République et canton de Genève

Grand Conseil

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La séance est ouverte à 17h15, sous la présidence de M. Eric Leyvraz, président.

Assistent à la séance: MM. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, et Mauro Poggia, conseiller d'Etat.

Exhortation

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Pierre Maudet, Anne Emery-Torracinta, Serge Dal Busco, Luc Barthassat et Antonio Hodgers, conseillers d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Beatriz de Candolle, Edouard Cuendet, Nathalie Fontanet, Pierre Gauthier, Sandra Golay, Lionel Halpérin, Patrick Lussi, Vincent Maitre, Christina Meissner, Guy Mettan, Bénédicte Montant, Philippe Morel, Lydia Schneider Hausser, Eric Stauffer, Alberto Velasco, Salika Wenger, Ronald Zacharias et Christian Zaugg, députés.

Députés suppléants présents: Mmes et MM. Jean Fontaine, Nathalie Hardyn, Patrick Hulliger, Patrick Malek-Asghar, Claire Martenot, Maria Pérez, Alexandra Rys, Marion Sobanek, Pascal Uehlinger, Céline Zuber-Roy.

Annonces et dépôts

Néant.

PL 11421-B
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Pierre Vanek, François Baertschi, Christina Meissner, Patrick Lussi, Sandro Pistis, Francisco Valentin, Pascal Spuhler, Ronald Zacharias, Daniel Sormanni, Sandra Golay, Marie-Thérèse Engelberts, Jean Sanchez, Christian Flury, Jean-François Girardet, Bernhard Riedweg, Henry Rappaz, Jocelyne Haller modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (LRGC) (B 1 01) (Garantir les droits démocratiques fondamentaux)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 15 et 16 décembre 2016.
Rapport de majorité de M. Pierre Conne (PLR)
Rapport de minorité de M. Romain de Sainte Marie (S)

Premier débat

Le président. Mesdames et Messieurs, nous abordons le PL 11421-B, qui est à l'ordre du jour pour la treizième fois. Je vous rappelle que lors de la dernière session, j'ai eu entre les mains une proposition de motion qui était à l'ordre du jour pour la vingt-septième fois. Il y a un problème fondamental dans le fonctionnement de notre Grand Conseil, il faudra une fois que nous prenions ce problème en main.

Nous sommes en catégorie II, quarante minutes. Le rapport de majorité est de M. Conne, à qui je passe la parole.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. Chers collègues, en introduction, j'attire votre attention sur le fait que ce projet de loi est un des plus importants de cet après-midi, d'une part parce qu'il porte sur l'exercice des droits politiques et d'autre part parce que s'il était adopté, il pourrait avoir des effets qui iraient à l'encontre de ce que souhaitent probablement les initiants. En effet, le texte dit une chose assez simple: «Le droit de siéger est garanti et l'employeur a l'obligation de libérer l'élu pour accomplir son mandat.» Mesdames et Messieurs, c'est déjà assez difficile aujourd'hui pour les personnes qui travaillent de faire de la politique; si en plus on impose à tous les employeurs une exigence de ce niveau-là, la recherche d'emploi, voire la collaboration dans tous les domaines d'activités pourraient être rendues plus compliquées. Nous devons garder en tête ce fond de la question. Pour le moment, en tout cas, ce projet de loi ne prévoit absolument pas une possibilité de négocier son temps de travail et le temps nécessaire pour exercer les droits politiques. C'est là un premier avertissement. (Brouhaha.)

Ensuite, l'histoire de ce projet de loi. D'où vient-il ? C'est assez simple. Le règlement du personnel de l'Etat, le RPAC, était lacunaire s'agissant de la manière dont l'employeur et l'employé peuvent s'organiser pour qu'un élu fonctionnaire puisse siéger. Constatant cette imprécision, le Conseil d'Etat a précisé cet élément en 2014 avec un article intitulé: «Exercice d'un mandat électif», qui cadre la nécessaire collaboration entre l'employeur et l'employé pour permettre à celui-ci de siéger. L'article prévoit que l'autorité compétente d'un fonctionnaire doit préciser l'organisation du travail, notamment si le mandat s'exerce pendant les heures de travail. C'est l'un des alinéas. Un autre précise que s'il faut compenser d'une manière ou d'une autre l'absence pour cause de séance, la compensation se fait en temps de travail ou par la réduction du taux d'activité. Ce sont des choses assez naturelles, tellement d'ailleurs qu'on en trouve la reconnaissance dans le rapport de minorité. Je le cite: «[...] il n'est pas équitable qu'il y ait un double salaire. Une réduction de salaire ou une compensation doit être prévue. La personne, pendant qu'elle travaille, est payée par l'employeur et, pendant qu'elle siège, indemnisée par le Grand Conseil.» La minorité reconnaît donc qu'on ne peut pas simplement imposer avec force de loi le droit de siéger sans prévoir la nécessaire négociation. C'est le premier point.

Le règlement de 2014 auquel je fais référence a été frappé d'un recours et le Tribunal fédéral s'est prononcé. Que dit-il de l'état actuel du règlement ? Il dit que le règlement actuel ne crée pas de nouvelles incompatibilités, ne restreint pas l'exercice des droits politiques, respecte la séparation des pouvoirs et aménage les conditions d'exercice d'un mandat politique.

Mesdames et Messieurs, je vous invite à traiter ce sujet avec la plus grande attention et, évidemment, à rejeter ce projet de loi. Je compléterai mon intervention tout à l'heure.

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, comme M. le rapporteur de majorité l'a mentionné dans son rapport et son explication, ce projet de loi est issu d'une modification réglementaire de la part du Conseil d'Etat, qui, par le durcissement qu'elle introduit, entrave la possibilité de siéger, qui contraint davantage les employés de l'Etat dans cette possibilité. Je lis les deux alinéas en question de l'article 11, l'alinéa 1, d'abord: «Les membres du personnel ne peuvent exercer un mandat électif incompatible avec leur fonction ou qui porte préjudice à l'accomplissement des devoirs de service.» L'alinéa 2, particulièrement problématique, dit: «Une autorisation de l'autorité compétente est nécessaire si le mandat est exercé pendant les heures de travail. L'absence doit être compensée. L'autorisation fixe les modalités de la compensation.»

Dans mon rapport de minorité, j'ai très clairement indiqué qu'il ne s'agit pas de légitimer par ce projet de loi le fait pour un employé de l'Etat qui serait élu de gagner un double salaire, soit le fait de siéger tout en étant rémunéré durant ces mêmes heures de séance au Grand Conseil; non, il s'agit ici d'octroyer le droit - garanti par l'article 45 de la constitution - d'exercer pleinement ses droits politiques, donc le droit d'être élu, de siéger librement, non pas sur les heures de travail, donc sans être rémunéré doublement, mais en pouvant être libéré à cette fin et en fournissant des compensations si nécessaire pour pouvoir siéger. La modification réglementaire faite par le Conseil d'Etat va dans le sens inverse; elle inquiète une minorité - enfin, je ne sais pas si on peut qualifier de minorité ce bord de la commission: vous avez vu que le vote en commission était absolument neutre, il y a eu sept voix pour et sept contre, avec une abstention, on verra l'issue du vote aujourd'hui. La moitié de la commission est particulièrement sceptique par rapport à ce règlement et voit d'un mauvais oeil ce durcissement réglementaire. C'est pourquoi ce projet de loi vise simplement à rappeler et à mentionner dans la LRGC le droit de siéger, à l'inscrire clairement dans la loi et à ne pas laisser au règlement cette portée qui restreint le droit politique fondamental de siéger.

Ainsi, Mesdames et Messieurs, la moitié de la commission, qui est une minorité mais qui reste quand même la moitié de la commission, vous invite à adopter ce projet de loi et à adopter l'amendement technique déposé - vous l'avez sur vos tables - concernant l'entrée en vigueur. Vous aurez compris que l'entrée en vigueur du texte le jour de son adoption poserait un certain nombre de problèmes; c'est pourquoi l'amendement prévoit l'entrée en vigueur le lendemain de la promulgation dans la «Feuille d'avis officielle». (Brouhaha.)

Le président. Merci, Monsieur. (Brouhaha.) Monsieur de Senarclens, s'il vous plaît ! Merci. Madame Orsini, c'est à vous.

Mme Magali Orsini (EAG). Merci, Monsieur le président. Je trouve personnellement inouï qu'un fonctionnaire genevois élu député au Grand Conseil ait pu demander au Conseil d'Etat de recevoir son traitement intégral plus des heures de repos payées un lendemain de vote du budget, en raison du nombre d'heures passées à siéger et de la fin tardive des débats de la veille. S'est-il un seul instant interrogé sur le cas de tous les élus qui ont un statut d'indépendant, qui siègent dans ce même parlement et sont contraints, sans indemnités particulières, de rattraper le manque à gagner dû à leur absence dans leur entreprise ? Ne seraient-ils pas, comme tous leurs collègues, bénéficiaires d'un dispositif justement dénommé jetons de présence ? Enfin, comme la majorité de leurs collègues: dans les groupes normaux, les députés bénéficient de jetons de présence. C'est à juste titre que le Conseil d'Etat a précisé en 2014 par une modification du règlement relatif au personnel de l'administration: «Les membres du personnel ne peuvent exercer un mandat électif incompatible avec leur fonction ou qui porte préjudice à l'accomplissement des devoirs de service.» C'est ce que n'importe quel employeur du secteur privé exigerait de son employé dans le meilleur des cas, et les auteurs de ce projet de loi le savent fort bien. Malgré tout le respect qu'ils portent à l'exercice des droits politiques, nombre de patrons de PME ne pourraient s'offrir le luxe d'avoir du jour au lendemain à faire face à des absences non compensées de leurs employés élus; cela les pousserait inévitablement à se passer de leurs services, quand on sait ce que représente un travail sérieux de député en heures de présence aux séances plénières et de commission - pour ceux à qui on laisse encore le loisir d'aller en commission. (Commentaires.)

Quant à la prétention à des heures de repos payées après une journée fatigante, elle est simplement ahurissante. On est effaré par la perception qu'ont de leurs droits supposés certains individus par ailleurs plutôt favorisés et protégés par la garantie d'emploi qu'offre l'Etat employeur. C'est à juste titre que le Tribunal fédéral a considéré que la nouvelle précision apportée dans le règlement de la fonction publique ne constitue pas une atteinte supplémentaire aux droits des fonctionnaires. Il ajoute même que du point de vue de l'égalité de traitement, en particulier, ces précisions constituent une amélioration. «Rien [...] ne permet de craindre», dit-il, «que les employés publics puissent être empêchés d'exercer leurs mandats électifs au point de les rendre "moins éligibles" que les autres candidats. Les dispositions contestées apparaissent au contraire susceptibles d'une application respectueuse du principe de la proportionnalité et, partant, conforme à la Constitution.» Il suffit d'observer la composition du Grand Conseil pour constater qu'on y rencontre peu de salariés du secteur privé, alors que nombre d'entre eux rêveraient sans doute aussi de pouvoir se présenter aux élections sans risquer d'y perdre leur emploi. C'est la preuve que les très nombreux fonctionnaires qui y siègent ont pu le faire jusque-là sans revendication particulière... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...trop heureux de pouvoir assumer leur mandat de député tout en continuant à toucher leur salaire dans la fonction publique. Nous ne saurions donc trop recommander un peu de décence aux auteurs de ce projet de loi. Le rapporteur de minorité lui-même admet qu'il ne serait pas équitable, qu'il s'agisse du secteur public ou du secteur privé, qu'il y ait un double salaire. Il écrit que...

Le président. Il vous faut terminer.

Mme Magali Orsini. ...«la personne, pendant qu'elle travaille, est payée par l'employeur et, pendant qu'elle siège, indemnisée par le Grand Conseil». Et enfin, on nous rappelle que les droits fondamentaux sont le droit de vote et d'éligibilité et qu'ils sont déjà garantis par la Constitution fédérale. Je vous remercie, Monsieur le président.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Ce projet de loi, qui ne concerne que le mandat de député, trouve son origine dans une modification du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'Etat. Il précise les conditions d'exercice d'un mandat politique par les membres de la fonction publique. Ce projet de loi oblige l'employeur à libérer son employé pour l'exercice de son mandat de député sans restriction, sans égard à son devoir de diligence, de secret d'entreprise ou de fidélité envers son employeur, ce qui pose un problème de conformité au droit supérieur. Il ne laisse aucune marge de manoeuvre aux entreprises privées pour négocier les conditions d'exercice d'un mandat de député, ce qui ne les inciterait peut-être pas à engager des personnes qui auraient un mandat électoral. Pour le confort de l'employé comme pour celui de l'entreprise, il est préférable que les conditions de l'exercice d'un mandat électif ainsi que les conditions de libération soient discutées à l'engagement. Le fait de quitter son travail pour exercer un droit politique sous-entend le maintien du salaire à 100%, mais le principe de la surindemnisation doit être résolu. Il faut se poser la question de la compensation financière, comme les jetons de présence qui seraient à verser à l'employeur.

On ne peut pas opposer la LRGC à un employeur: la LRGC est un règlement qui s'applique aux députés et ne peut pas avoir de conséquences externes. En d'autres termes, la loi portant règlement du Grand Conseil ne s'applique pas à la relation entre l'employé et l'employeur, qu'il s'agisse du secteur privé ou public. Il s'agit d'un règlement interne au Grand Conseil. L'unique raison pour laquelle il prend la forme d'une loi est le fait d'assurer la possibilité du référendum facultatif et pour éviter que le Conseil d'Etat ne vote lui-même le règlement du Grand Conseil.

De plus, ce projet de loi pose un problème entre la loi générale relative au personnel de l'administration et le code des obligations, en créant une inégalité de traitement entre les salariés du secteur privé et ceux du secteur public. Il vise à garantir les droits démocratiques fondamentaux, alors qu'il s'agit d'instituer un droit de siéger garanti et d'obliger les employeurs à libérer les salariés députés qui devraient siéger. Il ne faut pas perdre de vue qu'au cas où un employeur voudrait interdire à un député de siéger, le droit permet déjà d'intervenir à la fois au niveau du Grand Conseil, mais aussi pour le salarié qui peut recourir au tribunal des prud'hommes. Ce projet de loi n'a donc pas de réelle efficacité juridique et n'est pas applicable. Si on admet qu'un employeur a l'obligation de libérer un élu, il faudra considérer que le temps passé pour accomplir son mandat soit pris sur les vacances ou ne soit pas rémunéré. Si l'on estime que la LRGC peut être compétente, il faudrait alors effectuer une modification aux niveaux communal et fédéral, car les droits fondamentaux doivent s'appliquer à tout le monde. C'est sur cet argument que la plénière a voté le renvoi en commission le 1er septembre 2016. Les employeurs retiennent rarement leurs employés qui ont une activité politique, mais il est possible que les employeurs soient réticents à employer des élus. Si en plus on rend impératif le fait de libérer son employé, cela deviendra encore plus difficile pour les élus de trouver un emploi. L'Union démocratique du centre estime que le projet de loi n'est pas applicable en l'état et ne votera pas l'entrée en matière. Merci, Monsieur le président.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, pour le parti démocrate-chrétien, ce projet de loi n'a absolument aucun sens. On l'a déjà évoqué, Monsieur le président, l'article 11 du RPAC a été jugé conforme par la haute cour dans son arrêt du 27 janvier 2015. Il ne restreint pas l'exercice des droits politiques, respecte la séparation des pouvoirs, aménage les conditions d'exercice des mandats électifs, n'est qu'une émanation du devoir de fidélité des employés de l'Etat, améliore la sécurité du droit, car les aménagements peuvent être contestés au cas par cas. De plus, ce qui est très important pour le parti démocrate-chrétien, Monsieur le président, c'est qu'avec ce projet de loi, la pratique actuelle serait évacuée. Cette pratique qui a cours au sein des entreprises publiques et privées donne entière satisfaction: elle permet d'aménager le temps de travail en respectant à la fois les engagements d'un employé vis-à-vis de son employeur et l'exercice des droits politiques garanti par la Constitution. Adopter ce projet de loi revient à nier tout ce qui ressort de la négociation et de l'accord entre employés et employeurs, et vous savez, Monsieur le président, que le parti démocrate-chrétien y tient tout particulièrement. Pour nous, les dispositions actuelles sont suffisantes, les droits fondamentaux ne sont pas entravés. Nous voterons non à ce projet de loi - aussi, Monsieur le président, pour éviter de surcharger notre Grand Conseil. Je vous remercie.

M. Christian Flury (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, oui, assurément, chacune et chacun devrait pouvoir exercer l'activité politique sans avoir à subir des chicaneries ou autres tracasseries administratives. La LPAC et le RPAC n'ont pas d'incidence sur les emplois du secteur privé, ces deux textes conditionnent les relations de travail de toute la fonction publique. A ce sujet, il est bon de garder en mémoire que certains fonctionnaires, selon l'emploi ou le poste occupé, peuvent librement décider de leurs horaires et, par voie de conséquence, ont la faculté de se libérer afin de pouvoir assurer les charges de leur fonction élective. D'autres, par contre, devront se justifier, quémander des arrangements de service, compenser leurs absences par des heures supplémentaires ou sacrifier des jours de vacances afin de pouvoir se libérer pour siéger.

Une voix. C'est exactement ça !

M. Christian Flury. En fonction du poste occupé et de leur parti, d'autres, enfin, subiront toute sorte de tracasseries, quand il ne s'agit pas d'intimidations, voire de menaces non clairement exprimées. Enfin, sur le sujet brûlant du «double salaire», rappelons-nous que la fonction de député au Grand Conseil correspond globalement à un taux d'activité de 30% à 40%. Tant l'étude de dossiers que la préparation de textes ou la rédaction de rapports s'effectuent sur le temps libre du fonctionnaire. Au lieu d'aller à la salle de sport, aux champignons ou à la piscine, le fonctionnaire député passe ses jours de congé à oeuvrer pour la collectivité. Il touche un pécule pour cela, mais seulement pendant les heures de séance; le travail à domicile est compris, et tout additionné, il ne reste finalement pas grand-chose. Le Mouvement Citoyens Genevois souhaite une harmonisation, une équité de traitement des membres de la fonction publique qui sont élus et vous encourage, Mesdames et Messieurs les députés, à soutenir ce projet de loi. Je vous remercie.

Mme Frédérique Perler (Ve). Mesdames et Messieurs les députés, en préambule, je préciserai que le groupe des Verts a toujours été en faveur de droits politiques élargis, qui font partie de nos fondamentaux. Cependant, comme j'ai eu l'occasion de l'exprimer, le groupe des Verts continuera à s'abstenir. Le fond du problème réside dans le changement du RPAC par le Conseil d'Etat, qui prévoit à présent une autorisation de l'employeur pour être candidat à une élection: nous partageons le courroux des auteurs de ce projet de loi face à cette modification de règlement; la question est juste. Mais ce projet de loi n'est pas applicable, cela a été abondamment expliqué. La question reste pourtant juste.

Le groupe des Verts regrette que le Conseil d'Etat, depuis 2014, n'ait pas eu l'idée, suite au dépôt de ce projet de loi, de modifier son règlement dans le sens demandé par les auteurs du texte. Il a ainsi fallu que nous, députés du Grand Conseil, nous réglions ce problème difficile. Notre position reste la même qu'en commission: nous nous abstiendrons sur ce projet de loi, qui va trop loin, car il concerne tous les employeurs et pas seulement l'employeur Etat de Genève; en cela, ce texte ne modifie pas la bonne loi, la LRGC. Nous persisterons donc dans notre abstention. Je vous remercie.

M. Serge Hiltpold (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je ne peux pas m'empêcher de citer la page 5 du rapport, sur la conception des droits fondamentaux: «Les droits fondamentaux sont le droit de vote (droit actif) et d'éligibilité (droit passif); ils sont déjà garantis par la Constitution fédérale.» En tant qu'employeur, on est assez pragmatique. Le nouvel alinéa 2 introduit dans l'article 20 de la LRGC par ce projet de loi, «Le droit de siéger est garanti et l'employeur a l'obligation de libérer l'élu pour accomplir son mandat», est clairement inacceptable.

La relation d'un employeur à un employé est extrêmement simple. Quand un employé désire s'engager en politique, en général, un dialogue se noue avec son chef, son patron, et la personne dit qu'elle aimerait un aménagement de son temps de travail. Une discussion a lieu. Il n'y a pas besoin de légiférer ! Une personne qui se trouve dans une entreprise se demandera si ça pose un problème pour l'entreprise si elle s'engage en politique: oui, non ? Le droit fondamental implique aussi un devoir: si vous êtes élu, vous prenez vos responsabilités ! Si votre employeur n'est pas d'accord de vous accorder un aménagement dans votre temps de travail, que ce soit pour faire de la politique ou pour vous occuper d'un club de football ou d'une association, eh bien vous changez de travail ! (Remarque.) Oui, Madame Haller, vous changez de travail, vous prenez vos responsabilités ! Vous avez toute la latitude de mener votre vie; ce n'est pas à l'employeur de dégager du temps pour cela.

Quant à la perte salariale, certains députés fonctionnaires, que je ne nommerai pas, sont dans six ou sept commissions. Qu'en est-il de la transparence des revenus ? Qu'en est-il des déductions salariales sur les postes ? On ne les connaît pas. La solution préconisée dans ce projet de loi est mauvaise, elle se ferait au détriment du secteur privé, tous domaines confondus. Parce que la réalité, la réalité simple, c'est que si quelqu'un fait un passage en force pour siéger, imaginez simplement ce que fera l'employeur !

Une voix. Très bien, tu as bien expliqué.

Une autre voix.  Ça a l'avantage d'être clair.

M. Cyril Mizrahi (S). Mesdames et Messieurs les députés, chères et chers collègues, il me semble que tout le monde est d'accord sur un aspect, sur lequel il ne sert donc à rien de débattre durant des heures: le fait qu'il ne doit pas y avoir de double salaire. On ne peut qu'être d'accord à ce propos, le rapport de minorité le mentionne, du reste. Mais il y a d'autres aspects sur lesquels, me semble-t-il, nous ne sommes pas tout à fait d'accord. Tout d'abord, on nous dit que c'est contraire au droit fédéral ou que ce serait inapplicable. En réalité, Mesdames et Messieurs, si on regarde le droit fédéral, que dit en particulier l'article 324 du code des obligations ? En substance, cet article stipule exactement la même chose que cette disposition. On ne voit donc pas comment on pourrait affirmer que le canton ne serait pas autorisé à adopter une disposition qui, finalement, ne fait pas du tout obstacle à l'application du droit fédéral, puisque cette disposition dit en substance la même chose, et qu'en plus, il est fréquent que le canton adopte des dispositions de droit public cantonal qui ont un impact sur les relations de droit privé.

Mon collègue préopinant nous dit que c'est une question de dialogue: mais ce n'est pas tout à fait ce que dit l'article 324a ! Quand une employée est enceinte, elle ne vient pas vous demander une autorisation pour avoir son congé maternité ! Pour l'élection, fondamentalement, si on suit la loi, c'est la même chose ! Je ne dis pas qu'il ne doit pas y avoir de dialogue, mais le dialogue porte sur la manière dont on met en oeuvre la chose. Le droit d'être élu est un principe et il n'y a pas à avoir une discussion préalable là-dessus pour demander l'autorisation, en tout cas si on s'en tient au texte légal. Je ne suis pas sûr que le licenciement d'une personne en raison de son élection serait conforme au droit.

Deuxièmement, existe-t-il une marge de manoeuvre quant à l'incompatibilité ? Le Tribunal fédéral dit dans son arrêt, en somme: «D'accord, on demande l'autorisation, mais ce n'est pas tout à fait exclu que l'Etat fasse son boulot correctement et qu'il donne les autorisations quand il le doit.» Très bien, mais comme l'a dit Christian Flury, ce n'est pas non plus totalement exclu que l'Etat fasse mal son boulot et qu'on mette des bâtons dans les roues aux gens ! Et c'est précisément ça qu'on veut éviter, parce qu'il n'y a aucune marge de manoeuvre au niveau du canton. Les causes d'incompatibilité pour certains fonctionnaires - les proches collaborateurs des conseillers et conseillères d'Etat, les cadres supérieurs et aussi les cadres supérieurs des régies - sont de réelles incompatibilités. En dehors de ces incompatibilités prévues dans la constitution, il n'y a aucune place pour d'autres. Le canton en tant qu'employeur - cela a été dit dans un cas lancéen relaté dans le rapport de minorité, et c'est la même chose qui prévaut pour le canton - n'a strictement aucune marge de manoeuvre pour ajouter des incompatibilités supplémentaires sans violer la constitution cantonale. A partir de là, on peut effectivement se demander si mettre cette disposition dans la LRGC est véritablement une bonne idée: peut-être qu'il faudrait plutôt la mettre dans la loi sur les droits politiques ou éventuellement dans la LPAC. Ce qui paraît intelligent est de renvoyer la question en commission pour tomber d'accord sur une formulation. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur. Je laisse les rapporteurs s'exprimer sur cette demande de renvoi en commission. Monsieur de Sainte Marie ?

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je soutiens le renvoi en commission. M. Mizrahi l'a extrêmement bien dit, autant nous soutenons le principe, autant il peut y avoir une discussion sur la place dans la LRGC et éventuellement un amendement général qui permettrait peut-être de mettre tout le monde d'accord - j'ai l'impression que dans cette salle, on est plutôt d'accord sur le fait d'accorder ce droit de siéger, et aussi de reconnaître que la question du double salaire ne se pose pas aujourd'hui. En revanche, il y a peut-être bien un problème d'emplacement de la disposition.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Monsieur le président, chers collègues, je vous invite à refuser ce deuxième renvoi en commission...

Une voix. Premier.

M. Pierre Conne. Non, deuxième !

Des voix. Oui !

M. Pierre Conne. Je pense qu'on a fait le tour de la question. A l'heure actuelle, le règlement - le RPAC - ne s'oppose absolument pas à la garantie des droits démocratiques fondamentaux, parce que cet article du règlement porte sur l'exercice du mandat politique et vise à cadrer son organisation. Il ne représente absolument pas un obstacle à la candidature à une élection d'un employé soumis à la LPAC. C'est uniquement dans le cas d'une personne élue qui dès lors exerce son droit qu'à juste titre, depuis 2014, le Conseil d'Etat a affiné le règlement, qui reprend exactement - mon préopinant du groupe socialiste l'a dit - l'esprit du code des obligations.

Le président. Sur le renvoi en commission, s'il vous plaît !

M. Pierre Conne. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation symétrique, il est donc inutile de renvoyer ce projet de loi en commission. Merci.

Le président. Merci, Monsieur. Je lance le vote sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11421 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 43 non contre 42 oui et 2 abstentions. (Exclamations à l'annonce du résultat.)

Le président. La parole est à M. Baertschi pour deux minutes.

M. François Baertschi (MCG). Merci, Monsieur le président. (Brouhaha.)

Le président. S'il vous plaît ! Attendez deux secondes, Monsieur Baertschi. Un peu de silence, s'il vous plaît ! (Le silence revient.) Allez-y, Monsieur.

M. François Baertschi. Merci, Monsieur le président. Dans notre démocratie de milice, être élu est un service à la république, comme le service militaire en est un à notre pays, entre autres obligations que l'on peut avoir. Imaginerait-on être soumis pour le service militaire au bon vouloir d'un employeur ? Je ne le pense pas. Je pense qu'il doit y avoir une symétrie avec le fait de donner de son temps, de son énergie pour la république; il faut pouvoir être libéré, l'élection ne doit pas dépendre de la bonne volonté ou du bon vouloir d'un employeur. C'est un principe de base, je m'étonne qu'il soit contesté.

Par ailleurs, il y a actuellement une pratique très spéciale à l'Etat de Genève: certaines régies publiques donnent automatiquement des congés, des rémunérations donc, pendant que la personne siège ici; dans d'autres départements - c'est un peu à géométrie variable suivant les départements, suivant peut-être l'humeur de je ne sais quelle hiérarchie ou du président du département - on peut siéger ou on ne peut pas siéger. (Brouhaha.) C'est l'ouverture à l'arbitraire, c'est aussi la confusion entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, voire quelques problèmes dans l'autonomie communale. On est allé dans une direction dangereuse. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Le bienfait de ce texte de loi est qu'il permet d'affirmer un principe démocratique, utile. Il mettra fin à la bidouille actuelle - ayons le courage de dire qu'actuellement, il y a beaucoup de bidouille dans l'Etat de Genève. Chacun essaie de trouver son avantage, c'est logique...

Le président. Il vous faut terminer.

M. François Baertschi. Merci, Monsieur le président. Je redemande donc le renvoi en commission. (Exclamations.)

Une voix. Bravo !

Le président. Très bien. Nous attendons quelques secondes que les gens reviennent à leur place. (Un instant s'écoule.) Messieurs les rapporteurs, voulez-vous reprendre la parole ? Je ne pense pas... (Remarque.) Si !

Une voix. Mais non !

Le président. Alors reprenez la parole. Commencez, cette fois, Monsieur Conne.

M. Pierre Conne (PLR), rapporteur de majorité. Merci beaucoup, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs, savez-vous quand la commission des droits politiques a commencé à traiter cet objet ? Le 21 mai 2014 ! Il vous a fallu quatre ans pour réaliser que ce projet de loi était mal foutu et n'avait rien à faire avec la LRGC ? Je vous en prie, vous vous moquez de qui ? Il est exclu qu'on reprenne ce projet de loi à la commission des droits politiques. Déposez un nouveau texte, Mesdames et Messieurs. Pas de renvoi, merci ! (Applaudissements.)

Une voix. Bravo !

M. Romain de Sainte Marie (S), rapporteur de minorité. C'est un peu l'hôpital qui se moque de la charité, alors que le PLR a demandé à plusieurs reprises le renvoi en commission du projet de loi sur l'enfance et la jeunesse après un traitement qui a occupé 22 séances en commission ! Donc oui au renvoi en commission ! (Applaudissements.)

Une voix. Oui, bravo !

Le président. Très bien, nous allons voter sur la demande de renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11421 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 45 non contre 43 oui et 1 abstention.

Le président. Madame Magnin, il vous reste cinquante-huit secondes.

Mme Danièle Magnin. Excusez-moi, Monsieur le président, c'était pour demander le renvoi en commission, mais j'avais appuyé sur le mauvais bouton.

Le président. Merci, Madame. La parole n'étant plus demandée, nous pouvons passer au vote d'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11421 est rejeté en premier débat par 45 non contre 35 oui et 10 abstentions.

PL 11509-A
Rapport de la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil chargée d'étudier le projet de loi de Mme et MM. Christian Grobet, Thierry Cerutti, Sandro Pistis, Jean-François Girardet, Daniel Sormanni, Ronald Zacharias, Pascal Spuhler, Marie-Thérèse Engelberts, Henry Rappaz, Francisco Valentin, Christian Flury, François Baertschi, Jean-Marie Voumard modifiant la loi sur l'exercice des droits politiques (LEDP) (A 5 05) (Comptage intermédiaire des signatures (initiatives et référendums))
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session VI des 21 et 22 septembre 2017.
Rapport de majorité de M. Pierre Vanek (EAG)
Rapport de minorité de M. Gabriel Barrillier (PLR)

Premier débat

Le président. Nous passons au point suivant de notre ordre du jour, que nous traiterons en catégorie II, quarante minutes: le PL 11509-A. Monsieur Vanek, c'est à vous.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président, de me donner - cette fois-ci - la parole sur cet excellent projet de loi qui est d'une simplicité évangélique: il prévoit simplement d'introduire de la transparence dans les dispositions concernant le processus de récolte et de comptage des signatures pour les initiatives et les référendums. En effet, dans le cas, par exemple, des initiatives ou des référendums fédéraux, on fait valider les signatures en cours de route dans les communes, et les initiants ou les référendaires savent où ils en sont. Ce processus transparent qui permet aux initiants et aux référendaires de savoir où ils en sont en matière de récolte de signatures n'existe pas à Genève: on doit récolter une abondance de signatures puis les déposer, et c'est l'inconnu jusqu'à ce que les services de M. Ascheri, à la chancellerie, aient fini le processus de vérification. On sait alors si on a accouché d'un texte en mesure d'être soumis au peuple ou si le processus démocratique a calé en route.

Nous pensons qu'il est dommage que cet élément de transparence n'existe pas à Genève. La transparence est une règle générale pour notre activité publique, il n'y a aucune raison de cacher des choses qui ne méritent pas d'être cachées. Et il y a un intérêt public réel, modeste mais réel, à permettre aux initiants et aux référendaires de savoir où ils en sont, y compris à ce que le public le sache ! Que les gens puissent se dire: «Bon sang, mais c'est bien sûr ! J'ai intérêt à signer ce texte si je veux qu'il aboutisse !» Nous avons donc proposé des dispositions de comptage intermédiaire des signatures. Je dis «nous», mais c'est essentiellement Christian Grobet, encore présent dans cette salle, qui est l'auteur de cette proposition, comme il était l'auteur de celle sur la baisse du nombre de signatures qui a eu l'heur de plaire au corps électoral lors d'une récente votation.

Nous avons évidemment entendu - je fais court - le service des votations et élections ainsi que M. Ascheri, qui nous a fait part d'un certain nombre de considérations. Nous avons, je crois, entendu la chancelière qui nous a également fait part d'un certain nombre de considérations. Le projet que vous trouvez à la page 23 de mon rapport, tel qu'il est sorti de commission, eh bien, vous le trouvez aussi à la page 24 du même document ! Ce n'est pas parce que je bégaie quand je fais des rapports, mais parce qu'il s'agit d'un amendement général que nous avons intégralement repris de la chancellerie. Suite aux travaux de commission et aux rapports qu'elle a reçus sur ceux-ci, suite à l'accès qu'elle a eu aux procès-verbaux, Mme la chancelière a en effet eu l'amabilité de corriger un certain nombre de formulations peut-être problématiques et de nous proposer une disposition qui, disons, correspondait au mieux aux exigences de ses services en la matière. Pour faire court et sans entrer dans le détail de la rédaction, le délai de récolte des signatures pour les initiatives - je le dis à l'intention de ceux qui n'en font pas beaucoup - est de quatre mois, et le dépôt des listes pourra se faire en trois fois: une fois, deux fois et puis, à la fin, trois fois. Pour les référendums, dont le délai est de quarante jours, le dépôt pourra se faire en deux fois. C'est une question de transparence, et ça devrait évidemment réunir une majorité. En effet, comme vous le voyez, je suis exceptionnellement le rapporteur de majorité de la commission. Merci !

M. Gabriel Barrillier (PLR), rapporteur de minorité. Monsieur le président, chers collègues, le rapporteur de majorité nous a rappelé qu'il ne bégayait pas ! Mais puisque nous en sommes au chapitre des droits politiques et du fonctionnement de nos institutions et du Grand Conseil, je constate juste pour la forme que la commission des droits politiques a fini ses travaux le 15 octobre 2014 alors que vous avez rendu votre rapport le 5 septembre 2017 - je vous le dis en toute amitié; vous le savez, je vous l'ai rappelé ! Trois ans et demi au bas mot après la fin de nos travaux, non sans que je vous aie rappelé votre devoir à plusieurs reprises. En ce qui me concerne, je ne veux pas me mettre en avant, mais j'ai rendu mon rapport de minorité le 10 novembre 2014. Juste comme ça, en passant: le président a rappelé tout à l'heure combien de temps une motion ou un autre objet attendait pour passer en plénière. Là, il n'a pas attendu longtemps puisqu'il vous a fallu trois ans et demi pour le déposer ! Je vous le dis en passant, comme cela, parce que les institutions ne peuvent pas bien fonctionner si les députés, dont vous avez défendu les droits tout à l'heure, ne font pas leur travail correctement - je pense que vous en êtes conscient. Je vous le dis en tant qu'ancien président du Grand Conseil. (Applaudissements.)

Une voix. Bravo.

M. Gabriel Barrillier. Cela dit, pour en venir au projet de loi que vous avez déposé, vous avez prétendu qu'un trop grand nombre d'initiatives étaient invalidées faute d'avoir atteint le seuil de signatures prévu par la loi. Or, nous avons été informés lors des travaux de la commission que, depuis 1976, seules 9 initiatives sur 118 et 7 référendums sur 140 n'avaient pas abouti faute d'avoir atteint le seuil des signatures valables requises - mais c'était en 2014, depuis il y en a eu d'autres. Votre crainte n'est donc pas fondée. Par ailleurs, si j'ai pris le rapport de minorité - je m'en souviens vaguement, chers collègues, c'était il y a vraiment longtemps - je reconnais que c'est parce que j'ai été un peu surpris de constater que des récoltes de signatures se font devant les sièges de partis ou d'associations professionnelles, les formulaires de référendums mises sur un tabouret avec un crayon, mais sans personne pour expliquer au citoyen qui passe devant s'il a le droit de signer ou pas. Pour moi, pour la minorité, le dépôt d'un référendum ou d'une initiative est un acte de responsabilité ! On n'a pas à déposer ces textes sans explications, sans attirer l'attention du citoyen sur le fait de savoir s'il a le droit ou pas de signer ! En fait, vous demandez à l'administration de se substituer aux associations, aux référendaires et aux initiants; vous voulez qu'elle fasse le travail à votre place. A mon avis, c'est de la responsabilité des initiants et des référendaires d'aller jusqu'au bout de leur récolte en comptant et vérifiant la validité des signatures avant le dépôt. C'est donc la raison toute simple pour laquelle j'ai déposé un rapport de minorité, et je répète encore une fois que je suis extrêmement déçu du temps que vous avez mis à rendre votre rapport de majorité ! Je vous remercie. (Applaudissements.)

M. Bernhard Riedweg (UDC). Prévoir un décompte intermédiaire dans le cadre du lancement d'initiatives ou de référendums facilite le contrôle des signatures récoltées et de l'avancement de la campagne: cela évite qu'elle n'aboutisse pas faute de signatures valables. Il n'est pas inutile de mentionner que sur les 166 initiatives annoncées depuis 1976, 48 n'ont pas été déposées, soit le 29%; depuis 2007, ce sont 26 initiatives qui n'ont pas été déposées sur les 57 annoncées, soit le 46%.

Le travail sur le terrain étant devenu plus compliqué vu le nombre de stands, il est difficile pour les initiants et les référendaires de se faire rapidement une idée sur le nombre de signatures récoltées et de savoir si les citoyens qui ont signé étaient habilités à le faire. Quant à la responsabilité des initiants et référendaires concernant la validité des paraphes apposés sur une initiative ou un référendum, il est malaisé de motiver les responsables des stands à effectuer ce tri sur place en plus des explications qu'il leur faut donner au citoyen afin de le convaincre de signer. C'est surtout vrai si le contenu des textes est compliqué - il y a des initiatives et des référendums dont les textes sont difficiles à expliquer et, de ce fait, ils sont difficiles à vendre. Au niveau du service des votations et élections, le travail de contrôle se fait de toute manière et peu importe si c'est en une seule fois ou en plusieurs; ce projet de loi n'entraîne donc pas de coûts supplémentaires. Un décompte intermédiaire évite de gaspiller l'énergie des militants responsables de la récolte de signatures et augmente les chances que l'initiative ou le référendum aboutisse. L'Union démocratique du centre vous invite à réserver un accueil favorable à ce projet de loi. Merci, Monsieur le président.

M. Romain de Sainte Marie (S). Monsieur le président, vous transmettrez tout d'abord mes vifs remerciements et mes félicitations au rapporteur de minorité pour avoir rendu ce rapport à temps. Vous lui rappellerez également qu'il y a des retardataires dans chacun de nos groupes; je crois qu'il y en a aussi au parti socialiste et au PLR.

Plus sérieusement, concernant ce projet de loi, c'est clairement un objet en faveur de la démocratie directe. Je ne pense pas que ce soit un texte pervers, perfide, qui va grandement changer les choses. Cela va en réalité énormément aider les partis ou les associations qui déposent des référendums ou des initiatives pour le décompte des signatures, tâche qui représente malgré tout un investissement considérable. M. Barrillier a raison: l'investissement doit, à mon sens, se manifester sur le terrain et pas dans un bureau, à compter les signatures et à vérifier qu'elles sont valides ! Ce texte aide donc finalement la démocratie directe.

On a aussi récemment eu dans la population le débat concernant le nombre de signatures, et je crois qu'il faut rappeler que la démocratie directe est une bonne chose. Nous sommes dans une démocratie semi-directe; eh bien, ces droits d'initiative et de référendum servent à rechercher le consensus et à prendre en compte les différentes minorités pour ne pas avoir une tyrannie de la majorité, quelque part, comme on peut la connaître dans le système politique français. Les droits d'initiative et de référendum - la démocratie directe - sont donc un véritable poumon pour le débat et pour cette recherche de consensus que j'ai évoquée.

Maintenant, je peux comprendre que M. Barrillier et son parti tiquent, et vous m'excuserez pour cette petite pique, mais peut-être que le PLR a moins l'habitude d'exercer ce droit d'initiative et de référendum. En regardant les votes des différents partis politiques, on voit bien quels partis doivent battre le pavé de façon plus fréquente. Et l'Entente, qui a moins cette habitude-là, n'a peut-être pas envie d'engager le service des votations et élections à effectuer ce décompte intermédiaire. Avec les différents travaux de commission, nous avons pourtant pu voir que cela n'entraînerait pas véritablement des coûts supplémentaires puisqu'un décompte final est de toute façon effectué. Encore une fois, il s'agit simplement d'aider la démocratie directe, et c'est pourquoi le groupe socialiste vous invite à voter ce projet de loi. (Quelques applaudissements.)

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Alors là, vous voyez, Monsieur le président, nous en sommes au mille-feuille à tous les étages ! On est même vraiment dans le super-super-dix-mille-feuille ! Ça devient certainement une caractéristique du canton de Genève, mais trop, c'est trop. Augmenter encore le mille-feuille administratif, inutilement chronophage, c'est peut-être une invention des partis toujours en recherche de légitimité auprès de la population, mais, comme le dit M. Barrillier, mettre simplement à disposition une feuille avec un stylo, ce n'est pas très respectueux pour les habitants et les habitantes de Genève. Pour le parti démocrate-chrétien, il est très clair que ce projet de loi est totalement inutile. Les experts de la chancellerie nous ont avertis qu'un règlement d'application suffisait, donc non à ce projet de loi qui constitue un mille-feuille de trop. Merci, Monsieur le président.

Mme Frédérique Perler (Ve). Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, les Verts accepteront évidemment ce projet de loi. Nous n'allons pas reproduire ici l'éloquence avec laquelle le rapporteur de majorité a défendu ce texte. Quant à la distribution de gommettes du rapporteur de minorité, je me permets de souligner, Monsieur le président, que dans tous les partis il y a effectivement des députés qui ont un certain retard dans la reddition de leurs rapports. Quoi qu'il en soit, il faut quand même dire que ce rapport est fort bien fait et résume fort bien les travaux de commission.

Rappelons qu'il ne s'agit pas de faciliter les choses au point de laisser, comme on l'a entendu, des feuilles de signature avec un crayon sur un tabouret. Il ne s'agit pas de ça, mais d'introduire une disposition qui donne aux référendaires un outil de pilotage comme ça se fait sur le plan fédéral: ils pourront s'y référer pour voir, à un moment donné, s'ils ont la possibilité d'atteindre le nombre suffisant de signatures. Et ce n'est pas une obligation ! Il n'y a aucune obligation d'utiliser cette disposition. De plus, grâce au travail effectué par la chancellerie pour rendre l'objet tout à fait applicable, ce projet de loi engendre un surcoût extrêmement modeste. A partir de là et du moment que c'est une pratique fédérale, ça tombe sous le sens qu'il faut la permettre aux échelons cantonal et municipal. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Madame. Monsieur Medeiros, c'est à vous pour deux minutes.

M. Carlos Medeiros (HP). Merci, Monsieur le président. Chers collègues, j'écoute le rapporteur de minorité et je me pose la question: mais, en fait, de quoi a-t-on peur ? On a peur du peuple ? On a peur de la démocratie directe ? Je me rappelle que la première chose qui m'a surpris quand je suis arrivé, dans les années 1980, c'était cette consultation directe du peuple pour qu'il exprime son point de vue. Pour moi, c'était presque absurde qu'on puisse le faire sur des sujets que j'ai trouvés parfois triviaux, par exemple à propos du stationnement dans une rue. Je me disais: voilà une véritable démocratie. Quand on n'est pas d'accord, on demande au peuple de trancher.

Que veut finalement cet objet ? Simplement que, dans ce processus, les initiants et les référendaires puissent savoir où ils en sont par rapport aux signatures. Je me suis dit au début que ça allait peut-être coûter très cher, mais non ! Je vois ici au point 4, page 22, du rapporteur de majorité: «Ce PL entraîne juste - de l'avis du chef du service des votations et élections - un surcoût modeste et acceptable.» Ça veut donc dire que ça ne va pas nous coûter des milliers de francs, des millions de francs. De quoi est-ce que nous sommes en train de parler ? (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Nous sommes en train de contribuer à faire en sorte que ces projets et ces idées qui sont soumis au peuple se réalisent effectivement, sans faire semblant ! Je me rappelle très bien - j'étais déjà dans des projets de référendums, etc. - que beaucoup d'erreurs sont faites, mais pas parce que les référendaires ou les initiants n'ont pas bien fait leur travail. Non ! C'est par exemple parce que le citoyen...

Le président. Il vous faut terminer, Monsieur.

M. Carlos Medeiros. ...pense qu'il a le droit de signer un référendum communal même s'il habite dans une autre commune. Il y a des erreurs toutes bêtes, mais qui, à la fin, faussent le scrutin. Donc, qu'est-ce que nous demandons ? Mettons en application une vraie démocratie directe avec un surcoût très limité. Merci.

Mme Danièle Magnin (MCG). Puisque mon préopinant s'est référé à son passé, je voudrais vous dire que ça fait une vingtaine d'années que je collecte des signatures par tous les temps - qu'il pleuve, qu'il neige, qu'il vente comme aujourd'hui - et qu'il serait agréable de connaître le nombre de signatures déjà collectées pour savoir s'il est nécessaire de continuer ou si on peut éventuellement aller boire une tasse de thé pour se réchauffer. En général, Mesdames et Messieurs, la question est plutôt de vérifier qu'on a suffisamment de signatures et non pas qu'on a dépassé le nombre nécessaire. C'est tellement évident que c'est une aide à la démocratie que de soumettre le nombre de feuilles et de signatures reçues à un contrôle, contrôle que les partis, ou quelques initiants ou référendaires, ne peuvent en aucun cas effectuer eux-mêmes ! On ne peut pas vérifier si la personne a le droit de vote dans le canton ou la commune, on ne peut pas vérifier si... On peut éventuellement demander une pièce d'identité, mais c'est quand même assez rare. Contrairement à ce que disait mon préopinant PLR, nous ne sommes donc pas en mesure de vérifier nous-mêmes si les signatures sont valables ou non: on ne peut pas demander une attestation de domicile, un acte d'origine ni quoi que ce soit de ce genre. On peut à la limite demander où les gens sont domiciliés, s'ils sont majeurs, s'ils ont le droit de vote, mais s'ils nous racontent des bobards, on n'en sait rien ! S'ils ont signé auprès de quatre ou cinq personnes différentes, on n'en sait rien !

Il est donc absolument nécessaire qu'il y ait un contrôle lorsqu'on fait ce travail démocratique essentiel; il est absolument nécessaire qu'on puisse savoir où on en est. Et c'est seulement cela que vise le projet de loi en question, qui est arrivé à un compromis absolument excellent puisqu'il dit: «Le dépôt des listes peut être effectué au service des votations et élections en 3 fois pour les initiatives populaires et en 2 fois pour les demandes de référendum [...].» Il est indiqué ensuite que si on a prévu un rendez-vous et qu'on ne s'y rend pas, celui-ci, comme chez le dentiste, est facturé. Je vous remercie, Mesdames et Messieurs, de soutenir ce projet de loi par votre vote.

M. Murat Julian Alder (PLR). La même majorité qui a décidé de baisser le nombre de signatures pour les initiatives populaires et les demandes de référendum va aujourd'hui probablement voter le projet de loi dont nous sommes saisis. J'ai envie dès lors de poser la question suivante: est-ce que l'objet dont nous traitons aujourd'hui a encore une quelconque utilité ? On a amené le seuil du nombre de ces signatures à un niveau tellement insignifiant que dans notre canton, n'importe quelle initiative populaire, n'importe quelle demande de référendum va de toute façon finir par aboutir. J'ajouterai une deuxième chose: comme souvent avec le groupe Ensemble à Gauche, nous sommes une fois de plus saisis d'un projet de loi parfaitement ringard ! Nous sommes au XXIe siècle, nous pouvons déjà voter électroniquement; vous pensez bien que dans les prochaines années il sera aussi possible de signer des demandes de référendum et des initiatives populaires par voie électronique. Nous pouvons déjà faire des transactions financières à hauteur de plusieurs milliers de francs en toute sécurité grâce à des outils issus des nouvelles technologies, et il va sans dire que nous pourrons également utiliser ces nouvelles technologies pour signer des initiatives et des demandes de référendum en toute sécurité. Les décomptes seront donc faits de manière automatique par des machines ou par des applications, peu importe, de sorte que ce projet de loi ne s'avère absolument pas nécessaire. C'est aussi pour cette raison que le PLR, aux côtés de son excellent rapporteur de minorité, vous invite à rejeter ce texte. Merci de votre attention.

M. Pierre Conne (PLR). Ce n'est effectivement pas un projet de loi qui, politiquement, va bouleverser notre vie. Le nombre de signatures requises, on vient de le dire, a déjà diminué à l'heure actuelle, ce qui fait que les initiatives et les référendums aboutiront. Mais j'aimerais attirer votre attention sur un autre phénomène. Dans le rapport de majorité, à la page 5, on lit: «Depuis 1976, 166 initiatives ont fait l'objet d'une annonce de lancement, 116 initiatives ont été déposées et 9 d'entre celles-ci n'ont pas abouti faute d'avoir atteint le nombre de signatures nécessaires.» Si on additionne 116 et 9, on obtient 125. De 125 à 166, il y a 20...

Des voix. 21 !

D'autres voix. 41 !

M. Pierre Conne. 41, soit 20% du total ! Ça veut dire que 20% des initiatives qui ont fait l'objet de récoltes de signatures ne sont pas déposées pour d'autres raisons qu'un nombre insuffisant de paraphes. Qu'est-ce que ça veut dire, Mesdames et Messieurs ? Ça veut dire que pour 20% des initiatives ou référendums, vous allez requérir de l'administration un travail de comptage qu'elle n'a aujourd'hui pas besoin de faire. J'aimerais que vous vous en rendiez compte ! Vous n'allez pas améliorer la récolte de signatures avec cette loi; vous allez par contre surcharger inutilement le service des votations, et j'aimerais que vous en soyez conscients. C'est obliger l'administration à faire un travail sans aucune plus-value, peut-être pour votre petit ego personnel en remportant sur la ligne, quatre ans après le dépôt d'un projet de loi, une victoire d'étape. Je vous remercie. (Quelques applaudissements.)

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, ce dont il est question, c'est d'un élément de facilitation de la démocratie semi-directe. Les opposants à ce projet de loi évoquent un alourdissement des tâches de l'administration, un mille-feuille. Or, ce n'est pas le cas ! De quoi est-il question ? Ce qui est compté n'est plus à compter, ce qui est fait n'est plus à faire ! Alors qu'on ne vienne pas nous dire qu'il s'agit d'alourdir le travail de l'administration. Il ne s'agit pas de ça ! Quant à simplement jeter à la poubelle, comme le disait M. Conne - vous transmettrez, Monsieur le président - les signatures qui n'auraient pas été validées parce que le texte n'aurait finalement pas été déposé, eh bien, je regrette, mais c'est une forme de mépris pour les personnes qui ont pris la peine de s'intéresser à un objet, de signer et d'adhérer au projet qu'il sous-tend. Voter ce projet de loi, c'est donc aussi une manière de valoriser ces éléments, et ça vaut effectivement la peine d'enregistrer ces signatures, même si au final elles ne suffisent pas pour qu'aboutisse le référendum ou l'initiative.

Finalement, cette discussion fait apparaître qui est coutumier des référendums et des initiatives et qui ne l'est pas. Alors que M. Alder nous permette peut-être de ne pas lâcher la proie pour l'ombre - vous transmettrez également, Monsieur le président ! Tant qu'on ne pourra pas rester dans son fauteuil, derrière son ordinateur, pour faire signer une initiative ou un référendum, eh bien, nous continuerons à arpenter le trottoir pour que la démocratie fonctionne. Venez avec nous: vous verrez à quel point c'est facile en ce moment ! Vous verrez que chaque signature est dûment gagnée, qu'il faut travailler avec les gens et que c'est aussi comme ça qu'on fait de la politique: dans la rue, en parlant avec la population. Je vous invite donc à signer ce projet de loi... Ça devient une habitude ! (L'oratrice rit.) A voter ce projet de loi ! Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)

Mme Magali Orsini (EAG). Je voulais quand même dire qu'il est de notoriété publique que certains partis, dont les représentants sont assis pas très loin de l'endroit où je me trouve, ont pris l'habitude de déposer des boîtes à certains carrefours et de laisser tranquillement les signatures s'accumuler. Alors je me demande si le but de ce projet de loi n'est pas de continuer comme ça - je suis même à peu près certaine que c'est le cas - et de reporter tout le travail sur la chancellerie qui doit éliminer 80% de signatures non valables. Parce que, contrairement à ce que je viens d'entendre, tout le monde ne se donne pas la peine de discuter avec les gens: il y a des partis qui ont simplement mis des boîtes, tout le monde le sait. Et 80% des signatures ne sont pas valables parce que des étrangers qui passent par là signent, n'importe qui signe, ce n'est absolument pas contrôlé. On veut reporter tout le travail sur la chancellerie; je trouve que c'est de la mauvaise foi caractérisée et je m'opposerai à la chose. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Madame. Monsieur Conne, c'est à vous pour une minute et cinq secondes.

M. Pierre Conne (PLR). Merci, Monsieur le président. Je voudrais simplement rappeler que l'expression «jeter les signatures à la poubelle» est sortie de la bouche d'Ensemble à Gauche et non de celle du PLR. Je n'ai fait que rapporter les termes du rapport de majorité qui citait le service des votations: aujourd'hui, 20% des signatures récoltées dans le cadre d'initiatives ne sont pas comptées parce que le texte n'est finalement pas déposé à l'issue de la période de récolte. Avec ce projet de loi, avec le comptage intermédiaire, vous allez obliger l'administration à compter des signatures qui à la fin ne serviront à rien ! Ça, c'est factuel, mais je ne me serais pas permis d'exprimer le fait qu'on ne tienne pas compte de ces signatures en disant qu'on les jetait à la poubelle. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Cela étant, pour reprendre l'exemple des boîtes à signatures, je pense effectivement - je le reconnais - que vous avez une expérience de militantisme très poussée. Je me permets de vous rappeler que le militantisme inclut également la défense de l'idée qu'il y a derrière la signature. Comment voulez-vous continuer à défendre l'idée, au moment de la récolte des signatures, si vous voulez vous satisfaire d'un compteur...

Le président. C'est terminé, Monsieur.

M. Pierre Conne. ...qui va juste vous permettre d'arrêter de discuter du sujet ? Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur. Monsieur Alder, vous n'avez plus de temps de parole. Monsieur Florey, c'est à vous.

M. Stéphane Florey (UDC). Merci, Monsieur le président. Non, le comptage intermédiaire n'est pas inutile. Outre tous les exemples mentionnés, il ne faut pas oublier qu'un bon nombre d'initiatives qui n'aboutissent pas sont transformées en pétitions - et ça, c'est aussi un droit. Un comptage intermédiaire permet justement d'anticiper cette décision: un comité d'initiative dont le texte n'aboutirait pas pourrait ainsi éventuellement décider s'il veut quand même déposer son initiative non aboutie en la transformant en pétition. Ce qui permettrait malgré tout d'amener le débat devant notre parlement et de tenir compte de l'avis de la population qui aurait au départ signé une initiative transformée ensuite en pétition. C'est aussi pour cela que le groupe UDC soutient ce projet de loi et vous invite à faire de même. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole est au rapporteur de minorité, M. Barrillier, pour trente secondes.

M. Gabriel Barrillier (PLR), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je voulais confirmer que nous sommes effectivement attachés à la démocratie semi-directe. Elle est d'ailleurs très vivante, malgré ce que l'on peut constater: toute une série de référendums et d'initiatives sont à la porte. Là, il n'y a donc pas de danger. La deuxième chose, je le répète, c'est que l'exercice de ces droits est pour moi lié à la responsabilité; il ne me viendrait pas à l'idée de récolter des signatures sans être derrière le stand et expliquer au citoyen qui passe de quoi il s'agit et quels sont ses droits. Je le conteste ! La troisième chose que j'aimerais dire s'adresse à M. Medeiros, et c'est qu'effectivement...

Le président. C'est trop tard, Monsieur, il vous faut terminer.

M. Gabriel Barrillier. C'est trop tard ? Eh bien voilà ! (Remarque.) Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur. Monsieur Vanek, vous avez la parole pour une minute trente.

M. Pierre Vanek (EAG), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président, ce sera suffisant. Mes excuses, tout d'abord, pour le retard du rapport, mais enfin, sa qualité vient suppléer un peu au temps qu'il a fallu pour le faire ! C'est par ailleurs aussi la première fois de ma vie que je fais un rapport de majorité et j'étais impressionné d'avoir un adversaire aussi prestigieux que Gabriel Barrillier en face de moi !

Ensuite, sur le fond, il y a tous ceux qui disent: «Ouh, jamais je ne récolterai une signature sans être là !» Mais ils ignorent la loi, ce qui ne devrait pas être le cas d'un député ! L'article 88 de la loi sur l'exercice des droits politiques prévoit la mise à disposition des listes: les auteurs de l'initiative ou du référendum peuvent remettre des listes de signatures dans les mairies pour être tenues à disposition des électeurs. Et puis tous les partis envoient évidemment aussi des cartes-réponse sans que Gabriel Barrillier ou un autre militant soit présent, pour qu'à défaut de signature électronique les électeurs puissent renvoyer le document depuis chez eux - la Poste existe encore et on la défend - après l'avoir lu - parce que l'école genevoise, ça existe aussi et on y apprend aux gens à lire ! Grâce à la Poste et à l'école, deux institutions publiques, eh bien, on peut en effet récolter un certain nombre de signatures sans être forcément derrière le stand. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.)

Mesdames et Messieurs, Murat Alder a eu le mot juste: bien sûr que c'est une démarche qui s'inscrit dans la volonté d'Ensemble à Gauche ! Mais c'est une volonté qui a été soutenue par une majorité des citoyens pour faciliter l'exercice des droits de démocratie directe dans ce canton et faire aboutir des référendums qui s'opposent à une politique que nous contestons - une politique à nos yeux antisociale - et pour permettre des avancées sur des questions importantes, sociales, concernant le travail, etc.

Le président. Veuillez terminer, s'il vous plaît.

M. Pierre Vanek. Dans cette optique, pourquoi ne pas voter ce projet de loi qui ne fait qu'introduire un peu de transparence dans un processus étatique aujourd'hui opaque ?

Le président. Merci, Monsieur. Mesdames et Messieurs les députés, nous passons au vote sur ce projet de loi.

Mis aux voix, le projet de loi 11509 est adopté en premier débat par 53 oui contre 32 non.

Le projet de loi 11509 est adopté article par article en deuxième débat.

Mise aux voix, la loi 11509 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 53 oui contre 30 non.

Loi 11509

PL 11566-B-I
Rapport de la commission législative chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Cyril Mizrahi, Salima Moyard, Irène Buche, Christian Frey sur la procédure de consultation (LConsult)
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XII des 22, 23 février et 1er mars 2018.
Rapport de majorité de M. Edouard Cuendet (PLR)
Rapport de minorité de M. Cyril Mizrahi (S)

Premier débat

Le président. Nous abordons le point suivant de notre ordre du jour, le dernier que nous traiterons aujourd'hui. Il s'agit du PL 11566-B-I dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. M. Edouard Cuendet, rapporteur de majorité, est remplacé par M. Murat Julian Alder, à qui je passe la parole.

M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, nous avons été saisis une première fois de ce projet de loi il y a quelque temps. Il avait été reproché à la commission législative d'écarter celui-ci des débats sans autre forme de procès puisque nous n'avions pas auditionné l'exécutif. Raison pour laquelle le plénum a renvoyé le dossier en commission, avec l'injonction d'entendre à tout le moins le président du Conseil d'Etat, présent parmi nous ce soir. Cela a été fait: le président du Conseil d'Etat est venu confirmer les raisons qui ont amené la majorité de la commission législative à ne pas vouloir entrer en matière sur ce texte.

Le gouvernement a en particulier estimé qu'une base légale pour la procédure de consultation n'est pas nécessaire, dans la mesure où les dispositions constitutionnelles existantes sont parfaitement suffisantes et peuvent s'appliquer directement. La majorité de la commission partage pleinement cette opinion et constate d'ailleurs avec grand plaisir que le Conseil d'Etat, comme il l'a lui-même relevé, auditionne d'ores et déjà les personnes et les associations concernées avant de déposer un projet de loi. Cela a par exemple été le cas avec la réforme de l'imposition des entreprises III ou avec la loi sur l'organisation des institutions de droit public. Il convient également de relever que Genève est probablement le canton où l'on compte le plus de commissions consultatives, dans pratiquement tous les domaines de la politique, contrairement à ce qui existe au niveau fédéral ou dans d'autres cantons, de sorte qu'un processus aussi lourd que celui proposé par ce projet de loi ne s'impose absolument pas. Ce qui est dommage, c'est que pour une fois nous avons là un texte rédigé de main de maître par un excellent juriste...

Des voix. Ah !

M. Murat Julian Alder. ...il faut le relever. Néanmoins, la procédure proposée est beaucoup trop lourde et rigide. Elle empêche aussi le Conseil d'Etat de renoncer à la consultation dans les cas où elle ne s'avère pas indispensable. Pour l'ensemble de ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, je vous invite à confirmer le choix de la commission législative et à refuser l'entrée en matière sur ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.

M. Cyril Mizrahi (S), rapporteur de minorité. Merci au rapporteur de majorité d'avoir rappelé quelques éléments sur le processus et les raisons du premier renvoi en commission. Merci aussi pour ses gentilles paroles; dommage qu'elles n'aient pas eu le poids que j'aurais souhaité. Cela étant, il faut absolument accepter à tout le moins l'entrée en matière sur ce projet de loi. C'est le principal reproche que je fais à la commission: de ne même pas avoir examiné cet objet.

Que demande le projet de loi ? Il demande tout d'abord la transparence, Mesdames et Messieurs. C'est un élément sur lequel je reviendrai, parce que la proposition de motion 2423 déposée par Boris Calame et d'autres signataires - dont je fais partie - va exactement dans le même sens. Le PL 11566 reprend en fait le modèle du droit fédéral. Un collègue me disait tout à l'heure que la loi, au niveau fédéral, est légère; en fait, le texte qui vous est soumis reprend véritablement ce qui figure dans la loi fédérale sur la consultation. Il pose des principes et fait preuve de souplesse. On nous dit tout le temps qu'on est allé trop loin, que le projet de loi est rigide, etc., mais on n'argumente jamais ! En réalité, ce texte prévoit une consultation systématique uniquement pour les lois de portée générale et pour les modifications de la constitution. Et encore, Mesdames et Messieurs, des exceptions qui permettent de renoncer à la consultation sont prévues pour ces cas-là. Cet objet n'est peut-être pas parfait, on peut certainement l'amender, mais il est quand même nécessaire d'avoir une loi.

C'est vrai qu'il y a eu un changement de pratique, et ce texte a probablement eu un certain effet. On revenait de très loin, mais certains progrès ont été faits, par exemple avec la consultation assez remarquable menée dans le cadre du projet de loi sur les lanceurs d'alerte. J'en ai déjà félicité les fonctionnaires du département présidentiel - le magistrat ne m'écoute pas trop, mais ce n'est pas grave, j'en fais quand même le compliment au passage. Il y a par contre aussi de mauvais exemples, comme le projet de loi visant à revenir en arrière sur la question des droits politiques des personnes sous curatelle. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) Je prendrai sur le temps de mon groupe, Monsieur le président. Ce texte, le PL 11969, est arrivé en commission sans même qu'il y ait eu une consultation, et a finalement été retiré par le Conseil d'Etat. On aurait pu s'éviter tout cela, Mesdames et Messieurs, si on avait consulté en amont: les problèmes posés en commission auraient pu sortir avant et on aurait économisé les deniers du contribuable si les commissaires n'avaient pas eu à siéger. Idem pour le projet de loi sur les commissions officielles...

Le président. Vous parlez sur le temps du groupe.

M. Cyril Mizrahi. Je prends bien volontiers sur le temps de mon groupe, Monsieur le président. ...il n'y a pas eu non plus de consultation et c'est en commission que nous avons dû faire tout ce travail.

Bien entendu, il n'y a pas de transparence ! Même cette consultation exemplaire dont j'ai félicité tout à l'heure le président du Conseil d'Etat s'est faite sur invitation, contrairement à ce que demande la proposition de motion de mon collègue Boris Calame. Il y a bien sûr ceux qui ne veulent pas du tout de consultation - et on comprend qu'ils s'opposent à ce projet de loi - au premier rang desquels le parti libéral-radical, représenté par mon éminent collègue. Il est contre la consultation, sauf, évidemment, quand il s'agit d'en prendre prétexte pour s'opposer au PAV, alors qu'une large consultation a été menée il y a quelques années: c'est ce qu'on appelle la consultation à géométrie variable. L'opposition de l'exécutif n'est pas une opposition de principe. Le gouvernement nous dit: «Oui, nous sommes d'accord. Nous avons d'ailleurs amélioré certaines choses, simplement nous ne voulons pas légiférer.» L'autre argument du président du Conseil d'Etat, c'est de démolir la procédure en vigueur au niveau fédéral, et je trouve quand même ça un peu curieux. Le Conseil d'Etat participe régulièrement aux procédures de consultation fédérales, mais quand il s'agit de faire la même chose, de se soumettre au même type de procédure et de passer de l'autre côté de la barrière - d'être celui qui consulte - eh bien, là, il n'y a plus personne. C'est bien dommage !

Puisque j'ai un petit peu de temps, je finirai en vous citant un extrait de la proposition de motion de M. Boris Calame qui est soutenue non seulement par les Verts, mais également par les socialistes, par des signataires du parti démocrate-chrétien et même du MCG et d'Ensemble à Gauche, donc finalement par une majorité de ce parlement. Que nous dit ce texte ? (Remarque.) Oui, c'est une majorité du parlement, c'est pourquoi ça vaudrait quand même la peine de se mettre d'accord sur une loi ! La M 2423 «invite le Conseil d'Etat à informer les parties intéressées, le public et les médias de l'ouverture de toute consultation» - ce qui n'est pas fait aujourd'hui - «à publier sur une page dédiée du site internet de la République et canton de Genève toutes les informations relatives aux consultations [...]; à accuser réception de leurs contributions à toute personne ou structure ayant participé à la consultation»... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) J'arrive au terme, Monsieur le président. ...«à publier, au terme de chaque consultation, un rapport public synthétisant l'ensemble des contributions reçues». Je vous passe les deux dernières invites, qui vont dans le même sens: ancrer justement l'ensemble de ces propositions dans un acte législatif ou réglementaire. Eh bien, c'est de cela qu'il s'agit ici, Mesdames et Messieurs ! C'est pourquoi il nous semble sensé que tous les partis qui ont soutenu cette motion votent le renvoi en commission de ce projet de loi: simplement pour préparer un amendement général qui reprend les différents considérants de cette motion. Comme ça, nous atteindrons plus rapidement notre but. Je vous remercie, Monsieur le président. (Quelques applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur. Mesdames et Messieurs les députés, je vous ferai voter sur cette demande de renvoi en commission après avoir passé la parole à M. Alder.

M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité ad interim. Merci, Monsieur le président. La majorité s'oppose au renvoi en commission. Je rappelle que ce projet de loi a déjà fait l'objet d'un premier traitement: il est venu en plénière et a été renvoyé en commission avec l'injonction très claire d'entendre le président du Conseil d'Etat. La commission législative a fait ses devoirs et a donné suite à cette exigence du plénum; le travail a été effectué. Cette demande de renvoi en commission m'apparaît davantage relever du baroud d'honneur que d'une demande sérieuse d'examiner ce projet de loi.

Le président. Merci, Monsieur le député. Monsieur le président du Conseil d'Etat, voulez-vous prendre la parole sur le renvoi en commission ? (Remarque.) Non, très bien. Nous passons au vote sur la demande de renvoi à la commission législative.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 11566 à la commission législative est rejeté par 49 non contre 17 oui et 10 abstentions.

Le président. Nous continuons notre débat et je cède la parole à M. Pfeffer.

M. André Pfeffer (UDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, tout le monde soutient et défend la démocratie directe. Il est évidemment souhaitable d'impliquer au maximum les citoyens dans la gestion de nos institutions et l'élaboration des lois, mais il est question, avec cet objet, d'alourdir et de compliquer la procédure de consultation. Il est question de réglementer, de légiférer et de pratiquement fixer - je dis bien: de pratiquement fixer - comment et qui doit être consulté, et comment et qui doit être convoqué par les commissions parlementaires. Un modèle de fonctionnement de ce type amènerait plus de problèmes que d'avantages. Le groupe UDC est favorable à une large consultation des citoyens et des associations, mais il s'oppose au blocage du travail législatif. Pour cette raison, nous refusons ce projet de loi. Merci de votre attention.

M. Jean-Marc Guinchard (PDC). Vous aurez constaté que l'ensemble de la commission a estimé que ce projet de loi risquait de complexifier inutilement le processus législatif sans ajouter audit processus une valeur déterminante, ce d'autant plus qu'une procédure de consultation n'a pas toute sa pertinence dans chaque cas. Si l'on compte une trentaine de procédures de consultation par année, cela obligerait par ailleurs le département à centraliser ce processus dans un seul et unique service, ce qui supposerait bien évidemment d'engager du personnel à plein temps afin d'effectuer ce travail supplémentaire. Il faut d'autre part ajouter qu'en général, une consultation est systématiquement organisée par le département chargé du dossier lors de la présentation de projets importants. Il sied également de préciser que les commissions ont toute la latitude voulue - et elles ne s'en privent pas - pour auditionner les personnes, les associations, les institutions ou les autorités susceptibles d'être intéressées par ces travaux parlementaires. A l'issue de leurs travaux, les commissaires ont pu constater que ce projet de loi n'a convaincu que son auteur - le vote est assez significatif - et même si celui-ci est une fine plume juridique, il s'est retrouvé extrêmement isolé. Le groupe démocrate-chrétien se permet de vous demander de refuser ce projet de loi. Je vous remercie.

Mme Jocelyne Haller (EAG). Mesdames et Messieurs les députés, le PL 11566 pose la question de l'effectivité du principe de consultation prévu par la constitution. En cela, il est particulièrement opportun. Les dispositions qu'il propose ne nous satisfont cependant pas, parce qu'il s'agit précisément de systématiser la consultation, ce qui ne nous paraît pas judicieux. Cette pratique rallonge et alourdit le processus parlementaire, et présente de surcroît le risque de réduire le recours aux auditions et d'affaiblir les commissions consultatives. Nous ne pouvons en aucun cas souscrire à cela, attachés que nous sommes au fonctionnement de ces outils démocratiques beaucoup plus dynamiques et interactifs que la consultation et les rapports qui en découlent. Aussi, même si le groupe Ensemble à Gauche est favorable à la consultation, cette adhésion n'implique malheureusement pas de soutenir cet objet qui risque de mettre en péril les modalités de la consultation. Notre groupe ne peut pas accepter cela, c'est pourquoi nous nous abstiendrons sur ce projet de loi. Je vous remercie de votre attention.

M. Sandro Pistis (MCG). Tout a été dit... (Remarque. Applaudissement.) Merci, Monsieur le député. ...sur ce projet de loi: il est de qualité mais ne pourra jamais atteindre le but voulu, bien au contraire. C'est pour ça que le groupe MCG ne votera pas l'entrée en matière. Il soutient pourtant de manière très active les consultations, qui sont un élément nécessaire dans le système démocratique. Le principe marche aujourd'hui assez bien - pour ne pas dire très bien - et dès lors, soutenir ce genre de texte, c'est également rendre les choses plus difficiles dans le futur. Pour ces motifs-là, le groupe MCG refusera l'entrée en matière. Merci.

M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les députés, le Conseil d'Etat vous avait indiqué lors du passage en commission qu'il avait quelques doutes sur le monstre bureaucratique qui était en train d'être imaginé. Vous votez deux cents lois par année, dont environ les quatre cinquièmes sont d'origine gouvernementale. Imaginez: une procédure de consultation dans de si nombreux cas aboutira inévitablement à ce que votre parlement traite ces objets avec des retards encore plus importants. J'attire votre attention sur le fait que ce n'est que la troisième fois de la législature que je prends la parole devant vous sur un sujet abordé selon sa place dans l'ordre du jour; nous sommes en train de traiter des projets de lois qui ont, pour certains d'entre eux, plus de deux ans d'âge et attendent depuis tout ce temps de passer devant le parlement. Le rapport sur ce projet de loi date, lui, du 11 juillet 2017. Mesdames et Messieurs, si l'on rajoute au processus législatif - déjà complexe, long et embourbé pour un certain nombre de points - quelques mois de consultation supplémentaires et quelques fonctionnaires habilités à dépouiller les réponses reçues...

Monsieur Mizrahi, vous avez récemment rendu hommage à une consultation que le Conseil d'Etat a menée; cela prouve que, quand elle est nécessaire, l'exécutif sait juger de l'utilité d'une telle procédure. Mais j'attire aussi votre attention sur le fait que ces consultations demandent des forces humaines qui peuvent être importantes et qui seraient totalement déraisonnables pour des projets d'une importance relative. Pour des projets essentiels, le Conseil d'Etat a par contre l'habitude de passer par des processus de consultation. La loi les lui impose d'ailleurs pour certains projets dont l'impact sur les communes est déterminant. Nous pratiquons déjà la consultation; de grâce, n'étendez pas ce processus à toutes les lois que nous sommes amenés à déposer, faute de quoi ce parlement s'autobloquera.

Le président. Merci, Monsieur le président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande de vous prononcer sur l'entrée en matière.

Mis aux voix, le projet de loi 11566 est rejeté en premier débat par 51 non contre 16 oui et 10 abstentions.

Le président. Mesdames et Messieurs, j'ai une petite communication à vous faire: je rappelle aux membres de la sous-commission sur le contreprojet à l'initiative 159 qu'elle se réunit à la salle de l'Auditeur à l'issue de la présente séance.

Mesdames et Messieurs les députés, notre prochaine session débutera le jeudi 22 mars. Je lève cette séance et vous souhaite à toutes et à tous une excellente soirée !

La séance est levée à 18h45.