République et canton de Genève

Grand Conseil

Chargement en cours ...

PL 12297-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat approuvant le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2017

Suite du deuxième débat

K - SANTE (suite)

Le président. Nous poursuivons notre examen des comptes 2017. Avant la pause, nous en étions restés à la politique publique K «Santé». Je reprends la liste des personnes inscrites: la parole est à Mme la députée Jocelyne Haller.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Je vous remercie, Monsieur le président. Dans le domaine de la santé, la pression budgétaire de l'Etat a des conséquences néfastes sur les prestations aux patients et dégrade fortement les conditions de travail du personnel. Lors des auditions, il est apparu que les HUG ont dû économiser 20 millions par an depuis trois ans, alors que leur volume d'activité augmentait de 2%. Il y a une vingtaine d'années, ce parlement a opté pour la priorité au maintien à domicile, secteur qui a pris un essor extrêmement important. Cela a permis d'améliorer la qualité de vie d'une grande partie de la population et à notre canton de réaliser de substantielles économies.

Malheureusement, les moyens n'ont pas suivi. En fait, plutôt que d'adapter les budgets, on pressure les services; certains diront qu'il y a des efforts d'efficience à réaliser avant d'augmenter mécaniquement les subventions, mais cela fait belle lurette que nous avons grillé le lard du chat, nous fonctionnons sur la réserve. Allez donc observer les conditions de travail des employés des HUG et de l'IMAD, vous vous en rendrez compte, vous verrez à quel point ils sont sous pression et que les incidences des décisions budgétaires leur sont préjudiciables.

La majorité de ce Grand Conseil, par son intransigeance budgétaire, fait fausse route, elle entrave de fait le développement de notre système de santé et met largement en péril sa qualité; elle doit revoir sa copie. Il nous faut de surcroît nous méfier de ces pseudo-solutions qui font apparaître le partenariat public-privé comme l'issue la plus favorable que nous pourrions espérer. Ne nous leurrons pas, ce n'est pas par philanthropie que le secteur privé souhaite investir dans le domaine de la santé et ce n'est pas non plus sans raison que certains milieux largement représentés dans ce parlement y sont favorables.

En effet, ces partenariats permettent à des entités privées de bénéficier de certains avantages publics et surtout, dans le même temps, en pratiquant des conditions salariales plus basses, d'implanter dans le secteur public la logique du privé. D'autres s'y sont essayés, cela n'a jamais été au bénéfice des patients. S'il nous importe de développer un système de santé de qualité, il faut pour cela consentir à y investir des moyens. Parce que ce n'est pas le cas aujourd'hui, nous refuserons cette politique publique. Je vous remercie de votre attention.

M. Charles Selleger (PLR). Monsieur le président, dans le très court laps de temps qu'il reste au PLR pour s'exprimer, j'annonce que nous ne soutiendrons pas cette politique de la santé, notamment pour tout ce qui a été dit précédemment par le député Buchs, pour le traitement complètement déficitaire du scandale Corela comme pour les inexactitudes qui ont stigmatisé le salaire des médecins. Merci, Monsieur le président.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le député. La parole est à Mme Françoise Sapin, mais je ne la vois pas... Elle revient donc à M. Marc Falquet.

M. Marc Falquet (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, comme chacun le sait, nous sommes confrontés à une hausse constante du coût des soins - et non du coût de la santé - ainsi qu'à une croissance sans limites des primes d'assurance-maladie, le tout sans véritable solution à l'horizon. A Genève, tout le monde se targue de l'augmentation de l'espérance de vie, mais ça ne veut absolument rien dire; ce qui compte, c'est l'espérance de vie en bonne santé qui, elle, diminue au vu des maladies chroniques, invalidantes et dégénérescentes qui se développent toujours plus tôt.

Les solutions à chercher sont du côté de thérapies durables, qui ne sont actuellement pas proposées pour les pathologies chroniques. Inlassablement, le coût des soins poursuit son augmentation, et dans dix ou quinze ans, on va se retrouver avec des primes d'assurance-maladie qui avoisineront les mille francs par mois ! On a besoin de mener une réflexion profonde sur la prévention et l'approche thérapeutique des maladies.

La commission de la santé a auditionné l'Institut de santé globale qui relevait une vision monolithique de l'approche thérapeutique des soins à Genève. Ainsi, l'idée de créer un observatoire de la santé a fait son chemin. Pourquoi ? Parce qu'une telle structure permettrait d'effectuer un état des lieux en ce qui concerne la santé de la population et de recenser les meilleures pratiques existant dans le monde. En effet, ce n'est pas parce qu'on adopte certains traitements qu'ils sont forcément efficaces à Genève. Voilà donc la vision des spécialistes de l'Institut de santé globale qui proposaient de faire une prospection des meilleures pratiques médicales et des capacités réelles des thérapies mises en place ici. Une telle analyse est indispensable si on veut sortir de l'impasse actuelle et améliorer l'état de santé de nos concitoyens. Merci beaucoup.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Je n'avais pas prévu d'intervenir, car je suis tenu par l'article 24 en ce qui concerne Pharma24, mais je voudrais juste rappeler une chose à mon excellent collègue M. Bläsi que j'apprécie par ailleurs beaucoup quand on ne parle pas de ce sujet - vous transmettrez, Monsieur le président: Pharma24 est une entreprise privée qui n'a rien à voir avec le périmètre de consolidation ou les états financiers du canton, et il s'agit donc d'un autre débat auquel je me prêterai volontiers à l'occasion. Au surplus, je ne peux pas laisser dire n'importe quoi - vous transmettrez encore, Monsieur le président. En tant que président actuel de Pharma24, en effet, je ne me reconnais pas du tout dans la pharmacie telle qu'elle a été décrite par mon excellent confrère. Je vous remercie.

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de première minorité. Chers collègues, d'un point de vue général, l'explosion du coût de la santé pourrait être une très bonne nouvelle s'il s'agissait simplement d'allouer une part plus importante des ressources créées dans la société à la santé de notre population. Bien sûr, si c'était une bonne nouvelle, la santé serait intégralement un service public, en serait exclu tout profit ou but lucratif, parce qu'il est indécent qu'on puisse s'enrichir ou spéculer sur la santé des gens. Un service public sans but lucratif et axé sur la prévention, parce que c'est évidemment ce qui permet de faire des économies dans le bon sens du terme, c'est-à-dire à la fois d'argent et de souffrance, voilà les orientations globales que notre groupe préconise.

Maintenant, tournons-nous vers les coûts et ceux qui les assument: à notre sens, le système de solidarité qui est à la base de l'impôt progressif et qui finance, par le biais des subventions, la politique publique de la santé doit garder un statut dominant. Or nous constatons, au fil des années, que le financement de la santé par les subventions publiques, en part relative, diminue par rapport à la part assumée par les patients eux-mêmes, leur famille et leur assurance-maladie, laquelle est extrêmement peu sociale, puisque chacun paie plus ou moins la même chose et qu'une personne fortunée peut s'offrir une meilleure assurance que celle dont les moyens sont réduits. Il est indéniable, et c'est un problème clé pour nous, que de plus en plus de ces frais incombent de manière antisociale à ceux qui n'ont pas les moyens de s'en acquitter, et nous risquons avec cette logique d'aboutir à un système de santé à deux vitesses. Ainsi, nous tirons la sonnette d'alarme.

L'explosion des coûts favorise toujours plus les partenariats public-privé, comme pour les blocs opératoires ambulatoires aux HUG - on en a entendu parler - qui vont consacrer une partie des dépenses à des entreprises qui réalisent des profits. De même, l'engagement d'un grand nombre d'intérimaires pour diminuer les frais liés aux employés stables pourvus des contrats soumis à la grille salariale de l'Etat fait qu'une partie des dépenses de la santé alimente les sociétés de travail temporaire - je crois que plus de mille auxiliaires travaillent dans le secteur hospitalier à Genève.

Ces orientations vers la réalisation de profits, vers la marchandisation d'une partie de la santé et vers un système de financement qui désolidarise les participants sont des indicateurs dangereux d'un point de vue général, et pas seulement pour les comptes 2017, et c'est pourquoi le groupe Ensemble à Gauche tire la sonnette d'alarme. Merci.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Tout à l'heure, j'ai entendu mes collègues s'offusquer qu'on ait évoqué le salaire des médecins, et franchement, je ne comprends pas qu'on puisse se scandaliser ainsi. C'est une réalité, il a été prouvé que certains médecins ont des revenus qui dépassent l'entendement, c'est la vérité. Or ces rémunérations sont en partie financées par les caisses maladie, et je soutiens totalement notre magistrat qui, c'est vrai, a mené un combat correct à cet égard. Ensuite, je m'excuse, mais pourquoi accusez-vous encore le département s'agissant de Corela ? Celui-ci a justement fait son travail en dénonçant l'affaire, si j'ai bien compris, donc je ne vois pas pourquoi vous l'attaquez.

Le principal élément qu'on doit relever, et mon collègue l'a signalé plus tôt, c'est la compétitivité qui existe maintenant entre le secteur privé, c'est-à-dire les cliniques, et les HUG. Mesdames et Messieurs, ce qui se passe est grave ! Une partie des subventions qui devraient être allouées à la santé par les caisses ou le canton s'en vont dans les cliniques privées, on n'avait jamais vu ça auparavant. L'hôpital remplit tout de même des fonctions qui ne sont pas celles des cliniques, telles que la formation universitaire. Par ailleurs, pour en revenir aux médecins, ils ont tous été formés à l'université et à l'Hôpital cantonal, des établissements financés par les deniers publics, donc il est logique qu'à un moment donné, ces gens reversent une partie de leurs revenus à la société, je ne vois pas ce qui justifierait un salaire d'un million de francs par an.

D'autre part, Monsieur le président, il y a un grand problème en ce qui concerne la tarification qui est en effet imposée aux hôpitaux, ce qui implique que les rémunérations sont calculées en fonction de cette grille tarifaire. Si ce n'est pas le cas, l'hôpital doit aller chercher des bénéfices ailleurs, notamment en menant des activités dans le secteur privé. Or, comme on l'a dit, ça pose un sacré problème pour la suite, parce qu'on oblige des entités publiques qui devraient être financées par l'Etat avec des tarifs basés sur les coûts à mener des activités para-privées pour essayer d'amortir le déficit, et c'est gravissime. Chaque année, Monsieur le président, quand on se rend à l'hôpital, on constate que la problématique s'accentue; jusqu'où est-ce que ça va aller ?

Enfin, Mesdames et Messieurs, j'aimerais conclure en soulignant, puisqu'on a parlé de la politique des transports tout à l'heure, que la mobilité influence la santé des citoyens. Quand on voit le nombre de voitures qui circulent à Genève, tous ces véhicules qui polluent, qui émettent des particules fines... On sait aujourd'hui grâce à de nombreuses études que ça atteint la santé de nos concitoyens, et automatiquement, bien évidemment, les frais de santé augmentent, ça se répercute sur l'Hôpital cantonal. La politique de mobilité devrait être liée à celle de la santé, on pourrait par exemple modifier les horaires de travail. En effet, je ne vois pas pourquoi tout le monde doit aller travailler à huit ou neuf heures du matin quand les technologies actuelles nous permettraient de faire autrement, de dégager le centre-ville. Au final, ce sont les habitants de la ville eux-mêmes qui sont impactés par cette situation.

Voilà, Mesdames et Messieurs, je pense que deux politiques publiques sont fondamentales pour l'ensemble de la population, à savoir la santé et la formation. Or ces deux départements subissent aujourd'hui une forte pression, accusent une baisse des subventions, une diminution des financements, et il faut absolument veiller à ce qu'ils subsistent, parce que ce sont les plus démunis de notre canton qui en ont vraiment besoin. Ce ne sont pas les classes supérieures financièrement parlant, mais bien les classes inférieures qui ont plus que jamais besoin de ces entités. Merci.

M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs, en ce qui concerne la politique de la santé et notamment l'Hôpital cantonal, il faut saluer l'ouverture du nouveau bâtiment des lits, c'est un point extrêmement positif pour notre population. Je crois que ça n'a pas été relevé, alors que ce nouveau bateau au service de la santé a toute son importance.

J'aimerais revenir sur le coût de l'assurance-maladie. Pour ma part, je considère que les problèmes administratifs liés directement aux assurances privées représentent environ 10% et qu'ensuite, c'est un tiers-un tiers-un tiers. Le troisième tiers, le seul sur lequel on puisse agir, c'est le coût des HUG. Mesdames et Messieurs, toutes les communes de notre territoire doivent nous présenter un budget équilibré; je regrette que les HUG se permettent de nous présenter des finances qui ne le sont pas, car cela pose un véritable problème aux assureurs qui paient une grande partie des prestations.

Cela étant dit, il est important de rappeler que le coût de l'assurance-maladie engendre pour l'Etat des frais indirects d'environ 55 millions sous forme d'actes de défaut de biens. La population se paupérise, et j'invite le Conseil d'Etat à chercher des pistes différentes pour résoudre le problème que constitue pour nos concitoyens le coût de l'assurance-maladie, sans attendre qu'ils se retrouvent notifiés d'actes de défaut de biens, avec les lourdeurs administratives et les coûts supplétifs que cela implique.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce qu'on pouvait dire aujourd'hui sur cette politique de la santé. Je vous engage à mener une véritable réflexion quant aux dépenses de l'Hôpital cantonal; si nous voulons continuer à disposer d'un service efficient, nous devons aussi garder une vision des moyens à disposition. Je vous remercie.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, la santé et ses coûts - lesquels sont davantage les coûts de la maladie, ceux de la santé relevant plutôt de la prévention - nourrissent un débat constant dans notre société, et c'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai de commenter l'ensemble de leurs facettes, ce d'autant que je bénéficie d'un crédit supplémentaire de parole de la part de votre président.

Je répondrai simplement à quelques critiques sur la manière dont cette politique a été menée lors de la dernière législature, en particulier du côté du PLR qui reproche au département sa gestion de la communication, c'est ainsi que je le comprends, concernant la rémunération des médecins et la clinique Corela, qui s'est fait tristement connaître avec des expertises pour le moins critiquables.

En ce qui concerne le salaire des médecins, je pense que cette profession ne doit pas être la seule à être fermée à l'autocritique. En effet, dans le cadre d'un débat global sur la maîtrise des coûts de la santé, qui implique un accès équitable de l'ensemble de la population à des soins de qualité - cette qualité, je le relève, n'est remise en question par personne dans le canton de Genève, ce qui est tout de même l'essentiel - les médecins doivent aussi se poser des questions. Il faut savoir que le débat sur leur rétribution n'est pas arrivé sur la table du jour au lendemain. Il est la conséquence d'affirmations martelées par certains professionnels, non pas des médecins de premier recours dont il s'agit de valoriser l'activité, mais des chirurgiens considérant que compte tenu de la baisse des tarifs imposée par Berne, et non par Genève, ils n'allaient pas effectuer certaines opérations, invitant leurs patients à s'adresser aux HUG en lieu et place. Or on ne peut pas clamer toute l'année que le patient est au coeur des préoccupations, et ensuite, lorsque la rémunération est jugée insuffisante, dire à ces mêmes patients d'aller se faire voir ailleurs. D'où ma colère sur le moment. J'ai ainsi demandé aux médecins de ne pas oublier que si, dans la poche gauche, la LAMal leur enlève quelque chose, il y a souvent pour certaines professions, notamment dans la chirurgie, une poche droite qui reste, elle, bien confortablement garnie, celle des interventions qui se réalisent dans les cliniques privées. Tollé médical généralisé, on ne peut évidemment pas toucher à la sacro-sainte question de la rémunération de nos médecins !

Mesdames et Messieurs les médecins, vous êtes bien rémunérés pour la plupart d'entre vous, tant mieux, j'en suis très heureux. D'ailleurs, je me bats pour que vous le restiez, en nombre raisonnable, plutôt que nous ouvrions les frontières à une pléthore de médecins qui viendraient de l'Union européenne et feraient baisser la rémunération de l'ensemble, mais aussi certainement la qualité des prestations.

En réponse maintenant au PDC qui dit qu'on ne fait pas une politique contre les gens, mais avec, je précise que je mène bien une politique avec les personnes, mais des personnes qui sont prêtes, elles aussi, à faire un effort dans l'intérêt commun, comme je le demanderai à l'ensemble des acteurs du domaine de la santé - patients compris - puisque les assurés ont également un travail à faire pour modérer leurs requêtes dans ce secteur.

Autre critique, c'est le fait de ne pas suffisamment mettre à contribution le secteur privé. On s'est beaucoup exprimé là-dessus, alors je vous dirai simplement que les partenariats public-privé existent et sont favorisés lorsqu'ils ont un sens. Ce sens, pour moi, c'est l'intérêt des patients. Ils existent dans le Réseau Urgences Genève - le RUG, comme on l'appelle - qui lie les HUG à l'hôpital de La Tour, aux cliniques des Grangettes et Hirslanden La Colline, et au groupe médical d'Onex; ils existent avec MonDossierMedical.ch, le dossier électronique du patient qui mobilise l'ensemble des acteurs; ils existent avec l'hôpital de La Tour pour l'oncologie, avec Hirslanden La Colline pour la médecine génétique, et un projet est actuellement en cours concernant un centre de chirurgie ambulatoire entre les HUG et un partenaire privé à Cluse-Roseraie; il existe même un partenariat avec l'hôpital privé Pays de Savoie pour la néonatologie. Vous voyez donc que lorsqu'il y a un intérêt pour les patients, nous encourageons ces alliances.

Un dernier mot concernant Corela: toute cette affaire est fort triste. Hélas, nous sommes confrontés à un problème juridique fondamental, à savoir que ces sociétés qui ne réaliseraient que des expertises ne sont pas soumises à un contrôle en tant qu'institutions de santé, il y a donc là une lacune dans la loi qui nous empêche d'intervenir. Nous savons que cette entreprise en tant que telle n'est plus active, parce que nous ne nous sommes pas bornés à vérifier qu'elle respecte les trois mois de suspension... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je termine, Monsieur le président ! ...mais qu'au-delà de cette période, le travail soit effectué correctement. A notre connaissance, l'activité n'a pas été reprise. D'autres structures voient le jour à Genève et ailleurs, et nous y sommes particulièrement attentifs.

Pour conclure, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de faire en sorte que nous travaillions ensemble pour maintenir l'accès de tout un chacun à une médecine de qualité, comme c'est le cas aujourd'hui. Merci.

Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat, et mets aux voix cette politique publique.

Mise aux voix, la politique publique K «Santé» est adoptée par 59 oui contre 29 non et 2 abstentions.

L - ECONOMIE

Le président. Mesdames et Messieurs, il nous reste encore deux politiques publiques à traiter. Nous passons à présent à la politique publique L «Economie». Madame Jocelyne Haller, vous avez la parole.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Merci, Monsieur le président. Je me permettrai de répondre rapidement à une remarque faite hier par M. Poggia. En fait, ce qui nous pose problème, ce ne sont pas les riches. Ce qui pose problème, ce sont les riches qui ne contribuent pas en fonction de leurs moyens et ceux qui ne respectent pas la réglementation sur le travail, pour dire les choses très clairement. En ce qui concerne le rapport sur la pauvreté, M. Poggia nous faisait un mauvais procès, puisque nous nous réjouissons de l'édition de ce rapport. Notre groupe semble peut-être un peu plus circonspect s'agissant des suites qui ne lui ont pas encore été données.

Cela étant, pour revenir au rapport de gestion, l'année 2017, nous dit-on, a été caractérisée par le retour d'une conjoncture favorable, même si la reprise est plus lente à se dessiner à Genève. Une conjoncture plus favorable, sans doute. Mais pour qui ? Vraisemblablement pas pour tous, car la pauvreté augmente dans notre canton, cela a été établi. Par ailleurs, les conclusions du rapport sur la pauvreté mettent en évidence que l'accroissement des inégalités augmenterait le nombre de personnes se situant en dessous du seuil de pauvreté et, partant, du nombre de personnes qui devraient être aidées par l'Etat. Ce même rapport concluait qu'il fallait un changement de cap dans les politiques salariales, faute de quoi, je cite, «l'intervention de l'Etat pour remédier à la faiblesse des revenus du travail sera appelée à augmenter, faisant dans les faits peser sur les finances publiques une insuffisance découlant de l'évolution du marché du travail». Le même rapport renchérissait en relevant «la nécessité de lutter contre le désengagement des employeurs, dont l'insuffisance des salaires versés est comblée par les diverses prestations sociales délivrées par l'Etat».

S'il faut être attentif au développement économique de notre canton, il faut s'assurer également que celui-ci soit bénéfique à l'ensemble de la population et que certains acteurs économiques ne se défaussent pas sur l'Etat. C'est pourquoi il nous paraît indispensable de prioriser la lutte contre la sous-enchère salariale, tout autant que celle contre la dérégulation du marché du travail. Il faut veiller à ce que la loi sur l'égalité s'applique rigoureusement et non pas simplement au bon vouloir des entreprises. Il faut encore proscrire les emplois précaires et le recours massif aux emplois temporaires.

Pour parvenir à ces objectifs, il faut renforcer le contrôle des entreprises et soutenir le partenariat social. Il faut surtout développer l'emploi et faire preuve de courage politique en développant de nouveaux secteurs et en prohibant fermement le travestissement de postes de travail en stages d'insertion ou en pseudo-postes sociaux. Enfin, à Genève, la capitale des droits humains, pour nous, la moindre des exigences à formuler serait que les entreprises multinationales qui s'implantent dans notre canton respectent au moins les conventions internationales des droits humains. Et parce que nous considérons que ces choses-là ne sont pas encore réalisées, nous refuserons cette politique publique. Je vous remercie de votre attention.

M. André Pfeffer (UDC). Hier, l'un de nos collègues PLR a annoncé qu'à Genève, l'immigration était supérieure au produit intérieur brut cantonal, ce qui signifie que, malgré l'augmentation de la richesse, le PIB par habitant diminue. Cette déclaration ravit doublement l'UDC: tout d'abord, comme nous l'avons entendu hier, le PLR semble enfin se demander pour qui Genève construit ses logements sociaux, et, surtout, cette progression du PIB essentiellement liée à l'augmentation des travailleurs est une mauvaise nouvelle. Ce développement est tout sauf pérenne et stable. L'UDC est préoccupée depuis très longtemps et a déjà entrepris de nombreuses actions, l'une d'elles étant l'initiative contre l'immigration de masse.

Avant de revenir sur ce constat économique, je relève quelques éléments de la gestion de cet ex-département de l'économie. Comme la communication de ce département nous l'apprenait, Genève est le canton suisse où il existe le plus d'ingérence dans la surveillance des marchés. Genève est championne suisse de la surveillance et des contrôles effectués dans nos entreprises. Genève est la plus interventionniste avec les mesures d'accompagnement liées à l'initiative contre l'immigration de masse. Pour finir, presque 50% des salariés genevois travaillent dans des branches qui ont des salaires minimum imposés à l'aide de conventions collectives de travail ou à l'aide de contrats-cadres.

Quelles sont les priorités dans un système d'économie de marché ou une économie libérale ? Est-ce l'encadrement ou la planification ? Est-il question de favoriser les conditions-cadres ou d'imposer des salaires, des contrôles et autre ? L'UDC déplore ce développement et regrette la suppression du département de l'économie. Nos nombreuses entreprises et acteurs économiques, qui produisent notre prospérité et qui bien entendu financent notre politique sociale, mériteraient d'avoir une écoute et une attention adéquate. Pour ces raisons, le groupe UDC rejette le rapport de gestion de cet ex-département de l'économie. Merci de votre attention.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Aborder cette politique publique permet de repréciser le rôle que l'Etat doit assumer dans ce secteur de l'économie. Quant à moi, je regrette également que le terme «économie» soit purement et simplement rayé de l'organigramme de l'Etat, même si les différentes activités vont être poursuivies par les services qui existent à l'heure actuelle. Toutefois, je vous rassure, je ne vais pas déposer un projet de loi proposant de revenir à la situation antérieure.

Le rôle de l'Etat dans le système économique est un rôle de régulateur devant poser un certain nombre de conditions-cadres, qui doivent rester souples - et là je rejoins mon collègue Pfeffer - pour éviter trop d'interventionnisme et trop de paperasserie administrative. Il est vrai qu'à chaque discours de Saint-Pierre, on nous rappelle qu'il est nécessaire de supprimer une administration trop lourde qui pénalise nos entreprises, mais il est assez rare de voir des progrès en la matière. Les conditions-cadres doivent permettre aux entreprises de se développer non seulement dans un système où les conditions de concurrence sont identiques, mais aussi dans un système où la protection sociale des travailleurs est assurée.

Il sied de rappeler aussi l'importance que nous accordons, à Genève, à cette tradition du tripartisme, qui dure depuis des décennies et qui permet une collaboration harmonieuse entre l'Etat, les patrons et les syndicats de travailleurs, qui permet la conclusion de conventions collectives et qui permet également l'édiction de contrats types de travail, par le biais du conseil de surveillance du marché de l'emploi, comme cela a été le cas tout récemment, dans le secteur du commerce de détail, puisque la convention collective étendue avait été tout bonnement abandonnée.

Il est utile de rappeler également le travail de l'inspection paritaire des entreprises qui a été une innovation, saluée d'ailleurs par l'ensemble des autres cantons suisses; certains vont s'en inspirer et mettre en place ce système d'inspection qui a maintenant atteint sa vitesse de croisière et qui permet de lutter contre la sous-enchère salariale.

Pour toutes ces raisons, et en relevant les aspects positifs de l'activité de ce département, le groupe démocrate-chrétien vous recommande d'approuver cette politique publique. Je vous remercie.

M. François Lefort (Ve). Les comptes sur cette politique publique sont justes, mais ce qui a été prévu et promis n'est évidemment pas au rendez-vous, puisque en résumé, c'est moins de postes dans la surveillance du marché du travail, moins dans la régulation du commerce, mais c'est encore plus de moyens pour la promotion économique. Nous, les Verts, en général, nous souhaitons que les moyens alloués le soient pour une promotion économique adaptée aux capacités d'accueil et de développement du canton. Nous souhaitons que la politique économique soutienne un écosystème de petites et de moyennes entreprises ancrées localement et plus durables. A titre d'exemple, nous avons remarqué l'année dernière la totale impuissance du gouvernement à agir lorsqu'une très grande entreprise supprime des centaines d'emplois, comme lorsqu'il y a quelques années, quelques milliers d'emplois ont été supprimés par Merck Serono qui a quitté le canton.

La promotion économique que nous désirons, c'est une promotion dont il faut revoir l'organisation. Il y a actuellement trop d'entités, beaucoup trop d'entités qui s'en occupent: c'est la promotion économique du Conseil d'Etat - la DG DERI - c'est l'office de la promotion industrielle, c'est la Fondation d'aide aux entreprises, c'est la Fongit, c'est le GCC, et j'en passe. Encore trop d'acteurs, trop d'acteurs étatiques d'ailleurs, tirent à hue et à dia pour une promotion économique coûteuse; on ne peut même pas discerner les résultats dus à l'action de toutes ces entités. Il faut donc réduire la voilure de ce type de promotion économique et réallouer les moyens pour une véritable aide aux micro, petites et moyennes entreprises, pour un environnement économique plus résistant aux crises et plus localisé. Un exemple: à Genève, il y a 35 000 entreprises, mais seules 4000 sont autorisées à former. 4000 sur 35 000 ! Ces 4000 entreprises ne proposent chaque année que 2500 places d'apprentissage. Nous sommes un des cantons qui est en permanence en déficit de places d'apprentissage. Voilà le lien entre formation et économie que M. Hiltpold appelait de ses voeux hier soir ! Voilà une priorité de politique économique que nous appelons, nous, de nos voeux. Aider directement les entreprises à former, doubler le nombre d'entreprises autorisées à former, doubler le nombre de places d'apprentissage, voilà un voeu que nous formulons; quelque chose qui est faisable, qui est peu coûteux, pour un tissu économique ancré localement et durablement. Pour le surplus, nous refuserons cette politique publique L.

M. Thomas Wenger (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le parti socialiste est assez partagé sur cette politique publique, parce qu'elle comporte des aspects positifs et des aspects négatifs, qu'il est difficile de détailler en deux minutes, mais je prendrai deux exemples.

Pour ce qui est des aspects positifs, le parti socialiste est relativement satisfait du renforcement du dispositif de surveillance du marché du travail. Il est vrai qu'il existe des entités surveillant mieux aujourd'hui qu'il y a quelques années les conditions de travail des employés dans le canton de Genève. On peut aussi prendre le conseil de surveillance du marché de l'emploi ainsi que l'OCIRT, qui réalisent un travail très important, et nous le saluons. Il est vrai que quand on se penche sur les statistiques de l'OCIRT renseignant sur le nombre de contrôles et sur son efficacité, on se rend compte qu'il y a vraiment une volonté politique et administrative de mieux contrôler le marché du travail. Il faut également saluer l'inspection paritaire des entreprises, qui a été créée en 2016, mais qui a déployé l'ensemble de ses activités en 2017. L'inspection paritaire des entreprises a été créée, je vous le rappelle, sur la base d'une initiative des syndicats retravaillée ensuite avec un contreprojet sur lequel nous avons trouvé à la commission de l'économie un terrain d'entente - validé ensuite par le peuple - pour mettre en place cette inspection paritaire, qui permet de mieux surveiller le marché du travail. C'est le côté positif de cette politique publique «Economie».

Le côté négatif concerne la stratégie d'ensemble de la politique économique développée à Genève. Le parti socialiste veut une stratégie et une politique économiques qui soient plus durables et plus innovantes. Au lieu d'attirer des multinationales, au lieu d'attirer des entreprises actives dans le commerce de matières premières par exemple... Alors on en a besoin, en partie, mais en même temps, notre stratégie économique doit-elle vraiment être axée là-dessus ? Nous, nous pensons que non. Nous pensons que nous devons axer notre stratégie sur une politique économique plus durable et plus innovante. On peut parler notamment des fameuses cleantechs, des biotechs, des medtechs, donc tout ce qui est lié aux nouvelles technologies; nous devons axer notre stratégie là-dessus. Dans le domaine bancaire et financier, nous devons axer la stratégie économique sur la finance durable, sur les fintechs par exemple, et nous devons aussi faire plus attention au tissu de PME que nous avons aujourd'hui à Genève, ainsi qu'à l'économie sociale et solidaire. Pour nous, c'est là-dessus que la stratégie économique devrait s'axer et peut-être moins sur le fait d'attirer des multinationales et des entreprises qui peuvent partir du jour au lendemain. Nous voulons une stratégie plus durable et plus innovante. Merci beaucoup.

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais dire quelques mots sur cette politique publique. La première fois que je me suis adressé au conseiller d'Etat Pierre Maudet - que je ne vois pas sur le banc du Conseil d'Etat pour suivre les débats sur sa politique publique - je lui ai demandé comment il se faisait qu'à Genève, l'industrie représente 10% à 11% du PIB contre 20% en Suisse. Bien sûr, il y a une histoire genevoise qui permet de comprendre cela, mais cette part de l'industrie et de l'industrie de pointe à Genève qui diminue au fil des ans devrait être un sujet de préoccupation majeure pour le Conseil d'Etat.

Dans le tome 2 des comptes, la synthèse des priorités du Conseil d'Etat semble être écrite pour répondre à mon collègue M. de Sainte Marie - vous lui transmettrez: «le Conseil d'Etat a poursuivi la mise en oeuvre de la stratégie économique et projette de transformer le tissu économique genevois en un écosystème de l'innovation». Vous voyez, on vous a entendu avant que vous n'interveniez: le Conseil d'Etat veut «transformer le tissu économique genevois en un écosystème de l'innovation», raison pour laquelle, sans doute, il supprime l'économie de ses départements dans ce nouveau Conseil d'Etat. Nous avons donc beaucoup d'espoir avec cet effet d'annonce exceptionnel.

C'était une époque où je posais des questions sans recevoir de plaintes pénales; j'ai donc demandé comment il se faisait que ce secteur ne pèse que 10%. Là, Pierre Maudet m'a répondu par courrier que je me trompais et que l'industrie pesait 15% dans le canton de Genève. Je lui ai fait observer qu'il confondait industrie et secteur secondaire, ce que font beaucoup d'étudiants à l'université. Il m'a envoyé une nouvelle lettre et notre correspondance à ce propos, je vous rassure, s'est interrompue. Mais sur le fond, et je rejoins ce que disait François Lefort et Romain de Sainte Marie, il faut absolument que le...

Une voix. Thomas Wenger !

M. Jean Batou. Ah, c'était Thomas Wenger ? D'accord. S'agissant de cette question de remettre au centre de la politique économique du canton le développement d'une industrie de pointe liée au tissu des infrastructures, de la formation et de la recherche, il faut absolument que le Conseil d'Etat la prenne à bras le corps. Pourquoi ? Parce que c'est une industrie qui est créatrice d'emplois, qui est pérenne, parce qu'elle est attachée à des conditions-cadres qui ne sont pas que la fiscalité. Aujourd'hui, on dirait que la fiscalité, c'est la condition-cadre numéro 1: «Baissez vos taux d'imposition, vous aurez des investissements et des entreprises. Mais si vous avez un tout petit écart avec le canton voisin, vous n'aurez plus de développement économique dans votre canton !» Eh bien, c'est faux ! Si nous avions travaillé systématiquement, péniblement et durablement à renforcer le lien entre les différents avantages comparatifs du terrain genevois en matière de formation, de recherche et d'infrastructures, nous dépendrions beaucoup moins de toutes petites variations du taux d'imposition. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) C'est pourquoi je répète qu'avec un taux d'imposition neutre pour les entreprises, qui effectivement annulerait cet avantage invraisemblable dont disposent les sociétés à statut et qui ferait baisser l'imposition des sociétés ordinaires, un taux à 16%, un taux donc sans compétition à l'échelle internationale, dans ce canton de Genève, avec un effort pour recentrer...

Le président. Votre temps est écoulé, Monsieur le député.

M. Jean Batou. Je termine. ...l'économie sur l'industrie, nous verrions un autre horizon se dessiner, qui ressemblerait beaucoup plus à ce que nous avons dans la politique publique L.

M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur de majorité. D'une manière très factuelle, on voit que la croissance du PIB en Suisse est de 1% et qu'elle est aujourd'hui considérée comme faible. Elle ne couvre pas nos coûts sociaux qui croissent à hauteur de 2,5%. Le maintien de la couverture de nos coûts sociaux mérite une croissance à 2,5%. Pour ma part, je pense que ce parlement doit se reposer la question de la fiscalité, l'un des pans essentiels des conditions-cadres de notre économie. Oui, Mesdames et Messieurs, si nous voulons conserver malgré tout un véritable tissu économique avec sa diversité, ce n'est pas qu'au travers d'une politique anticyclique telle qu'elle est menée aujourd'hui, avec de lourds investissements à raison de près de 600 millions par année, que nous allons pouvoir soutenir notre économie de manière indirecte. Je vous invite donc à tenir ce débat et surtout à ne pas prendre le risque d'apparaître dans la Revue. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat Mauro Poggia pour une brève intervention.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Merci de la précision, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, je n'ai pas entendu dans les interventions de réelle critique sur la politique ponctuelle menée par le Conseil d'Etat lors de la dernière législature dans le cadre de l'économie. Néanmoins, je ne voudrais pas que l'absence d'intervention du Conseil d'Etat vienne alimenter l'idée erronée selon laquelle l'économie n'est plus une préoccupation ou une priorité pour notre Conseil d'Etat - c'est bien le contraire.

Vous le savez, l'économie telle qu'elle était constituée dans le précédent département est maintenant portée par plusieurs magistrats du gouvernement. Pour ma part, je m'occuperai bien sûr de l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail. En tant que président du conseil de surveillance du marché de l'emploi, mais aussi en tant que délégué du canton à la conférence des directeurs de l'économie publique, je voudrais rassurer les partenaires sociaux qui sont peut-être inquiets à l'idée que la dynamique mise en place et renforcée lors de la dernière législature perde de son élan. Bien sûr, ce ne sera pas le cas; nous aurons à coeur, précisément, de veiller à ce que notre économie soit loyale, dans tous les sens du terme, c'est-à-dire respectueuse des plus faibles, des travailleurs, mais aussi de veiller à donner la dynamique nécessaire à notre économie, car elle en a fort besoin dans certains secteurs, avec une concurrence voisine extrêmement agressive. Nous devons aujourd'hui nous réveiller. Quand je dis «nous», j'assimile bien sûr tous les acteurs, y compris les partenaires sociaux. Je pense que mener une protection jusqu'au-boutiste de certains droits, sans avoir la vision du but que nous voulons atteindre, peut produire l'exact contraire. A vouloir absolument préserver la qualité du travail, nous pourrions aboutir malheureusement à la perte d'emplois. Nous devons trouver les justes mesures; mener une politique de l'économie, ce n'est pas choisir entre le triangle et la trompette, c'est être devant une table de mixage pour trouver le juste équilibre. Pour cela, nous avons besoin de l'expérience de celles et ceux qui travaillent au quotidien, c'est-à-dire les partenaires sociaux. Je demande à ceux-ci d'avoir cette ouverture d'esprit, qui doit être la défense de nos intérêts, non pas à court terme, mais à moyen et à long terme. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'invite l'assemblée à se prononcer sur la politique publique L «Economie».

Mise aux voix, la politique publique L «Economie» est adoptée par 43 oui contre 31 non et 14 abstentions.

M - FINANCE ET IMPOTS

Le président. Nous abordons à présent la dernière politique publique, à savoir M «Finance et impôts». Je passe la parole à M. le député Jean Rossiaud.

M. Jean Rossiaud (Ve). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, le vote sur le rapport de gestion nous donne l'occasion de faire le point sur toutes les politiques publiques. Elles ont toutes un point commun; il s'agit du nerf de la guerre, à savoir l'argent que l'Etat collecte par l'impôt, par sa politique fiscale pour la redistribution à la population sous la forme de politiques en faveur de l'emploi, de la santé, de l'instruction publique, de l'urbanisme, de l'environnement, de la cohésion sociale, de la sécurité publique, pour ne citer que les principales. La politique en matière de fiscalité, d'impôts et de finances est donc cruciale à notre avis, et nous estimons que, sur cet objet, le Conseil d'Etat sortant n'a pas réellement pris la mesure des enjeux - ni environnementaux ni sociaux; ni pour les résidents et résidentes actuellement à Genève, ni surtout pour les générations futures. (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Merci !

Pour les Verts, une fiscalité juste et durable doit poursuivre deux objectifs. Premièrement, elle doit être redistributive. Deuxièmement, elle doit être incitative ou dissuasive selon les cas. Parlons de redistribution: la fiscalité doit viser à toujours mieux redistribuer les richesses et les fortunes. Une véritable politique redistributive doit donc tout d'abord lutter contre l'exclusion et la misère. Si vous vous souvenez du préambule de la Constitution suisse, qui précise que la prospérité d'une société se mesure à l'aune de la richesse du plus pauvre, et si on prend l'esprit suisse dans sa devise, «un pour tous et tous pour un», on constate qu'il y a un problème: le nombre croissant de personnes relevant de l'assistance publique démontre à lui seul que cette politique est un échec.

La politique redistributive doit permettre ensuite de diminuer l'écart entre les plus riches et les plus pauvres, car les inégalités minent la cohésion sociale et délégitiment les institutions. Elles délégitiment donc l'impôt lui-même. C'est par conséquent une priorité absolue de la politique fiscale, permettant de garantir une société plus harmonieuse et plus dynamique, et permettant à la fois la mobilité sociale et le service à la collectivité. (Brouhaha. Un instant s'écoule.) Vous m'entendez, Monsieur le président ?

Le président. Je vous entends très bien, Monsieur le député, continuez !

M. Jean Rossiaud. Merci ! Alors je continue ! (Commentaires.) Parlons maintenant d'incitation et de dissuasion. La politique fiscale, notamment par le biais de taxes, doit permettre d'orienter les acteurs économiques vers des comportements économiques qui servent l'intérêt général. La politique fiscale du canton, appuyée par une majorité de ce Grand Conseil, a continué à attirer, par le dumping fiscal tant sur le plan international que sur le plan intercantonal, des entreprises multinationales au détriment des PME, des artisans et des petits indépendants. Ce faisant, elle continue... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Merci. ...à fonder à tort notre prospérité sur le trading et sur la financiarisation de l'économie. Elle continue à fragiliser le tissu économique social et à attirer à Genève de l'emploi volatile tourné vers l'extérieur, et fait porter un risque énorme à la cohésion sociale et à une prospérité durable.

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Jean Rossiaud. En conclusion, je dirais que nous devons au contraire faire tout ce qui est en notre pouvoir pour défendre un tissu serré d'entreprises locales engagées dans la transition vers une société durable, solidaire...

Le président. Voilà, Monsieur le député.

M. Jean Rossiaud. ...post-nucléaire et post-carbone. (Commentaires.)

M. François Baertschi (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, pour le MCG, l'argent des contribuables genevois doit servir en priorité... (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît, un tout petit peu de silence !

M. François Baertschi. ...doit servir en priorité... (Brouhaha.)

Le président. Monsieur le député, une seconde ! S'il vous plaît, un tout petit peu de silence, de sorte que l'on entende ! Je vous redonne la parole, Monsieur Baertschi.

M. François Baertschi. Merci beaucoup, Monsieur le président. L'argent payé par les contribuables genevois, qui ont parfois de la peine à payer leurs impôts, doit aller en priorité aux résidents du canton de Genève et ne doit pas être dilapidé dans les autres cantons au travers d'une péréquation tout à fait injuste, qu'il faut renégocier dans les meilleurs délais, ni dans la région française voisine où l'argent n'est pas toujours utilisé à bon escient. Que se passe-t-il ? Est-ce vraiment le rôle du canton de Genève de financer des baisses d'impôts dans les cantons de Vaud et du Valais ? Non ! Assurément non ! Cet argent doit prioritairement servir aux besoins légitimes et spécifiques du canton de Genève. Cet argent doit-il servir à des dépenses qui ne sont pas prioritaires ou qui sont parfois un peu douteuses ou contestables dans la région française voisine ? Assurément non ! Cela ne sert à rien de construire un ou deux giratoires luxueux de plus ou de faire quelques dépenses qui sont souvent malheureusement injustifiées. Nous avons vu que trop d'argent était dilapidé en France voisine et dans les autres cantons suisses; il y a eu un effort du magistrat Serge Dal Busco de négociation sur la péréquation intercantonale, et nous soulignons le travail effectué en la matière, mais pour la suite, il faut continuer à mener cette tâche. C'est une tâche importante pour les résidents du canton de Genève qui ont véritablement besoin de moyens plus importants. Nous soutiendrons la politique publique M, en tout cas les comptes de l'année 2017.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à M. le député Jean Burgermeister pour deux minutes dix.

M. Jean Burgermeister (EAG). Merci, Monsieur le président. J'aimerais encore une fois commencer mon intervention en soulignant un élément positif de cette politique publique, à savoir l'engagement de 37 taxateurs supplémentaires, qui a fait suite à un vote d'urgence de la commission des finances. Ce renfort permettra de faire face à l'augmentation du nombre de dénonciations spontanées, conséquence de l'accord international sur la transmission automatique des informations. Bien que cette situation soit appelée à être limitée dans le temps, il faut souligner que le manque de personnel a engendré ces dernières années une hausse constante des seuils de matérialité. Cela signifie concrètement que, par manque de ressources, un nombre croissant de dossiers problématiques n'est plus traité. Il est donc urgent d'engager des taxateurs et des contrôleurs supplémentaires pour éviter cette injustice grave, où une petite minorité échappe à ses obligations, alors qu'une part croissante de la population peine à joindre les deux bouts. Pourtant, devant la montée des inégalités sociales, il est important, primordial d'assurer des moyens suffisants pour permettre au service public de jouer véritablement le rôle de redistributeur des richesses. J'aimerais insister sur le fait que je ne parle pas d'une augmentation d'impôts, d'impôts confiscatoires - terme en vigueur à droite - mais bien simplement de permettre à l'administration fiscale de mener à bien son travail dans le cadre des barèmes et des lois en vigueur. Alors que les profiteurs de l'aide sociale... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...sont régulièrement pointés du doigt, alors que le Conseil d'Etat dénonce celles et ceux qui abusent de l'accueil, le Conseil d'Etat choisit sciemment de fermer les yeux devant la fraude fiscale. Ce manque de volonté politique à engager davantage de taxateurs et de contrôleurs suscite l'interrogation; de là à parler d'un sabotage des services publics, il n'y a qu'un pas, que certains, sans doute, franchiront aisément - pas moi, évidemment ! C'est cette même logique de défense insensée...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député. Je suis désolé.

M. Jean Burgermeister. C'est terminé ? Eh bien, c'est dommage, j'allais vous parler du bouclier fiscal...

Le président. On en est persuadés...

M. Jean Burgermeister. ...et d'imposition sur les dividendes, mais...

Le président. On en est persuadés...

M. Jean Burgermeister. ...vous l'aurez compris... (Le micro de l'orateur est coupé.)

Le président. ...et je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet.

Une voix. Monsieur le président !

M. Romain de Sainte Marie. Il y a encore des demandes de députés.

Le président. Merci, je vous redonne la parole, mais pourriez-vous appuyer un tout petit peu plus tôt de sorte qu'on puisse le voir ? C'est à vous, Monsieur de Sainte Marie.

M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. M. Zweifel a appuyé encore un peu plus tôt. Il me reste peu de temps, je crois, je serai donc très bref. S'agissant des aspects financiers, des grandes réformes qui n'ont pas encore abouti et des négociations qui se trouvent à un stade malheureusement peu avancé - bien sûr, vous l'aurez compris, je parle de la réforme de l'imposition des entreprises, renommée PF 17, et de la recapitalisation de la caisse de pension de l'Etat de Genève, la CPEG - finalement, c'est un constat d'échec, ou du moins de point mort pour l'instant, et ce seront les deux éléments marquants de la législature à venir.

Que dire aussi des comptes ? On parle des comptes, et ce faisant, on analyse ce qui a été dépensé ou non par rapport au budget. On peut se réjouir du fait que les comptes sont positifs; les budgets et les estimations en revanche sont à chaque fois extrêmement pessimistes et ont entraîné de la part du Conseil d'Etat une politique qu'on pourrait qualifier d'austérité - du moins, il a procédé à des coupes - et qui n'a pas accompagné suffisamment les besoins de la population, autant pour ce qui est de son accroissement que de son vieillissement et malheureusement de son appauvrissement. Ce à quoi nous sommes confrontés aujourd'hui à Genève, c'est un déficit qui devient véritablement structurel. Il va devoir être accompagné de mesures permettant de combler ce déficit. A l'heure actuelle, comme on peut le constater... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...les différentes niches fiscales que nous connaissons - naturellement, le bouclier fiscal, les forfaits fiscaux pour les personnes physiques et les allégements fiscaux pour les entreprises - occasionnent un manque à gagner. Nous devons nous interroger sur la réelle utilité de ces niches fiscales, à l'heure où nous devrons étudier le projet de budget 2019; comme chaque année se poseront les mêmes questions, à savoir comment réussir à assurer, sans le moindre nouveau financement - le problème est véritablement là...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Romain de Sainte Marie. ...sans le moindre financement, des prestations publiques à l'entier de la population.

Le président. Je passe la parole pour trente secondes - pas une de plus - à M. Yvan Zweifel.

M. Yvan Zweifel (PLR). Merci, Monsieur le président. Trente secondes pour dire à notre collègue Burgermeister - vous lui transmettrez, Monsieur le président - qu'il n'y a pas une infime minorité de gens qui ne remplissent pas leurs obligations fiscales, mais une minorité importante, puisque 34,5% des gens ne paient pas d'impôts dans ce canton. En revanche, il y a une infime minorité de gens qui paient l'immense majorité des impôts, puisque 1% des contribuables paient 70% de l'impôt sur la fortune ! (Commentaires.) La seule vertu de la politique de M. Burgermeister - vous lui transmettrez, Monsieur le président - c'est qu'à force de taper sur les riches, ils s'en iront, et les 34,5% de gens qui ne paient pas d'impôts finiront par devoir en payer !

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de première minorité. Mesdames et Messieurs les députés, le jour où on apprend que la Suisse s'est transformée en une véritable Mecque pour multimillionnaires - il suffit de lire notre «Tribune» quotidienne, dont je vous rappelle l'excellent numéro de mercredi - il est assez amusant d'entendre notre collègue Zweifel nous annoncer que les riches s'en vont parce que le taux d'imposition est trop élevé - vous lui transmettrez, Monsieur le président.

Pour revenir à des choses plus sérieuses, laissez-moi vous dire que le grand échec de la gestion du Conseil d'Etat dans ce domaine a été cette bataille obsessionnelle pour le taux à 13,49% d'imposition des bénéfices. (Remarque.) On sait bien que ces 13,49% ont été calculés pour qu'il n'y ait pas un millième de différence entre le canton de Vaud et le canton de Genève, alors que jusqu'ici, il y avait une différence importante pour les sociétés à statut qui payaient davantage à Genève que dans le canton de Vaud, et il y avait une différence significative pour les sociétés à statut ordinaire, qui payaient davantage dans le canton de Genève que dans le canton de Vaud. Je vous le dis: l'obsession fiscale est liée à une priorité économique qui consiste à attirer des entreprises extrêmement labiles qui, de plus en plus, ne sont là que pour des intérêts fiscaux, et qui entretiennent des liens plus limités avec le tissu économique de la recherche, de la formation et des infrastructures qu'offre le canton de Genève. Il faut changer radicalement de politique ! Il faut aller vers une imposition raisonnable des entreprises, qui implique évidemment la suppression des statuts mais qui ne fasse pas de la fiscalité l'élément essentiel du choix de localisation d'une entreprise.

En même temps, il faut revenir sur un certain nombre de cadeaux fiscaux indécents, comme le bouclier fiscal qui protège les multimillionnaires - j'attends les huées de certains dans ce Grand Conseil, mais ils n'ont plus la parole ! Il faut supprimer le bouclier fiscal qui protège les multimillionnaires. On nous enfume avec cette idée de leur départ: ils sont de plus en plus nombreux ! (Commentaires.) Je ne parle pas là des contribuables qui ont un ou deux millions à déclarer, mais de ceux qui déclarent plus de dix millions et dont le nombre augmente d'année en année. Supprimons ce bouclier fiscal, taxons à 100% les revenus des dividendes. Les dividendes sont des revenus comme les salaires; ce n'est pas qu'il faut prendre 100% des dividendes, Monsieur Sormanni - vous lui transmettrez, Monsieur le président, parce qu'il ne m'a pas compris: les dividendes, vous ne le savez peut-être pas, sont taxés à 50% ou 60% aujourd'hui; cela ne signifie pas qu'on vous en prend 50% ou 60%, mais que la taxation ne porte pas sur l'entier du revenu. Pourquoi les salariés sont-ils taxés sur l'ensemble de leurs revenus alors que les revenus du capital ne sont que partiellement taxés ? C'est anormal, il faut revenir là-dessus. Il faut aussi supprimer cette baisse d'impôts de 12% pour les revenus les plus élevés. Si nous allons dans cette direction, nous résoudrons cet effet ciseaux qui fait que de moins en moins de ressources sont disponibles pour des politiques audacieuses sur les plans tant économique que social.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. En entendant le député... (L'orateur hésite sur la prononciation du nom de M. Yvan Zweifel.) ...Weizfel...

Une voix. Zweifel !

M. Alberto Velasco. Oui, Zweifel !

Des voix. Comme les chips !

M. Alberto Velasco. Comme les chips ! (Commentaires.) En somme, vous accusez les pauvres de ne pas payer d'impôts. (Commentaires.) En réalité, c'est ça ! Mais tout le monde paie des impôts ici. Peu, peut-être; ceux qui ont peu de moyens paient peu, et ceux qui ont des ressources extrêmement limitées paient une taxe minimale de 25 F. Mais vous savez, quand on paie 25 F, on a vraiment très très peu. Vraiment très très peu. Mais en plus, ces gens-là paient des impôts, parce que chaque fois qu'ils consomment, voyez-vous, ils paient ! Ils paient la TVA, impôt assez injuste, qui, lui, n'est même pas proportionnel ! Donc quand on dit que 30 000 personnes à Genève ne paient pas d'impôts, c'est très limite ! Je vais aller beaucoup plus loin: une grande partie de ces personnes, Monsieur Zweifel, ont travaillé toute leur vie, ont payé des impôts toute leur vie, et arrivent parfois à la retraite avec une rente tellement petite qu'effectivement, elles paient la taxe minimale. Mais elles ont payé toute leur vie des impôts ! Une autre partie de ces personnes, Monsieur Zweifel, la société les a rejetées du monde du travail; elles ont été au chômage et ont malheureusement atterri à l'Hospice et ne peuvent pas payer d'impôts. C'est ainsi ! Vous voyez, ce n'est pas par plaisir, ce n'est pas parce qu'elles veulent éviter ou se cacher de l'administration qu'elles ne paient pas d'impôts. En réalité, c'est la face quelque peu miséreuse de notre canton. C'est cela qu'il faut voir !

Vous devriez vous intéresser aux dénonciations spontanées. Nous avons compris que, à la suite de l'accord sur la transmission automatique d'informations, tout à coup, spontanément - je dis bien spontanément ! - l'esprit civique renaît chez un certain nombre de citoyens et l'administration fiscale a reçu une centaine de millions. Avant même qu'elle n'ait commencé à taxer ! Elle estime que déjà une centaine de millions sont rentrés. Imaginez-vous, si l'administration fiscale avait les moyens réels pour effectuer son travail, nous aurions plus qu'une centaine de millions: nous aurions peut-être 300 ou 400 millions, ce qui résoudrait pas mal de problèmes.

Voilà, Mesdames et Messieurs, à chaque fois qu'on traite du budget et des comptes, on revient sur le fait qu'un certain nombre de personnes à Genève ne paie pas d'impôts. Mais ce qui est grave, Mesdames et Messieurs, c'est qu'il y a une petite minorité de ce canton qui participe, comme le disent les libéraux, à une grande partie de son financement. Cela vous montre l'injustice, l'injustice de ce canton ! C'est cela, l'injustice ! Cela vous montre que la répartition des richesses ne se fait pas. Comme l'a expliqué hier mon collègue Batou avec cette courbe qui montre qu'à Genève les riches ont accumulé encore 10 milliards supplémentaires en une année, c'est clair et net, Mesdames et Messieurs, les richesses ne sont pas redistribuées comme il se doit, et cela vient simplement du fait que vous avez changé la courbe de répartition ! Vous avez fait en sorte que cette courbe, notamment avec le bouclier fiscal, aille plutôt dans le sens de ceux qui n'en ont pas besoin. Il y a donc des réserves importantes accumulées qui ne sont pas redistribuées et qui ne participent pas, contrairement à ce que vous croyez, à l'économie de ce canton.

Malheureusement, nous sommes minoritaires à Genève et nous l'avons été pendant longtemps - nous avons été majoritaires seulement une fois. (Remarque.) Espérons qu'un jour nous soyons majoritaires, et ce jour-là, effectivement, vous verrez qu'avec une politique plus redistributive, le canton ira beaucoup mieux du point de vue économique.

M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur de majorité. J'aimerais quand même rappeler, d'une manière très factuelle, que l'évaluation de l'impôt, ainsi qu'elle a été calculée par l'administration, a été confirmée par la Cour des comptes. C'est un des éléments très importants qui permet une véritable lecture tant du passé que du futur.

Encore un mot - rapidement, parce que la gauche et la droite seront irréconciliables: je ne sais pas si nous serons champions de la coupe du monde de football cette année, mais une chose est sûre, nous sommes les champions, toutes catégories confondues, des dépenses; nous avons dépensé 8,214 milliards, Mesdames et Messieurs, pour un canton de 500 000 habitants ! Oui, nous sommes champions, toutes catégories confondues ! Alors continuons d'aller chercher des impôts ! Ce n'est pas ainsi que nous arriverons à régler le contrat social dont Genève a tant besoin ! Je vous remercie. (Commentaires.)

Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la conseillère d'Etat Nathalie Fontanet. (Remarque. Un instant s'écoule.) Vous avez la parole, Madame.

Mme Nathalie Fontanet, conseillère d'Etat. Je continue volontiers l'exercice de me lever et de me rasseoir ! Merci, Monsieur le président, de m'accorder ce petit crédit de parole. Mesdames et Messieurs les députés, ces discussions sont fort intéressantes. J'aimerais rappeler que 80% des revenus de notre canton proviennent de l'impôt. Alors celles et ceux qui aujourd'hui critiquent le fait que nous accueillions plus de millionnaires devraient plutôt s'en féliciter: c'est ce qui nous permet de financer nos prestations sociales, c'est ce qui permet de faire en sorte que les plus démunis puissent bénéficier de l'aide de l'Etat, et je vous rappelle, Mesdames et Messieurs, que l'augmentation des revenus fiscaux n'est de loin pas parallèle à l'augmentation des charges sociales. Celles-ci augmentent de plus en plus et nous avons besoin de pouvoir y faire face ! Nous n'avons pas d'autre moyen que d'y faire face par l'impôt. (Commentaires.)

Vouloir continuer à augmenter ces impôts, comme c'est le cas de certains, alors qu'aujourd'hui nous avons le potentiel fiscal le plus utilisé de Suisse, que trois quarts des revenus fiscaux proviennent d'un sixième des contribuables, que nous sommes le canton dont le taux d'impôt sur la fortune est le plus important parmi les vingt-six cantons, ce n'est pas tenir compte de la réalité. Pour ma part, je remercie les gros contribuables de notre canton; ce sont eux qui nous permettent d'avoir une politique sociale digne d'un canton comme Genève. Ce sont eux qui nous permettent de faire face... (Commentaires.) ...aux besoins de l'aide sociale et je les remercie de rester établis dans notre canton, malgré l'incertitude qui règne aujourd'hui et le manque de prévisibilité du point de vue fiscal.

Pour ce qui est du PF 17, Mesdames et Messieurs, contrairement à ce qui a été dit, les sociétés internationales, les sociétés de trading, toutes ces sociétés que vous vilipendez, demain, paieront davantage ! (Commentaires.) Ce seront au contraire les PME, les sociétés locales qui vont bénéficier de ces baisses d'impôts. Et, comme vous, Mesdames et Messieurs, je m'en félicite ! Parce que ce sont elles qui, lorsqu'elles font du bénéfice, pourront réinvestir pour l'emploi et la formation dans notre canton. C'est ce que nous voulons pour Genève et c'est ce dont nous avons besoin pour financer le budget de l'Etat.

Mesdames et Messieurs, je suis satisfaite que vous adoptiez le rapport de gestion sur cette politique publique, et soyez assurés que je ferai en sorte que nous puissions continuer à bénéficier de l'impôt pour financer les prestations, que nous puissions continuer à avoir un Etat social, mais que je m'assurerai également, avec mes collègues, que notre canton ne devienne pas un canton qui applique une imposition confiscatoire, car, le cas échéant, cela se retournera contre nous. Merci, Mesdames et Messieurs. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Madame la conseillère d'Etat. Je mets maintenant aux voix la politique publique M «Finance et impôts».

Mise aux voix, la politique publique M «Finance et impôts» est adoptée par 53 oui contre 39 non et 1 abstention.

Le président. Nous avons terminé le deuxième débat.

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article unique.

Troisième débat

Le président. Je passe la parole à M. François Baertschi.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, au moment du vote final sur la gestion de l'Etat pour l'année 2017, il convient de poser les questions essentielles. Les comptes sont-ils équilibrés ? La réponse est oui; il y a même un boni non négligeable. La dette a-t-elle augmenté ? La réponse est non; elle a même diminué de 90 millions. Les prestations ont-elles été sauvegardées ? La réponse est oui; des moyens supplémentaires ont même pu être alloués. Les rémunérations de la fonction publique ont-elles été assurées ? La réponse est oui; l'annuité a pu être intégralement attribuée. Le Conseil d'Etat a-t-il globalement mené une politique économe ? La réponse est oui. Les règles comptables ont-elles été respectées ? La réponse est oui, et la Cour des comptes l'assure sans réserve.

Certes, les groupes politiques peuvent contester telle politique publique ou telle autre - ils ne s'en sont d'ailleurs pas privés. Certes, les partis non gouvernementaux sont enclins à s'opposer à la politique d'un Conseil d'Etat au sein duquel ils n'ont pas de représentant. Il est plus difficilement compréhensible que des partis gouvernementaux s'opposent à la politique générale du Conseil d'Etat sans avancer d'arguments crédibles, surtout face à des comptes 2017 qui sont plus que positifs. Même s'il s'est opposé à certaines politiques publiques, le MCG ne voit pas d'objection globale à émettre quant à la gestion générale du gouvernement pour 2017. Le groupe MCG votera donc résolument oui ! Nous souhaitons que les comptes de ces prochaines années soient aussi positifs que ceux de 2017, qu'il s'agisse de l'équilibre des comptes, de l'endettement ou des prestations.

Une voix. Bravo.

Le président. Merci, Monsieur le député. Pour la bonne forme, je répète ce que vous avez sur le conducteur de cette séance: chaque rapporteur a droit à trois minutes de parole, de même que chaque groupe ainsi que le Conseil d'Etat. Je passe la parole à M. Alberto Velasco.

M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Merci, Monsieur le président. La conseillère d'Etat chargée du département des finances a dit tout à l'heure ce que je voulais entendre, à savoir que les trois quarts des revenus sont fournis par un sixième des contribuables. Madame, vous le dites comme si c'était vraiment une chance inouïe mais je suis, moi, atterré par cela et je l'ai toujours été ! Parce que l'ensemble des revenus devrait en réalité provenir du produit des richesses des uns et des autres, de tous les travailleurs. Et des entreprises, Madame ! Ce n'est pas très bon de vivre des rentes des riches. Vous nous dites que nous pouvons vivre grâce aux riches, que nous pouvons payer grâce aux riches. Mais ce n'est pas grâce aux riches, Madame ! C'est grâce à l'économie; c'est grâce aux entreprises; c'est grâce à la valeur produite. C'est de ça que vit un pays. Si un pays vit simplement des rentes des riches, eh bien, le jour où les riches partent, c'est fini: le pauvre n'a plus rien ! (Commentaires.) Et là, Madame, vous avez effectivement raison. (Commentaires.) C'est pour ça que nous avons insisté, tout à l'heure, au moment de parler de l'économie... (Commentaires. Applaudissements.) ...nous avons insisté, au moment de parler de l'économie, sur le fait qu'il faut transformer l'économie genevoise afin que des entrepreneurs et des entreprises endogènes s'établissent sur la base de technologies nouvelles. C'est ça, un Etat sain ! Nous assistons aujourd'hui à une hypertrophie de notre économie telle que vous l'avez définie, Madame, où un sixième des contribuables finance... fait du chantage à la République et canton de Genève. Eh bien non, Madame !

Je tiens par ailleurs à dire que nous allons refuser la gestion pour les raisons qui ont été données tout au long des interventions, et notamment parce que nous considérons qu'il y aura des problèmes dans le futur, liés par exemple à l'augmentation du nombre de personnes âgées. Les besoins de l'hôpital cantonal, de l'IMAD et d'autres institutions en matière de subventions vont donc s'accroître. Contrairement à ce que dit le rapporteur de majorité, l'Etat n'a pas dépensé 8 milliards: il a redistribué 8 milliards ! Ces 8 milliards, Monsieur, ont été redistribués à l'ensemble de la population et dans l'économie genevoise. Pas un sou n'a été gardé. La différence est de taille ! Quand on augmente les impôts, c'est toujours pour en reverser le montant dans l'économie sous forme de prestations. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs, le groupe socialiste refusera le rapport de gestion. Merci.

M. Mathias Buschbeck (Ve). Permettez-moi d'aborder, à l'occasion de ce troisième débat sur les comptes, quelques éléments prospectifs. 69 millions de boni, on l'a dit, c'est bien. Mais on sait que cette agréable surprise est notamment due aux dénonciations spontanées liées à l'échange automatique d'informations. On sait donc que cette manne va se tarir. C'est vrai qu'à Genève, année après année, nous avons chaque fois de bonnes surprises qui nous permettent de rester dans les chiffres noirs; cela nous fait parfois perdre de vue que nous allons vers des heures plus sombres. Nous entamons avec une inertie coupable la transition vers une société plus durable. Nous avons de la peine à répondre aux besoins des personnes les plus fragiles de notre population. L'Hospice général, où le nombre de dossiers continue d'augmenter, nous inquiète. Trop de monde dans notre société pourtant prospère est laissé au bord du chemin. Le paradoxe, c'est que nous avons les dépenses publiques par habitant parmi les plus élevées au monde, avec un budget de près de 8 milliards de francs. Bref, nous n'en avons pas pour notre argent, et nous ne prenons pas le chemin d'une société de la sobriété heureuse que les Verts appellent de leurs voeux.

Quant aux recettes, les nouvelles ne sont pas bonnes non plus. La baisse des rentrées fiscales liée au PF 17 est source d'inquiétude. Nous espérons que le Conseil d'Etat travaille à de nouvelles recettes en supprimant les niches fiscales et en renonçant au bouclier fiscal: il y a quelque chose d'indécent à maintenir cet outil alors que l'on apprend que le nombre de millionnaires explose dans notre pays.

J'en arrive à la dette. Elle est en baisse de 100 millions - c'est une bonne nouvelle - mais elle reste à un niveau très élevé, à 11,8 milliards. A ce rythme, il nous faudrait 118 ans pour rembourser cette somme, soit jusqu'à l'horizon 2136. Vous comprenez que les Verts soient inquiets; vous connaissez leur souci d'une gestion durable des ressources. Cette dette, nous la léguons aux générations futures, et cela nous révolte. Le service de la dette reste élevé durant ce temps: il atteint 180 millions de francs par année, soit l'équivalent de 1500 postes de travail dont nous aurions bien besoin. Je vous remercie pour votre attention.

M. Jean-Luc Forni (PDC). Eh bien voilà: tout a été dit et redit. Après quelque dix heures de débat, nous n'avons sans doute pas avancé d'un pouce et ni le canton ni notre population n'en tireront aucun bénéfice. Après ces joutes oratoires nombreuses et parfois polémiques, puisqu'on a pu fustiger à souhait tel ou tel magistrat, telle ou telle politique publique, le parti démocrate-chrétien reste, lui, fidèle à la ligne qu'il avait déjà suivie au moment de l'adoption du budget. Cette fois-ci, il confirme qu'il va adopter le rapport de gestion du Conseil d'Etat. Il tient quand même à souligner qu'il y a un excédent de 69 millions de francs, comme le préopinant MCG l'a dit, alors que le budget prévoyait un déficit de 80 millions. La dette, on l'a dit, a régressé. Les amortissements sont nombreux. Je rappellerai les propos de notre nouvelle conseillère d'Etat chargée des finances: nous avons dépensé pour huit milliards deux cent quarante millions de francs de prestations. C'est un budget important, et on ne peut vraiment pas dire que l'Etat ne remplit pas ses missions et qu'il n'assure pas ses prestations - elles sont excellentes et reconnues par la population.

Mesdames et Messieurs, j'ai du mal à croire que ceux qui avaient précédemment soutenu le bilan refusent aujourd'hui d'accepter le rapport de gestion en disant que certaines dépenses ne sont pas suffisantes. Comme moi, vous avez reçu le rapport du SRED; hier, nous parlions du nombre d'enseignants et des sacrifices qui ont soi-disant été faits dans l'instruction publique. En huit ans, de 2010 à 2018, quelque 800 postes d'enseignants ont pourtant été créés toutes catégories confondues - l'école enfantine n'existe plus, ils ont été créés de l'école obligatoire à l'université. C'est quand même près de cent postes par année ! On disait aussi tout à l'heure que les impôts ne sont pas suffisants, en tout cas pour une certaine partie de la population. Je crois qu'il est important de savoir, et c'est très bien que notre ministre l'ait rappelé, que c'est un sixième de la population qui paie le 80% des impôts. Mesdames et Messieurs, si vous voulez continuer sur ce rythme assez important de dépenses, notamment pour assurer les prestations sociales et le fonctionnement de l'Etat, je pense qu'il faut aussi se soucier de la qualité de nos contribuables. Montrons-nous raisonnables quant aux dépenses et ne pensons pas simplement à augmenter les impôts. Merci au Conseil d'Etat pour son excellente gestion, que nous allons accepter. (Quelques applaudissements.)

M. Cyril Aellen (PLR). Le groupe PLR est de ceux qui n'ont pas voté le budget qui a conduit à l'établissement des comptes, bien tenus, dont nous débattons. Pour parvenir à tenir le budget, chacun des membres du Conseil d'Etat a correctement géré son département, et le groupe PLR souhaite féliciter chacun d'eux, sans distinction aucune, pour avoir réussi à tenir un budget global de 8 milliards, ce qui n'est pas une tâche facile dans un contexte compliqué. En cela, je crois que nous devons féliciter l'exécutif, parce qu'il a rempli la tâche qui était la sienne.

J'entends ceux qui veulent refuser le rapport de gestion, à droite ou à gauche, dire qu'il n'y a pas eu assez de dépenses ou de priorités - c'est selon. J'aimerais quand même signaler que ceux qui s'apprêtent à ne pas voter le rapport de gestion sont pour partie les mêmes qui avaient voté le budget. Ils sont pour partie au gouvernement et leurs magistrats ont respecté le budget qu'on leur a donné. Nous l'avons dit, le PLR regrette qu'il n'y ait pas de réformes suffisantes, mais ce n'est pas un problème de gestion ! C'est un problème de politique générale, c'est un problème de discours de législature, c'est un problème de plan financier quadriennal; ce sont différents problèmes. Mais il n'est pas question de sanctionner le gouvernement pour un mécontentement face à des politiques générales alors qu'il a très correctement effectué son travail - et, de nouveau, c'est valable pour les sept magistrats.

J'aimerais revenir sur deux choses, et d'abord rappeler que les 8 milliards n'appartiennent pas à l'Etat mais qu'il s'agit en premier lieu, et pour l'essentiel, de l'argent des contribuables. C'est vrai que 1% de la population paie une grande partie des impôts. Mais notre coiffeuse en paie aussi ! Tout comme notre serveur ! C'est aussi le cas de notre vendeur ! Ou encore de notre infirmière ! Les impôts sont payés par une quantité impressionnante de gens pour qui 100 F, 500 F ou 2000 F représente parfois beaucoup d'argent, et pour qui verser cette somme implique beaucoup de contraintes s'agissant du budget du ménage. C'est aussi à eux que nous devons penser à chaque fois que nous faisons une dépense. Enfin, Monsieur le président, je termine en disant qu'il y a bien des inégalités. Mais c'est précisément parce qu'il y a des inégalités fiscales et une grosse progressivité de l'impôt que nous pouvons assurer le train de vie de l'Etat. (Applaudissements.)

M. Romain de Sainte Marie (S). Mesdames et Messieurs les députés, le groupe socialiste va refuser ce rapport de gestion. Il va le refuser parce que le Conseil d'Etat a certes travaillé, mais avec la vision qui est la sienne: une vision libérale des choses et des prestations publiques. Le groupe socialiste a refusé la gestion de plusieurs politiques publiques, entre autres la mobilité, puisqu'il s'est notamment battu contre une diminution de la fréquence des transports publics et contre une augmentation des tarifs que l'on voulait reporter sur l'usager de façon non proportionnelle, c'est-à-dire sans rapport avec son revenu. Le groupe socialiste a également refusé une vision sécuritaire - trop sécuritaire - et carcérale; il ne partage pas la vision du département. Enfin, le groupe socialiste a refusé cette vision libérale de l'imposition et de la fiscalité, fiscalité qui est bel et bien le nerf de la guerre quand on parle des comptes de l'Etat et lorsqu'on débat du budget.

C'est le nerf de la guerre parce que nous nous reposons en effet sur les grandes fortunes, sur quelques grandes entreprises fortement capitalisées et faisant de gros bénéfices - Mme Fontanet, conseillère d'Etat, l'a signalé, puis M. Aellen. Tant mieux ! Tant mieux que Genève et la Suisse attirent les grandes fortunes ! Nous n'allons pas nous en plaindre. Notre produit intérieur brut est croissant - c'est le deuxième plus haut de Suisse - ce qui est une très bonne chose. Par contre, Mesdames et Messieurs les députés, rappelez-vous que notre canton est également celui qui a le deuxième taux de chômage le plus élevé de Suisse, le deuxième taux de personnes à l'aide sociale le plus élevé également. Genève a les logements les plus chers de Suisse et les primes moyennes d'assurance maladie les plus élevées de Suisse ! Par conséquent, nous avons des besoins plus élevés que ceux des autres cantons ! Tant mieux si nous avons un produit intérieur brut parmi les plus élevés de Suisse, mais les dépenses publiques doivent naturellement être aussi plus élevées que celles des autres cantons puisqu'elles doivent accompagner les besoins de la population. C'est pourquoi le parti socialiste refuse ce rapport de gestion. Il refuse une vision où on maintient des prestations publiques à un niveau limite, où il faut se battre budget après budget pour essayer de préserver ces prestations qui sont rabotées année après année.

On ne peut certes pas parler de politique d'austérité, mais on connaît la tendance du Conseil d'Etat - du précédent en tout cas puisque nous parlons des comptes - à vouloir faire des économies sans chercher de recettes supplémentaires. Les enjeux vont être de combler ce déficit structurel, d'adopter des réformes qui ne péjorent pas l'équilibre des finances de l'Etat et de trouver ces recettes fiscales supplémentaires pour garantir la cohésion sociale à travers une véritable justice fiscale.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Tout d'abord, j'aimerais signaler que notre groupe est atterré par le discours d'allégeance aux riches qu'a tenu la magistrate chargée des finances publiques. Oui, ils sont contribuables. Oui, ils paient la plus grande partie des impôts de ce canton. Mais ce n'est pas une faveur qu'ils nous font: ils contribuent en fonction de leurs moyens ! C'est mathématique ! J'aimerais rappeler qu'il y a aussi d'autres contribuables dans ce canton et qu'ils mériteraient également un minimum de respect. Il faut de même rappeler que cette règle légitime du paiement de l'impôt par tous, en fonction de ses moyens, a été particulièrement détournée par le biais notamment de privilèges et autres forfaits fiscaux !

En ce qui concerne ce rapport de gestion, j'aimerais relever qu'on impose depuis plusieurs années une cure d'austérité à ce canton, dont d'aucuns prétendent qu'elle permettrait sa saine gestion et en fin de compte un équilibre des finances publiques. Théoriquement, ça pourrait marcher, si on ne constatait, en regardant la réalité en face, que les économies imposées au service public ont produit des effets particulièrement préjudiciables, non seulement sur la qualité de vie des habitants de ce canton mais également sur la qualité et la quantité des prestations. Nous ne pouvons pas juste nous congratuler en considérant que des économies ont été faites et que, depuis quelques années, on a réduit la fonction publique en diminuant le nombre de fonctionnaires. Pour arriver à quoi, Mesdames et Messieurs les députés ? A ce qu'on place des chômeurs pour compenser les postes qu'on a supprimés depuis des années ? Ça n'a aucun sens ! Et ensuite, on se plaint de l'augmentation de la pauvreté et du nombre de personnes qui se trouvent à la charge de l'Etat !

Il faut être cohérent. Essayons de travailler au développement du bien commun; veillons à ce que la population de ce canton vive dans des conditions favorables et à ce que nous ayons un développement économique qui permette d'assurer un équilibre. Mais, de grâce, cessons de nous asservir aux intérêts d'une minorité au détriment de l'intérêt de la population ! Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Patrick Lussi (UDC). Mesdames et Messieurs les députés, d'emblée je vous le dis: l'UDC refusera ce rapport de gestion. Mais, de grâce, veuillez quand même considérer qu'on parle d'une politique menée par le Conseil d'Etat. Or nous sommes un parlement démocratique élu au scrutin proportionnel et pas au scrutin majoritaire, comme en France, où deux blocs s'affrontent. Différentes sensibilités sont là, et je pense que nous avons le droit de nous exprimer à l'issue du débat sur ce rapport de gestion - nous savons que les avis sur les comptes ne seront pas les mêmes pour tous.

Mesdames et Messieurs les députés, l'UDC pense et affirme que la gestion du Conseil d'Etat, pas dans son ensemble mais en grande partie, ne convient pas au dogme, aux idées, ni au programme de législature de l'Union démocratique du centre. Plusieurs aspects ont été évoqués lors de l'étude des différentes politiques publiques; nous nous sommes exprimés. La synthèse que nous en faisons, c'est que nous ne pouvons pas accepter cette gestion ! Au-delà, j'espère qu'il ne s'agit pas de dire, quand j'entends certains orateurs, qu'on doit être aligné couvert, le doigt sur la couture du pantalon, et accepter le rapport de gestion. Non ! Ce n'est pas le rôle d'un parlement démocratique; son rôle est justement de faire des critiques, et je trouve les critiques qui ont été faites en grande partie positives. De cette manière, le nouveau Conseil d'Etat voit et se rend compte que, dans notre système politique genevois, chacun peut malgré tout s'exprimer et dire ce qu'il pense.

Enfin, il est vrai que l'Union démocratique du centre est très sensible à la question des finances de l'Etat et aux dépenses excessives. Un collègue m'a donné ce matin un rapport du SRED qui vient de sortir: il annonce qu'entre 2010 et 2018, l'instruction publique a obtenu 800 postes de plus. Il faut quand même considérer les choses, parce qu'on parle en définitive des impôts. Il faut que l'on sache: est-ce que c'est la poule qui fait l'oeuf ou l'oeuf qui fait la poule ? Pour le moment, ce sont les contribuables et les contributions qui permettent d'aller de l'avant et de payer cela. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) D'autre part, puisque beaucoup se réfèrent au scrutin et s'en targuent, eh bien, l'Union démocratique du centre ne peut pas comprendre qu'une décision populaire, à savoir l'initiative qui a été acceptée sur l'immigration de masse, ne soit pas suivie d'application; pour nous, c'est dommage. Pour finir, j'aimerais simplement dire - je sais qu'un des rapporteurs de minorité est intervenu...

Le président. C'est terminé, Monsieur le député.

M. Patrick Lussi. J'aimerais juste...

Le président. Vous n'avez plus de temps. Monsieur Bläsi, vous n'avez plus de temps non plus. Je passe la parole à M. Jean Batou.

M. Jean Batou (EAG), rapporteur de première minorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, si on prend un petit peu de hauteur, le groupe Ensemble à Gauche refuse de voter ce rapport de gestion du Conseil d'Etat pour trois raisons. La première, c'est que la gestion du Conseil d'Etat tend vers une direction, à savoir la défense des intérêts des privilégiés. Notre nouvelle ministre des finances l'a répété de manière très claire: il y aura une orientation renforcée en faveur des intérêts des gros contribuables. D'où l'importance pour ce Conseil d'Etat du bouclier fiscal et d'où l'importance déterminante de la troisième réforme de l'imposition des entreprises, qui représente un cadeau de 600 millions de francs en faveur des sociétés, très minoritaires, qui réalisent de très gros bénéfices. Nous ne pouvons que condamner cette orientation politique.

Comme elle est orientée en faveur des privilégiés, c'est une politique qui fait constamment pression sur les services et les prestations publics - et c'est la deuxième raison de notre refus. Les services et les prestations publics englobent trois choses absolument essentielles pour la population: la santé publique, la formation - l'instruction publique - et les aides sociales. Ces trois secteurs-là sont mis sous pression parce que le Conseil d'Etat privilégie la protection des intérêts des privilégiés.

Troisième raison pour laquelle nous refusons cette politique de gestion: le Conseil d'Etat a pris une décision extrêmement grave aux dépens des futurs retraités de la fonction publique en proposant tout de go qu'ils financent eux-mêmes - et seulement eux-mêmes - la recapitalisation de leur caisse de pension. Le projet de loi déposé par le Conseil d'Etat est une honte. Il faudra en changer, parce que ce serait un message terrible à l'égard de l'ensemble de la société, à savoir que nous sacrifions dès aujourd'hui les retraites et les futures retraites des salariés de la fonction publique. Pour ces trois raisons - défense des privilégiés uniquement, sacrifice des services publics et des prestations, c'est-à-dire de la santé, de l'instruction publique et des prestations sociales, et enfin sacrifice des intérêts des futurs retraités - le groupe Ensemble à Gauche vous appelle à dire non à cette politique de gestion du Conseil d'Etat. Merci.

M. Olivier Cerutti (PDC), rapporteur de majorité. Mesdames et Messieurs les députés, la boucle est bouclée. Le moment est plutôt aux remerciements, d'abord au Conseil d'Etat et à l'ensemble de la fonction publique pour le travail fourni, et notamment au ministre des finances qui a réussi, malgré un budget déficitaire, à boucler les comptes avec un léger bénéfice. Nous pouvons d'ores et déjà nous tourner vers le prochain budget, celui de 2019, et inviter le Conseil d'Etat à rester attentif: l'ensemble du parlement sera vigilant quant à ses propositions. Nous attendons de lui qu'il démarre la législature sur des bases solides, dans une volonté de compromis - nous vous demandons à tous de vous y employer, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat. Ainsi, il est attendu du gouvernement qu'il expose une véritable vision des enjeux financiers du canton pour les cinq années à venir, et que l'ensemble du collège exprime clairement des choix trouvant des applications concrètes dans l'ensemble de ces politiques publiques. Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que l'on peut attendre de cette nouvelle législature.

Je vous remercie de la qualité des échanges, qui nous a permis de terminer ce débat un tout petit peu plus rapidement que les années précédentes. Je vous souhaite une belle fin de journée.

Le président. Merci, Monsieur le député. Nous passons au vote sur l'ensemble du projet de loi 12297 approuvant le rapport de gestion du Conseil d'Etat pour l'année 2017.

Mis aux voix, le projet de loi 12297 est rejeté en troisième débat dans son ensemble par 49 non contre 44 oui.