République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 25 mai 2018 à 18h
2e législature - 1re année - 1re session - 6e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 18h, sous la présidence de M. Jean Romain, président.
Assistent à la séance: Mme et MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, Mauro Poggia, Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco et Luc Barthassat, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Delphine Bachmann, Marko Bandler, Thierry Cerutti, Fabienne Monbaron, Patrick Saudan, Stéphanie Valentino et Salika Wenger, députés.
Députés suppléants présents: Mmes et MM. Olivier Baud, Pierre Bayenet, Diego Esteban, Florian Gander, Sylvie Jay, Christina Meissner et Vincent Subilia.
Annonces et dépôts
Néant.
Premier débat
Le président. Mesdames et Messieurs, nous abordons maintenant les PL 11611-A et 11612-A. Le rapporteur de majorité est M. Raymond Wicky, les rapporteurs de minorité sont M. François Baertschi pour le premier objet et M. Patrick Lussi - qui remplace M. Riedweg - pour le deuxième. Nous traitons également le PL 11672-A, lié à ces deux objets. Pour ce dernier, le rapporteur de majorité est toujours M. Raymond Wicky et le rapporteur de minorité est M. Mathias Buschbeck, remplaçant Mme Emilie Flamand-Lew. Ces trois objets liés sont classés en catégorie II, soixante minutes. Chaque rapporteur s'exprimera l'un après l'autre et dispose de six minutes de temps de parole pour expliquer sa position sur les deux points. (Remarque.) Oui, les trois projets de lois, mais les deux points ! Je passe la parole à M. Raymond Wicky.
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, chers collègues, permettez-moi en premier lieu d'aborder les PL 11611-A et 11612-A, concernant l'inscription de la nationalité suisse dans la LPol. Ces deux projets de lois, comme je viens de le dire, visent à ancrer dans la loi l'exigence de la nationalité suisse pour les policiers. Lors de leur traitement en commission, il s'est créé une majorité de circonstance basée sur deux types d'appréciations: la première est celle d'un groupe de députées et de députés certes extrêmement attachés à la nationalité suisse pour les policiers genevois, mais qui estiment que les dispositions actuellement en vigueur sont non seulement parfaitement suffisantes, mais qu'elles sont en plus appliquées à la lettre. Le deuxième groupe de députées et députés est pour sa part désireux de pouvoir intégrer les permis C dans notre police cantonale. Il faut savoir que les dispositions actuellement en vigueur sont d'ordre réglementaire et qu'elles exigent la nationalité suisse au moment de l'obtention du brevet de policier. Je le répète, ces dispositions sont appliquées à la lettre et il n'y a pas de dérogation possible. Des mesures d'accompagnement ont été mises en place et il existe une procédure accélérée de naturalisation destinée à faciliter l'accès à la nationalité suisse pour ces jeunes gens et jeunes femmes, une fois qu'ils ont décidé d'embrasser cette profession. Compte tenu de ce contexte général qui paraît soit largement suffisant à une partie de la majorité, soit pas adapté à une autre partie de la majorité, nous vous recommandons de bien vouloir refuser l'entrée en matière sur ces projets de lois.
En ce qui concerne le PL 11672-A qui vise à permettre l'engagement de permis C dans la police cantonale, il est évident qu'il est lié au recrutement et à la volonté d'intégration des étrangers. Lors de l'examen de ce projet de loi en commission, nous avons pu constater - à l'époque en tout cas, peut-être que les chiffres ont un peu évolué - que sur les quelque 500 000 habitants de Genève, à peu près 90 000 personnes étaient éligibles à la naturalisation. La majorité de la commission estime que c'est un petit effort qu'on demande à ces personnes titulaires du permis C que d'effectuer les démarches de naturalisation qui, comme je le disais précédemment, sont relativement facilitées, pour pouvoir embrasser cette fonction, qui est une tâche éminemment régalienne. Par conséquent, pour nous, la majorité, la demande de la naturalisation suisse paraît évidente.
Nous craignons également que l'engagement de permis C ne génère des policiers à deux vitesses: il faut savoir qu'au sein de la police cantonale, certaines fonctions - on pense notamment à la police qui s'occupe du service de renseignement, piloté également par la Confédération - ne peuvent pas être occupées par des ressortissants étrangers, donc par définition par des personnes qui seraient titulaires d'un permis C. Il y aurait donc là une forme de discrimination à l'interne, par rapport à l'utilisation de ces personnes. Le syndicat de la police nous a précisé lors de son audition qu'il était opposé à toute forme de distinction entre ces policiers en fonction d'une nationalité et qu'il estimait que tout doit être fait sur une base égalitaire. Nous aimerions également mettre en exergue que ce n'est pas parce que certains cantons ont déjà entrepris cette démarche d'intégrer dans leur législation la possibilité d'engager des personnes pourvues du permis C que Genève ne peut pas garder sa propre vision sur cette question et qu'elle doit s'aligner sur ces cantons. En conclusion, la majorité de la commission vous demande de refuser l'entrée en matière également sur ce troisième projet de loi. Merci de votre attention.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Je vais aller, pour l'essentiel, dans le sens de mon collègue le député Wicky, en tout cas pour les problèmes fondamentaux. Il est certain que l'usage de la force qui est dévolu à la police est quelque chose d'important. Le problème de la nationalité est aussi une question importante. Il est souhaitable que les deux aillent de pair et qu'on ne crée pas une dichotomie, qu'on n'ait pas des mercenaires, comme on en a connu à certaines époques, c'est-à-dire du personnel chargé d'imposer la loi et d'utiliser si besoin la force, qui serait étranger, qui n'aurait pas tous les droits de citoyenneté qu'ont les autres citoyens. C'est un point fondamentalement important pour nous. Il est certain que... Bon, on peut parler de pouvoir régalien, mais c'est une question de principe, c'est aussi une question de bon fonctionnement de notre société et de logique. Le règlement l'implique dans la situation actuelle, comme l'a relevé le rapporteur de majorité, mais il est beaucoup plus important, il est pour nous essentiel que ce soit gravé dans le marbre, dans le marbre de la loi. C'est pour cela que nous avons proposé ce projet de loi.
Actuellement, à notre sens, les permis C peuvent très facilement suivre leur formation de policier et, à l'issue de cette formation, demander la naturalisation. On voit en effet mal que quelqu'un qui aurait toutes les compétences pour être policier n'ait pas celles pour acquérir la nationalité. Ce serait quelque part un dysfonctionnement institutionnel. C'est une logique que chacun peut comprendre, et c'est d'ailleurs un système qui fonctionne actuellement, c'est aussi un système qui permet de s'intégrer à la fois professionnellement et du point de vue de la citoyenneté. C'est donc un système qui marche bien. Ce que nous voulons, au travers de ce projet de loi, c'est graver dans le marbre ce qui se fait maintenant, pour qu'une personne ou une autre n'ait pas la fantaisie d'aller dans un autre sens et, bien évidemment, ne pas avoir une police à deux vitesses, ce qui ne serait pas acceptable.
A part cela, il y a encore quelques difficultés techniques qu'un permis C pourrait rencontrer dans l'exercice de sa profession de policier, notamment s'il se trouve à l'étranger, dans des affaires très spécifiques, qui démontrent très précisément que l'octroi du statut de policier à des gens qui garderaient le permis C et qui ne chercheraient pas à se naturaliser serait quelque chose de dangereux; mais ce n'est pas l'essentiel du problème.
A côté de notre projet de loi, j'aimerais ajouter que nous soutenons également celui de nos collègues de l'UDC, dont le contenu est plus ou moins le même. C'est une différence de forme: il y a deux paragraphes, il y a des formulations légèrement différentes. Nous accepterons l'un et l'autre, étant donné qu'ils ont le même sens. Enfin, nous refuserons bien évidemment le projet de loi sur l'engagement de permis C.
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Je vais essayer de ne pas être trop redondant, parce qu'on parle effectivement plus ou moins de la même chose et que ces deux projets ont la même finalité. L'essentiel de l'action - bien que jusqu'à présent, cela ait toujours fonctionné, nous n'en discutons pas - est que cela sorte du domaine réglementaire pour être inscrit dans la loi. Mesdames et Messieurs les députés, il est certain que nous avons tous une bonne idée de notre pays; nous différons certainement s'agissant de ce que nous estimons être des impératifs. Pour nous, la police - qui, rappelons-le, est toujours pour le moment un service armé, et heureusement - engage quand même très fermement la citoyenneté des gens.
Mesdames et Messieurs, lorsque que vous décidez de servir un pays en étant un représentant des forces de l'ordre et que... Sauf erreur de ma part, depuis la présidence de Mme Spoerri, vu les difficultés de recrutement, la possibilité de déposer sa candidature a été ouverte et les formations étendues aux permis C, ce qui se fait actuellement, avec la condition que le jour de l'assermentation, ils deviennent citoyens suisses. Il nous semble, si vous me permettez une mauvaise comparaison, que quand vous décidez de jouer au football, vous ne vous inscrivez pas dans un club de rugby et vice versa. Il doit donc y avoir une unité: vous décidez de défendre la population, c'est une tâche difficile, c'est une tâche qui est souvent soumise aux critiques et pour nous, c'est un cursus normal. Vous avez des jeunes parfaitement intégrés, qui après leur scolarité arrivent à la majorité et décident d'entrer dans les forces de l'ordre, pour qui le parcours est tellement simplifié, puisqu'ils remplissent les conditions... Cela nous semble totalement légitime que les choses soient comme elles le sont actuellement et qu'ils deviennent suisses, mais nous demandons qu'au fur et à mesure de l'évolution, peut-être des années, ce soit une disposition qui soit inscrite dans la loi.
Enfin, un autre point nous semble très important, Mesdames et Messieurs les députés: chacun a beaucoup parlé aujourd'hui de l'égalité, des discriminations et autre. Très sincèrement, j'avoue - c'est très personnel, certains m'en voudront - que j'aime savoir que tous les représentants des forces de l'ordre que je croise ont le droit de s'exprimer et de voter. Alors vous me direz que vous voulez ouvrir le droit de vote aux étrangers, c'est un autre sujet, mais en ce qui nous concerne, il nous semble très important, s'agissant d'une personne qui est là pour nous réprimander, voire nous arrêter, qu'elle ait les mêmes droits civiques que les nôtres. C'est un point très important.
Pour terminer, pour bien montrer que, malgré cette exigence qui semble peut-être aberrante pour certains... Nous précisons qu'il y a - enfin, quand le rapport a été rédigé - plus de quatre cents policiers genevois résidant en France voisine. Cela est dû à la crise du logement et autre, et cela veut dire que la nationalité, le fait d'avoir prêté serment et d'avoir promis fidélité à l'Etat de Genève ne vous empêche pas, si, pour d'autres raisons, vous ne pouvez vous loger à Genève... Raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, notre groupe vous demande d'accepter tant le PL 11611 que le PL 11612. Evidemment, nous n'entrerons pas en matière sur le 11672. Je vous remercie.
Mme Paloma Tschudi (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, lorsque le projet de loi sur l'engagement de permis C dans la police genevoise fut déposé en 2015, la police cantonale subissait les conséquences d'un manque important d'effectifs. Aujourd'hui, le problème reste le même, comme en témoigne l'étude menée par la commission du personnel de la police: cette étude met en avant la grave problématique des effectifs et souligne une détérioration des conditions de travail. Or ce besoin d'augmentation des effectifs de police se heurte à un problème de recrutement. Inscrire dans la loi l'obligation pour les policiers et policières d'avoir la nationalité suisse ne résoudra pas le problème, loin de là. En revanche, engager des détenteurs de permis C autoriserait une partie importante de la population de notre canton à oeuvrer pour le maintien de l'ordre et de la sécurité à Genève.
Certes, une ouverture a eu lieu, puisqu'on a permis aux titulaires de permis C d'accéder à l'école de police et d'être naturalisés à la fin. Mais cette possibilité ne permet pas à l'aspirant de devenir policier tout en restant de nationalité étrangère. Il existe pourtant certaines nations qui ne permettent pas la double nationalité. Comment demander à une personne attachée aux valeurs et à la culture de ses deux nationalités de choisir ? L'impossibilité de choisir ferait-elle de cette personne un moins bon policier ou une moins bonne policière ?
Par ailleurs, comme l'a précisé Mme Bonfanti lors de son audition, quatre cantons suisses autorisent déjà l'accès au métier de policier à des permis C: Bâle, depuis 1997, Schwytz, Neuchâtel et le Jura. Le conseiller d'Etat PLR bâlois Baschi Dürr soulignait l'augmentation potentielle du nombre de personnes susceptibles de s'intéresser au métier de policier. Le conseiller d'Etat neuchâtelois Alain Ribaux, quant à lui, rappelait l'importance de ne pas négliger les aspects culturels ainsi que les connaissances de langues étrangères dans l'approche des concitoyens et concitoyennes dans certaines situations. De fait, cette démarche faciliterait le dialogue entre la police genevoise et les communautés étrangères. Nous savons, et ce n'est pas un leurre, que la police n'a pas toujours bonne presse auprès de la population et en particulier auprès des jeunes. Engager des personnes représentatives de la société genevoise permettrait à la police d'être plus proche de la population et donc mieux acceptée. Ainsi, ouvrir la police aux différentes communautés qui constituent Genève permettrait d'une part d'élargir considérablement le cercle des personnes susceptibles de se présenter aux examens de recrutement de la police genevoise et, d'autre part, de favoriser le dialogue entre la police et la population genevoise.
Enfin, le parti des Verts ne soutiendra pas un système dans lequel les candidats sont engagés selon leur passeport plutôt que selon leurs compétences. En quoi un policier valaisan serait-il plus à même de connaître la réalité genevoise qu'une jeune personne ayant grandi à Genève mais n'ayant pas la nationalité suisse ? Je suis née à Genève, j'y ai grandi et la plupart de mes camarades de classe sont eux aussi nés à Genève, mais de parents étrangers. Je ne saurais vous dire aujourd'hui lesquels avaient ou n'avaient pas la nationalité suisse. Nous ne sommes pas d'une génération qui démontre son attachement aux valeurs de son pays à travers une nationalité ou un passeport. Nous sommes une génération qui démontre son attachement à son pays à travers ses engagements et ses actes. Y a-t-il une meilleure preuve de l'attachement aux valeurs d'un pays que de vouloir s'engager dans son corps de police ? Je ne le pense pas. C'est pourquoi je vous invite, chers collègues, à refuser le PL 11611 et à accepter le PL 11672 de sorte que les détenteurs de permis C puissent devenir des fonctionnaires de police. Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Pierre Conne (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, ce débat sur la nationalité des policiers est purement idéologique. Il n'y a nul besoin de légiférer pour établir la nationalité suisse dans la loi sur la police, de même qu'il n'y a aucune nécessité, et ce serait vraisemblablement contre-productif, d'inscrire dans la loi sur la police l'engagement des permis C. Pourquoi, Mesdames et Messieurs ? Parce qu'aujourd'hui, cette question de la nationalité des policiers genevois est réglée. Elle est réglée ! Il faut se souvenir qu'autrefois, les policiers étaient engagés à condition d'avoir accompli leur devoir militaire. Cette condition a été supprimée; depuis, la réglementation cantonale pour l'engagement des policiers - ce sont les prérequis pour postuler à la police - stipule clairement que, pour entrer à l'école d'aspirants et d'aspirantes, vous devez impérativement être de nationalité suisse ou en possession d'un permis de séjour donnant accès à la naturalisation. A noter que, si vous avez plus de vingt-cinq ans, la naturalisation doit avoir lieu avant la fin de la formation initiale. Si vous avez moins de vingt-cinq ans, vous devez avoir obtenu la nationalité suisse et terminé votre service obligatoire avant le début de la formation initiale. Voilà les conditions qui régissent aujourd'hui l'engagement des policiers sur des bases historiques - obligation d'avoir réalisé ses obligations militaires remplacée par cette réglementation.
Mesdames et Messieurs, on pose un faux problème. Nous n'avons pas besoin de légiférer. On légifère à partir du moment où l'on veut faire évoluer une situation ou corriger un problème; or, aujourd'hui, cette situation n'a pas besoin d'évoluer et n'a pas besoin d'être corrigée, en tout cas s'agissant de l'inscription de la nationalité suisse dans la loi sur la police.
Maintenant, s'agissant de l'engagement de permis C, j'ai bien entendu le discours mondialiste de ma préopinante, mais je crois que là, Mesdames et Messieurs, on est hors sol. Nous devons rester dans le principe qui régit la responsabilité de l'Etat par rapport à son corps de police, qui est le bras armé de l'Etat et qui, de ce fait, doit effectivement pouvoir s'identifier à l'Etat et à notre pays par le biais de la nationalité suisse. Le rapporteur de majorité l'a précisé, aujourd'hui, le bassin de recrutement de la police permet d'utiliser également les détenteurs de permis C qui remplissent les conditions que je viens d'énoncer, à savoir que, lorsqu'ils prêteront serment, ils seront naturalisés par une procédure accélérée. Ce problème est réglé. Ensuite, pour ce qui est de l'ouverture à l'engagement des permis C, là également, je me suis exprimé, nous y sommes opposés.
Vous l'avez compris, la position du PLR est la suivante: il n'est pas nécessaire de légiférer, parce qu'il n'y a pas de problème en la matière, ni pour inscrire la nationalité suisse dans la loi sur la police, ni évidemment, au contraire, pour ouvrir l'engagement aux détenteurs de permis C. La position du PLR est donc très claire; il suivra évidemment la position du rapporteur de majorité et vous invite, Mesdames et Messieurs, à refuser l'entrée en matière sur ces trois projets de lois. Je vous remercie de votre attention.
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, concernant les PL 11611 et 11612, le rapporteur de majorité, M. Wicky, a parfaitement décrit les travaux de la commission. Pour le parti démocrate-chrétien, ces deux projets de lois ne servent effectivement à rien. Les détails expliquant pourquoi ils ne servent à rien ont été très bien explicités par mes préopinants, je ne vais pas en rajouter. Un règlement est parfaitement suffisant, il a fait ses preuves et il ne sert à rien d'alourdir les procédures par une loi supplémentaire. Ce sera donc non et non.
Concernant le projet de loi 11672, comme dans d'autres cantons, le parti démocrate-chrétien est persuadé que l'engagement de permis C dans la police genevoise n'est pas une utopie. Cela s'inscrit tout à fait, non pas dans une logique mondialiste, comme le suggèrent les termes qui ont été utilisés pour commenter l'excellente intervention de ma collègue Verte... Genève, vous savez, Monsieur le président, c'est «un monde en soi», cela a été évoqué déjà par Genève Tourisme, je crois. Plus de 50% de la population est étrangère. On peut s'en réjouir et ce n'est pas être mondialisateur, mondialiste ou je ne sais quel terme dépréciatif on voudrait utiliser, que de dire que Genève est un modèle dans ce domaine et doit le rester. Le parti démocrate-chrétien a voté oui à ce projet de loi, car il s'agit d'être progressiste; une personne détentrice du permis C, en processus ou non de naturalisation, est parfois bien plus motivée à être policier et est parfois plus au courant de nos institutions et de nos valeurs que certains Suisses qui n'ont pas forcément accompli leur parcours de vie à Genève. Notre canton est un peu spécial, c'est vrai. Les valeurs de notre république et du canton de Genève et la sécurité y afférente peuvent parfaitement être défendues par une personne détentrice d'un permis C qui a effectué tout son parcours ici, et il ne doit jamais être rédhibitoire d'engager des personnes motivées, compétentes et sachant parfaitement défendre nos valeurs de démocratie, de liberté, de sécurité et d'égalité hommes-femmes, Monsieur le président. Je vous remercie.
Mme Carole-Anne Kast (S). Mesdames et Messieurs les députés, à la lecture de ces rapports que j'ai faite attentivement, force est de constater que, fondamentalement, ce sont deux visions philosophiques et politiques qui s'opposent. Ces deux visions ne s'opposent pas sur la police, mais sur l'intégration, sur le vivre-ensemble, sur le sens de la citoyenneté et sur le processus qui permet de devenir un citoyen genevois. Les représentants du département ont été très clairs lors des auditions: il n'y a aucun problème organisationnel à intégrer dans une police des détenteurs de permis C. Il est évident que certaines restrictions peuvent être mises en place, mais d'autres cantons l'ont fait, et ce sans aucun problème organisationnel non plus, et effectivement, comme l'a rappelé ma préopinante, de quels cantons s'agit-il ? De certains peut-être connus pour leur caractère quelque peu progressiste, mais pas uniquement: aussi de cantons finalement plutôt connus pour leur attachement aux valeurs patriotiques, comme Schwytz, et qui ont eu cette forme d'ouverture vis-à-vis des titulaires de permis C.
Evidemment, le conseiller d'Etat a plaidé pour le maintien du statu quo, qui est en effet satisfaisant aux yeux d'une certaine partie de la commission et qui devrait conduire à rejeter les deux projets de lois des groupes MCG et UDC, puisque ceux-ci, tout en consacrant ce statu quo, ne peuvent être interprétés que comme une défiance vis-à-vis du magistrat. Bien sûr, ce n'est pas moi qui vais lui en tenir rigueur: en tant que magistrat à l'exécutif, on aime bien avoir une certaine marge de manoeuvre de gestion et on préfère que les choses soient réglées par voie réglementaire plutôt que par voie législative.
Néanmoins, Mesdames et Messieurs les députés, il y a une revendication dans ce débat qui est celle d'aller plus loin; d'aller plus loin dans le sens d'une ouverture aux titulaires de permis C, et cela, en tant que parlement, nous ne pouvons pas le faire autrement que par la voie législative. C'est pour cette raison que nous allons, au sein du parti socialiste, défendre le projet de loi des Verts et refuser les deux autres projets de lois des groupes MCG et UDC. Nous pensons en effet, comme les groupes PDC et Vert l'ont rappelé, que nous pouvons être plus progressistes, que nous avons une particularité genevoise qui fait que nous pouvons oser aller aussi loin que Schwytz et que nous pouvons, par ce moyen-là, donner un signal fort sur le sens du vivre-ensemble, sur le sens de la citoyenneté à Genève, sur le fait que les questions de l'intégration, de la compétence, de la qualité du travail et du sens du devoir ne sont pas réglées par la couleur du passeport, mais par le sens de l'engagement citoyen, et que celui-ci ne doit pas être réservé à des gens qui ont obtenu le passeport suisse, mais doit être ouvert aussi à des gens qui sont bien intégrés ici et qui montrent par leur démarche leur attachement aux valeurs du canton et de la Suisse. Je vous remercie de votre attention. (Quelques applaudissements.)
M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, la police est le dernier rempart protégeant l'Etat de Genève, ses institutions et sa population. Les collaborateurs dotés du poids d'autorité et armés doivent impérativement être de nationalité suisse, ne serait-ce que par fidélité et loyauté envers leur pays. Se posent également les problèmes liés à l'usage de la force étatique et de l'arme de service ainsi qu'aux blessures causées à leurs opposants par des étrangers sur sol suisse. La seule force armée étrangère comptant des étrangers sur son sol est la légion étrangère en France. A titre de comparaison, pour tout ce qui a trait au service de police français, ce ne sont que des Français qui y travaillent.
Effectivement, le processus de recrutement et de sélection est ouvert aux étrangers en possession d'un permis C. S'ils réussissent ces épreuves, ils pourront entamer le cursus de formation mais ne pourront être brevetés policiers et incorporés dans le service actif qu'après avoir été naturalisés. Telle est la pratique actuelle. Le Mouvement Citoyens Genevois demande que l'exigence de nationalité suisse soit inscrite dans la loi sur la police, car toute modification de loi passera devant ce Grand Conseil, ce qui nous mettra à l'abri de modifications réglementaires opérées en catimini.
En conclusion, Mesdames et Messieurs, le Mouvement Citoyens Genevois vous invite à accepter les projets de lois 11611 et 16112 et à refuser le projet de loi 11672. Je vous remercie.
M. Vincent Maitre (PDC). Qu'on le veuille ou non, la situation est aujourd'hui réglée. C'est un choix de notre gouvernement: il faut être de nationalité suisse pour faire partie des forces de police, on peut le regretter ou non, c'est un fait, et c'est un fait inscrit dans une directive qui a valeur de loi. Alors certes, les conditions pour modifier cette loi ou cette directive sont différentes justement selon qu'il s'agit d'une loi formelle, c'est-à-dire un texte qui doit passer devant notre parlement pour être décidé, ou d'une directive, auquel cas il appartient au Conseil d'Etat de la modifier. Cela veut dire une chose toute simple, Monsieur Flury, vous qui appartenez à un parti qui aime rappeler très régulièrement qu'il est l'autorité de contrôle suprême de ce canton sur le gouvernement: il vous appartiendra très précisément, si vous êtes une fois en désaccord avec un hypothétique changement de cette directive qui ouvrirait les candidatures dans la police à d'autres que des citoyens suisses, de vous y opposer. Vous ferez parfaitement bien, j'en suis sûr, votre travail de député et ne laisserez surtout pas passer cela en catimini, comme vous venez de l'évoquer.
La question posée ce soir a été très bien explicitée, notamment par ma collègue Verte tout à l'heure. Il s'agit ni plus ni moins de traiter de la fidélité et de la loyauté qu'on est en droit d'exiger de nos forces de police envers la nation qu'elles sont censées protéger. Mais du côté de ceux qui s'opposent au principe d'engager des permis C, je n'ai entendu personne jusqu'à présent relever qu'il y a entre 30% et 40% des agents de police municipale qui, eux, ont des permis C, ni relever qu'il y a environ cinq cents policiers à Genève, membres de la police cantonale, qui sont domiciliés sur territoire étranger. Cela n'a jamais été remis en question ou en cause aujourd'hui, ni par les uns ni par les autres. En ce qui nous concerne en tous les cas, la question de la fidélité et de la loyauté envers le corps de police et envers l'Etat ne peut assurément pas se résumer à la détention d'un document administratif qui en l'occurrence doit être rouge à croix blanche. La fidélité et la loyauté, cela a été parfaitement bien exprimé, se mesurent à l'engagement, à un certain nombre de croyances et de convictions, et ces gens-là, très souvent - je parle des permis C, bien sûr, et d'autres - sont sur notre territoire depuis parfois bien plus longtemps que ceux qui sont titulaires du passeport à croix blanche. Nous connaissons tous dans notre entourage des personnes naturalisées par voie de naturalisation facilitée qui sont en Suisse depuis moins d'une décennie, et puis nous connaissons à l'inverse des permis C qui sont de deuxième voire maintenant de troisième ou quatrième génération qui sont plus genevois que les Genevois. Cela ne pose évidemment aucun problème de loyauté ou de fidélité, si leur souhait devait être de s'engager dans la police. J'encourage pour toutes ces raisons à refuser bien entendu ces deux projets de lois et je réserve la position du groupe PDC sur le projet des Verts, qui sera exprimée formellement par la suite.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, Ensemble à Gauche vous invite à rejeter le PL 11611 et à accepter le PL 11672. Il y a d'abord une raison purement mathématique pour laquelle il faut accepter ce dernier projet: plus le bassin de recrutement est large, plus la qualité des personnes qu'on peut recruter est élevée. Evidemment que le but premier est bien d'avoir des policiers qui soient les plus compétents possible à l'engagement, et qui deviennent de plus en plus compétents au cours de leur longue carrière. Or, plus il y a de candidats, plus la qualité des personnes choisies sera élevée.
Une deuxième raison un peu plus spécifique est qu'en plus, on aura des qualités distinctes qui peut-être manqueront chez les personnes de nationalité suisse et qu'on pourra trouver plus facilement chez les personnes étrangères. Je pense par exemple à une affinité avec les cultures qui sont présentes à Genève mais qui ne sont pas les cultures majoritaires, à des langues étrangères qui sont extrêmement utiles pour des policiers, à la capacité de communiquer avec l'ensemble de la population ou à la capacité de créer un rapport de confiance avec tous les citoyens - ou plutôt tous les habitants de ce canton et pas seulement ses citoyens.
Je voudrais bien sûr rappeler que la libre circulation imprègne aujourd'hui la vie de Genève et que ce n'est pas seulement la libre circulation des honnêtes gens, mais aussi la libre circulation de certains malfaiteurs, et que le fait d'avoir des liens avec les communautés d'origine de certains de ces malfaiteurs peut être utile pour débusquer des criminels de manière beaucoup plus efficace. Cela se constate dans la collaboration policière existante très intense, et cette collaboration pourra être renforcée par le fait d'avoir des personnes de nationalité étrangère. (Brouhaha.)
Mais surtout, nous pourrions inverser la question, car en fait, qu'est-ce qui fait qu'il faudrait absolument être suisse pour être policier ? Y a-t-il une raison qui imposerait cela ? Le seul motif que j'entends, c'est quelque chose d'un peu abstrait et de pas forcément juste, qui consiste à dire qu'il faut prouver son attachement à la patrie. Mais est-ce que l'attachement à la patrie est vraiment le premier critère qui permet de juger de la qualité d'un policier ? Non, évidemment. C'est d'abord un attachement à une mission de service public, un attachement à la qualité du travail, un attachement à la population, un engagement pour la population. C'est cela, le métier de policier, ce n'est pas un engagement pour la patrie, c'est un engagement pour la population. Or l'engagement pour la population, ce n'est pas une question de papiers, ce n'est pas une question de passeport, ce n'est pas une question de permis, c'est une question de sens de la justice et cela ne se juge pas sur la base d'un permis. D'ailleurs, pour être un peu provocateur - je me le permettrai - il faut se souvenir qu'un permis C, cela se mérite, alors qu'un passeport suisse ne se mérite pas ! Nombre d'entre nous sont nés avec des passeports suisses et nous n'avons rien fait pour le mériter, alors qu'un permis C est toujours en sursis: un permis C, il faut le mériter pour l'obtenir, et lorsqu'on déraille, on vous le retire. Il y a donc presque plus de garanties qu'une personne au bénéfice d'un permis C soit une personne honnête et juste qu'une personne suisse ! C'est un petit peu provocateur, je vous le concède, néanmoins, je conseille toujours aux personnes qui ont un permis C de devenir suisses en leur disant: «Vous savez, si vous déraillez, on va vous le retirer, alors que si vous avez le passeport suisse, vous pouvez faire presque ce que vous voulez, vous ne le perdrez pas !» C'est donc la preuve que le permis C est une garantie d'honnêteté plus élevée que la nationalité suisse.
J'entends ensuite qu'il s'agirait d'une tâche régalienne et qu'une tâche régalienne ne saurait être confiée qu'à des citoyens suisses. Mais pas du tout, Mesdames et Messieurs les députés, d'autres tâches régaliennes sont exercées par des étrangers, par exemple la fonction de juge. Pas tous les juges, certes, mais les juges prud'hommes: la loi sur l'exercice des droits politiques prévoit en son article 121 que la fonction de juge prud'homme peut être exercée par des citoyens étrangers domiciliés en Suisse depuis plus de huit ans. Il n'y a donc pas de raison, si on peut être juge en étant étranger, qu'on ne puisse pas être policier en étant étranger également.
Pour terminer, encore deux points: Bâle-Ville, on vous l'a déjà dit, compte des policiers étrangers depuis plus de vingt ans, et depuis plus de vingt ans, il n'y a aucun problème. La question de la participation à des missions de renseignement est réglée dans ce canton et les autres qui comptent des policiers étrangers: ceux-ci ne participent simplement pas à ces missions et cela ne pose aucun problème. Enfin, quand j'entends M. le député Christian Flury dire que la seule force armée étrangère qui existe est la légion étrangère en France, je lui réponds: pas du tout ! Genève a eu il n'y a pas si longtemps que cela des polices étrangères qui sont intervenues sur le sol genevois, des policiers allemands pour ceux qui ont la mémoire courte...
Une voix. Ils ne sont pas intervenus !
M. Pierre Bayenet. Oh, pas intervenus ? Je connais quelques personnes qui ont pris quelques coups de matraque germanique ! (Rires. Commentaires.) Donc cela existe ! Soyons logiques, préférons engager des personnes détentrices d'un permis C qui ont grandi à Genève, qui ont mérité leur permis C et qui ont donc prouvé leur attachement à notre canton ! C'est bien la voie à suivre. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés. (Quelques applaudissements.)
M. Murat Julian Alder (PLR). Pour ma part, je fais partie de celles et ceux qui regrettent l'époque où il fallait avoir effectué son service militaire avant d'être engagé dans la police. (Remarque.) Je crois aussi à la possibilité de créer des synergies entre l'armée et les polices au profit de la sécurité de notre pays et de sa population. Cela étant, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, très chers collègues, à sortir des caricatures xénophobes comme des caricatures xénophiles et des discours angéliques que nous avons pu entendre ce soir. Il s'agit d'être pragmatique: la nationalité, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas seulement un passeport, ce n'est pas simplement un attachement qui existerait dans l'abstrait le plus total. La nationalité, c'est aussi, qu'on le veuille ou non, un statut juridique. Le lien qui unit quelqu'un à son pays, à sa patrie, ce n'est pas du tout le même que celui qui unit une personne au pays qui l'héberge. En ce sens, il y a, oui, Mesdames et Messieurs, une différence entre la nationalité et le permis C.
Cela étant dit, le député Bayenet a posé une question parfaitement légitime: au nom de quoi les policiers devraient-ils être des citoyens suisses ? Il y a sans doute différents arguments qui plaident en faveur de sa position, pour ma part je vais lui en donner un seul qui va, je l'espère, lui plaire: si un policier titulaire d'un permis C commet une bavure dans l'exercice de ses fonctions et prend la fuite, comment voulez-vous en obtenir l'extradition s'il n'a pas la nationalité suisse ? C'est peut-être un exemple rare, mais je sais à quel point Me Bayenet a à coeur de combattre les bavures policières. Je l'invite donc à réfléchir à ce propos.
Finalement, Mesdames et Messieurs, tout cela est un faux problème. La réalité de la situation, c'est que nous savons que la nationalité suisse est tributaire d'une législation qui est probablement parmi les plus sévères d'Europe. Dans d'autres pays, on devient citoyen, ressortissant, plus rapidement et facilement, et nous savons qu'en Suisse nous sommes régulièrement pointés du doigt pour cela. Mais où sont celles et ceux qui oeuvrent pour un assouplissement de l'octroi de la nationalité ? Je vous rappelle que c'est sous l'impulsion de la droite au Parlement fédéral que la loi sur la nationalité suisse a été assouplie: on n'exige plus un délai de résidence de douze ans, mais de dix ans, et, dans notre canton, sous l'impulsion du conseiller d'Etat Pierre Maudet, on a raccourci la durée de traitement des procédures de naturalisation de trois ans à une année et demie. Quant aux émoluments perçus dans le cadre de ces procédures, durant la dernière législature, nous avons voté un projet de loi qui les limite à la couverture des frais, et cette loi, Mesdames et Messieurs, souvenez-vous, avait été combattue par les partis de la gauche. Donc finalement, les discours angéliques, c'est bien, mais les actes qui visent à améliorer la situation de celles et ceux qui aspirent à devenir citoyens suisses, c'est mieux ! Je vous remercie de votre attention.
M. Marc Falquet (UDC). Je regrette aussi le fait qu'on n'exige plus d'avoir effectué le service militaire. Je trouve que cela apportait une valeur supplémentaire au métier de policier que j'ai exercé pendant vingt-cinq ans. C'est vrai que, et vous en avez parlé, on pourrait engager n'importe quel policier de n'importe quel pays, cela n'influence pas les compétences, la question n'est pas là. On pourrait avoir des gens compétents en Angola, on pourrait engager des policiers angolais, des requérants d'asile, on peut engager toutes sortes de personnes, la question n'est pas du tout là. Pourquoi les cantons patriotiques engagent-ils des policiers étrangers, à votre avis ? Ils engagent des policiers étrangers, parce qu'ils ont la fibre patriotique à la base. Et ces policiers étrangers ont également cette fibre patriotique et vont respecter cette fibre et ces valeurs suisses. Tandis qu'à Genève, c'est tout à fait différent. Dans notre canton, il y a une majorité d'étrangers... (Remarque.) ...dont le plus souvent la plupart restent dans leur communauté, ils y sont complètement perdus et ne savent plus où ils en sont. (Commentaires.) Donc à mon avis, ce qu'il faut faire, c'est justement exiger des valeurs de ces gens. Il faut donner une valeur à la nationalité suisse. Effectivement, les policiers peuvent être d'origine étrangère, il n'y a pas de souci, mais le fait qu'on exige qu'ils soient suisses, c'est un plus pour eux-mêmes. Cela les met en valeur s'agissant de leur estime d'eux-mêmes, du respect de la Suisse, du respect de notre constitution et de nos valeurs. C'est un plus qu'il faut garder. (Brouhaha.) Il ne faut donc pas brader la nationalité suisse. Pour cette raison, j'estime qu'il faut voter notre projet et garder des exigences maximales en la matière. Je pense que même les étrangers nous en seront reconnaissants. Merci beaucoup.
M. André Pfeffer (UDC). Actuellement, nous avons 1453 policiers cantonaux assermentés et tous de nationalité suisse. Nous avons aussi deux à trois cents policiers municipaux, dont certains ne sont pas suisses. (Commentaires.) Surtout, nous avons 7500 à 8000 agents de sécurité privés, dont certains sont aussi armés. Seule une très très faible proportion de ces agents de sécurité privés a la nationalité suisse. Compte tenu de cette situation, la nationalité suisse pour nos policiers cantonaux et assermentés nous semble évidente. Nous vous prions d'accepter ces deux projets de lois.
Le président. Merci, Monsieur le député. Je passe la parole à Mme la députée Danièle Magnin. (Un instant s'écoule.) Madame Magnin ? C'est à vous !
Mme Danièle Magnin (MCG). Oui, je vous demande pardon, Monsieur le président ! Je vous remercie beaucoup. Je suis interpellée par ce que j'entends; on parle des droits des uns et des autres, mais personne ne parle du citoyen qui se ferait interpeller dans la rue par quelqu'un qui ne serait pas un concitoyen. Franchement, je trouve qu'on devrait y réfléchir un petit peu, parce que ce n'est pas si simple d'avoir... Je ne veux pas citer de nationalité pour ne justement pas faire de discrimination, mais ce n'est pas simple du tout. Je ne me vois pas, moi, obtempérer aux ordres de personnes qui auraient tel ou tel accent, tel ou tel... Voilà. (Protestation. Commentaires.) C'est quelque chose qui me dérange et si je pense ainsi, on peut imaginer qu'au moins toutes les personnes qui ont voté pour moi pourraient penser de façon similaire. Cela ne plaît pas à certains, mais cela correspond quand même à une réalité, à une sensibilité. J'ai parlé d'accent, cela peut être autre chose. (Commentaires.) Je ne sais pas moi, un accent parisien, tiens ! Si cela en gêne certains ! Eh bien, moi...
M. Mathias Buschbeck. Et valaisan, c'est grave ?! (Commentaires.)
Le président. Monsieur Buschbeck ! Merci !
Mme Danièle Magnin. Valaisan, ce n'est pas la même chose, c'est un concitoyen ! Je pense que la nationalité suisse est quand même une nécessité pour cette raison-là. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame la députée. Je passe la parole à M. le député Daniel Sormanni pour deux minutes cinquante.
M. Daniel Sormanni (MCG). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, comme tout à l'heure, je trouve que ce parlement marche sur la tête ! On entendait plus tôt - vous transmettrez, Monsieur le président - M. Bayenet qui essayait de nous faire croire que finalement les étrangers seraient plus attachés et feraient plus attention au droit et seraient donc en un mot bien plus honnêtes que les Suisses.
Une voix. Ooh !
M. Daniel Sormanni. Je tombe des nues quand j'entends des choses pareilles ! Aujourd'hui, il est nécessaire et tout à fait logique que pour une fonction d'autorité telle que celle de policier, on ait la nationalité suisse. Essayez voir, en tant que Suisse, d'aller vous engager dans un corps de police chez notre voisin tout proche - que certains encensent - vous allez voir comment vous allez être accueilli et accepté ! C'est simplement impossible ! Toutes ces fonctions régaliennes et d'autorité sont strictement interdites pour un étranger malgré le droit européen ! (Brouhaha.) A un moment donné, il faut qu'il y ait un échange: si nous, nous voulons nous ouvrir - et c'est une question qui pourrait se discuter - il faudrait que les Suisses puissent en faire de même dans les pays européens. Or ce n'est de loin pas le cas, c'est strictement interdit pour tout ce qui est, je le dis encore une fois, fonctions d'autorité. Il faut savoir raison garder. (Brouhaha.)
Nous avons besoin de cet attachement au pays, et le seul moyen d'avoir cet attachement au pays, incontestablement, c'est d'avoir fait acte... Soit on est suisse d'origine, soit on a fait la démarche de se naturaliser, au mieux durant la formation, puisque cela est possible. C'est cela le point que nous devons avoir à l'esprit aujourd'hui et nous ne devons pas nous focaliser sur d'autres choses. Je vous invite donc à voter le projet de loi du MCG.
Le président. Merci, Monsieur le député. Pour quarante-huit secondes, je passe la parole à M. le député Jean-Luc Forni.
M. Jean-Luc Forni (PDC). Merci, Monsieur le président. Ce sera suffisant. Au terme de ce débat, j'aimerais rappeler la position - du moins la clarifier - du groupe démocrate-chrétien. Notre groupe suivra la voie réglementaire sur ces trois objets. Cela règle effectivement la problématique du permis C et cela évite aussi le risque de référendum et de remettre en cause la loi sur la police. Nous ne voulons pas relancer la guerre des clans et reprendre cette problématique. Nous suivrons donc la voie réglementaire sur les trois objets. Je vous remercie.
Une voix. Lâche !
Le président. Merci, Monsieur le député. Madame Carole-Anne Kast, vous avez la parole pour une minute.
Mme Carole-Anne Kast (S). Merci, Monsieur le président. Je ne résiste pas à la tentation de contrer l'argument de M. Murat Alder concernant l'extradition. Vous lui transmettrez, Monsieur le président, que finalement la question est absolument la même pour les doubles-nationaux. Par conséquent, j'espère que vous ne plaidez quand même pas pour l'interdiction de l'accession des Suisses binationaux à la fonction de policier. (Commentaires.) Vous me rassurez ! J'aurais eu vraiment très très peur, surtout si en plus ils ont effectué leur service militaire. (Commentaires.)
Je regrette la tournure que prend ce débat, car fondamentalement, nous étions partis sur une question qui est, certes, symboliquement très importante, mais qui ne devrait pas diviser ce parlement comme elle est en train de le faire. Il s'agissait, pour moi et le groupe socialiste, de véritablement donner un message à l'attention notamment des potentiels futurs policiers, leur disant que ce n'est pas parce qu'il leur est peut-être impossible d'obtenir le passeport suisse dans les délais, pour des questions liées au fait qu'ils doivent abandonner leur nationalité d'origine, qu'ils ne sont pas les bienvenus au sein de notre police cantonale.
J'ai entendu certains arguments basés sur le sentiment d'être heurté de devoir répondre à l'autorité d'une personne qui n'est pas suisse: je rappelle, comme mon collègue Bayenet l'a fait, que les tâches régaliennes ne sont pas uniquement confiées aux Suisses; même au sein de la police, la tâche régalienne peut être exercée par des personnes non suisses, puisque les policiers municipaux, qui sont assermentés, qui représentent l'autorité aussi, sur des affaires peut-être plus de proximité et de prévention, mais qui néanmoins représentent l'autorité, peuvent être titulaires d'un permis C. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Or je n'ai jamais entendu qu'un APM ait été remis en cause pour ce simple fait. Au bénéfice de cela, je vous réitère ma demande de soutien au projet de loi des Verts. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Madame la députée. Pour une petite minute, la parole est à M. le député Pierre Bayenet.
M. Pierre Bayenet (EAG), député suppléant. Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, on m'a fait remarquer qu'il y avait en tout cas un pays qui acceptait couramment des étrangers pour servir dans ses forces armées, et même des Suisses d'ailleurs: vous le connaissez, c'est bien sûr le Vatican ! Mais c'était pour l'anecdote.
J'ai écouté attentivement les remarques de tous mes collègues députés, pour me rendre compte que le seul argument pertinent... enfin, pertinent... Non, justement ! Le seul argument non pertinent qui a été servi est celui de M. le député Alder, celui de l'impossibilité d'une extradition. C'est absurde ! Dans ce cas, cela voudrait dire qu'on ne pourrait pas engager de fonctionnaires étrangers et qu'on ne pourrait pas avoir de fonctionnaires binationaux. Je rappelle que la mission de la police, ce n'est pas de lutter pour la Suisse contre l'étranger, mais c'est de lutter pour la protection des habitants du canton de Genève. La question de la nationalité n'est donc en aucun cas pertinente pour déterminer si les policiers peuvent mener cette mission à bien ou non. La question de la nationalité doit complètement sortir de la loi sur la police. Autoriser l'accès aux permis C, c'est un premier pas dans la bonne direction. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs les députés. (Commentaires.)
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de minorité ad interim. Chères et chers collègues, j'ai écouté avec beaucoup d'attention tout ce qui a été dit, notamment l'intervenant du PLR qui nous a refait un historique. Il en a oublié un petit bout et je me fais un plaisir de le rappeler aujourd'hui: cette proposition d'introduire les permis C dans la police date de 2003. C'était une proposition de la conseillère d'Etat de l'époque, Micheline Spoerri. Cela avait été embrayé par une motion des Verts déposée en 2003 et votée le 28 août 2008. Je ne résiste pas au plaisir de vous citer quelques interventions entendues dans le cadre de ce débat, tout d'abord Frédéric Hohl, du parti radical: «ll y a près de 40% d'étrangers à Genève. Nous pensons donc que c'est une très bonne idée que des détenteurs de permis C entrent dans la police; cela a beaucoup de sens ! Il me semble également que la police devrait peut-être travailler un peu mieux son image. Je crois qu'il est temps de revaloriser cette profession pour que des jeunes s'y intéressent.»
Jean-Claude Ducrot, du PDC: « C'est le moment de dire oui, d'oser dire que nous voulons une ouverture envers les personnes de notre canton qui sont intéressées à entrer dans la police mais qui ne sont pas citoyens suisses [...] car ils seront certainement de bons policiers qui sauront servir notre république.»
Enfin, mon préféré, Jean-Michel Gros, du parti libéral: «La démocratie doit être la clarté, la transparence ! [...] la transparence implique aussi d'être fidèle à ses votes ! [...] L'audition de la cheffe de la police» - qui est la même aujourd'hui - «était particulièrement intéressante. Elle nous a dit qu'elle était favorable [...] à l'engagement de détenteurs de permis C et, davantage encore, à l'engagement d'autres étrangers qui ne seraient pas au bénéfice de ce permis. [...] A l'heure actuelle, la restriction de n'engager que des permis C sous promesse d'une naturalisation future fait que les résultats ne sont pas extraordinaires au niveau de la réussite du recrutement. [...] C'est pourquoi, dans un esprit d'ouverture, les libéraux soutiendront cette motion [...]»
Que s'est-il passé depuis 2008 ? Il y a eu les élections de 2009, l'arrivée en force des rangs xénophobes qui ont manifestement étendu leur influence au-delà de leur périmètre historique. J'appelle donc aujourd'hui les partis de droite et de centre-droit à sortir de ce joug, à retrouver leur ouverture, leur libéralisme et à accepter ce projet de loi des Verts qui veut introduire la possibilité d'engager des permis C dans la police genevoise ! Je connais personnellement un exemple concret d'une personne qui, en 2008, est entrée à l'école de la police en tant qu'étrangère, en espérant que la législation changerait. Cela n'a malheureusement pas été le cas. Elle est retournée dans son pays d'origine, car elle était attachée à ce métier de policier, et elle a été surprise de voir que ce n'était pas du tout comme elle se l'imaginait dans son pays d'origine. Elle est revenue en Suisse, a cherché du travail, s'est retrouvée au chômage, puis à l'Hospice. Voilà le résultat de cette politique et de cette vision obtuse et éculée de la souveraineté ! (Commentaires.) Nous vous appelons aujourd'hui à voter ce projet de loi. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
M. Patrick Lussi (UDC), rapporteur de minorité ad interim. Il y aurait de quoi faire une encyclopédie colorée ! Juste quelques mots, parce qu'avec tout ce qu'on entend... Mon voisin, excellent rapporteur du reste, me disait: «Encore deux-trois arguments xénophobes et tu vas faire tourner le vote !» Excusez-moi, je vais vous provoquer, mais on est en pleine «suissophobie» ce soir ! En pleine «suissophobie» ! (Remarque.) Tout ce qui est de la rigueur, tout ce qui est de... Non ! Surtout plus ! Surtout plus de lois suisses et... J'ai en tout cas apprécié l'intervention de M. Alder, même s'il refuse les projets de lois, parce qu'en effet, si à l'époque on n'a jamais parlé de nationalité suisse, pour entrer dans la police, il fallait être incorporé dans l'armée. Et, Mesdames, vous devriez être contentes que cette disposition ait été supprimée, parce que c'est justement pour pouvoir engager des femmes policières qu'on a fait sauter cette obligation, puisqu'il n'existe pas d'obligation constitutionnelle de faire l'armée pour vous.
Par rapport à cela, je pense que, oui, un peu de rigueur et... Quand j'entends, Mesdames et Messieurs - bon, là, en 2016, sur 760 personnes ayant déposé leur candidature à la police, soixante avaient un permis C. C'est parfait ! Rassurez-vous, j'ai des amis policiers qui - je pense que certains le savent, j'ai aussi fait une carrière dans la police judiciaire - sont même de couleurs différentes, qui ont pris la nationalité suisse et qui sont de parfaits citoyens. Je ne comprends donc pas cette fixation idéologique que vous faites sur... (Remarque.) Permissive, oui, mais... (Remarque.) Ah non, quand on est policier au service des citoyens et autre, on ne prend pas toutes les règles du pays qui nous paie et qui nous demande de le protéger. C'est une conception qui, pour moi, est dangereuse. Mais enfin, on voit que les majorités changent. Je n'espère pas qu'un jour cela nous retombera sur la figure. Merci, Monsieur le président.
M. François Baertschi (MCG), rapporteur de minorité. Pour le MCG, il y a une valeur fondamentale: l'intégration des étrangers. D'ailleurs, nous sommes un des partis qui compte le plus de personnes d'origine étrangère, alors qu'il y a beaucoup, même à gauche, de bons Suisses de tradition - je suis moi-même issu d'une famille établie depuis des siècles dans une vallée alpestre - qui renient les valeurs de leur pays, chose que l'on ne trouve pas chez beaucoup de personnes d'origine étrangère qui sont fières de leur pays et qui sont fières d'avoir été acceptées dans notre collectivité, parce que, pour ces personnes, cela a encore un sens, et c'est bien. C'est pour cela que le fait de se naturaliser est pour nous capital. Nous voulons la nationalité, mais nous voulons plus encore la naturalisation.
Nous avons parlé de ces cantons qui acceptaient des permis C. Lisons attentivement le rapport et voyons qu'à Schwytz, il y avait cinq permis C, deux ont démissionné, trois ont été naturalisés. En quinze ans, sur cinq permis C, deux sont partis, trois se sont intégrés. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Bon, il y a aussi des personnes d'origine schwytzoise qui partent, j'imagine, mais cela démontre que la police doit également être un élément d'intégration, et elle l'est, actuellement. Il suffit d'aller un peu dans la rue pour voir que la police actuelle est représentative de nombreuses communautés, elle le sera sans doute davantage au fil des années, mais elle l'est déjà, il suffit de se renseigner et...
Le président. C'est terminé, Monsieur le rapporteur.
M. François Baertschi. ...c'est pour cela que je vous conseille...
Le président. C'est terminé.
M. François Baertschi. ...d'aller dans la bonne direction.
Le président. Je vous remercie. Monsieur Raymond Wicky, vous avez la parole pour cinquante secondes.
M. Raymond Wicky (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Ce sera amplement suffisant. Juste deux ou trois remarques, car j'ai entendu certaines choses qui m'ont quand même quelque peu surpris: premièrement, s'agissant de la comparaison entre la police cantonale et la police municipale, d'une part, jusqu'à nouvel avis, la police municipale n'est pas intégrée dans la loi sur la police et, d'autre part, ses missions sont fondamentalement différentes. Alors s'il vous plaît, faisons des comparaisons qui soient raison ! Deuxièmement, concernant les citations de M. Buschbeck il y a quelques instants, effectivement, depuis que ces personnes ont déclaré cela, les permis C peuvent entrer dans la police. La seule chose qu'on demande à la fin est d'acquérir la nationalité helvétique. Je pense que c'est une bien petite chose pour quelqu'un qui veut embrasser une telle carrière. Je m'arrêterai là et je vous invite à suivre les conclusions de la majorité de la commission et à refuser ces trois projets de lois.
M. Pierre Maudet, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je crois que nous avons dépassé les 19h, je vais donc essayer d'être le plus bref possible. Tout a été dit et redit, puisque c'est un débat qui revient régulièrement. Il faut quand même rappeler tout d'abord que, si ce débat a lieu ce soir et a eu lieu préalablement, s'il n'y a pas d'ancrage légal, c'est pour un motif qui, je crois, a été évoqué tout à l'heure, un motif simple, celui qui voulait pendant longtemps que, pour être policier, il fallait a minima avoir accompli son école de recrue, et donc par définition être suisse. C'est la raison pour laquelle, historiquement, il n'y a pas d'ancrage légal.
C'est le lieu de rappeler aussi qu'il y a quelques années - j'étais déjà chargé du département de la sécurité - s'agissant du personnel pénitentiaire, nous avons convenu avec les syndicats et les gardiens de prison que nous pouvions tout à fait nous affranchir de la condition de nationalité, car les choses changent, elles évoluent. C'est un constat que nous avons fait ensemble il y a sauf erreur trois ou quatre ans. Rien n'est donc définitif.
Qu'est-ce qui fait un bon policier ? La question a été posée tout à l'heure. Je vous le dis d'emblée: assurément pas la nationalité ! Ce n'est pas la nationalité qui fait qu'un policier est bon ou non, c'est sa capacité de discernement, son caractère profondément citoyen, son intérêt pour les autres, ses connaissances, sa formation. La nationalité, de ce point de vue là, n'est pas à mettre en avant, pour une raison extrêmement simple évoquée tout à l'heure sur ces rangs: on a par exemple beaucoup de policiers binationaux - j'ai moi-même été victime l'été passé de la polémique de la binationalité - et l'on ne doit pas considérer que, parce qu'on serait binational, on serait un moins bon policier devant souscrire à deux loyautés. Le policier prête serment. Il prête serment devant le gouvernement in corpore - c'est d'ailleurs la seule catégorie de fonctionnaires qui se voit honorée par cette prestation de serment - et il doit sa fidélité et sa loyauté à l'Etat, son employeur, au gouvernement, ni plus ni moins.
Maintenant, qu'est-ce qui justifie l'existence de la nationalité suisse ? Là aussi, il faut le dire une fois pour toutes, parce que la situation ces dernières années s'est encore accentuée de ce point de vue là: le chiffre de cinq cents a été articulé tout à l'heure, mais nous avons en fait au minimum cinq cents policiers qui résident en dehors de notre territoire national. Je ne parle donc pas des policiers genevois qui habitent Vaud, Fribourg ou le Valais, je parle de ceux qui habitent au-delà des frontières genevoises, du côté français, dans l'Ain ou la Haute-Savoie, et qui - cela a été relativisé il y a quelques années - se trouvent dans un certain rayon de domiciliation, un rayon relativement large quand même, ce qui ne semble pas poser problème à certains d'entre vous qui ont déposé ces projets de lois.
Qu'est-ce qui justifie la nationalité ? Ce n'est donc pas le lieu de résidence, pas plus que l'arme ! Et là, je m'excuse, mais je suis obligé de souligner que certains de ce côté-ci qui défendent l'armement des APM devraient se montrer un tout petit peu conséquents avec le fait que, le jour où on aura armé les APM, on aura - cela ne semble pas vous poser de problème à cet égard - des gens dans la rue détenteurs des pleins pouvoirs d'autorité et d'usage de l'arme qui ne seront pas suisses. Je ne suis pas certain que cela pose problème, mais je vous mets devant votre inconséquence sur ce point.
Le Conseil d'Etat défend donc une approche pragmatique et il vous dit qu'il n'y a pas de problème de recrutement aujourd'hui. Pourquoi ? Parce que la réduction à dix ans du temps de résidence pour demander la nationalité - ce qui n'est pas qu'un simple acte administratif, car la naturalisation est évidemment un processus qui suppose une implication personnelle - fait que, même dans le cas où on aurait des aspirants policiers qui tutoient ces dix ans, qui les franchissent peut-être dans le cadre de leur école de formation au moment où ils prêtent serment, on leur facilite la tâche et par une procédure accélérée, on leur permet de devenir suisses. Tout a été fait et bien fait pour qu'aujourd'hui ce bassin de candidats qu'on évoquait tout à l'heure... Quel candidat qui n'a pas au minimum dix ans de résidence sur notre territoire en Suisse pourrait prétendre à la police ? Soyons raisonnables, soyons rationnels: personne ! Dix ans de résidence, c'est le minimum. Partant de là, la faculté de demander la naturalisation est offerte à tout un chacun et nous concrétisons cela sans aucune pénurie de candidats ces cinq ou six dernières années, je le répète ! Il y a au contraire une multiplication de ces candidatures. Il n'y a donc pas de problème de recrutement, et il n'y a pas de problème lié à la naturalisation accélérée. Il n'y a pas de problème du tout, tout est réglé par voie réglementaire.
Un seul problème pourrait subsister - là, il faut éventuellement laisser du temps au temps, et en l'état, le gouvernement maintient l'idée de refuser les deux projets de lois: c'est qu'il y aurait dans la population - cela a été relevé plus tôt, peut-être de façon un peu cavalière - une reconnaissance limitée envers un policier qui se trouverait en face et qui par exemple pratiquerait un contrôle d'identité. Ou, plus subtilement - parce que c'est aussi une réalité de l'évolution des métiers de la police, qui aujourd'hui consistent notamment à lutter contre le terrorisme et à lutter sur des cyber-réseaux - pouvoir disposer de citoyens et de citoyennes suisses qui en l'état, précisément, vérifient ce genre de données est une exigence, dans le domaine de la sécurité de l'Etat, qui nous semble à nous, le gouvernement, toujours importante.
En résumé, comme l'a évoqué tout à l'heure M. Forni, le gouvernement vous propose de refuser ces deux projets de lois, de confirmer par ce fait le maintien dans le règlement de l'exigence de la nationalité suisse pour certaines catégories de fonctionnaires, à savoir, je le mentionne au passage, par exemple les inspecteurs de naturalisation - cela va sans dire, mais si l'on doit faire examiner son dossier pour devenir suisse, on part de l'idée qu'on a face à soi une Suissesse ou un Suisse - les policiers et quelques autres catégories rares mais nécessaires de fonctionnaires. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous en arrivons à la procédure de vote. Je soumets à vos voix tout d'abord l'entrée en matière sur le PL 11611 de M. François Baertschi.
Mis aux voix, le projet de loi 11611 est rejeté en premier débat par 78 non contre 19 oui.
Le président. Nous votons maintenant l'entrée en matière sur le PL 11612 de M. Patrick Lussi.
Mis aux voix, le projet de loi 11612 est rejeté en premier débat par 79 non contre 19 oui.
Le président. Enfin, je mets aux voix l'entrée en matière sur le PL 11672 de M. Mathias Buschbeck.
Mis aux voix, le projet de loi 11672 est rejeté en premier débat par 56 non contre 41 oui et 1 abstention.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, deux magistrats nous quittent à la fin de cette législature. Il s'agit de M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat, et de M. François Longchamp, conseiller d'Etat et président du gouvernement.
Hommage à M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat
Le président. Monsieur le président du gouvernement,
Mesdames et Messieurs les députés,
Madame et Messieurs les magistrats,
Monsieur le conseiller d'Etat, cher Luc,
Le 10 décembre 2013, devant le Grand Conseil réuni en séance extraordinaire à la cathédrale Saint-Pierre, vous avez prêté serment en tant que conseiller d'Etat. Aujourd'hui, vendredi 25 mai 2018, ce même Grand Conseil prend congé de vous, à quelques jours de la fin de votre mandat. J'ai l'honneur de vous saluer à cette occasion.
S'il existe plusieurs définitions de l'honneur, toutes le voient généralement comme le fait de mériter la considération, l'estime d'autrui et de soi-même. Sachant que vous êtes précisément un homme d'honneur, je voudrais ce soir que ce mot retrouve un instant le sens noble qu'il a d'ordinaire.
Pendant les 1633 jours qu'aura duré votre mandat, votre action aura permis de rectifier des erreurs du passé, d'améliorer le quotidien des Genevois et de préparer l'avenir de ce canton. Pour ce qui est du passé, vous avez en particulier réussi, en 2014, à mettre un terme à la «guerre des transports», après avoir lancé les états généraux des transports, entreprise mémorable qui a permis de débloquer le dossier.
En ce qui concerne le présent, bien des mesures initiées par le DETA améliorent aujourd'hui la qualité de vie des habitants du canton. J'en veux pour preuve que, grâce à des campagnes de sensibilisation percutantes, vous avez réussi à sensibiliser encore plus les Genevois au tri des déchets, pour atteindre le seuil crucial des 50% permettant d'éviter de devoir introduire la taxe au sac, comme c'est le cas partout ailleurs ou presque. Qui, aujourd'hui, n'a pas à la maison son Sakatri ou sa «p'tite poubelle verte» ? Autre axe: grâce à vous, les Genevois savent maintenant que GRTA n'est pas le sigle d'un jeu vidéo, mais que ce sigle désigne des produits de l'agriculture locale et de saison.
Quant à l'avenir, celui de la mobilité genevoise, il a fait plusieurs pas d'importance sous votre présidence: l'arrivée du Léman Express pour 2019, la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée votée en 2016 ou encore le vote sur le principe d'une future traversée du lac, adopté à près de 63% la même année.
Peut-être avez-vous eu raison trop tôt, Monsieur le conseiller d'Etat. Peut-être le peuple genevois n'a-t-il pas reconnu en vous le novateur, l'homme au franc-parler, celui qui bouscule traditions et manières de travailler, celui qui ose emprunter parfois des chemins de traverse.
Le philosophe américain Ralph Waldo Emerson disait: «N'allez pas là où le chemin peut mener. Allez là où il n'y a pas de chemin et laissez-y une trace.» Je ne serais pas étonné, Monsieur le conseiller d'Etat, que ce canton reconnaisse la vôtre dans un avenir plus proche qu'on ne pourrait l'imaginer. Au nom du Grand Conseil, je vous remercie pour l'énergie que vous avez dépensée au bénéfice de ce canton et je vous salue avec tout le respect que mérite un homme d'honneur. (Longs applaudissements. L'assemblée se lève.)
Hommage à M. François Longchamp, conseiller d'Etat et président du Conseil d'Etat
Le président. Monsieur le président du gouvernement, cher François,
Le monde vient à Genève pour tenter de gagner la paix au lieu de perdre des guerres. Nombreux sont ceux qui ont, ici, travaillé à cette aspiration à la paix; multiples sont les voix et les actions de responsables qui se sont jointes à ce dessein; l'une de ces forces est la vôtre, Monsieur François Longchamp.
L'homme François Longchamp aime à dire que celui qui a plus de trois priorités n'en a aucune. Il faut donc se concentrer sur les projets réalisables au lieu de s'essouffler dans de vaines prétentions.
M. François Longchamp est habité par un idéal: l'Etat doit servir chaque individu, lui offrir la chance de «poursuivre son bonheur», comme le dit le préambule de la constitution des Etats-Unis. Et pour que cet Etat serve vraiment ses citoyens, il faut que certains d'entre eux, de leur côté, choisissent de servir l'Etat. C'est cet idéal qui l'a conduit au parti radical, dont il a assuré le secrétariat général dès l'âge de 23 ans. Cet idéal de service l'a, ensuite, porté au Conseil d'Etat.
Habiter cette haute fonction implique une discrétion et une dignité particulières. On lui a parfois reproché un excès de discrétion, une pudeur toute protestante. On a eu tort: François Longchamp ne mélange jamais l'homme et la fonction. Et quand on est au sommet de l'Etat, la fonction est bien plus importante que tout le reste.
Il est aussi un homme respectueux de chaque personne, parce qu'il aime sincèrement les êtres humains. Les conseillers d'Etat sont quotidiennement sollicités par des inconnus sous n'importe quel prétexte. François Longchamp prend toujours le temps de les écouter. Il s'assure qu'ils aient reçu une réponse complète et sincère. Avec lui, chaque citoyen est pleinement respecté. Avec lui, chaque collaborateur, même le plus humble, est habité par la confiance et le respect. Avec lui, chaque adversaire politique sait qu'il trouvera un contradicteur redoutable, certes, mais respectueux.
Le politique François Longchamp a été la cheville ouvrière de la refondation du parti radical genevois; les choses déclinaient lorsqu'il a repris en main un parti fatigué, et il lui a permis de redresser la tête. En effet, les maisons familiales sont plus douées que les autres pour une relance efficace. Pourquoi ? Parce qu'elles oeuvrent dans le temps long et gardent une mémoire.
Elu au Conseil d'Etat, ministre des affaires sociales et de l'économie, puis ministre de l'urbanisme et des constructions, et enfin à deux reprises président, dans chacune de ces fonctions, en douze ans, il n'a ménagé ni son temps ni sa peine. Voyez plutôt.
Plus d'une fois, il s'est placé du côté des plus faibles; que ce soit au sujet de la loi sur les assurances-maladie ainsi que de la loi sur le chômage, le principe de dignité a prévalu avec le succès qu'on lui connaît.
Permettre à ceux qui travaillent et qui ne parviennent pas à nouer les deux bouts de conserver leur dignité ! Le système de prestations complémentaires familiales fut créé. Cela leur garantit un revenu supérieur à l'aide sociale ainsi que la dignité, pour eux et pour leurs enfants.
Garantir que les règles du jeu soient respectées, tel est le rôle de l'Etat. Il a donc été aussi, en Suisse, le plus ferme dans la mise en oeuvre de la loi contre le travail au noir, le plus ferme encore dans la lutte contre les fraudes à l'aide sociale, le plus ferme enfin dans la lutte contre la sous-enchère salariale.
Le vent du radicalisme a toujours soufflé dans son coeur, avant et après la fusion du parti radical avec le parti libéral. Il est des filiations qu'on reconnaît: James Fazy a fait abattre les murailles pour permettre à Genève de souffler et de grandir, François Longchamp a réalisé le plan directeur cantonal en vue d'un développement préservant la qualité de vie et la zone agricole. Georges Favon avait avant lui jadis développé des politiques sociales fortes et solides. Comme Carteret, il a défendu la laïcité de notre république. Comme James Fazy encore, aux heures de l'école républicaine, il a défendu aux côtés de l'ARLE les notes à l'école. Comme Louis Casaï, qui a créé la piste de l'aéroport, il a compris et soutenu le rôle de notre aéroport, ce poumon de l'économie régionale.
Je viens d'évoquer ici, Mesdames et Messieurs, le nom de grands boulevards genevois. Il faudrait y ajouter encore l'action de François Longchamp en faveur des ports francs; la transformation de Palexpo en société anonyme, capable d'investir sur ses propres deniers sans peser sur ceux de l'Etat. Enfin, une des récentes réalisations est ce qu'on a appelé la loi Longchamp: il s'est agi de briser certains scandales dans les ventes d'appartements. Après trois ans d'une bagarre politique acharnée, l'initiative anti-spéculation est devenue une loi. Cela n'a pas été aisé, y compris au sein de son propre parti. (Commentaires.)
Mais les résultats sont là; les bilans sont clairs. Le Grand Conseil, par ma voix, vous remercie, François Longchamp, d'avoir oeuvré pour le bien de la population genevoise et vous souhaite une bonne route pour la suite. A vous-même qui m'aviez fait venir devant vous, ici, pour une sorte de curieuse bénédiction, je n'ose pas souhaiter «une sainte route pour la suite» ! (Très longs applaudissements. L'assemblée se lève. Le président descend de l'estrade et remet à MM. François Longchamp et Luc Barthassat le stylo souvenir du Grand Conseil.)
M. Pierre Vanek (EAG). J'ai un peu le trac avant de m'exprimer sur ce sujet périlleux - l'exercice est en effet périlleux, Monsieur le président, tout d'abord parce qu'il s'agit d'enchaîner après votre brillante éloquence par un discours qui porte sur le même sujet, puis parce que ce genre d'exercice s'apparente toujours un peu à un hommage funèbre, quand même ! C'est un peu affreux ! Et comme on le dit à propos des hommages funèbres, «de mortuis nil nisi bonum», on ne doit dire que du positif sur les défunts. Pour que mon discours ne soit pas un hommage funèbre seulement, il faudrait que je réussisse à trouver au cours des trois minutes qui viennent des paroles méchantes ou critiques. Je ne sais pas si j'y arriverai - vous ne le prendrez pas mal, Monsieur le président, Monsieur Barthassat, si je n'y arrive pas ! Mon groupe m'a désigné au lieu de notre chef de groupe, parce qu'ils se sont dit: «C'est une sombre brute, il trouvera bien quelque chose de méchant à dire !» Mais je ne suis pas sûr d'y arriver.
Je vais quand même dire le plaisir que j'ai eu à débattre avec l'un et avec l'autre de nos deux sortants, dans des styles évidemment différents. En escrime, il y a le fleuret et le sabre, ce n'est pas toujours exactement la même chose, ce sont deux disciplines qui ont leurs mérites, leurs qualités et leurs vertus respectifs à la fois pour les participants et les spectateurs. J'ai eu du plaisir à m'opposer à Luc Barthassat, par exemple sur les TPG et la question de la diminution des tarifs. On a bataillé ferme là-dessus ! J'ai aussi eu du plaisir à voir confirmées dans les urnes quelques idées que j'avais, non pas à une, mais à trois reprises concernant les tarifs des TPG. (Rires.) Ça, c'est un hommage que je... (Remarque. Rires.) Ah, je suis en train de faire mon propre hommage ? Désolé ! Pour ce qui est de François Longchamp, il s'agit plutôt des droits politiques. Là aussi, nous avons eu sur la question de l'abaissement du nombre de signatures nécessaire pour les initiatives et les référendums une contradiction qui a été débattue dans cette enceinte puis tranchée dans les urnes. Mais comme ce n'est pas moi qui m'en vais, je ne vais pas dire que j'ai eu raison là-dessus ! On va donc laisser la chose ouverte.
Les deux sortants ont des points communs: leurs carrières politiques se sont un peu arrêtées, celle de Luc Barthassat suite à l'élection que l'on sait; j'espère qu'il se réinventera et repartira d'un bon pied dans d'autres domaines. Quant à François Longchamp, ce n'est pas tout à fait la même chose, mais quand même ! Son activité de conseiller d'Etat s'est un peu arrêtée à travers une espèce de préretraite... (Rires.) ...liée au fait qu'il n'a eu que - si j'ose dire - le département présidentiel. Il a assumé sa fonction avec toutes les qualités qu'a décrites Jean Romain. Le costume était un peu petitement taillé, mais quand même, du côté d'Ensemble à Gauche, nous sommes favorables aux préretraites... (Rires.) ...et nous défendons les acquis sociaux ! (Rires.) Nous avons même été jusqu'à déposer hier une proposition de résolution pour que cet acquis social soit pérennisé pour le prochain président du Conseil d'Etat... (Rires.) ...et qu'il n'ait pas la charge supplémentaire d'un département avec toutes sortes d'affaires qu'il comporte.
Voilà ce que j'avais à dire grosso modo. Je ne sais pas si j'ai réussi à être un peu méchant - peut-être pas, tant pis ! Tant pis, Monsieur le président, j'en resterai là, et je souhaite de tout coeur, bien sûr, bon vent et bonne poursuite de leurs activités diverses à ces deux personnes pour qui j'ai de l'estime et du respect. (Applaudissements.)
M. Guy Mettan (PDC). Chers collègues, c'est évidemment avec regret que le parti démocrate-chrétien prend congé de Luc Barthassat et de François Longchamp. Ce regret est toutefois tempéré par le sentiment que ces deux éminents magistrats quittent leurs fonctions avec la satisfaction du devoir accompli.
Pendant la campagne électorale, certains ont fait beaucoup de reproches à Luc Barthassat. Ils ont eu tort, car il y a deux points au moins sur lesquels il mérite notre reconnaissance. Le premier tient à son style. On l'a beaucoup critiqué sur ce plan, mais nul ne niera que tout au long de ces quatre ans et demi, Luc Barthassat ait su rester authentique. Contrairement à d'innombrables magistrats que la fonction rend acratopèges ou insignifiants, Luc Barthassat n'a jamais abdiqué sa personnalité. Du premier au dernier jour, il est resté lui-même, et cela mérite considération.
Sur le fond ensuite, non seulement il s'est chargé du département le plus risqué de tous, mais il a su, en matière de transports, le faire entrer dans le XXIe siècle en mettant en place une vraie politique d'intermodalité des transports. Je m'explique. Ces dernières décennies ont été marquées par les partisans du «tout-bagnole» qui ne souffraient pas l'idée qu'on puisse investir massivement dans les transports publics et la mobilité douce. Plus tard, ce sont les partisans du «tout-collectif» ou du «tout-vélo» qui ne supportaient pas l'idée qu'on puisse dépenser un franc pour le transport individuel privé. Or, Luc Barthassat a su casser ces luttes stériles et mettre fin à ces deux utopies néfastes, celle du «tout-bagnole» et celle du «tout-antibagnole», pour tenter une synthèse entre les deux et opérer un rééquilibrage qui correspond mieux à la volonté des Genevois. C'est lui qui a lancé les états généraux des transports au début de son mandat, c'est lui qui a osé - ô sacrilège ! - réhabiliter les deux-roues et les scooters en ville, c'est lui qui a ouvert le chantier de la route des Nations, fait voter le crédit pour le barreau sud, et surtout, qui a rouvert le chantier de la traversée du lac initié dans les années 50 déjà, et qu'il va bien falloir réaliser un jour. Pour cela, il a même obtenu une bénédiction populaire.
J'ai assisté hier au Forum des 100, consacré aux transports du futur, avec tout ce que la Suisse compte d'experts dans ce domaine. Il apparaît que l'avenir des transports appartient à ce qu'on peut appeler l'intermodalité. Dans un monde aussi individualiste que le nôtre, il est illusoire de penser que les transports publics régleront tout, comme il l'est de penser que le transport individuel volant ou autopiloté résoudra tout. Nous sommes tous tour à tour des usagers de la route, du rail, des airs, des pistes cyclables ou des trottoirs. En rappelant cette évidence à toutes et à tous, Luc Barthassat a joué un rôle pionnier en faveur d'une véritable intermodalité à Genève, et pour cela, il mérite toute notre reconnaissance.
J'en viens maintenant à François Longchamp. A lui aussi, on peut faire des reproches, et pas un, cent ou mille, mais des millions de reproches; quand, comme lui, on a été pendant cinquante-six mois président des 499 700 râleurs et râleuses qui forment la population de ce canton, on ne peut qu'accumuler des millions de reproches, puisque tout est toujours de la faute du gouvernement. Mais voilà, mais voilà, celui qui «étivé patron dé Genevouai», comme dit le «Cé qu'è lainô» - et, je précise, un patron laïc et républicain - François Longchamp, donc, aura rempli son rôle avec tellement de brio, tellement d'élégance et d'humour qu'il a réussir à faire fondre tous ces reproches comme neige au soleil et qu'à l'heure du bilan, il ne reste plus que des éloges à lui adresser. J'en retiendrai cinq.
Le premier tient à la forme, et d'abord à sa forme à lui: vous aurez tous constaté qu'en douze ans et demi de Grand Conseil, il n'a pas pris un gramme ! Ça, ça mérite quand même un éloge. (Rires.) Le deuxième éloge - je viens sur le fond - porte sur le fait qu'il a pu remettre de l'ordre dans la maison sociale. En 2005, nous étions en pleine crise, et le social aussi; les caisses étaient vides, il y avait des urgences partout. En quelques années, François Longchamp a réussi à rétablir la situation, à créer les emplois de solidarité et à remettre de l'ordre sans faire de vagues. Le troisième éloge concerne sa gestion du département des travaux publics ou des infrastructures, lors de son bref passage à ce poste: là aussi, il aura servi de pompier, d'ingénieur efficace pour rendre ce département plus efficient, plus rapide et moins aléatoire dans ses procédures. Le quatrième éloge tient à son action en faveur de la Genève internationale à la tête du département présidentiel. Là aussi, à sa manière discrète et apparemment peu spectaculaire, il aura magistralement réussi à ancrer les organisations internationales dans notre canton pour les décennies à venir. Cela n'est peut-être pas encore visible aujourd'hui, mais Genève, sans nul doute, s'apercevra rapidement de ce qu'elle doit à François Longchamp dans ce domaine.
Le cinquième éloge, le plus important à mes yeux, évidemment, est celui qui le fera entrer dans l'histoire: c'est naturellement le sauvetage du Club suisse de la presse... (Rires.) ...au moment du budget 2018 !
Une voix. Evidemment !
M. Guy Mettan. Parce que quand le club a été attaqué par un député qui nous disait à chaque budget pendant douze ans qu'il fallait détruire le Club suisse de la presse, c'est uniquement grâce à l'action providentielle du président Longchamp qu'il aura pu sauver sa peau. C'est dire que notre président mérite non seulement dix, cent ou mille éloges, mais plusieurs millions d'éloges, et qu'il peut s'attirer de ma part en tout cas une reconnaissance éternelle.
Le parti démocrate-chrétien se fera un plaisir de vous offrir à tous les deux, Messieurs Barthassat et Longchamp, un petit pot de vin genevois. Merci. (Applaudissements. M. Guy Mettan remet à MM. François Longchamp et Luc Barthassat des bouteilles de vin.)
M. Cyril Aellen (PLR). Monsieur le président, c'est à moi qu'il revient de vous rendre hommage aujourd'hui. Le président du Grand Conseil m'avait dit qu'il ferait un petit bilan des éléments qui ont parsemé votre parcours politique; permettez-moi, au nom du groupe PLR, mais aussi en mon propre nom, de prendre un peu plus de liberté et de vous adresser quelques mots plus personnels. Il semblerait que vous n'aimiez pas les hommages: nous avons là un point commun, mais il se trouve qu'il m'appartient à moi de prononcer quelques mots, et aussi de les adresser à vous. Je vais prendre mon temps, parce que ça fait cinq ans que j'attends... Vous ne savez pas quoi ! Cinq ans que j'attends de pouvoir prendre la parole en dernier sans que vous commentiez en bien ou en mal ce que je vais vous dire ! (Rires.)
Mes collègues du PLR prétendent qu'il aurait été plus judicieux que quelqu'un d'autre que moi vous rende hommage; non que j'en sois incapable, non que vous ne l'acceptiez pas, mais il paraît que vous aviez un vrai département au cours des deux législatures précédentes et que, par voie de conséquence, il aurait été plus facile à quelqu'un qui était déjà député alors de dire quelques mots. Pour ma part, j'aimerais parler de ce que j'ai pu vivre lors de cette dernière législature.
Lorsque j'ai été élu en 2013, je me suis demandé si nous allions nous entendre et si nous pourrions travailler ensemble. J'avoue que ce n'était pas gagné. Vous, fils d'entrepreneur dans le domaine du bâtiment, avec un héritage libéral évident; moi, fils de fonctionnaire avec un ADN ancré sur le rôle de l'Etat: vous conviendrez qu'il y avait un écart qui faisait qu'il était peut-être plus difficile de nous entendre vu nos deux partis d'origine. En fait, très rapidement, j'ai acquis la conviction que nous pourrions faire un bout de chemin ensemble et collaborer. Il faut dire que l'actualité politique de l'automne 2013 a fortement contribué à notre entente. Un sujet qui nous était cher aux deux était à l'ordre du jour, un sujet qui allait occuper des heures de débat au Grand Conseil: vous l'avez reconnu, il s'agissait de la PPE en zone de développement. Nous avions là, tout trouvé, un thème qui nous était cher à l'un et à l'autre ! Quel bonheur, une occasion unique pour vous et moi pour faire en sorte qu'une loi puisse enfin porter un illustre nom, le vôtre. (Rires. Remarque.) J'y viens, j'y viens !
Je crois, Monsieur le président, qu'il est temps - car c'est de cela que j'aimerais parler aujourd'hui - de rendre publique la méthode que nous avons mise au point ensemble pour parvenir à ce résultat. (Rires.) Je vais expliquer à l'assemblée comment nous y sommes parvenus et comment nous avons réussi à nous mettre d'accord sur ce point. J'espère que vous ne m'en voudrez pas de divulguer quelques secrets des caucus du PLR.
Nous faisions un constat partagé, c'était déjà un bon point: vous aviez alors proposé une loi bien sûr totalement inacceptable, chacun le sait; mais après des heures et des heures de débat au caucus du PLR, sereins, consensuels, conviviaux, comme on en a largement l'habitude, mais tout de même avec quelques échanges contradictoires, vous avez eu une idée brillante. Au nom du Conseil d'Etat, vous nous avez donc proposé une loi sur laquelle, je l'avoue, mon jugement n'était pas sans nuances. Vous aviez dit qu'il fallait vraiment accepter cette loi du Conseil d'Etat, parce que si nous ne l'acceptions pas, l'ASLOCA allait se saisir du sujet et rédiger la pire des lois possible. Là, j'ai tout de suite deviné que vous et moi, nous allions trouver un début d'accord, un vrai, un accord sincère qui allait sceller un travail constructif durant les cinq années de la législature.
La loi présentée par le Conseil d'Etat a, comme prévu, été refusée; c'était annoncé d'avance. L'ASLOCA, comme vous l'aviez prédit, s'est évidemment saisie de ce sujet, elle a évidemment présenté une loi - mot pour mot la vôtre. Le pire était donc bien arrivé, j'avais raison, l'ASLOCA s'était saisie de cette loi, vous aviez également raison et nous étions donc tombés d'accord sur ce point-là. Nous avions gagné, ce faisant, ce que nous avions d'emblée cherché, à savoir une loi qui, grâce à cette méthode, a pu enfin porter votre nom.
Monsieur François Longchamp, Monsieur le président, plus sérieusement, la politique que vous avez menée discrètement, mais avec détermination et conviction, aura des effets dans le temps. Progressivement, ce parlement, mais aussi tous les Genevois, réaliseront ce que vous avez fait ainsi que ce que vous n'avez pas réussi à faire - mais que nous ferons quand même - parce que vous avez été probablement un peu plus rapide dans la réflexion et l'analyse que la plupart d'entre nous. C'est à cela que nous devrons oeuvrer, en pensant à ce que, souvent, vous nous avez dit, qui, souvent, commençait à nous faire douter. En particulier, vous m'avez habitué à me remettre en question à chaque fois, à travailler toujours, et je l'ai beaucoup apprécié. Vous nous avez enseigné qu'il faut travailler discrètement, puis éventuellement communiquer, quand le travail est enfin réalisé, mais jamais l'inverse.
Vous prenez maintenant congé de nous. A titre personnel, puisque nous sommes entre nous, je me permets une confidence, que vous ne répéterez pas, s'il vous plaît: cela m'arrange. Cela m'arrange, parce que ça commence à se voir, que nous sommes dans le même parti et que, finalement, nous partageons, pour beaucoup, les mêmes valeurs. Alors merci, Monsieur le président, merci pour Genève, merci pour le parlement, merci de la part du PLR, et bon vent pour la suite. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. Romain de... (Commentaires.) Ah !
M. Cyril Aellen. J'aimerais quand même dire quelques mots au sujet de M. Barthassat, Monsieur le président.
Le président. Je vous en prie.
M. Cyril Aellen. J'abuse, j'abuse ! Monsieur le conseiller d'Etat, ce n'est pas de votre plein gré que vous quittez vos fonctions. Ça doit être difficile. Mais j'aimerais, au nom du PLR, vous adresser nos plus vifs remerciements pour le travail accompli. Le paradoxe, c'est que vous avez peut-être, mieux que personne, et rapidement, adopté le système suisse consensuel: vous avez tout de même réussi à conclure un accord sur les transports avec Daniel Zaugg et Lisa Mazzone ! Il fallait le faire !
Malgré cela, vous n'avez pas réussi à convaincre la population de vous reconduire dans vos fonctions. La politique, c'est faire, et vous avez fait. La politique, c'est aussi être, et vous avez été un conseiller d'Etat entier, transparent, tout à fait apprécié. Mais la politique, c'est aussi paraître, et le style que vous avez adopté, malheureusement, n'a pas plu: c'est pour cela qu'aujourd'hui, vous quittez vos fonctions.
A titre personnel, à intervalles réguliers - je sais que vous le savez - j'ai beaucoup échangé avec la population sur la politique des transports, mais pas seulement avec elle: le dimanche matin, dans un établissement de l'un des nouveaux députés PLR, j'ai aussi croisé quelques membres de votre famille. Nous avons eu des échanges, toujours constructifs. J'aimerais vous dire, Monsieur le conseiller d'Etat, venez avec eux; nous boirons un café, nous mangerons quelque chose et nous ferons de la politique à l'abri de toutes les critiques. Ce sera un vrai plaisir. Bon vent à vous, Monsieur le conseiller d'Etat, et merci pour tout ce que vous avez fait pour la république. (Applaudissements.)
Le président. Mes excuses pour vous avoir coupé la parole. Je la passe maintenant à M. Romain de Sainte Marie.
M. Romain de Sainte Marie (S). Merci, Monsieur le président. Monsieur Luc Barthassat, conseiller d'Etat, Monsieur François Longchamp, notre premier président de la république sous cette nouvelle constitution, c'est un honneur pour moi de vous adresser les hommages du groupe socialiste. Ce n'était pas nécessairement décidé d'avance que vos départs seraient simultanés. Quand on pense à vous, on ne peut s'imaginer toutes les ressemblances que vous pouvez avoir: vous semblez avoir dans votre manière de faire de la politique des styles complètement différents, et pourtant, j'ai cherché et je suis arrivé à la conclusion qu'il y a quand même beaucoup de points communs entre vous deux. Bien sûr, pas dans l'amour que vous portez aux tatouages, aux motos ou encore à la musique... (Rires.) ...encore qu'on ne sait peut-être pas !
Mais vous avez de réels points communs: le fait d'être de mauvais élèves tous les deux, par exemple. Si l'un, sur ce banc, passe son temps sur Facebook, l'autre lit «Le Canard enchaîné» à longueur de séances du Grand Conseil et porte le même intérêt à nos débats parlementaires. (Rires.) On a pu encore l'observer aujourd'hui, vous portez tous les deux un amour certain aux autres cantons et au pays: l'un a attendu tant bien que mal des fonds provenant de Berne, qui n'arrivaient pas, l'autre a encore fait preuve aujourd'hui de cet amour en parlant d'«obscurs cantons suisses» à propos du reste de notre pays et malgré sa fonction de représentation auprès de ces «obscurs cantons».
Enfin, ce sont tous les deux des hommes de réseau: naturellement, l'un est le président du Conseil d'Etat, c'est un homme de réseau, il appartient à l'élite, à la bourgeoisie genevoise, l'autre est un homme de réseaux sociaux. On l'aura compris, c'est un point qu'ils ont en commun.
Mais il faut également remarquer leur esprit d'équipe naturel. Si, d'un côté - on le sait, pour M. Barthassat, c'est un véritable slogan - «on se rassemble, on bosse, on avance», de l'autre côté, on le sait aussi, la philosophie est exactement la même, mais les mots sont quelque peu différents: ce serait plutôt quelque chose comme «on se côtoie, on oeuvre, et en route vers la suite».
Messieurs Barthassat et Longchamp, on l'aura compris, vous avez vraiment des points communs. Dans ces derniers jours encore, je crois qu'on a pu observer que vous avez tous les deux de la grandeur. Je pense à M. Barthassat qui a vécu un destin politique peu évident. Vous avez fait preuve d'une véritable grandeur durant ces cinq années, tout comme d'esprit d'équipe, d'une volonté d'agir, parfois maladroite, mais couplée à une véritable gentillesse qu'il faut reconnaître en tant que socialiste. Monsieur Longchamp, cette grandeur, vous l'avez aussi eue: on l'aura compris, votre fait marquant, en tout cas pour les socialistes, c'est la loi qui porte votre nom - malheureusement, l'effet d'annonce est quelque peu raté. Nous vous avons grandement aidé dans ce sens-là, vous nous avez inspirés, pourrons-nous dire.
Monsieur Barthassat, Monsieur Longchamp, pour la suite, nous ne pouvons vous souhaiter que du bonheur, QDB ! (Applaudissements.)
M. Mathias Buschbeck (Ve). Chères et chers collègues, c'est à présent aux Verts de faire leur hommage. Je vais commencer par le président Longchamp, le premier président de la nouvelle constitution, qui aura totalement incarné cette fonction voulue par les constituants, l'intérêt général, l'intérêt de Genève au-delà des clivages, depuis votre discours de Saint-Pierre jusqu'à l'adoption de la LOIDP avec son dernier étage hier. Vous êtes allé jusqu'à défendre - cela a été dit - une initiative portant votre nom, une première, en vous opposant subtilement à votre camp. La suite des événements vous a donné raison.
On connaît votre tiède passion pour les communes genevoises. Tel le Sisyphe de la tour Baudet, vous avez tenté de désenchevêtrer leurs compétences et celles du canton. Vous avez assumé durant ces cinq dernières années la haute et sourcilleuse surveillance des communes, ces élèves un peu paresseuses que vous grondiez de ne pas avoir fait leurs devoirs d'été. On vous aurait cru en froid avec elles; il n'en est rien, puisque, illumination ou rachat, dans l'une de vos dernières prises de parole aujourd'hui, sur la péréquation intercommunale, vous avez cité deux fois une commune, celle de Vernier, et sa taille qui en imposerait à bien des cantons suisses. L'évocation réitérée de la grandeur de Vernier nous a fait croire un instant que ce n'est pas un maire, un Conseil administratif ou un bailli onésien qu'il lui faudrait, mais bel et bien un conseiller d'Etat. Merci, merci de vous être mis au service de notre canton, merci d'avoir oeuvré à son rayonnement, plus international que jamais, et bon vent.
Monsieur Barthassat, ce n'est un secret pour personne, nous avons été adversaires, les Verts ont combattu votre politique, mais aujourd'hui, ils voudraient saluer votre engagement et votre détermination à trouver des solutions, votre courage, le courage de vos idées, que vous avez défendues jusqu'au bout, et votre volonté de trouver des solutions en dehors des clivages pour réconcilier des positions qui manifestement étaient irréconciliables. Je voudrais aussi saluer votre accessibilité: vous n'avez jamais refusé de rencontrer les gens, de débattre, et pour ma part, j'ai eu beaucoup de plaisir à débattre avec vous. Je vous souhaite bon vent également et vous remercie. (Applaudissements.)
M. Patrick Dimier (MCG). Vous me pardonnerez d'être protestant dans la parole, c'est-à-dire bref. Monsieur le conseiller d'Etat, cher Luc, au cours de votre magnifique parcours politique - il a été peu souligné - qui vous a permis de siéger sur nos bancs, puis à Berne, pour enfin arriver à celui de l'exécutif, le passage du législatif cantonal au fédéral fut, à cause d'un autre destin cruel, un coup de maître; et celui du législatif fédéral à l'exécutif cantonal fut un coup de la Providence, qui vous a valu de commencer la route vers Lourdes, sans eau, bien entendu. Nous étions, à cette occasion, avec le président Longchamp, et nous nous sommes regardés. Les deux, nous nous sommes dit: «Si le PDC va jusqu'à Lourdes, c'est que ce sont vraiment des PDC !»
L'arrivée à l'exécutif fut, disons-le, une révolution dans le Landerneau politique genevois. Alors que la démocratie chrétienne - ou DC - perdait du terrain législatif, elle croissait à l'exécutif. Cela fit inévitablement jaser, pour ne pas dire croasser, certains oiseaux de mauvais augure. Votre exercice du pouvoir fut, à votre image, franc, honnête et direct; tout ce que la Rome protestante peine à apprécier, comme certaines factions de la démocratie chrétienne parfois très orthodoxes. Résultat, comme souvent, les contraires se sont alliés, et même la DC a donné du canon, plus habituée à la stratégie dans les «buchs» que sur le terrain, avec le résultat que l'on sait. Pour ce qui nous concerne, au groupe MCG, nous gardons de vous le souvenir d'un homme loyal, ouvert à la discussion et prompt à la négociation, des valeurs qui sont essentielles à la gouvernance telle que nous la concevons, dans le système de concordance bénéfiquement éloigné de celui des coalitions.
Ce qui est certain, Monsieur le conseiller d'Etat, cher Luc, c'est que vous avez amené de l'eau au moulin s'agissant de la fluidité du trafic, en réussissant à marier la carpe et le lapin dans une loi sur la mobilité qui fera date, comme disent les caravaniers qui laissent les chiens aboyer sur leur chemin. Merci d'avoir apporté ce vent de fraîcheur et merci pour ce que vous avez fait pour notre république.
Monsieur le président, cher François, quelle coïncidence de la vie que celle qui me voit arriver dans cette enceinte au moment où vous quittez le gouvernement ! Il faut dire que nous nous connaissons de longue date, de cette époque où vous étiez au service du conseiller d'Etat Segond, dont la puissance de travail vous mettait sans doute dans un état proche de son patronyme. Le service d'un homme d'Etat aussi zélé dans l'approche, radical dans les solutions, ne pouvait offrir à la république qu'un successeur digne de cette pensée fazyste qui nous est commune: un Etat fort, mais pas puissant, arbitre et non fouineur; un Etat au service de l'ensemble des citoyens et non pas des seules élites; un Etat qui promeut la responsabilité individuelle et non l'irresponsabilité collective. Genève peut être fière d'avoir parmi celles et ceux qui la servent des élus de votre stature.
Une nouvelle étape de votre chemin de vie s'ouvre. Ce qui vous était égal hier aura de l'importance demain, sur les terres de Pagnol ou ailleurs. Vous auriez pu vous retirer chez vous, en Tarentaise, à Saint-François-Longchamp, confortablement installé, charentaises aux pieds. Mais vous avez choisi, je crois, la parenthèse de l'Orient, peut-être parce que c'est de là que vient la lumière. Il est vrai aussi que la route de la soie est à n'en pas douter le meilleur moyen de faire un retour sur soi. Espérons que le collège que vous quittez, ayant perdu son «longchamp» d'espérance, ne se retrouvera pas face à une morne plaine dévastée par des oppositions stériles. Au nom du MCG, je vous dis merci, Monsieur le président et cher François, d'avoir si bien servi la république qui vous avait, comme à chacun de nous, confié sa destinée, et de vous appliquer cette règle essentielle dans notre système: servir et partir - non pas, comme certains, se servir et rester. Merci, Monsieur le président. (Applaudissements.)
Le président. Voilà, chers amis, la séance est terminée ! Nous nous retrouverons ici dans un mois, et avant cela, évidemment, à Saint-Pierre.
La séance est levée à 19h55.