République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 1 mars 2018 à 17h15
1re législature - 4e année - 12e session - 71e séance
PL 11509-A
Premier débat
Le président. Nous passons au point suivant de notre ordre du jour, que nous traiterons en catégorie II, quarante minutes: le PL 11509-A. Monsieur Vanek, c'est à vous.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président, de me donner - cette fois-ci - la parole sur cet excellent projet de loi qui est d'une simplicité évangélique: il prévoit simplement d'introduire de la transparence dans les dispositions concernant le processus de récolte et de comptage des signatures pour les initiatives et les référendums. En effet, dans le cas, par exemple, des initiatives ou des référendums fédéraux, on fait valider les signatures en cours de route dans les communes, et les initiants ou les référendaires savent où ils en sont. Ce processus transparent qui permet aux initiants et aux référendaires de savoir où ils en sont en matière de récolte de signatures n'existe pas à Genève: on doit récolter une abondance de signatures puis les déposer, et c'est l'inconnu jusqu'à ce que les services de M. Ascheri, à la chancellerie, aient fini le processus de vérification. On sait alors si on a accouché d'un texte en mesure d'être soumis au peuple ou si le processus démocratique a calé en route.
Nous pensons qu'il est dommage que cet élément de transparence n'existe pas à Genève. La transparence est une règle générale pour notre activité publique, il n'y a aucune raison de cacher des choses qui ne méritent pas d'être cachées. Et il y a un intérêt public réel, modeste mais réel, à permettre aux initiants et aux référendaires de savoir où ils en sont, y compris à ce que le public le sache ! Que les gens puissent se dire: «Bon sang, mais c'est bien sûr ! J'ai intérêt à signer ce texte si je veux qu'il aboutisse !» Nous avons donc proposé des dispositions de comptage intermédiaire des signatures. Je dis «nous», mais c'est essentiellement Christian Grobet, encore présent dans cette salle, qui est l'auteur de cette proposition, comme il était l'auteur de celle sur la baisse du nombre de signatures qui a eu l'heur de plaire au corps électoral lors d'une récente votation.
Nous avons évidemment entendu - je fais court - le service des votations et élections ainsi que M. Ascheri, qui nous a fait part d'un certain nombre de considérations. Nous avons, je crois, entendu la chancelière qui nous a également fait part d'un certain nombre de considérations. Le projet que vous trouvez à la page 23 de mon rapport, tel qu'il est sorti de commission, eh bien, vous le trouvez aussi à la page 24 du même document ! Ce n'est pas parce que je bégaie quand je fais des rapports, mais parce qu'il s'agit d'un amendement général que nous avons intégralement repris de la chancellerie. Suite aux travaux de commission et aux rapports qu'elle a reçus sur ceux-ci, suite à l'accès qu'elle a eu aux procès-verbaux, Mme la chancelière a en effet eu l'amabilité de corriger un certain nombre de formulations peut-être problématiques et de nous proposer une disposition qui, disons, correspondait au mieux aux exigences de ses services en la matière. Pour faire court et sans entrer dans le détail de la rédaction, le délai de récolte des signatures pour les initiatives - je le dis à l'intention de ceux qui n'en font pas beaucoup - est de quatre mois, et le dépôt des listes pourra se faire en trois fois: une fois, deux fois et puis, à la fin, trois fois. Pour les référendums, dont le délai est de quarante jours, le dépôt pourra se faire en deux fois. C'est une question de transparence, et ça devrait évidemment réunir une majorité. En effet, comme vous le voyez, je suis exceptionnellement le rapporteur de majorité de la commission. Merci !
M. Gabriel Barrillier (PLR), rapporteur de minorité. Monsieur le président, chers collègues, le rapporteur de majorité nous a rappelé qu'il ne bégayait pas ! Mais puisque nous en sommes au chapitre des droits politiques et du fonctionnement de nos institutions et du Grand Conseil, je constate juste pour la forme que la commission des droits politiques a fini ses travaux le 15 octobre 2014 alors que vous avez rendu votre rapport le 5 septembre 2017 - je vous le dis en toute amitié; vous le savez, je vous l'ai rappelé ! Trois ans et demi au bas mot après la fin de nos travaux, non sans que je vous aie rappelé votre devoir à plusieurs reprises. En ce qui me concerne, je ne veux pas me mettre en avant, mais j'ai rendu mon rapport de minorité le 10 novembre 2014. Juste comme ça, en passant: le président a rappelé tout à l'heure combien de temps une motion ou un autre objet attendait pour passer en plénière. Là, il n'a pas attendu longtemps puisqu'il vous a fallu trois ans et demi pour le déposer ! Je vous le dis en passant, comme cela, parce que les institutions ne peuvent pas bien fonctionner si les députés, dont vous avez défendu les droits tout à l'heure, ne font pas leur travail correctement - je pense que vous en êtes conscient. Je vous le dis en tant qu'ancien président du Grand Conseil. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo.
M. Gabriel Barrillier. Cela dit, pour en venir au projet de loi que vous avez déposé, vous avez prétendu qu'un trop grand nombre d'initiatives étaient invalidées faute d'avoir atteint le seuil de signatures prévu par la loi. Or, nous avons été informés lors des travaux de la commission que, depuis 1976, seules 9 initiatives sur 118 et 7 référendums sur 140 n'avaient pas abouti faute d'avoir atteint le seuil des signatures valables requises - mais c'était en 2014, depuis il y en a eu d'autres. Votre crainte n'est donc pas fondée. Par ailleurs, si j'ai pris le rapport de minorité - je m'en souviens vaguement, chers collègues, c'était il y a vraiment longtemps - je reconnais que c'est parce que j'ai été un peu surpris de constater que des récoltes de signatures se font devant les sièges de partis ou d'associations professionnelles, les formulaires de référendums mises sur un tabouret avec un crayon, mais sans personne pour expliquer au citoyen qui passe devant s'il a le droit de signer ou pas. Pour moi, pour la minorité, le dépôt d'un référendum ou d'une initiative est un acte de responsabilité ! On n'a pas à déposer ces textes sans explications, sans attirer l'attention du citoyen sur le fait de savoir s'il a le droit ou pas de signer ! En fait, vous demandez à l'administration de se substituer aux associations, aux référendaires et aux initiants; vous voulez qu'elle fasse le travail à votre place. A mon avis, c'est de la responsabilité des initiants et des référendaires d'aller jusqu'au bout de leur récolte en comptant et vérifiant la validité des signatures avant le dépôt. C'est donc la raison toute simple pour laquelle j'ai déposé un rapport de minorité, et je répète encore une fois que je suis extrêmement déçu du temps que vous avez mis à rendre votre rapport de majorité ! Je vous remercie. (Applaudissements.)
M. Bernhard Riedweg (UDC). Prévoir un décompte intermédiaire dans le cadre du lancement d'initiatives ou de référendums facilite le contrôle des signatures récoltées et de l'avancement de la campagne: cela évite qu'elle n'aboutisse pas faute de signatures valables. Il n'est pas inutile de mentionner que sur les 166 initiatives annoncées depuis 1976, 48 n'ont pas été déposées, soit le 29%; depuis 2007, ce sont 26 initiatives qui n'ont pas été déposées sur les 57 annoncées, soit le 46%.
Le travail sur le terrain étant devenu plus compliqué vu le nombre de stands, il est difficile pour les initiants et les référendaires de se faire rapidement une idée sur le nombre de signatures récoltées et de savoir si les citoyens qui ont signé étaient habilités à le faire. Quant à la responsabilité des initiants et référendaires concernant la validité des paraphes apposés sur une initiative ou un référendum, il est malaisé de motiver les responsables des stands à effectuer ce tri sur place en plus des explications qu'il leur faut donner au citoyen afin de le convaincre de signer. C'est surtout vrai si le contenu des textes est compliqué - il y a des initiatives et des référendums dont les textes sont difficiles à expliquer et, de ce fait, ils sont difficiles à vendre. Au niveau du service des votations et élections, le travail de contrôle se fait de toute manière et peu importe si c'est en une seule fois ou en plusieurs; ce projet de loi n'entraîne donc pas de coûts supplémentaires. Un décompte intermédiaire évite de gaspiller l'énergie des militants responsables de la récolte de signatures et augmente les chances que l'initiative ou le référendum aboutisse. L'Union démocratique du centre vous invite à réserver un accueil favorable à ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.
M. Romain de Sainte Marie (S). Monsieur le président, vous transmettrez tout d'abord mes vifs remerciements et mes félicitations au rapporteur de minorité pour avoir rendu ce rapport à temps. Vous lui rappellerez également qu'il y a des retardataires dans chacun de nos groupes; je crois qu'il y en a aussi au parti socialiste et au PLR.
Plus sérieusement, concernant ce projet de loi, c'est clairement un objet en faveur de la démocratie directe. Je ne pense pas que ce soit un texte pervers, perfide, qui va grandement changer les choses. Cela va en réalité énormément aider les partis ou les associations qui déposent des référendums ou des initiatives pour le décompte des signatures, tâche qui représente malgré tout un investissement considérable. M. Barrillier a raison: l'investissement doit, à mon sens, se manifester sur le terrain et pas dans un bureau, à compter les signatures et à vérifier qu'elles sont valides ! Ce texte aide donc finalement la démocratie directe.
On a aussi récemment eu dans la population le débat concernant le nombre de signatures, et je crois qu'il faut rappeler que la démocratie directe est une bonne chose. Nous sommes dans une démocratie semi-directe; eh bien, ces droits d'initiative et de référendum servent à rechercher le consensus et à prendre en compte les différentes minorités pour ne pas avoir une tyrannie de la majorité, quelque part, comme on peut la connaître dans le système politique français. Les droits d'initiative et de référendum - la démocratie directe - sont donc un véritable poumon pour le débat et pour cette recherche de consensus que j'ai évoquée.
Maintenant, je peux comprendre que M. Barrillier et son parti tiquent, et vous m'excuserez pour cette petite pique, mais peut-être que le PLR a moins l'habitude d'exercer ce droit d'initiative et de référendum. En regardant les votes des différents partis politiques, on voit bien quels partis doivent battre le pavé de façon plus fréquente. Et l'Entente, qui a moins cette habitude-là, n'a peut-être pas envie d'engager le service des votations et élections à effectuer ce décompte intermédiaire. Avec les différents travaux de commission, nous avons pourtant pu voir que cela n'entraînerait pas véritablement des coûts supplémentaires puisqu'un décompte final est de toute façon effectué. Encore une fois, il s'agit simplement d'aider la démocratie directe, et c'est pourquoi le groupe socialiste vous invite à voter ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)
Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Alors là, vous voyez, Monsieur le président, nous en sommes au mille-feuille à tous les étages ! On est même vraiment dans le super-super-dix-mille-feuille ! Ça devient certainement une caractéristique du canton de Genève, mais trop, c'est trop. Augmenter encore le mille-feuille administratif, inutilement chronophage, c'est peut-être une invention des partis toujours en recherche de légitimité auprès de la population, mais, comme le dit M. Barrillier, mettre simplement à disposition une feuille avec un stylo, ce n'est pas très respectueux pour les habitants et les habitantes de Genève. Pour le parti démocrate-chrétien, il est très clair que ce projet de loi est totalement inutile. Les experts de la chancellerie nous ont avertis qu'un règlement d'application suffisait, donc non à ce projet de loi qui constitue un mille-feuille de trop. Merci, Monsieur le président.
Mme Frédérique Perler (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, les Verts accepteront évidemment ce projet de loi. Nous n'allons pas reproduire ici l'éloquence avec laquelle le rapporteur de majorité a défendu ce texte. Quant à la distribution de gommettes du rapporteur de minorité, je me permets de souligner, Monsieur le président, que dans tous les partis il y a effectivement des députés qui ont un certain retard dans la reddition de leurs rapports. Quoi qu'il en soit, il faut quand même dire que ce rapport est fort bien fait et résume fort bien les travaux de commission.
Rappelons qu'il ne s'agit pas de faciliter les choses au point de laisser, comme on l'a entendu, des feuilles de signature avec un crayon sur un tabouret. Il ne s'agit pas de ça, mais d'introduire une disposition qui donne aux référendaires un outil de pilotage comme ça se fait sur le plan fédéral: ils pourront s'y référer pour voir, à un moment donné, s'ils ont la possibilité d'atteindre le nombre suffisant de signatures. Et ce n'est pas une obligation ! Il n'y a aucune obligation d'utiliser cette disposition. De plus, grâce au travail effectué par la chancellerie pour rendre l'objet tout à fait applicable, ce projet de loi engendre un surcoût extrêmement modeste. A partir de là et du moment que c'est une pratique fédérale, ça tombe sous le sens qu'il faut la permettre aux échelons cantonal et municipal. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Le président. Merci, Madame. Monsieur Medeiros, c'est à vous pour deux minutes.
M. Carlos Medeiros (HP). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, j'écoute le rapporteur de minorité et je me pose la question: mais, en fait, de quoi a-t-on peur ? On a peur du peuple ? On a peur de la démocratie directe ? Je me rappelle que la première chose qui m'a surpris quand je suis arrivé, dans les années 1980, c'était cette consultation directe du peuple pour qu'il exprime son point de vue. Pour moi, c'était presque absurde qu'on puisse le faire sur des sujets que j'ai trouvés parfois triviaux, par exemple à propos du stationnement dans une rue. Je me disais: voilà une véritable démocratie. Quand on n'est pas d'accord, on demande au peuple de trancher.
Que veut finalement cet objet ? Simplement que, dans ce processus, les initiants et les référendaires puissent savoir où ils en sont par rapport aux signatures. Je me suis dit au début que ça allait peut-être coûter très cher, mais non ! Je vois ici au point 4, page 22, du rapporteur de majorité: «Ce PL entraîne juste - de l'avis du chef du service des votations et élections - un surcoût modeste et acceptable.» Ça veut donc dire que ça ne va pas nous coûter des milliers de francs, des millions de francs. De quoi est-ce que nous sommes en train de parler ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Nous sommes en train de contribuer à faire en sorte que ces projets et ces idées qui sont soumis au peuple se réalisent effectivement, sans faire semblant ! Je me rappelle très bien - j'étais déjà dans des projets de référendums, etc. - que beaucoup d'erreurs sont faites, mais pas parce que les référendaires ou les initiants n'ont pas bien fait leur travail. Non ! C'est par exemple parce que le citoyen...
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur.
M. Carlos Medeiros. ...pense qu'il a le droit de signer un référendum communal même s'il habite dans une autre commune. Il y a des erreurs toutes bêtes, mais qui, à la fin, faussent le scrutin. Donc, qu'est-ce que nous demandons ? Mettons en application une vraie démocratie directe avec un surcoût très limité. Merci.
Mme Danièle Magnin (MCG). Puisque mon préopinant s'est référé à son passé, je voudrais vous dire que ça fait une vingtaine d'années que je collecte des signatures par tous les temps - qu'il pleuve, qu'il neige, qu'il vente comme aujourd'hui - et qu'il serait agréable de connaître le nombre de signatures déjà collectées pour savoir s'il est nécessaire de continuer ou si on peut éventuellement aller boire une tasse de thé pour se réchauffer. En général, Mesdames et Messieurs, la question est plutôt de vérifier qu'on a suffisamment de signatures et non pas qu'on a dépassé le nombre nécessaire. C'est tellement évident que c'est une aide à la démocratie que de soumettre le nombre de feuilles et de signatures reçues à un contrôle, contrôle que les partis, ou quelques initiants ou référendaires, ne peuvent en aucun cas effectuer eux-mêmes ! On ne peut pas vérifier si la personne a le droit de vote dans le canton ou la commune, on ne peut pas vérifier si... On peut éventuellement demander une pièce d'identité, mais c'est quand même assez rare. Contrairement à ce que disait mon préopinant PLR, nous ne sommes donc pas en mesure de vérifier nous-mêmes si les signatures sont valables ou non: on ne peut pas demander une attestation de domicile, un acte d'origine ni quoi que ce soit de ce genre. On peut à la limite demander où les gens sont domiciliés, s'ils sont majeurs, s'ils ont le droit de vote, mais s'ils nous racontent des bobards, on n'en sait rien ! S'ils ont signé auprès de quatre ou cinq personnes différentes, on n'en sait rien !
Il est donc absolument nécessaire qu'il y ait un contrôle lorsqu'on fait ce travail démocratique essentiel; il est absolument nécessaire qu'on puisse savoir où on en est. Et c'est seulement cela que vise le projet de loi en question, qui est arrivé à un compromis absolument excellent puisqu'il dit: «Le dépôt des listes peut être effectué au service des votations et élections en 3 fois pour les initiatives populaires et en 2 fois pour les demandes de référendum [...].» Il est indiqué ensuite que si on a prévu un rendez-vous et qu'on ne s'y rend pas, celui-ci, comme chez le dentiste, est facturé. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs, de soutenir ce projet de loi par votre vote.
M. Murat Julian Alder (PLR). La même majorité qui a décidé de baisser le nombre de signatures pour les initiatives populaires et les demandes de référendum va aujourd'hui probablement voter le projet de loi dont nous sommes saisis. J'ai envie dès lors de poser la question suivante: est-ce que l'objet dont nous traitons aujourd'hui a encore une quelconque utilité ? On a amené le seuil du nombre de ces signatures à un niveau tellement insignifiant que dans notre canton, n'importe quelle initiative populaire, n'importe quelle demande de référendum va de toute façon finir par aboutir. J'ajouterai une deuxième chose: comme souvent avec le groupe Ensemble à Gauche, nous sommes une fois de plus saisis d'un projet de loi parfaitement ringard ! Nous sommes au XXIe siècle, nous pouvons déjà voter électroniquement; vous pensez bien que dans les prochaines années il sera aussi possible de signer des demandes de référendum et des initiatives populaires par voie électronique. Nous pouvons déjà faire des transactions financières à hauteur de plusieurs milliers de francs en toute sécurité grâce à des outils issus des nouvelles technologies, et il va sans dire que nous pourrons également utiliser ces nouvelles technologies pour signer des initiatives et des demandes de référendum en toute sécurité. Les décomptes seront donc faits de manière automatique par des machines ou par des applications, peu importe, de sorte que ce projet de loi ne s'avère absolument pas nécessaire. C'est aussi pour cette raison que le PLR, aux côtés de son excellent rapporteur de minorité, vous invite à rejeter ce texte. Merci de votre attention.
M. Pierre Conne (PLR). Ce n'est effectivement pas un projet de loi qui, politiquement, va bouleverser notre vie. Le nombre de signatures requises, on vient de le dire, a déjà diminué à l'heure actuelle, ce qui fait que les initiatives et les référendums aboutiront. Mais j'aimerais attirer votre attention sur un autre phénomène. Dans le rapport de majorité, à la page 5, on lit: «Depuis 1976, 166 initiatives ont fait l'objet d'une annonce de lancement, 116 initiatives ont été déposées et 9 d'entre celles-ci n'ont pas abouti faute d'avoir atteint le nombre de signatures nécessaires.» Si on additionne 116 et 9, on obtient 125. De 125 à 166, il y a 20...
Des voix. 21 !
D'autres voix. 41 !
M. Pierre Conne. 41, soit 20% du total ! Ça veut dire que 20% des initiatives qui ont fait l'objet de récoltes de signatures ne sont pas déposées pour d'autres raisons qu'un nombre insuffisant de paraphes. Qu'est-ce que ça veut dire, Mesdames et Messieurs ? Ça veut dire que pour 20% des initiatives ou référendums, vous allez requérir de l'administration un travail de comptage qu'elle n'a aujourd'hui pas besoin de faire. J'aimerais que vous vous en rendiez compte ! Vous n'allez pas améliorer la récolte de signatures avec cette loi; vous allez par contre surcharger inutilement le service des votations, et j'aimerais que vous en soyez conscients. C'est obliger l'administration à faire un travail sans aucune plus-value, peut-être pour votre petit ego personnel en remportant sur la ligne, quatre ans après le dépôt d'un projet de loi, une victoire d'étape. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)
Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, ce dont il est question, c'est d'un élément de facilitation de la démocratie semi-directe. Les opposants à ce projet de loi évoquent un alourdissement des tâches de l'administration, un mille-feuille. Or, ce n'est pas le cas ! De quoi est-il question ? Ce qui est compté n'est plus à compter, ce qui est fait n'est plus à faire ! Alors qu'on ne vienne pas nous dire qu'il s'agit d'alourdir le travail de l'administration. Il ne s'agit pas de ça ! Quant à simplement jeter à la poubelle, comme le disait M. Conne - vous transmettrez, Monsieur le président - les signatures qui n'auraient pas été validées parce que le texte n'aurait finalement pas été déposé, eh bien, je regrette, mais c'est une forme de mépris pour les personnes qui ont pris la peine de s'intéresser à un objet, de signer et d'adhérer au projet qu'il sous-tend. Voter ce projet de loi, c'est donc aussi une manière de valoriser ces éléments, et ça vaut effectivement la peine d'enregistrer ces signatures, même si au final elles ne suffisent pas pour qu'aboutisse le référendum ou l'initiative.
Finalement, cette discussion fait apparaître qui est coutumier des référendums et des initiatives et qui ne l'est pas. Alors que M. Alder nous permette peut-être de ne pas lâcher la proie pour l'ombre - vous transmettrez également, Monsieur le président ! Tant qu'on ne pourra pas rester dans son fauteuil, derrière son ordinateur, pour faire signer une initiative ou un référendum, eh bien, nous continuerons à arpenter le trottoir pour que la démocratie fonctionne. Venez avec nous: vous verrez à quel point c'est facile en ce moment ! Vous verrez que chaque signature est dûment gagnée, qu'il faut travailler avec les gens et que c'est aussi comme ça qu'on fait de la politique: dans la rue, en parlant avec la population. Je vous invite donc à signer ce projet de loi... Ça devient une habitude ! (L'oratrice rit.) A voter ce projet de loi ! Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)
Mme Magali Orsini (EAG). Je voulais quand même dire qu'il est de notoriété publique que certains partis, dont les représentants sont assis pas très loin de l'endroit où je me trouve, ont pris l'habitude de déposer des boîtes à certains carrefours et de laisser tranquillement les signatures s'accumuler. Alors je me demande si le but de ce projet de loi n'est pas de continuer comme ça - je suis même à peu près certaine que c'est le cas - et de reporter tout le travail sur la chancellerie qui doit éliminer 80% de signatures non valables. Parce que, contrairement à ce que je viens d'entendre, tout le monde ne se donne pas la peine de discuter avec les gens: il y a des partis qui ont simplement mis des boîtes, tout le monde le sait. Et 80% des signatures ne sont pas valables parce que des étrangers qui passent par là signent, n'importe qui signe, ce n'est absolument pas contrôlé. On veut reporter tout le travail sur la chancellerie; je trouve que c'est de la mauvaise foi caractérisée et je m'opposerai à la chose. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Madame. Monsieur Conne, c'est à vous pour une minute et cinq secondes.
M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. Je voudrais simplement rappeler que l'expression «jeter les signatures à la poubelle» est sortie de la bouche d'Ensemble à Gauche et non de celle du PLR. Je n'ai fait que rapporter les termes du rapport de majorité qui citait le service des votations: aujourd'hui, 20% des signatures récoltées dans le cadre d'initiatives ne sont pas comptées parce que le texte n'est finalement pas déposé à l'issue de la période de récolte. Avec ce projet de loi, avec le comptage intermédiaire, vous allez obliger l'administration à compter des signatures qui à la fin ne serviront à rien ! Ça, c'est factuel, mais je ne me serais pas permis d'exprimer le fait qu'on ne tienne pas compte de ces signatures en disant qu'on les jetait à la poubelle. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Cela étant, pour reprendre l'exemple des boîtes à signatures, je pense effectivement - je le reconnais - que vous avez une expérience de militantisme très poussée. Je me permets de vous rappeler que le militantisme inclut également la défense de l'idée qu'il y a derrière la signature. Comment voulez-vous continuer à défendre l'idée, au moment de la récolte des signatures, si vous voulez vous satisfaire d'un compteur...
Le président. C'est terminé, Monsieur.
M. Pierre Conne. ...qui va juste vous permettre d'arrêter de discuter du sujet ? Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur. Monsieur Alder, vous n'avez plus de temps de parole. Monsieur Florey, c'est à vous.
M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Non, le comptage intermédiaire n'est pas inutile. Outre tous les exemples mentionnés, il ne faut pas oublier qu'un bon nombre d'initiatives qui n'aboutissent pas sont transformées en pétitions - et ça, c'est aussi un droit. Un comptage intermédiaire permet justement d'anticiper cette décision: un comité d'initiative dont le texte n'aboutirait pas pourrait ainsi éventuellement décider s'il veut quand même déposer son initiative non aboutie en la transformant en pétition. Ce qui permettrait malgré tout d'amener le débat devant notre parlement et de tenir compte de l'avis de la population qui aurait au départ signé une initiative transformée ensuite en pétition. C'est aussi pour cela que le groupe UDC soutient ce projet de loi et vous invite à faire de même. Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est au rapporteur de minorité, M. Barrillier, pour trente secondes.
M. Gabriel Barrillier (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais confirmer que nous sommes effectivement attachés à la démocratie semi-directe. Elle est d'ailleurs très vivante, malgré ce que l'on peut constater: toute une série de référendums et d'initiatives sont à la porte. Là, il n'y a donc pas de danger. La deuxième chose, je le répète, c'est que l'exercice de ces droits est pour moi lié à la responsabilité; il ne me viendrait pas à l'idée de récolter des signatures sans être derrière le stand et expliquer au citoyen qui passe de quoi il s'agit et quels sont ses droits. Je le conteste ! La troisième chose que j'aimerais dire s'adresse à M. Medeiros, et c'est qu'effectivement...
Le président. C'est trop tard, Monsieur, il vous faut terminer.
M. Gabriel Barrillier. C'est trop tard ? Eh bien voilà ! (Remarque.) Je vous remercie.
Le président. Merci, Monsieur. Monsieur Vanek, vous avez la parole pour une minute trente.
M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. Mes excuses, tout d'abord, pour le retard du rapport, mais enfin, sa qualité vient suppléer un peu au temps qu'il a fallu pour le faire ! C'est par ailleurs aussi la première fois de ma vie que je fais un rapport de majorité et j'étais impressionné d'avoir un adversaire aussi prestigieux que Gabriel Barrillier en face de moi !
Ensuite, sur le fond, il y a tous ceux qui disent: «Ouh, jamais je ne récolterai une signature sans être là !» Mais ils ignorent la loi, ce qui ne devrait pas être le cas d'un député ! L'article 88 de la loi sur l'exercice des droits politiques prévoit la mise à disposition des listes: les auteurs de l'initiative ou du référendum peuvent remettre des listes de signatures dans les mairies pour être tenues à disposition des électeurs. Et puis tous les partis envoient évidemment aussi des cartes-réponse sans que Gabriel Barrillier ou un autre militant soit présent, pour qu'à défaut de signature électronique les électeurs puissent renvoyer le document depuis chez eux - la Poste existe encore et on la défend - après l'avoir lu - parce que l'école genevoise, ça existe aussi et on y apprend aux gens à lire ! Grâce à la Poste et à l'école, deux institutions publiques, eh bien, on peut en effet récolter un certain nombre de signatures sans être forcément derrière le stand. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)
Mesdames et Messieurs, Murat Alder a eu le mot juste: bien sûr que c'est une démarche qui s'inscrit dans la volonté d'Ensemble à Gauche ! Mais c'est une volonté qui a été soutenue par une majorité des citoyens pour faciliter l'exercice des droits de démocratie directe dans ce canton et faire aboutir des référendums qui s'opposent à une politique que nous contestons - une politique à nos yeux antisociale - et pour permettre des avancées sur des questions importantes, sociales, concernant le travail, etc.
Le président. Veuillez terminer, s'il vous plaît.
M. Pierre Vanek. Dans cette optique, pourquoi ne pas voter ce projet de loi qui ne fait qu'introduire un peu de transparence dans un processus étatique aujourd'hui opaque ?
Le président. Merci, Monsieur. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote sur ce projet de loi.
Mis aux voix, le projet de loi 11509 est adopté en premier débat par 53 oui contre 32 non.
Le projet de loi 11509 est adopté article par article en deuxième débat.
Mise aux voix, la loi 11509 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 53 oui contre 30 non.