République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 24 novembre 2017 à 15h40
1re législature - 4e année - 9e session - 49e séance
M 2373-A
Débat
Le président. Nous abordons la M 2373-A, dont le débat est classé en catégorie II, trente minutes. Je laisse la parole au rapporteur de majorité, M. Murat Julian Alder.
M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, au nom de la commission, j'aimerais tout d'abord remercier M. Luc Barthassat, conseiller d'Etat, MM. David Favre et Alexandre Prina, qui ont représenté le département tout au long des travaux, ainsi que M. Vincent Moret, qui a tenu le procès-verbal. Les séances ont été présidées par le député Bernhard Riedweg, qu'il soit également ici remercié.
Que propose cette proposition de motion du groupe des Verts ? Douze dimanches sans voiture par année autour de la rade, sans qu'ils soient pour autant liés à de quelconques animations ou événements, voire à une ouverture des magasins au centre-ville. Il ne s'agit de rien d'autre que d'un texte anti-voitures, qui n'a de surcroît rien de moderne puisque, on le sait, le concept de dimanches sans voiture date de 1973 - c'est dire si cette motion porte en elle le germe de la ringardise ! Mais surtout, elle ne tient pas compte de la volonté populaire exprimée par les Genevois en 2003 déjà, quand, dans le cadre d'un vote fédéral sur une initiative des Verts suisses, ils avaient refusé d'instaurer quatre dimanches par an sans voiture. Cette initiative avait été rejetée dans le canton de Genève !
Aux yeux d'une majorité de la commission, ce texte va beaucoup trop loin et, malgré les tentatives des représentants de certains groupes de revoir à la baisse le chiffre de douze, il a finalement été jugé qu'il ratait sa cible. En effet, il convient de rappeler qu'une seule de ces journées, comme nous en avons vécu aux mois de septembre 2016 puis 2017, coûte au moins 200 000 F en frais de sécurité. Ce qui est également à déplorer, c'est que les auteurs n'entendent absolument pas entrer en matière sur une potentielle ouverture dominicale des commerces en parallèle. J'aimerais enfin rappeler que plusieurs événements ont déjà pour effet de fermer les quais: les Fêtes de Genève, Gliss'en Ville, la Lake Parade - sans parler, plus récemment encore, de la Saga des géants qui a engendré de nombreuses perturbations du trafic.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous invite, au nom de la majorité, à refuser cette proposition de motion. Merci de votre attention.
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de minorité. Chères et chers collègues, dimanche prochain, Paris fermera les Champs-Elysées à la circulation pour la huitième fois cette année, comme l'a souhaité la majorité du Conseil de Paris. Le 1er octobre de cette année, la capitale française a tenté quelque chose de plus ambitieux encore, à savoir fermer l'ensemble de sa voirie intra-muros, ce qui a eu pour conséquence une baisse significative de 56% de la pollution, notamment du dioxyde d'azote. Sur le site internet de l'office du tourisme de Bordeaux, les dimanches sans voiture constituent l'un des premiers sujets à découvrir. Ailleurs, c'est souvent une fois par an, mais à Bordeaux, c'est une fois par mois ! On constate que partout, tranquillement mais sûrement, l'idée de journées sans voiture, que ce soit dans un secteur très réduit ou un périmètre beaucoup plus large, prend de l'envergure.
A cet égard, je regrette la confusion faite par le rapporteur de majorité entre la proposition des quatre dimanches sans voiture, qui visait une interdiction générale de circuler sur le territoire, et celle-ci, extrêmement modeste, qui ne concerne que le pont du Mont-Blanc et les quais de Genève. Ce site magnifique, ce cadre unique au monde mériterait d'être rendu aux piétons et aux cyclistes à raison de quelques fois par an, afin que le public puisse en profiter. En commission, on a tenté de trouver un compromis, par exemple en commençant par un nombre de jours plus restreint - celui de quatre a été avancé - mais, malheureusement, une fin de non-recevoir nous a été adressée. C'est bien dommage, parce qu'à Genève aussi, on rêve de lever le pied, de flâner, de pédaler, de patiner, de se rencontrer dans les rues et même d'y pique-niquer.
Péniblement, on a réussi à instaurer un tel événement une fois par année à Genève dans un secteur très réduit: l'année passée, il y avait le pique-nique organisé par le département, cette année la Saga des géants. Cela dit, mettre en parallèle le prix de la sécurité, soit 200 000 F, avec l'avantage qu'en ont tiré les Genevois paraît hors de propos. En effet, on ne peut qu'aller dans le sens d'augmenter ces manifestations dont les Genevois sont demandeurs, lesquelles auront tendance à se multiplier à l'avenir, plutôt que d'être considérées comme ringardes, ainsi que le prétend le rapporteur de majorité. Je vous remercie.
M. Bernhard Riedweg (UDC). Douze dimanches sans voiture par année autour de la rade, c'est un dimanche par mois en moyenne... (Exclamations. Rires. Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Bernhard Riedweg. On pourrait en organiser deux ou trois par mois, et laisser ensuite passer quelques mois ! Mais je vous remercie pour vos félicitations, Mesdames et Messieurs, qui me vont droit au coeur ! Il y a des périodes de l'année où la météo et les températures ne se prêtent pas aux balades collectives sur les quais et le pont du Mont-Blanc - vous pouvez applaudir, si vous le souhaitez ! (Rires.) En effet, la pluie et la neige ne sont pas propices aux promenades récréatives.
Lors d'intempéries estivales, les stands de nourriture ou de boissons ne couvrent pas leurs frais, ce qui dissuade les restaurateurs et les «food trucks» d'assurer une présence régulière et soutenue. Dans ces cas, prévoir la quantité de nourriture à avoir en stock relève du défi - d'ailleurs, cette remarque vaut aussi pour les stands d'animation. Interdire l'accès aux véhicules autour de la rade pour que les piétons s'approprient les rues et le pont du Mont-Blanc requiert des infrastructures amovibles spéciales ainsi qu'une présence policière accrue, ce qui est synonyme de coûts supplémentaires de l'ordre de 170 000 F à 200 000 F.
On compare ce projet avec ce qui se fait dans les villes de Paris ou Bordeaux qui organisent certes des dimanches sans voiture, mais au centre-ville, pas sur les quais ! De plus, il faut savoir que ces opérations sont liées à l'ouverture des commerces, ce qui ne serait pas le cas ici. A Genève, de nombreux événements accaparent déjà le citoyen: les Fêtes de Genève, la Lake Parade, le marathon, les courses pédestres de longue distance, des cortèges d'associations folkloriques, le tour de Romandie et des manifestations patriotiques, qui nécessitent des reports de trafic sur d'autres routes.
Cette motion est excessive; le département n'a ni les moyens financiers ni les infrastructures permanentes à disposition sur place pour organiser de telles manifestations chaque mois, sachant par ailleurs qu'aucune étude réalisée à ce propos ne s'est révélée convaincante. C'est pourquoi l'UDC vous demande de refuser cet objet. Merci, Monsieur le président.
Le président. Merci, Monsieur. Grâce à vous, j'ai approfondi mes connaissances ! Madame Moyard, c'est à vous.
Mme Salima Moyard (S). Je vous remercie, Monsieur le président, tout comme M. Riedweg qui a égayé ma fin de journée ! Un beau jour de fin septembre dernier, ma fille, du haut de ses quatre ans, me dit: «Maman, il est hyper grand, ce trottoir !» Nous étions en face du jet d'eau, et elle parlait du pont du Mont-Blanc, sur lequel nous nous baladions, mon fils dans sa poussette, ma fille sur son petit vélo, entourés de familles, de marcheurs, de cyclistes, le tout dans une ambiance extrêmement bon enfant, calme, populaire, sympathique, sans bruit... Bref, un dimanche comme on aimerait en vivre plus souvent à Genève !
Ainsi que l'a mentionné le rapporteur de majorité, ce dimanche de septembre dernier a fait coïncider une journée sans voiture organisée par le département avec la Saga des géants de la compagnie Royal de Luxe, événement qui a suscité un magnifique engouement populaire, à la fois poétique - et non politique - et divertissant. Nous y avons trouvé - pour le parti socialiste, c'est important - une Genève pacifiée, une Genève apaisée, rendue comme elle devrait l'être plus souvent aux piétons et à la mobilité douce. Voilà la Genève que nous aimons, qui n'est pas celle de la pollution, du bruit, des bouchons et des excès répétés de CO2.
Comme M. Buschbeck l'a expliqué, cette motion va dans la bonne direction, celle prescrite par les différents plans directeurs aujourd'hui en vigueur, elle est dans la ligne même - tout en allant un peu plus loin - décrite par le conseiller d'Etat Barthassat, qu'on ne peut pas vraiment taxer d'excessif, il reste PDC; je regrette d'ailleurs son absence. Aussi, pour le parti socialiste, elle amène une forme de sensibilisation, elle montre le bon chemin pour une complémentarité des différents modes de transport et, gentiment, elle fait changer les moeurs. En effet, Mesdames et Messieurs, il est illusoire de croire que pendant des années encore, nous allons toutes et tous continuer... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...à nous déplacer seuls dans notre voiture, au milieu des bouchons - enfin, personnellement, ça fait longtemps que j'en suis revenue.
En commission, les socialistes et les motionnaires ont montré une volonté de compromis en proposant une formulation plus ouverte, pour éventuellement réduire quelque peu ce nombre de douze qui était symbolique - intéressant, mais peut-être trop ambitieux; il n'y a pas eu d'ouverture...
Le président. Il vous faut conclure, Madame.
Mme Salima Moyard. Je termine, Monsieur le président ! ...ce que le parti socialiste regrette. Je souhaiterais pour ma part, et le parti socialiste avec moi, faire mentir ma maman, vaudoise de son état, qui me dit - aujourd'hui à raison, mais demain peut-être à tort...
Le président. C'est terminé !
Mme Salima Moyard. ...qu'il est impossible d'élever des enfants dans cette Genève trop polluée. Faisons changer cela ! Je vous remercie.
M. Pierre Vanek. Bravo !
M. François Lance (PDC). Mesdames et Messieurs les députés, il me semble qu'une majorité au sein de cet hémicycle est favorable à l'encouragement de la mobilité douce et, par conséquent, à la diminution du flux de véhicules dans l'hypercentre. Nous sommes aussi tous d'accord pour dire que le pourtour de la rade constitue un cadre exceptionnel de promenade et de détente pour de nombreux habitants de notre région, ainsi que pour les touristes.
Cette motion demande d'instituer douze dimanches sans voiture par année autour de la rade, que ce soit en été ou en hiver. Son examen en commission a démontré qu'une telle contrainte n'était pas acceptable et n'apporterait aucune valeur ajoutée. Plusieurs manifestations d'envergure, annuelles ou exceptionnelles, exigent déjà la fermeture des voies de circulation dans ce périmètre, elles ont été citées tout à l'heure: les Fêtes de Genève, le marathon, la journée sans voiture, la Saga des géants. Même si ces événements sont fort sympathiques pour la population, ils entraînent des perturbations, en particulier pour les professionnels du tourisme et les touristes tout court qui arrivent au centre-ville en voiture pour découvrir la rade. Sans doute par manque de signalisation adaptée, on constate alors une augmentation du nombre d'automobilistes aux plaques non genevoises qui se retrouvent coincés dans les rues adjacentes pour trouver un accès au lac ou simplement passer d'une rive à l'autre.
Un amendement a été voté en commission, qui limite la fermeture des routes à quatre dimanches par an, sans mentionner de lien avec les manifestations évoquées tout à l'heure. Le groupe démocrate-chrétien est favorable à la mise en place de mesures progressives en vue de limiter l'accès au centre-ville aux véhicules motorisés, comme le demande d'ailleurs la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée. En commission, nous avons fait des propositions pour le développement et l'élargissement des espaces réservés aux piétons et à la mobilité douce autour de la rade et dans l'hypercentre, de façon progressive et concertée avec tous les acteurs concernés. Toutefois, l'amendement déposé dans ce sens n'a pas été accepté.
Pour notre part, nous ne soutenons pas celui qui prévoit la fermeture des voies de circulation quatre fois par année sans la coupler avec les événements existants autour de la rade. Pour ces différentes raisons, le groupe démocrate-chrétien refusera cette motion et vous invite à en faire de même.
M. Pierre Vanek (EAG). M. Alder considère que l'idée de journées sans voiture est ringarde, parce qu'elle date de 1973. Mesdames et Messieurs, nous sommes nombreux dans cette salle à dater d'avant 1973 - ce qui n'est pas le cas de Murat Julian Alder, en effet - alors je ne sais pas si on doit prendre cela comme une attaque personnelle, mais bon... L'avantage de dater d'avant 1973, Mesdames et Messieurs, c'est que j'y étais ! Salima Moyard nous a fait un exposé vibrant sur la fermeture du pont du Mont-Blanc, nous a expliqué à quel point c'était bien en nous racontant le déplacement familial; moi, je vous assure qu'en 1973, c'était quelque chose !
Il y a un film dans les archives de la RTS qui permet de voir comment ça se présentait. Bien sûr, ce n'était pas volontaire, c'était imposé par l'embargo pétrolier, mais c'était grandiose comme réappropriation de la ville par les habitants, à pied, à cheval, en patins à roulettes, en ceci ou en cela, c'était spectaculaire comme rupture avec le quotidien ! Et c'est précisément ce que devrait être un dimanche - je m'adresse au PDC - c'est-à-dire qu'on s'arrête et qu'on fait autre chose, qu'on brise le train-train des affaires commerciales et économiques. En 1973, c'étaient de vrais dimanches, c'était remarquable, spectaculaire et extrêmement enthousiasmant.
Voilà pourquoi cette idée revient, parce que nous sommes un certain nombre à en rêver. Les Verts, malheureusement, ne rêvent plus beaucoup ou n'inspirent pas beaucoup de rêves, parce qu'ils sont dans une logique de restriction. On parle de dimanches sans voiture, puis on lit la motion et on s'aperçoit qu'il s'agit de quelques rues, du seul périmètre autour de la rade; on parle de douze dimanches par an, mais Mathias Buschbeck, dans son rapport, réduit ce chiffre à quatre - ce serait bien aussi ! - puis à deux; Bernhard pourrait alors nous calculer combien de dimanches ça représente en moyenne par année, quelque chose comme un tiers de pour cent...
Non, Mesdames et Messieurs, il faudrait savoir rêver encore ! Quant à moi, je rêve à de vrais dimanches sans voiture à l'échelle... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole. L'orateur s'interrompt.)
Une voix. ...planétaire !
Le président. Je sonnais juste pour indiquer qu'il vous reste trente secondes.
M. Pierre Vanek. Ah, d'accord, Monsieur le président ! ...à l'échelle du pays, bien sûr, mais en commençant par Genève. Enfin, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas une manifestation qu'il s'agirait d'organiser en prévoyant des stands, des machins, des trucs et des bidules, et qui coûterait cher, ce serait simplement offrir aux gens - ça, c'est pour le PLR - offrir à la liberté individuelle des uns et des autres un espace supplémentaire pour se déployer, précisément sans avoir besoin d'un quelconque investissement de l'Etat !
M. Pascal Spuhler (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, douze dimanches par année sans voiture, c'est une initiative datant de 1978 qui avait été purement et simplement rejetée par le peuple. Et il ne s'agissait pas d'un concept nouveau puisqu'on en parlait dans les années trente déjà. Un siècle plus tard, on n'a toujours pas résolu la question, et je pense qu'on ne la résoudra pas aujourd'hui.
Mesdames et Messieurs, l'idée est sans doute charmante et bucolique, et on a vu que ça pouvait fonctionner une ou deux fois par an; jusqu'à présent, le conseiller d'Etat Barthassat a d'ailleurs eu de la chance puisque, à deux reprises durant les mois de septembre 2016 et 2017, la météo était de la partie, mais imaginez un dimanche en plein hiver, ce n'est pas la même chose. Des journées sans voiture, il y en a déjà plus d'une, on l'a dit: les Fêtes de Genève, le marathon, le triathlon, j'en passe et des meilleures. Nous en avons déjà, et je vous invite à venir en profiter.
Mais qui dit sans circulation, dit animations. Un dimanche sans voiture, sans animations, ce ne seraient que des voies vides, sans aucun sens, sans aucune logique ! Alors instituons des dimanches sans voiture, mais faisons quelque chose d'intelligent, ouvrons les commerces ! Nous l'avons proposé en commission: puisque nous voulons que les gens s'approprient les rues et les quais, eh bien faisons tout comme il faut et autorisons les magasins à ouvrir leurs portes et à offrir cette animation que les touristes demandent. Notre centre-ville est mort le dimanche, il n'y a rien; vous voulez de l'animation ? Avec plaisir, mais alors donnez l'autorisation qui va avec, c'est-à-dire l'ouverture des commerces. Mais non, pour vous, c'est rédhibitoire ! Les socialistes ? Que nenni. Les Verts ? Je n'en parle même pas. Quant à Ensemble à Gauche, ils sont évidemment loin derrière. Mesdames et Messieurs, soyons logiques: vous voulez quelque chose de festif, d'accueillant au centre-ville, vous voulez un peu de liberté; d'accord, mais liberté de commerce également, soyons réalistes dans notre façon de penser. Quant à dire que fermer quelques rues au trafic permettra de faire diminuer la pollution, laissez-moi rigoler ! Cette pollution se déplacera juste plus loin, en périphérie, dans les quartiers un peu plus défavorisés. Je vous remercie pour votre initiative, Monsieur Buschbeck; au revoir !
M. Michel Ducret (PLR). Mesdames et Messieurs les députés, vous aurez sans doute apprécié comme moi l'apologie de la crise économique effectuée par M. Vanek tout à l'heure ! Enfin... Revenons-en à l'objet qui nous occupe: tous les exemples cités par M. Buschbeck concernent des rues ou des avenues internes à ces agglomérations, des rues commerçantes avec des magasins parfois ouverts exceptionnellement durant les jours de fermeture au trafic, mais ce ne sont surtout pas des axes majeurs, essentiels, irremplaçables ! A cet égard, je vous fais remarquer que ce sont les mêmes proposants qui s'opposent à toute possibilité d'évitement de notre centre-ville, donc des axes irremplaçables, non seulement pour notre cité, mais également pour toute la région.
La mesure proposée constitue une vision égoïste et étroite de ce qu'est notre agglomération, Mesdames et Messieurs les députés, car nous avons une responsabilité à l'échelle régionale. Par ailleurs, elle entraînera un report du trafic sur des rues bien moins privilégiées des quartiers adjacents. C'est quoi, finalement, la paix pour les nantis des quais ? La pollution pour les autres, les moins favorisés ? Voilà, au final, le résultat de cette proposition égoïste. Dans les quartiers adjacents, on subit déjà la circulation lors des différentes manifestations qui exigent la fermeture des quais, donc cette motion est carrément inique et socialement inacceptable. Je vous demande de la rejeter fermement.
Le président. Merci, Monsieur. La parole est à M. Gauthier pour une minute trente.
M. Pierre Gauthier (HP). Je vous remercie, Monsieur le président. Chères et chers collègues, nous sommes saisis de ce que je me permettrais d'appeler une fausse bonne idée, n'en déplaise à mes voisins de siège. En effet, je ne pense pas qu'instaurer douze dimanches par an sans voiture uniquement sur les quais soit une bonne idée, principalement parce que cela reporte le trafic sur les quartiers périphériques, notamment populaires, qui écopent alors non seulement des embouteillages routiers, mais encore du bruit et de la pollution. Les conséquences absolument dantesques de la Saga des géants sur la circulation sont encore dans toutes les mémoires et, habitant la Servette, je souhaiterais ne pas avoir à subir cela encore douze dimanches par année, soit une fois par mois, comme l'a rappelé M. Riedweg.
Cette motion est certes extrêmement sympathique mais, à mon avis, totalement cosmétique, parce qu'elle ne fait que déplacer le problème de la pollution, sans apporter de solution au problème de fond qui est celui, il faut bien le reconnaître, de l'échec cuisant de la politique actuelle en matière de mobilité. Aussi, elle rate sa cible, et je ne la soutiendrai pas. C'est d'une politique des transports crédible que Genève a besoin, pas de la création artificielle d'embouteillages dans les quartiers populaires périphériques. Merci, Monsieur le président.
Mme Delphine Klopfenstein Broggini (Ve). Les propos qu'on vient d'entendre à plusieurs reprises sont assez surprenants. Cette motion n'est ni excessive ni complètement fantasque, puisque le concept des dimanches sans voiture existe dans de nombreuses villes: à Paris, ainsi que M. Buschbeck le précisait tout à l'heure, à Bruxelles aussi, comme dans d'autres grandes ou plus petites villes. Les dimanches sont des jours sans trafic pendulaire, avec beaucoup moins de livraisons, des jours où justement les loisirs peuvent se développer. Cette proposition est non seulement extrêmement simple et facilement réalisable parce qu'elle ne coûte pas très cher, mais surtout elle va dans la bonne direction.
Aujourd'hui, on n'est pas fichu de prendre les bonnes décisions en matière de mobilité, on n'arrive même pas à se mettre d'accord pour calmer le jeu du trafic motorisé le dimanche. Cette motion permet à tout un chacun de profiter d'un dimanche tranquille en famille, entre amis, sur l'un des plus beaux sites de Genève. A l'heure actuelle, le panorama est complètement obstrué par la circulation, que ce soit sur le pont du Mont-Blanc ou sur les quais de part et d'autre du lac. Nous devons accepter ce projet, nous devons faire preuve d'une vision progressiste en matière de transports et voter cette motion. Merci. (Quelques applaudissements.)
Le président. Je vous remercie et donne la parole à Mme Engelberts pour une minute trente. (Un instant s'écoule.)
Une voix. Marie-Thérèse !
Mme Marie-Thérèse Engelberts. Non, non, c'est une erreur, Monsieur le président.
Le président. Très bien, alors elle revient à M. Spuhler pour trente-cinq secondes.
M. Pascal Spuhler (MCG). Oui, Monsieur le président, merci. Encore un petit mot: j'entends que beaucoup de villes organisent des dimanches sans voiture, on nous a par exemple cité Paris. Genève vaut bien Paris, mais Genève n'est pas Paris, Monsieur Buschbeck, et 2 400 000 F pour des dimanches sans personne, sans animations, sans commerces ouverts, ce sont 2 400 000 F jetés par la fenêtre; vous en avez peut-être les moyens, moi pas.
Le président. Merci, Monsieur le député. La parole va maintenant au rapporteur de minorité, M. Buschbeck, qui dispose encore d'une minute trente.
M. Mathias Buschbeck (Ve), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je dois donner raison à M. Vanek: j'ai essayé, avec cette motion, de proposer quelque chose d'extrêmement modeste sur un périmètre très réduit; on nous le reproche aujourd'hui en disant que ça créera des reports de trafic, soit. Il nous faudra alors revenir avec une proposition plus ambitieuse qui englobe l'ensemble du territoire afin d'éviter cet écueil. Quand les rues de Paris ont été fermées le 1er octobre, on pensait que le périphérique serait complètement bouché; en réalité, on y a assisté à une baisse de la circulation de plus de 50%, tout simplement parce que les gens avaient changé de mode de transport.
Quant à la question de l'ouverture des commerces, c'est très intéressant. Dans le rapport, il est clairement mentionné que nous avons auditionné les commerçants, et ceux-ci ne veulent pas ouvrir leurs magasins le dimanche, donc vous êtes bien mal pris d'exiger ça, Monsieur, puisque les commerçants eux-mêmes ne le souhaitent pas. Pour qui a tenté d'aller manger aux Eaux-Vives le jour de la Saga des géants, tous les restaurants étaient fermés alors qu'ils auraient très bien pu ouvrir leurs portes ce dimanche-là, donc on voit bien que le problème ne se situe pas à ce niveau.
Une voix. C'est pas vrai !
M. Mathias Buschbeck. Aussi, Mesdames et Messieurs, je vous remercie d'accepter cette motion.
Le président. Merci, Monsieur. La parole revient à M. Alder pour une minute trente.
M. Murat Julian Alder (PLR), rapporteur de majorité. Je vous remercie, Monsieur le président. Tout d'abord, si je peux compatir à la nostalgie que ressent le sage Pierre Vanek, j'aimerais vraiment le rassurer: il n'y avait aucune espèce de gérontophobie dans mon propos !
Ensuite, tout un chacun sait que la gauche a un problème idéologique avec la voiture, qui est le symbole historique du capitalisme, et quand bien même l'ensemble des véhicules deviendraient non polluants, la gauche continuerait à combattre par tous les moyens les vilains qui osent utiliser ce moyen de transport individuel et donc afficher un signe extérieur de richesse. Cette motion est idéologique, dogmatique et, je le réaffirme, ringarde; elle n'améliore en rien la qualité de vie dans notre ville et notre canton.
J'aimerais encore rappeler qu'on recense 0,37 voiture par personne à Genève - ce sont les représentants du département qui nous ont donné ces chiffres - tandis que 40% des habitants de la ville ont renoncé à s'en servir. Ainsi, on voit bien que la diminution du recours à la voiture est déjà une réalité sans qu'il soit nécessaire d'en rajouter une couche avec des propositions de ce type. Comme je le disais en introduction, fermer les quais pour le simple plaisir d'avoir des dimanches sans voiture n'apporte strictement rien, à moins qu'on n'envisage d'ouvrir les magasins par la même occasion. Je vous remercie de votre attention.
Le président. Merci, Monsieur. A présent, je lance le vote sur la prise en considération de ce texte.
Mise aux voix, la proposition de motion 2373 est rejetée par 61 non contre 32 oui et 1 abstention.