République et canton de Genève

Grand Conseil

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M 2190-A
Rapport de la commission des affaires communales, régionales et internationales chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Bertrand Buchs, Vincent Maitre, Guy Mettan, Jean-Marc Guinchard, Anne Marie von Arx-Vernon, Jean-Luc Forni, Olivier Cerutti, Martine Roset, Béatrice Hirsch : Repensons les zones franches
Ce texte figure dans le volume du Mémorial «Annexes: objets nouveaux» de la session II des 6, 7 et 24 avril 2017.
Rapport de Mme Isabelle Brunier (S)

Débat

Le président. Nous poursuivons avec la M 2190-A. Le rapport est de Mme Isabelle Brunier... qui prend la parole.

Mme Isabelle Brunier (S), rapporteuse. Oui, brièvement; merci, Monsieur le président. J'aimerais dire qu'au moment de la lecture de la M 2190 et de l'audition de son premier signataire, il s'était dégagé, en tout cas pour une partie de la commission, un certain enthousiasme. Cependant, celui-ci a été vite douché par les explications de M. François Longchamp, président du Conseil d'Etat, et il est vrai qu'en prenant la peine de lire ou de relire la Sentence arbitrale de Territet, à laquelle se réfère l'un des considérants, on s'aperçoit que cet accord, qui date de 1933, ne traite principalement que d'importations de produits zoniens, agricoles ou industriels, mais en aucun cas des travailleurs ou personnes, dont les conditions de travail restent soumises, même dans la zone, au droit du travail français, en l'occurrence, ou en tout cas aux droits du travail respectifs des deux pays concernés. On a également constaté que le «modèle», entre guillemets, de l'aéroport de Bâle, loin d'être idéal, est bien au contraire un motif de litige entre la France et la Suisse.

En conséquence, comme je l'ai écrit dans la conclusion de mon rapport, cette proposition présentée comme une piste innovante s'est finalement révélée une solution irréaliste et inapplicable, d'où le refus de la majorité de la commission. Nous vous demandons donc de suivre l'avis de la commission qui a tranché le sujet. Merci.

M. François Baertschi (MCG). Si on s'en tient au titre, le groupe MCG est tout à fait d'accord avec cette proposition de motion intitulée «Repensons les zones franches». Il est effectivement impératif de repenser ces zones franches, de leur donner une plus grande substance. D'ailleurs, on s'en est rendu compte avec l'affaire des Laiteries Réunies: on avait complètement oublié ces zones franches, on pensait qu'elles n'avaient aucune valeur, or on s'est aperçu à cette occasion que nous avons pu sauver, grâce à ce concept de zone franche, qui existe de manière séculaire autour de Genève, les Laiteries Réunies, parce qu'il y a une logique économique. Et c'est sur cette logique économique que devrait se construire la région, non pas sur un concept tout à fait artificiel, comme cela se fait actuellement, dans le cadre duquel on construit cette région et on voit que cela ne peut que nous conduire à l'échec. La bonne direction, c'est justement celle de ces zones franches.

Pour en revenir à cette motion - je serai très rapide - on parle malheureusement uniquement du droit du travail; alors je comprends et je félicite l'auteur de ce texte d'avoir fait cet essai, cette proposition, mais on arrive en quelque sorte dans une impasse, tout le monde s'en est rendu compte - en tout cas le MCG est arrivé à cette conclusion. Il faut repenser les zones franches, mais il faut les repenser différemment. Il faut véritablement conduire une réflexion sur ce sujet-là. Le MCG a lui-même mené une réflexion sur ce principe de zone franche, qui permettrait de résoudre le problème de la région et de la frontière, mais aussi le problème de l'économie, qui doit être élargie au niveau de Genève, mais de manière intelligente, et qui doit l'être d'une façon axée à la fois sur les traités, sur le bon sens et sur la dynamique économique que Genève et la région pourraient développer. Et nous avons également une particularité, au MCG, c'est celle de soutenir les mouvements qui, en Savoie - éventuellement dans le Pays de Gex - demandent une indépendance, une autonomie ou une souveraineté, parce qu'il y a une logique d'ensembles territoriaux dans notre région, qui pourraient tout à fait avoir leur autonomie, qui sont en droit d'avoir leur autonomie, pour des sujets qu'on a déjà abordés, mais aussi pour des raisons que l'on va développer ultérieurement. Donc, oui, repensons les zones franches, mais je suis désolé, nous ne pourrons malheureusement pas approuver la motion du député Buchs - vous lui transmettrez, Monsieur le président - même si nous le félicitons d'avoir relancé le débat dans cette direction.

M. Bertrand Buchs (PDC). Monsieur le président, vous transmettrez à M. Baertschi que je ne suis pas désolé ! Le titre de cette motion, «Repensons les zones franches», est important. Si les zones franches existent, c'est qu'il y a un besoin, une nécessité. En effet, le canton de Genève a été créé de toutes pièces et ne correspond pas à grand-chose au niveau géographique. On a donc créé des zones franches, qui étaient même beaucoup plus grandes à une certaine époque, puisqu'elles s'étendaient quasiment jusqu'à la frontière du canton du Valais. Actuellement - et ça pourrait faire l'objet de tout un débat - le canton de Genève ne peut plus se développer, il devient trop petit. Alors si nous voulons continuer à avoir des emplois, à loger notre population et à amener un bien-être économique aux gens qui y vivent, il faut repenser notre façon de nous développer, or il y a des zones où on peut se développer, ce sont les zones franches.

Ce que je demande dans cette motion, c'est de repenser à une autre utilisation de ces zones franches, de mener une réflexion. C'est une proposition de motion, ce n'est pas un projet de loi ! Il n'y a aucune obligation, mais au lieu de nous vendre des projets du Grand Genève, qu'on vienne au moins avec une réflexion au niveau du Conseil d'Etat, une réflexion sur la façon de développer le canton de Genève et la région. Vous savez qu'il y a des problèmes de transport, que les gens font chaque soir des heures de queue pour rentrer chez eux; si on développe des zones industrielles dans les zones franches, ça permettra aussi d'alléger énormément les problèmes de transport, parce que les gens n'auront pas à faire des kilomètres pour aller travailler dans l'industrie.

Quant à l'exemple de Bâle, je m'excuse mais il tombe mal ! En effet, il y a eu dernièrement un accord entre l'Etat français et la Confédération helvétique, lequel réinstaure la situation antérieure en permettant de nouveau à la Confédération helvétique d'avoir à l'aéroport international de Bâle-Mulhouse des zones sous droit suisse, afin de recréer des emplois, puisque vous savez que quand le gouvernement français a décidé d'interdire d'utiliser comme on le faisait l'aéroport de Bâle, 5000 emplois ont été perdus du jour au lendemain. Ils sont par conséquent revenus en arrière, ont renégocié et ont accepté de refaire ce qui se faisait auparavant. Donc c'est possible ! Et il est intelligent d'aller discuter avec le gouvernement français pour savoir ce qu'on fait de ces zones franches. La seule proposition que nous formulions était la suivante: on a ces zones franches, on en parle tout le temps, on l'a évoqué pour le problème des Laiteries Réunies, alors essayons d'être un peu inventifs en politique, essayons de trouver une solution, or la réponse consiste à dire que ce n'est pas possible... Mais en politique, ce n'est pas une réponse de dire que ce n'est pas possible ! Je vous remercie.

M. Bernhard Riedweg (UDC). Genève a fait comprendre avec insistance à la Confédération que les zones franches fonctionnent depuis des générations, notamment dans le secteur industriel tel que le traitement du lait, et qu'elles ont un statut historique qui découle d'une concession faite à l'époque. Il est possible de développer des zones industrielles dans les zones franches avec un statut spécial qui profite du label Swissness.

Il s'agit d'un ruban de territoire de deux ou trois kilomètres, ce qui correspond à peu près à un tiers du canton de Genève, soit 190 kilomètres carrés. La zone franche autour de Genève concerne des produits qui ne sont pas soumis aux taxes habituelles lors de leur importation en Suisse. Ces importations sont évaluées à 38 millions de francs suisses, alors que la totalité des importations à Genève se monte à 15 milliards. C'est un périmètre qui appartient à la France et qui jouit d'un accord douanier particulier.

Il reste cinq producteurs de lait à Genève, lequel provient également de France voisine et de Suisse, des approvisionnements indispensables pour les Laiteries Réunies qui sont devenues une quasi-institution. Faut-il rappeler que les questions d'échanges industriels ont été réglées par l'Organisation mondiale du commerce, ce qui a beaucoup affaibli la portée des zones franches ? Si ces zones franches ne se sont pas développées, c'est en raison du manque d'infrastructures qui n'a pas séduit les investisseurs.

Entre le début et la fin de l'étude de cette motion, la commission a accepté le RD 1105 et la R 799 qui lui était liée, et il en a résulté que cette M 2190 est devenue irréalisable en l'état. C'est finalement une fausse bonne idée, qui a été rédigée sous le coup de l'émotion au lendemain du vote du 9 février 2014. L'Union démocratique du centre refusera donc ce texte. Merci, Monsieur le président.

Le président. Merci, Monsieur le député. La parole n'étant plus demandée, nous allons nous prononcer sur cette proposition de motion. Je rappelle que le rapport de commission préconise le rejet de ce texte.

Mise aux voix, la proposition de motion 2190 est rejetée par 28 non contre 21 oui et 8 abstentions.