui sont figés pour vingt voire cinquante ans. Par contre, il est très positif que le parti socialiste réalise enfin la perplexité qui existe vu la surréglementation de notre politique du logement. A Genève, il existe 17 722 appartements LUP et le taux de rotation annuel est de 10%. Avec les nouvelles constructions, Genève dispose presque chaque année d'environ 2000 logements sociaux. Pour rappel, il existe environ 8000 personnes ou familles inscrites à l'office social du logement, mais parmi celles-ci, heureusement, seules 1500 personnes ou familles sont dans une situation urgente ou précaire. Je répète: Genève dispose chaque année d'environ 2000 logements sociaux pour environ 1500 personnes ou familles précaires ou avec un besoin urgent. Le vrai problème de notre politique du logement est une surréglementation, une rigidité excessive et une très mauvaise gestion du parc locatif social. Merci pour votre attention !
M. Cyril Aellen (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Monsieur le président, je regrette d'abord les attaques ad personam d'un député d'Ensemble à Gauche contre une jeune députée engagée: je trouve que c'est particulièrement déplacé ! (Exclamations.) Je sais que ça vous pose un problème de relever la réalité, mais ça méritait d'être dit, parce que ce n'est pas une manière adéquate de faire de la politique dans cet hémicycle !
Cela dit, sur le fond, effectivement, le problème est qu'il y a des logements sociaux destinés à des gens qui, objectivement, ne pourraient pas se loger de façon convenable si ces logements sociaux n'existaient pas. Or, il se trouve que notre société est ainsi faite qu'avoir des difficultés financières ne représente pas une condamnation définitive; la société permet - et c'est bien ainsi - que la situation des personnes évolue et qu'elle évolue favorablement. Quand ces gens-là ont pu bénéficier de l'aide bienvenue de l'Etat et de meilleures conditions de logement, il leur appartient ensuite de laisser les appartements concernés aux gens qui se trouvent dans la situation qu'ils ont connue précédemment eux-mêmes. Ça ne paraît pas totalement absurde que de le penser.
Cela étant, j'ai bien observé. Par exemple, durant la campagne sur le PAV, avec la quantité de LUP prévue, la gauche a cessé de dire que les LUP étaient destinés à une classe moyenne voire à une classe au-delà de la classe moyenne, puisque des revenus de 240 000 F annuels permettent de postuler pour lesdits LUP. Vous voyez, la mixité sociale existe déjà: simplement, il convient que les appartements à loyers extrêmement bon marché, modestes, faits pour ces gens-là, puissent être occupés par des gens modestes, parce que c'est eux qui en ont le plus besoin.
Le président. Je vous remercie. La parole n'étant plus demandée, je vais faire voter sur l'entrée en matière de ce projet de loi 12102. J'attends une seconde que l'on veuille bien rentrer et se mettre à sa place. (Commentaires.)
Mis aux voix, le projet de loi 12102 est rejeté en premier débat par 54 non contre 41 oui.