République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 25 janvier 2018 à 20h30
1re législature - 4e année - 11e session - 59e séance
M 2139-A
Débat
Le président. Nous passons à la M 2139-A en catégorie II, trente minutes. Je donne la parole à M. Pfeffer, rapporteur de majorité.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Merci, Monsieur le président. La majorité de la commission d'aménagement estime nécessaire de déplafonner le prix du terrain en zone de développement. Pour beaucoup de propriétaires, le maintien d'un prix dit administratif représente une injustice, voire une expropriation partielle. Nombreux sont ceux qui ont engagé la totalité de leurs économies ou de leur retraite dans leur maison. Pour cette raison, il est légitime qu'ils perçoivent un prix correct en cas de vente.
Si, à Genève, les délais et prix de construction figurent parmi les plus élevés de Suisse, c'est principalement à cause de notre surréglementation. La démultiplication des recours et des oppositions, souvent déposés par les propriétaires, constitue l'une des raisons pour lesquelles nos projets s'éternisent. Un déplafonnement du prix administratif permettrait une réelle accélération des processus de construction.
Le prix du terrain représente une faible part du coût global des immeubles, seulement 15% à 20%. De plus, il accuse déjà un fonctionnement à deux vitesses en zone de développement: dans les zones anciennement agricoles, il est de 450 F le mètre carré, et dans celles déjà construites, il s'élève à 1000 F le mètre carré. En cas de déplafonnement, l'augmentation éventuelle du prix pour les petits propriétaires serait de 10% à 15% seulement, à part dans quelques communes. Pour ces raisons, les commissaires PLR, MCG et UDC vous recommandent d'accepter cette motion. Merci.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de minorité. Mesdames et Messieurs les députés, cette motion rouvre un débat qui avait été clos en 2012 avec des solutions assez efficaces, précisément au moment où l'on construit beaucoup à Genève et où il y a moins de blocages qu'à une époque - à moins qu'on ne tienne compte des blocages politiques au sein de la commission d'aménagement, que nous avons malheureusement dû dénoncer. Le texte est fondé sur des bases relativement confuses, et j'estime à cet égard utile de rappeler quelques principes.
La loi générale sur les zones de développement ne plafonne pas le prix de vente, le propriétaire est libre de vendre son bien au promoteur comme il l'entend, selon le montant qu'il aura fixé; en revanche, elle limite la possibilité de répercuter ce montant sur le loyer des futurs locataires. Il est déjà arrivé que des terrains soient vendus beaucoup plus cher que 1000 F le mètre carré - ça a été le cas à La Tulette, par exemple - et que l'on prenne la différence sur le bénéfice de promotion, qui n'est pas ridicule dans le cadre des plans financiers.
Cette proposition de motion vise autre chose, c'est qu'on ne touche pas aux autres postes, notamment au bénéfice de promotion, mais qu'on déplafonne le prix des propriétés par étage ou le loyer des futurs habitants, ce qui est infiniment problématique. En effet, les loyers sont déjà très élevés actuellement et ne correspondent que peu au besoin prépondérant de la population. Si cette motion était suivie d'effets, ce que je ne souhaite pas - pour autant qu'elle soit adoptée, bien sûr, mais je pense qu'elle le sera compte tenu de la majorité qui se dessine autour de ces projets immobiliers - elle risquerait de faire augmenter encore des loyers qui pèsent déjà très lourdement sur le budget des ménages genevois.
Pour justifier ce qui est en somme du pur syndicalisme de propriétaire, on invoque une volonté de déblocage. Or, comme je viens de le dire, les choses se passent bien à l'heure actuelle, on recense beaucoup de ventes, davantage qu'il y a quelques années, et vous faites donc fi de dix ans de travail. Entre 2006 et aujourd'hui, de nombreuses réflexions ont été menées, entraînant notamment des modifications de pratiques administratives afin de permettre des échanges de terrains contre des appartements. La commission d'aménagement ainsi que les magistrats qui se sont succédé au sein du département de la construction et de l'aménagement ont précisément tenté de cibler les causes des blocages. La principale, c'est tout d'abord l'attachement au cadre de vie, au quartier. La solution apportée était de permettre aux propriétaires de rester in situ, et on leur offrait - ce qui, à mon avis, est plus condamnable - davantage de logements en propriété par étage dans les immeubles. Ensuite, pour les personnes souhaitant continuer à loger dans des villas, la fondation FPLC avait fait l'acquisition de villas dans d'autres secteurs pour leur relogement, de façon à pouvoir réaliser les périmètres souhaités.
Aujourd'hui, on a donc des outils à disposition qui permettent d'atteindre les objectifs - reste à savoir s'ils sont utilisés, on verra ce que nous dira le chef du département tout à l'heure - et je pense que votre motion va au contraire freiner la construction, créer des blocages. Pourquoi ? Parce que les propriétaires qui n'auront pas profité du déblocage temporaire attendront, en espérant que d'autres comme vous viendront à l'avenir avec des projets similaires, et cela va entraîner des mécanismes de construction en dents de scie, ce qui est extrêmement problématique.
Dans le domaine de l'aménagement, il faut y aller dare-dare, de manière soutenue et sur le long terme. Si vous créez des pics avec des périodes de grand gel, comme ce que vous nous imposez en refusant des projets de déclassement, on risque de le payer très cher dans le futur et de ne pas pouvoir réaliser le plan directeur cantonal. Je vous remercie.
M. François Lefort (Ve). A priori, cette motion semble partir d'une idée louable; elle est pourtant basée sur un quiproquo: en effet, elle demande de déplafonner provisoirement le prix du terrain en zone de développement, postulant ainsi que l'Etat le plafonne, ce qui est un présupposé totalement faux. L'Etat ne fixe pas le prix du terrain en zone de développement, Monsieur Pfeffer, il n'existe pas de prix administratif, ou alors donnez-le-nous, nous ne le connaissons pas.
Le prix du terrain est le fruit d'une négociation entre propriétaire et promoteur, et l'Etat ne s'en mêle pas. Les montants peuvent varier entre 1000 F et 2700 F le mètre carré, et conditionnent ensuite les plans financiers. De toute façon, nous en sommes tous convaincus, le développement ne peut pas se faire sur le dos des petits propriétaires, et ce n'est pas le cas puisque nous n'avons pas connaissance de telles affaires de spoliation; l'Etat non plus, il vous l'a d'ailleurs dit en commission. Ces allégations sont absolument non documentées, et c'est bien de ça que nous parlons ce soir, d'un fantasme non documenté.
In fine, les situations sont diverses: certains propriétaires acceptent de vendre et de bénéficier d'une pratique que l'Etat a mise en place lors de la précédente législature, à savoir l'échange de droits à bâtir contre des appartements, ce qui est une excellente affaire pour eux; d'autres ne souhaitent pas vendre et préfèrent rester chez eux car ils sont attachés à leur maison, ce qui est tout à fait compréhensible, et c'est ce qui fait que l'aménagement de certains quartiers de zones villas déclassées est lent, plus lent.
Voilà les faits, ce qui nous amène à la conclusion que ce texte demande au Conseil d'Etat quelque chose qu'il ne peut pas faire dans un domaine qu'il ne maîtrise absolument pas, soit le prix du terrain en zone de développement, et puisqu'il ne le maîtrise pas, nous ne comprenons pas pourquoi on lui demande de faire une chose pour laquelle il n'a aucun moyen d'action.
Mesdames et Messieurs, vous voterez certainement cette motion à une forte majorité ce soir, en partisans de la victoire de quelques-uns contre l'intérêt de tous. Vous la voterez mais, vous le savez, elle n'aura absolument aucun effet, et les Verts ne participeront pas à cette mascarade, nous ne l'adopterons pas. Merci, Monsieur le président.
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, cette motion propose de déplafonner le prix du terrain en zone de développement. Selon les termes de ses auteurs, elle aurait pour avantages d'offrir un traitement correct aux propriétaires concernés, d'accélérer la création de logements et de diminuer les délais de construction.
Certes, nous ne souhaitons pas non plus que les propriétaires soient lésés lorsqu'ils acceptent de vendre leur bien à des promoteurs ou à des fondations immobilières. Toutefois, le prix du terrain n'est pas le seul paramètre qui retarde la construction: l'attachement à la maison, à l'environnement, au quartier ou à la commune constitue un facteur encore plus déterminant. En cas de tractation avec un propriétaire, on l'a déjà relevé, il n'y a pas que le prix du terrain qui entre en compte, il existe d'autres outils de négociation comme la valeur de la maison ou la possibilité de lui offrir un appartement en PPE à un prix préférentiel dans le même quartier.
D'autre part, déplafonner le prix du terrain en tenant compte de celui du marché mettra en péril le principe et les objectifs de la zone de développement. Il faut rappeler que le système de secteurs a été institué en 1957 par le conseiller d'Etat PDC Emile Dupont et a permis à des dizaines de milliers de personnes de se loger à des prix abordables. Outre les loyers libres et subventionnés, la zone de développement permet de construire de la PPE à des prix raisonnables pour la classe moyenne, en particulier pour les jeunes familles.
Ce texte rendra plus chère la PPE, qui devra compenser les plans financiers des logements subventionnés - rappelons que le prix du terrain représente 15% à 20% du coût de revient d'une opération immobilière. Le PDC est favorable à l'accession de la classe moyenne à la PPE à des prix abordables, notamment pour les jeunes. Nous sommes conscients que, dans certains cas, le plafonnement actuel peut poser problème. Or c'est précisément pour cette raison que le département a mis en place un groupe de travail visant à définir des processus d'acquisition stables sur le long terme. Pour le PDC, ce n'est pas le moment de précipiter des décisions avec cette motion qui mettra à mal tout le système des zones de développement, car l'ensemble des personnes en recherche de logement en souffrira. Pour toutes ces raisons, le groupe démocrate-chrétien la refusera.
M. Francisco Valentin (MCG). Bien que le groupe MCG ne soit ni passéiste ni fervent admirateur de l'immobilisme, on va quand même faire un tout petit peu d'histoire. Les zones de développement remontent à l'époque où la ville de province qu'était Genève est devenue le siège européen des Nations Unies, avec sa cohorte d'agents spécialisés. Cette poussée s'est accompagnée d'un changement du système foncier grâce à un conseiller d'Etat qui a su voir et comprendre les enjeux: c'était M. Emile Dupont. Sa vision consistait à la fois à répondre aux besoins et à contenir la ville. C'est ainsi que sont nées ces zones. Afin d'éviter une explosion des prix, ceux-ci ont été placés sous la protection de l'Etat. Or, aujourd'hui, ils ne sont plus en phase avec la réalité et il n'est plus possible de débloquer des périmètres, car les propriétaires ne s'y retrouvent pas. N'oublions pas que, pour une majorité d'entre eux, ce ne sont pas des magnats, mais des familles qui ne pourraient pas se reloger dans de bonnes conditions avec les prix pratiqués actuellement. Le risque est donc de voir mité le territoire de notre canton, alors que nous avons une réserve foncière exploitable rapidement.
Nous devons agir pour remettre en phase le prix de sorte qu'il devienne attractif. C'est tout l'enjeu de ce texte auquel nous sommes favorables. Mesdames et Messieurs, le groupe MCG vous demande de bien vouloir soutenir cette motion. Je vous remercie.
M. Stéphane Florey (UDC). A ce stade, j'aimerais corriger quelques erreurs que j'ai entendues, notamment de la part du rapporteur de minorité. Je suis assez surpris de sa remarque sur le déplafonnement, parce que s'il avait lu attentivement son propre rapport, il se serait aperçu que la motion a été amendée: on ne parle plus de déplafonnement provisoire, mais de déplafonnement tout court. Voilà la première chose que je voulais dire.
Quant au député PDC, je n'arrive pas à comprendre sa déclaration. A croire que vous dormez en commission ou bien que vous êtes absorbé par Facebook, parce qu'à aucun moment le département n'a démenti le fait que le prix de 1000 F était un plafonnement - la question a pourtant été posée à plusieurs reprises. C'est clairement noté dans le rapport: aujourd'hui, le prix en zone de développement est de 1000 F le mètre carré.
Ensuite, concernant le report sur les loyers, il n'y en a pas ! On dit vaguement que ce serait une possibilité. Mes deux collègues ont demandé plusieurs fois qu'on vienne devant la commission avec des exemples chiffrés de plans financiers, d'un côté avec un prix à 1000 F, de l'autre avec un prix déplafonné. Si le département n'a pas été capable de nous donner des exemples réels, c'est tout simplement parce qu'il n'y en a pas ! Les acteurs de l'immobilier à Genève sont formels: il n'y aura aucune incidence sur le montant des loyers. Alors dites simplement que vous ne voulez pas du déplafonnement, que vous refusez d'aider les propriétaires à se reloger à des prix identiques !
Les cas sont avérés, certains ont été dénoncés, notamment par Mme Meissner. Je me souviens de l'une des dernières situations évoquées, c'était à Lancy - vous transmettrez à M. Lance, Monsieur le président, qu'il voit très bien de quoi je parle. Une famille habitant dans le quartier des Semailles a été prise dans cette monstrueuse arnaque qu'est la zone de développement, s'est retrouvée avec un prix plafonné à 1000 F et une estimation plus ou moins bidon de son bien par l'Etat, ce qui l'a obligée à aller devant les tribunaux pour que le prix de sa maison soit correctement estimé. En se relogeant dans un logement identique à Versoix, cette famille a perdu plus de 300 000 F dans l'opération.
Alors ne venez pas dire aujourd'hui qu'il n'y a plus de problèmes ! Les problèmes sont réels, les problèmes sont identifiés. Il faut absolument déplafonner le prix du terrain pour débloquer les situations qui sont encore bloquées actuellement, et certaines le sont depuis plus de dix ans. Je vous remercie de voter la motion telle que sortie de commission et, pour qu'elle soit complète, d'accepter l'amendement que j'ai déposé. Il s'agit de rectifier le titre de la motion et d'en supprimer le mot «provisoire» pour que les choses soient bien claires.
Mme Caroline Marti (S). Mesdames et Messieurs les députés, envoyer un tel signal au Conseil d'Etat, c'est-à-dire déplafonner le prix du terrain en zone de développement, c'est mettre un grand coup de hache dans la politique sociale du logement à Genève. On en a parlé au cours du débat, étant donné que le prix du terrain est reporté dans les plans financiers, l'augmenter, c'est inévitablement augmenter les loyers. Est-ce que vous pensez vraiment, Mesdames et Messieurs, que c'est ce qu'attendent nos concitoyens ? De nouvelles hausses alors que, ces vingt dernières années, nous avons déjà subi des augmentations à hauteur de 34% ? Ce que vous cherchez avec cette motion, c'est faire payer de façon accrue la rente foncière des propriétaires immobiliers par les locataires, qui paient déjà un très lourd tribut en raison de la crise du logement.
Mesdames et Messieurs les députés, le logement ne constitue pas un bien de consommation comme les autres: non seulement c'est un droit, mais c'est un besoin absolument fondamental ainsi qu'une condition sine qua non pour une vie sociale, familiale et professionnelle qui soit digne et satisfaisante. De ce fait, on ne peut pas simplement s'en remettre aveuglément aux lois du marché, l'Etat a un rôle à jouer, il doit intervenir pour contrôler les loyers et, en l'occurrence, le prix de vente des terrains afin que l'ensemble de la population trouve un endroit pour se loger et que la résidence dans notre canton ne soit pas réservée à une seule frange de personnes parmi les plus fortunées. C'est pour ces raisons que nous vous appelons à refuser cette motion. Je vous remercie.
Le président. Merci, Madame. La parole revient à Mme Meissner pour une minute trente.
Mme Christina Meissner (HP). Merci, Monsieur le président. Si je me permets de m'exprimer aujourd'hui, c'est parce que je suis signataire de cette motion. Certes, le prix du terrain ne constitue pas le seul paramètre qui motive une personne à rester dans sa maison ou à la quitter, et lorsque j'ai signé ce texte, je me suis dit qu'il valait la peine d'effectuer un test pour vérifier l'influence de ce facteur. En effet, tout le monde affirme que ça va faire exploser les prix mais, pour ma part, j'ai pensé: instituons cette mesure de manière provisoire et voyons ce qui se passe.
Or je constate que le mot «provisoire» a disparu de la motion et j'avoue que je suis assez gênée, parce que j'aime les tests, qui ont l'avantage de pouvoir véritablement prouver ce qui se passe sur le terrain - peut-être que les choses varient en fonction d'un endroit ou de l'autre. Comme je n'ai pas beaucoup de temps pour m'exprimer, Mesdames et Messieurs, je vais juste vous informer de ma position, qui est de m'abstenir sur la modification apportée par l'amendement.
Le président. Je vous remercie, Madame, et passe la parole à Mme Magnin pour une minute trente-sept.
Mme Danièle Magnin (MCG). Merci beaucoup, Monsieur le président. Je voudrais que vous transmettiez à ma préopinante socialiste que faire porter à une personne seule ou à quelques individus le poids de la construction de logements pour l'entier de la collectivité n'est pas correct, ce n'est pas équitable.
Pour ma part, je donnerais plutôt le conseil suivant aux personnes qui possèdent un bien immobilier dans une zone de développement: qu'elles se réunissent à plusieurs et engagent un promoteur, qu'elles construisent elles-mêmes ce que d'autres voudraient construire pour leur propre profit; qu'elles puissent ainsi loger leur famille, leurs amis, leurs proches et éventuellement d'autres personnes, cela sous la forme juridique qu'elles voudront.
De mon côté, j'ai une nette préférence pour la société coopérative qui permet aux populations n'ayant pas les moyens d'acheter en pleine propriété d'utiliser une partie de leur fonds de pension pour acquérir une part sociale, qui leur permet d'être chez elles à un prix correct et qui n'appauvrit pas inéquitablement quelqu'un à qui on prend son terrain et sa maison auxquels il est très attaché. J'ai dit.
Le président. Merci, Madame la députée. Monsieur Lefort, il vous reste vingt-six secondes.
M. François Lefort (Ve). Merci, Monsieur le président. Nous venons de recevoir l'amendement de M. Florey qui supprime l'adjectif «provisoire» du titre de cette motion. C'est amusant, M. Florey n'a pas dû écouter les débats: personne n'a mentionné de prix fixé administrativement, personne n'a donné d'exemple d'un prix qui serait plafonné. Monsieur, que nous votions cet amendement ou non n'a aucune importance, puisque le prix dont vous nous parlez depuis trente minutes - ou plutôt dont vous ne nous parlez pas...
Le président. C'est terminé, Monsieur, je vous remercie.
M. François Lefort. ...n'existe pas !
Mme Beatriz de Candolle (PLR). Le groupe PLR est ravi d'entendre que sa motion déposée il y a plusieurs années pour favoriser l'échange de terrains contre des appartements soit citée en exemple par l'ensemble des groupes. En effet, c'était bien une initiative du PLR que le département a commencé à appliquer après que le texte a été déposé ici, au Grand Conseil. Alors merci de citer si souvent cette motion PLR !
Le président. Merci, Madame. La parole est à... (Un instant s'écoule.) Monsieur Lance, vous avez épuisé votre temps, désolé. C'est à M. Valentin pour vingt secondes.
M. Francisco Valentin (MCG). Merci, Monsieur le président, ce sera bien suffisant. Je demande le vote nominal, s'il vous plaît.
Le président. Etes-vous soutenu ? (Plusieurs mains se lèvent.) Très bien, il y aura donc un vote nominal. (Commentaires.) S'il vous plaît ! Il reste quarante-cinq secondes de parole à chaque rapporteur. Monsieur Dandrès, c'est à vous.
M. Christian Dandrès (S), rapporteur de minorité. Je vous remercie, Monsieur le président, je serai très bref. Dans la zone de développement, un arbitrage est prévu entre les intérêts des futurs habitants et ceux des propriétaires. On ne peut pas parler d'expropriation, car 1000 F le mètre carré répercutables sur des plans financiers en plus de ce qui s'y trouve, puisque la villa n'est pas expropriée, c'est un prix acceptable pour permettre de construire des logements qui soient accessibles à la majorité de la population. (Brouhaha.)
On ne peut pas demander aux futurs habitants de prendre à leur charge la valeur de rachat d'une villa neuve à Versoix - ou ailleurs, pour des personnes qui vivraient au centre-ville - faute de quoi on arriverait à deux conclusions: soit on a des clapiers à des prix extraordinaires si on ne déplafonne pas le montant des loyers ou de la propriété par étage... (Brouhaha.)
Le président. S'il vous plaît, un peu de silence !
M. Christian Dandrès. ...soit on fait exploser le prix des logements futurs, qui va ensuite se répercuter de génération en génération. Il y a donc un arbitrage à faire qui, me semble-t-il, est assez rigoureux.
Un dernier mot sur la pratique administrative du département qui n'est pas la reprise telle quelle de la motion PLR, laquelle allait beaucoup plus loin; la pratique actuelle va aussi un peu trop loin, mais au moins dans un sens qui, à mon avis, est favorable à la résolution des problématiques posées dans le cadre de cette motion.
Le président. Merci, Monsieur. Monsieur Pfeffer, c'est à vous pour quarante-cinq secondes.
M. André Pfeffer (UDC), rapporteur de majorité. Evitons toute confusion: si l'Etat limite le prix du terrain à 1000 F dans les plans financiers, il y a réellement et de facto une fixation du prix. Cette situation existe uniquement à Genève. Deuxièmement, les auditions menées démontrent que l'impact potentiel d'un tel déplafonnement serait de 2% à 3% sur le coût global. Or vu que le terrain représente seulement 15% à 20% de la totalité d'une construction, il est fort probable que cette augmentation serait compensée. Le troisième élément que j'aimerais éclaircir...
Le président. Non, Monsieur, c'est terminé, je suis désolé. La parole est au magistrat, M. Hodgers.
M. Antonio Hodgers, conseiller d'Etat. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il est tard, mais ce débat est important, et je pense que l'un des mérites de cette motion - sans doute le seul, à vrai dire - est de soulever le débat sur cette thématique.
En revanche, en ce qui concerne son invite issue des travaux de la commission qui demande au Conseil d'Etat de déplafonner le prix du terrain en zone de développement en tenant compte du prix du marché, il n'est matériellement pas envisageable pour nous de la mettre en oeuvre, car ce serait une violation de l'article constitutionnel fédéral relatif à la liberté du commerce et de l'industrie. En effet, les tractations entre vendeur et acheteur, qui sont deux privés - le vendeur est propriétaire du terrain ou de la villa, l'acheteur est souvent promoteur - relèvent du droit privé, dans lequel l'Etat n'intervient pas. Il n'existe donc pas de plafond, pour reprendre les termes de la motion, s'agissant du prix du terrain en zone de développement. Si ce plafond devait exister, il serait contraire à la garantie de propriété inscrite dans la Constitution fédérale et, plus largement, à la liberté du commerce et à la possibilité pour deux acteurs privés de s'entendre sur le prix d'un bien afin d'exécuter une opération immobilière.
Le deuxième élément qui est problématique, ou du moins que cette motion nous amène à questionner, c'est l'action déblocage. Aujourd'hui, il existe un postulat selon lequel il y aurait davantage de blocages dans les zones 5 de développement 3. Or j'ai fait établir une statistique, qui est arrivée ce matin avec les chiffres 2017: en vingt ans, nous n'avons jamais enregistré autant de transactions en zones 5 de développement 3 que l'année passée ! On constate une réelle accélération des transactions économiques dans les zones villas devenues des zones de développement 3 et, par conséquent, il n'y a pas de situation de blocage, contrairement à ce que présuppose cette motion.
Un point encore, qui a également trait à la garantie de propriété: aucun petit propriétaire n'est contraint de vendre. Voilà des années que l'on me dit que les propriétaires sont spoliés. J'ai demandé qu'on me présente un cas - un seul cas ! - d'un propriétaire qui aurait été forcé de vendre durant cette législature sa maison en dessous du prix auquel il l'estime: ni vos bancs ni la Chambre genevoise immobilière ni Pic-Vert n'ont été capables de me fournir un seul exemple, Mesdames et Messieurs, d'un propriétaire qui aurait été obligé de vendre son bien immobilier plus bas que sa valeur réelle. Et même si cette situation se présentait - c'est arrivé à mon prédécesseur Mark Muller - le propriétaire peut faire recours et les tribunaux lui donneront raison, comme dans cet arrêt du Tribunal fédéral de 2013, qu'on me cite souvent, pour un cas survenu en 2011. Depuis lors, y a-t-il eu un seul autre cas ? Non, donc le postulat selon lequel l'Etat spolie les petits propriétaires est faux.
Ensuite, quelles sont les valeurs admises ? Je vais faire un parallèle: chacun ici remplit sa déclaration d'impôts et, vous le savez, l'administration fiscale admet certaines dépenses, par exemple les frais de transport: vous pouvez déduire un certain nombre de frais pour vos déplacements. Cela ne signifie pas que vous ne pouvez pas consommer plus dans votre quotidien, mais l'administration retient certains montants. S'agissant des plans financiers, l'administration part du postulat suivant, qui est économiquement juste: la valeur d'un terrain ne se définit pas au seul mètre carré. En effet, 1000 mètres carrés de pâturage n'ont pas le même prix que 1000 mètres carrés en zone 5, lesquels n'ont pas le même prix que 1000 mètres carrés en zone urbaine; et en zone urbaine, 1000 mètres carrés au coeur de Genève n'ont pas le même prix qu'au Locle ou encore à Manhattan. Par conséquent, le prix du marché dépend bien évidemment des droits à bâtir inhérents au prix du terrain. Or la zone de développement, Mesdames et Messieurs, est une énorme machine à créer de la richesse, il faut bien comprendre cela: prenez un terrain de 1000 mètres carrés avec une maison construite dans les années cinquante, mais bien entretenue. Admettons, selon une évaluation correcte, que ce bien vaille 1,8 million sur le marché; en passant en zone de développement 3, il gagne une densité nettement supérieure, et la valeur du bien immobilier créé, y compris avec un terrain à 1000 F le mètre carré, se situe autour de 8 millions. Au cours de cette opération, la valeur de l'actif est passée de 2 à 8 millions.
La question que soulevait Mme Magnin tout à l'heure est très pertinente: pourquoi le petit propriétaire devrait-il se contenter de la valeur initiale de son bien ? Pourquoi est-ce le promoteur qui encaisse les 6 millions de plus-value ? Là est la question, mais l'Etat n'intervient pas dans ce débat, Mesdames et Messieurs. Le propriétaire peut dire au promoteur: «Sur le marché, mon bien vaut 2 millions, mais j'en exige 2,5 millions, sinon je ne bouge pas !» Dans les faits - c'est d'ailleurs souvent ce qui se passe - le promoteur paie le supplément demandé - peut-être pas un demi-million de plus, mais en tout cas 200 000 F ou 300 000 F. Voilà la réalité des négociations sur le marché privé.
Alors, Mesdames et Messieurs, pourquoi voulez-vous que l'Etat intervienne dans ces logiques ? L'enjeu, s'agissant des plans financiers, c'est que le promoteur ne pourra valoriser la parcelle qu'à un certain niveau. On parle de 1000 F le mètre carré, mais dans l'exemple que je donnais d'une villa sur 1000 mètres carrés, le prix réel est déjà de 1800 F le mètre carré, parce qu'il y a toute une série d'indemnités supplémentaires. Grâce à la motion du PLR pour l'échange de terrains contre des appartements, le propriétaire d'une maison valant 1,8 million peut être payé jusqu'à 2700 F le mètre carré, c'est-à-dire qu'il peut en obtenir 2,7 millions. Dites-moi où est la spoliation !
Tout cela pour vous dire que le Conseil d'Etat ne pourra pas répondre positivement à cette motion vide de substance juridique, que le département est bien évidemment à disposition des partenaires pour discuter des mécanismes de compensation, mais que la bataille qui se joue n'est fondamentalement pas entre l'Etat et les petits propriétaires, mais bien entre les petits propriétaires et les promoteurs, Mesdames et Messieurs, et c'est un débat entre privés.
Comme dirait le député Vanek, choisis ton camp, camarade: est-ce que votre majorité soutient les petits propriétaires ou est-ce qu'elle veut donner un signal à l'égard des promoteurs immobiliers, qui sont aussi défendus par vos bancs ? C'est là toute l'ambiguïté de la posture d'une majorité qui prétend d'un côté vouloir faire cesser les blocages mais qui, de l'autre, maintient en otage 4500 logements en commission. Si vous voulez stopper les blocages, votez les modifications de zones que vous propose le Conseil d'Etat ! Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes saisis d'une demande d'amendement sur le titre: il s'agit d'en supprimer le mot «provisoire». Je mets cette proposition aux voix, tout en vous rappelant que le vote nominal a été sollicité pour la prise en considération de cet objet.
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 48 oui contre 41 non et 1 abstention.
Mise aux voix, la motion 2139 ainsi amendée est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 48 oui contre 42 non et 1 abstention (vote nominal).