République et canton de Genève

Grand Conseil

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P 1974-A
Rapport de la commission des pétitions chargée d'étudier la pétition contre l'implantation d'un centre d'accueil permanent pour réfugiés mineurs non accompagnés de 150 places sur les parcelles 1409 et 2860, attenantes à l'école primaire d'Aïre, sise 11 chemin du Grand-Champ, 1219 Aïre-Le Lignon, à Vernier
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session XI des 15 et 16 décembre 2016.
Rapport de majorité de Mme Sarah Klopmann (Ve)
Rapport de minorité de M. Stéphane Florey (UDC)

Débat

Le président. Nous arrivons à la pétition 1974, toujours en catégorie II, trente minutes. Madame Klopmann, je vous laisse la parole.

Mme Sarah Klopmann (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. Après avoir entendu les pétitionnaires, le DEAS, la commune de Vernier, l'Hospice général et le DIP, la majorité de la commission a refusé de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Des raisons humaines et éthiques ont évidemment motivé ce vote: il s'agit d'accueillir des mineurs non accompagnés, c'est-à-dire des enfants, enfants qui, en plus, ont dû fuir la guerre et traverser l'Europe dans des conditions atroces. En outre, la pétition et les autorités communales demandaient surtout un redimensionnement du projet à la baisse: cela a été fait. Une autre revendication consistait dans le fait d'avoir plus de mixité: cet aspect a aussi été pris en compte, puisque finalement, ce centre d'hébergement accueillera 90 jeunes et 30 membres de familles. C'est toujours beaucoup, mais ainsi, les demandes ont déjà été acceptées en partie.

Il est aussi important de rappeler que 56% des 21 millions de réfugiés - des gens qui essaient juste de sauver leur vie - sont accueillis dans seulement dix pays du monde, et pas les plus riches. Par exemple, la Jordanie, dont le PIB n'atteint que 1,2% de celui du Royaume-Uni - pour vous donner une idée - accueille 655 000 réfugiés. Le Liban, qui a 4,5 millions d'habitants pour 10 000 kilomètres carrés de surface, accueille 1,1 million de réfugiés. Nous pouvons donc clairement, et nous devons clairement en recevoir ici. (Brouhaha.)

Mais la question, c'est aussi comment accueillir ces gens. Il s'agit d'enfants qui ont vécu des drames terribles. Le projet pédagogique est donc très important, et il serait bien qu'on mène à Genève des projets beaucoup plus importants et de qualité. Nous en avons longuement parlé en commission. Une enquête sur l'accueil des réfugiés en Suisse a montré que Genève était malheureusement très mauvaise élève en la matière, c'est vraiment honteux. Il est de notre devoir de proposer une structure qui soit adaptée aux besoins des jeunes qui ont vécu l'horreur et un projet qui puisse leur redonner un peu d'espoir. Ces enfants et ces jeunes sont des enfants et des jeunes comme tous les autres, et notre devoir est de les accompagner, comme on le fait pour tous les autres enfants et jeunes, et de leur mettre toutes les cartes en mains pour qu'ils puissent ensuite construire leur futur. Evidemment, ça passe par la formation, par plus d'éducateurs et un meilleur encadrement; aussi par des activités qui peuvent être communes et liées à la vie du foyer, par exemple la préparation des repas en commun ou ce genre de choses, qui se fait encore trop peu ici. Il faut aussi que le suivi soit constant et continu, dans la durée, même après que ces jeunes ont atteint la majorité: ce n'est pas parce qu'on a 18 ans et un mois qu'on sait tout à coup mieux se débrouiller qu'avant. Il est surtout important pour l'avenir de réfléchir à concevoir des structures beaucoup plus petites, des structures qui accueilleraient entre 20 et 40 personnes au maximum; mais pas une seule petite structure à la place d'un grand centre: plein de petites structures... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...qui nous permettent d'accueillir vraiment les gens qui doivent être accueillis ici, d'offrir un peu d'humanité à des personnes qui ont vécu l'horreur. Cela me semble être un travail que doivent mener maintenant les départements, puisqu'il y en a deux concernés, et l'Hospice général également. Dans ce travail, il sera intéressant d'inclure aux réflexions la FOJ, par exemple, et d'améliorer les projets pédagogiques pour les jeunes. (Brouhaha. Le président agite la cloche.)

Nous avons beaucoup discuté en commission du projet architectural. J'ai été assez rassurée de voir qu'il était organisé de façon bien différente des autres grands centres qui posent problème actuellement: de plus petites unités vont être créées, avec un travailleur social par unité, des espaces communs pour que les jeunes puissent se réunir, des endroits pour la mixité, et ça, c'est un point positif: nous devons le faire à chaque fois. Genève doit vraiment offrir de l'espoir et une vie digne à celles et ceux qui après l'horreur, ont échappé aux bombes, aux flammes, au froid, au chaud, à la noyade, et qui finalement arrivent dans un pays où nous avons la chance d'être encore en paix. Je vous demande vraiment, s'il vous plaît, de soutenir l'accueil des réfugiés de manière large, mais aussi, à l'avenir, de réfléchir à concevoir des structures beaucoup plus adaptées et accueillantes.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. Tout d'abord, je tiens à préciser que je resterai strictement dans le cadre de la pétition et que je ne parlerai pas, comme l'a fait la rapporteure de majorité, du PIB de nos pays voisins, de projets qu'on nous a prétendument présentés alors qu'il n'y a absolument rien de concret. Je me bornerai donc à la pétition en elle-même. Car au-delà des raisons éthiques et humaines, il y a tout d'abord les craintes et interrogations des habitants et des communes. Contrairement à ce qui a été déclaré notamment par le Conseil d'Etat, les autorités communales ne sont pas du tout favorables à ce projet; nous l'avons compris quand nous les avons reçues. En tout cas, elles ne l'étaient pas au moment de leur audition ni au moment de la rédaction des deux rapports. Nous nous trouvons en face d'un Conseil administratif qui n'est pas favorable à ce projet. Il nous a rapporté de grandes interrogations à son sujet: une multitude de chiffres nous ont été fournis par le département, on nous a parlé une fois des fameuses 150 places mentionnées dans la pétition, ensuite on nous a dit qu'il y aurait 250 places, puis que c'était trop, qu'on revoyait donc ce chiffre à la baisse; finalement, on ne sait toujours pas combien de personnes seront concernées.

Au-delà du nombre se pose la question de savoir quelles personnes seront concernées. On nous a d'abord parlé de mineurs non accompagnés, puis on est venu nous dire que ce n'était pas la bonne solution, qu'il fallait peut-être accueillir des familles, que finalement ce ne seraient peut-être que des adultes. On ne sait toujours pas de qui on parle et de combien de personnes.

A part la commune, il y a aussi, bien sûr, les habitants de Vernier, lesquels n'ont jamais obtenu de vraies réponses de la part des autorités, malgré une présentation publique qui a réuni environ 400 personnes. Les personnes qui y ont assisté sont reparties avec beaucoup d'interrogations et de craintes au sujet desquelles elles n'ont toujours pas reçu de réponse.

Ce que nous déplorons, c'est le fait qu'on prive de réponses les citoyens de la commune de Vernier et, par là même, du canton - car à terme, c'est tout le canton qui sera concerné par ce genre de projet. Finalement, la pétition ne demande que des réponses afin de pouvoir éliminer ces craintes et permettre un débat serein. Sans ces réponses et sans ces informations apportées aux citoyens, nous le savons déjà, il y aura des oppositions de la part de la commune, il y aura des oppositions de la part des citoyens, d'associations, et finalement, c'est peut-être le meilleur moyen pour ne pas avoir un centre dans une commune. Si vous voulez jouer à ce petit jeu, faites-le ! Nous, nous ne le ferons pas, nous voterons le renvoi, et s'il est refusé, nous verrons bien ce qui se passera par la suite. Je vous remercie.

M. Christian Frey (S). Il a pu y avoir en effet - on l'a dit dans le cadre des discussions sur la pétition - un certain problème d'information. C'est vrai que quand nous avons reçu un conseiller administratif de la commune concernée, ce conseiller administratif n'avait peut-être pas toutes les informations à notre connaissance. Entre-temps, les choses ont changé, l'information a passé et l'Hospice général - car c'est bien lui qui va construire - est très clair: il s'agit de 90 RMNA - réfugiés mineurs non accompagnés - au maximum et de 30 familles, et de personne d'autre. C'est bien ce chiffre-là qui doit être pris en considération.

Nous avons aussi eu l'occasion de voir les plans. La rapporteuse de majorité l'a déjà mentionné, ces plans sont extrêmement intéressants. C'est vrai que ce n'est pas l'idéal: l'idéal, ce seraient probablement de petites structures de 30, 40 places. Mais c'est une construction intéressante, en L, qui permet à tous les intervenants de communiquer entre eux. C'est une construction modulaire qui consiste à avoir des unités de cinq chambres à deux lits, ce qui est remarquable. Par ailleurs, le projet architectural dans son ensemble a été fait par un cabinet d'architectes excellent, et il répond aux demandes pour un tel centre. En plus, il faut aussi savoir que la situation actuelle au centre de l'Etoile est simplement inacceptable: il n'y a pas de locaux communs pour ces réfugiés mineurs non accompagnés, ils n'ont pas accès à des cuisines, ils ne peuvent pas faire de la nourriture qui vient de leur pays, ils ne peuvent pas se réunir en groupe et ils ont très peu d'accompagnement, en tout cas jusqu'à récemment.

Il est inacceptable que sous prétexte de respecter les conventions internationales de protection de l'enfance, on empêche la construction d'un ensemble, d'un centre permanent d'accueil pour ces réfugiés mineurs non accompagnés, centre qui manifestement, et de manière significative, améliore la prise en charge de ces personnes. (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) En plus, il est encore à mentionner qu'une des dernières conditions qui posait problème, l'acceptation du projet pédagogique qui précise exactement l'encadrement, vient de nous être transmise par le responsable du DEAS. Cette condition est ainsi également remplie. Rien ne s'oppose donc au dépôt de cette pétition, elle n'a plus de raison d'être.

Le président. Vous êtes exactement dans le temps, bravo ! Madame von Arx-Vernon, c'est à vous.

Mme Anne Marie von Arx-Vernon (PDC). Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, il y a des éléments nouveaux intéressants. C'est évident que le nombre d'enfants accueillis a été revu à la baisse; mais le parti démocrate-chrétien demande que cette pétition soit renvoyée à la commission des affaires sociales, en raison de ces éléments nouveaux extrêmement intéressants. Le service d'autorisation et de surveillance des lieux de placement, sous la responsabilité du DIP, a envoyé l'autorisation à l'Hospice général; il y a donc un projet sociopédagogique extrêmement intéressant à étudier dans le cadre de cette commission. Monsieur le président, le parti démocrate-chrétien demande le renvoi en commission de cette pétition, parce que les travaux qui pourront y être effectués pourraient réussir à mettre tout le monde d'accord, et ça, c'est très important. Je vous remercie.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. La minorité n'est pas favorable à ce renvoi. Du moment que nous avons affaire à une pétition et que les pétitionnaires attendent simplement des réponses, il serait plus judicieux de renvoyer le texte directement au Conseil d'Etat afin que celui-ci nous fasse part de ces prétendus éléments nouveaux. Il faut arrêter de vouloir absolument mettre tous les sujets dans toutes les commissions, ce qui représente une perte d'argent et de temps considérable. Renvoyons simplement la pétition au Conseil d'Etat; libre à lui ensuite d'amener tous ces prétendus nouveaux éléments.

Mme Sarah Klopmann (Ve), rapporteuse de majorité. Je suis un peu prise de court. Je pense qu'il est important - je l'ai d'ailleurs dit, c'était la plus grande partie de mon intervention - de bien réfléchir aux projets pédagogiques. Néanmoins, je ne suis pas persuadée par le fait de lier cette pétition - dont le titre signifie tout de même: non à un centre permanent pour réfugiés - à une réflexion globale sur les projets pédagogiques et la façon de bien accueillir les réfugiés. Les Verts vont donc... (L'oratrice se tourne vers les bancs des Verts.) S'abstenir ! (L'oratrice rit.)

Le président. Je vous remercie. Nous passons au vote sur le renvoi en commission.

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur la pétition 1974 à la commission des affaires sociales est rejeté par 66 non contre 10 oui et 2 abstentions.

Le président. Nous continuons notre débat. La parole est à M. Barbey.

M. Alexis Barbey (PLR). Merci, Monsieur le président. S'il y a une chose qui est assez stupéfiante, quand on est membre de la commission des pétitions, c'est de voir avec quelle régularité chaque commune du canton sollicitée pour accueillir un centre pour réfugiés trouve de bonnes excuses pour s'y opposer. Chaque fois, on est obligé de reconnaître qu'elle a l'impression de le faire dans le plus grand intérêt de ses communiers et qu'il serait difficile pour une commune de ne pas interjeter un recours auprès de la commission des pétitions contre l'installation d'un centre d'accueil de requérants d'asile. Le cas de Vernier n'est pas très différent. Ce qu'il a de différent, c'est qu'il s'attaque plutôt à l'infrastructure qu'au principe et que naturellement, à l'opposé d'une autre commune qui craignait l'arrivée de migrants hommes d'âge mûr et que ces hommes ne fondent sur les jeunes filles en train de s'entraîner au football dans la cour de récréation, ce n'est pas du tout le même principe à Vernier: on craint là que l'encadrement ne soit pas suffisant pour ces enfants et qu'ils soient un peu perdus. Il y a donc une espèce d'onction, de bienveillance autour de cette pétition.

Au PLR, nous avons longuement réfléchi à la question. Vous savez que même si nous reconnaissons cette crainte légitime de la part des communes, nous pensons quand même qu'il y a un intérêt général supérieur quant au fait d'accueillir dans les meilleures conditions possible les requérants d'asile. C'est pourquoi nous nous sommes abstenus lors du vote final sur cette pétition, laissant à l'Hospice général et aux autorités responsables le soin de s'occuper de définir les normes d'accueil les plus acceptables pour ces réfugiés d'une qualité particulière que sont les mineurs non accompagnés, qui seront accueillis, je pense, avec beaucoup de bienveillance par la commune de Vernier. Ainsi, nous nous proposons de nous abstenir sur cette pétition. Je vous remercie.

M. Jean-François Girardet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, le MCG est bien conscient que le Conseil d'Etat doit maintenant trouver des solutions; cela lui est imposé par la Confédération, nous devons remplir notre part dans l'accueil des réfugiés, en particulier des jeunes mineurs non accompagnés. C'est bien pour ça que les pétitionnaires se sont inquiétés de ne pas recevoir d'informations sur un projet dont ils avaient entendu qu'il était en train d'être monté par l'Hospice général, le Conseil d'Etat étant responsable de ce projet. La commune de Vernier, et notamment le maire, qui représentait le Conseil administratif et le Conseil municipal, avaient été surpris par ce projet. Une information a été donnée par la suite, et même après l'audition du maire qui s'inquiétait de recevoir 250 mineurs non accompagnés. Bien sûr, depuis, le projet a été réduit, il a été expliqué, transmis à la population et au Conseil administratif, des rendez-vous ont été organisés par le Conseil d'Etat pour informer de l'évolution de ce projet; mais nous pensons qu'il est tout à fait légitime que des pétitionnaires qui ont posé eux-mêmes les questions reçoivent eux-mêmes les réponses à ces questions, et notamment qu'ils puissent s'opposer au projet de recevoir à Vernier 150 mineurs non accompagnés, comme il est dit.

Aujourd'hui, on l'apprend, ce projet est en évolution. Mme von Arx a essayé de renseigner les députés en proposant le renvoi de cette pétition à la commission des affaires sociales: non, ce ne sont pas les députés qui doivent être renseignés sur une pétition, ce sont les pétitionnaires. Et dans ce but, pour qu'ils puissent recevoir les informations, il faut renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat qui, lui, pourra informer les pétitionnaires sur l'évolution du projet, et peut-être même les convaincre qu'il faut soutenir ce projet à Vernier, comme le MCG en est convaincu. Je vous demande donc simplement de renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. Soit M. Maudet pourra y répondre, soit M. Hodgers... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...qui est responsable des immeubles, soit M. Poggia, qui pourra répondre directement aux pétitionnaires et les convaincra avec tous les arguments qu'il a encore en poche. (Quelques applaudissements.)

M. Christian Frey (S). J'aimerais encore une fois rendre cette assemblée attentive à l'amélioration notable, absolument indispensable, que ce projet apporte dans l'accueil des RMNA. On se réfère...

Le président. Monsieur Frey, vous avez épuisé votre temps de parole.

M. Christian Frey. Alors acceptez le dépôt ! Je vous remercie.

M. Bertrand Buchs (PDC). Le parti démocrate-chrétien déplore le refus du renvoi en commission, car il y avait des choses à discuter à la commission des affaires sociales, surtout qu'on y discute déjà du centre de l'Etoile, qui accueille maintenant les mineurs non accompagnés. Clairement, dès le début du traitement de cette pétition, nous avons été interpellés par des membres de notre parti qui demandaient qu'on rediscute de la taille de ce centre. Il y avait un manque de réponses de la part des autorités, un manque de dialogue. Sur un sujet aussi difficile que celui-là, il faut absolument que tout soit clairement expliqué à la population, sinon, il y a des non-dits, des idées fausses qui peuvent fleurir, etc. C'était très important qu'il y ait un projet un peu mieux conçu que simplement de mettre 150 mineurs non accompagnés dans des locaux. C'est vrai qu'une solution est proposée, mais il faut que cet accompagnement soit fait d'une manière plus claire; c'est pour cette raison que nous avions l'idée de la commission des affaires sociales. Comme cela a été refusé, nous voterons le renvoi de cette pétition au Conseil d'Etat. Je vous remercie.

Le président. Merci, Monsieur. Monsieur Baertschi, votre temps de parole est épuisé. La parole est à M. Florey.

M. Stéphane Florey (UDC), rapporteur de minorité. Merci, Monsieur le président. Je suis content de voir que le PDC évolue dans ses positions et qu'il a compris l'importance du renvoi au Conseil d'Etat, ce qui apparemment n'est pas le cas de tout le monde ici. Car à quoi ce centre va-t-il servir, au fond ? Nous sommes dans l'expectative complète. Je vous rappellerai en plus qu'il y a quelques semaines voire quelques mois, la Confédération même a annoncé une large décrue des réfugiés en général et des mineurs non accompagnés en particulier. Il serait donc aussi judicieux que le Conseil d'Etat se penche sur le nombre de places de ce genre de centre, puisque finalement, quand il n'y aura plus de mineurs, qu'est-ce qu'on y mettra ? C'est justement ça que les pétitionnaires demandent, c'est pour ça qu'ils veulent des réponses.

Il y a un autre élément que j'ai trouvé assez surprenant, pour ma part: c'est quand le conseiller d'Etat est venu à l'audition et nous a dit: «De toute façon, nous sommes sûrs que nous allons accueillir ces jeunes de manière durable.» Mais que veut dire «de manière durable» ? D'abord, ce sont des mineurs. A partir de 18 ans... On peut déjà se poser la question: est-il judicieux de dire que ce sont des mineurs jusqu'à 18 ans, alors qu'à 18 ans, on est majeur ? Ce qui est réellement surprenant, c'est que nous avons appris en commission qu'en fait... (Le président agite la cloche pour indiquer qu'il reste trente secondes de temps de parole.) ...les mineurs, avant 18 ans, ne sont pas considérés comme demandeurs d'asile, ils le sont seulement à partir de la majorité atteinte. C'est à ce moment-là qu'ils font une demande officielle et c'est à ce moment-là que la Confédération statue sur leur devenir, pour savoir si réellement ils vont être accueillis de manière durable chez nous ou pas. Donc là-dessus...

Le président. Merci, Monsieur le député, c'est terminé.

M. Stéphane Florey. Je prendrai sur le temps de mon groupe qui n'a pas encore parlé, s'il vous plaît !

Une voix. Je crois que tu as déjà pris sur le temps de ton groupe.

Le président. Madame Klopmann, c'est à vous pour deux minutes.

Mme Sarah Klopmann (Ve), rapporteuse de majorité. Merci, Monsieur le président. A quoi ce centre va-t-il servir ? Il va servir à accueillir des jeunes, des enfants. Ce n'est pas parce que peut-être, éventuellement, il y aura un peu moins de personnes qui viendront ici chercher refuge qu'il faut s'arrêter de travailler. Déjà, s'il y a moins de personnes, ce n'est pas parce que la situation est en train de se régler de l'autre côté du monde, c'est juste lié à la pénibilité et à la difficulté pour venir ici en raison de toutes les lois immondes auxquelles nous participons - la Suisse, pas les Verts, évidemment. Ensuite, ce centre servira juste à accueillir des enfants qui actuellement sont soit à la frontière, soit dans la rue, soit dans le centre de l'Etoile qui est très problématique, soit disparus... (Commentaires.) ...donc oui, ce centre a toute son utilité, il faut accueillir les gens ici. Et oui, l'accompagnement doit être digne ! (Commentaires.) Ça, c'est vraiment ce qu'on doit faire, un accompagnement digne, un projet pédagogique valable, et je suis ravie que ces discussions commencent à se faire ici. Mais on ne peut pas lier cette pétition et cette discussion ! (Commentaires.) Quand on vit en Suisse, c'est une honte, clairement une honte, vu la manière dont nous vivons, nous, ici, d'accepter une pétition qui dit non à un centre d'accueil pour mineurs, pour des enfants. (Protestations.) Donc, s'il vous plaît, je vous demande vraiment, je demande surtout au PDC - et je vous garantis que nous allons avoir la discussion sur le projet pédagogique avec vous, nous la voulons aussi - de ne pas renvoyer cette pétition au Conseil d'Etat. (Vifs commentaires.)

Le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !

Mme Sarah Klopmann. M. Florey demandait que ce débat se fasse de manière sereine: la première des choses serait que tout le monde ne hue pas quand je parle, la deuxième serait d'arrêter d'attiser la haine et de renforcer les préjugés. Merci. (Commentaires. Quelques applaudissements.)

Le président. La parole est à M. Buchs pour une minute.

M. Bertrand Buchs (PDC). Merci, Monsieur le président. Ce sera très bref. Non, nous ne changerons pas d'avis... (Remarque.) ...c'est tout ! Nous voulons que dans ce projet, avec 120 jeunes qui entrent dans une telle structure, il y ait un projet pédagogique très bien fait; il faut en discuter, en parler, ce ne sont pas des choses... Nous, nous voulons défendre ces jeunes: c'est terrible d'arriver tout seul dans un pays qu'on ne connaît pas. Nous voulons les défendre, et nous voulons aussi rassurer la population. C'est pour ça que nous demandions le renvoi en commission. Vous ne l'avez pas voulu, alors nous demandons au Conseil d'Etat de faire ce travail, de rassurer la population. Je vous remercie.

M. Mauro Poggia, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, c'est toujours avec un plaisir non dissimulé que j'écoute un débat de haut vol, comme celui auquel nous avons assisté aujourd'hui. On a entendu beaucoup de choses. Bien sûr, on peut faire de la politique politicienne sur des sujets de société comme celui de l'accueil de mineurs non accompagnés. Il n'en demeure pas moins qu'à un moment donné, une problématique existe et qu'il faut donner une solution à cette problématique. Cette problématique est évidemment aiguë quand il s'agit de mineurs qui, dans leur très large majorité, voire dans leur quasi-totalité, resteront dans notre pays. Il faut donc organiser leur intégration, le plus vite possible, à travers un projet éducatif - non pas pédagogique, comme certains l'ont dit - pour faire en sorte que ces jeunes puissent rapidement acquérir une formation, quelle qu'elle soit, et devenir rapidement indépendants.

Je veux bien entendre régulièrement - cela devient caricatural - qu'il y a un manque de dialogue. Mais je pense qu'avant de dire qu'il y a un manque de dialogue, il faut peut-être connaître le dossier et savoir ce qui a été fait par l'Hospice général d'abord, par mon département ensuite, voire par votre serviteur aussi. Dans ce cas de Vernier, je vous rappelle qu'il s'agit d'un centre de 120 personnes, dont 90 jeunes. Les 30 autres personnes sont des membres de familles - nous avons constaté que la présence de familles, qui sont souvent issues des mêmes ethnies, est de nature à rassurer, à apaiser ces jeunes, et à maintenir un climat social acceptable. Nous parlons donc ici de 90 jeunes.

Ce dossier a connu dès le départ des épisodes qui m'ont, pour ma part, assez troublé, sachant que nous parlons ici d'une commune dont le Conseil administratif est à majorité de gauche, qui, donc, est par essence sensible - vous comprendrez le caractère particulier du terme que j'utilise - à cette problématique. D'entrée de cause, on vient nous dire qu'on n'a pas été informé, alors que l'Hospice général a rencontré à plusieurs reprises le Conseil administratif en lui indiquant quel était le projet, pour obtenir précisément le retour du Conseil administratif. La population en a vent, elle demande une réunion d'urgence à laquelle j'assiste, dans une salle communale bondée, avec en effet des esprits échauffés, en tout cas au départ, puis qui se calment lorsque le dialogue se fait. Le Conseil administratif brille par son absence, alors que nous sommes là précisément pour dialoguer. Le dialogue a lieu, nous expliquons le projet, nous indiquons aussi, avec l'Hospice général, que ce projet en est encore à ses balbutiements, qu'il doit trouver un consensus avec les autorités communales. C'est la première étape. Puis, nous discutons avec le Conseil administratif, je participe, et l'Hospice général poursuit ses démarches. Récemment encore, le service social de Vernier est mandaté pour régler avec l'Hospice général les derniers détails. Ceux-ci sont finalement réglés, nous attendons la finalisation d'un accord pour déposer la demande d'autorisation de construire - preuve que nous n'entrons pas en force sur ce projet. Et aujourd'hui, voilà qu'on vient nous proposer autre chose ! Parce qu'évidemment, compte tenu de la coloration politique dont je viens de parler, s'opposer n'est pas très bon; nous avons prochainement des élections, et comme nous savons que deux membres du Conseil administratif de la Ville de Vernier ont quelques ambitions tout à fait légitimes, on comprend qu'il s'agit de ne pas heurter une partie de la population. On nous trouve donc autre chose: il s'agit désormais d'intégrer ce projet pratiquement finalisé à un projet de démolition-reconstruction du complexe Nicolas-Bogueret, une fondation, comme vous le savez, de logements d'utilité publique, ce qui nous reporte à cinq ans au mieux. D'ici là, plusieurs élections seront passées et nous aurons oublié qui aura dit quoi.

Je ne peux pas accepter, en tant que responsable du département de l'emploi, des affaires sociales et de la santé, qui a la responsabilité de recevoir de manière digne des jeunes qui arrivent dans notre canton et qui lui sont attribués - jeunes qui seront amenés à devenir un jour des citoyennes et des citoyens de ce canton - je ne peux pas accepter ces tergiversations. Nous avons une réunion prévue le 25 avril, j'espère que nous allons finaliser ce projet, enfin. Tout cela pour vous dire: faites de ce texte ce que bon vous semble; si vous me le renvoyez, j'y répondrai. Je pense que, quoi qu'il en soit, mon département et l'Hospice général avons fait notre travail de manière tout à fait consciente et responsable. Nous continuerons à le faire. Je vous remercie. (Applaudissements.)

Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons d'abord nous prononcer sur les conclusions de la majorité de la commission, soit le dépôt sur le bureau du Grand Conseil.

Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition 1974 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 43 oui contre 35 non et 3 abstentions.