République et canton de Genève

Grand Conseil

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PL 12043-B
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Georges Vuillod, Simone de Montmollin, Beatriz de Candolle, Gabriel Barrillier, Raymond Wicky, Pierre Conne, Jacques Béné, Jean Romain, Serge Hiltpold, Alexis Barbey, Cyril Aellen, Bénédicte Montant, Patrick Saudan, Céline Zuber-Roy, Yvan Zweifel, Michel Ducret, Edouard Cuendet, Alexandre de Senarclens modifiant la loi sur la faune (LFaune) (M 5 05) (Pour une commission consultative équilibrée)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 22, 23 février et 1er mars 2018.
Rapport de majorité de M. Francisco Valentin (MCG)
Rapport de minorité de M. Thomas Wenger (S)

Premier débat

Le président. Nous traitons à présent le PL 12043-B en catégorie II, trente minutes. Le rapporteur de majorité, M. Valentin, est remplacé par M. André Python, à qui je donne la parole.

M. André Python (MCG), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. Je remplace en effet M. Valentin, que je tiens à remercier au passage pour son rapport. Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi vise à supprimer la commission consultative de régulation de la faune, dont les compétences doublonnent avec celles de la commission consultative de la diversité biologique. Cette dernière est composée de quinze membres, dont les deux représentants de la commission consultative de régulation de la faune.

Il s'agit de régler un problème légistique suite à l'entrée en vigueur de la nouvelle constitution en 2013: la commission a changé de statut, elle n'est plus constitutionnelle, mais consultative. Grâce à ce projet de loi, les décisions relatives à la régulation de la faune seront prises plus rapidement. La CCDB représente les milieux concernés de manière plus large, ce qui fait que ses travaux sont plus harmonieux et ses préavis largement admis.

Je le répète: l'ancrage constitutionnel de la commission consultative de régulation de la faune a disparu lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle constitution genevoise. Dès lors, il est clair que cet organe, qui ne compte que deux membres siégeant aussi à la CCDB, fait doublon avec celle-ci. Mesdames et Messieurs, la majorité vous recommande d'accepter ce projet de loi tel que sorti de commission. Merci de votre attention.

M. Thomas Wenger (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, ce projet de loi, qui a été traité à la commission de l'environnement et de l'agriculture, est surnommé le projet de loi sans malice. Pourquoi ? Parce qu'on nous dit qu'il vise simplement à éliminer un doublon entre deux commissions, mais comme par hasard, il n'a été signé que par des députés et députées PLR - 18, en l'occurrence - sans être proposé à d'autres groupes, ce qui nous met déjà la puce à l'oreille quant à la volonté des signataires.

Quel est l'objectif de ce projet de loi ? Il s'agit de supprimer la commission consultative de régulation de la faune dont les compétences, selon les auteurs, doublonneraient avec celles de la commission consultative de la diversité biologique, qui comprend en son sein une sous-commission de la faune.

Ce qu'il est nécessaire de souligner, c'est que la commission consultative de régulation de la faune délivre des préavis, la question étant de savoir si ceux-ci sont forcément liants. Mais qu'ils soient liants ou simplement d'ordre consultatif, ils sont importants et doivent guider les décisions du Conseil d'Etat. La crainte de la minorité, c'est qu'en supprimant la commission consultative de régulation de la faune, on minorise ses membres au sein de la commission consultative de la diversité biologique, leur poids dans les décisions et préavis se trouvant amoindri.

Dans quel contexte a été déposé ce projet de loi ? En février 2017, Mesdames et Messieurs les députés, le département alors chargé de l'agriculture, le DETA, décidait de lancer un projet consistant à former un groupe de chasseurs genevois volontaires censés épauler les gardes de l'environnement dans certaines tâches de régulation de la faune, c'est-à-dire de tir des animaux.

Or pour nous, la minorité, le tir de régulation de la faune constitue une tâche régalienne qui relève de la seule compétence des gardes de l'environnement. Ce travail doit être assumé par des employés de l'Etat... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je prendrai sur le temps de mon groupe, Monsieur le président ! A titre de comparaison, c'est comme si le Conseil d'Etat décidait de proposer à des paramilitaires bénévoles d'encadrer des manifestations syndicales à la place de la police... (Rires.)

Une voix. On pourrait faire des économies !

M. Thomas Wenger. En effet, on pourrait réaliser des économies ! (L'orateur rit.) Ou alors, c'est comme si on demandait à des bouchers bénévoles qui ne savent pas trop quoi faire de leurs soirées d'assister les chirurgiens des HUG sur un certain nombre d'opérations... (Exclamations.) Eh bien vous voyez, votre réaction montre que non, ce n'est pas possible. Il s'agit d'une tâche régalienne destinée à être accomplie par les gardes de l'environnement, et il est inconcevable pour nous que des volontaires se mettent à tirer des bêtes.

Je citerai rapidement l'article 162 de notre constitution que vous connaissez bien, Monsieur le président, qui stipule ceci: «La chasse aux mammifères et aux oiseaux est interdite. Les mesures officielles de régulation de la faune sont réservées.» Voilà, elles sont réservées et doivent demeurer exceptionnelles. La commission consultative de régulation de la faune délivre des préavis importants, et c'est pour cette raison que la minorité est absolument contre la suppression de cette commission et contre le retour de la chasse à Genève. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)

Le président. Merci pour ce rappel constitutionnel ! Je passe maintenant la parole à M. le député Eric Leyvraz.

M. Eric Leyvraz (UDC). Merci, Monsieur le président. Je crois qu'il faut faire les choses simplement, parce que le sujet est relativement simple. Ce projet de loi entend régler un problème de doublon de commissions, car deux instances remplissent la même mission: la commission consultative de la diversité biologique, qui doit remplir à elle seule la tâche dont il est question, et la commission consultative de régulation de la faune, dont l'ancrage constitutionnel a disparu avec l'entrée en vigueur de la nouvelle constitution en 2013 - cette commission doit être dissoute.

Deux niveaux de préavis pour les mêmes tâches, voilà qui doit être supprimé pour la cohérence des décisions, d'autant plus que durant toute l'histoire de ces deux organes, les préavis étaient semblables dans la majorité des cas. Le système actuel de régulation de la faune fonctionne fort bien, il n'y a pas de raison d'en changer. Elaguons, simplifions, tout en conservant une commission équilibrée dans sa composition. L'UDC soutiendra évidemment ce projet de loi et vous recommande de faire de même, Mesdames et Messieurs.

M. Georges Vuillod (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, de quoi est-il question ici ? On parle d'un problème légistique et de fonctionnement de nos institutions. Ce projet de loi traite d'arbitrage et de responsabilité entre tous les protagonistes concernés par le territoire rural de notre canton - faune, flore, sylviculture, agriculture, bref, l'ensemble des acteurs de la biodiversité - mais certainement pas de réintroduction de la chasse ni de l'appui de chasseurs volontaires dans le concept de gestion de la faune. Ne le pervertissons pas, avec ou sans malice !

Ce texte répond à une question simple: est-il normal de laisser à un groupe particulier la possibilité de s'exprimer deux fois sur la même thématique ? Pour nous, la réponse est non, que ce soit sur ce sujet ou sur n'importe quel autre. Il s'agit d'efficacité et de respect de tous les membres des commissions, il s'agit de préavis participatifs et équilibrés. L'idée n'est pas de rouvrir la chasse ou de négliger la protection des animaux, mais que les problèmes soient traités par des spécialistes sous tous les angles afin de trouver un équilibre et que les préavis d'arbitrage rendus soient étayés et efficaces.

Cette correction légistique nous semble nécessaire, qu'elle concerne cette thématique ou n'importe quelle autre au sein des institutions de notre république. Le PLR soutiendra bien évidemment ce projet de loi et vous demande de le voter également. Je vous remercie.

M. Philippe Poget (Ve). Chers collègues, ce projet de loi vise, comme il a été dit plusieurs fois, à supprimer la commission consultative de régulation de la faune qui a été créée suite à l'abolition de la chasse. Cette commission, qui était alors de niveau constitutionnel, disposait d'un droit de veto sur les tirs de régulation. Avec l'entrée en vigueur de la nouvelle constitution, son statut dans la loi sur la faune est passé du rang constitutionnel au rang législatif, ses préavis devenant consultatifs et non plus liants.

Cette instance est composée de deux membres représentant la protection de la nature et celle des animaux, qui sont aussi membres de droit de la commission consultative de la diversité biologique et qui, dans ce cadre, siègent au sein de la sous-commission de la faune. Cette dernière sous-commission délivre des préavis sur divers sujets concernant la faune dans le canton de Genève, in fine sur les autorisations de régulation. Et c'est là qu'intervient également la commission consultative de régulation de la faune. Les signataires du projet de loi estiment que l'on a affaire à un doublon et proposent donc de supprimer purement et simplement cet organe.

Or plutôt que de prendre une telle décision, je pense qu'il faut justement rappeler l'apport de la commission dans le cadre des décisions de régulation. Lors des auditions, il est clairement ressorti que les réflexions de ses deux membres apportaient une plus-value et mettaient en avant les intérêts de la protection de la nature et des animaux. Dans un canton comme le nôtre au territoire limité, avec une population en augmentation et une pression croissante sur les milieux naturels, cela est plus que justifié. Les préavis de cette commission servent à étayer les analyses et à s'assurer qu'avant de prendre une décision de régulation, toutes les alternatives ont bien été étudiées et que les tirs sont l'aboutissement d'un processus de réflexion rondement mené.

Par ailleurs, ce prétendu doublon ne coûte pratiquement rien à l'Etat; la commission est en revanche utile aux réflexions et permet d'aboutir à des décisions mûrement réfléchies et bien acceptées par le public. Pourquoi, dans ce contexte, se priver de telles compétences et diminuer le poids des milieux de protection de la nature et des animaux ? Est-ce vraiment intelligent de se passer de pareil garde-fou ? Si le législateur a choisi de conserver cette commission, n'a-t-il pas précisément estimé que la représentation de la société civile avait tout son sens ?

Pour les Verts, vous l'aurez compris, il faut maintenir ce supplément d'influence des milieux de protection de la nature et des animaux, et c'est à ce titre que nous vous demandons de refuser ce projet de loi. Je vous remercie.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe démocrate-chrétien est ambivalent face à cette problématique. (Exclamations.) Il y a pour certains la raison, qui voudrait que l'une de ces commissions soit supprimée. D'ailleurs, elles sont fusionnées l'une dans l'autre et, qu'on le veuille ou non, fonctionnent l'une à l'intérieur de l'autre - ce qui d'ailleurs ne gêne absolument pas, puisqu'elles ont souvent le même avis et ne coûtent rien de plus à la république.

D'autre part, on l'a entendu, il y a le côté émotionnel. Rappelez-vous, cette commission consultative de régulation de la faune est issue de l'ancienne constitution, puisqu'elle avait été introduite au moment de l'interdiction de la chasse à Genève - cela avait aussi engendré de fortes polémiques à l'époque. Ce versant émotionnel ressort chez certains d'entre nous et, avec l'engagement de «volontaires nature», il y a la crainte qu'en supprimant cette commission - mais c'est peut-être une fausse problématique - on cherche à réintroduire la chasse dans notre canton, avec tous les inconvénients y relatifs - je pense aux émotions face aux accidents qu'on a connus ces derniers temps dans la région voisine.

Quoi qu'il en soit, Mesdames et Messieurs, le groupe démocrate-chrétien adoptera une parfaite liberté de vote sur cette thématique. Je vous remercie.

M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je ne reviendrai pas sur la simplification administrative que constitue la suppression d'un doublon. J'aimerais juste apporter quelques précisions sur la régulation de la faune dans notre canton.

Depuis des décennies, la chasse est interdite à Genève, qui pratique le tir de régulation du gros gibier. Le sanglier, par exemple, n'a pas de prédateur naturel - à moins que le loup, unique prédateur potentiel, fasse un jour son apparition chez nous. En revanche, il crée de gros dommages aux cultures et aux jardins des propriétés privées.

Alors je vous rassure: les garde-chasse et leurs auxiliaires ne partent pas le matin, fusil sur l'épaule, pour voir où se cachent les bêtes et combien ils peuvent éventuellement en tirer; non, le sanglier est tiré de nuit, pendant qu'il dort dans sa souille. L'opération se fait au fusil à lunette, au silencieux. La seule chose qui change, c'est qu'il ne se réveille pas le matin, et même ses congénères ne se rendent pas compte qu'il a été abattu.

Ce n'est pas de la chasse, c'est uniquement un tir de régulation pour maintenir les cheptels à une quantité d'individus supportable pour l'environnement; le même principe s'applique aux cerfs et aux daims qui, eux aussi, causent des problèmes. Le tir de régulation, c'est l'ultime instrument de contrôle après avoir mis en place des moyens de limitation des dégâts aux propriétés. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Jean Burgermeister (EAG). Ne nous y trompons pas, Mesdames et Messieurs: on ne discute pas juste d'une suppression de doublon, encore moins d'une modification cosmétique. En réalité, ce qui se cache derrière ce projet de loi, c'est bien un changement de logique en matière d'interdiction de la chasse.

Comme le rapporteur de majorité l'a indiqué, la commission consultative de la diversité biologique représente les milieux concernés de manière très large. Mais justement ! La commission consultative de régulation de la faune n'a pas vocation à être largement représentative des milieux concernés, elle a vocation à représenter uniquement les milieux de défense de la faune et de l'environnement. La raison est bien simple: les membres de cet organe ne se réunissent pas pour déterminer quels animaux doivent être chassés ou non, ils sont là en tant que garde-fou pour s'assurer qu'effectivement, comme le veut notre constitution, l'interdiction de la chasse est bien respectée à Genève. Voilà à quoi sert cette commission, voilà pourquoi sa composition est aussi restreinte: elle fait office de garde-fou.

On nous dit que cette commission a perdu son ancrage constitutionnel; mais je vous rappelle que lorsque nous avons voté la nouvelle constitution, les milieux de défense de l'environnement et Ensemble à Gauche avaient dénoncé un affaiblissement de l'interdiction de la chasse, et les personnes qui défendaient la constitution prétendaient qu'il s'agissait là d'un fantasme.

Aujourd'hui, on le voit bien, la droite avance masquée contre l'abolition de la chasse; elle ne peut pas l'attaquer frontalement, parce qu'elle sait que cette loi jouit d'un soutien populaire massif, franc et sincère, et qu'elle n'aurait aucune chance de l'abroger, donc elle la grignote de part et d'autre. Ainsi, supprimer la commission consultative de régulation de la faune ouvrirait davantage encore la porte vers un affaiblissement de cette prohibition, notamment via les chasseurs volontaires.

Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs, je vous invite à rejeter fermement ce projet de loi, à respecter la constitution comme la volonté populaire: la chasse est interdite à Genève et doit le rester.

Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)

Mme Marion Sobanek (S). Il est difficile d'ajouter quelque chose aux excellents plaidoyers en faveur de la préservation de cette commission, mes collègues, M. Poget et M. Burgermeister, ayant énoncé la majorité des arguments. Je voudrais juste revenir sur un argument de la droite, à savoir la notion d'efficacité: la commission ne coûte pas cher et n'est pas du tout inefficace, puisque jusqu'à maintenant, ses membres se sont toujours concertés avec ceux de la commission consultative de la diversité biologique et de sa sous-commission de la faune, et il n'y a jamais eu d'avis divergents, donc il n'y a aucune raison de la supprimer.

Pourquoi est-ce que cet organe existe ? Si le législateur avait voulu le supprimer, comme on l'a déjà souligné, eh bien il l'aurait fait. Or il est toujours là. Son rôle de garde-fou est d'autant plus important que la biodiversité, vous le savez, est en danger: 50% des milieux naturels sont en péril, un tiers des espèces animales et végétales est menacé, et l'Office fédéral de l'environnement émet régulièrement des alarmes concernant les oiseaux nicheurs et autres espèces. Ici, on parle avant tout de chasse, certes, mais il ne faut pas oublier tout le reste de la faune.

Nous pensons qu'il est nécessaire de maintenir cette commission, Mesdames et Messieurs, et je vous recommande donc de suivre la minorité et de refuser le projet de loi. Une collègue m'a demandé de solliciter le vote nominal; alors je ne sais pas si je vais être suivie, mais je le demande par principe. Vote nominal ? (Quelques mains se lèvent.) Bon, on n'est pas beaucoup... (D'autres mains se lèvent.)

Des voix. On est assez, ça suffit !

Mme Marion Sobanek. Parfait, merci beaucoup !

Le président. Eh bien je n'ai même pas besoin de demander si vous êtes soutenue, merci de faire le travail à ma place ! (Rires.)

Mme Marion Sobanek. Qu'est-ce qu'il a dit ?

Une voix. C'est à lui de demander, normalement.

Le président. Je comprends donc que le vote nominal a été accepté...

Mme Marion Sobanek. Excusez-moi, Monsieur le président, je remerciais juste les personnes...

Le président. Aucun problème, c'est en ordre, c'est en ordre. (Le président rit.)

Mme Marion Sobanek. Je suis désolée !

Le président. La parole n'étant plus demandée, Mesdames et Messieurs, je lance la procédure de vote.

Mis aux voix, le projet de loi 12043 est adopté en premier débat par 46 oui contre 40 non (vote nominal).

Vote nominal

Le projet de loi 12043 est adopté article par article en deuxième débat.

Mis aux voix, le projet de loi 12043 est rejeté en troisième débat dans son ensemble par 45 non contre 42 oui et 1 abstention. (Exclamations et applaudissements à l'annonce du résultat.)