République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12152-A
Rapport de la commission fiscale chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat modifiant la loi générale sur les contributions publiques (LCP) (D 3 05) (Encouragement à l'acquisition de véhicules électriques)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 22, 23 février et 1er mars 2018.
Rapport de majorité de M. Christo Ivanov (UDC)
Rapport de première minorité de M. Romain de Sainte Marie (S)
Rapport de deuxième minorité de M. Jean Batou (EAG)

Premier débat

Le président. Nous abordons à présent le PL 12152-A en catégorie II, cinquante minutes. Le rapporteur de première minorité est remplacé par M. Thomas Wenger. Je cède immédiatement la parole au rapporteur de majorité.

M. Christo Ivanov (UDC), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi part d'une bonne intention, dans l'optique de développer l'électromobilité à Genève. L'idée est d'augmenter l'avantage pour les véhicules électriques, soit de porter de trois à six ans l'exonération dont ils bénéficient pour inciter les Genevois à remplacer un véhicule thermique par un véhicule électrique. Il y a malheureusement un fort bémol: une augmentation de 10 F par voiture thermique et de 2 F sur les motocycles thermiques est prévue. Or l'augmentation réelle n'est pas de 10 F mais de 24 F par véhicule thermique puisque le montant de base passe de 165 F à 189 F; il s'agit donc d'une hausse de taxe déguisée. Le département peut modifier le règlement D 3 05.16 concernant l'adaptation de certaines contributions au coût de la vie. Celui-ci repose sur une base légale qui est l'article 458 de la LCP. L'alinéa 1 dit ceci, je cite: «Le Conseil d'Etat peut, par règlement, adapter périodiquement au coût de la vie les montants des contributions nominales prévues dans la quatrième partie de la présente loi, ou de certaines d'entre elles.» Pour toutes ces raisons, la majorité de la commission fiscale vous demande d'accepter le projet de loi tel qu'amendé en commission. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Thomas Wenger (S), rapporteur de première minorité ad interim. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi s'inscrit dans la stratégie de l'électromobilité 2030 voulue et présentée par le Conseil d'Etat. L'idée était d'inciter les Genevoises et les Genevois à acheter des véhicules électriques, moins polluants et moins bruyants. La loi autorise aujourd'hui le Conseil d'Etat à exonérer ces véhicules de l'imposition pendant trois ans, le rapporteur de majorité l'a dit; l'idée du projet de loi était de porter cette durée de trois à six ans pour l'exonération des véhicules 100% électriques. Il était prévu que ce projet de loi n'ait aucune incidence financière étant donné que l'allongement de l'exonération pour les véhicules électriques était compensé par un report du coût sur les véhicules thermiques. Celui-ci était relativement modeste puisqu'il s'élevait à 10 F par voiture de tourisme et à 2 F pour les motocycles thermiques - la loi fixe les montants de base qui sont aujourd'hui indexés dans un règlement.

A la commission fiscale, ce projet de loi était bien parti: nous l'avions étudié, il avait été accueilli favorablement et l'entrée en matière a été votée. Et puis tout à coup, lors d'une séance, patatras, tout a dérapé ! La majorité de droite a serré les rangs et a déposé et voté trois amendements qui ont complètement dénaturé le texte. Le premier amendement l'a dénaturé parce qu'en abrogeant l'augmentation de l'imposition, pourtant minime, pour les véhicules thermiques, il va à l'encontre de la neutralité fiscale voulue par le Conseil d'Etat; il n'y a donc plus de neutralité fiscale. Le deuxième amendement vient supprimer la marge de manoeuvre du Conseil d'Etat; il l'oblige à exonérer pour une durée de six ans, sans lui laisser désormais de marge de manoeuvre à cet égard. Et puis le troisième amendement sort complètement du cadre de ce projet de loi puisqu'il octroie la prérogative de l'adaptation de l'imposition des véhicules au coût de la vie au Grand Conseil en lieu et place du Conseil d'Etat. Imaginez le Grand Conseil prendre ce genre de décision !

Il est donc clair pour les socialistes et pour la minorité que ce projet de loi ne peut pas être voté tel qu'amendé parce qu'il n'y a plus de neutralité fiscale et qu'on épargne une fois de plus les véhicules à moteur thermique, plus polluants et plus bruyants. La minorité dénonce l'attachement de la majorité de la commission et de la droite élargie aux véhicules motorisés thermiques polluants - aux 4x4 - au détriment de la santé de la population. Merci beaucoup.

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de deuxième minorité. Ce débat comporte deux aspects, dont un est véritablement très sérieux. L'autre l'est un peu moins, bien qu'il faille aussi y accorder une certaine importance. Le plus sérieux, c'est évidemment le discours que nous tenons sur la mobilité et sur ses effets en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Pour ce qui est de savoir si les véhicules électriques sont effectivement un moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre, on pourrait en discuter longuement, puisqu'on sait tous que leur production a des effets non négligeables. Néanmoins, le signal donné par ce projet de loi était clair: le Conseil d'Etat voulait introduire une mesure extrêmement timide, mais qui allait dans le bon sens, en favorisant les véhicules électriques ou les véhicules les moins polluants.

Immédiatement, cela a suscité une réaction - et je pense qu'il s'agit d'une réaction purement idéologique de refus des problèmes liés au réchauffement climatique. Vous savez qu'une partie des acteurs politiques dénie les observations scientifiques en matière de réchauffement climatique. Or vous savez aussi que sur les dix-huit dernières années, dix-sept ont été les plus chaudes du siècle et que le niveau de l'eau des océans ne cesse de monter. Ça, ce sont les véritables préoccupations de la population ! Ce sont les véritables préoccupations qui devraient, y compris dans cette enceinte, nous motiver. Au lieu de ça, on joue à des jeux totalement déplacés de pure idéologie pro-bagnole en voulant éviter que les tout petits cadeaux faits aux véhicules non polluants ou aux véhicules électriques soient compensés par une augmentation homéopathique pour les véhicules plus polluants.

Ce refus est porteur d'une double intention. Il s'agit d'abord de dire: «On s'en fout !» Je m'excuse de la grossièreté du propos: on s'en fout du réchauffement climatique, on s'en fout des recommandations données en vue de diminuer la pollution - y compris d'ailleurs en ce qui concerne l'air irrespirable, le bruit, etc. Si on ne pense pas global, on peut penser local et favoriser, ne serait-ce que pour cette raison-là, les véhicules électriques. Cela étant, il y a une autre intention dans cette proposition: réduire constamment et par tous les moyens les rentrées fiscales. Il y aura encore plusieurs millions en moins pour satisfaire les besoins essentiels de la population; probablement de l'ordre de 5 millions.

Ne pas indiquer clairement que les véhicules les plus polluants doivent être proscrits, c'est fondamentalement aller dans le mauvais sens. Il faut favoriser les autres formes de mobilité - pas seulement la mobilité automobile d'ailleurs, on ne le répétera jamais assez, mais aussi la mobilité douce des vélos, des piétons, etc. - ou réduire la mobilité en permettant par exemple aux gens de rapprocher leur domicile de leur lieu de travail. Ce sont ces efforts-là que nous devons faire si nous voulons agir de manière responsable vis-à-vis du problème du réchauffement climatique. D'autre part, s'il y a des baisses fiscales à consentir, ce n'est évidemment pas en faveur de l'automobile. Si des niches fiscales sont possibles, c'est en faveur des gens qui en ont le plus besoin et pas en faveur de la circulation automobile. C'est la raison pour laquelle notre groupe refuse ce projet de loi tel qu'amendé. Merci. (Quelques applaudissements.)

Le président. Je vous remercie. La parole est à monsieur... (Remarque.) Madame Marti, M. Hodgers aurait quelque chose à dire. Je passe donc la parole à M. le conseiller d'Etat Antonio Hodgers.

M. Antonio Hodgers, président du Conseil d'Etat. Merci, Monsieur le président du Grand Conseil. Mesdames et Messieurs les députés, les travaux de commission ont tellement dévoyé le projet de loi initial du Conseil d'Etat - le résultat ici présenté a par exemple un impact budgétaire alors que la situation financière de notre canton est déjà tendue - que celui-ci retire le texte en question. (Quelques applaudissements.)

Une voix. Bravo !

Le président. Je vous remercie. Le projet de loi étant retiré, il n'y a pas matière à continuer.

Le projet de loi 12152 est retiré par son auteur.